Après avoir conversé avec Harthea, Orfraie était retournée au camp. Elle avait affirmé, lors de leur petite réunion, veiller sur Aurélie et s'était donc préoccupée de savoir où elle se trouvait. Une fois cela fait, l'Elfette s'était de nouveau éloignée du camp. Tirith n'était pas une solitaire, mais en cette nuit la tranquillité était un plaisir rare qu'il était nécessaire de savourer à sa juste valeur. Accompagnée par Arphen, la générale s'était donc éloignée du camp. Son armure noire se confondait dans le paysage et seule la présence du husky à ses côtés permettait de la repérer, à condition de faire attention. Si elle avait vraiment voulu passer inaperçue, peut-être aurait-elle utilisé l'enchantement de son armure pour se rendre invisible… Mais cela pompait de l'énergie et Orfraie préférait garder ses réserves intactes.

La lune offrait une certaine visibilité aux Hommes. D'un point de vue Elfique, s'était donc parfait pour effectuer une surveillance. Sans jamais baisser les yeux vers ce qu'elle faisait, Orfraie ouvrit la sacoche qu'elle portait à la ceinture et en sortit une longue vue. L'avantage de la plaine était de n'offrir que peu d'abri, si ce n'est quelques bosquets, à d'éventuels attaquants… Bien que cela soit un désavantage pour le convoi. Toutefois, leur troupe était massive et la surveillance suffisamment élevée pour prévenir tout danger. En théorie. La multi-centenaire déplia donc la longue vue dorée et scruta les environs. L'obscurité latente n'offrait pas les meilleures conditions, mais c'était mieux que rien …

Après quelques instants, Tirith replaça l'objet elfique dans sa sacoche des ombres, puis posa son regard sur Arphen. Ce dernier avait le nez levé et humait l'air, à la recherche d'odeurs inconnues, signes de potentiels dangers. Un éclat de voix fit dresser les oreilles au husky, qui se tourna en même temps qu'Orfraie vers le campement. Celle-ci reconnut la voix de Christian. Qu'avait-il donc à geindre cette fois-ci ? La princesse n'oubliait pas les propos qu'il avait tenus plus tôt dans la journée…

Toutefois, les paroles de l'Alayien vinrent ébranler l'Elfette, qui haussa un sourcil inquisiteur. Était-il réellement en train de revenir sur sa parole ? De reconnaître les compétences des elfes et la nécessite de coopérer ? Quel étrange comportement Pensa Orfraie en observant la silhouette massive quitter le camp et se diriger vers elle après un temps d’arrêt. Que lui voulait-il ? Avant qu'il ne soit trop proche pour remarquer qu'elle était tournée vers lui, la rôdeuse se remit à scruter l'horizon, les mains jointes dans le dos. Elle sentait le bas de son armure – qui protégeait ses jambes - bouger légèrement, portée par le vent. Il en était de même pour les quelques mèches qui s'échappaient de ses tresses.

« Vous avez entendu ce que j'ai dit je suppose. » Évidemment. Et évidemment, elle l'avait entendu arriver de loin. Weren était particulièrement bruyant avec son armure, beaucoup plus pour un Elfe que pour un humain et encore plus pour Orfraie dont l'ouïe était particulièrement fine grâce à son totem. L'Elfette demeura toute parfaitement silencieuse tandis qu'Arphen humait l'Alayien. Ce dernier reprit la parole et s'excusa. Cela eut réellement le don d'étonner Orfraie cette fois-ci. Ce furent ses deux sourcils qui se soulevèrent tandis qu'elle se tourna d'un bloc vers Christian. La nuit et la lune faisait paraître l'Alayien bien plus impressionnant que d'ordinaire, mais pas de quoi faire tressaillir la générale. Elle le toisait de haut, le dépassant de dix bons centimètres. Dans son regard aigue-marine, Christian pouvait sans nul doute voir tout le ressentiment qu'elle avait à son égard. Cette face à face s'éternisait lorsque la générale brisa enfin le silence. « Christian Weren s'excuse… Par Dracos, ce jour est à marqué d'une pierre blanche. » Fit-elle avec une ironie mordante. Elle poursuivit quelques instants plus tard en ramenant ses bras sur sa poitrine. « Quelque chose me dit que ce n'est pas sans une excellente raison. »

Tirith ne cherchait pas spécialement à se montrer intimidante. Elle avait compris depuis longtemps qu'il était difficile d'effrayer l'Alayien. Non, sa posture lui servait surtout à marquer son agacement vis-à-vis de Christan, en plus du fait qu'elle ne souhaitait pas spécialement lui parler pour le moment. « Profites-en car je ne compte pas recommencer de sitôt. » L'elfette demeura impassible. C'était de bonne guerre…

Orfraie avait envie de planter l’Alayien là et de repartir vers le camp. Après tout, rien ne l’obligeait à l’écouter temps que cela n’avait pas à voir avec la mission en cours…Toutefois, ce dernier lui coupa l’herbe sous le pied en évoquant une affaire ayant à voir avec son peuple. De quoi pouvait-il bien parler ? La Rôdeuse fronça les sourcils, attendant la suite. Elle demeurait toutefois sur la réserve et ne comptait pas prendre les paroles de Weren pour argent comptant. De quoi pouvait-il bien parler … ?

