La chaleur contraignante du désert forçait les Protégés à rester dans l’ombre et la fraicheur des galeries ou bien du fort, lorsque l’astre du jour brillant, haut dans le ciel. Fort Espérance était un refuge idéal. Orfraie profitait de son temps libre pour se rendre compte par elle-même du nombre de nouveaux arrivants au cœur du désert et lorsqu’elle le pouvait, l’ancienne Baptistrelle utilisait ses quelques connaissances en phytothérapie et en magie pour venir en aide aux soigneurs. Toujours vêtue de son armure, la main gauche sur la garde de son épée, elle marchait parmi les blessés tandis que son regard vagabondait. Son esprit était perdu dans le passé, lorsque les Elfes foulaient encore la terre de la forêt, lorsqu’elle-même entendait encore le monde chanter, lorsqu’elle avait pour but d’aider son prochain et transmettre son savoir.
Sa main droite, gantée, se posa sur sa poitrine tandis qu’elle fermait les yeux quelques instants. Depuis le jour où elle avait perdue ses pouvoirs, Orfraie ressentait un grand vide en elle, un trou béant que rien ne pourrait combler. Depuis son arrivée au sein du Protectorat au début du mois, la Princesse côtoyait de plus en plus de Baptistrels, du moins c’est ce qu’elle ressentait. Comme si le destin voulait la punir d’avoir rompu son serment… L’Elfe revint à elle lorsqu’elle manqua de se faire renverser, un homme courant en sens inverse. Il portait dans ses bras de nombreux bandages. La guerrière soupira, puis poursuivit sa marche. Si elle portait son armure, l’absence de Palantir lui permettait de se faufiler plus aisément parmi les Protégés et de passer davantage inaperçue, bien que certains Elfes se tournaient vers elle afin de la saluer, ce qui la faisait doucement sourire.

L’Elfe continua à marcher, jusqu’à ce que son regard tombe sur la silhouette d’une Elfe. Sa chevelure était étonnante, mais lorsqu’Orfraie aperçue son visage, il lui sembla la reconnaître. Quelques secondes lui furent nécessaires pour reconnaître la femme d’Artaher : Lisaë. Orfraie et Artaher étaient collègues, mais également des amis. De ce fait, la Princesse avait déjà rencontré son épouse et les deux femmes entretenaient de bonnes relations, sans être amies. La guerrière suivit donc Lisaë avec l’intention de lui parler, mais l’Elfette poussa une porte avant qu’Orfraie parvienne à sa hauteur. La Générale s’apprêtait à rebrousser chemin lorsqu’elle capta quelques mots… Pour l’ancienne Maître Baptistrelle, il fut aisé de comprendre de quoi il était question.

Poussé par ses sentiments, Orfraie poussa la porte à son tour sans savoir ce qu’elle allait trouver à l’intérieur. Ses iris bleus-glacés se posèrent donc sur une humaine. Cette dernière ne devait pas encore avoir quarante ans, jugea la Princesse. Toutefois, celle-ci était encore novice dans l’exercice et pouvait se tromper. Son regard se posa ensuite sur Lisaë, à qui elle offrit un sourire. La Princesse salua ensuite les deux femmes, puis prit la parole.

« Pardonnez moi cette interruption, mais j’ai surpris votre conversation. » Fit Orfraie avec une once de timidité, comme si elle avait peur d’être reconnue et jugée pour ses actions passées. Toutefois, elle savait que mentir face à une Baptistrelle était source de souffrance physique, aussi elle n’essaya pas de cacher son identité. Lisaë la connaissait de toute façon. « Je suis Orfraie Ataliel, Générale des Rôdeurs et j’aimerai profiter de vos connaissances. » fit l’Elfe en toute sincérité.

Lisaë fut la première à se lever et à saluer Orfraie comme il se devait. Avec un sourire, celle-ci le lui rendit. Les deux femmes s’étaient déjà rencontrées par le passé, mais leurs échanges demeuraient cordiaux. Lisaë poursuivit en jugeant que la Baptistrelle ne verrait pas d’inconvénient à ce qu’elle se joigne à la leçon, ce que l’intéressée approuva à sa façon tandis qu’Orfraie se voyait offrir le siège de la plus jeune des deux Sylvains. Le regard de la princesse plongea ensuite quelques instants dans celui d’Aléria, semblant la sonder, voir la mettre à nue. Celle-ci se présenta, donnant son prénom à la princesse qui connaissait déjà son nom de famille.

« Et j’ai entendu votre nom à de nombreuses reprises, Dame Blanchéchume. » Répondit la princesse avec un sourire qui étira ses lèvres charnues et dévoila une dentition parfaitement blanche et alignée. « Plus d’idées, peut être, mais pour ce qui est de la sagesse, je n’en suis pas certaine. » Ajouta t-elle avec une pointe de nostalgie, faisant référence à son ancien statut de Cawr et au serment qu’elle avait brisé, ce que Aléria devait forcément connaître et ce dont Lisaë avait peut être entendu parler, mais ce n’était pas certain.

