3 Août de l'an 7 de l'âge d'obsidienne

Cela faisait déjà une semaine qu'Arakjörn était revenus à la capitale, à la base il s'y était rendus pour récupérer la somme qui lui était promise suite à la fameuse expédition qui eu lieu une vingtaines de jours auparavant.Il songea a tout de suite repartir vagabonder, mais la ville des lumières, une fois les poches un peu remplie, lui présentait des avantages intéressant, ainsi qu'une population intéressante, il fit une ou deux rencontre amusante avec un gamin orphelin et un vieux vendeur de grimoire. Le petit magicien n'avait pas encore assez d'argent pour se permettre de visiter les boutiques d'objet magiques qui valaient généralement des centaines de pièces d'or, et il savait que s'il pénétrait dans ces lieux il risquerait de voler, sans pouvoir s'en empêcher le plus d'objet possibles et de s'attirer de gros ennuis, il l'aurait volontiers fait s'il savait qu'il ne pouvait être vus, mais la discrétion n'était pas son fort et il n'était pas encore assez puissant pour massacrer l'intégralité de la garde de la ville.

Cependant c'est auprès de ce vieil homme qu'il acquit un petit carnet vierge contre trois fois rien. L'intérêt de ce minable achat ? Eh bien au dépit de toujours chercher a accroître sa puissance mais d'échouer lamentablement, le magicien avait des ambitions d'écrivains, et pour une raison simple : Il était temps pour lui de lancer la marche contre l'écarlate, or il était, et il soupçonnait qu'il le serait toujours, bien trop faible pour l'affronter, alors plutôt que d'user la force brute, il devait se renseigner sur lui, et de manière générale, sur les dragons.

C'est depuis l'expédition qu'Arakjörn s'est découvert une sorte de fascination pour l’espèce draconique. Elle lui avait donné les plus balles années de sa vie en ramenant la magie en Armanda, mais aussi les pires, lorsqu'elle le sépara de tout ce qu'il avait aimé. Mais, pour ce dernier point, "elle" était réellement le pronom a utiliser ? Était-ce le dragon en général ou l'écarlate qui lui avait pris son père ? Autrement dit : Les dragons sont-ils tous des tyrans, blanc ou rouges, assoiffés de sang, des monstres qui ne savent qu'utiliser sans comprendre la formidable puissance que la nature leur avait offerte ?

Ainsi une question trottait dans la tête du petit homme depuis plusieurs jours : « Mais qui sont les dragons ? ». Arakjörn aurait pus être dégouté, jaloux ( et quelque part il l'est énormément ) de toute cette puissance que ces être possédaient dès leur naissance, mais il avait, en lui, plus ou moins dépassé ce stade, et désirait avant tout comprendre. Alors c'est dans ce petit carnet qu'il avait commencé à écrire, il écrivait ce qu'il avait vu, ressentit, il rassemblait toutes ses connaissances sur le dragon.
Aujourd'hui encore, en cet ensoleillé 3 août de l'an 7, Arakjörn était assis dos au mur dans un coin d'une grande rue d'Aldaria, dont-il avait encore oublié le nom, en train d'écrire. Il avait commencé a organiser un arbre généalogique, il savait que les dragons avaient tous des points en communs, il restait alors a les rassembler. Il dessinait donc un dragon de cuivre en bas d'une page, « nom : Alkhytis ; lié : Luna Duruisseau ou la régente ; mentalité : a priori sympathique, non agressif, a approfondir ; Âge : inconnus ( jeune du moins ) ; liens : inconnus.

