27 Avril

Voilà moins de deux jours qu'Aramis avait revu l'empereur Aegnor qui l'avait tiré d'un mauvais pas, sa majesté après avoir été d'un grand secours à la chantebrise, et d'une grande aide pour s'informer avait dû repartir assez vite pour continuer à venir en aide aux autres prisonniers, bien entendu n'abandonnant pas la chantebrise il avait confié deux cavaliers à la garde d'Aramis. Ceci seraient d'une grande aide pour se rendre chez l'un des passeur qui devrait faire passer la frontière à la baptistrelle, mais avant cela. Aramis n'avait guère oublié qu'elle devait aidé une autre personne.

Harthea une elfe qu'elle avait rencontré un temps après son évasion, celle-ci avait accepté de l'accompagner jusqu'au protectorat, et la chantebrise ne comptait sûrement pas l'abandonner, avec de la chance elles arriveraient assez vite au protectorat toutes deux, et alors l'espoir serait à nouveau possible . Loin de Morneflammes, et de ses conditions d'enfermement atroces pour Aramis, et avec une voie à suivre pour Harthea. Cela semblait presque trop beau pour être vrai, mais c'était vrai, et si aucun imprévu ne venait se poser il serait certain que la longue fuite dans les plaines serait enfin terminé, loin de Vraorg, et de son emprise malveillante.

Et elle ne savait pas si le fait de pouvoir entendre à nouveau les chants noms était si agréable que cela à la longue, tellement tout ce qu'elle percevait était bien sombre, à voir toute la désolation alentours cela la rendrait presque malade, Armanda ne serait plus jamais la même après ceci, peut-être un jour, mais probablement pas du vivant d'Aramis malgré sa longévité, et pourtant. Si la guerre devait être remporté par le protectorat il serait qu'elle ferait tout en sa mesure pour aider les siens, et les habitants d'Armanda à reconstruire quelque chose, mais l'équilibre avait été durement bouleversé par Vraorg, et en cela elle se sentait mal à l'aise. Sans parler du vent qui portait en plus des échos, et des bruits assez sinistres. De quoi accentuait ceci...

Mais au moins pensa t-elle d'après ce qu'elle avait appirt la Rhapsodie vivait encore, certes il n'y avait plus de sanctuaire, et l'ordre avait perdu bien de sa superbe, mais il existait toujours, et serait un fait important pour le futur, quand la paix serait revenue. Douce paix, la guerre avait longuement duré, et elle durerait probablement encore longuement, Aramis doutait même que les guerres du passé entre hommes, et vampires, et elfes, et vampires. Ont pu être aussi dévastatrices un jour. De toute manière les guerres du passé tout compte fait n'avaient pas impliqués de combat entre un être de la puissance égale à celle du Néant à des esprits.

Et que resterait-il après cette guerre ? Aramis espérait que les peuples Armandéens seraient enfin lassés de toute cette violence, et que la paix finirait par ressortir de toutes ces épreuves, mais au final elle même n'était pas si sûr de cela, il serait probable par exemple que les alayiens qui ce sont alliés au protégé revoient un peu leurs positions, ou bien que les tensions entre les races reviennent. Au final bâtir la paix serait une épreuve aussi éprouvante que celle de faire la guerre. Surtout une paix longue, et durable, et pourtant c'était bien quelque chose de souhaitable à voir, car à force de s'entre-tuer un jour il ne finirait par rester que des désolations d'Armanda.

Enfin elle pensait à tout cela alors qu'elle avançait en compagnie des deux cavaliers elfiques vers sa destination. Faisant attention au chant nom pour percevoir un éventuel danger Aramis était muré dans un certain silence. Guerre de bois dans les environs, et la présence des arbres était si rare qu'elle n'était guère qu'anecdotique. Le vent soufflait peu dans ces environs désolé, rien d'accueillant, et agréable pour elle elfe qu'elle était. Mais elle observer calmement les alentours malgré ce sinistre spectacle.

Et elle finit au bout d'un moment par sentir quelque chose, une vibration, un chant nom qu'elle avait déjà perçu il y a longtemps de cela, celui d'une dragonne… Qui se rapprochait beaucoup décidément, Aramis regarda rapidement les deux gardes du corps, s'il y avait danger ces deux pauvres âmes ne pourraient pas lui être d'un grand secours, déjà qu'elle même ne pouvait rien faire face à une dragonne, la décision la plus sage pour épargner le plus de vie était de se disperser, et de galoper de façon effréné, et c'est ce qu'elle ordonna. Peu après les trois cavalier se séparèrent pour être moins groupés, et envoyèrent leurs chevaux au galop. Si jamais tout ceci empirait deux trois sur trois s'en sortiraient au mieux, voir trois, mais un tel constat aurait été utopique certainement...

Trissi et Kedrildan se mêlaient aux forces de Vraorg qui recherchaient ces évadés de Morneflamme. Ils avaient déjà fait plusieurs voyage dans le but de repérer lesdites proies. Ce n'était pas de gaité de coeur, mais l'Argentée avait préféré qu'ils fassent d'eux-mêmes ces premiers signes d'obéissance au Blanc, maintenant ainsi tant son libre-arbitre que l'impression de maitriser quelque chose. Pour le moment, ils avaient fait chou-blanc. Enfin, elle avait bien rencontré Matis, mais ce dernier lui avait échappé. Elle avait tout intérêt à se rattraper et, surtout, à attraper un évadé. C'était laid, cela ne lui plaisait pas. Mais elle tenait tant à sa vie qu'à celle du vampire qui l'accompagnait. Si pour le moment Vraorg ne lui avait adressé nulle remontrance, n'avait pas paru vouloir porter atteinte tant à son roux favori qu'à elle-même, elle ne tenait pas à réitérer son exploit, mais plutôt à pousser l'Albinos à ne pas davantage s'intéresser à eux.

