Une fois à l'extérieur du bâtiment, Alauwyr se retourna pour fixer la porte fermée, derrière laquelle se trouvait une elfe à l'esprit probablement dérangé et avec qui il avait décidément perdu du temps pour rien. Celle-là, si elle continuait de se faire à l'idée qu'elle pourrait continuer à mener une vie entre deux eaux, elle ne vivra pas longtemps. Comment pouvait-elle espérer rester libre sans appartenir à un des deux camps en conflits ? A moins de vivre ermite, on ne pouvait se balader en toute impunité en théocratie sans reconnaître la domination de Vraorg et de refuser de se plier aux ordres des personnes le servant, qu'elles soient vampires, elfes ou encore humaines. Néanmoins, la rencontre avec cette elfe avait remis le doute dans l'esprit de l'Alayien. Déjà qu'autrefois, il préférait plus suivre ses convictions que celles apportées à Néant, sans pour autant se détourner complètement de la foi que son peuple lui portait... Il était juste moins fanatiques que ses congénères. Et maintenant sous Vraorg...

Il avait choisi de servir la Théocratie pour continuer à se battre, à suivre l'idée que seuls les plus forts survivaient. Mais plus le temps passait et plus il se remettait parfois en question, dans des moments comme celui-là, où il réfléchissait un peu trop. Il chassa violemment tout ce qui le troublait hors de ses songes et se concentra sur un lieu à trouver pour boire un verre. Cela lui changera les idées. Il se retourna donc, laissant les ennuis précédents derrière lui. A peine eut-il fait quelques pas qu'il eut la désagréable sensation d'être observé.

Il fit encore quelques pas avant de poser son regard sombre sur un individu assez fin de constitution et qui le regarda avec un sourire à la limite de l'amusement. Ce bougre avait du suivre toute la scène depuis le début. Sinon, il n'aurait pas cet air qui pourrait être pris comme moqueur à son égard. L'Alayien plissa le regard et ne le détourna pas de celui de cet inconnu qui dégageait quelque chose de fort... qui apparut comme désagréable pour Alauwyr. D'un physique qui pourrait faire soupirer quelques jeunes femmes, cet inconnu avait tout l'heure d'un elfe. A son aspect, peut-être qu'il l'était. Ou alors la nature l'avait généreusement dotée d'une beauté proche de ces Oreilles Longues. Les sourcils plissés pour marquer son rembrunissement. Encore un qui cherchait à profiter d'une situation tendue pour se fichtre de lui. Il se tourna pleinement vers cet homme qui avait l'épaule appuyée contre le mur d'une maison, les bras croisés sur sa poitrine. Il avait tout d'un homme qui se moquait de lui.

''Avez vous un soucis messire ? ''

La voix était piquée d'une légère agressivité.

Lorën flânait sans but dans les ruelles populeuses de Caladon, rongé par l'ennui et le désœuvrement. Cela faisait plusieurs mois qu'il se trouvait dans cette ville et il en connaissait maintenant le moindre recoin à force de l'avoir parcourue de comble en comble, à l'affût d'une bonne affaire. Située près de la frontière Est, cette cité était relativement prospère et propice au commerce.

Le vampire jeta un regard indifférent aux visages des badauds qui peuplaient les quartiers mal-famés de Caladon. Cependant, il n'y vit rien susceptible d'éveiller le moindre intérêt de sa part, ce n'était qu'une populace miséreuse comme on en trouvait dans toutes les villes et hameaux de la Théocratie.

Le vampire allait s'éloigner afin de vaquer à ses affaires et trouver une occupation autrement plus intéressante que cette promenade futile.

Soudain, son attention fut attirée par une scène pour le moins inhabituelle à Caladon. Devant un poste de garde, se tenait un soldat accompagné d'une jeune elfe qu'il maintenait prisonnière d'un main de fer. L'expression de déplaisir qu'affichait le visage délicat de cette dernière montrait qu'elle se trouvait en fâcheuse posture. "Toi ma jolie, on dirait que c'est ton jour de chance", pensa ironiquement Lorën.

Autour d'eux, une masse compacte de passants s'était agglutinée, attirée par la perspective de se repaître du spectacle d'une elfe prisonnière d'un soldat de Vraorg. Leurs regards haineux s'attardaient sur l'inconnue qui en dépit de l'ire populaire paraissait conserver un semblant de sang-froid.

"Quand on voit des charognards, cela veut dire qu'une proie n'est pas loin", se dit le vampire intérieurement avant de fendre la foule pour s'approcher du poste de garde et de mieux observer la situation.

Le soldat portait une armure sombre et une partie de son visage était masqué par une capuche.
Son corps robuste paraissait aguerri au combat et il émanait de celui-ci une aura de force contrôlée.

Quant à la femme elfe, elle arborait la grâce féline et la silhouette élancée de la plupart des membres de sa race. Lorën n'appréciait guère les elfes, peut-être en raison de la répulsion naturelle qu'éprouvaient les créatures de la nuit pour ces êtres de lumière. Néanmoins, celle-ci n'était pas dépourvue de charme et attisait sa curiosité.

En temps normal, le vampire n'y aurait accordé aucune importance, il ne se serait même pas arrêté. Pourtant, voir une elfe dans une ville de la Théocratie, si proche de la frontière lui semblait insolite. Bien sûr, il n'ignorait pas que des elfes servaient Vraorg mais ils étaient très rares et faisaient l'objet d'une profonde suspicion de la part de la majorité des impériaux.

Peut-être s'agissait-il d'une espionne ? Si elle appartenait bel et bien aux protégés, cette elfe faisait preuve d'une grande témérité, de stupidité, à moins que ça soit de la folie pure ? Lorën observa l'homme et sa prisonnière disparaître à l'intérieur du poste de garde afin de dissimuler la suite de leur entrevue aux yeux des curieux.

Le vampire s'adossa contre le mur du bâtiment, attendant patiemment la suite des événements. Après tout, il avait tout son temps en raison de l'immortalité de sa race, quelques instants d'attente ne représentaient qu'une goutte d'eau dans l'océan de son éternité.

Après un long moment, le soldat humain ressortit seul du poste de garde. De toute évidence, l'interrogatoire de la femme elfe ne s'était pas déroulé de manière optimale, du moins à en juger par la mine énervée de l'homme.

Lorën, les bras croisés sur le torse, dévisagea l'inconnu en esquissant un sourire en coin.

Tout d'un coup, comme s'il se sentait observé, ce dernier s'avança dans sa direction et lui dit d'un ton teinté d'agressivité: " vous désirez quelque chose messire ?".

Lorën continua à fixer l'homme avec un regard moqueur, la réaction de celui-ci ne manquait pas de l'amuser. Du reste, il n'aimait guère l'air hautain de cet humain et simple soldat qui plus est. Le vampire n'éprouvait qu'un profond mépris à l'égard de ces êtres faibles et mortels, ne représentant à ses yeux rien de plus qu'un garde manger sur pattes.

Mais si celui-ci voulait "jouer" à ce petit jeu, alors il allait en découdre. Lorën se sentait en position de force en raison de son appartenance à la race vampirique et l'avorton qui s'adressait à lui avec tant de hargne n'était rien d'autre qu'un humain. Cependant, le vampire se chargerait de rappeler à son bon souvenir la "déférence" qu'il devait à ceux de sa race, en admettant que ce dernier ait pu l'oublier. Les vampires n'étaient-ils pas les favoris du grand Vraorg le blanc ?

En vérité, Lorën n'avait que faire des "préférences" de cette divinité auto-proclamée, mais cela lui donnait l'avantage dans cette situation. Et le vampire adorait se sentir en situation de force.
A présent, c'était au tour de ce soldat de devoir répondre à quelques petites questions concernant l'elfe.

Le vampire scruta le visage balafré du soldat, les cicatrices qui marquaient son visage dissimulaient son âge réel, même s'il paraissait approcher la quarantaine. Ses prunelles foncées luisaient d'un éclat guerrier et l'expression hargneuse qui déformaient ses traits, ne faisaient qu'accentuer l'envie de Lorën de le "cuisiner".

Il n'éprouvait aucune animosité particulière à l'égard de cet individu mais le vampire s'ennuyait et ce petit jeu lui permettrait peut-être d'occuper son temps. Par ailleurs, il éprouvait l'envie d'en savoir plus sur cette mystérieuse prisonnière en raison d'une curiosité malsaine.

- J'ai assisté à toute la scène. Tu sembles être un soldat de Vraorg très dévoué et zélé. Tu as arrêté une protégée car il ne fait aucun doute que cette elfe appartient aux protégés, n'est-ce pas ? dit-il d'une voix douce et insinuante. Disant cela, il toisa le soldat, attendant sa réaction en conservant les bras nonchalamment croisés sur le torse.

Alauwyr l'observa avec plus d'attention encore pendant que ce dernier ouvrait sa bouche pour jouer les trop curieux. Non, cet homme n'était pas un elfe, mais il transpirait presque d'une petite arrogance agaçante. En fronçant les sourcils, il maudit intérieurement sa malchance. Un vampire. Après une oreille pointue, fallait qu'il tombe sur une sangsue. Et qui le questionnait en plus. Son attitude posée nonchalamment contre le mur, toujours en maintenant les bras croisés sur sa poitrine était comme... s'il se fichait de lui ? Comment savoir comment réagissait et pensait réellement un vampire quand il se sentait supérieur à des êtres humains ?

L'Alayien garda un moment de silence tout en ne le quittant pas des yeux. Vampire ou pas, il n'avait pas de compte à rendre à celui-là. Surtout qu'il ne l'avait encore jamais vu dans les rangs des officiers ou de grade équivalent. Il se mordit les lèvres en tout cas pour ne pas passer au tutoiement. Pas la peine qu'il se crée des problèmes là où il devait pas y en avoir. Pourtant, il ne détourna pas les yeux, les gardant braqués droit dans celui de cet interlocuteur un tant soit peu trop curieux. Connaissait-il l'elfe ? Manquerait plus non plus que cette femme elfique soit une connaissance de ce bougre de sangsue. C'était vraiment sa journée !

