Elle n'était pas une immortelle, mais Orfraie semblait pourtant vivre la nuit. Il était plus aisé de la rencontrer lorsque la Lune volait la place du Soleil, plutôt que le contraire… ou alors tout cela n'était qu'une impression. Oui, sans doute.

Toutefois, en cette fin de soirée du quinze juillet, l'Elfette se préparait à sortir, de fort bonne humeur malgré les temps actuels. En effet, quelques jours plus tôt, Orfraie avait fait la délicieuse rencontre d'une jeune humaine, Luna Duruisseau, avec qui elle avait tout de suite sympathisé. Depuis, l'humeur de la guerrière semblait au beau fixe. Celle-ci se sépara de son armure, qu'elle avait porté toute la journée, et s'immergea dans un bain duquel elle ressorti près de trois quart d'heure plus tard, parfaitement détendue et surtout propre. Cependant, loin de vouloir se reposer si tôt, l'Elfette revêtit une tunique Elfique couleur vert émeraude assortie à un pantalon près du corps et de bottes couleur terre. Avant de quitter ses quartiers situés à Fort Espérance, elle fixa le fourreau de sa dague à sa ceinture, dans son dos.

La guerrière déambula quelque temps dans Sandur, observant les rues se vider peu à peu de ses habitants. Il était pour le commun des mortels l'heure d'aller manger, puis de se coucher. Parfois, son regard se posait sur une famille au complet. Elles étaient si peu, pensa l'Elfe en observant les parents rappeler leurs enfants. Si, jadis, Orfraie avait pensé trouver un époux et avoir des enfants, ces préoccupations étaient désormais très loin, enfouies au fin fond de son esprit. Et pas prête d'en sortir. Elle comptait sur son frère, Thraranduil, et sa sœur pour perpétuer leur lignée au travers du nom Evanealle. Sa sœur, Aeriel, avait déjà commencé avec la venue au monde d'Aegnor. Ses pensées dérivèrent vers l'Empereur des Elfes. Orfraie tenait beaucoup à lui et avait d'ailleurs promit à sa sœur, il a longtemps, de veiller sur lui. Toutefois, elle se gardait bien d'en parler au principal intéressé, pour qui elle nourrissait un grand amour en plus d'une grande fierté. Son peuple avait de la chance d'avoir un Empereur progressiste à sa tête.

Les pas de la guerrière l'avaient mené, sans qu'elle s'en rende totalement compte, jusqu'au quartier Elfique. Il y régnait, à cette heure, un certain calme qui contrastait avec son habituel effervescence. Un sourire naquit sur les lèvres d'Orfraie, qui prit ensuite de l'élan afin de se propulser contre un mur, puis un autre et enfin grimper sur le toit d'un bâtiment. Voilà six mois qu'elle se trouvait au Protectorat et elle n'avait jamais trouvé le temps d'observer la ville sous cet angle.

C'est alors qu'un bruit lointain vint jusqu'aux oreilles d'Orfraie. Suivant sa curiosité, elle sauta d'un toit à un autre pour s'approcher de l'origine de ces bruits, qu'elle reconnu comme étant des bruits de pas très ténus. Seul un Elfe, ou un Vampire, pouvait être aussi silencieux. La guerrière s'arrêta finalement au bord d'un toit et se pencha légèrement afin d'observer la rue en contrebas. Ce qu'elle y découvrit la fit sourire. Si la nuit était tombée, sa vision était suffisamment bonne pour qu'elle puisse reconnaitre sans peine la personne qui se trouvait là. L'Elfette fit un pas dans et se laissa happer par le vide, se réceptionnant derrière l'immortel sans bruit. Elle se redressa ensuite et s'appuya nonchalamment contre le mur sableux de la bâtisse qui se trouvait sur sa droite.