Enfin, cela, c'était la théorie. Vraorg était chaotique au point qu'il n'avait besoin de nul argument s'il voulait les faire souffrir. Mais ils jouissaient pour l'instant d'une place "appréciable" d'un point de vue social tant dans la Théocratie qu'aux yeux de son dirigeant. Kedrildan était vampire et dragonnier. Trissi était dragonne. Perdre les quelques avantages qu'ils avaient n'intéressait pas l'argentée, si cela ne leur permettait pas de retourner en des terres plus accueillantes, ou de soutenir le continent. Non, il ne valait mieux pas jouer de jeu trop dangereux. Trop de choses étaient dans la mise.
Les fins de journées étaient souvent synonymes de brève séparation pour les Liés. Rien de dramatique, c'était volontaire de leur part. Que chacun s'active à sa chasse, à ses occupations… Ils n'étaient pas collés l'un à l'autre comme un parasite à son hôte. La dame d'argent planait nonchalamment, silencieuse dans son vol, n'observant les plaines qu'avec un intérêt aussi faible son appétit. Elle était troublée, elle était inquiète. Elle était agacée, ayant encore l'impression d'être dans une cage qui ne lui permettait pas d'ouvrir les ailes. Elle aurait pu faire bien des choses. Mais les conséquences la bloquaient, peu importe là où elle regardait. Les dragons étaient précieux, les dragonniers de même. Les avoir aux côtés des Esprits était important également. Mais ces deux points paraissaient incompatibles. Une question la taraudait: valait-il mieux être une dragonne théocrate, ou n'être pas du tout ?

Le crépuscule projetait son ombre loin derrière elle, étendue, floue, sur les herbes hautes et humides de ces lieux. Son regard de saphir descendit vers un point qui se mouvait. Proie ? Proies. La lassitude l'étreignit, mêlée de chagrin, tandis qu'elle étouffait la voix qui en elle se révoltait face à ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle songea qu'ils étaient trois, l'évadée était au centre… Les deux qui l'entouraient pourraient peut-être blesser ses ailes. En ce cas, sans être morte, elle ne pourrait plus se mêler à ces histoires. Une situation qui ne la tentait que peu, mais qui l'aurait temporairement arrangée, l'empêchant de faire du mal où que ce soit. Mais ces bipèdes se séparaient. Stupides créatures ! Ils avaient plus de chances de sauver la baptistrelle en restant groupés !
Elle ne réfléchissait pas vraiment à ses gestes, laissait son instinct de survie la guider. Enfin, de "survie"… Les autres auraient pu la cribler de flèche sans qu'elle ait cherché à les esquiver. Finalement, elle arriva à l'altitude adéquate, trop proche du sol pour que le vol soit confortable, et à une vitesse assez réduite pour qu'un autre dragon qu'elle eut craint de se voir atterrir. Ses pattes attrapèrent la chantecielle. Quelques mouvements d'ailes la renvoyèrent alors dans les cieux, bien plus haut. Elle se sentait moins aérodynamique, ainsi recroquevillée pour avoir Aramis au creux de ses quatre pattes.

"- Accroche-toi. Ce sera plus aisé de te balader si tu t'accroches. J'aurai moins peur de te faire tomber, et nous pourrons aller plus vite."

Elle n'avait pas envie de sacrifier la vie de ceux qui l'accompagnaient, une dragonne pouvait largement décider de cracher du feu après tout, et Vraorg voulait aussi bien Aramis morte que vivante. Le constat était donc simple, si cette dragonne exécutait sa mission elle pourrait probablement user d'un jet de flamme au moment propice, et alors tout le monde mourrait. Non elle ne pouvait pas demander cela, pas à ce qu'on se sacrifie pour elle cela allait à l'encontre de ses principes, ils devaient la protéger, mais là c'était impossible de le faire face à l'un des reptiles ancestral d'Armanda. Et de toute manière à ce stade là il était peu probable de repousser la dragonne d'une quelconque façon...

Si seulement il était resté des bois dans les environs, elle aurait mieux fait de parcourir ces derniers à couvert, mais malheureusement depuis le règne de Vraorg la destruction de la nature était devenue une règle d'or, et il était bien difficile de se cacher d'une dragonne ainsi sur une plaine, ou encore de lui échapper.

Et ce qui devait arriver arriva donc, la dragonne l'attrapa, mais au moins elle vivait encore pour le moment. Eh bien, voler c'était une expérience qu'elle aurait bien apprécier de goûter dans d'autres circonstances que de voler ainsi dans les airs, et à vrai dire cela aurait été même un de ses rêves qui venait d'être exaucé. Enfin ça l'aurait été si le vol ne consistait pas en une dragonne qui l'avait capturé pour probablement la livrer à Vraorg le blanc par la suite, et en cela elle ne pouvait pas vraiment profiter de la balade l'esprit tranquille, dommage pour une chantebrise qui se sent naturellement bien dans l'élément aérien...

« Veuillez me le pardonner, mais je ne pense pas qu'il soit vraiment préférable pour moi que nous allions plus vite. » Ah ça, si allait plus vite consistait à plus vite finir entre les griffes de Vroarg, oui il ne valait mieux pas aller plus vite. Et puis s'accrocher ? Vraiment ? Dans son état ? Après Morneflammes ? Et plusieurs mois de traque ? Cette dragonne présumait un peu de l'état physique d'Aramis après 3 ans d'horreur. 3 ans dans une prison étroite, et empestant plus que possible. Une horreur pour n'importe qui encore plus pour une claustrophobe comme elle… En plus de la consommation quotidienne, de viande, et elle ne comptait sûrement pas revivre cette horreur. Qui l'avait poussé dans ses limites.