''Depuis quand emmener une personne à un poste de garde en fait immédiatement une protégée ? Si vous avez observé la scène, vous avez manqué de discernement''

L'Elfe qu'il avait mené avait accepter de mauvaise grâce de l'accompagner à ce bâtiment, pour médire les jugements de l'Alayien. Comble de malchance, elle était tombée sur un garde lui trop zélé, qui avait manqué de la passer à la question.

''Je vous trouve bien intéressé par cette Elfe Messire. En quoi cela vous importe de savoir ce qu'elle est ou n'est pas ? Qu'on soit Elfe ou Humain, on ne peut contrecarrer les lois qui existent dans cette ville. Même les plus petites ''

Il avait fait exprès de pas inclure les vampires. A juste raison, comme ils étaient supérieurs en tout et partout ces bougres ! Celui-là, il ne savait pas d'où il sortait, mais il n'apprécia guère de subir un petit interrogatoire. Pourtant, il se devait de rester prudent. Cet inconnu aurait été qu'un vulgaire homme, il l'aurait envoyé paître sans aucun état d'âme. Mais là.... Il regretta sur l'instant de ne plus posséder les capacités du verre noire confiées par Néant à ses adorateurs, quelques années en arrière, quand les Alayiens débarquèrent sur Armanda pour souffler toute magie et ses utilisateurs hors de la carte des vivants...

''Alors, pourquoi cette curiosité ? Je pourrai penser que vous êtes vous même un Protégé, vampire ou pas vampire...''

Lorën gardait les yeux rivés sur le soldat, analysant le moindre mouvement de son visage défiguré par de nombreuses cicatrices. Sans doute les stigmates d'une existence passée sur des champs de bataille, pensa le vampire, qui n'estimait guère les combattants, considérant que seuls les idiots faisaient la guerre. Lui avait toujours eu à cœur d'éviter de se "salir les mains" et d'obtenir un poste important sans devoir se battre. Du reste, n'étant guère un guerrier très habile, son esprit demeurait sa meilleure arme.

Le soldat se rembrunit et sembla se murer dans un silence hostile tout en gardant le regard fermement braqué sur le sien. Ses prunelles sombres brillaient d'un étrange éclat et Lorën y lut une féroce détermination et une lueur d'énervement.

Ce regard et le ton empreint d'agressivité qu'il avait employé pour s'adresser à lui indiquèrent au vampire que cet homme ne le portait pas dans son cœur. Pourtant, ce comportement pour le moins inamical n'irrita pas le vampire, bien au contraire, c'était une source d'étonnement et d'amusement inédite.

La plupart du temps, lorsqu'il s'adressait à un humain, celui-ci prenait peur ou du moins se montrait intimidé par son appartenance à la race vampirique. Même les plus téméraires d'entre eux faisaient preuve d'une prudente réserve mais pas ce soldat...

Rien de semblable chez ce dernier, Lorën devinait en lui une violence contrôlée et l'absence de la moindre crainte. Qui était-il pour oser se comporter de la sorte ? A en croire sa tenue, il n'appartenait pas au corps des soldats hauts-gradés et quand bien même, il restait un humain...

Ceux-ci étaient considérés comme inférieurs aux vampires en Théocratie. Alors pourquoi une telle arrogance ?

L'inconnu s'adressa à lui mais semblait éluder ses questions voire les lui retourner comme s'il cherchait à inverser les rôles. Lorën esquissa un sourire amusé; ce comportement était vraiment très inhabituel de la part d'un être humain.

Un soldat "ordinaire" aurait rapidement répondu à sa question avant de filer sans demander son reste. Mais peut-être n'avait-il tout simplement pas remarqué qu'il s'adressait à un vampire ? Cela expliquerait peut-être son comportement.

Le vampire soupira:

- "Emmener une "personne" à un poste de garde n'en fait pas immédiatement une protégée, certes. Puis, il afficha un sourire moqueur et regarda froidement le soldat avant de poursuivre.

Mais ce n'est pas une "personne" ordinaire, c'est une elfe ! Serais-tu ignorant au point de ne pas savoir que la plupart de ces maudites créatures appartiennent au camp des protégés ?
Tu m'argueras que certains d'entre eux servent le seigneur Vraorg mais ils se comptent sur les doigts de la main tu en conviendras. Une Elfe ici à Caladon, si près de la frontière-Est...Si tu ne trouve pas cela suspect ou inhabituel, ce n'est pas moi qui manque de discernement mais toi.

Ensuite, Lorën haussa les épaules et continua:

- Dans tous les cas, si elle n'est pas une protégée, cette Elfe appartient aux Théocrates mais n'a pas respecté les lois, ce qui revient finalement pratiquement au même.

Le fait que l'homme n'ait pas inclus les vampires dans sa phrase n'échappa à Lorën. Ainsi celui-ci ne semblait pas ignorer la place privilégiée que ces derniers occupaient dans la théocratie. Cela voulait sans doute dire qu'il le défiait ouvertement. Néanmoins, le soldat gardait une certaine prudence vis-à-vis de lui et ne paraissait pas envisager de l'attaquer malgré son agacement.

Le vampire sentait le regard des badauds occupés à observer la scène avec attention, s'attendant peut-être à un peu d'action.

Les yeux et les oreilles de Vraorg sont partout, répondit le vampire d'une voix mielleuse et pleine de sous-entendus, ceux qui le servent fidèlement tâchent d'être toujours aux aguets car les "traîtres" sont nombreux, surtout ici à Caladon. Puis il continua d'un ton malicieux. Nous les vampires ne sommes nous pas ses serviteurs les plus fidèles, sa race favorite ? Mais ce n'est pas le cas de tout le monde...

Lorën percevait les battements du cœur palpitant de l'humain; sa réticence l'amusait énormément car il était habitué à des "proies" faciles. Au moins, ce dernier ne manquait pas d'audace et l'intriguait de plus en plus.

Le vampire l'observa attentivement, tous ses sens sur-développés en éveil. Malgré le fait que le soldat demeurait immobile, Lorën eut l'impression de lire une lueur mauvaise dans ses prunelles foncées, un sentiment indicible à la fois haineux et méprisant.

Il se rappelait avoir déjà vu brûler une telle flamme de hargne dans le regard d'êtres humains..."ma parole mais c'est qu'il serait presque prêt à me sauter dessus, l'animal !", pensa t'il.

Soudain, Lorën sentit une méfiance teintée d'animosité sourdre dans son cœur.

Il dévisagea froidement l'inconnu de ses yeux mordorés et lui dit d'un ton acerbe, tout en gardant les bras croisés sur sa poitrine:

- Tu m'en diras tant, tu sembles bien hautain pour un humain. Pour un peu j'en viendrais presque à croire que tu penses être "l'égal" d'un vampire ou pire "supérieur"...

Le vampire esquissa un sourire cynique et fit face au soldat:
- Quel est ton nom et d'où viens-tu ?

L'Alayien croisa les bras, gardant un regard froid à l'égard de ce vampire de plus en plus agaçant. A croire qu'il cherchait à le provoquer. Pas une seule fois il ne détourna le regard. vampire ou pas vampire, il n'allait pas courber l'échine parce que celui-là cherchait ouvertement à se moquer de lui.

''En quoi cela change que ce soit une Elfe ? Je ne vois pas pourquoi cela vous perturbe autant Nocturne ! Si je manque de discernement, alors pourquoi perdre votre temps à me parler ? Une telle perte de temps serait exaspérant pour un vampire ''ordinaire'' ''

Les vampires étaient tout autant des créatures maudites que les Elfes, à user de magie. Les vampires étaient même pires. Ils étaient infâmes à vivre du sang de leur victime, les tuant en les vidant de ce précieux fluide vital. Et aujourd'hui, Alauwyr devait les tolérer et répondre aux ordres de ceux qui étaient les chefs militaires, ou de rangs un peu plus inférieurs.

''Nous aurions été à Gloria, vous auriez tenu le même discours. Alors qu'est ce que cela change pour vous ? Laissez-moi deviner... vous aviez décidé d'en faire votre repas et je vous l'ai piqué sous le nez... ''

Comme si d'être dans une ville comme Caladon imposait de voir des protégés partout. Ce vampire devait être devenu psychotique à force d'être si proche de la frontière.

''Une elfe, si elle est théocrate, subira la punition qui conviendra pour la faute qu'elle a commise et cela ne vous concerne en rien... Si elle était protégée, elle aura plus qu'à prier pour sa vie...''

Des spectateurs s'étaient arrêtés pour écouter ce qui se tramait. Une tension verbale entre deux hommes laissait toujours entrevoir une finale en bagarre. Alauwyr ne tenait pas en arriver là et encore moins avec un vampire. Même frêle, une sangsue restait plus forte qu'un être humain. Alauwyr se rappelait encore des lointaines paroles d'un certain Roëric : que même le plus faible des vampires resterait bien plus puissant qu'un homme. A se rappeler cela, il eut un rictus dégoûté. Puis il plissa ses yeux sombres et brillant d'une certaine colère contrôlée vis à vis des sous-entendus implicitement une menace camouflée dans les paroles de Lören

''Est-ce une menace de votre bouche empli de crocs Nocturne ? Seriez-vous en train de me faire comprendre que je suis un danger pour votre santé physique et morale ? Si traître il y a, alors évitez de sous-entendre de tels propos, sauf si vous tenez à aller faire un petit passage auprès de vos ''supérieurs''...''

