Un nouvel arrivant en Terre désertique (pv Harthea, Thomas)

Le 30 Mai de l'an V de l'ère d'obsidienne

Lorën se tenait adossé contre la paroi d'un des bâtiments qui servaient d'habitation aux protégés. Le vampire, les deux bras croisés sur la poitrine, observait du coin de l'œil l'arrivée d'une foule compacte de nouveaux arrivants. Des humains pour la plupart. Ceux-ci fuyaient la Théocratie et le joug de Vraorg pour trouver refuge derrière la barrière érigée par les esprits. Cette populace chaque jour plus nombreuse s'amassait dans des tentes, des cavernes ainsi que d'autres abris de fortune et survivait, tant bien que mal, dans des conditions précaires.

Cette guerre n'avait que trop duré. Les batailles faisaient rage et le sang des combattants coulaient à flots, recouvrant la terre d'un voile écarlate. Depuis plusieurs mois, les troupes des impériaux pullulaient dans les plaines de l'Est suite à l'offensive ennemie. Lorën demeura pensif à cette idée; il ignorait quelle serait l'issue de ce terrible conflit voire même s'il avait fait le bon choix en rejoignant les protégés. Parfois le doute s'insinuait dans son esprit; qu'adviendrait-il de lui si Vraorg remportait la victoire face aux esprits ? Un sourire cynique s'afficha sur le visage blafarde du nocturne; intérieurement, il connaissait déjà la réponse: le dragon blanc n'hésiterait pas à faire exécuter tous ceux qui avaient eu l'outrecuidance de s'opposer à lui. Quand on faisait un choix décisif, parfois on gagnait, parfois on perdait, et la trahison représentait un jeu dangereux...Telle était la dure loi de la vie. Dans chaque combat, il y avait des gagnants et des perdants, c'était inéluctable...Et malheur aux vaincus...

Jusqu'à maintenant, la créature de l'ombre était parvenue à survivre en s'attirant les faveurs des plus forts; notamment celles du terrifiant prince noir, Lorenz Wintel. Ce vampire ancestral, froid et cruel, qu'il avait trahi pour rejoindre le camp des esprits.

A présent, Lorën doutait de la pertinence de cette décision mais qu'importe, il combattrait pour la cause des protégés même s'il n'adhérait pas à leurs idéaux. Il était trop tard pour reculer de toute façon.

Plusieurs nouveaux arrivants, en guenilles, passèrent près de lui; visiblement mal en point suite à leur voyage dans le désert. Leur teint blême et leurs lèvres gercées suggéraient qu'ils souffraient sûrement de déshydratation suite à leur long périple à travers le désert d'Esfelia. Certains d'entre eux se dirigèrent vers la caverne des blessés afin d'y recevoir des soins.

Une femme d'une trentaine d'année, vêtue d'une vieille robe en lambeaux, et tenant dans ses bras une gamine chétive s'avança dans sa direction. Au moment où cette dernière passait juste à côté de Lorën, son pied achoppa contre une pierre et elle s'écroula sur le sol avec son enfant.

Le vampire se pencha et les aida toutes les deux à se relever: l'humaine leva vers lui un regard terne et fatigué avant de bredouiller un vague remerciement d'une voix atone. Après cela, elle s'éclipsa à la hâte avec sa gamine en direction de la caverne des blessés.

Lorën soupira; depuis son arrivée au Protectorat, il devait supporter une cohabitation "forcée" avec les humains et surtout les elfes. Il n'avait guère le choix et devait bien s'en accommoder mais de là à les "aider". Cela en devait presque indécent et incongru, surtout pour le vampire cynique et froid qu'il était.

Cet endroit et cette humaine nommée Ariane Castel avaient une influence déplorable sur lui ! De plus, il était même contraint de se nourrir grâce à des dons de sang au lieu de vider ses proies de leur sang comme jadis. "Quelle pitié ! pensa t'il en arborant une moue méprisante, je ne suis plus que l'ombre de moi-même ! Dire qu'autrefois, j'étais un prédateur inspirant l'horreur et la frayeur et m'abreuvant du désespoir de mes victimes. "Maintenant, j'en suis réduit à aider une bonne-femme et sa mioche maigrichonne", songea t'il amèrement en haussant les épaules.

Par ailleurs, il s'ennuyait à mourir dans ce lieu spartiate et militaire où les distractions étaient pratiquement inexistantes. Les filles de joie de Caladon lui manquaient terriblement ! Avec elles au moins, il pouvait s'amuser.

Tout à l'heure, il devait rencontrer son supérieur afin de discuter de la bonne gestion des stocks, comme le lui imposait son rôle d'intendant. Rien de très palpitant en somme...

Tout d'un coup, le regard mordoré du vampire reconnut parmi la foule des nouveaux arrivants, un visage étrangement familier. Celui d'une jeune elfe...

Des mois de voyage et d'errance. Tel avait été le quotidien d'Harthéa et de Gwaewdven. Elle avait eu l'honneur de faire le voyage jusque dans les terres protégées avec l'ancienne championne elfique, Dame Aramis, mais maintenant qu'elles étaient arrivées à Fort Espérance, Harthéa lui avait proposé que la championne file devant, afin de pouvoir aller se reposer rapidement et récupérer de sa captivité et du voyage. Et puis, si l'ancienne chasseuse de prime été vu avec la championne, Harthéa ne donnait pas longtemps avant que quelqu'un ne les reconnaissent, l'une ou l'autre, et s'étonne de l'étrange duo. Harthéa préférait éviter cela à Dame Aramis. Certains risquaient d'avoir des griefs envers Harthéa et elle ne souhaitait pas mêler sa compagne de voyage à cela.
Et puis, elle devait se chercher un endroit ou laisser reposer sa monture et pouvoir se reposer elle même. Il lui faudrait également se présenter devant les Esprits pour recevoir leur jugement.
Elle avait rejoint la masse d'arrivant un peu plus tôt dans le début de la matinée, mais maintenant qu'elle parvenait à pénétrer dans la cité, Harthéa resta stupéfaite. Non pas par l'architecture, celle ci étant somme toute relativement sommaire, mais par la concentration d'individu ayant fuit le protectorat. Jusqu'à présent, les Protégés représentait un petit groupe dans l'esprit d'Harthéa. Mais maintenant qu'elle voyait cela de ses propres yeux, elle comprenait le désespoir de ces pauvres âmes. Elle voyait là des humains, des elfes et... UN VAMPIRE???
Harthéa resta interdite et commença à tracer sa route droit sur l'individu. Les vampires. La race favorite du Blanc. Ses petits protégés à lui. Ellel avait, bien sur, entendu dire que certains avaient rejoint le camp des Protégés, mais le fait d'en voir un de ses propres yeux la choquait plus que tout. C'était pour elle comme un clairière brulée au milieu d'une forêt. Quelque chose qu'elle devait chasser. Après tout, c'est à cela qu'on l'avait formé du temps du Royaume elfique.
Elle arriva finalement devant l'individu et se planta là, la mains sur la garde, prête à en découdre si besoin. Mais, par respect pour les Esprits, elle ne sortirait pas sa lame. Du moins pas sans un excellente raison.
Gwaewdven l'avait suivit sur ses talons et s'été arrêté une fraction de seconde avant sa cavalière, posant nonchalamment sa tête sur l'épaule de sa cavalière qui poussa un soupir.

-Voila une surprise à laquelle je ne m'attendais absolument pas. Un vampire posé tranquillement parmi les humains et mes semblable et qui ne montre pas d'air de supériorité... Je dois avouer que cela est plus que troublant.

Elle avait voulut se montrer méfiante, mais l'attitude de sa monture avait quelque peu surprise Harthéa. Si son destrier se comportait ainsi, c'est que le vampire ne devait pas être un danger. Du moins, pas dans l'immédiat. Mais cela ne dérida pas vraiment l'elfe. Et la fatigue du voyage faisant, elle s'efforçait de rester vigilante au moindre détail.
Et maintenant qu'elle y regardait de plus près, ce vampire était plutôt bel homme. Elle devait le reconnaitre. Il n'avait pas la beauté d'un elfe, mais ses traits se laissaient allégrement regarder avec plaisir.
Cette constatation tira un petit sourire à Harthéa.
Maintenant, la question qu'elle se posait, c'était qui serait la proie et qui serait le chasseur. Mais elle s'abstint de poser la question à voix haute. Du moins pour l'instant.
Elle regarda l'individu de manière un peu plus attentionnée et s'efforça de mémoriser le moindre détail de sa personne, qu'il s'agisse de sa posture, de ses traits, de ses fins yeux, avec cette lueur à la fois dangereuse et envoutante et...
Harthéa fut prise d'un frisson dans le dos. Allait-elle se laisser tomber dans le piège de ce chasseur comme le misérable lapin? Surement pas. Si l'un des deux devait tomber devant l'autre, se serait lui. Et non l'inverse.