Puis un autre dragon rougeoyant tout en haut de la page opposée : «nom : inconnus ; lié : inconnus ; mentalité : sauvage et destr... » Il n'arrivait pas a écrire sa phrase, de nouveau il se sentait pauvre et mal aimé, de nouveau il se sentait faible et malheureux. Il sortit rapidement l'écaille de dragon que, pensait-il, son père avait héroïquement réussi a détacher de l'écarlate, et la fixait, la faisant tournoyer entre ses doigts…Il revoyait le dragon a la bataille de Sandur, volant majestueusement au-dessus d'un immense brasier, et il imagina ce même dragon, dans la même position et avec les même flammes, seulement elles consumaient cette fois la petite ville d'Aurklöch, son académie, son ancienne vie. Oh, il se haïssait tellement d'être aussi faible, mais il trouverait bien un moyen…

Tel était le nouveau quotidien d'Arakjörn Nygdmer, s'assoir dans la rue attendant qu'un vieil homme s'écroule pour qu'il puisse lui donner, par magie, quelques heures de vie supplémentaire, et en tirer 2 pièces d'or, ainsi que s’asseoir et faire des recherches inutiles, regretter sa vie misérable, haïr sa personne et surtout haïr ceux qui l'entourent.

La logique aurait voulu qu'Arakjörn quitte la ville en cet instant, poussé par ce passager sentiment de désespoir qui le submergeait de plus en plus souvent.
Cependant, c'est également en ce 3 août qu'un autre événement inattendus, une autre rencontre allait s'orchestrer pour le pauvre bougre excentrique au chapeau surdimensionné, aux sandales a la semelle épaisse comme une brique, a l'épais manteau et a l'écharpe déchirée, tous portés en plein début d'été. Peut être une rencontre qui allait aboutir a bien d'autres, et qui pourrait enfin le tirer de toutes ces idées noires pour le remettre dans le droit chemin.

[center]Depuis quelque jours, Firindal s'avanturait seul en ville, se faufilant sur les toits, dans les ruelles, profitant plainement du soleil et de sa douce chaleur. Il aimait sentir le vent froler ses écailles et lui chanter les louanges des cieux. Mais le jeune dragonnet de Jade savait qu'il lui faudrait encore patienter de nombreux mois avant de pouvoir espérer réellement voler comme ses ancêtres et ses parents, dans le ciel Armandéen. Mais il avait tout son temps et il en profiterait au maximum pour découvrir les choses.
Aujourd'hui, il s'était aventuré dans l'un des parcs de la citée. Il avait rassuré Orfraie, en lui promettant de se montrer le plus prudent possible. Mais il devait avouer que la perspective de pouvoir aller jouer dans les fontaines du parc le faisait grandement envie. Aussi, lorsqu'il arriva en vu des dites fontaines, il ne chercha nullement à comprendre d'avantage et fonça dans la première qui se trouvait là. Il plongea dedans, aspergeant au passage les quelques gens qui se trouvaient là. Puis il "nagea" tranquillement dans l'eau sous le regard amusé des gens présents. Il y en avait bien quelques uns qui ralait d'avoir été ainsi éclaboussé, mais le jeune dragon ne comprenait nullement ce qu'ils disaient, et il devait l'avouer, n'en avait que faire.
Puis ce qui attira finalement son attention sur un léger reflet rouge qui se manifesta au coin de son regard. Firindal s'approcha du bord de la fontaine et regarda en direction de cet éclat, trouvant là un jeune humain, qui semblait perdu dans ses pensée.
En approchant son esprit de cet inconnu, Firindal sentit de la solitude et de la tristesse.
Intrigué, le dragonnet s'approcha et vint s'assoir devant l'humain et le regarda, penchant légérement la tête de côté, l'air de demander ce qui se passait. Il alla même jusqu'à lui léchouiller une main pour attirer son attention

Le petit sorcier, assis au milieu d'un parc qu'il ne connaissait pas, ne passait jamais de temps en ville, il n'aimait pas être vus ou pointé du doigt, de ce fait il ignorait la magie d'Aldaria, et contrairement aux divers passant, était pour le moins surpris de croiser un dragonnet en pleine ville :

Il était encore en train de rêver, ne remarquant alors rien ni personne, quand il sentit un chatouillement humide au niveau du dos de sa main droite, par réflexe il la retira aussitôt, et tourna la tête en direction de la source de se dérangement, il imagina un instant qu'un de ces affreux enfant vienne lui demander une gourmandise, mais il se rendit compte immédiatement que c'était bel et bien un dragon qui lui demandait, peut être, sa main comme gourmandise.