Il décroisa ses bras pour mettre sa main non loin de sa garde de son épée. Le vampire ne pourra pas ne pas le voir. Alauwyr le faisait justement dans le but de faire voir son geste. Ce vampire jouait un drôle de jeu et qui n'était pas du tout amusant. Sauf peut-être pour cette Dent-Longue. Il n'avait décidément rien d'autres à faire celui-là... et Alauwyr n'avait pas vraiment l'intention de ployer l'échine....Sauf si au final, ce vampire se montrait être un supérieur dans l'échelon militaire. Mais dans le cas contraire....

Les deux hommes se jaugeaient mutuellement. Pas une seule fois, Alauwyr ne le quitta du regard. Son interlocuteur ne serait que trop ravi de le voir regarder ailleurs....En tout cas, Lören finit par réagir à l'attitude un peu étrange de l'humain qu'il toisait. Alauwyr en eut un sourire amusé, à la limite du méprisable. Ce vampire ne l'était pas depuis tout à l'heure avec lui ? Chacun son tour !

''et vous un peu trop intéressé pour un humain aussi basique que moi. Et qu'est ce qui rend un vampire supérieur à votre avis, si on exclue sa nature perfide et hautaine, un mort qui s'accroche à la ''vie'' parce qu'il est frustré de voir que la dite-vie palpite chaudement en chaque être humain que vous croisez. Vous dépendez de nous ou des elfes pour vous nourrir et survivre. Sans nous, vous n'êtes rien... vous appelez cela être supérieur ? ''

Et voilà qu'il osait demander son nom....Tiens, il allait accéder à sa demande, peut-être qu'il lui ficherait la paix après.

''Alauwyr Iskuvar... et d'où je viens ne vous servira à rien Nocturne. ''

Lorën continua à dévisager froidement l'homme un peu soupçonneux; celui-ci déplaça la main près de la garde de son épée, et un rictus mauvais, presque narquois s'afficha sur son visage balafré.

Son geste n'échappa pas au vampire qui continua à le fixer, scrutant ses traits déformés avec attention. Il sentait le cœur de l'homme battre rapidement dans sa poitrine, ce qui montrait son énervement et la haine se lisait dans son regard d'acier.

"C'est une plaisanterie ? Tu penses vraiment avoir le dessus sur moi ? Tu te surestime grandement ou tu me sous-estime...Dans les deux cas, tu es un idiot, je suis peut-être faible physiquement pour un vampire mais crois-moi je n'aurais aucun mal à briser les membres d'un avorton comme toi", pensa t'il amusé.

Le vampire observa l'arme de l'homme; à première vue c'était une épée tout à fait ordinaire, il n'avait aucune raison de s'en inquiéter outre mesure. Même si celui-ci s'avérait assez bête pour l'attaquer, il n'avait aucune chance de l'emporter...De plus, Lorën espérait qu'il n'en ferait rien, non pas qu'il ait peur de ce soldat, loin s'en faut mais il n'éprouvait aucune envie de "l'amocher" même si l'homme était déjà très laid.

Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'il rencontrait un "spécimen" humain aussi "amusant", la plupart d'entre eux le craignaient ou au contraire faisaient preuve d'une fascination béate qui l'irritait. Une moue boudeuse s'afficha sur son visage à cette idée, "quel dommage ça serait !", comme s'il cassait un beau jouet tout neuf en l'ayant manipulé sans précaution.

Toutefois, le vampire était de moins en moins convaincu que l'homme allait l'attaquer; d'une part car il s'agissait d'un geste "suicidaire" et d'autre part, malgré la haine et la colère qui le consumaient, ce dernier semblait faire preuve de prudence et d'une grande maîtrise de lui-même.

"Non, tu ne m'attaqueras pas car tu n'en a pas la possibilité", pensa le vampire en narguant l'homme du regard et s'en rapprochant un peu pour lui montrer que son geste menaçant ne l'impressionnait guère. Ce soldat avec son rictus sardonique, ses yeux fiévreux et ses bravades ressemblaient davantage à un animal sauvage en cage, féroce et hargneux mais emprisonné derrière des barreaux et réduit à l'impuissance. Le plaisir que Lorën retirait de cette confrontation évoquait celui que certains individus peuvent ressentir en se tenant à proximité, hors de sa portée, d'un molosse en train d'aboyer, la gueule écumante et prêt à mordre mais attaché avec une lourde chaîne. Telle était la situation de ce soldat qui malgré sa position "d'infériorité" tentait de recouvrer un semblant de puissance en jouant avec les limites mais sans jamais les outrepasser. Après tout, vouloir ce n'est pas pouvoir.

Autour d'eux, une foule de curieux s'amassait de plus en plus, Lorën percevait les palpitements de leurs cœurs, sentait leurs regards fébriles et entendait leurs chuchotements. Tout à l'heure, c'était la femme elfe qui faisait l'objet de toute leur attention et focalisait leurs cruels instincts et leur plaisir cathartique de voir une personne malmenée.

"Ils rêvent tous de voir cet homme se faire déchiqueter, et dire que la plupart considère que les vampires sont des monstres assoiffés de sang", songea Lorën avec cynisme. Cependant, il fit abstraction de ce qui se passait autour d'eux pour se concentrer sur ce soldat étonnamment téméraire.

Ce dernier lui avait balancé des phrases à la limite de la provocation en pleine figure tout en ne détournant pas une seule fois ses prunelles foncées des yeux mordorés du vampire.
En les contemplant, ce dernier compris que cet humain possédait une volonté infrangible et qu'il ne courberait pas l'échine devant qui que ce soit, à moins d'y être contraint. Et dans le cas présent, Lorën n'avait pas la possibilité de le faire obéir, tout au plus pouvait-il "jouer" un peu avec lui pour s'amuser à ses dépens.

Malgré tout, il trouvait cette résistance très délectable; peut-être que le soldat espérait le décourager en jouant les fortes têtes alors qu'il ne faisait qu'attiser l'envie du vampire de le "titiller". Lorën devinait aussi que cet homme avait trop de fierté pour s'avouer vaincu et qu'à ce rythme ce petit jeu pouvait continuer longtemps. Il durerait jusqu'à ce que le vampire se "lasse" de sa "proie" et décide de laisser cet individu repartir.

L'homme avait répondu d'un ton teinté d'agressivité à sa remarque sur l'elfe. En vérité, Lorën ne se préoccupait plus guère de cette dernière, à présent elle ne l'intéressait plus et ne représentait qu'un prétexte "commode" à une confrontation avec ce soldat. Donc peu lui importait ses réponses à ses questions, ce n'était au fond qu'un "détail".

Lorën eut envie de rire en entendant la répartie de son interlocuteur "perte de temps ? Exaspérante pour un vampire ordinaire ?". Allons donc, il avait l'éternité devant lui et ce n'est pas quelques heures de plus ou de moins qui allait changer grand-chose à ses yeux. C'était bien une réflexion d'humain ça ! Pour les mortels le temps semblait si précieux car il était compté et que chaque minute qui s'écoulait les rapprochait de la mort. Mais paradoxalement, c'est cette finitude et cette fragilité qui conférait à leur existence la délicieuse saveur des choses rares et éphémères.

Pour le vampire, le temps représentait la chose le plus insignifiante qui soit car il en disposait de manière illimitée. De plus, il ne connaissait plus l'alternance du rythme sommeil-veille, et pendant que les humains et les elfes sombraient dans la béatitude du sommeil, lui demeurait éveillé. Tout comme son aspect physique ne connaîtrait jamais le déclin inéluctable qui caractérisait la vieillesse. Mais le prix à payer pour cette immortalité était un ennui et un vide existentiel qu'il cherchait à combler, même par des moyens en apparence "futiles" ou étranges aux yeux des mortels.

- J'ai tout mon temps, étant donné que je suis immortel, tu comprendras aisément que je ne suis pas à quelques instants prés, dit-il avec une pointe de malice dans la voix.


La seconde réplique du soldat sonnait tout aussi "comique" à ses oreilles: manger l'elfe ? Bof, la plupart possédait un goût vraiment déplaisant, à la rigueur cet humain représentait un met de choix en comparaison. Toutefois, le vampire se dit qu'il valait mieux garder cette réflexion pour lui car ce soldat risquait de pas "goûter" cette phrase. Il se contenta de le fixer avec son habituel sourire en coin en dévoilant un peu ses crocs, les bras toujours croisés sur sa poitrine.

La suite des propos de son interlocuteur continua à amuser ainsi qu'à surprendre le vampire: "représenter une menace physique et morale pour lui ? Un passage devant ses supérieurs ?"
Mouais...il n'était pas encore né l'humain susceptible de constituer une "menace physique et morale" pour lui. Quant à ce "passage devant ses supérieurs", Lorën doutait fort que ceux-ci s'intéressent le moins du monde aux "élucubrations" d'un petit humain de rien du tout.

Puis, l'homme lui fit une sorte de "sermon" sur la "frustration des vampires" et leur dépendance aux elfes et aux humains pour se nourrir. Lorën ne savait pas s'il devait lever les yeux au ciel devant de telles absurdités ou éclater de rire. Dans le doute, il conserva son sourire amusé tout en continuant à fixer l'homme droit dans les yeux. Le discours de ce soldat ressemblait à celui d'un esclave ou d'un serviteur qui veut se convaincre qu'il est en réalité un maître déguisé par fierté et refus d'accepter son asservissement.

- Mais dis moi en tant qu'humain qui se nourrit d'animaux et de plantes, j'espère que tu ne te sens pas "supérieur" quand tu passes devant un troupeau, un champ ou que tu bois une coupe d'hydromel car tu "dépends" d'eux, n'est-ce pas ? dit-il avec une pointe d'ironie dans la voix.


Ensuite, le soldat lui révéla son nom lorsqu'il posa la question mais de mauvaise grâce et refusa de mentionner son lieu d'origine. C'était la première fois depuis le début de leur confrontation qu'il acceptait de lui répondre directement; et Lorën sentait l'agacement et la lassitude de l'homme qui paraissait n'avoir qu'une envie, celle de déguerpir.