Lorën ne quittait pas des yeux la jeune elfe qui venait d'apparaître parmi la foule des nouveaux arrivants. Il aurait reconnu entre mille ce visage aux traits fins et ce corps souple à la démarche féline.

Le vampire se remémora les circonstances dans lesquelles il l'avait aperçue pour la première fois...C'était en décembre de l'année dernière à Caladon. Ce jour-là, il parcourait les rues de la cité, désœuvré, cherchant une quelconque occupation ou trouvaille susceptible d'éveiller son intérêt.

Soudain, son regard avait été attiré par un attroupement de personnes juste devant un poste de garde. En s'approchant, Lorën remarqua un soldat en compagnie d'une elfe qui le suivait de mauvaise grâce. Cette scène l'avait interpellé car les représentants de cette race étaient rares en Théocratie.

Les humains amassés autour du poste de garde lançaient des regards emplis de haine à cette elfe. A croire qu'ils aimaient se repaître du spectacle de quelqu'un en difficulté. Lorën s'était souvent questionné au sujet d'un tel comportement; la plupart des humains considéraient les vampires comme des êtres maléfiques, des prédateurs assoiffés de sang; pourtant, à bien des égards, ceux-ci faisaient preuve d'autant de cruauté, de préjugés ou de froideur.

Cette contradiction l'avait toujours intrigué mais sans doute était-il plus facile de rejeter sur "l'Autre" la part d'ombre qu'on refusait de reconnaître en soi. Peut-être que les vampires représentaient simplement la partie "obscure" et "honnie" de l'humanité; ils suscitaient tant de répulsion chez les hommes car leur face blafarde et grimaçante agissait comme un miroir qui leur renvoyait leur propre reflet anamorphosé.

Durant cette froide journée d'hiver, entourée d'une populace hostile, l'elfe paraissait si fragile, exposée à leur vindicte, mais son visage demeurait digne malgré tout. Sans savoir pourquoi, le vampire l'avait contemplée avec un mélange de fascination et de curiosité malsaine. Seule parmi tant d'humains, sa grâce surnaturelle ressortait d'autant plus et formait un contraste étonnant avec cette plèbe en guenilles; tel un îlot de beauté perdu dans un océan de laideur.

Puis, elle avait disparu à l'intérieur de ce poste de garde, emmenée par ce soldat au visage balafré, et soustraite à son regard. Il avait attendu, adossé au mur du bâtiment, mais hélas l'homme était ressorti seul. Cependant, Lorën n'était pas un vampire à s'avouer facilement vaincu et avait harcelé ce dernier de questions au sujet de l'elfe. En vain.

Ce n'est finalement que par le biais du moyen détourné que le nocturne était parvenu à ses fins. Un espion ayant surpris la conversation entre cette femme-elfe et ce soldat dans une taverne les avaient suivi discrètement jusqu'au poste de garde. Après cela, celui-ci avait assisté à la confrontation entre l'homme d'arme et le vampire. Et ce mystérieux espion avait proposé à Lorën de lui revendre des informations, moyennant une coquette somme d'argent.

C'est ainsi qu'il avait appris son prénom..."Harthea" et qu'elle était une mercenaire, prête à vendre ses services au plus offrant. D'après l'espion de Caladon, cette dernière avait prétendu ne servir aucun camp et rechercher quelqu'un qui lui était cher à Gloria. Voilà qui était pour le moins curieux car en ces temps troublés, nul ne pouvait s'affranchir de prendre parti pour Vraorg ou les esprits. Hélas, ce jour là, il avait perdu sa trace devant cet endroit, ne sachant ce qu'elle était advenue par la suite...

Toutefois après être rentré dans le poste de garde, Lorën avait remarqué sa disparition grâce à ses sens sur-aiguisés. Il ne percevait pas les battements du cœur de l'elfe et en avait donc déduit qu'elle ne trouvait plus dans ce lieu. Peut-être était-elle parvenue à fuir la cruauté de ce sergent, prêt à la torturer, mais comment ? Le mystère demeurait entier.

Aujourd'hui, le destin remettait cette femme-elfe sur son chemin...

Cette dernière semblait avoir remarqué l'attention dont elle faisait l'objet et darda son regard sur le nocturne. Son beau visage aux traits délicats exprimait la surprise et la méfiance. Le vampire afficha un léger sourire en coin, gardant ses prunelles pailletées d'or fixées sur la sculpturale elfette.

Harthea s'avança dans sa direction et se planta devant lui, les yeux brillant d'une farouche détermination. Elle porta la main à sa garde, probablement prête à en découdre. Loin d'agacer le vampire, cette attitude l'amusa: C'est une femme-elfe dotée d'un sacré caractère, pensa t'il, même si elle se trompait de cible car il n'avait aucune intention de se battre. Du reste, son attitude hostile ne l'étonnait guère car les elfes et les vampires appartenaient à deux peuples ennemis. Le premier possédait l'éclat doré du soleil tandis que le second s'épanouissait à la lueur bleutée de la lune. Chez nombre de représentants de ces deux races demeuraient des préjugés tenaces voire une inextinguible haine vis-vis de l'autre nation.

Lorën, lui-même, nourrissait originellement certains préjugés envers le "beau peuple" mais à force d'en côtoyer tous les jours dans le Protectorat; il avait fini par surmonter sa "répulsion" initiale voire même à développer de la curiosité à l'égard de certains d'entre eux.

Et cette Harthea éveillait son intérêt car une elfe mercenaire voyageant en Théocratie, c'était pour le moins singulier. Le vampire savait à quel point ceux-ci étaient minoritaires et déconsidérés là bas. Sans doute, avait-elle dû endurer bien des épreuves et faire preuve d'un grand courage pour parvenir à survivre, ce qui malgré tout forçait le respect voire l'admiration.

La femme-elfe s'adressa à lui d'une voix teintée d'un brin de méfiance, son voyage à travers le désert semblait l'avoir fatiguée car ses traits étaient un peu tirés. Un destrier l'accompagnait mais l'animal ne semblait manifester aucune crainte vis-vis de lui.

Le vampire garda les deux bras croisés sur la poitrine et son attitude pleine de désinvolture avant de répondre d'une voix calme, avec un sourire amusé:

- L'existence est pleine de surprise et il faut une première fois à tout. Toutefois, je comprends ton étonnement car la majorité des miens servent sous la bannière du dragon blanc.

Lorën aurait pu lui lancer une petite pique taquine en lui faisant remarquer qu'une elfe en Théocratie, cela ne passait pas non plus inaperçu. Mais, il préférait garder le silence à ce sujet, du moins pour le moment.

- Quant à la supériorité, les esprits mettent les trois races sur un pied d'égalité et ne permettent pas qu'un outrage soit fait à l'une d'entre-elles, ajouta-il d'un ton malicieux.

Il détailla l'efle et son regard mordoré s'arrêta un bref instant sur la main de cette dernière qui se trouvait sur la garde de son arme. Prête à dégainer au moindre geste suspect, pensa le vampire. Par ailleurs, l'elfette le scrutait des pieds à la tête avec attention. En retour, les prunelles de Lorën lorgnèrent sur la poitrine d'Harthea et déshabillèrent sa silhouette élancée du regard, avant de remonter vers son joli visage. Aucune raison qu'elle soit la seule à se "rincer" l'œil.

En général, le vampire ne s'intéressait pas aux femmes-elfes, mais celle-ci avait un petit quelque chose de "spécial" qui excitait son imagination.

Cette elfe ne paraissait pas être une espionne au service des théocrates; du reste, à ce stade, le nocturne ne nourrissait aucun grief particulier envers elle. De plus, il ignorait ce qu'il ferait des informations qu'il possédait à son sujet, ni même s'il les divulguerait à quelqu'un d'autre. Après tout, peut-être qu'un jour cette mercenaire lui serait utile mais seul l'avenir le dirait.

La seule chose qu'il savait à présent, c'est qu'il désirait faire plus ample connaissance avec cette surprenante Harthea. Toutefois, cela risquait d'être une tâche ardue à en juger par l'animosité qui émanait de cette dernière.

- Mon nom est Lorën Arcaë. Si tu es une nouvelle réfugiée qui vient en paix, alors sois la bienvenue au Protectorat, dit-il, en plongeant ses yeux dorés dans ceux de la jeune elfe.

Harthéa le laissa l'observer tout son saoul. Elle n'avait de toute façon nul part ou se cacher, et se n'était pas dans ses habitudes. Elle avait depuis longtemps apprit à profiter de ses formes au près des humains. Et une personne qui regarde son corps et une personne qui ne voit pas sa lame le moment venu.
Puis le vampire énonça son nom. Lorën Arcaë. L'évocation du nom fit que Harthéa se crispa un instant.
L'intendant de l'Armée Vampirique. Rien que cela. Voila bien un nom qu'elle ne pensait pas rencontrer un jour. Elle ne put finalement s'empêcher de rire pour se détendre un bon coup.