Jamais il n'avait approché l'une de ces fameuses créatures d'aussi prêt, il écarquilla les yeux pendant moins d'une seconde avant de sauter sur ses pieds et de s'écarter le plus vite possible, trébuchant ridiculement et manquant de tomber à la renverse au passage. Il donna rapidement deux bonne tape sur son épais manteau pour le dépoussiérer, s'assura que son chapeau était correctement vissé sur son crâne et enfouit son nez dans son écharpe, et alors, ainsi assuré de se présenter dans les meilleures conditions, il fixa le dragon de ses petits yeux verts, qui étaient ainsi les deux seuls traits que l'on puisse voir de son visage.

Arakjörn examina alors son "interlocuteur", il s'agissait d'un très jeune dragon, beaucoup plus petit que l'écarlate ou encore de ses congénère rencontrer il y a quelques semaines, il ne s'y connaissait pas assez en dragon pour affirmer que celui-ci avait a peine quelques semaines, mais il l'aurait juré. Il se surprit un instant a admirer la beauté naturelle du reptile, dont les écailles brillaient de par leur couleur de jade et d'une fine pellicule d'eau qui les entourait. Malgré la taille non-imposante du spécimen, le petit magicien avait la gorge nouée, prit d'un soudain accès de peur. Cependant, et il était doué pour ça, il n'en laissa rien paraître, il n'avait pas l'air de lui vouloir du mal.

-Que veux-tu ? lui lança-t-il.

Il n'obtint pas de réponse immédiate, l'animal le fixait avec de petits yeux curieux en inclinant la tête. Arakjörn se calma, peut être n'était-ce qu'un pauvre bébé illettré, auquel cas la communication se ferait par un coup de pied dans l'arrière-train, oh oui, s'il l'osait seulement, mais après un instant de réflexion, peut être allait-il pouvoir trouver intérêt a la bestiole, peut être allait-elle lui apprendre quelque chose ? Il posa alors une première question :

-Qui es-tu ?

Puis, sans attendre la réponse, il en posa une seconde en s'accroupissant :

-Tu peux parler ?

Il ne demanda rien de plus, mais il en attendait énormément, il n'avait jamais entendus un dragon parler, mais déjà senti la présence de leur esprit dans le sien, que brièvement seulement, mais il avait alors perçut une émotion qui n'était pas la sienne... Et il était curieux de voir si cette étrange expérience allait se répéter...

Arakjörn fixait le dragonnet, qui ne le quittait pas des yeux non plus, mais qui se leva pour s'approcher de lui. Par réflexe, le nain commença par reculer, mais quelque chose le stoppa net. Quelque chose d'étrange, comme une présence, qui essayait de communiquer, une sensation qui démontrait une certaine... curiosité, la curiosité d'un nouveau-né, de celui qui désire apprendre et comprendre, de l'être qui se trouvait devant lui. Cela sonnait comme une voix sans en être vraiment une, par réflexe le magicien chercha a fermer son esprit, mais s'en retint bien assez vite. Il finit par comprendre ce que le dragon lui disait, il se nommait.. Firindal ? Et lui demandait... pourquoi se cachait-il ? Le message était clair, simple, ce qui déstabilisait Arakjörn était cette télépathie si étrange...

Il commença alors a rire, sans se retenir, Arakjörn riait, oh cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas rit, des années, peut être une ou deux, voir peut être cinq ? Mais pourquoi riait-il ? Il était certes impressionné par cette mêlée de pensée qui le traversait sans que le dragon n’eut ouvert la bouche. Cependant ce qui le faisait réellement rire, c'était que depuis la première fois de sa vie, il avait rencontré un être pensant et intelligent plus petit que lui. Lorsque le petit rencontre le grand... pour une fois il était le grand, et l'autre le petit !

Agenouillé en face du petit être, il le regardait avec joie. Il tenta de lui répondre spirituellement, mais le dragonnet ne sembla pas comprendre, ou recevoir ses pensées. Alors il continua d'utiliser sa langue.