" Un dents longues chez les oreilles pointues. " Fit-elle doucement, amusée. L'Elfe attendit que le vampire se tourne pour le saluer rapidement, à la façon des Elfes. " Im gelir ceni ad lín (je suis heureuse de vous revoir), Lewyn. Comment allez vous ? "

Le regard de l'Elfette se fit doux, ses lèvres s'étirèrent pour former un doux sourire. Appuyé contre le mur sablonneux, Orfraie observa l'immortel la saluer à la façon des Elfes. Lewyn avait parfaitement assimilé le geste. La guerrière passa ses doigts dans sa chevelure, ramenant ses longues mèches lie de vin en arrière afin de dégager son visage. Le vampire lui répondit, dévoilant apprécier la fraicheur de la soirée, ainsi que son calme. Il ajouta également être désormais en agréable compagnie, ce qui fit sourire la princesse. " Très agréable compagnie, effectivement." Lui répondit-elle afin de lui faire comprendre qu'elle appréciait également sa présence. " Je suis une nocturne, comme vous. La fraicheur, le calme, la beauté du ciel… Cela m'apaise." Expliqua t-elle ensuite sans quitter sa position, les bras désormais croisés sur sa poitrine.

Le vampire reprit ensuite, se faisant poète. La nuit était un autre monde, oui. Un monde où tout devenait silencieux et calme… ou alors, un monde qui devenait terrifiant. Ce n'était pas tous les êtres qui pouvaient se tarder d'apprécier l'obscurité. Pour la princesse, il lui suffisait de lever les yeux vers les étoiles pour se sentir tranquilliser. Là haut, parmi les Esprits, se trouvaient ses ancêtres et elle était certaine que ceux qui avaient terminés le cicle de la réincarnation veillaient sur elle. “ Lorsque la nuit vient, les maux du monde semblent s'apaiser, oui…" commenta la princesse en quittant l'appui que lui offrait le mur. Elle s'approcha du vampire et l'invita à marcher à ses côtés.

Orfraie demeura silencieuse, appréciant simplement la compagnie du vampire ainsi que le calme ambiant. Si quelqu'un les voyait, cela ne manquerait pas de paraître étrange. Un vampire et un Elfe… Ennemis séculaires. Et pourtant, des amis dans le cas présent. Toutefois, la guerrière trouvait bien imprudent que Lewyn se balade ainsi en plein secteur sylvain. Peu d'Elfes se montreraient aussi sympathique de l'Alatiel… Et si cela l'attristait, elle ne pouvait pas faire ainsi changer les mentalités. Seul le temps le pouvait… a condition d'initier le changement dès à présent.
Au moins, le vampire était heureux de la revoir. La présence de Lewyn avait le don de faire sourire l'Elfe, qui avait l'impression de rajeunir en la présence de son ami. Elle n'était pourtant pas si âgée, seulement six cent soixante neuf ans… " Profiter de cette soirée en votre compagnie me ferait très plaisir. Votre présence est rafraîchissante. Mais, de grâce, appelez-moi simplement Orfraie. Nous sommes amis, après tout. " Fit-elle doucement, son visage se tournant vers le vampire. " Venez, je vais vous montrer quelque chose. " Lui dit-elle avant de s'élancer contre le premier mur venu, l'escaladant avec une agilité hors du commun, typique des Elfes. En quelques instants, Orfraie se trouva de nouveau sur les toits de Sandur.

Son regard balaya l'horizon, puis l'Elfette fit quelques pas afin de se rapprocher du bord, où elle se pencha, les deux mains appuyées contre sa cuisse droite. " Vous venez ? Ne me dites pas que vous avez le vertige. " chuchota t-elle, mi-amusée, mi-sérieuse.

Sur le toit, Orfraie pouvait voir toute la rue, toutefois son regard était posé sur l'immortel et uniquement sur lui. Elle ne faisait pas réellement attention aux alentours, d'autant qu'à cette heure les rues étaient quasiment vide…

Toutefois, le vampire avoua avoir le vertige et Orfraie ne put s'empêcher de sourire à défaut de rire ouvertement. Ce n'était pas la faute de Lewyn s'il avait peur du vide, mais cela rendait tout de suite l'immortel moins impressionnant. L'Elfe avait toujours pensé que les vampires étaient immunisés à ce genre de … chose. La guerrière avait combattue les immortels à de nombreuses reprises par le passé et elle n'avait jamais imaginé que ces derniers pouvaient être sujets au vertige. Pouvaient t-il, donc, être sujet à d'autre pathologie de ce genre?