-Lorën Arcaë. L'un des noms que je devait autrefois pourchasser, avant notre chute. Parvint-elle à dire entre deux éclats de rire. Dire qu'il me suffit de venir ici pour finir par vous trouver. Les Esprits seraient-ils joueurs avec moi?

Elle poussa un grand soupir en laissant retomber sa tête en arrière. Puis elle reprit son sérieux, laissant tomber sa main de sa garde. Le discourt du vampire criait qu'il ne chercher nul conflit. Et sa gestuelle le prouver plus que de raison. Aussi n'allait-elle pas provoquer une rixe en ces lieux, juste pour satisfaire de vieilles tensions qui, aujourd'hui, ont disparut au profit d'un adversaire bien plus menaçant.
Harthéa s'inclina sans le quitter des yeux.

-Je me nomme Harthéa Thaidforodren, fille de Lindorië Thaidforodren et de Amandil Thaidforodren. Je pense que pour le moment, je m'arrêterais là pour ma généalogie, dont il est plus que probable que vous n'ayez cure de savoir jusqu’où elle s'étend. Elle regarda autour d'elle un instant, observant la scène ou ils se trouvaient, puis revint sur Lorën. Connaissez vous les parages? Parce que j'ai une soif monstre avec cette traversée du désert et que je n'ai plus une goute dans ma gourde. Alors un petit remontant pendant que nous discutons serait le bienvenu. Du moins, avant que j'aille me présenter aux Esprits, leur présenter mes respect et demander leur jugement.

Elle attrapa la longe de sa monture et entreprit de suivre le vampire dans les rues de Fort Espérance. Elle ne connaissait pas la cité et le coup de main d'une personne du coin serait toujours la bienvenu, tout vampire qu'il soit. Elle pourrait toujours lui proposer un retour le moment venu.
Une nouvelle fois, elle observa l'équipement de l'individu. Un équipement somme toute simple. Elle acquiesça en voyant la tenue de Lorën. Maitre Esimar aurait trouver plus que convenable ce genre de tenu pour quelqu'un qui combattait. Certes, probablement pas la tenu d'un cavalier de métier. Mais Lorën n'était pas un cavalier, mais un intendant. L'on attend pas de la personne en charge de l'intendant qu'elle aille vadrouiller par monts et par vaux comme un cavalier le ferait.
Non, l'Intendant suivait l'armée ou gérer à distance des conflits. Il était donc rare qu'ils soit sur les champs de bataille.
Mais visiblement, Lorën avait adapter sa tenue aux temps présents et se tenait près à en découdre si le besoin se faisait sentir.

Harthéa leva finalement ses yeux du vampire et finit par remarque un jeune homme dont l'aspect maigrichon laissa l'elfe pantois. Comment un être aussi décharné était parvenu à franchir le désert?

Lorën ne quittait pas des yeux Harthea: celle-ci gardait sa main sur la garde de son arme. Pourtant, le vampire était de moins en moins convaincu que la jeune elfe s'en servirait contre lui.

Ils se trouvaient tous deux dans un lieu public, entourés d'une foule de nouveaux arrivants qui ne se gênaient pas pour leur lancer des regards curieux. Par ailleurs, il n'avait eu aucune attitude menaçante envers cette elfette justifiant qu'elle l'attaque.

Sans compter que si elle était une réfugiée cherchant protection derrière la barrière érigée par les esprits, elle se devait de respecter leurs lois et ne pas s'en prendre à l'un de ses nouveaux alliés.

Le nocturne en déduisit qu'hormis si elle agissait de manière irraisonnée ou impulsive, il était fort improbable que cette mercenaire dégaine son arme. De plus, son agressivité semblait s'atténuer au fil des minutes. Peut-être que cette dernière avait fini par prendre conscience qu'ils appartenaient à présent au même camp.

Lorsqu'il lui révéla son nom, la femme-elfe se crispa et ne put s'empêcher d'éclater d'un rire nerveux. Lorën observait la moindre de ses expressions corporelles et ses sens aiguisés percevaient les battements de son cœur. Elle semblait plus détendue que tout à l'heure, et il supposa que son attitude belliqueuse soit causée, en majeure partie, par la fatigue de son long voyage à travers le désert.

Entre deux éclats de rires, Harthea lui révéla qu'il était l'un de ceux qu'elle devait pourchasser et souligna l'ironie de cette situation. Le vampire la regarda calmement, un peu amusé par ses propos avant d'ajouter en souriant:

- Il est vrai que parfois les ennemis d'hier deviennent les amis d'aujourd'hui. D'ailleurs ne trouvez vous pas aussi très ironique que nous soyons à présent alliés avec nombre d'Alayiens ?

La jeune elfe poussa un profond soupir et laissa retomber sa main de sa garde et son geste n'échappa pas au regard aiguisé du nocturne. Ensuite, elle se présenta, révélant son nom et son prénom ainsi que celui de ses parents.

Lorën l'écouta un peu intrigué par cette présentation qui lui semblait fort originale. Mais après tout, les elfes possédaient la réputation d'être cérémonieux et il ignorait la plupart des usages en vigueur chez ce peuple.

Puis, l'elfette balaya les alentours du regard avant de demander au nocturne s'il connaissait les lieux car elle mourrait de soif.

Le vampire réfléchit un bref instant. En effet, il connaissait bien le protectorat car il y résidait depuis la fin du mois de Janvier. Peut-être serait-il intéressant d'expliquer le fonctionnement de cette société à cette nouvelle arrivée. D'autant plus qu'il n'avait rien de mieux à faire pour l'instant. Par ailleurs, cette attitude serviable lui permettrait d'être bien vu par les membres de son camp et de faire plus ample connaissance avec cette mystérieuse Harthea.

- Je connais bien le Protectorat car je suis arrivé ici à la fin du mois de Janvier. Si vous le désirez, je vous informerai sur son fonctionnement. Et puisque vous êtes déshydratée à cause de votre long voyage dans le désert, on vous distribuera un peu d'eau dans la caverne destinée aux blessés. Je peux vous y conduire.

La remarque d'Harthea au sujet d'une rencontre avec les esprits et d'un possible jugement ne manqua pas de surprendre le vampire. Il la dévisagea en arborant un sourire en coin.

- Je ne pense pas qu'il vous soit possible de rencontrer les esprits, dit-il mi rieur, mi sérieux. Ceux-ci résident dans le plan astral et il est..."difficile" de s'y rendre. Quant à un jugement, celui-ci est inutile. Apprenez que le protectorat ne refuse aucun membre, tant que sa loyauté et sa fidélité sont prouvés.

Tout d'un coup, la femme-elfe quitta des yeux le nocturne pour diriger son regard clair vers un jeune homme efflanqué. Lorën avait également perçu la présence de cet humain grâce à ses sens aiguisés. Celui-ci paraissait observer la scène et écouter attentivement leur conversation...

Thomas sentait le jus de la datte ruisseler dans sa gorge. Cette sensation le comblait tellement qu’il fermait les yeux en la savourant. Le jeune homme savourait sa nouvelle vie qui lui convenait tant. Il ne regrettait pas le jour où il avait décidé de s’enfuir de Gloria. La vie ici était dure certes mais elle restait bien meilleure que celle lui étant offert par sa ville d’origine. Le simple fait de pouvoir se nourrir d’une façon décente était un délice pour le jeune homme. Chaque collation ou repas représentait un plaisir immense pour lui qui découvrait des saveurs et des consistances qu’il n’avait jamais gouté jusqu’ici. Depuis son arrivée, il y a un peu moins d‘un mois, Thomas s’était légèrement remplumé et on ne distinguait presque plus ses côtes. Il donnait toujours l’impression d’être mince, presque rachitique, mais il ne s’était jamais senti aussi en forme.

Ironiquement toutefois, vagabonder dans les rues restait l’occupation favorite de Thomas, étrange réminiscence du passé, lui rappelant chaque jour d’où il venait. Il avait toujours du mal à communiquer avec d’autres gens et ces moments de solitude passés à arpenter Fort-Espérance constituaient une bouffée d’air pour lui. Thomas s’améliorait de jour en jour, dans ses domaines d’apprentissages variés depuis qu’il était arrivé. Il fallait dire que s’améliorer à partir de rien n’était pas vraiment un exploit. Il lui restait toutefois une faiblesse, son caractère introverti et solitaire ne l’aidant pas à se faire des contacts. Durant sa vie, le jeune homme n’avait jamais eu à compter sur qui que ce soit, mais depuis son arrivée, il avait compris que ce ne serait plus le cas. Le jeune homme avait remarqué que très peu s’exprimait de manière rustre comme lui, et il essayait de le corriger en se parlant à voix haute chez lui comme on lui avait conseillé. Ici, les apparences et les premières impressions régissaient souvent la façon dont on était perçu. Thomas avait beau avoir l’air rustre, il n’était pas idiot, et sa rencontre avec Sighild sur la route lui avait fait réaliser qu’il n’avait pas envie d’être traité comme tel. Pour l’instant toutefois, le jeune homme ne se faisait pas confiance, et il fallait avouer que socialiser restait quelque chose qui ne l’attirait pas. Mais comme dans le reste de sa vie, le jeune homme ferait ce qui était nécessaire, même si ces nécessités avaient changé du tout au tout depuis son départ de Gloria.