-Je me cache parce que j'en ai envie, j'aime bien me cacher, ça me donne l'air imposant, comme toi.

Il lui parlait avec sympathie, il ne savait pas trop d’où lui venait cette étrange joie. Peut-être juste d'avoir trouvé plus petit que lui ?

-Tu es bien petit dis-moi, quel âge as-tu ?

Il ressortit son petit carnet et commença a dessiner une autre bulle dans laquelle il écrivait rapidement "Firindal".

Arakjörn s'amusa de la jeunesse du dragonnet, il avait vu juste, cela semblait même étrange de demander l'âge de quelqu'un pour qu'il réponde : quinze jours. Les dragons étaient réellement fascinants. Il tenta de répondre, il était conscient que le concept d'âge pouvait ainsi paraître étrange au jeune dragon, aussi il se lança dans quelques calculs.

-A cette échelle...

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fait travailler un peu ses réflexes logiques.

-environ huit mille sept-cent quatre-vingt-treize levés de soleil. Cela peut te paraître beaucoup, mais un jour tu en auras vécus bien plus.

Il lui adressa un demi-sourire, l’incompréhension du dragonnet l'amusait, le petit ne disposait pas de la même logique que lui, peut être qu'il ne comprendrait pas l'intérêt de ses actions, mais parce qu'il ressentait un petit sentiment affectueux envers cette bestiole si petite, il décida d'employer les grands moyens pour lui expliquer, quelque part le jugement d'un dragon, même d'un nouveau né, comptait beaucoup pour lui.

-Je me suis mal fait comprendre... regarde moi.

Il retira son chapeau, chose qu'il ne faisait jamais, ab-so-lu-ment jamais, et son écharpe. Laissant paraître un visage maigre mais un peu rond, imberbe, presque celui d'un enfant, presque. Ses yeux avaient perdus de leurs éclat, et il arborait une tête petite décorée de cheveux bruns, très sombres, gras et mi-long. Il retira aussi son manteau, il n'avait plus qu'un bout de tissus pour recouvrir son maigre corps, ses bras et son cou étaient entièrement à nus. Firindal était maintenant l'une des trois personnes en ce monde a l'avoir vus sous son vrai jour. C'était un "privilège" qu'il n'accordait jamais a quiconque, mais sa mélancolie affectait son jugement, et il éprouvait de l'affection pour le petit dragon, il le trouvait beau, et il le sauvait d'une bien sombre déprime.

-Toi tu es un dragon, même si tu es petit tout le monde te respecte, et quand tu seras grand, on te craindra au point que tous te considèreront comme un dieu. Moi je ne suis rien, je suis le plus faible de ma race, tu me trouves imposant toi ?

Et effectivement, sans prendre en compte sa taille ridicule, Arakjörn se présentait là comme un enfant fragile, dont les muscles semblaient inexistants, il était affreusement maigre, ses côte seraient visibles s'il retirait le bout de tissu qui lui servait de vêtement, et il n'avait pas d'épaule, ses bras semblaient pendre, accrochés a un tout petit morceau de chair ridicule.

-Mais si je me cache...

Il renfila son grand manteau, remit son écharpe dans laquelle il plongea le nez. L'ombre de son chapeau faisait a nouveau ressortir le vert perçant de ses yeux.

-Là je suis mystérieux, les gens ne me comprennent pas, ils me croient fou, ou fort. Dans les deux cas je suis gagnant, car on n'agresse pas les gens forts, et on a peur des fous.

La plupart du temps les gens le croyaient fou, ou faible, a cause de sa petite hauteur, mais le dragonnet aurait du mal a s'en apercevoir a cause de sa propre taille . Il réfléchit pendant quelques secondes, et décida d'essayer d'éduquer le dragon.

-Mais ça ne marche pas tout le temps, certains me pensent toujours faible. Ils ont tort, mais je ne le leur dit pas, comme ça ils ne font pas attention a moi, et je peux faire ce que je veux sans qu'ils ne s’aperçoivent de rien, lors de confrontations, ils penseront que je suis inoffensif, alors ils ne font pas attention, et je les pièges plus facilement. C'est la différence entre nous deux, contre toi tes ennemis opposeront toutes leurs force, mais tu es plus fort donc tu gagnes. Contre moi aucune, du coup je suis plus fort donc je gagne. Est-ce que tu comprends maintenant ?