Cependant, si Orfraie voulait formuler quelques choses, elle en fut empêchée par la voix d'un homme. Une voix familière qu'elle reconnue sans problème. Ses lèvres charnues s'étirèrent en un franc sourire tandis qu'elle fusillait l'Empereur Elfique du regard tout en se redressant. Les bras croisées sur sa poitrine, elle l'observa approcher, accompagné de ses gardes… Si elle était heureuse de voir son neveu, elle espérait qu'il n'allait pas percer Lewyn à jour et découvrir sa véritable nature. Aegnor était un souverain progressiste, mais tout de même…

Quand Lewyn comprit à qui il avait à faire, il s'inclina comme Orfraie le lui avait montré, les bras croisés sur sa poitrine. La princesse ne put s'empêcher de sourire, fière de voir le vampire se souvenir de ce qu'elle lui avait apprit lors de leur première rencontre… " Si mes souvenirs sont bons, tu m'as toujours supplanté lorsqu'il s'agissait de s'empêtrer dans des situations improbables. " Lança Orfraie à son neveu. Avec agilité, l'Elfette redescendit du toit, prenant appui à divers endroit jusqu'à se laisser tomber dans la rue, entre Lewyn et Aegnor. Elle s'y réceptionna sans problème. " N'est ce pas, mon cher neveu ?" Lui dit-elle en s'approchant de lui. " Im gelir ceni ad lín (je suis heureuse de te revoir)." Prononça t-elle en Elfique en l'étreignant brièvement, mais sincèrement.

Orfraie se détacha de son neveu après quelques brèves secondes. Ce n'était ni le lieu, ni le moment, de s'étalé. Peut être aurait-elle l'occasion de profiter de lui plus longuement à un autre moment. Toutefois, elle ne se leurrée pas. Elle savait Aegnor être un homme occupé. Être Empereur n'était guère de tout repos. Toutefois, ce dernier pouvait compter sur le soutient indéfectible de sa tante, qui était de plus en plus fière de lui depuis qu'il avait prit possession du trône. Le peuple Elfique avait plus que besoin d'un souverain progressiste afin de ne plus stagner. Le temps des Elfes était venu.

Aegnor avait toujours été taquin avec elle, quelque chose qu'elle lui rendait bien. Avec un sourire, elle lui répondit en langue commune " Tu ne verras donc aucun inconvénient à ce que je conte quelques anecdotes ce soir ? " Lui demanda t-elle en haussant un sourcil, mi sérieuse, mi amusée. Elle poursuivit ensuite en Elfique " Très bien, mon cher neveu. Je suis heureuse de te voir, cela faisait un moment. " Elle lui sourit, puis ajouta quelques mots de plus " Tout à fait, comme tu peux le voir. Ne trouves tu pas ce calme et cette fraicheur agréables? " Lui retourna t-elle la question. L'Elfette se tourna ensuite vers Lewyn, qui n'avait pas bougé.

Aegnor lui demanda naturellement qui il était, ce qui été normal. Le regard d'Orfraie ne quittait pas le visage du jeune immortel. Celui-ci était clairement mal à l'aise, mais il se présenta tout de même comme il se devait, ajoutant même qu'il était un ami de la princesse. Cette mention ne gênait pas le moins du monde la principale intéressée, qui lui adressa un sourire encourageant. Toutefois, Lewyn omis dans sa présentation qu'il était un vampire, ce que Orfraie pouvait comprendre… Ce dernier poursuivit, ajoutant qu'il pouvait disposer afin de laisser les deux Elfes en famille.

Le vampire commençait déjà à reculer, près à partir. La Rôdeuse comprenait que la situation était délicate pour lui, toutefois elle n'était pas dangereuse. Il était un vampire, un ennemi séculaire des Elfes… Mais il n'était pas comme la majorité des immortels et au sein du Protectorat, il ne pouvait pas lui être fait du mal. La Générale Elfique se tourna vers les gardes, remarquant rapidement que l'un d'eux posait sur l'immortel un regard lourd de sens.