Une légère brise lui caressant le visage lui fit subitement reprendre conscience. Il fallait dire que c’était rare ici et pas toujours bon signe. Les seules formes de vent dans le désert étaient des tempêtes de sables, réelle plaie pour les gens se trouvant sur son chemin.

C’est alors que Thomas vit quelque chose de plus rare encore. A quelque distance de lui, un vampire était en train de discuter avec un elfe.
Le vampire était grand, c’était un mâle aussi. Il avait de longs cheveux noirs et arborait en permanence un air sur de soi. Depuis qu’il était arrivé ici, Thomas avait croisé peu de ses congénères et avait eu à chaque fois le plus grand mal à ne pas succomber à la haine qu’il vouait à ces créatures. On lui avait signifié que ces immondices étaient admises ici au même titre qu’il l’était et qu’il devait mettre ses vieilles rancunes de côté. Le jeune homme était arrivé jusqu’ici à respecter ce qu’on lui avait commandé mais il ne pouvait réfréner son envie de pure violence qu’il éprouvait en leurs présences. Celui-là l’ennuyait d’autant plus qu’il n’avait pas l’air souffrir le moins du monde de problème lorsqu’il discutait. Ses gestes élégants, ses sourires prouvaient qu’il maniait l’art de la communication sans aucun problème. Thomas se sentait jaloux, ce qui alimentait d’autant plus son sentiment de répulsion envers le nocturne. Une dernière chose l’ennuyait au plus haut point, le fait que cette créature parle avec un elfe.

Cet elfe était une elfette, même si ceux de sa race avait toujours l’air féminin pour Thomas, ce spécimen montrait des éléments indéniables de féminité. Son corps était à des lieues de celui de Sighild, et éveillait en Thomas un désir brulant. Il fallut quelques instants pour que le jeune homme reprenne ses esprits. Il ne pouvait oublier le nocturne à qui elle parlait e façon enjouée, ce qui lui ôta tout désir aussi vite qu’il était apparu. L’elfe était accompagnée d’une magnifique monture, comme seuls ceux de sa race peuvent en posséder… Elle arborait sur son flanc une épée fine mais menaçante qui rappelait au jeune homme que ceux de son peuple étaient de fiers guerriers, plus aguerris que ses confrères humains.

Succombant à de vieilles habitudes et à une curiosité malsaine, le jeune homme se rapprocha du couple pour entendre ce qu’ils se disaient… Toutefois, il n’eut pas le temps d’entendre quoi que ce soit. A peine s’était-il adossé à un mur que le regard de l’elfe rapidement suivit par celui du nocturne s’abattirent sur lui. Le jeune homme avait une nouvelle fois oublié qu’il ne passait plus inaperçu dans ces rues comme il le faisait à Gloria. Il n’avait même pas essayé d’être discret lorsqu’il avait manœuvré et les deux compères, possédant les sens aiguisés propres à ceux de leurs races, l’avaient très rapidement repéré.

Thomas prit un air dans la lune, sachant pertinemment que sa manœuvre ne les tromperait pas… Toutefois, il ne savait pas quoi dire et préférait ignorer le couple plutôt que devoir lui faire façe…

Il pria alors en silence que ceux-ci passent leurs chemins…

"Allié est un bien grand mot, Vampire. Les circonstances nous forcent à nous battre ensemble contre les forces du Blanc. Mais que se passera-t-il si les Protégés parviennent à le destituer de son pouvoir et de son influence? Croyez vous vraiment que les hostilités d'hier seront oubliées? Croyez vous vraiment que les humains et les elfes oublieront que leur royaume fut en grande partie détruit par les alayens avant l'avènement de Vraorg?
Pour votre peuple, je ne saurais parler. Mais je sais que nombre seront ceux qui voudront prendre leur vengeance. Et les victimes ne seront pas nécessairement les coupable.
Enfin, je m'attends malgré tout à subir le même sort à un moment ou à un autre, dois-je avouer."

Répondit Harthéa sans regarder Lorën. Son regard demeurait figé sur le jeune homme. Il devait avoir une vingtaine d'année à première vue. Il portait clairement les stigmates de la rue que Harthéa connaissait pour avoir passer un certains temps avec de tels enfants à Gloria durant son enfance. Mal nourrit, à peine mieux fagoté.

-De l'eau ferait en effet le plus grand bien. Aussi bien pour moi que pour Gwaewdven.

Prenant l'aspect du garçon en pitié, elle attrapa dans une de ses sacoches un sachet de biscuit de voyage et le lança en direction du garçon.
Que n'eut-elle pas mieux fait de s'abstenir d'agir ainsi, car bientôt, plusieurs autres enfants approchèrent du duo, quémandant de quoi manger.

-D'accord. Autant pour moi et la générosité. Ici c'est encore plus pénible que ailleurs. Murmura-t-elle. Désolé les enfants, je n'ai plus rien à distribuer. C'était mon dernier.

Harthéa reprit le chemin, en suivant Lorën et en continuant à prêter attention aux bruit de pas du jeune homme et à ceux du vampire.
Elle avait apprise, durant sa formation de soldat du Royaume Elfique à se déplacer sans nécessairement se fier à ses yeux. Elle n'excellait pas dans la tâche, mais elle parvenait à se débrouiller correctement en situation de calme. La seule complication qu'elle éprouvait pour l'instant était cette masse d'individus qui les entourait et se pressait contre eux pour essayer d'avancer dans les rues.
Étrangement, Harthéa commencer à se sentir mal à l'aise en ce lieux. Elle était habitués au grands espaces et à la liberté. Mais voila qu'elle se retrouvait dans un lieu confiné, ou les gens risquaient de se marchait dessus à chaque instant.
Le soleil chauffant, elle se sentait prise de vertiges et commencer à ressentir des difficultés à respirer. Elle pressa le pas en priant pour sortir rapidement de là.

-Vous parliez de fidélité et de loyauté, Lorën. Mais selon vous, combien accepteront de travailler avec moi en sachant ce que j'ai pu faire avant? Car sachez le, tout Vampire que vous soyez, il existe un danger bien plus grand que vous ou moi en ces lieux. Du moins en ce qui me concerne. Et si je ne parviens à trouver comment rencontrer les Esprits ou leur représentant en ces lieux, alors autant signer mon arrêt de mort sur le champs. Car je ne sortirais probablement pas d'ici vivante. C'est ce que la route m'a enseigner des humains comme des individus.

Harthéa regardait frénétiquement à droite et à gauche, cherchant un endroit à l'ombre et sans personne pour l'étouffer. Car elle ne comprenait que trop bien ce qu'il lui arriver. Elle commençait à paniquer. Et une personne qui panique est une personne qui risque de faire des erreurs.
Il fallait qu'elle trouve un endroit ou se poser. Mais ou en ce lieux qui lui est parfaitement inconnu?

Lorën jeta un regard distrait à l'humain qui semblait les observer depuis un long moment. Cependant, grâce à ses sens sur-développés, le nocturne avait déjà perçu sa présence et sentit peser sur lui la brûlure de son regard.

Lorsqu'il remarqua que son petit manège ne passait pas inaperçu, le jeune garçon feignit de rêvasser, espérant probablement détourner leurs soupçons grâce à ce subterfuge. Le vampire l'ignora, préférant reporter son attention sur l'elfe avec laquelle il était en train de converser.

Cette dernière émit certaines réserves quant à la pérennité de l'alliance conclue avec les Alayiens dans l'unique but de combattre Vraorg. Et sur ce point, le vampire ne pouvait pas lui donner tort; en son for intérieur, il nourrissait les mêmes doutes. En effet, si les protégés l'emportaient qu'adviendrait-il de cette fragile "collaboration" ? Celle-ci n'était guidée que par un intérêt commun et les obligeait tous à mettre de coté, du moins pour le moment, leurs vieilles rancœurs. Lorën possédait suffisamment de lucidité pour savoir que rien n'était éternel en ce bas monde et qu'un nouveau conflit avec les Alayiens pourrait un jour éclater...

Cependant, pour le moment, l'effort de guerre imposait d'unir sous la même bannière des êtres aussi divers voire antagonistes que des dragons, des humains, des elfes, des vampires et même des Alayiens. Face à l'intérêt commun, les inimitiés personnelles ne devaient pas entrer en ligne de compte et risquer de compromettre toute chance de victoire.

- Certes, le terme "d'alliés" peut sembler surfait si nous tenons compte du contexte dans laquelle cette alliance s'est établie. Celle-ci est plus guidée par une impérieuse nécessité que par une "harmonie" entre les individus. Je n'ignore pas non plus que les blessures du passé ne sont pas encore cicatrisées et que le sentiment de haine demeure vivace chez certains individus de ces différents peuples.

