An 7 de l'ère d'obsidienne, mi-Septembre.

Après un long moment, d'errance sans trop savoir où elle allait, sans savoir quoi faire, avec pour seule compagne sa solitude. Se sentant abandonnée, comme toujours, alors pour se donner un peu de courage, elle avait décidé de se rendre chez elle, à l'issue d'un long moment d'errance, dans l'espoir de retrouver des choses à emmener avec elle.

Sinestra avait même erré un peu en ville, elle ne voulait pas rentrer directement, mais sa jambe la faisait souffrir, et elle du se résoudre à passer la porte de la demeure qui tombait en ruine, comme elle s'y attendait. Le lustre de la salle d'entrée était explosé par terre, elle baladait un regard sombre dans la pièce, il n'y avait pas non plus de fenêtres intactes. Elle aurait aimé être n'importe où, mais pas ici. D'autant plus que l'endroit avait l'air d'avoir été pillé.

Mais, elle ne savait pas quoi faire maintenant, elle frémissait en s'avançant dans la bâtisse, n'aimant pas du tout cet endroit, il ne lui inspirait que des mauvais souvenirs.

Elle aurait pu chanter et danser sa tristesse, mais l'envie l'avait quitté depuis bien longtemps, elle frémissant en sentant le contact de ses pieds nus sur le marbre noir de l'escalier.

Elle finissait par s’asseoir s'appuyant les coudes sur ses genoux pour soutenir sa tête avec ses mains, dans une mimique enfantine et boudeuse, elle réfléchissait. Ne pouvant faire marcher arrière maintenant qu'elle y était. Elle aurait pu monter à l'étage pour voir s'il n'y avait pas une bouteille qui restait, au moins il y aurait eu un peu de soleil dans cette journée grise.

Elle observait la femme, attentivement, elle était très belle, mais il y avait quelque chose d'insidieux en elle, mais elle n'arrivait pas à dire quoi, néanmoins par politesse, elle se levait et s'inclinait poliment, comme elle semblait être d'une classe plutôt aisée. Néanmoins, elle n'affichait qu'un simple sourire de convenance, froid comme à son habitude. Oubliant même de cligner des yeux quand elle détaillait la belle inconnue, plutôt mal à l'aise à vrai dire.

Sinestra avait fui son passé pendant de longues années et au moment d'essayer de chasser définitivement ses fantômes et voilà qu'il revenait au galop, elle jetait un regard froid à la pièce, comme si elle en voulait.

- Je n'ai pas le souvenir de votre personne, vous êtes ? Elle regardait ailleurs, dans une attitude de soumission, le regard vers le bas. Je n'ai rien de prodige, je ne suis qu'une humble artiste. Prenez ce qu'il vous plaira, je n'ai plus rien à voir avec cette famille.

Malgré la méfiance, sa voix était plutôt douce, elle avait tout intérêt à ne pas mettre la femme en colère, elle ignorait tout d'elle et elle savait que pour peu que la personne qu'elle avait en face sache se battre, c'était couru d'avance. Puis elle décidait de tenter de s'éclipser, tâtant le terrain pour voir si la femme était une menace ou non. C'est donc sans se douter qu'elle s'avançât en direction de la portée d'entrer, boitant légèrement comme à son habitude.

Elle n'était pas très vaillante seule, voilà donc pourquoi elle optait pour la lâche fuite, toute cette histoire ne lui disait rien qui vaille, un ange aux cheveux de neige, et un air charmeur en prime, un cocktail détonant. Se contentant de baisser les yeux en passant à côté d'elle.

Sinestra ne se rendit pas vraiment compte du piège qui se refermait sur elle, elle vivait dans un monde de rêve où même les vampires pouvaient être gentils, même plutôt délicats. Alors comment aurait-elle pu deviner que la jeune femme qui se trouvait près d'elle, l'air aussi délicat, était une vampire et pas forcément la plus fréquentable ?

Non, elle n'aurait jamais pu s'en douter, bien entendu, et même lorsque la femme la proposait de l'héberger quelque temps, elle levait soudainement les yeux. La seule chose qui l'importait réellement était de ne plus être seule, d'avoir juste une personne à ses côtés. Elle avait été bien trop souvent seule, maintenant elle n'en pouvait plus.

Des esprits dans la demeure familiale ? C'était plutôt ironique quand on savait que les Azura, n'étaient pas des grands croyants.

Elle n'avait été qu'un paquet qu'on se donnait de main en main, puis qu'on abandonnait aussi vite, rien d'étonnant à présent qu'elle se jetait presque sur la première personne qui lui semblait sympathique. Et elle n'y réfléchit pas bien longtemps. S'arrêtant immédiatement à sa proposition, touchée en plein cœur par la bonté de la vampire, son instinct de conservation disparu dans la foulée.