Le vampire esquissa un sourire et réfléchit un bref instant: allez-il le laisser partir ou continuer à "l'embêter" un peu pour la forme ? Le vampire haussa les épaules; aujourd'hui il se sentait d'humeur magnanime et l'homme pouvait filer, il trouverait bien une autre occupation.

- Bien j'en ai terminé avec toi, tu peux partir, dit-il d'une voix posée et un peu moqueuse.

Alauwyr maintenait toujours son regard braqué sur le vampire. Bien que Lorën marqua encore ses réponses d'arrogance et de dédain, poussant encore la provocation respective à un niveau au dessus, l'Alayien resta dans son air rembruni et perdit, il fallait l'avouer, son sourire sarcastique. Mais ses émotions se reflétaient dans ses yeux sombres. Le visage prit un air sérieux et froid. Le vampire se moquait de lui, soit. Mais s'il pensait l'emporter comme cela.... Encore un suceur de sang qui se croyait plus malin que les autres sous prétexte de leurs extraordinaires capacités améliorées après leur transformation. Oui Alauwyr aimait ressasser en boucle certaines pensées.

''Est-ce l'air de plaisanter ? ''

Pour la peine, il rapprocha un peu plus sa main de là où son épée pendait à la ceinture, histoire de renforcer cette nouvelle réplique avec un geste un peu plus appuyé. Une provocation gestuelle répondant donc à une provocation orale.

''Sous prétexte que je suis plus faible que vous, je devrai déjà me résigner ? Sous prétexte que vous êtes un vampire, je devrai éprouver déjà de la crainte ? ''

Le tout dit sur un ton toujours froid et glacial. Néanmoins Lorën avait raison. L'Alayien se rappelait les paroles de Roëric à ce sujet là. Même le plus faible parmi les vampire resterait supérieur à un excellent combattant tel qu'Alauwyr. Mais ce n'était pas pour autant qu'Alauwyr plierait l'échine devant chaque vampire. N'était-il pas de la Théocratie lui aussi ? N'avait-il pas participé à chasser les derniers rebelles à la venue au pouvoir du Blanc ? Le tout en arrivant à tolérer magie et suceurs de sangs !

Il chassa les pensées qui manqueraient de le mettre en rogne. Rien que de penser d'ailleurs à cela l'agaçait. Après tant d'efforts.....

''Vous avez le temps de le voir s'écouler, de voir peut-être des choses, mais où est la passion de vivre quand on sait que la mort peut aboutir à tout moment ? La mort est différente j'imagine pour un vampire, puisqu'elle ne vient plus de la même façon.... Quel intérêt d'être immortel si au bout d'un moment on se lasse d'être immortel ? La lassitude doit alors se chasser comme là, en ''jouant'' avec des petits jouets vivants... Quel plaisir vivifiant cela doit apporter...''

Le ton se voulut ironique malgré la froideur des paroles, pour bien marquer l'ironie de cette histoire. Quel plaisir oui on pouvait avoir à jouer de la sorte. Par contre Lorën crut faire un bref éclair de philosophie en se rattrapant sur le thème de la supériorité. Il n'avait pas tort sur ce qu'il affirmait. Mais le contexte ne se prêtait guère à se lancer dans ce genre de débat, en toute passion spirituelle. Cela n'empêcha pas l'humain de répondre sur un trait d'esprit.

''Les plantes ou les animaux n'ont pas l'intelligence des êtres tel que moi ou vous. Là est la grosse différence...D'ordinaire, les êtres supérieurs se vantent de leur intelligence. Je n'ai pas l'impression d'assister à cela...

Par contre, bien malgré lui, il tomba dans le piège tendu avec habilité par le vampire. Il voulait soit-disant arrêter. C'était trop facile aux yeux d'Alauwyr, qui ne voulait pas en rester là. Sinon c'était trop facile. Sans penser plus avec sagesse, il sortit son épée pour poser le plat contre le bas de la poitrine de Lorën. Peut-être qu'il le prendrait mal et qu'Alauwyr aura un retour bien senti, mais jusqu'au bout il montrait qu'il était intègre à ce qu'il était. Tout en soufflant :

''Un peu trop facile de casser la conversation de la sorte.... auriez-vous des choses à vous reprocher Messire ? Plus vous vous amusez de moi, plus j'ai la petite impression que vous n'êtes pas de la bannière du Blanc... Donnez moi une raison de pas vous faire arrêter ? ''

Lorën continuait à observer le visage balafré du soldat; bien que ce dernier ne détourna pas une seule fois son regard obscur, son expression se rembrunit et il perdit son sourire sarcastique au fur et à mesure de leur conversation. De toute évidence, l'homme ne semblait pas indifférent à ses propos, ce qui ne manqua pas d'amuser le vampire.

Certes, il se moquait de lui sans vergogne mais cet homme l'avait cherché de par son air hautain et son attitude agressive. Au moins, cette petite "discussion" pourrait faire office de leçon.

Le soldat le narguait effrontément en agissant comme s'il croyait avoir la moindre chance de l'emporter contre un vampire malgré le fait qu'il ne soit qu'un simple humain, dotés de faibles capacités...Ce dernier rapprocha sa main de la garde de son épée, espérant peut-être provoquer le vampire par son attitude irresponsable.

Soit cet homme était fou, complètement stupide ou bien cherchait à le provoquer, sans doute en raison de son arrogance démesurée.

"Sous prétexte que je suis plus faible que vous, je devrai déjà me résigner ? Sous prétexte que vous êtes un vampire, je devrai déjà éprouver de la crainte ?" répliqua le soldat.

Lorën haussa les épaules et lui répondit d'une voix calme et froide:

- "Libre à toi de te résigner ou non, c'est ton problème et non le mien, mais tu ne peux changer ce qui est par la seule force de ta volonté. Vouloir ce n'est pas pouvoir et tu risques de l'apprendre à tes dépens. Quant à la crainte, libre à toi également de jouer les "héros".

Ensuite, l'homme commença à ironiser sur le fait qu'en raison de leur immortalité, les vampires n'arrivaient à chasser leur lassitude qu'en "jouant" avec des petits jouets vivants.
Cette réflexion n'était pas totalement fausse mais du reste, les mortels eux-même ne "tuait-il" pas leur temps pourtant si précieux en se livrant à des excès et des débauches de toute sorte ?

Ce soldat réagissait comme si les humains étaient eux-mêmes exempts des tares qu'il reprochait au vampire. Aux yeux de Lorën, il faisait preuve d'une mauvaise foi et d'une naïveté coupables, mais peut-être que dans son "aveuglement" celui-ci préférait voir chez autrui, ce qu'il refusait d'admettre chez les siens.

"Ma foi humain, mes petits "jeux" valent bien les futilités et les comportements licencieux de nombre de tes congénères". De plus, c'est une telle délectation que je ne regrette nullement mon bonheur", répondit Lorën d'un ton malicieux.

Puis l'homme continua son "discours" formulé du même ton froid et moralisateur qu'il paraissait vouloir conserver jusqu'au bout. Il tenta même de faire un trait d'esprit en invoquant le fait que les animaux et les plantes ne possédaient pas "l'intelligence" des êtres "supérieurs".

Cette sentence "péremptoire" amusa et agaça le vampire, tout en lui arrachant un sourire cynique.

- Selon toi les animaux et les plantes sont dénués de la moindre once de ce que tu nommes "intelligence". Mais au fond qu'en sais-tu ? Qui te dis que derrière son faciès bestial, l'animal n'est pas animé de pensées ? Que la plante ne souffre pas quand elle est arrachée du sol ?
Vous les humains, vous n'hésitez pas à traiter avec cruauté les bêtes et les plantes mais quand c'est votre tour de devenir la proie, vous vous offusquez et demandez à être traité comme un gibier "privilégié".

Le ton de la voix de Lorën se durcit et il plongea ses yeux mordorés dans les prunelles foncées du soldat.

- Or pour moi, cela ne fait aucune différence...

Puis après un bref instant de silence, le vampire poursuivit en affichant un large sourire qui dévoilait légèrement ses canines acérées:

- Quant à "l'intelligence", crois en ma longue expérience mais, en général, les êtres qui se vantent le plus de leur "intelligence supérieure" sont ceux qui en sont singulièrement dépourvus...

Au moment où Lorën avait décidé de laisser partir le soldat qui semblait lassé de son petit "jeu", malgré le fait qu'il continuait à lui tenir tête; celui-ci eut une réaction pour le moins "inattendue" et fit une chose que le vampire jugea extrêmement stupide et imprudente.

Le soldat sortit son épée et pour en déposer le plat contre le bas de la poitrine du vampire.
Malgré tout son geste semblait mal assuré et il épilogua en soufflant sur le fait que Lorën paraissait suspect à ses yeux. Juste avant de lui demander une seule bonne raison de ne pas l'arrêter ?

Lorën éclata de rire tellement la situation paraissait grotesque ainsi que le comportement de l'humain. Une fois qu'il eut repris son calme et parvint à articuler sans s'esclaffer, le vampire répondit à son interlocuteur.

- Te donnez une seule bonne raison de ne pas m'arrêter ? Et toi peux-tu me donner une seule raison basée sur une preuve tangible plutôt que des suppositions fumeuses ?

Puis, il ajouta avec un sourire moqueur:

- De plus, crois tu sincèrement que si je n'étais pas du côté de Vraorg le blanc, j'aborderai un soldat ? Je serais stupide au point de me jeter volontairement dans la gueule du loup ?