Mais que pouvait-elle faire maintenant qu'elle était entre les griffes de la dragonne ? A part essayer de convaincre celle-ci de la relâcher Aramis n'avait guère de choix, mais de ce qu'elle pouvait percevoir du chant nom de Trissi les sentiments de cette dernières étaient troublés, oui il y avait peut-être une chance finalement… Une maigre chance, mais c'était mieux que rien. Alors autant essayer.

« Noble dragonne je suis sincèrement désolé de voir ce que vous as fait Vraorg, vous qui étiez si digne, et fière lorsque je vous ai vu dans le temple du Néant… Cela m'attriste de voir qu'un être tel que vous est obligé de servir ce tyran. » Dit-elle calmement avec une sincérité qui ne faisait aucun doute, et des quelques pensées inscrites dans le chant nom de la dragonne qu'elle avait pu entrevoir. Elle était dégoûté par ce qu'elle faisait, il y avait donc un espoir pour Aramis de s'en sortir… Peut-être.

De toute manière cela ne coûterait rien d'essayer.

« Si vous me permettez une simple demande, si êtes dans l'obligation de satisfaire le blanc, je vous en supplie, daignez au moins mettre fin à ma vie, la mort est mille fois préférable à ce qui m'arrivera si Vraorg met la main sur vivante moi noble dragonne... » Acheva calmement Aramis. Car elle avait bien trop vécu ces horreurs en trois ans pour avoir envie de les revivre à nouveau. Après peut-être que cela pourrait un peu attiser une certaine forme de compassion, mais en vrai si elle ne pouvait pas être libre, elle préférait être morte que vif à la merci du blanc.

Les engrenages qui tournaient là n'étaient pas vraiment ceux auxquels Trissi s'attendait. Elle avait cru qu'Aramis préfèrerait un voyage bref vers le Blanc, afin de n'avoir pas à appréhender son destin (que la dragonne ignorait, et ne voulait pas connaitre, par souci pour l'intégrité de son propre esprit). Mais si la baptistrelle préférait profiter du vol, ce qui était compréhensible au vu de son élément, Trissi ne serait pas celle qui l'en empêcherait. Elles avaient leur temps, au fond. Etrangement, elle n'avait pas encore averti Kedrildan de sa trouvaille, quand bien même elle aurait dû n'en tirer que fierté. Enfin, "aurait"… Du point de vue du Blanc. Mais ce dernier avait eu le malheur de la soumettre de force, et non de gré. Il pouvait lui demander de s'accaparer des proies puis de les déposer à ses pieds comme un mâle quémandant les faveurs d'une femelle. Il ne pouvait lui demander de s'en rejouir. Du moins, pas ainsi. Pas sans une nouvelle contrainte, une autre menace… Ah ! Vraorg avait beau être puissant, il lui manquait tout de mêmes certaines compétences. Des compétences que Trissi avait… Et qu'elle ne cèderait pas. Pas ainsi.

Elle continuait de voler, faisant glisser son ombre sur les plaines humides, distançant à bonne allure les anciens camarades d'Aramis, malgré le peu d'efforts qu'elle mettait dans les mouvements de ses ailes. Naturelle. Eut-on caché la position de son corps, un observateur aurait pu y voir un mouvement habituel d'ailes de dragon, une allure correcte… Il fallait remarquer sa position inconfortable, ou sentir l'effort supplémentaire qu'elle produisait, ce qui était bien difficile pour qui n'était pas Trissi. Son regard de saphir se portait au loin, sans vraiment regarder, et elle profita un instant du silence qui s'installait, tout juste habité des bruits de roulements d'air, pour achever d'endurcir son coeur. Ne pas vivre l'instant, ne pas y penser, ne pas réaliser. Surtout, ne pas regarder la petite chose entre ses pattes, dont elle scellait le destin. S'éloigner, jouer les absentes, ne pas entendre ces voix en elles qui la décriaient, qui l'insultaient et la maudissaient, elle, la faible. Ne pas appréhender les émotions mêlées de Kedrildan quand il verrait…

Aramis rompit le silence. Ses premiers mots arrachèrent à la dragonne une sorte de spasme, comme un éternuement, mais sans bruit. La prédatrice, la créature sauvage avide de liberté en elle se débattait. N'y pas penser, ni pas penser… Elle n'avait pas le choix, elle ne pouvait pas, il ne fallait se torturer avec de telles pensées. La belle dragonne en elle, celle qui regardait en direction du Protectorat avec espoir, profitait également de cette faille que venait de créer la chantebrise. Dire qu'elle avait cru les mots impuissants, sornettes de bipèdes… En quelques mots, Aramis avait fait sentir à Trissi l'ampleur de sa déchéance, toute son impuissance, et la souillure qu'était sa position. Elle avait tout révélé, tout ce qui aurait pu freiner le geste de la dragonne.
Pour l'instant elle tenait bon. Maintenir le cap, malgré la douleur. N'y pas penser, n'y pas penser… elle y pensait. Les derniers mots d'Aramis lui arrachèrent un cri de douleur qui résonna dans les cieux en un écho teinté d'infini. C'était un rugissement puissant, et même les Enwrs auraient pu en ressentir les vibrations, quelques centaines de mètres plus bas. Ces mètres-là, Trissi les parcourut soudain, à une vitesse vertigineuse, ralentissant à peine à l'approche du sol. Là, elle jeta Aramis, pour atterrir non-loin d'elle. Là, elle eut un comportement pour le moins étrange, cherchant à se griffer, se mordre. Aramis avait parler de mettre fin à ses jours… Mais Trissi refusant de la regarder avait renvoyé ces mots à sa propre personne. Elle avait revu alors ces pensées sombres, si sombres, quand elles hantaient l'esprit d'un dragon. Dire pourtant que c'était sa partie lumineuse qui les exprimaient, qui lui disait "pour le bien de ce monde, ton suicide est peut-être la meilleure des solutions".
Elle se battait. Trissi contre Trissi. La Protégée enfermée face à la Théocrate qu'elle n'avait pas le choix d'être. Pour protéger Kedrildan, pour se protéger elle-même…. Elle avait voulu changer son coeur en plomb, elle avait voulu ne rien ressentir et se protéger. Désormais, elle implosait. Elle ne pouvait plus penser à protéger quoi que ce soit, qui que ce soit. C'est donc un hurlement qui enfonça l'esprit d'Aramis comme un astéroïde s'écrasant sur la terre.