- Merci de votre bonté, madame. Et ce regardant dans la direction de la femme, mais le regard bas.

Le piège se refermait lentement sur elle et elle n'en avait même pas conscience, son manque de méfiance et ses prises de risques étaient généralement ce qu'on lui reprochait le plus. Elle avait toujours été prête à se jeter dans les bras de quiconque faisait preuve de gentillesse avec elle, en ayant déjà payé le prix une fois. Et il n'y aura pas toujours quelqu'un pour la sauver.

Comment aurait-elle pu se douter qu'elle fût dans un piège habillement mené ? Non, elle n'aurait pu jamais se douter que cette femme au visage d'ange pût être une personne avec aussi peu de scrupule, à toucher à l'innocence elle-même ? Et puis quand bien même.. Elle préférait se faire tromper plutôt que d'être méfiance à l'égard de tous.

Elle ne se rendait pas vraiment compte du regard de la vampire posé sur elle, et pourtant d'ordinaire, elle n'appréciait pas vraiment ça. Son manque d'instant de conservation était plutôt étrange surtout au vu de ce qu'elle avait vécu. Elle aurait été un oiseau, elle se serait envolée en direction des nuages, elle aurait été un cheval, elle aurait détalé à toute vitesse, ou elle aurait été un tigre et se serait battu pour sa vie. Mais elle n'était qu'une petite humaine, une humaine qui avait un cruel besoin d'attention.

Et voilà que les paroles de la vampire lui mettaient les larmes aux yeux, même si ce qu'elle prenait pour de la bonté et de la bienfaisance n'était en fait que l'ouvrage des charmes de la femme.

- Merci.. Elle bafouillait un peu, mais trouvait la force de s'incliner poliment.

Sinestra tombait tête la première dans ce piège, et elle n'avait même pas hésité une seule seconde, comment sous un visage aussi angélique pouvait se cacher une des pires créatures ?

Mais à présent, il était trop tard pour fuir, elle observait assez longuement la personne qui se trouvait près d'elle, inconsciemment, elle aurait été prête à tout pour ne pas décevoir la femme et elle n'avait pas vraiment besoin de magie pour cela. Elle serait tombée dans les pièges tout autant et pire nul doute qu'elle en redemanderait.

Lentement, surement, le piège se referma, l'innocente ne pouvait pas se rendre compte de la perfidie de l'enfant qui lui faisait face. Comment aurait-elle pu se rendre compte de tout cela ? Elle était innocente et elle l'avait toujours été et puis qui irait faire du mal à une enfant ?

Grave erreur, grave erreur, elle se trompait mais de loin, ou plutôt se refusait-elle de se méfier ? C'était une idéaliste, elle rêvait de vivre dans un monde en paix où personne ne ferait le mal. C'était irréaliste mais elle tendait vers cette idée.

Mais quand elle se trouvait contre l'enfant-femme, toute trace de méfiance et de prudence s'éloignait totalement, elle se sentait bien comme ça, elle n'hésitait pas à serrer la jeune fille contre elle, elle ressentait un besoin cruel de l'épargner et de la protéger. Elle n'avait même pas remarquer l'homme qui épiait la scène et au fond elle s'en moquait.

Puis elle laissait l'étrangère respirer, s'éloignant de quelques pas, puis glissant son regard sur l'intérieur de la bâtisse, elle trouvait l'endroit étonnement reposant maintenant qu'il avait été pillé, et le peu de lumière entrant de le bâtiment donnait une atmosphère magique à l'endroit.

- Je n'ai aucune raison de te craindre. Comment pourrait-elle se méfier d'une enfant ? Comment aurait-elle pu deviner que derrière ce visage enfantin se cache une vampire avec de sombres projets. En vérité, je suis plutôt une danseuse, je chante un peu aussi.

En réalité, elle aurait pu suivre cette femme, n'importe où, elle n'avait qu'à le demander et déjà elle était prête à la suivre alors qu'elle ne la connaissait même pas. L'inconnue n'avait qu'à lui demander.

En réalité, elle ne vouvoyait que très peu de personnes, les nobles très haut placés ou les personnes auxquelles elle vouait un respect sans bornes, et malheureusement, elle ne connaissait pas encore assez la jeune fille, qui semblait tellement plus jeune qu'elle ! Comment aurait-elle pu penser à se méfier ! Encore à présent malgré les multiples avertissements de la vampire, Sinestra restait là à boire ses paroles comme si elle avait dit qu'elle aimait bien les oiseaux !