Le petit dragon étais alors en train de le renifler, c'était étrange de voir un être intelligent se vouer a ce genre de pratique. Arakjörn se doutait de la nécessité du dragon d'identifier un peu plus son interlocuteur, quelque part c'était une manière comme une autre, mais il y aurait toujours un fossé mental entre l'homme et le dragon. Il le laissa faire, il lui démangeait de reculer encore mais il ne le fit pas. Puis il observa le dragon sauter sur le banc et s'y lover. C'était.. "mignon" ? "attendrissant" ? Il ne savait pas vraiment, il n'utilisait jamais ces mots là. Mais il lui prit l'envie de s'assoir a coté de lui, ce qu'il fit, l'air pensif. Le dragon ne le regardait pas, mais sa petite voix rebondit tout de même dans sa tête.

-Arakjörn.

Pas de "Nygdmer", donner ses deux noms paraitrait stupide au dragonnet, du moins le pensait-il. Et il avait hésité a lui dire un faux nom, il aimait bien faire cela, mais ça n'avait plus aucun intérêt s'il dévoilait tant sa personne. Il voulu le toucher, tendis la main vers le lézard mais intercepta son geste. Il ne ferait pas cela avec un autre humain, et il devait faire preuve de respect envers les dragons.

-Je peux ? fit-il en désignant sa main tendue du regard

"Arakjörn le Caché."

-Oui, si tu préfères.

Arakjörn lui parlait doucement, il n'avait pas envie de trop fatiguer le dragonnet, le regard interrogateur lui avait faire clairement comprendre l’inutilité de ses explications, c'était dommage, il pensait avoir bien adapté son point de vue, peut être que s'il réexpliquait en articulant mieux...

Mais pourquoi se fatiguait-il a ce point pour cette bestiole ? dure question a laquelle il essayait de répondre sans trop y arriver, la seule réponse valable étant que les dragons étaient de toute façon une espèce fascinante. Aussi il ne l'ennuya pas d'avantages avec ses propos absurdes, et se contenta de contempler la créature fascinante.

Lorsqu'il lui demanda s'il pouvait le toucher, elle lui répondit en léchant le bout de ses doigts, il eu derechef un petit réflexe de recul, mais laissa le dragonnet faire ce qu'il voulait tant qu'il n'y croquait pas a pleine dents, il n'en fit rien et présenta son cou. Cette étrange relation de l'homme au dragon faisait battre le petit cœur d'Arakjörn plus vite et plus fort, il caressa du bout des doigts les douces écailles. Elles étaient lisses, pas coupantes et agressives comme le suggérait son bouquin sur l'anatomie des dragons, c'en était réellement doux, il y passa les doigts et longea le cou du dragon, puis répéta l'opération du revers de la main. Juste après il eu l'impression qu'il lui répondait par un coup de museau au creux de sa main, il y frotta ensuite affectueusement son crâne.

"Affectueusement" Bah ! Encore un de ces mots bizarres qu'il se surprenait à utiliser sans le vouloir ! Peut être que cette situation était trop pesante, elle l'absorbait trop. Il replaça ses mains sur ses genoux et le petit dragon s'étira après ces quelques minutes de confort physique, la lumière du soleil se reflétait dans les écailles de jades et s'en était magnifique...

La petite voix dans sa tête lui demanda de servir de guide pour découvrir la cité, il supposait qu'il n'avait pas encore tout vus... Mais enfin lui non plus, il ne passait pas souvent à Aldaria, il ne savait pas vraiment quoi lui répondre, mais le petit "S'il-te-plait ?" le força a se lever.

-Très bien, je ne sais pas si je peux te faire découvrir grand chose, mais on peut aller voir les magasins, je commence à les connaître. Il y aussi les quartiers plus pauvres que je connais un peu plus. Mais bon c'est pas très intéressant... les gens là-bas sont tristes, mais peut être que tu aimerais les rendre heureux ?