Le vampire s'interrompit un moment, gardant ses yeux dorés dardés sur Harthea qui s'était laissée distraire par le jeune humain. Puis, il poursuivit d'un ton froid en esquissant un sourire narquois:

- Je n'ai nullement oublié ce qu'ont fait les Alayiens...et je crois que je ne l'oublierai jamais. Pourtant, les circonstances actuelles nous poussent à conjuguer nos forces afin d'atteindre une finalité commune, c'est-à-dire la défaite de Vraorg. Les sentiments personnels ne doivent pas constituer une gêne, c'est pour cette raison que je les mets de côté afin de me concentrer sur le combat que nous menons. Si nous laissons nos anciens antagonismes nous diviser, alors je crains que la victoire ne nous échappe...Quant à ce que feront les Alayiens si les protégés gagnent ce combat, il est impossible de le déterminer avec certitude. Avant l'avènement de Vraorg, ces derniers avaient accepté de vivre en bonne intelligence avec les Armandéens, à condition de pouvoir conserver le culte de Néant.

Ensuite le nocturne soupira et haussa les épaules:

- Je possède de nombreux talents mais hélas pas celui de lire l'avenir. Pour l'instant, je préfère me concentrer sur le présent et notre combat contre le dragon blanc plutôt que d'extrapoler sur un futur qui demeure hypothétique.

L'elfette paraissait prendre en pitié le malheureux humain et lui distribua "généreusement" un sachet de biscuits, ce qui ne manqua pas d'attirer une ribambelle d'enfants affamés. Lorën la regarda faire avec une froide indifférence et s'abstint de formuler le moindre commentaire.
Pendant qu'il avançait, suivi de la femme-elfe, le nocturne sentit le malaise de celle-ci s'intensifier et sa respiration devenir saccadée comme si elle était sur le point d'étouffer.

Elle pressa le pas et lui dit d'une voix étranglée qu'en raison de son passé trouble, elle courait un grave danger et devait rencontrer les esprits ou leurs représentants à tout prix. Disant cela, Harthea balaya les lieux du regard, l'air fébrile, comme si elle craignait quelqu'un ou quelque chose.

Le vampire la dévisagea, un peu intrigué par ses paroles et la frayeur qui la gagnait. Certes, il savait que cette elfe était une mercenaire mais quel secret inavouable dissimulait-elle ? Pourquoi lisait-il tant de peur dans ses prunelles claires ?

- Bien, si vous courrez un grave danger, il faudra vous adresser à qui de droit: c'est à dire à un représentant de la justice. Je ne suis qu'un intendant et ne peut donc pas intercéder pour vous. Concernant les nouveaux arrivés, selon vos compétences on vous attribuera un poste ou des tâches à réaliser pour contribuer à l'effort de guerre. Par exemple en tant que civile.

Lorën hésita un bref instant puis chuchota:

- S'il plane une menace dans ce lieu...mieux vaudrait que nous en discutions dans un endroit sûr, loin d'oreilles indiscrètes.

Puis voyant qu'Harthea semblait malade et que des gouttes de sueur perlaient sur son front blême, le vampire se radoucit:

- Vous m'avez l'air mal en point. Venez avec moi, je vais vous conduire à la caverne des blessés pour qu'on vous donne à boire et des soins, dit-il d'une voix calme, espérant la rassurer.

Thomas resta quelques instant bouche bée en regardant le sachet de biscuit qui était tombé à ses pieds. Qu’avait donc traversé l’esprit de l’elfe quand elle fit ce geste. Ce geste devait être dicté par de la bienveillance peut-être, toujours était-il très insultant pour le jeune homme. Il avait traversé la moitié du continent pour prendre sa vie en main et changer son style et voilà qu’aujourd’hui cette elfe lui lançait ce sachet de biscuit comme s’il était un vulgaire. A l’époque, Thomas aurait sans doute prit l’offrande comme un don du ciel, comme les gosses qui s’attroupaient maintenant autour de la belle elfe, mais aujourd’hui il était fier d’être plus que ça, d’avoir son rôle dans la société.

Peu à peu, il sentit la colère monter en lui… Il se souvenait qu’on lui avait dit que la plupart des elfes étaient des êtres très sûrs d’eux, voir hautains, cela ne lui enlevait pourtant pas ce dégout soudain qu’il éprouvait. Ce sentiment de colère, Thomas ne le connaissait que trop bien, il savait qu’il appelait une vengeance de sa part. Pour lui cela passait par la violence physique. Serrant les dents et les poings, l’ancien vagabond essaya de se contrôler au mieux, connaissant les conséquences d’un dérapage dans ce bastion de la résistance. En fermant les yeux, il fit peu à peu le vide en lui, celui qui lui permettrait de reprendre sa contenance. En y réfléchissant sa réaction était excessive, on lui avait lancé qu’un sachet de biscuits… Et puis, s’en prendre à une elfe armée n’était pas malin, encore moins si elle était accompagnée d’un suceur de sang. Le jeune homme savait très bien que les représentants de ces peuples étaient dotés de plus grandes facultés physiques que les humains et sa force naturelle, bien que grande pour ses congénères risquait de ne pas suffire dans un tel combat.

En ouvrant les yeux, Thomas vit à nouveau le paquet de biscuits à ses pieds. Cette fois-ci, il se contrôla en s’abaissant pour le ramasser. Il n’avait plus faim, repu qu’il était après avoir mangé une date quelques instants plus tôt. S’il ramassait le paquet c’est qu’il espérait le rendre à son propriétaire. Il ne succomberait pas à la violence mais il ne comptait pas non plus laisser l’elfe s’en sortir à si bon compte.

Lorsqu’il releva la tête pour regarder le couple à nouveau, il avait disparu. Thomas scruta rapidement les alentours pour le retrouver et le repéra quelques instants plus tard. L’attroupement de gens qui les suivaient était très peu discret et le jeune garçon prit leur suite à grandes enjambées.

Lorsqu’il fut plus près, il discerna une inquiétude dans l’attitude de l’elfe, clairement peu à l’aise au milieu de cet attroupement. Le vampire semblait s’enquérir de ses nouvelles vu son air soucieux et plein d’empathie. Thomas vit dans la situation une opportunité de capter l’attention du couple et ainsi pouvoir s’expliquer avec l’elfe.

Il siffla rapidement d’une façon très reconnaissable pour les jeunes de la rue. Les jeunes têtes se tournèrent alors vers lui pour voir la raison de cet appel. Thomas leur montra alors le paquet de biscuit qu’il tenait suspendu dans sa main droite. Sans se faire prier, la foule s’avança avec voracité vers lui. Il lança alors le sachet à un des plus grands de la bande et s’en alla rejoindre le couple un peu plus loin.

Il se racla la gorge avant de prendre la parole, se rappelant de parler d’une façon distincte et sans jargon :

« Vous voilà débarrassé d’eux. »

Il ne prit pas un ton très affable mais il ne cherchait pas à être amical.

« Je peux comprendre la raison de votre geste de toute à l’heure ? »

L’énervement était bien marqué dans la question, aussi Thomas ne doutait pas que son message serait bien comprit par le couple… Il prit ensuite une attitude sévère se plantant en face du couple, les bras croisé. Il était décidé à obtenir ses réponses, déterminé à ne plus se faire traiter comme le vaurien qu’il fut…

Harthea écouta Lorën expliquer les choses. Puis elle l'entendit suggérer que l'on puisse donner des taches "civiles" à Harthea. Elle ne put alors que partir dans un rire amer.

-Vous pensez vraiment que l'on puisse me confier un poste civil? Je me demande bien se que vous avez fumé en vous levant se matin, Vampire. La seule chose que je sache faire de civil, c'est écouter les gens parler et essayer de décoder leur comportement. En dehors de cela, je n'ai aucune formation.

Elle pressa le pas, se sentant de plus en plus oppresser par cette foule qui circulait dans la rue. Puis vint sifflement qu'elle aurait reconnu entre cent. Un code qu'elle n'avait plus entendu depuis presque un centenaire. Le sifflet d'un garçon des rues qui en appelle d'autre. Le code de Gloria. Elle l'aurait reconnu entre mille, pour l'avoir entendu à maintes reprise lors de son séjour dans la capitale humaine, du temps de l'enfance de Estillia
Quelle fut alors la surprise d'Harthea que de voir le jeune homme à qui elle avait laissé sa dernière ration, lorsqu'elle se retourna, et qu'il éloignait les gamins avec, avant de donner le petit paquet à l'un des plus grands du groupe de gamin. Puis il se planta devant elle et prit une attitude qui ne laissait pas de doute sur sa mentalité. Un gamin sans éducation autre que celle de la rue. Un gamin sans politesse apparente.
En temps normal, cela aurait pu amuser l'elfe. Sauf que son aventure avec l'alayen l'avait passablement refroidit. Et la panique qui la prenait n'aidant pas, elle commençait sérieusement à voir rouge lorsque l'on venait la titiller un tant soit peu.
Hors, là, ce gamin ne se contentait pas de la titiller. Il se montrer ouvertement hostile.