Pourquoi son esprit ne s'éveillait pas sous cette nouvelle menace même pas dissimulée ? Elle aurait dû fuir, s'enfuir à toute jambe, peut-être que cette personne ne l'aurait pas poursuivie ? Quant à l'autre personne dans l'ombre la jeune humaine ignorait même jusqu'à sa présence. Et pourtant, elle n'était pas totalement sans défense, elle avait Grisaille avec elle, mais il ne lui prenait pas l'envie de la tirer de son fourreau. Et puis elle avait bien peu de chance de sortir victorieuse.

Quand bien même l'humaine était, d'ordinaire, facilement influençable, son esprit était totalement hermétique aux avertissements, même son instinct de conservation semblait s'être tapi dans l'obscurité, de peur ou peut-être était-ce à cause d'une magie quelconque ? Mais cela, elle ne pouvait pas vraiment le savoir.

Sinestra levait timidement les yeux vers la jeune fille, mais les baissait immédiatement avait d'arriver à ses iris rouges, elle n'avait pas l'habitude de regarder les gens dans les yeux, elle n'y arrivait juste pas, sans trop vraiment savoir pourquoi, restant bloquée dans une attitude de soumission.

- Je n'ai pas vraiment peur de l'obscurité, j'ai plutôt l'habitude de vivre la nuit ou au petit matin, de par ma profession. Elle était plutôt curieuse à l'égard de la demoiselle. Elle l'aurait suivi de toute façon, de gré ou de force, mais rien que le fait d'avoir quelqu'un qui s'intéressait à elle lui était agréable.

La jeune humaine ressemblait énormément à sa mère, elle avait les mêmes cheveux noirs et la même peau pale, ainsi que cette beauté froide nullement vulgaire et la dignité si naturelle propre aux Azura, mais elle avait un regard gris acier qui tranchait un peu avec l'air enfantin de Sinestra, les yeux de son père. Lorelei ne se serrait probablement pas fait avoir par les charmes de la vampire, elle était bien plus prudente que ça, mais maintenant qu'elle était morte tout cela n'avait plus aucune importance. Morte assassinée pendant l'invasion alayienne, laissant sa fille unique qu'elle n'avait jamais voulu seule au monde.. Elle se souvenait encore de cette scène et de tout ce sang..

Elle avait ensuite échappé à la vigilance des serviteurs de sa famille, et puis elle avait en quelques sortes disparu jusqu'à l'hiver dernier où elle a emménagé à Estellin.. Entre-temps, il s'était bien trop passé de choses pour vous en faire part ici.

Sinestra ne savait pas vraiment quoi faire quand la jeune fille posait sa main sur son bras, elle qui était si pudique de nature et peinait à supporter le contact des autres, hormis quelques élus. Les rares contacts physiques qu'elle avait subis avaient été soit pour guérir sa blessure soit ceux de soûlards au fond des tavernes où elle chantait de temps à autre. Mais parfois, c'était un contact plutôt agréable.

- Oui, allons-y. Et puis de toute manière, elle n'avait nulle part où aller et personne qui l'attendait à la maison, c'était ainsi.

Si elle avait eut conscience qu'elle tomberait dans un piège aussi grossier, bien entendu qu'elle aurait luté, bien entendu qu'elle se serait battue, mais le maléfice était bien plus fort qu'elle, elle ne pouvait rien contre lui et plongeait presque dans une infecte mer noir d'encre et avec le sourire. Sans même se poser de question, elle aurait pu tirer sa dague, mais elle n'en avait même pas envie, elle aurait ou hurler, mais elle n'en avait pas le courage..

Elle ignorait totalement ce qu'elle devrait faire pour rembourser cette dette dont elle n'avait même pas la connaissance, ni même combien cela lui coûterait. Elle plongeait tête la première dans un monde dont elle ignorait l'existence. Peut-être même qu'elle n'y survivrait pas. Peut-être.. Pas assez de réponses.

Beaucoup trop de questions qui ne se bousculaient pas du tout dans sa tête, qu'elle aurait dû se poser avant de suivre aveuglément cette jeune fille, ignorant même sa nature.

J'ai un ami qui préfère la nuit au jour, ça ne m'a jamais vraiment dérangé. Je travaille bien plus souvent la nuit. Les tavernes étant rarement remplie la journée, c'était bien plus intéressant d'y officier la nuit, même si c'était plus risqué aussi. Son raisonnement se tenait donc.

Elle suivait l'enfant sans aucune hésitation, produisant un agréable tintement à chaque pas, prenant place dans le carrosse, se faisant toujours aussi petite, elle était d'un naturel timide avec les étrangers.

Je suis une pacifiste, je n'aime pas la violence, il y a des solutions bien plus agréables que la guerre, il suffirait de se parler pour régler beaucoup de problèmes. Si le monde était idéal peut-être cela marcherait, hors ce n'était pas vraiment le cas.