Lorën se mit à ricaner une nouvelle fois:

- Les "preuves" dont tu disposes contre moi me semblent bien légères, hormis le fait que j'ai voulu m'amuser à tes dépens, théocrate ou pas. Puis il ajouta d'un ton ironique: De plus, ne disais-tu pas tout à l'heure que les humains et les elfes ne peuvent contrevenir aux lois de cette ville ? Dois-je comprendre qu'entre-temps tu as changé d'opinion et décider d'y adjoindre les vampires ?

Tout était possible de la part d'un vampire, même ce que celui-ci trouvait absurde. Restant de marbre à ses rires moqueurs et à ses basses provocations, il appuya un peu plus fortement le plat de son épée contre Lorën, réaffirmant silencieusement ses attentions à son égard. Qu'est ce qu'il avait réellement à apprendre de ses dépens ? Qu'un vampire serait toujours supérieurs à lui ? Il connaissait déjà cette leçon. Nul besoin de le lui rappeler, ça et autre chose. Autant garder le silence quand à cette réplique, cela ne serait qu'un cercle vicieux relancé pour rien s'il venait à rajouter encore quelque chose à ce sujet. Et jouer les ''héros'', que c'était pathétique à entendre....

''Peu m'importe tes petits jeux. Nul n'est sans savoir comment bon nombre des vampires s'amusent avec leurs petits jeux aux dépends des vivants, pour leur ''bonheur''... Ensuite, je croirais entendre un elfe quand il s'agit de cruauté envers les bêtes... Epargne moi ce genre de discours veux-tu ? ''

Oui pourquoi continuerait-il à le vouvoyer après tout ? Le vampire le tutoyait bien depuis tout à l'heure..

''En effet, il est difficile de trouver de l'intelligence quand on se ramène déjà avec des préjugés n'est ce pas ? Là aussi c'est un cercle vicieux qui concernent autant les êtres en mon genre que des êtres comme toi. Tiens au passage...''

Un détail avait manqué de lui échapper...

''J'ai eu la décence de te donner mon nom... Serais-je trop bestial à tes yeux pour entendre le tien ? Et de préférence ta fonction... car si tu es réellement un servant de Vraorg, comme tu cherches indirectement à me le faire croire, tu ne serais pas permis d'affirmer que je paraissais être un soldat de la bannière du Blanc....''

Il restait toujours aussi froid d'apparence et le regard sérieux. Même face à un vampire, il ne semblait pas être apeuré. Pourtant, il en avait eu quelques uns en face de lui et pas des moindres. En même temps, qu'avait-il réellement à perdre ? La peur n'était pas une option... elle était une faiblesse comme tant d'autres à refouler pour garder son sang-froid face au danger. Mais comme n'importe quel humain, il n'était pas totalement maître des émotions qui finissaient toujours par prendre le dessus. Il l'avait déjà senti au fond de ses tripes dans des situations critiques. Il la connaissait comme il la haïssait... Donc même s'il pouvait exprimer de la peur face à ce vampire méconnu, il arrivait à bien la juguler. Quand on avait vu Mort plusieurs fois de près, une de plus ou une de moins ne faisait pas grande différence. Même quand un vampire vous souriait avec ses crocs

''C'est beau de penser à l'ineptie d'une telle raison n'est ce pas ? Que de mieux que d'affirmer cela alors que justement, ce serait un bon moyen de couverture. ''

Il se permit un petit sourire railleur à l'égard. Son épée était toujours plaqué contre lui. Un seul geste et un peu de chance et il pourrait le passer au fil de sa lame... Si le vampire ne réagissait pas avant. Mais là aussi, il faudrait une bonne raison. Alauwyr n'était pas fou au point de tuer un suceur de sang sans réelle preuve. Là dessus, il avait raison l'enflure !

''Alors apporte moi des preuves pour me convaincre que tu n'es pas un Protégé mon cher. car peut-être que je n'ai parlé que d'elfes et d'humains, mais dans les rangs des Protégés... il y a des renégats à ton espèce.... Laisse moi deviner... je t'apprends donc un truc, que parmi les tiens, des vampires ont rejoints les protégés.... Alors je t'écoute pour ta petite défense ? ''

Il jouait serré, il le savait.

Lorën écouta les propos de l'humain avec une perplexité croissante et la seule conclusion "logique" qui s'imposa dans sa tête était qu'il se trouvait en présence d'un individu souffrant d'aliénation mentale. Dès le début de leur conversation, le vampire l'avait trouvé pour le moins étrange et à présent nul doute n'était permis. Cette lueur fiévreuse qui se lisait dans ses yeux, et qu'il avait pris tout d'abord pour de la haine; en vérité, cette flamme incandescente représentait la marque insidieuse d'un esprit dérangé, consumé par la folie. Cet homme avait connu les champs de bataille, vu de ses yeux vus les atrocités de la guerre et à présent, il ne savait plus ce qu'il disait ni n'avait conscience de la portée ses actes. Sinon pour quelle autre raison aurait-il l'outrecuidance de se mesurer à un vampire, en Théocratie qui plus est ? Pensait-il vraiment être capable de l'emporter dans un combat au corps à corps ?

En temps normal, le vampire l'aurait tué sans l'ombre d'une hésitation et d'un remord mais ici en plein milieu de la rue, cela pouvait se révéler délicat, surtout en présence de la foule innombrable qui s'était massée autour d'eux afin de mieux observer leur altercation. A présent, les chuchotements des badauds s'étaient transformés en un violent brouhaha et leurs innombrables yeux demeuraient braqués sur les deux individus, à l'affût de la moindre de leur réaction.

L'atmosphère autour d'eux était devenue électrique et Lorën sentait la multitude de cœurs humains battant à toute vitesse dans leurs poitrines. Cela formait une sorte de bourdonnement continu que ses sens aiguisés de prédateur captait avec acuité. Le vampire ressentait presque la violence sourde contenue dans leurs regards, leur désir d'assister à un carnage ainsi que la curiosité morbide qui paraissait les dévorer.

Lorën garda son sang-froid face à cet homme déraisonnable, il n'était pas stupide au point de répondre aux provocations de celui-ci. Ce soldat espérait certainement lui faire perdre patience en le menaçant avec son épée. Mais à ce petit jeu, il risquait d'être déçu car le vampire n'allait pas se laisser duper si facilement. Il le croyait né de la dernière pluie ?

Du reste, le vampire savait pertinemment que ce soldat ne possédait aucune preuve concrète à son encontre. Et même s'il tentait de s'essayer à une petite démonstration de force, tel un coq dressé sur ses ergots, un humain ne pouvait pas rivaliser avec un vampire, même un faible tel que lui. C'était tout bonnement impossible.

Quand aux répliques de l'homme qui s'était soudain mis à le tutoyer faisant preuve d'une grossièreté inouïe, le vampire estimait qu'elles ne méritaient nulle autre réponse qu'un silence méprisant.

Lorën demeura parfaitement immobile, continuant à garder les bras croisés et les yeux rivés sur ceux de l'homme, mais bien décidé à ne répondre à aucune de ses questions impertinences. Pour qui se prenait-il ce misérable humain ? Et que comptait-il faire pour le faire obéir s'il s'y refusait ? Le frapper, il serait curieux de voir ça ?

Cette arrogance dépassant toute commune mesure ne pouvait émaner que d'un esprit faible et profondément malade...Pourquoi perdre son temps à dialoguer avec un fou ?

Lorën n'écoutait plus et commençait à réfléchir de quelle manière il pourrait se débarrasser de cet importun sans commettre un délit, car même pour un vampire en Théocratie mieux valait demeuré prudent face aux lois.

Tout d'un coup, la porte du poste de garde s'ouvrit à toute volée et le sergent en sortit en s'égosillant à plein poumons:

- Qu'est-ce qui se passe ici ? C'est quoi toute cette foule devant mon poste de garde ? Circulez ! Allez circulez, il y a rien à voir ! La fête est terminée !

Suite à l'arrivée impromptue du sergent, les nombreux curieux occupés à observer l'altercation entre le vampire et l'humain se dispersèrent sans demander leur reste.

Puis, il se tourna en direction de Lorën et d'Alwauwyr et dévisagea froidement la scène avant de s'avancer pour s'interposer entre les deux individus.

Son visage était empourpré par la colère et il s'adressa à l'humain et au vampire d'une voix teintée d'agressivité.

- Vous vous croyez où tous les deux ? Vous imaginez peut-être que j'allais laisser une rixe éclater juste devant mon poste de garde sans réagir ? Ensuite, il ricana froidement et dis au vampire:


- Messire, c'est vous le perturbateur qui contrevenez à l'ordre public ? Entrez dans mon poste de garde immédiatement ! J'aurais quelques petites questions à vous poser.

Lorën avait envie de bailler mais il se dit que l'arrivée de ce sergent lui servirait peut-être à se débarrasser de ce "fou suicidaire" qui semblait vouloir se faire "trucider" depuis le début de leur conversation.

- Bien, il n'y a aucun souci, Monsieur le Sergent. Je répondrai à toutes les questions que vous voulez, dit-il d'une voix douce et mielleuse, avant de se diriger vers le poste de garde et d'en franchir le seuil.

Là où le vampire aurait pu répliquer, la porte du poste tout proche s'ouvrir avec fracas. Ce fichu sergent sortit en beuglant presque. Une partie de la foule s'égaya comme par magie à la venue d'un soldat. Jouer les témoins ne donnait pas envie de rester bizarrement...Surtout quand le sous-officier exigeait le dispercement. Alauwyr leva les yeux en l'air et tint à prendre la voie de la poudre d'escampette en essayant de se faufiler dans la foule. Car là c'était le vampire qu'il houspillait le plus ; moins lui, et quand le sergent demanda au vampire d'entrer dans le poste, Alauwyr tenta donc de se ''sauver''. Manque de chance, même si ce gaillard là ne donnait pas envie de discuter, il se crispa quand le sergent beugla à nouveau dans son dos. L'épisode de l'elfe l'avait peut-être un peu contraint à se rentrer dans sa coquille face aux répliques de l'Alayien, mais là avec du monde autour de lui, il devait plus se sentir... Le risque que celui-ci fasse un rapport cette fois lui pendait réellement plus au nez que l'épisode avec l'elfe

''C'est valable pour vous aussi !