-Écoutez, jeune homme. Elle prit une profonde inspiration, tachant d'évacuer toute trace d'animosité dans sa voix. Mais elle doutait fortement de réellement y parvenir. Si, vous n'êtes pas capable de comprendre que quelqu'un partage avec vous ses maigres rations ne vous donne pas le droit de questionner la dite personne quand à sa raison. Elle se pencha un peu plus vers le visage émacié. Mais elle ne haussa pas le ton. Sa voix demeurait clair comme le cristal. Presque comme si elle venait de murmurer à l'oreille de chacun, se qui fit que nombre de personnes présentes se retournèrent pour voir d'où venait ces paroles qu'ils avaient entendu. Surtout si cette incompréhension peut être issue d'une différence raciale. Elle se redressa légèrement et posa ses mains sur ses hanches pour se calmer, et également pour assoir sa position.
Maintenant, pour respect pour tes origines et ceux des tiens que j'ai connu là bas, saches juste que j'ai agit pour eux et non pour un seul... individu.

Elle avait faillit dire va-nu-pied, mais elle revoyait encore le visage souriant de Estillia et des autres gamins avec qui elle avait put jouer à Gloria autre fois. Et ce terme aurait été un insulte à laquelle Harthea n'aurait pu se résigner de prononcer, toute furieuse soit-elle.

-Lorën? Je vous suis pour cette grotte. Et pour les soins, je m'en passerais sans trop de problème. Un peu d'air frais et de l'eau fraiche me feront le plus grand bien. Elle fit un pas et s'arrêta Et si il vous prend l'envie de changer, jeune homme. Faites le moi savoir, je serais plus que ravis de vous aider et éventuellement de vous apprendre ce que je peux vous enseigner et qui n'a rien à voir avec les leçons des rues de Gloria la Magnifique

Le ton d'Harthea ne laissa pas de doute aux personnes présentent. Elle ne parlait pas de la capitale actuelle de la Théocratie corrompue du Blanc, mais bien de la Capitale de la Dynastie Kohan. Et ce qu'elle promettait n'était pas un simple enseignement, mais bien un partage de l'expérience de la vie des routes, de la vie de combat qu'elle avait menait depuis le début du conflit contre les alayens.

-Ah! Et avant que je n’oublie. Bravo pour les gamins. J'aurais presque répondu moi même à votre appel en d'autres circonstances. Vous auriez presque pu faire ressortir la gamine de Gloria d'autrefois.

Elle reprit ensuite le chemin tandis que la foule commençait à s'écarter de son trajet. Mais elle s'arrêta de nouveau lorsqu'elle vit une petite fille qui s'approchait d'elle en pleurant. Une petite fille qui lui tendait les bras.
L'instinct maternel, peut être, ou tout autre chose, fit que l'elfe prit la petite dans ses bras. C'était une humaine qu'elle avait eut l'occasion de voir quelques six ans plus tôt. Elle n'avait alors que trois ans et commençait à peine à parler.

-Harthea!!! Harthea!!!

La suite des paroles furent inintelligible tant la petite pleurait.
Harthea l'emmena. Malgré le temps, la gamine l'avait reconnut. Se qui fit sourire la cavalière qui décida de l'emmener avec elle à la suite du vampire, car elle ne voyait nul part les parents de la petite Priscillia.

-Désolé, Lorën, pour cette scène. Je vous suit maintenant.

Harthea demeura attentive quand le vampire lui donna quelques informations concernant le Protectorat. Toutefois, lorsque ce dernier l'informa qu'étant donné son statut de nouvelle arrivée, elle serait certainement affectée à des tâches civiles, l'elfette se rabroua et prétendit être incapable d'occuper une telle fonction sous prétexte qu'elle ne possédait aucune compétence autre que de celle d'écouter les gens.

Le vampire haussa un sourcil et esquissa un sourire amusé avant de lui répondre d'une voix suave teintée d'ironie:

- Oh comme c'est regrettable, j'en suis navré pour vous ma chère. Hélas, c'est ainsi que fonctionne le Protectorat, les nouveaux arrivés sont affectés à des tâches civiles en attendant de leur trouver d'autres occupations plus en adéquation avec leur formation initiale. Si vous n'en possédez aucune, on vous en fournira une et des tâches appropriées afin que vous puissiez vous rendre utile à l'effort de guerre. Je suppose, du moins je l'espère pour vous, que vous êtes capable d'apprendre avec un enseignement adéquat.

Ensuite il soupira et prit un air faussement compatissant:

- Mais je comprends votre frustration et votre désarroi, peut-être qu'en venant ici, vous espériez vous voir attribuer dès le départ un poste de haut-officier dans l'armée ou même de conseiller dans les haut-sphères ? Malheureusement, il va falloir un peu revoir vos ambitions à la baisse. Du moins pour l'instant...

Pendant qu'ils avançaient, se frayant un passage à travers la foule, Lorën sentit augmenter la nervosité de la femme-elfe qui le suivait docilement. Tout d'un coup, un sifflement strident retentit et cette dernière s'immobilisa avant de jeter un regard derrière elle en direction du jeune humain. Le vampire l'imita et dévisagea cet étrange garçon d'une vingtaine d'années qui les observait depuis tout à l'heure. Qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir celui-là ? De l'argent ou de la nourriture ? Probablement les deux.

Apparemment, celui-ci s'était débarrassé du sachet de biscuit qu'Harthea lui avait lancé en guise "d'aumône" afin de le donner à l'un des enfants malingres et sales qui l'entouraient.

L'inconnu se planta face à eux, arborant une expression de franche hostilité. Le vampire demeura de marbre et se contenta de le toiser de son regard mordoré. Harthea, quant à elle, sembla virer au rouge et après avoir pris une profonde inspiration elle commença à "sermonner" le jeune homme.

Lorën l'observa et se retint d'éclater de rire: les elfes possédaient la réputation de considérer la plupart des humains comme des êtres "immatures" en raison de leur espérance de vie plus réduite et de les infantiliser. Cette fois-ci, il en avait une démonstration éclatante sous les yeux.

Après cela, demeurant calme, il croisa ses bras sur la poitrine et observa le jeune homme d'un air narquois. Malgré la colère qui se lisait dans son regard, celui-ci ne paraissait pas prêt à les attaquer, du reste, il commettrait là une grossière erreur. Que pouvait bien espérer un faible humain face à une elfe et à un vampire armés ?

Quand Harthea en eut fini avec le jeune freluquet, elle s'apprêtait à partir en traversant la foule de badauds, occupés à les observer. Soudain, une fillette en pleurs apparut et se précipita en direction de l'elfette en l'appelant par son prénom: Harthea ! Harthea !
Attendrie, la femme-elfe se pencha vers l'enfant et la prit dans ses bras avant de reporter son attention sur le vampire.

Lorën se demanda d'où pouvait bien sortir cette gamine d'environ neuf ans, habillée d'une robe en haillons: de toute évidence, elle connaissait bien l'elfe, ce qui n'était guère très courant. En général, le "beau" peuple ne fréquentait pas beaucoup les humains.

- Cette fillette d'où la connaissez-vous ? demanda-t-il un peu intrigué.

Puis ses yeux dorés se reportèrent sur le jeune garçon qui se tenait toujours planté à côté d'eux.

- Je ne me rappelle pas t'avoir déjà vu au Protectorat. Qui es-tu et pourquoi nous espionne-tu depuis tout à l'heure ?

Harthea jeta un œil à Lorën. Sa remarque concernant les ambitions de la cavalière, bien que subtilement placée, été erroné. A aucun moment, elle n'avait souhaiter prendre un rôle d'officier. Qu'on la laisse combattre pour une cause était tout ce qu'elle demandait pour le moment. Même en temps que simple soldat ou, comme se qu'elle était à l'époque du royaume elfique, comme messagère.
Elle pressa un peu plus la petit Priscillia contre elle, tandis que la petit fille essayer de sécher ses larmes.

-[color:106a=990099]J'ai fais la connaissance de cette petite il y a six ans environs, pendant mon combat contre les armées alayenne. J'ai passé une nuit chez ses parents, au milieu d'une plaine de l'Empire humain, et par la suite, je suis passé par moment. Du moins, avant l'avènement du Blanc.

Harthea suivit le vampire vers une grotte ou des réfugiés et des blessés se regroupé. Là, des hommes et des femmes allaient entre les lits pour s'occuper de ceux qui avaient besoin d'eux.
La jeune elfe posa la petite fille et l'observa. Elle détailla le visage de l'enfant. Sa chevelure brune crasseuse et ses haillons portait les traces d'un dur voyage.