"- Tue-moi !" La détresse, la colère, la haine… Elle s'écoeurait. Aramis allait rencontrer ces émotions de plein fouet. "Tue-moi ! Tu le sais, tu le peux. Tue-moi, et pars ! Tu seras Protégée, et moi, je ne serai plus un danger !" Elle répétait l'ordre, elle s'agitait, et les premières gouttes de sang perlaient le long de ses écailles.

Aramis fut étonné de voir la réaction de la dragonne de bout en bout, rien qu'au début, lors du tressaillement elle n'aurait jamais pu pensé que les mots pourraient avoir temps d'effets sur un dragon, être d'une telle violence, enfin peut-être que c'était à cause des circonstances aussi, mais elle-même ressentait une certaine peine en voyant ceci. Dans l’optique de susciter la pitié de la dragonne elle avait touché un point sensible, et même si voir une dragonne ainsi souffrir peinait grandement la chantebrise, cela démontrait aussi qu'il y avait un espoir pour Aramis, et d'une certaine façon elle savait qu'elle n'avait pas le choix, mais ce n'est pas pour autant qu'elle allait retourner le couteau dans la plaie encore, elle en avait probablement fait beaucoup rien qu'avec quelques paroles… Trop même.

Mais elle était sous le choc là, car après un rugissement de douleur effroyable Trissi avait foncé vers le sol, ralentissant à peine elle jeta ensuite Aramis au sol. Cette dernière grimaça sous la douleur qui lui coupait le souffle, si elle s'était attendu à cela… Et la pensée bref que la dragonne était en colère fut éclipsé quand elle vit cette dernière qui étant en train d'essayer de se lacérer elle-même… Et cette vision en elle-même était horrible, et de plus le fait qu'elle savait que c'était elle la responsable de cela, faisait qu'elle ne pouvait qu'en être plus horrifié. Et les paroles asséner de façon percutantes à l'esprit d'Aramsi achevèrent de la troubler. Elle ? Tuer une dragonne ? Que ce soit les paroles, ou les émotions qu'Aramis ressentait tout cela la troublait, mais serrant les temps elle se releva calmement, et dit un simple.

« Non. » Elle s'était ressaisit, et ce qu'elle savait tout d'abord c'est qu'elle ne tuerait pas un dragon, elle ne tuerait pas quoi que ce soit, ou qui que ce soit. Qu'importe les conséquences elle ne tuerait pas. Même sans réfléchir les paroles lui seraient venu naturellement, contrairement à celles qui sortaient de sa bouche, mais qui devaient sortir.

« Vous êtes un dragon, un être fier, et puissant. Se jeter dans les bras de Mort aussi facilement c'est abandonner, un dragon abandonne t-il le combat ? Un dragon accepte t-il l'échec ? Vous êtes l'incarnation de la liberté, mais la liberté n'est malheureusement pas un acquis dans nôtre monde. Voulez-vous mourir ainsi ? Tuer par vous-même, ou une elfe en étant un esclave de Vraorg, en ayant sombré dans le désespoir, est-ce seulement une fin digne de vous ? Le suicide est un acte lâche, indigne de vôtre être, vivre demande du courage, vous êtes sous le joug de Vraorg, mais la mort ne permet aucun espoir contrairement à la vie, les atrocités qu'il a commit grâce à vous il aurait pu les comettre aisément sans vous, et en vous laissant ainsi détruire vous concédez la victoire sur vous à Vraorg, est-ce vraiment ce que vous désirez ? Mourir en sachant que ce qu'il vous a fait restera impuni ? Mourir esclave vous être magnifique, et chérissant la liberté? » Elle se demandait si ses paroles trouverait un quelconque écho chez la dragonne, mais c'était la seule chose à dire pour apaiser cette dernière, elle ne voulait pas pour l'instant se risquer à user de sa magie car la dragonne pourrait très mal le prendre dans son état pour le moment...

Pourquoi faisait-elle tant de manières ? Elle ne lui demandait pas de sauver le continent et d'y répandre amour et petites fleurs ! Une mort, bon sang, ce n'était pas si dur ! Même pour une maître baptistrelle désireuse de ne pas tuer directement. Il lui suffisait de l'enfermer et de la laisser mourir, dans une lente agonie, aussi douloureuse qu'appréciée, peut-être. Le corps de la dragonne était tordu sous les efforts pour se molester, ses crocs s'étaient enfoncés dans sa queue et ses yeux s'étaient clos sous la douleur. . Pourtant les mots d'Aramis ne firent que refermer davantage ses mâchoires. Elle ne comprenait pas, non…

