Début Décembre de l’an 7 de l’âge d’obsidienne

Les pâles lueurs de l’aube coloraient le firmament hivernal de teintes rosées et d’une blancheur éburnéenne. La forêt encore ensommeillée résonnait du pépiement des oiseaux et des cris des animaux sauvages. Ce lieu isolé semblait si paisible qu’un voyageur égaré aurait pu y chercher le recueillement, sans se douter de la tourmente qui embrasait désormais le continent.

Ilyanth tentait de se frayer un chemin à travers les entrailles sylvestres, se repassant mentalement le film des derniers événements. Les chimères, ces créatures maléfiques, issues du plan astral, avaient fait leur réapparition suite à la rupture du contrat originel. Après la mort des esprits, les Armandéens étaient devenus les seuls maîtres de leur destinée, mais une terrible erreur avait été commise, provoquant la déferlante chimérique. Ces dernières avaient entrepris d’envahir Armanda en s’emparant du corps des individus afin de les utiliser comme des réceptacles et des pantins dénués de la moindre volonté. Le chantefeu lui-même en avait fait la sinistre expérience et un frisson lui parcourut l’échine à la pensée de sa récente possession. Fort heureusement, il était parvenu à échapper à l'emprise de la chimère et à retrouver la pleine conscience de lui-même.

En l'espace de quelques semaines tant d’événements s'étaient déroulés qu'il en avait le tournis et sentait que son existence en serait changée à jamais. Suite à l’attaque du domaine Baptistral par des chimères, Ascheriit, un jeune apprenti, avait été enlevé et l’elfe s’était rendu jusqu’aux confins des terres désolées pour le retrouver. Là-bas, celui-ci avait fait la connaissance d’autres aventuriers, désireux de trouver un moyen de combattre les chimères afin de rétablir l’équilibre à Armanda.
Afin de mener à bien cette quête, ô combien périlleuse, le groupe d’aventuriers se rendit dans le plan astral où ils découvrirent de mystérieuses ruines appartenant jadis aux esprits. A n’en point douter, celles-ci recelaient d’innombrables secrets et peut-être la clé qui leur permettrait de venir à bout de la menace chimérique.

Le maître Baptistrel l’espérait de toute son âme et c’est sur ces sombres pensées qu’il quitta la forêt et s’achemina en direction de la cité d’Aldaria, dont les murailles, auréolées de brume, se profilaient à l’horizon. Avant de regagner le havre de paix et de félicité que constituait le domaine Baptistral, l’elfe chanteur comptait faire escale dans cette cité humaine et en profiter pour la visiter. Ilyanth qui avait passé la majeure partie de son existence au sein du domaine Baptistral désirait ardemment visiter l’ensemble du continent et découvrir les villes humaines, hélas il déplorait que cette découverte se fasse dans d’aussi lugubres circonstances.

A l’instar des autres cités humaines, la capitale du Royaume d’Aldaria était sur le pied de guerre et avait renforcé ses hautes murailles afin de se préparer à des sièges et des assauts futurs émanant de leurs ennemis. Le Chantefeu remarqua la présence accrue de gardes et de soldats vêtus d’armures rutilantes et solidement armés, ce qui le fit tressaillir en raison de sa phobie des armes et de son dégoût de la guerre.

Ce dernier observa également de nombreux réfugiés, originaires des villages et des bourgs du Royaume ; ceux-ci formait une file interminable et se massaient devant les murailles de la Cité, faisant l’objet d’une inspection sévère avant d’être autorisés à pénétrer dans l’enceinte d’Aldaria.

En raison de son statut de Cawr Ilyanth reçut rapidement la permission d’entrer dans la ville afin d’y prodiguer ses services de soigneur. En effet, au cœur de la ville, désormais surpeuplée, se trouvaient de nombreux malades ou des individus estropiés lors des combats, aussi les pouvoirs d’un Baptistrel étaient plus que bienvenus.

Dès son arrivée, le chanteur se mit à l’ouvrage et se rendit dans un hospice où son chant ardent cicatrisa d’innombrables plaies. Puis après plusieurs heures de soin, le maître barde décida de se reposer et d’en profiter pour visiter Aldaria.

Malgré l’atmosphère pleine de gravité qui pesait sur la cité, les habitants tentaient de garder le sourire et de poursuivre leurs activités habituelles. Ilyanth marchait calmement à travers les ruelles de cette ville dédiée à la magie, à l’architecture au charme envoûtant, bien que radicalement différente de la sobriété qui régnait au sein du domaine Baptistral.

Les pas du Cawr le menèrent jusqu’au marché et celui-ci se fraya un chemin à travers la foule populeuse, examinant avec curiosité les échoppes des marchands. Pourquoi n’en profiterait-il pour acheter un souvenir de son passage à Aldaria ?

Les prunelles aigue-marine de l’elfe se posèrent sur les divers objets disposés à la vue des chalands, quêtant l’une ou l’autre babiole digne d’intérêt. C’est alors qu’il aperçut une fillette à la chevelure d’un noir de jais, vêtue pauvrement d’une robe rapiécée et occupée à observer des figurines de bois représentants des personnages d’un réalisme saisissant. Celles-ci se trouvaient disposées sur un tapis, à la vue des passants. D’autres sculptures de bois représentaient des animaux tels que des vaches et des cochons et même une ferme, un moulin en bois, des carrioles tirées par des chevaux et Ilyanth lui-même se perdit dans la contemplation de cet univers miniature.

Puis le Baptistrel leva les yeux des sculptures, cherchant l’artisan qui avait réalisé de tels objets et qui devait à coup sûr être très habile de ses mains. Son regard d'azur et d'émeraude croisa celui d’un vieil homme à la chevelure d’argent et au visage raviné et l’elfe esquissa un sourire avant d’exécuter le salut Elfique :

- Je vous salue messire, mon nom est Ilyanth Neolenn et je suis un maitre baptistrel. Est-ce que c’est vous qui avez réalisé ces sculptures de bois ?

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