Il serra les dents et se retourna à peine, jetant un regard glacial à cet importun, avant de le tendre au vampire. Après tout, c'était de la faute à cette sangsue non ? Si Lorën l'avait laissé en paix quand il était ressorti de là ! Le sergent tournait déjà la tête autre part comme par hasard quand le vampire, qui joua presque le mielleux sur un ton tellement faux....Loren entra donc dans le poste, le dos tourné à l'Alayien. Qui sait ce que son visage de suceur de sang affichait...Alauwyr lui emboîta le pas en retenant un juron et une fois à l'intérieur, comme il avait pu le faire avec l'elfe pendant que le sergent s'occupait de cette dernière précédemment, il s'adossa contre le mur proche, croisant les bras et attendit.

Le sergent sembla hésiter en croisant le regard de Lorën. Un vampire ce n'était pas rien. Et puis, qui sait d'où il venait celui-là. Il ne se rappelait pas l'avoir vu dans la hiérarchie locale. Il tendit son regard encore pétillant de sa petite colère précédente vers l'Alayien, qui fronça glacialement ses yeux sombres. Le message était clair. Le sergent ne se laissa pas démonter pour autant.

''Ton tour viendra, t'affoles pas... Bien à vous, vous m'expliquez tout ce bazar là de toute à l'heure dehors ? ''

Alauwyr se contenta de fermer les yeux et de jurer intérieurement. Et c'était parti pour un truc. Jamais il n'aura la paix ! Après l'elfe, voilà un vampire dans ce fichu poste. Ce sera quoi la prochaine fois ? Un dragon ? Sans compter que ce sous-officier tenait cette fois à avoir le fin mot dans l'histoire...

Lorën restait muré dans un silence glacial, bien décidé à ne pas répondre aux questions déplacées et aux tentatives d'intimidation de son interlocuteur. Il sentait le cœur de l'homme battre à toute vitesse dans sa poitrine, celui-ci devait s'apercevoir qu'il jouait gros dans cette histoire. Si le vampire décidait de répliquer, le soldat risquait de le sentir passer, d'autant plus que Lorën possédait un bon niveau à l'épée, et que sa condition vampirique le rendait supérieur dans ce domaine à n'importe quel humain. Cependant, il n'était pas impulsif ou irréfléchi au point de dégainer son arme ou de frapper cet homme en plein milieu de la rue, devant toute cette foule, s'exposant ainsi à un risque de sanction judiciaire. Bon, si son assaillant commençait à l'agresser physiquement, il pourrait toujours invoquer la légitime défense mais à ce stade c'était un peu compliqué...

Il gardait les yeux rivés sur ce soldat, ô combien arrogant ou fou, peut-être même les deux. A présent, la tension entre les deux individus était devenue presque palpable et l'atmosphère oppressante. Soudain, la porte du poste de garde s'ouvrit avec fracas et la voix beuglante du sergent retentit exigeant le dispersement de la foule.

Ce n'est pas trop tôt, pensa Lorën, depuis tout ce temps ce "crétin" d'humain demeurait confortablement installé dans son poste de garde sans s'apercevoir de ce qui se tramait juste sous son nez.

A l'apparition du sergent, le soldat parut soudain prendre conscience de la situation délicate dans laquelle il s'était fourré en menaçant un vampire en présence de nombreux témoins et en face d'un poste de garde. L'humain baissa son épée et tenta de se sauver en bousculant certains badauds occupés à observer la scène.

Lorën regarda cette "débandade" à la fois perplexe et amusé; dire qu'à peine quelques secondes auparavant cet humain le menaçait avec son épée, jouant les "héros" sans peur et voilà qu'à présent, l'homme détalait comme un lièvre apeuré suite à l'arrivée inattendue du sergent. La situation lui parut soudain tellement surréaliste et grotesque qu'il faillit éclater de rire. Finalement, cet humain n'était peut-être pas aussi dément qu'il le croyait étant donné que celui-ci avait eu la présence d'esprit de tenter de filer en douce.

Toutefois, le "malheureux" soldat ne parvint pas à s'enfuir assez vite pour échapper au sergent qui beugla dans son dos, le forçant ainsi à entrer lui aussi dans le poste de garde.

Une fois à l'intérieur, l'humain s'adossa contre le mur, les deux bras croisés sur la poitrine, paraissant attendre que cette confrontation s'achève. Son visage avait perdu son expression hargneuse et n'exprimait plus qu'une profonde lassitude.

"Ton tour viendra...t'affoles pas", dit le sergent au soldat, d'un ton sec, en lui lançant un regard brillant de colère qui n'échappa pas au vampire.

Puis, l'homme se tourna vers Lorën et lui demanda d'une voix calme et prudente:

"Bien à vous, vous m'expliquez tout ce bazar là de toute à l'heure dehors ?"

Lorën remarqua la différence de traitement qu'opérait le sergent entre lui un vampire et ce simple soldat. Au fond cela ne l'étonnait guère car en Théocratie les vampires jouissaient d'un certain nombre de privilèges en raison du fait qu'il s'agissait de la race favorite du grand Vraorg. Mais peut-être pourrait-il utiliser cette situation à son avantage.

- Bien sûr, répondit Lorën d'une voix douce, je peux répondre à toutes les questions que vous voulez mais êtes-vous certain de ne rien oublier ?

Le sergent le regarda d'un air perplexe avant de demander avec prudence.

- Euh...? De quoi s'agit-il messire ?

Le vampire soupira avant d'ajouter d'un ton légèrement agacé.

- Sergent, je vous rappelle que la loi exige que lors d'une altercation entre deux personnes, vous devez également interroger un ou plusieurs témoins afin de vérifier nos dires et pouvoir aussi trancher en cas de divergences entre nos deux versions.

- Vous avez raison, j'avais presque failli oublié ce point crucial ! s'écria le sergent avant d'ouvrir grand la porte du poste de garde pour jeter un coup d'œil à l'extérieur. Depuis qu'il avait donné l'ordre de dispersement, une grande partie de la foule massée tout à l'heure devant le bâtiment s'était dispersée. Seuls subsistaient quelques curieux occupés à attendre ou à commenter la confrontation entre les deux individus et l'intervention du sergent.

Quand ce dernier apparut de nouveau, la plupart se turent et tentèrent de s'éloigner sans demander leur reste, de crainte de devoir jouer le rôle de témoin dans cette sombre affaire.

Le regard du sergent tomba sur une jeune fille blonde âgée d'une vingtaine d'années, aux cheveux noués en deux longues nattes et vêtue d'une longue robe grise réalisée dans une étoffe simple. Celle-ci tentait de s'éclipser discrètement quand l'homme la héla:

- Hé toi là bas, la petite jeune fille ! Viens un peu ici, il me semble t'avoir aperçue tout à l'heure à l'avant de la foule. J'ai quelques questions à te poser.

La jeune femme pâlit et s'avança de mauvais gré en direction du sergent qui ne lui laissait guère le choix.

- Bien sergent, répondit-elle, d'une toute petite voix fluette. Que voulez-vous savoir ?

- Etais-tu présente depuis le début de tout ce bazar entre les deux personnes que je viens de faire rentrer dans mon poste ? Tu as donc assisté à toute la scène?

Une lueur de peur s'alluma dans les yeux bleus de la jeune femme et elle se contenta de hocher la tête par l'affirmative.

- Parfait ! dit le sergent d'un ton enjoué, tu vas faire un excellent témoin ! Comment t'appelles tu ?

- Sofiana...répondit la jeune blonde qui baissait la tête et semblait être au bord des larmes.

- Rentre et va t'installer sur une chaise au fond de la pièce jusqu' à ce que j'ai besoin de toi.

Elle s'exécuta en silence, observant les lieux à la dérobée de ses yeux clairs apeurés.

Pendant que le sergent avait le dos tourné et discutait avec la jeune femme, Lorën jeta un regard en direction du soldat toujours adossé au mur, les bras croisés et ne résista pas à la tentation de lui envoyer une petite pique taquine:

- Dis moi Humain, pour quelqu'un qui prétendait ne pas se résigner face à l'adversité et être capable de surmonter la crainte, tu semblais très pressé de détaler sans demander ton reste quand ce sergent a débarqué. Puis, il ajouta avec un ton malicieux, du moins, si tel n'était pas le cas; c'était rudement bien imité.


Ensuite le sergent fit rentrer une petite blondinette, à la silhouette frêle et au visage un peu ingrat. Probablement, l'un des rares témoins qui subsistaient sur place depuis l'ordre de dispersion du sergent. Quand cette dernière se fut installée sur une chaise dans un coin de la pièce, l'homme se tourna une nouvelle fois en direction de Lorën:

- Bon messire, installez vous sur une chaise devant mon bureau, nous allons bientôt pouvoir débuter l'interrogatoire pour faire la lumière sur les faits qui se sont produits. Toutefois avant d'aller plus loin, je dois prendre note de vos nom, prénoms, fonction, âge et lieu de naissance à tous les deux pour les noter dans mon rapport.

Lorën s'installa sur une chaise devant le bureau du sergent et répondit à ses questions d'un ton neutre, dévisageant froidement ce curieux humain qui venait de sortir un parchemin et une plume avec un encrier afin de prendre note des informations concernant son identité:

- Mon nom est Arcaë et mon prénom Lorën; ma fonction est grand intendant de l'armée vampirique.