"- Tu ne comprends pas." Ce qui était normal. Elle était une petite bipède, une créature qui n'avait pas accès aux cieux. Quant à la mémoire de ses ancêtres, elle l'avait de façon corrompue, et distante. Elle avait moins d'expérience qu'un dragonnet, et une vision qui n'allait pas bien loin. Pourtant, elle faisait des efforts manifestes… Elle avait parlé, avait essayé de la toucher. Trissi bougeait, à la façon d'un cheval fou de douleur coincé dans son box. Ses pattes piétinaient sans considération la terre, sans direction. Mais avec sa taille, les petits pas déplaçaient beaucoup son corps, et Aramis avait tout intérêt à garder une certaine distance avec elle. "C'est pour vous que je te le demande ! Pour vous !" Aramis pourrait le sentir. Ce "vous" portait la chaleur des sables du désert, le vent dur qui déplaçait les dunes. L'image vint dans l'esprit d'Aramis. Une image, et le sentiment d'horreur, alors que les flammes carbonisaient les protégés, dans les plaines. Elle l'avait fait. Elle s'était retournée contre les Siens.
"- Je suis un danger. J'aide à la chute… La grande chute. Je suis corrompue, souillée. Que vaux-je désormais ?" Sa tête, violemment, se détacha de son propre corps. Un filet de sang accompagnait ce geste. "Ce n'est pas un abandon. C'est une rédemption. J'ai trahi, je veux porter un coup en faveur de ceux qui ont véritablement mon coeur." Une libération. Ne plus se sentir sale, souillée, corrompue par sa propre trahison. Elle vivait esclave, la mort apparaissait comme le bris de ses chaînes. Retrouver enfin la fierté qui lui manquait. Cette absence l'avait consumée petit à petit, jusqu'à cet instant.

La grande tête de Trissi s'était rapprochée d'Aramis, sa mâchoire pendante découvrant les crocs rougis, et le sang qui y coulait. Son regard était absent. "La dignité… Le regard que les Esprits poseront sur moi verra-t-il la moindre dignité ? J'ai courbé l'échine, Aramis. Je me suis inclinée devant un de mes congénères." Elle avait au moins ça pour elle, ce n'était pas un bipède. Mais comme la pensée la traversait,, elle la projeta avec force contre Aramis. "Pour lui !" C'aurait pu être un coup tant c'était violent. Elle s'en moquait. Aramis ne comprenait pas… Elle, elle souffrait. Elle recula à nouveau . Ses muscles tressaillaient. L'image de Kedrildan vint s'imposer à Aramis. Le vampire roux, ce petit nez qui se remuait quand il était contrarié, sa voix… Lui. L'autre moitié de son âme. Ce qu'elle avait de plus précieux. C'était pour lui qu'elle avait courbé l'échine, sans même que Vraorg ait eu besoin de la menacer physiquement, ou de s'imposer via voix d'autorité. Elle avait eu peur pour lui, avait voulu lui épargner des souffrances. Elle avait su, à ce moment-là, que la défaite n'avait pas eu lieu au moment où elle s'inclinait devant le Blanc. La défaite avait eu lieu plus tôt, alors qu'ils s'engageaient sur le chemin indiqué par Edwyn. Là ils s'étaient condamnés. "Nous n'aurions pas dû suivre ce chemin. Nous nous sommes jetés dans la gueule du loup. Maintenant, nous sommes ses armes… Vois ! Vois ce que je suis devenue !" Un claquement de crocs, elle détournait le regard, comme si celui d'Aramis suffisait à la couvrir de honte. "Tu parles de liberté, tu ignores son essence. Vois, je suis un objet."

De nouveaux claquements de mâchoire, alors qu'elle se recroquevillait peu à peu sur elle même. Elle luttait à nouveau. Toujours Trissi contre Trissi. Trissi qui voulait se tuer, et Trissi qui voulait vivre. Elle avait exalté une part de sa souffrance. Les êtres environnants pouvaient-ils la sentir dans l'air et dans la magie, cette souffrance ? "Il est mon unique raison de continuer. Sans cela, Aramis, j'aurais laissé la mort venir me trouver. Tu n'es pas Liée…" De grands et violents mouvements de tête, comme pour chasser une idée. "Il faut mourir. Je dois t'amener à Lui. S'il sait que j'ai laissé deux évadés s'échapper, que lui fera-t-il ? Kedrildan est fragile. Le Dragon d'Écume peut me blesser, je n'en ai cure. Mais j'ai peur pour lui." C'était Aramis, ou Kedrildan. Il vint à l'esprit de Trissi que sa propre mort aurait, au final, des retombées sur son doux Lié.

Alors elle eut honte. Elle avait été faible. Elle savait très bien ce qui s'était passé. Elle avait eu mal, n'avait pas vu loin. Elle avait voulu ne plus souffrir, avait omis de prendre en considération tout ce qui l'entourait quand, jadis, une petite voix lui avait toujours soufflé pourquoi elle devait tenir le coup. Son esprit avait vu une occasion, une logique qui aurait pu rendre cela acceptable. La mémoire ancestrale avait parlé… Omettant que cette fois-ci elle était Liée. Les Esprits d'un côté, Kedrildan de l'autre… Il fallait le dire: les deux se valaient.
Trissi eut un loin et sourd grondement. "Je vais te tuer. Pour lui je vais te tuer." Aramis savait désormais que ce n'était pas là la véritable volonté de la dragonne, mais plutôt la réaction cohérente de cette dernière, au vu de ses multiples envies et pulsions. "Affronte-moi ou trouve un moyen de t'en sortir. " La gueule de la dragonne brillait. Les flammes s'y accumulaient. Elle avait commencé un compte à rebours, par jeu. Dix, neuf, huit...

Elle ne comprenait pas ? Probablement, mais la dragonne ne comprenait pas quand à elle qu'il était hors de question pour une baptistrelle de tuer, ou d'aider à tuer en quoi que ce soit. De plus une dragonne, ces derniers étaient déjà rare, et même si elle était contrainte de servir Vraorg tuer un des rares représentants de la race dragonique présent actuellement sur Armanda serait une faute irréparable, qui sait combien pourraient mourir lors de cette guerre ? Non chaque dragon mort était un péril supplémentaire au futur des dragons, et de la magie elle-même sur le continent Armandéen.

Quelle horreur qu'un être comme Vraorg ait pu ainsi pousser à bout une dragonne, la convaincre que la mort était la seule solution digne. Comment un dragon avait pu devenir aussi abominable ? Faire autant d'horreur, Aramis se sentait bête, bête que les Armandéens, et la rhapsodie n'aient pas su auparavant pour Vraorg, si seulement cela avait pu être découvert à temps, les choses auraient pu changer, mais l'enchaînement des événements avait été tel que personne sur le continent n'avait pu y réchapper, et à terme on ne savait pas encore comment tout cela finirait malheureusement. Et les issues pour le moments semblaient toutes plus funestes, ou amer les unes que les autres.