L'un des hommes les plus égoïstes de cette cité se trouvait être en train de proposer a un dragon de faire une action humanitaire, Arakjörn commençait très sérieusement a se demander qu'est-ce qui lui tombait sur la tête

La question du dragonnet le laissa perplexe, ce n'était qu'un bébé et il ne savait visiblement pas grand chose, mais sur ce coup lui non plus n'en savait rien. Il lui répondit rapidement ce qui lui passa par la tête.

-Les dragons sont des créatures rares et précieuses, quiconque dans sa vie en aperçoit un peu alors mourrir en paix. C'est un grand honneur que tu me fais en communiquant avec moi.

L'honneur était une chose bien futile, il était généralement lié à la gloire, et la gloire à la puissance, mais outre ce point là, il s'en fichait complètement. Mais ce qui affectait le petit magicien c'est que le dragon lui soit venus au moment ou il en avait probablement le plus besoin. Du moins sentimentalement parlant, peut être aurait-il besoin de lui pour autre chose plus tard... mais ce n'était pas le moment de se montrer comme la personne sadique et meurtrière qu'il était sous son chapeau malicieux. De plus la présence de tant d'innocence dans les yeux reptiliens lui donnait plutôt envie de se montrer comme gentil, doux.

Le dragon grimpa sur son épaule, sans prévenir, il sentit les petites griffes s'agripper à ses vêtements. Encore une fois il eu un petit sursaut de surprise, mais s'habitua plutôt vite à ce poids sur son épaule.

-Peut être qu'en te voyant, ils seront heureux, peut être que si tu leur parle ils souriront, moi j'étais malheureux avant que tu viennes me voir, maintenant ça va mieux, je t'en remercie. Viens, on va passer dans la rue centrale, l'avenue lumineuse.

Et ils s'engouffrèrent dans le grand chemin, entre des bâtiments gigantesque et de multiples fontaines, parmis une foule d'individus sans importance, qui se mirent à le regarder bizarrement, cette lueur là il la connaissait, et il l'adorait ! Les passants étaient impressionnés, voir soumis, comme s'ils lui devaient allégeance, ils le prenaient pour un dragonnier ! Le petit dragon put alors voir le sourire du bonhomme s'étendre lentement et ses yeux s'agrandirent tandis qu'il réalisait sa situation.

Les gens s'écartaient de leur chemin, laissant place au grand Arakjörn Nygdmer, nouvel espoir et arme du peuple ! Le prestigieux magicien et dragonnier, lui-même à Aldaria ! Ses petites joues rougirent rapidement, et Arakjörn reprit sa petite démarche excentrique et déambulait en sautillant de magasin en magasin. Il restait cependant attentif aux demandes de son passager, qui lui posait beaucoup de questions, et il tâcha de répondre du mieux qu'il pouvait, s'il avait d'abord réagit promptement à la présence du dragon, maintenant il ne voulait plus qu'il le quitte !

-Ça c'est une taverne, pas une grotte, ça ressemble mais ce n'est pas pareil, les tavernes ce sont les hommes qui les construisent eux-même, et dedans on fait des échanges, comme dans les magasins : on donne ces bouts de métaux jaunes que tu vois, et en échange un homme nous donne de l'alcool pour qu'on puisse le boire. Sauf que, quand on en boit trop de l'alcool, on devient bizarre et on a envie de taper les autres.

Ils étaient alors plantés devant une grande taverne, prestigieuse, ou deux hommes se battaient mollement devant la porte, chacun n'arrivant à effleurer l'autre, ils tombèrent au sol, chope à la main et complètement ivre.

-Mais comme tu vois on est aussi beaucoup moins dangereux. Si tu veux je peux te faire goûter, mais je n'ai pas d'argent, tes écailles ont beaucoup de valeur, si tu m'en donnes une on pourrait faire beaucoup d'échanges, on pourrait te faire gouter de l'alcool ou t'acheter un chapeau...ou...