Le vampire hésita une minute avant de répondre à la question suivante:

- Concernant mon âge c'est un peu plus compliqué, disons que j'ai cent-vingt deux ans en âge vampirique. En revanche, je ne suis pas certain de mon âge réel mais si j'ai été transformé autour de la trentaine ça me ferait dans les cent-cinquante ans et des poussières.

Le sergent dévisagea le vampire d'un air effaré, restant la plume suspendue en l'air au lieu de noter l'information.

Lorën lui adressa un sourire amusé, dévoilant un peu ses canines acérées:

- Je comprends votre étonnement sergent, c'est vrai que je suis encore bien jeune...
Quant à mon lieu de naissance, vous comprendrez aisément qu'il m'est impossible de répondre à une telle question car j'ai perdu le souvenir de mon existence humaine. Je pense avoir été transformé sur la route commerciale entre Gloria et Aldaria mais c'est très flou...

- Bien entendu... je comprends...bafouilla le sergent en griffonnant rapidement des notes sur son parchemin tout en évitant de regarder Lorën. Puis il jeta un regard noir en direction du soldat qui attendait:

- A ton tour maintenant. Donne moi ton nom, prénom, fonction, âge et lieu de naissance.

Le sous-officier ne manquait décidément pas d'air. Aussi changeant que pompeux. Il était aisé là de la ramener en présence d'un vampire et il y avait de quoi exaspérer l'Alayien. Mais cette fois, il ne pourra pas jouer avec lui comme en présence de l'Elfe. Le vampire était dans la place et cela donnait une assurance malsaine à ce bougre. Mais il la perdit un peu devant un petit rappel légal quand à leur affaire de confrontation. La sangsue à deux pattes semblait bien apprécier la tournure de la situation, car usant d'une voix douceâtre, il était aisé de comprendre qu'il était loin d'en avoir terminé. Au lieu de proférer des menaces envers un mortel, ce vampire là restait sereinement dans son petit coin. De quoi faire sourciller Alauwyr avec plus d'agacement. Par Néant, il aurait du insister à partir au lieu de se conformer aux ordres du sergent, au risque d'avoir à faire des corvées pour refus d'obéissance à un sous-officier !

Après le doux et presque susurrant rappel de l'importance de faire appel à des témoins, le fichu sergent alla en quérir deux. Comme par hasard des jeunes filles. On ne pouvait pas dire que celui-là ne profitait pas de la situation pour sans nul doute mâter de son regard ces deux gamines, mais en plus de jouer de sa personne pour les intimider et avoir donc des témoignages erronés. Des témoins donc peu fiables, surtout que la plupart s'était ramené après que le vampire ait attiré l'attention d'Alauwyr. L'Alayien sentait que l'affaire prenait une sale odeur. Plus encore quand, durant le témoignage d'une des filles, Lören se tourna vers lui pour lui jeter une pique moqueuse. Alauwyr lui jeta un regard aussi glacial que possible, tout en restant adossé dans son recoin.

''Tu as mal observé, Vampire. Détaler n'était pas le terme exact à prendre. Tu grossis ce que tu as vu.''

Il grinça les dents.

''Ne réfute pas que tu ne t'amuses pas en ce moment ! ''

Fichu vampire ! Il détourna le regard vers le sergent quand celui-ci eut terminé avec les deux témoins. Quand il demanda à Lören de s'asseoir pour passer à son interrogatoire, le vampire obtempéra un peu trop aisément. Il jouait... Là il jouait complètement. Il répondait un peu aisément à ses questions, et le glas tomba quand Lören déclina son identité. Le sous-officier était effaré non pas à cause de l'âge et des explications qui l'accompagnait, mais bien pour le titre dont il s'était affublé. Grand intendant de l'armée vampirique... rien que cela. Alauwyr se crispa malgré lui dans une certaine nervosité ! Par Néant, cette Dent-Longue en plus de lui pourrir sa journée en l'ayant abordé tout à l'heure pour l'histoire de l'Elfe, voilà qui mettait sur le tapis ce qu'il était. Bougre de sangsue ! Et quelques injures intérieures fusèrent. Oh qu'il adorait jouer celui-là. Il l'avait bien affirmé en plus : il devait bien occupé son temps illimité d'immortel. Que de mieux alors que de faire joujou comme là il était en train de le faire !

Puis ce fut à son tour d'être interrogé. Il pourrait très bien décidé de se barrer d'ici... mais par respect minimal à la hiérarchie. Il resta néanmoins collé contre son mur, les bras toujours croisés. Il eut une grimace arrogante à l'encontre du sergent.

''C'est marrant Sergent... vous ne me l'aviez pas demandé précédemment. Peut-être que de se sentir allié avec les bonnes personnes en fonction des circonstances vous va à ravir pour donner l'illusion que vous faites votre boulot ? ''

Avant que l'autre ne réagisse, sous le couvert de ce début d'insubordination flangrante, l'Alayien répliqua bien avant qu'une réplique ne fuse de ses lèvres.

''Alauwyr Iskuvar, combattant. Le reste me regarde. Si vous avez besoin de pêcher ces informations, allez demander à vos supérieurs''

On vit bien le sergent avoir une moue moitié déconcertée, moitié vexée. Un bref coup d'oeil vers Lorën signifiait qu'il cherchait déjà le soutien de cet Intendant, qui dans l'ordre des choses tenait un titre supérieur à la soldatesque que les deux humains étaient ici présents. Mais il n'était pas un militaire ce fichu vampire ! Mais est-ce que le sergent allait le prendre comme cela ? Bien sur que non. Déjà il exigea la raison de l'altercation avec le vampire sur un ton semi-autoritaire. Alauwyr le regarda toujours avec la même froideur dans le regard. Il se trompait ou le sous-officier bombait le tore pour se donner de l'importance ?

''Allez demandez à Messire... l'Intendant, pourquoi il a opté pour un enquiquinante discussion avec ma personne. Intéressé par le sort de l'Elfe qui était venu ici d'ailleurs... Si j'avais moins perdu de temps pour contrôler ce qu'elle était au lieu d'espérer la torturer pour votre simple amusement, j'aurai pas croisé cette Dent Longue !

S'il ressortait d'ici, la première chose qu'il ira faire sera de se soûler...

Après que Lorën eut envoyé sa petite pique taquine au soldat adossé contre le mur du poste de garde, celui lui lança un regard glacial et répliqua:

"Tu as mal observé, Vampire. Détaler n'était pas le terme exact à prendre. Tu grossis ce que tu as vu."

Le vampire sourit, cet humain ne manquait décidément pas d'audace et n'hésitait pas à lui envoyer des répliques cinglantes, malgré le fait qu'il fasse parfois preuve d'une certaine mauvaise foi. Toutefois, étonnamment ce comportement téméraire et insolent n'était pas pour lui déplaire et constituait une agréable distraction dans sa journée interminable d'immortel.

Loin de le décontenancer, la réponse de l'homme l'amusa et il lui répondit d'un ton calme et moqueur:

- En effet, la foule massée autour de nous a gêné ta fuite. Sans cela, tu aurais probablement pu te sauver et courir beaucoup plus vite.


Quand à la deuxième réplique de l'homme, elle amusa tout autant Lorën que la première:

- Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas moi qui ait été pris sur le fait en train de menacer l'autre avec mon épée en plein milieu de la rue. Sans compter que ce sous-officier parait vraiment t'avoir à la bonne, ajouta t'il ironiquement.

Probablement que ce soldat répliquerait à nouveau n'hésitant pas protester avec une mauvaise foi évidente ou à mentir effrontément, mais peu lui importait. Les faits étaient là quoiqu'il en dise.

Ensuite, le sous-officier fit rentrer deux jeunes filles dans le poste de garde, très jeunes et qui semblaient impressionnées par l'obligation de témoigner dans laquelle elles se trouvaient.

Après cela, le sergent posa les questions d'usage à Lorën pour les retranscrire dans son rapport comme l'exigeait la procédure habituelle. Le vampire l'observait faire froidement, mieux valait se montrer coopératif pour le moment et essayer d'évaluer s'il était possible de tirer partie de cette situation.

Il lui répondit donc de bon gré, du ton calme et suave qu'il usait habituellement lorsqu'il désirait endormir la méfiance de son interlocuteur. Après tout, celui-ci lui serait peut-être d'une quelconque utilité...

Lorsque Lorën eut terminé de répondre aux questions du sergent, celui-ci se tourna vers le soldat en lui jetant un regard empreint d'animosité. Le vampire sourit, amusé; décidément la confrontation de ces deux humains était vraiment divertissante.

Quand ce fut son tour de répondre, l'homme se contenta d'esquisser une grimace arrogante et au lieu de répondre directement à ce sous-officier faisant preuve d'insubordination. Puis il ajouta rapidement afin de couper court à toute réplique de son interlocuteur.

Après avoir révélé son nom, l'homme esquiva de nouveau la question de son origine, ce qui décontenança le sergent et étonna un peu Lorën.


Ce soldat était vraiment mystérieux, d'où pouvait-il venir ? Ce dernier avait déjà éludé une première fois sa question sur son lieu d'origine, ce qui attisait sa curiosité à son égard. Pourtant, l'humain avait rapidement décliné son identité; qu'est-ce que cela pouvait signifier ?

Son "origine" représentait elle une chose "honteuse" ou cachait-il un "secret" inavouable ?

De même, s'opposer ainsi à un vampire et le défier ouvertement était une attitude très inhabituelle chez la majorité des humains, du moins les Armandéens. La plupart d'entre eux craignaient ces dangereux prédateurs et reconnaissaient leur supériorité physique.

Les seuls qui paraissaient assez "fous" ou "fanatiques" pour oser s'opposer aux créatures de la nuit étaient les Alaysiens...Au nom de Néant, ils avaient envahi Armanda plusieurs années auparavant bien décider à éradiquer toute forme de magie ainsi que les vampires et les elfes...

Se pouvait-il que cet humain soit l'un des leurs ?