" Reste, Lewyn. " Dit-elle, presque dans un murmure. Elle ne quittait pas les gardes du regard. " Aegnor, j'aimerais beaucoup te présenter mon ami. Je pense qu'il te plaira beaucoup. " Ajouta t-elle en croisant le regard de son neveu. " Consentirais-tu à te séparer de ton escorte? Je crois qu'elle rend mon ami très nerveux. Tu ne risques rien, avec moi. " Ajouta t-elle, ses iris bleus glaciers cherchant ceux, orangés, de l'empereur.

-----
HRP : Navrée pour le temps de réponse, j'ai eu quelques soucis cette semaine. C'est un peu court mais je pense qu'il y a de quoi poursuivre.

Les yeux couleurs aigue-marine d'Orfraie croisèrent ceux, flamboyant, de l'Empereur. L'espace d'un instant, le temps sembla s'arrêter pour la Générale Elfique. Orfraie ne doutait pas un seul instant que l'Empereur avait comprit quelle était la nature véritable de Lewyn mais elle espérait que son neveu ait suffisamment confiance pour lui laisser le temps de lui présenter le messager. Au bout de ce qui sembla être interminable pour la princesse, Aegnor se tourna vers ses gardes et les congédia. La Rôdeuse vit l'hésitation passer au travers des prunelles de l'un des gardes, mais lorsque le hibou du blond déploya ses ailes afin d'affermir l'autorité de l'empereur, les quatre Elfes s'en allèrent. Pendant de longues secondes, Orfraie demeura immobile, l'oreille tendue.

Ce fut Aegnor qui prit la parole le premier, sans le moindre gant. Le regard d’Orfraie se posa aussitôt sur Lewyn afin de capter sa réaction. Sans surprise, le Messager prit la chose avec humour et la Rôdeuse se permit un sourire. L'Empereur Sylvain poursuivit ensuite, ses mots marquant son étonnement. Il était vrai que l'amitié qui liée Orfraie à Lewyn était peu commune, ce qu'Aegnor ne manqua pas de souligner. Ses derniers mots claquèrent comme un ordre et une fois de plus, la guerrière posa son regard sur son ami. Souhaitait-il s'exprimer en premier? Le fait que Lewyn ne souhaitait pas lui causer d'ennui la fit sourire, tandis qu'elle s'approchait de lui pour venir poser brièvement sa main chaude sur son bras glacé.

Lewyn se présenta une seconde fois sans rien omettre. Orfraie, ne connaissant pas toutes ses informations elle-même, se montra intriguée. Elle nota, finalement, que le vampire semblait effectivement sujet au vertige, ce qui la fit sourire. Ce dernier était beaucoup plus détendu, maintenant qu'aucun garde ne le menaçait d'un simple regard. " Ainsi, tu as vraiment le vertige. C'est amusant. " Commenta Orfraie avec légèreté. Elle se tourna ensuite vers Aegnor afin de lui donner ses réponses. " J'ai rencontré Lewyn fin janvier. Je m’entraînais sur quelques malheureux cactus à la nuit tombée, lorsqu'il est venu m'apporter une missive. Il m'a questionné sur les us et coutume de notre peuple et je me suis fait un plaisir de lui répondre. Ensuite, je lui ai donné quelques conseils d'archerie." Expliqua posément la princesse, sans rentrer toutefois dans les détails qui étaient, selon elle, insignifiants dans le cas présent. " Et je n'ai pas découvert qu'il était un immortel. C'est lui qui me l'a dit. " Ajouta la Rôdeuse, son regard se posant sur son ami. " Le "sans dents" ainsi est –il surnommé. Une personne agréable, ouverte et bon vivant. J'ai l'espoir que lorsque tout ceci sera fini, nous soyons capables d'enterrer la hache de guerre avec les autres races. Et en cela, Lewyn pourrait nous y aider. Si tel est ton plan, bien entendu …" fit Orfraie, son regard aigue-marine scrutant le visage de son neveu. Après tout, les plans de l'Empereur n'étaient peut être pas ce à quoi Orfraie aspirait, s'ils survivaient à tout cela.

Les aigues-marines d'Orfraie étaient désormais posés sur le visage de l'Empereur, attendant le verdict de celui-ci. Elle savait Aegnor sage et avisé, mais craignait tout de même son jugement. Si Lewyn ne lui plaisait pas, la suite pourrait être moins sympathique.