Et alors que l'image imposait pas la dragonne s'imposait avec violence dans son esprit il était aisé de deviné que la dragonne avait fait tout cela pour son lié… Le lien était une chose magnifique dans tout les cas, mais comme toutes les choses magnifiques il demandait des sacrifices, et cela était un exemple comme un autre de ce genre de sacrifice, au final de toute manière Trissi ne l'avait pas fait égoïstement, mais c'était bien pour protéger quelqu'un qu'elle s'était agenouillé devant Vraorg avec toutes les conséquences que cela impliquait. Et la souffrance de la dragonne qui s'était noyé dans cette dernière était plus que palpable dorénavant…

« Quand il n'aura plus besoin de vous, quand il aura gagner, que fera Vraorg de vous ? Au final tout ces sacrifices à quoi auront-ils servit s'il n'a plus besoin de vous ? » Dit-il d'elle le ton grave quand la dragonne disait cela, mais Aramis se rendait compte que pour elle-même la situation venait de s'aggraver, et elle réfléchit rapidement à ce qu'elle devait faire face à une dragonne en furie qui semblait prête à tout pour son lié, et ce prêt à tout incluait le fait de tuer une baptistrelle…

« J'espère au plus profond de mon cœur que vous n'êtes pas déjà perdue, mais je ne compte pas mourir ici de toute manière. » Dit-elle, un moyen de s'en sortir ? Affronter une dragonne ? Elle avait ces deux choix, ou celui d'espèrer que la dragonne s'apaise, mais cela semblait tellement peu possible, quoique en eux-mêmes les trois choix se valaient, mais elle devait en faire un, et vite…

Elle eu donc une idée, la dragonne semblait affaiblit, et fatigué… Elle doutait que la magie soit très efficace sur une dragonne, même si la magie baptistrelle pouvait peut-être fonctionner avec de la chance, la trêve de Dia ? Elle doutait de son efficacité, et elle verrait le fait que cela n'avait pas marcher que quand la dragonne lui soufflerait du feu dessus donc pas idéal, une berceuse ? Elle doutait d'avoir le temps d'en user sincèrement, par contre un chant de gravité. Cela serait très fatiguant d'en user sur un dragon, mais avec de la chance peut-être qu'Aramis pourrait inverser la gravité autour de la dragonne sur une surface suffisante, et essayer de l’assommer en la faisant retomber, ou en tout cas de la blesser aux ailes pour qu'elle ne puisse pas la poursuivre de cette manière, et au pire ne serait-ce que déséquilibrer la dragonne serait déjà bien... Mais il y avait largement de quoi vider les réserves magiques de la baptistrelle en essayant cela, d'autant plus qu'elle n'avait jamais essayer avant… Mais visiblement il n'était plus trop le temps pour la diplomatie, ou pour des réflexions plus poussé, on était au stade ça passe, ou sa casse à bien y réfléchir.

Elle entama donc le chant en priant au fond d'elle les esprits d'arriver à faire quelque chose de constructif dans cette action désespérée... Surtout qu'elle n'avait jamais tester ce genre de chose sur un dragon auparavant bien évidemment...

…Sept, six…

Aramis parlait. Déjà perdue… Elle l'espérait aussi. Une partie d'elle-même désespérait, et hurlait que si, elle était perdue, que rien jamais ne la sauverait. L'autre ripostait, faisait claquer violemment ses crocs à la seule idée de fatalité. Elle était Trissi, dragonne d'argent, et elle tomberait lorsqu'elle voudrait tomber. Elle n'était pas perdue, ce n'était qu'une question de temps. Elle pouvait parvenir à quelque chose. Les dragons étaient, de ce monde, les créatures qui possédaient un potentiel le plus proche de l'infini. Si elle n'était pas encore parvenue à l'exploiter totalement, cela viendrait, à coup sûr. Son esprit lui glissa une image de Vraorg. Les bipèdes le nommaient "le maître". Il avait réussi à accroître son potentiel au-delà de ce que les autres avaient pu envisager, tant bipèdes que dragons non-liés. C'était là un esprit qui s'était étendu, une force qui s'était accrue. Un modèle sur certain points… Mais aussi l'exemple même des raisons pour lesquelles les Esprits avaient limité la puissance de leurs créations. Mal utilisée elle était un couteau que les mortels se plantaient dans le ventre. Vraorg l'ignorait, mais à travers les minuscules êtres qui pullulaient en Armanda, c'était lui qu'il atteignait. Les blessures des bipèdes étaient celles des dragons.