-Ou sont tes parents, Priscillia? Lui demanda-t-elle en caressant sa joue.
-Papa a été emmenée par des soldats. Alors maman m'a emmené. Et sur la route, elle est rester pour retenir des leup qu'elle disait. Je devais partir devant et elle me rejoindrait ici. Mais sa fait trois jours que je suis arrivée et elle n'est toujours pas là. Raconta-t-elle entre deux reniflements.

Elle était jeune, mais pas stupide et elle comprenait ce qu'il devait être arrivé à ses parents, pour qu'elle se retrouve seule ici. Cela marqua au plus profond de son cœur l'elfe qui ne savait si elle était la dernière de sa famille ou pas. Le courage de l'enfant l'ébranlait au plus profond de son être.

-Ecoutes, Priscillia. Tu vas venir avec moi et je m'occuperais de toi. Au moins le temps que l'on sache se qu'il en est de tes parents. Tu es d'accord?.

L'enfant hocha de la tête et se colla à la jambe d'Harthea, cachant ses yeux rougis dans le pantalon de la cavalière.
Harthea se tourna vers Lorën de nouveau.

-Pour en revenir à ce que l'on disait tout à l'heure, je ne demande pas un poste à responsabilité. Je me doute bien que l'on ne va pas me confier la stratégie des Protégés parce que je le demande. Si je voulais obtenir cette responsabilité, il me faudrait faire mes preuves.
Non, ce que je veux pour le moment, c'est de pouvoir mettre mes compétences de soldat et de messagère aux services des gens ici présent. Que se soit pour de l'entrainement, de la formation ou autre. Je ferais une piètre cuisinière et je ne m'y connais pas assez dans l'art de la terre pour cultiver des terres au profit des Protégés. Et je ne parle même pas de mes incroyables talents inexistants en ce qui concerne la médecine. Au mieux, je suis capable de vous faire un bandage correcte, voir une attèle. Mais guère plus. Et je pense que vu la situation, les gens ont autre chose à faire que de former une complète novice dans ces domaines. Ne croyez vous pas?

Elle adressa un franc sourire au vampire, tandis qu'on lui tendait une louche d'eau. Louche qu'elle but avec un franc plaisir.

Lorën demeura immobile, dévisageant le jeune garçon avec hauteur, mais voyant que ce dernier ne réagissait pas à sa question et gardait le silence, il reporta son attention sur Harthea.

Cette dernière pressait contre son sein la fillette dont les joues ruisselaient de larmes, et le vampire fut frappé par l'instinct maternel dont elle faisait preuve, surtout envers une humaine. Les elfes possédaient la réputation d'être assez conservateurs et nombre d'entre eux ne fréquentaient pas la société des Hommes. Par ailleurs, certains faisaient preuve à leur égard d'une certaine condescendance, persuadés que leurs longues existences leur conféraient une sagesse supérieure à celles des humains.

Progressivement, l'enfant se calma et sécha ses larmes tout en hoquetant de temps à autre à cause d'un sanglot réprimé.

Ensuite, ils se dirigèrent en direction de la caverne des blessés afin qu'Harthea puisse étancher sa soif, en se voyant distribuer un peu d'eau fraîche, et éventuellement demander quelques soins si le besoin s'en faisait sentir.

A leur arrivée, la jeune elfe répondit à la question de l'intendant en lui expliquant avoir fait connaissance de cette fillette humaine, six années auparavant, lorsqu'elle combattait l'armée Alayienne. D'après ses dires, elle aurait passé la nuit chez les parents de l'enfant et leur aurait rendu régulièrement visite depuis, du moins avant l'avènement de Vraorg.

Puis le regard mordoré du vampire se posa sur le visage poupin de la petite fille qui semblait complètement calmée à présent.

D'une voix douce, l'elfette demanda à l'enfant, nommée Priscillia, où étaient ses parents, tout en lui caressant la joue affectueusement. A voir son aspect misérable, ses vêtements en haillons, son teint blafard et sa tignasse brune et emmêlée, il ne faisait aucun doute que la petite fille avait dû connaître des conditions de vie déplorables.

En reniflant et en essuyant la morve qui s'échappait de son nez, l'enfant expliqua à l'elfe que son père avait été arrêté par des soldats et que sa mère demeurait introuvable. Après cela, Harthea lui proposa de s'occuper d'elle, du moins, en attendant d'en savoir plus sur le sort de ses parents.

Le vampire resta impassible car ce n'était pas la première fois qu'il assistait à une scène de ce genre. Chaque jour, de nouveaux réfugiés arrivaient au Protectorat, épuisés, affamés par leur périple à travers le désert d'Esfelia. La plupart avaient dû abandonner tous leurs biens en Théocratie voire même certains membres de leur famille. Les orphelins couraient les rues, et certains n'étaient guère plus âgés que cette fillette. Hélas, cela représentait la triste et banale réalité.

En revanche, c'était bien moins banal que de voir une elfe prendre en charge un enfant humain; mais ma foi, pourquoi pas. Après tout, lui même avait sauvé et protégeait à présent une jeune écervelée humaine qui s'était amourachée de lui. Mais mieux valait éviter de trop y penser car cela lui donnait mal à la tête !

- Je vois, répondit le nocturne. Pardonnez mon étonnement mais il est peu habituel de voir une elfe fréquenter des humains. Votre peuple est resté longtemps isolé dans la forêt elfique, derrière une barrière magique et fait preuve d'un certain conservatisme, du moins la plupart si je ne m'abuse. Du reste, voyager seule en Théocratie comme vous l'avez fait n'est pas sans risque. Vous n'ignorez sans doute pas que les elfes y sont rares et détestés depuis l'arrivée du blanc. Dois-je comprendre que vous possédez un esprit aventurier et le mépris du danger ?

Ensuite, la femme-elfe déposa la petite fille sur le sol et celle-ci resta accrochée à sa jambe, tout en dissimulant ses yeux gonflés et rougis par les larmes dans son pantalon.

Harthea en revint à ce qui faisait l'objet de leur conversation, à savoir la fonction qui lui serait attribué et sa contribution à l'effort de guerre. Elle affirmait ne pas viser un poste à responsabilité, mais vouloir mettre à contribution ses compétences de soldate et de messagère au service de la population. Ayant terminé sa phrase, elle s'empara de la louche d'eau que lui tendait l'un des soigneurs présents et étancha sa soif avec un plaisir manifeste.

L'intendant se contenta de hausser les épaules avant de répondre:

- Dans ce cas, il vaudrait mieux vous adressez à un haut dirigeant afin de voir quelle tâche il jugera bon de vous attribuer. Puisque vous êtes une elfe, vous devriez rencontrer la Princesse Orfraie Ataliel, elle aura peut-être un poste de combattant ou de messager à vous proposer. Quant au fait de former une novice complète, détrompez-vous, il y aura toujours des âmes charitables qui s'en chargeront; après tout, en temps de guerre, la solidarité ainsi que la collaboration jouent un rôle important et il faut s'entraider entre protégés n'est-ce pas ?

Puis, il ajouta d'un ton espiègle:

- D'ailleurs, j'ai bien pris le temps de vous amener jusqu'ici et de vous expliquer le fonctionnement du Protectorat, alors que cette tâche ne fait nullement partie de mes attributions et que j'ai aussi d'autres choses à faire.

D'ailleurs, le vampire se rappela que l'heure de son rendez-vous avec son supérieur, afin de discuter de la gestion des stocks destinés à l'armée protégée, approchait à grands pas.

Tout d'un coup, une grosse femme, âgée qu'une quarantaine d'années, au visage bougon et à l'allure sévère s'approcha d'eux:

- Bonjour, est-ce que cette fillette est malade ? Elle semble très maigre et mal en point, mieux vaudrait qu'elle m'accompagne, ici elle recevra des soins appropriés et si elle est orpheline nous nous chargerons de lui trouver une famille d'accueil.

Lorën se tourna vers Harthea et lui chuchota à l'oreille aussi bas que possible afin que Priscillia n'entende pas:

- Cette gamine, que pensez-vous en faire si ses parents sont morts ?...ce qui est probablement le cas j'en ai peur...Si vous êtes engagée en qualité de combattante vous ne pourrez pas vous en occuper car j'imagine mal qu'on vous autorisera à l'emmener sur un champ de bataille ou dans une zone de combat...Du reste, ça serait bien trop dangereux pour elle. Et tant que messagère vous devrez probablement faire des incursions risquées en Théocratie.

-Disons que j'ai passé un long moment à vivre parmi les humains, lorsque ma mère fut envoyé en temps que ambassadrice de notre Royaume auprès de la dynastie Kohen lorsque j'étais encore une enfant pas plus haute que Priscillia. J'ai passé environ une dizaine d'année dans les rues de Gloria avec des enfants humains.

Harthea laissa couler encore une gorgée d'eau dans sa bouche et savoura la fraicheur de celle ci. Puis elle fit face à Lorën. Une part d'elle continuait de se méfier du Vampire. Mais elle devait avouer qu'il se montrait aimable et avenant envers une étrangère qu'il venait de rencontrer quelques minutes plus tôt. Cela changeait agréablement Harthea qui ne put que sourire devant le plaisir de cette constatation.