Toutefois, dès que l'Empereur se permit un trais d'humour, qualifiant lui-même Viladric de "sans crocs", Orfraie sentit la tension redescendre. Ses doigts, dont les jointures avaient blanchit tant elle serrait les poings, retrouvèrent leur couleur normal et la princesse se permit un sourire pour son ami, lorsqu'elle tourna la tête vers celui-ci afin de jauger sa réaction. Le vampire approuva le surnom, confiant à Aegnor qu'il avait déjà été nommé ainsi par le passé. L'Elfe s'adressa ensuite à sa tante, son regard demeurant toutefois posé sur Viladric. Il commença en langue commune, puis termina en Elfique. Ainsi, le vampire lui plaisait – une bonne chose – toutefois Aegnor ne manqua pas de préciser qu'il avait uniquement à cœur l'intérêt du royaume Elfique, ce qu'Orfraie approuva d'un signe de tête. La suite la fit légèrement grimacer. Elle n'aimait pas le ton employé par son neveu, mais était forcé de courber l'échine devant lui. Quoi que cette entrevue fût tout ce qu'il y avait de plus informel, ce soir Orfraie était la tante de l'Empereur, pas son Générale. Et celle-ci n'était, de toute façon, pas du genre à se laisser marcher sur les pieds de façon général. Son père pouvait en témoigner mieux que quiconque.

" Je n'ai pas la prétention de te dicter quoi faire concernant notre peuple. Toutefois je pense que mes conseils et mon expérience peuvent t'être utile, toutefois libre à toi de les ignorer. " Lui répondit Orfraie en Elfique. Une façon de lui rappeler qu'il était encore bien jeune, moins expérimenté. Et que les conseils de la Rôdeuse pouvaient lui être utile, elle qui avait autrefois était Maître Baptistrelle jouissait d'un certain savoir.

L'attention de l'empereur était désormais portée sur l'immortel, qu'il scrutait de son regard volcanique. Orfraie n'était plus que spectatrice, du moins pour l'instant. Celle-ci, toutefois, demeurait proche de son ami. Aegnor se mit doucement à décrire des arcs de cercles devant le duo, ses pas glissant sur le sable. Lewyn était parvenue à piquer au vif la curiosité du Sylvain, il n'y avait pas de doutes possibles. Les doigts d'Orfraie vinrent trouver le poignet de l'immortel, dont la peau glacée la fit doucement frissonné. Elle n'était pas habituée à si peu de chaleur. L'Elfe, d'une pression des doigts, invita l'immortel à se lancer, à répondre au souverain Elfique.

Celui-ci se lança rapidement. Et effectivement, ils avaient le temps devant eux. Lewyn avait l'éternité, et les deux Elfes plusieurs siècles. Le regard aigue-marine d'Orfraie se posa sur le visage de son ami, passant de temps en temps à Aegnor qui continuait à décrire des arcs de cercles devant eux. La Rôdeuse tenait à jauger sa réaction face aux propos tenus par l'immortel.
Toutefois, la princesse ne tarda pas à bouger. Le récit de Lewyn risquait d'être long, aussi décida t-elle de se mettre à l'aise. Avec une aisance féline, l'Elfe retourna sur le toit. Elle s'y assit, les jambes dans le vide et posa son regard sur le duo. D'ici, elle pouvait également surveiller la rue et s'assurer que personne ne viennent les déranger.

Les propos de Lewyn se répercutaient en Orfraie avec force. Le jeune vampire portait le même espoir que cette dernière : la paix. En cela, elle se reconnaissait en l'immortel, comme celui-ci pouvait s'identifier à elle. Les deux êtres faisaient fit des préjugés, il n'y avait qu'ainsi que la paix pourrait être obtenue entre les Vampires et les Elfes de toute façon. Le passif entre les deux races était trop important pour être simplement balayés d'un revers du bras. Il fallait être capable de passer au dessus. Toutefois, Orfraie n'oubliait qu'il y avait des Vampires qui se moquaient pertinemment de cette envie de paix. La Rôdeuse savait ceux-ci nombreux, bien plus que ceux souhaitant enterrer la hache de guerre… La tâche serait ardue. Mais le Protectorat pouvait être l'une des clés vers l'harmonie, comme le souligna si bien Lewyn.