Il n'avait pas beaucoup d'idées pour inciter le dragonnet à lui fournir une écaille, il avait surtout envie de s'en servir pour lui même et s'acheter quelques objets magiques aperçus plus tôt, mais il avait besoin de l'accord du dragon auparavant, et ce n'était généralement pas chose facile à obtenir.

-Ils doivent aussi avoir quelques jouets pour toi. Si tu penses que ça peut te plaire bien sûr.

Aussitôt après avoir lancé sa proposition, Arakjörn sentit que le dragonnet remua un peu avant de sauter de son épaule pour atterrir devant lui et le fixer de ses yeux de jades. D'un regard étrange, mais pas inconnus, il s'agissait du même regard vert que lui-même abordait a ceux contre qui il voulait du mal, avait-il cette même signification pour le dragon ? Mais en quelle raison ?

L'éclat-de-jade répondit très vite à la question. Le ton prix lui perçait le crâne et en temps normal Arakjörn aurait très mal réagit à la scène, mais le nabot, aussi arrogant et égoïste soit-il, était présentement miséreux et malheureux. Il tenta de couper le dragon en lançant un vague"juste goûter..." et un pitoyable"Ce n'est qu'une proposition... je voulais être..."

Avant de finalement contempler le reptile s'éloigner et lui adresser des mots qui lui perforaient le coeur. Pourquoi tant de souffrance ? Parce qu'Arakjörn était malheureux et ne savait pas s'entourer d'amis, parce qu'il avait pensé qu'il aurait un rapport différent avec un être aussi noble qu'un dragon, qu'il avait été heureux de finalement pouvoir l'aider, que quelque part il s'était lié d'amitié avec un reptile. Mais non, il était toujours le même, rien n'y ferait jamais rien. Alors il regarda le dragonnet et prit un ton à la fois miséricordieux et fort, il voulait que cette ultime preuve de lucidité sur sa personne restait dans la mémoire d'un être sur cette terre.

-Je suis désolé, je me suis laissé emporté et je ne savais pas que je t'offenserai à ce point. Tu l'auras peut être sentit, Firindal dragon de jade, je ne suis pas une bonne personne, mais peut être qu'après cette rencontre je pourrais quand même mourir en paix.

Sur ces mots il fuiyait le regard dur du dragonnet, renfonça son nez au fond de son écharpe, réajusta son chapeau une énième fois et fit volte-face, dos à son ancien compagnon de rue, baissant la tête pour ne pas voir le regard interrogé des passants. Il ne voulait pas les voir deviner sa nature de pauvre esseulé, il ne voulait pas se revoir être Arakjörn le mal-aimé. Il avait brillé pendant quelques minutes, et cela l'avait perdus.
Adieu, rêve de souveraineté et de supériorité, de gloire et de reconnaissance, adieu respect tant chérit, tant désiré. Tout ça parce qu'il était incapable de se faire des amis sans vouloir profiter d'eux. Peut être qu'une larme coula de son œil, il n’espérait pas, ce serait pitoyable, vraiment. Mais comment ne pas s'en vouloir ? Arakjörn se détestait, il se haïssait même. Un être abject plus faible que tout autre, méprisable, avare, qui hait tout le monde et qui ne sait pas le cacher, qui manipule et qui se réjouit du malheur des autres. En même temps de qui pouvait-il bien être aimé ?

Il donna un coup de pied timide sur un cailloux au sol, et regarda devant lui : Arakjörn le dragonnier est mort. Il redevenait un être qui se fondait dans cette masse de gens inutiles et stupides, adjectifs qui se qualifiaient de nouveau à sa propre personne. Il faisait dos au dragon mais ne bougeait pas, il avait envie de voir s'il était encore là mais s'y refusa... La rue des marchands était grande, il devait s'en aller, s'éloigner, aller quelque part, mais ou ? Il n'avait nul endroit ou se cacher, aucune tâche à accomplir, il ne croyait plus ni en ses projets, ni en sa force.

Alors il se tenait là, un parmi les autres, au milieu de la cité des lumières, contemplant son avenir creux. Une chose était sûre : il ne pourrait pas mourir en paix.