…Quatre, trois…

Elle voulait être plus libre encore, elle voulait cette puissance d'esprit qui s'élargissait et s'étendait. C'était là le véritable objectif d'un dragon, la véritable croissance et le véritable objectif. Rien de surprenant à ce qu'un être tel que le Blanc l'ait approché. Les Esprits auraient donc manqué de subtilité, permettant la force sans la lier de façon inverse à l'avidité. Peut-être pourrait-elle devenir la Blanche des Protégés, leur Argentée. Aussi puissante que l'Albinos, mais bien plus pertinente, car choyant ceux qui étaient ses forces. Quand Vraorg se suiciderait par mégarde, elle étendrait ses ailes sur le monde. Un jour. Cela viendrait. C'était la voix de l'espoir en elle.
Cette même voix qui guettait la réaction d'Aramis. Elle trainait à agir, à fuir. Il ne fallait pas qu'elle soit une victime supplémentaire à la liste de celles que Trissi avait imposées depuis sa nouvelle condition. Non, il ne fallait pas… D'autant plus que la dragonne avait un minimum d'affection pour les baptistrels. Ils utilisaient le mot "harmonie", elle l'aimait bien. Et Kedrildan qui parlait de son baptistrel avec l'esprit tout léger de rêves tendres… Celle-ci avait le devoir de fuir. Pour elle, pour Armanda. Mais le compte à rebours approchait dangereusement de la fin. Et rien… Alors, pour cette image de Kedrildan, pour cette présence, cette partie de son esprit, elle allait devoir agir. La dragonne brida ses pensées, comme à chaque fois qu'il fallait garder la tête haute et ne plus penser à sa condition, pour protéger l'intégrité de son âme. La baptistrelle était toute proche. La dragonne n'eut qu'un mouvement à faire: tendre les muscles de ses pattes dans une forte impulsion, allonger l'encolure et, sans regarder, refermer ses puissantes mâchoires sur son petit corps d'elfe. Un coup sec, pour abréger ses souffrances. Pourquoi n'avait-elle pas au moins essayé de s'enfuir…

L'impulsion n'eut pas l'effet escompté. Si dans un premier temps, effectivement, cela la propulsa vers Aramis, l'instant où ses pattes devaient à nouveau rencontrer le sol ne vint pas, et ses mâchoire claquèrent avec force dans les airs. La sensation saisit la dragonne tant de surprise que de crainte. Elle crut un instant avoir été paralysée. Puis ce fut la chute. Si habituellement la chute ne l'effrayait pas, car volontaire et maîtrisée, ne l'avoir pas prévue changeait totalement sa vision de l'instant, de cette sensation qui prenait tout son corps, de ses entrailles, retournées, à son oreille interne, perdue. Le sol s'éloignait, elle ne comprenait pas. Son corps, le premier, partait vers le ciel, et ses ailes se retrouvaient pointées vers le sol, sous l'effet de l'air qui appuyait sur leur dos. Elle eut un cri, rauque, de désapprobation, alors qu'elle gesticulait. Ses premiers coups d'ailes ne firent qu'accélérer sa chute, accélérant son coeur, tandis qu'elle jetait des regards affolés tout autour d'elle. La baptistrelle, en bas… Elle pouvait entendre son chant par-delà le bruit de l'air qui fuyait autour d'elle, et voir sa silhouette s'éloigner tant en hauteur qu'en distance au sol. Elle en ressentit du soulagement. Au moins, la petite était sauve. Que les Esprits la protègent, et lui permettent de fuir suffisamment loin pour que Trissi ne puisse la retrouver. Qu'elle se cache, se camoufle, pour que ses sens de dragonne ne lui suffisent plus. Et surtout, que sa magie dure…

…Qu'elle dure, mais ne blesse pas Trissi. Il devait exister un juste milieu. La dragonne chercha à se défaire de l'emprise de cette magie, alors que son corps continuer de se rapprocher du soleil. Elle chercha à battre des ailes de multiples façons, pour contrôler cette chute. Elle essaya de battre des ailes à l'envers, de se retourner, plusieurs fois. Rien n'y faisait. Néanmoins, elle eut la présence d'esprit de chercher à s'éloigner, dans un sens ou dans l'autre. Ainsi sortie du périmètre où la gravité s'inversait, elle connut à nouveau la surprise de la chute, la crainte… Mais cette fois-ci, elle parvint à mettre fin relativement vite à ses angoisses. Quelques battements d'aile lui confirmèrent que tout était revenu dans le bon sens. Un grondement sourd lui échappa à nouveau, quand de la fumée noire, agacée, s'échappait de ses lèvres. Elle appréciait beaucoup l'ingéniosité de la baptistrelle, mais cela ne l'empêchait pas d'avoir vécu une expérience qui n'avait rien d'agréable.
Apaisée, elle put à nouveau, machinalement, comme l'outil qu'elle était, chercher Aramis, sa proie. Cette dernière avait eu le temps de beaucoup s'éloigner… Mais elle restait perceptible. L'esprit de Trisi se tendit vers le sien, pour lui imposer une idée: celle de la fuite. Plus encore. Elle était presque hors de danger, mais si elle se reposait sur ses lauriers, alors elle serait perdue. Trissi s'élança à nouveau vers elle.

Cela marcha ! Par tout les esprits ça avait marché ! Probablement aussi parce que le sort avait des effets plus indirectes qu'autre chose, mais ça avait marché, mais autant ne pas trop se réjouir maintenir le sort sur une surface assez grande pour que la gravité s'inverse pour la dragonne serait très vite épuisant, et elle ne pourrait guère le maintenir longtemps, elle devait fuir, et très vite… Et maintenir le sort le temps d'aller loin, mais pas non plus trop longtemps sinon elle n'aurait pas l'énergie de fuir, ou même de simplement ramper au sol…

Néanmoins chanter, et courir en même temps… C'était possible oui, mais cela nécessiterait de se concentrer à la fois sur le chant, et sur la course donc difficile, mais pas impossible avec une volonté bien bâtie. Aramis se mit donc à courir, et maintenir le chant en tâchant de ne pas trébucher. Autant dire que c'était une épreuve de force surtout vu ce qu'elle faisait avec le chant de gravité, mais la vie n'était jamais simple, et c'est sa vie qui se jouait là d'ailleurs, elle aurait bien le temps de s'écrouler au sol, et de se reposer quand elle serait tirer d'affaire, sinon eh ben par défaut la mort serait l'équivalent du repos pour elle. Mais il restait qu'elle n'allait certainement pas lâcher le morceau d'affaire, après trois ans à Morneflammes elle voulait récupérer une liberté chèrement désiré. Et ne pas mourir lamentablement, elle voulait faire à nouveau son devoir de baptistrelle dont elle avait était détourné, et vider ses réserves magiques pour survivre pour le moment semblait un sacrifice bien trivial car l'heure n'était pas à l'économie des efforts.