" Effectivement, j'aurai fini par vous présenter l'un à l'autre. Mais je suis satisfaite que cela se fasse de façon informelle. Juste nous trois, sans gardes, sans personnes pour nous importuner. " Répondit l'Elfette, éludant la question de l'immortel à son égard.

Quand à la question posée par Lewyn à l'égard d'Aegnor, la réponse se trouvait sur l'épaule de l'Empereur. Le totem de son neveu lui permettait de déceler les mensonges avec l'aisance des baptistrel, voilà pourquoi Aegnor pouvait ainsi accorder sa confiance à Viladric. Orfraie perdit rapidement son sourire, son esprit remontant dans le temps. Elle aussi en avait été capable. Et cela lui manquait. Bien moins que par le passé, mais ce trou dans sa poitrine était toujours bien présent. D'ailleurs, la main de la Rôdeuse vint se poser sur sa poitrine, avec l'impression de pouvoir sentir ce trou sous ses doigts. Davantage de temps lui serait nécessaire pour faire le deuil de ce qu'elle avait perdu, si cela était possible… En cela, Aléria l'aidait par sa simple présence, mais ce n'était pas suffisant…

Les doigts de la princesse se serrèrent un peu plus tandis que son menton touchait le haut de sa poitrine. Quelques mèches tombèrent devant ses yeux, masquant partiellement son doux visage… Toutefois, cela ne dura que quelques instants. En effet, bien rapidement Orfraie se ressaisit et porta son regard bleu glacier sur le duo en contrebas.

Aegnor ne tarda guère à prendre la parole, sa voix grave et douce résonnant agréablement aux oreilles d'Orfraie. L'empereur sylvain expliqua à l'immortel qu'il avait toujours était capable de lire en les autres et qu'avec l'aide de son totem, la tâche n'était que plus simple. De ce fait, il savait que Lewyn disait vrai et que sa volonté était réelle, raison pour laquelle il pouvait lui accorder ainsi sa confiance. Il poursuivit ensuite. Orfraie était fière de son neveux, fière de la façon dont il avait changé. Elle se rappelait effectivement comment il agissait avant et comment sa mentalité avait évolué lorsque les Elfes avaient quitté leur forêt, comment il avait tendu la main à Tomyn Alais à Aigue-Royal. Cela n'avait guère été au gout de beaucoup d'Elfes, la grande majorité d'entre eux se considérant au-dessus des autres races, à tort. Toutefois, une minorité de sylvains avaient bien acceptés la main tendue par l'Empereur, dont Orfraie évidement. Cela la confortait dans l'idée que tout n'était pas perdu pour les siens…

Toutefois, si les Elfes avaient accepté un Homme, la tâche aller être bien plus ardue pour un Vampire. La haine séculaire entre le beau peuple et les immortels était un immense frein vers les changements souhaités par Aegnor.

Lewyn, pour sa part, était très ému et un immense sourire ornait ses lèvres, dévoilant ses crocs. Il semblait si jeune, songea Orfraie en le détaillant depuis son perchoir. Sa réponse à l'Empereur fit rire la guerrière, qui tenta de dissimuler son amusement derrière sa main. Il ne manquait pas d'humour, cela était certain …

La scène qui se déroulait sous les yeux d'Orfraie était historique, davantage encore que lorsque que Tomyn avait rejoint le peuple Elfique. Un souverain Elfique tendait sa main à un Vampire. Un vampire qui la prit, avant de s'incliner. Le sourire de la princesse était, en cet instant, grand et sincère. Toutefois, il disparut lorsque Lewyn s'adressa directement à elle. Avait-il capté son malaise de toute à l'heure ? Alors qu'il entreprit de la rejoindre sur le toit, la rôdeuse se releva et redescendit dans la rue avec agilité. Elle posa sa main sur l'épaule du vampire et lui offrit un sourire amical. " Tout va bien, ne t'inquiète pas. " Le rassura Orfraie avec douceur, sans mentir. Son trouble n'avait été que passager. " Que veux-tu faire à présent, mon neveu ? " Demanda-t-elle ensuite en posant ses iris glacés sur Aegnor.