Puis il donna enfin un nom. Orfraie comprit immédiatement le problème, ou du moins ce qu’il était en train de lui proposer. Ainsi, elle était vivante et l’Alayien était parvenu à la débusquer à Fortuna ? Après avoir quitté le Royaume Elfique elle s’était rendu à la ville humaine la plus proche ? C’était fou. A sa place, Orfraie aurait fui le plus loin possible, surtout avec l’aide d’un dragon … Même si restait si proche de l’ennemi était également une stratégie : Personne n’avait pensé aller la chercher là-bas… Cela avait dû être un pari risqué. Pendant un instant, la Rôdeuse fut admirative, mais son regard redevint bien sombre assez rapidement. Kalÿna méritait la mort. Une mort atroce, si cela était possible. Elle avait fait trop de mal.

L’Alayien reprit. Il lui proposait donc de s’allier durablement jusqu’à la débusquer, séparer sa tête de son corps et l’apporter à Aegnor. C’était tentant, Orfraie devait l’admettre. Toutefois, l’idée de devoir supporter Christan, combien même il rendrait un servir à son peuple et combien même Tirith pouvait être patiente… A la longue, elle savait très bien que sa patience s’élimerait en la compagnie de l’Alayien si ce dernier s’évertuait à la titiller, quitte à ce qu’elle en vienne aux mains à un moment ou un autre… De plus, sa confiance en lui était toute relative et s’ils traquaient Vallaël ensemble, elle devrait être capable de mettre sa vie entre les mains de Weren sans crainte. En somme, ce n’était pas gagné.

« Il se pourrait que je sois intéressée. Toutefois, quelques questions me viennent. La première : Pourquoi une telle haine envers elle ? La seconde : Sera-tu capable de mettre ton sale caractère de côté pour devenir quelqu’un de supportable le temps de cette coopération ? » Demanda-t-elle sans manquer d’hausser un sourcil inquisiteur.

Pour Orfraie, les choses étaient claires : Elle aiderait Christan si ce dernier montrait pattes blanches et s'il était capable de mettre ses piques et autres remarques au placard. L'Elfe était une personne patiente, mais celle-ci avait tout de même une limite. Et Weren semblait plutôt doué pour pousser Tirith vers celle-ci…

Le sourcil doit haussé, Orfraie observait Weren. Elle attendait que ce dernier lui donne quelques explications, combien même cela était pénible pour l'Alayien. Ce dernier fit toutefois une remarque qui ne manqua pas d'étonner la guerrière. Cirer les écailles d'un dragon ? Rien que cela ? Cela signifiait que l'Alayien tenait plus que tout autre chose à tuer Kalÿna… Et il était prêt à mettre sa fierté de côté pour pouvoir y arriver dans les meilleures conditions possibles. Son ton, emplit de haine, ne laissait finalement aucun doute sur sa détermination à tuer la traîtresse elfique.

Toutefois, Tirith comptait bien obtenir d'autres informations, elle n'allait certainement pas se contenter de ce qu'il venait de dire. C'est à ce moment que l'Alayien reprit la parole, le ton de sa voix faisait clairement comprendre à Orfraie qu'il ne reculerait devant rien pour venger cette mystérieuse personne. Était-ce une femme ? Un amour ? Un ami ? Christan était une véritable énigme pour l'Elfe, qui l'observait sans rien dire. Ou plutôt, elle gardait son regard plongé dans le sien, à défaut de pouvoir voir son visage. En toute légitimité, Orfraie aurait pu pousser son interrogatoire plus loin pour tenter d'en savoir davantage, mais elle ne tenait pas à braquer le colosse. S'ils faisaient équipe, elle allait avoir le temps de poser ses questions et tenter d'en savoir plus.

Finalement, il lui demanda si elle était d'accord. Pendant un instant, Orfraie se posa la question. La traqua de la traîtresse ne lui posait pas de problème à dire vrai, mais elle avait d'autres obligations… des obligations qui la forçait à rester près de son royaume… Toutefois, en prenant ses dispositions avec son second, il lui était possible de partir à la chasse avec l'Alayien, d'autant plus si c'était pour capturer une elfe extrêmement dangereuse déjà condamnée à mort. Finalement, au bout de quelques secondes seulement, l'archère offrit son avant bras à l'Alayien. S'il le saisissait, elle même refermerait ses doigts sur son avant bras métallique et alors ils seraient engagés l'un envers l'autre.