Ce qu’elle ajouta par la suite fit une nouvelle fois sourire l’Elfe. Effectivement, qui refuserait une princesse à son bureau ? Et pourtant, Orfraie était connue pour être une princesse relativement souple, ne portant qu’une importance très limité à son statut. Toutefois, en l’espace d’une minute, la guerrière avait offert à l’humaine deux sourires, ce qui la changerait probablement de sa première élève qui demeurait très sérieuse, assise juste à côté de la seconde.
Tandis qu’Aléria semblait chercher le fil de sa leçon qu’elle avait perdu dans ses livres, Orfraie passa sa jambe droite par-dessus la gauche et s’installa plus confortablement dans le fauteuil que Lisaë lui avait cédé. Le regard de la générale Elfique ne lâchait pas la jeune humaine, attendant la suite de sa leçon. C’était avec une certaine mélancolie qu’elle se revoyait à la place de l’humaine, quelques siècles plus tôt… mais pouvoir se trouver là et profiter de l’enseignement de la jeune Baptistrelle était également un baume au cœur, le trou dans sa poitrine semblant alors se faire plus petit.

La princesse fut une élève attentive et écouta avec attention les explications de l’humaine. Effectivement, les étoiles ne pouvaient pas être reliées aux esprits comme l’étaient les éléments, à savoir l’eau, la terre, le feu et l’air… car les étoiles n’étaient pas des éléments, malgré le fait qu’il y avait bien un « élément des étoiles » dans la magie élémentaire des Baptistrels. Cela pouvait être étrange, vu ainsi…

« Et pourtant il existe bien une magie élémentaire liée aux étoiles … Cela peut paraitre étrange, lorsqu’on y songe. » Fit Orfraie en guise de commentaire, ses saphirs rencontrant ceux d’Aléria une nouvelle fois. Il y a bien longtemps qu’elle avait comprit où Blanchécume voulait emmener Lisaë, aussi elle se contenta de ce commentaire un peu flou.

Le regard de l’Elfe vint se poser sur Lisaë, curieux et attentif à ses mots. La jambe droite croisée sur la gauche, la Princesse ecouta la réponse de sa semblable, un léger sourrire étirant ses lèvres. D’une culture à une autres, les étoiles avaient une significations différentes. Chez les Hommes, Orfraie était certaine d’avoir un certain nombre de réponses différentes, si elle les interogeait à ce sujet. Chacun aller de sa croyance… Chez les Sylvains, comme Lisaë l’énonça, les étoiles étaient les âmes de ces Elfes ayant terminés le cicle de la réincarnation, de ceux qui demeureraient auprès des Esprits, à tout jamais.

Orfraie se montra, par la suite, très interessée par la légende contée par Lisaë, se tournant presque complètement vers cette dernière afin de l’écouter. L’Elfe se souvenait avoir entendu cette légende, par le passé, lorsque ses parents l’avaient confiés aux bons soins d’un precepteur. Elle se souvenait également avoir vu cette constélation, s’amusant alors à relier les étoiles entre elles du bout de son doigts…

Lisaë demanda ensuite si, chez les Hommes, les étoiles avaient la même signification que pour les Elfes, ou si elles n’étaient que des créatures des Esprits. Dans sa vie de Cawr, Orfraie avait eu l’occasion de discuter avec de nombreux humains, parfois très savants, et savait que pour nombre d’entre eux, les étoiles étaient synonyme de mystère et d’inconnu, qu’elles guidaient également les Hommes lorsqu’ils en avaient besoin… Thristan, un grand ami de son vivant, lui avait souvent parlé lui-même des étoiles en ces termes et raconté un jour que s’était grâce à elles qu’il avait, un jour, réussi à retrouver son chemin alors qu’il était perdu.

La jeune Elfe demande ensuite comment Aléria pouvait sentir son élément, lui qui était si loin. Le regard d’Orfraie vint alors se poser sur cette dernière, attendant sa réponse. Si les deux femmes étaient sufisament observatrice, peut être verraient elles un changement minimes dans les trais de la princesse, comme si elle tentait de contenir une vive douleur. D’ailleurs, ses sourcils s’arquèrent davantage lorsque la Chanteciel demanda à Orfraie si elle connaissait d’autre théorie au sujet des étoiles, ou si elle en avait elle-même emise autrefois.

Devenant soudainement le centre de l’attention, la guerrière se redresse très légèrement sur sa chaise et se permit quelques secondes de reflexion, permettant de ce fait au silence de s’installer brièvement entre les trois femmes.

« Je n’ai pas émise personnellement d’hypothèses au sujet des étoiles, elles n’étaient pas ma spécialité. Toutefois, j’ai ouï dire un jour qu’elles seraient, pour certaine d’entres elles, d’autres mondes semblables au notre, ou au contraire fondamentalement différent … Qu’il y aurait une vie semblable à la notre, à vous et moi, quelque part dans ses étoiles…
Il paraîtrait également qu'une étoile née à chaque premier baiser d'un amour interdit... »