Orfraie avait toujours eu la fâcheuse habitude de se montrer tactile avec les personnes qu'elle appréciait. Cette facette de sa personnalité avait été modelée durant ses années auprès des Baptistrels, notamment. A cette époque, en tant que Enwr puis en tant que Cawr, la princesse avait énormément voyagé, surtout au sein du royaume des Hommes, et avait été naturellement influencée par leurs coutumes et leur manière de faire et voir les choses. Ainsi était-elle, et cela elle ne pouvait pas le changer. De plus, jouer la provocation ne la dérangeait pas, au contraire : Il était amusant de briser les conventions, surtout chez les Elfes.

L'Empereur répondit aux interrogations d'Orfraie, mettant en avant le fait qu'il fallait – avant toute chose – terminer cette guerre. Effectivement, tuer Vraorg était une nécessité afin d'entrapercevoir un avenir pour tous les peuples. Temps que le Voleur de Cœur était en vie, celui-ci était compromis. Mais fort heureusement un moyen existait pour se débarrasser de lui une fois pour toute, du moins semblait-il en exister un. La princesse était vaguement au courant de cette affaire mais n'en savait guère plus, si ce n'est que le Conseil semblait avoir trouvé un moyen de venir à bout du Blanc. Les Protégés avaient besoin de temps pour trouver cette chose et la ramener, un temps qu'ils n'avaient peut être pas. C'était ironique, pensa Orfraie, car son peuple avait toujours eu le temps devant lui… jusqu'à aujourd'hui.
Le souverain Elfique poursuivit, arguant que son peuple devrait se concentrer sur sa reconstruction sitôt le Blanc tombé. Orfraie acquiesça à ses paroles, renvoyant un regard entendu à Aegnor. Elle ne pouvait qu'approuver cette décision, leur peuple avait grandement souffert ces dernières années et devait prendre le temps de se reconstruire avant de disparaitre pour de bon. Ensuite, il serait temps de prendre des dispositions.

Orfraie laissa son neveu poursuivre, écoutant ses projets avec une grande attention. Le jeune esprit qu'il était avait de grandes idées pour le peuple sylvains, des idées que la Rôdeuse ne pouvait que saluer. Voilà des siècles qu'elle attendait qu'un souverain s'ouvre enfin au monde, prenne enfin de vraies décisions, des décisions qui n'auraient pas pour unique but de servir les intérêts des Elfes, mais les intérêts de tout Armanda. Et la princesse était fière de prendre part à cela en soutenant et en aidant son neveu.

La proposition de l'Empereur à l'égard de Lewyn surprit agréable Orfraie, qui ne s'attendait pas à une telle chose de la part de son neveu, pas aussi rapidement du moins. Il ne connaissait Lewyn que depuis peu, à peine une heure et il lui accordait déjà toute sa confiance… son totem l'y aidant, bien entendu. Pour cela, la Rôdeuse était agréablement surprise et son regard se posa sur Lewyn afin de jauger sa réaction.

La surprise était évidente chez le Vampire, qui ne tarda guère à le faire savoir d'ailleurs. La réponse de l'Immortel fit d'ailleurs pensée, quelque part, à une réponse à une demande en mariage, ce qui ne manqua pas de faire sourire l'Elfette. Ce soir, elle aurait assisté à nombres de faits historiques…

" Aegnor est le souverain que j'attend depuis presque sept siècles. Quelqu'un capable d'agir. " Commenta la Générale, son regard se posant sur le blond. Toutefois, ce regard se fit rapidement plus grave lorsque Lewyn évoqua l'existence d'un renégat lorgnant sur le trône de Wintel. " Si nous coupons la tête du serpent et qu'elle repousse, nos efforts n'auront servit à rien. Ce Xander est une menace à éliminer. " Commenta Orfraie, reprenant instantanément son rôle de Générale en faisant part de ce commentaire. " Avant même de tenter quoi que ce soit contre Wintel. " Rajouta l'ancienne Baptistrelle, son regard passant de Lewyn à Aegnor. " Qui est-il exactement ? " Demanda ensuite Orfraie à Lewyn.