-Se n'est pas par mépris du danger que j'ai errer pendant cinq ans sur les terres de la Théocratie. Mais j'ai passé pas mal de temps sans vraiment savoir ce que je voulais faire, après l’avènement du Blanc, alors j'allais à droite et à gauche, ni vraiment vivante, ni vraiment morte. J'avais passé des années à traquer les tiens, puis les Alayens, et voila que je me suis retrouver sans endroit que je pouvais appeler maison. Et surtout, sans savoir ce que je devais faire. Je ne faisais donc que rechercher ma famille. Mais je ne suis parvenu à rien. Donc, obsédée par mon idée, je dois avouer n'avoir guère prêté attention à ce qu'il se passait autour de moi. Une fois encore, elle ne put s'empêcher de pousser un petit rire amusé. Dire que les gens prétendent les elfes comme étant sage. Du moins est ce l'impression que l'on a donné durant si longtemps. Or voila que j'expose la preuve du contraire. Si les miens me voyaient, je me demande comment ils réagiraient.

Elle jeta ensuite un regard sur ce qui l'entourait. L'étreinte de Priscillia était étrangement rassurant pour la cavalière, qui sentait la panique toujours présente, mais comme repoussée par la présence de l'enfant.
Elle remarqua des blessés dû à des combats, ou alors des personnes qui n'avait que tout juste réussit à atteindre Fort Espérance et qui désormais étaient allongée, à l'agonie dût à la traversé du désert. Dans un sens, Harthea remarqua à quelle point elle était chanceuse d'avoir avec elle Gwaewdven, car il était plus que probable qu'elle serait dans le même état que ces personnes, sans lui. Elle lui flatta l'encolure de manière distraite, tandis que le destrier s'abreuvait également. Elle veillerait à le faire installer confortablement un peu plus tard. Mais pour le moment, Harthea écoutait surtout les paroles de Lorën. Les remarques qu'il fit été intéressante. Ainsi, il restait des membres des Familles Royales elfique? Alors les Esprits avaient vraiment décidé de la guider en ces lieux. Peut être pourrait elle enfin trouver le repos de l'âme qu'elle recherchait tant depuis si longtemps et qu'elle pourrait remettre sa lame au service de ses Maîtres ancestraux.
Puis Lorën fit une remarque sur le fait que les gens prenaient du plaisir à former les novices. Une fois encore, le vampire la fit sourire.

-En effet. Mais il est toujours plus facile de montrer le chemin à une personne perdue que d'enseigner à un elfe. Pourquoi croyez vous que les notre ne sont considéré comme des adultes qu'à partir de la centaine d'années?

Elle adressa un clin d’œil à son guide. Puis elle sentit Priscillia serrer encore un peu plus sa jambe. L'elfe regarda l'enfant et suivit son regard qui tomba sur une femme qui venait de s'approcher et s'exclama devant l'état de santé de la petite. Puis elle entendit un murmure à son oreille. Lorën qui lui demandait ce qu'elle avait l'intention de faire avec l'enfant.

-Je vous remercis, dame, mais je vais m'occuper de cette petite. Je vais veiller à ce qu'elle reçoive se qu'il faut pour qu'elle se remplume un peu et apprenne ce qu'il faut pour vivre ici. Lentement, Harthea posa son poing droit dans sa main gauche et s'inclina. Merci pour votre solicitude.

Puis elle se redressa et fit face à Lorën. Elle porta alors délicatement la main au visage du vampire, le caressant légèrement.

-Votre remarque est pertinente, mais si il est une chose qu'un combattant aime plus que ce pour quoi il se bat, c'est d'avoir quelqu'un qui l'attend et qui est là pour lui lorsqu'il rentre. Cette petite à besoin de moi. Pas d'être balloté à droite et à gauche. Et cela est d'autant plus vrai si ce que vous avez fait remarquer concernant ses parents. Elle me connait et sera à l'aise plus rapidement avec moi qu'avec de parfaits inconnus, tout bienveillant qu'ils soient.
Et je ne l’emmènerais certainement pas sur un champ de bataille. Je ferais même tout ce qui est en mon pouvoir pour l'en éloigner.

Harthea tendit alors une main douce et chaleureuse à Priscillia qui s'empressa de la saisir et qui refusa de la lâcher.

-Puis-je vous demander un dernier service, Noble Lorën? ou puis-je me rendre pour voir un officier de justice et ou je puis trouver la Princesse Orfraie Ataliel?

Lorën écouta attentivement les explications d'Harthea concernant son enfance au sein de la société humaine. Cela pouvait expliquer sa personnalité et ses attitudes "atypiques" pour une efle. Peut-être que cette expérience lui avait permis d'acquérir une plus grande connaissance des humains, ainsi qu'une plus grande "ouverture" d'esprit que la majorité de ses congénères.

L'intendant éclata de rire lorsque l'elfette expliqua que ce n'était pas le mépris du danger qui l'avait poussé à s'aventurer en territoire Théocrate, mais la recherche de sa famille. Cette dernière disait avoir été tellement absorbée par cette quête qu'elle n'avait guère prêté attention au monde environnant. Au terme de ses explications, le nocturne se demanda si elle était parvenue à retrouver les siens au terme de cette longue errance.

Ensuite, il ajouta avec un sourire amusé:

- Je ne fréquente pas suffisamment d'elfes pour prophétiser leur réaction à votre égard. Néanmoins, j'imagine que certains seraient surpris par votre attitude.

Tout en continuant à discuter, Harthea balayait les lieux du regard et semblait atterrée de voir tant de blessés ou de personnes souffrantes, suite à leur traversée du désert. La petite Priscillia continuait à s'agripper à la femme-elfe tout en lançant des regards apeurés autour d'elle.

A leur côté, se trouvait le magnifique destrier elfique de l'elfe; négligemment elle flatta l'encolure de l'animal, tout en continuant à écouter les paroles du vampire. A un moment, Harthea lui répondit qu'il était bien plus facile de montrer le chemin à une personne perdue que d'enseigner à un elfe. Sans compter que ce peuple n'atteignait l'âge adulte que vers l'âge de cent ans.

- Certes, les elfes ne sont pas majeurs avant l'âge de cent mais leur existence est bien plus longue que celle des humains. Et cette longévité accrue leur permet d'acquérir un niveau de connaissance inaccessible à la majorité de l'humanité. Le même phénomène s'observe aussi chez les vampires, certains parmi les plus anciens possèdent un immense savoir, en raison de longues années d'études ou de perfectionnement dans un ou plusieurs domaines particuliers.

Ayant terminé sa phrase, Loren scruta avec attention le visage délicat d'Harthea; quel âge pouvait-elle bien avoir ? Elle paraissait jeune, pour autant qu'il puisse en juger d'après son apparence physique.

Tout d'un coup, ils furent interrompu par l'arrivée impromptue d'une matrone, à l'air revêche, qui les interpella à propos de l'enfant qui se trouvait avec eux. Loren en profita pour chuchoter à l'oreille de l'efle afin de savoir comment elle comptait s'occuper de la fillette.

A la remarque de la femme qui s'était enquis de Priscillia, la mercenaire répondit par un remerciement et déclara qu'elle préférait se charger elle-même de l'enfant. L'humaine secoua la tête d'un air désapprobateur, mais se contenta de s'éloigner sans rien dire.

Puis, elle répondit à la question du vampire et caressa doucement son visage. Le contact de cette main tiède sur sa peau glacée ne manquât pas de surprendre ce dernier; toutefois, il n'en laissa rien paraître. Ensuite, Harthea s'empara de la main de l'enfant et demanda à Loren un dernier service avant qu'ils ne se séparent.

- La princesse Orfraie Ataliel réside dans le Protectorat, elle ne devrait pas être trop difficile à trouver si vous demandez à l'un de vos congénères dans quel lieu elle se trouve, ou de lui faire parvenir un message. Vous pouvez également vous adresser au général Elfe Arthaher Terendul qui se trouve aussi au Protectorat. Quant à la justice, chez les protégés, elle est rendue par les représentants de chaque peuple; chez les elfes, c'est l'empereur Aegnor Evanaelle. Dans tous les cas, en vous renseignant auprès des vôtres, vous en apprendrez plus à leur sujet. Si vous n'avez plus besoin de moi, je vais à présent m'en aller. J'ai du travail qui m'attend.

Après cela, Loren salua la femme-elfe d'un signe de la tête et commença à s'éloigner pour se rendre à l'entretien qu'il devait avoir avec son supérieur. Décidément, cette elfette était vraiment "spéciale" et il ignorait ce qu'elle deviendrait à l'avenir, mais après tout pourquoi ne pas garder un œil sur elle. Peut-être leurs routes se recroiseraient-elles de nouveau un jour...

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Un nouvel arrivant en Terre désertique (pv Harthea, Thomas)

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