« Je connais sa réputation. Il me semble l'avoir côtoyé quelques fois par le passé. Elle a environs cinq cent ans. La prêtresse blanche, voilà comme nous l'appelons. Dis moi comment cela s'est passé entre vous à Fortuna. »

Demanda Orfraie en reprenant son bras. Elle posa négligemment sa main gauche sur la garde de son épée, le fourreau de celle-ci battant son flanc gauche. Le saphir incrusté dans le pommeau semblait luire, même dans l'obscurité.

La chasse était ouverte, effectivement… Et si on avait dit à Orfraie qu’elle partirait en traque avec un alayien, quelques années plus tôt elle aurait ri au nez de l’imbécile. Mais aujourd’hui elle venait de donner sa parole à Christian, allant contre tous les pronostiques possibles. Et la rôdeuse n’avait qu’une parole… elle comptait donc bien aider l’alayien dans sa vengeance. Ce pas vers lui, elle le faisait pour débarrasser son peuple et Armanda d’une épine dans le pied… Mais également dans l’espoir que ce premier pas vers ce peuple soit initié par d’autres et vis versa.

Christian mit alors le doigt sur une chose : Orfraie savait se montrer impitoyable, ce qui pouvait surprendre plus d’un. La princesse était consciente de cela. Pour beaucoup, son passé de Baptistrelle l’empêchait d’employer des méthodes aussi drastiques, mais il n’en était rien. Elle regrettait parfois cette période de sa vie, mais face à une menace telle que Kalÿna, elle ne pouvait faire dans la demi-mesure. Un sourire sans joie se dessina donc sur les lèvres de l’Elfette, dont le regard se fit lointain quelques instants.

“ Je suis un lac aux profondeurs abyssales, Christian Weren. Et tu en as à peine effleuré la surface…” Commenta sombrement Orfraie dans un murmure. L’alayien ne savait presque rien d’elle et de ses presque sept cents ans d’existence... Il ne savait pas à quel point Orfraie pouvait parfois être impitoyable, il ne connaissait pas les choix qu’elle avait pu faire au cours de sa vie, ce qu’elle avait pu sacrifier ou perdre... “ Certaines personnes ne peuvent être raisonnées, effectivement. Elles sont alors perdues et ne nous laisse pas le choix.” Commenta ensuite la rôdeuse, son regard revenant se poser sur l’homme en armure.

Quelques instants plus tard, Christian entreprit d’expliquer ce qui s’était passé à Fortuna. Orfraie se fit alors très attentive car le récit de Weren pouvait lui donner de précieuses informations sur Kalÿna.
Après avait terminé son récit, l’alayien demanda à l’Elfette de ne pas trop ébruiter le fait qu’ils chassaient ensemble, ce à quoi elle acquiesça. C’était effectivement préférable afin d’éviter que leur proie soit au courant, d’une façon ou d’une autre, qu’elle était désormais prise en chasse. L’effet de surprise leur était précieux dans le cas présent et une seule erreur pouvait le faire sauter, comme en parler à la mauvaise personne.

“ Je m’équiperais en conséquence le moment venu. Te concernant, il te vous faut quelque chose pouvant dissiper ses sorts, car c’est toi qu’elle verra arriver. Je frapperais de loin, de préférence. C’est là que j'excelle. "Ajouta Orfraie en désignant d’un regard Palantir, qu’elle portait en bandoulière. “ Toutefois, j’ai quelque chose pour toi. " poursuivit l’Elfe en ouvrant la sacoche qu’elle portait à la ceinture et en plongeant son bras dedans jusqu’au coude, ce qui pouvait paraître très étrange car une sacoche de cette taille ne pouvait permettre un tel geste si elle n’était pas magique. Quelques instants plus tard, Orfraie extirpa son bras de la sacoche des ombres. Elle ouvrit sa main et dévoila une petite figurine de chêne blanc, un corbeau. “ C’est un corbeau blanc. Contre un peu d’énergie, il s’animera. " Commença Orfraie. “ Mon devoir me retient à Estëllin le plus clair de mon temps, contrairement à toi qui pouvez sillonner Armanda plus facilement. Je teconfis ce corbeau. Lorsque tu auras trouvé Kalÿna, sers t'en pour me contacter, ainsi je saurai que c’est bien toi. " Conclut la rôdeuse en tendant le petit objet à l’alayien.