Elle ne regarda pas en arrière pour voir si la dragonne chutait à l'envers, le simple fait qu'elle soit encore en vie lui suffisait, elle courrait, et arrêta son chant au moment approprié, pour ne pas manquer d'énergie pour achever sa fuite. La dragonne allait certainement rapidement se lancer à sa poursuite, elle devait donc continuer jusqu'à être vraiment tirer d'affaire.

Elle sentit dans son esprit une présence certainement celle de la dragonne qui lui dictait de fuir, n'ayant pas vraiment besoin de cette motivation pour continuer ce qu'elle faisait. Aramis s'élança de plus belle, et réfléchit rapidement à un sort qu'elle pourrait peut-être lancer pour tâcher de perdre la dragonne… Par défaut elle lança une purée de pois, un brouillard épais, et très opaque, cela ne la protégerait pas de l'odorat de la dragonne, et épuisait ses réserves magiques qui passaient au stade d'anecdotique là, mais ça ferait peut-être la différence si la dragonne ne pouvait pas immédiatement la repérer à la vue... Et elle continua sa course tirant sur ses dernières forces, et sur sa volonté...

Elle aurait assurément pu voler plus vite, si son coeur avait été avec elle. Quelle étrange chose que de vouloir, agir, et sentir ses barrières mentales freiner son corps ! Elle voulait avancer, elle voulait au moins faire mine de véritablement avoir les crocs après cette elfe maudite qui avait eu le malheur de souiller son vol. Elle ne voulait pas avoir à la tuer. Cette dernière volonté était une véritable barrière qu'elle ne parvenait à franchir. Alors ses mouvements d'aile lui paraissaient comme contenus, restreints, retenus par une force qui n'était sienne. Elle n'aimait pas du tout ce combat intérieur qu'elle avait à mener. Pas naturel. Pas dans l'ordre des choses. Ce n'était pas être Trissi qu'avoir à agir ainsi, ce n'était pas ainsi qu'agissaient les grands de ce monde. Ô Dracos, puissiez-vous avoir pitié de cette âme argentée.

Au final, Trissi planait plus qu'elle ne volait, en direction de cette silhouette lointaine. Qu'elle trouve un nouveau subterfuge ! Les lefes ne pouvaient-ils pas se fondre dans le décor ? Ne pouvait-elle pas paralyser ses ailes ? Ou augmenter sa vitesse ? Il devait exister bien des moyens. D'autant plus que la proximité avec la dragonne devait rendre l'utilisation de magie plus aisée… Non ? Chaque seconde qui passait, Trissi maudissait tant les multiples facettes qui la composaient que la situation exécrable dans laquelle elle avait été plongée. Chaque seconde qui passait, elle maudissait cette silhouette qui ne s'était pas encore éloignée suffisamment.
Lorsque vint la purée de pois, la dragonne eut une première étincelle de soulagement. L'elfe avait compris, elle essayait… Mais un grognement mécontent écrasa assez tôt ce petit soulagement. Ce ne serait pas suffisant. Trissi ne pourrait pas la sauver ainsi. Elle pouvait prétendre l'avoir perdue de vue, mais… Insuffisant. La purée de pois restreignait la présence d'Aramis à un certain périmètre… Et n'empêchait pas de deviner son odeur. La baptistrelle avait bien saisi les nécessités qui étaient leurs, mais dans sa précipitation, elle n'avait pas choisi la solution la plus judicieuse.

Trissi allait devoir continuer à la chercher. Les odeurs étaient bien moins fidèles de là-haut, en comparaison avec le sol. Lentement, dans un bruissement d'herbe et avec un léger son un peu mat au moment où ses pattes lourdes de remord rencontrèrent le sol, elle se posa. Plusieurs petites inspirations. Bien. La bipède avait compris que "se cacher" n'était pas uniquement se rendre invisible, malgré l'importance capitale que les petits êtres accordaient à la vue. Pas un bruissement non plus. Immobile… Très très bien. Néanmoins, une voix, insidieuse et vicieuse, se glissa en Trissi. La bipède avait omis un point… Et la dragonne doutait qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Etait-elle perdue, alors ? Avaient-elles si mal joué ? Trissi allait bien devoir au moins faire mine d'utiliser ce sens qu'Aramis avait omis.

"- Fuis."

L'esprit de la dragonne s'était étendu alentour pour transmettre à nouveau cette abstraction d'ordre. Elle lavait pu sentir chaque autre esprit qu'elle avait touché et, reconnaissable entre mille, celui de l'elfe. Elle savait exactement où la trouver.
À nouveau la dragonne s'entoura de ces barrières d'insensibilité qui la protégeaient quand elle "choisissait d'obéir" au Blanc. Sans chercher à s'envoler, elle avança, à pas bien lourds soudain, qui se murent peu à peu en course. Elle ne devait plus être loin d'Aramis. Elle commençait à sentir, tout au fond du tableau des odeurs ambiantes, les fines effluves de son odeur, si camouflée soit-elle. À travers son sort, si Aramis avait regardé, peut-être aurait-elle vu ces saphirs déserts. Peut-être pouvait-elle déjà percevoir la chaleur que dégageait la dragonne, le tremblement de la terre. Sentirait-elle alors l'instant où tout ceci cessa, où les tremblements s'apaisèrent, où les saphirs se dirigèrent vers le ciel ? Kedrildan. Kedrildan qui l'appelait, d'un appel qui ne souffrait d'être ignoré. Une chance, une opportunité. Trissi ne s'accorda pas même un temps de réflexion: elle s'élança, fluide et légère, vers son doux Lié.

"- Kedrildan Maralawë t'a sauvée."

Fut une dernière pensée qu'elle envoya à celle qui se cachait. Qu'elle n'oublie pas son nom. Il était, pour elles deux, le plus important.