Lorën réfléchit, juste avant de leur conversation cet humain avait emmené une elfe qui le suivait de mauvais gré jusqu'à ce poste. Puis, il s'était adressé à lui avec une rare arrogance...était-ce une "simple" coïncidence ou ce comportement résultait-il d'une certaine défiance à l'égard de ces créatures ?

Néanmoins, ce soldat n'hésitait pas à répliquer également à ce sous-officier donc il était difficile d'en déduire que son attitude insolente et son animosité ne concernaient que les elfes et les vampires.

Le sergent semblait vouloir en découdre avec le soldat trop arrogant, mais loin de se laisser démonter ce dernier poursuivit sur sa lancée en lui assénant:

"Allez demandez à Messire...l'intendant, pourquoi il a opté pour une enquiquinante discussion avec ma personne. Intéressé par le sort de l'Elfe qui était venu ici d'ailleurs...Si j'avais perdu moins de temps pour contrôler ce qu'elle était au lieu d'espérer la torturer pour votre amusement, j'aurai pas croisé cette Dent longue !"

Suite à cette réplique, le visage du sous-officier blêmit avant de s'empourprer violemment et il fusilla le soldat du regard. Ses prunelles sombres brillaient d'une lueur haineuse et manifestement, ce dernier semblait très en colère.

Lorën écouta les paroles du soldat et réfléchit attentivement à leur contenu. Si ce dernier disait vrai alors il n'apprendrait pas grand chose de ce sergent même en tentant de l'intimider ou de le manipuler pour lui tirer les vers du nez...

Du reste, il ne percevait pas, même faiblement, les battements du cœur de l'elfe, ce qui voulait dire qu'elle était soit morte ou absente du poste de garde. Le vampire réfléchit, il était certain de ne l'avoir vu ou senti ressortir de ce lieu donc elle n'avait pu qu'emprunter qu'une sortie dérobée. Du moins, si ce sergent ne l'avait pas torturée à mort...Si tel était le cas alors en savoir plus sur elle ne lui serait d'aucune utilité.

Une petite porte entrouverte semblait conduire à un sous-sol et légère odeur de sang humain en émanait. La puanteur de la torture, songea le vampire: de toute évidence, ce sergent utilisait des méthodes un peu expéditives pour un simple interrogatoire. Toutefois son odorat très aiguisé de vampire ne percevait pas l'odeur si caractéristique du sang elfique. Peut-être que cette elfe était parvenue à s'enfuir finalement.

Le sous-officier gardait le regard rivé sur le soldat, semblant littéralement bouillonner de rage.
Lorën décida que celui-ci ne lui était plus d'aucune utilité et qu'il valait mieux mettre fin le rapidement possible avant qu'il puisse vaquer à une autre occupation.

Cependant, la tournure que prenait la conversation entre ces deux humains n'était pas pour lui déplaire. Le vampire songea que cela pouvait aussi constituer un spectacle amusant que de les regarder s'entre-tuer.

- J'étais présent quand ce soldat a amené cette elfe au poste pour interrogatoire. Et quand il est sorti, je lui ai simplement posé quelques questions sans importance à son sujet par simple curiosité. Mais il a refusé de me répondre et quand j'ai voulu partir, ce dernier m'en a empêché et a commencé à me menacer en sortant son épée. Puis nous avons continué à discuter et lorsque je lui ai expliqué la supériorité des vampires, cet homme est devenu comme fou et s'est mis en tête de me prouver le contraire en m'embrochant sans motif valable:

Puis le vampire haussa les épaules et lança un regard méprisant en direction du soldat, toujours adossé contre le mur.

- Cet homme est un lunatique, il menace et attaque les gens sans raison...Sergent, vous perdez votre temps avec lui, il suffit de le regarder pour constater qu'il souffre d'un déséquilibre mental. Du reste qui oserait prétendre que les vampires ne sont pas supérieurs aux humains surtout en Théocratie.

- C'est exact, les vampires sont la race favorite du seigneur Vraorg, répondit l'homme en dévisageant froidement le soldat. Nul ne peut contester cela.

Le sous-officier gardait à l'esprit la menace de blâme dont cet effronté avait proférer à son encontre. Et voilà que maintenant, c'était lui qui se retrouvait dans une situation délicate en rapport avec l'un de ses maudits "suceurs de sang" et n'hésitait pas à le traiter de "Dent longue" juste devant lui comme pour le narguer. Quelle ironie du sort mais cette fois-ci, c'est lui qui aurait le dernier mot.

Le sergent grommela et jeta un regard en direction des deux jeunes filles qui attendaient recroquevillées sur leurs chaises:

- C'est bien ce qui s'est passé ? aboya t'il.

- Oui...répondirent-elles en chœurs.

- Bon, alors si c'est tout vous pouvez déguerpir d'ici. Allez ouste ! Dehors !

Les deux témoins ne se firent pas prier pour se lever et sortirent du poste sans demander leur reste, refermant la porte derrière elles.

Ensuite, le sous-officier se tourna vers Lorën et s'adressa à lui d'un ton calme et révérencieux.

- Messire, vous pouvez vous en aller, je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Il semblerait que vous n'ayez commis aucun délit dans cette affaire. Certes vous avez été un peu trop curieux mais ce n'est pas suffisant pour vous arrêter.


L'homme estimait que même si le vampire s'était montré un peu trop curieux, cela se révélait trop faible pour un motif d'inculpation. De plus, il ne tenait pas à garder ce "suceur de sang" dans son poste, vu l'importance de sa fonction, même s'il n'était pas un militaire, celui-ci pouvait posséder des connaissances haut placées. Mieux valait éviter de l'importuner et le laisser partir sans faire d'histoires.

Puis, le sous-officier se tourna en direction du soldat et un rictus mauvais s'afficha sur son visage:

- Toi par contre, tu n'as pas l'air net du tout ! T'as causé un sacré bazar là dehors avec ton petit numéro à l'épée. Tes supérieurs vont être ravis d'apprendre que t'a menacé ce messire en pleine rue, troubler l'ordre public et fait preuve d'insubordination à l'égard d'un sous-officier. Franchement, c'est à ça que tu t'amuses pendant tes permissions ? Cela devrait te valoir un beau blâme.

Tout d'un coup, une lueur sombre s'alluma dans le regard de l'homme:

- En plus qu'est ce qui me prouve qu'en sortant d'ici tu ne vas pas menacer ou attaquer d'autres personnes ? Le mieux serait que je te garde encore un moment en garde à vue et que nous poursuivions ce petit interrogatoire en privé si tu vois ce que je veux dire...

Alauwyr se contenta de le toiser avec sa froideur habituelle, réussissant à ne pas prendre la mouche face à ce vampire agaçant. Il savait user de la langue pour appuyer sur l'égo d'un être humain. Cette sangsue était donc passée maître dans l'art de tourner tout à son avantage. Voilà qui était dangereux. Un duel de l'esprit était bien plus complexe et imprévisible qu'un combat avec des armes tranchantes. Alauwyr en usait quand cela s'avérait soit amusant, soit nécessaire, mais quand cela se retournait contre lui, il était difficile de trouver une parade. Heureusement, il réussit à contenir sa colère pour laisser la voix de raison tenter de lancer une parade.

''Estime toi heureux que tu n'aies pas fini cloué au mur comme un vulgaire papillon. La foule aurait été ravie de te voir gesticuler et brailler ''

Oser dire que le sergent l'avait à la bonne avait de quoi malheureusement le faire grincer des dents. S'il n'y avait pas eu ces vampires, sur des trois dernières années, peut-être qu'il aurait eu la chance d'avoir un léger avancement même s'il n'avait jamais un grand friand de hiérarchie. Il savait reconnaître l'incompétence de certains gradés subalternes quand il en voyait. Surtout ce sergent qui visiblement, à voir le teint empourpré qu'il prit à sa dernière réplique en le revoyant sur l'Intendant avec l'affaire de l'autre elfe un peu cinglée...Ce sous-officier avait eu la bride trop libre trop longtemps. Il avait trop l'habitude de mener la barque et voir qu'il perdait la main sur la situation ne lui convenait guère. Pas une seule seconde, l'Alayien détourna le regard, bravant celle fulminante du sergent.

Quand Lorën reprit la parole, ce fut pour renfoncer la dague dans la conversation chaotique que la tension des deux hommes se faisant face à face provoquait. Alauwyr fixa en coin le vampire qui se plut à rajouter de l'eau dans le feu, offrant là une magnifique opportunité au sergent de se remettre d'aplomb. Sa fureur lui permit même d'entretenir la crainte des deux témoins, qui ne purent qu’acquiescer dans son sens pour ne pas subir de retour néfaste. Comment blâmer deux jeunes filles apeurées sur le ton qu'il leur balançait à la figure ? Et une fois qu'elles purent déguerpir, la situation se corsa plus encore pour Alauwyr.

L'Alayien se contenta de plisser les yeux, toujours pointés sur ce bougre de sergent. Ce dernier se croyait si malin qu'il pensait avoir gagné sur toute la ligne. A l'entendre sur ce ton de la victoire, le cachot attendait sans aucun doute le soldat jugé fautif de tous ces troubles. Et encore le cachot serait encore trop gentil. Il suffisait de voir quel plaisir il avait eu en torturant un peu l'Elfe.

Doucement, un rictus mauvais naquit aux lèvres de l'épéiste.

''Mes supérieurs auront en effet mon rapport. Peut-être qu'ils ne seront guère enchantés de mon état de faits, mais je crois qu'ils seront très heureux d'apprendre en plus ce que je n'énoncerai, puisqu'il faudra bien faire un rapport n'est ce pas sergent... heureux d'apprendre qu'en plus de l'affaire avec cette Elfe, vous laissez devant votre propre poste un trouble naître, alors qu'il n'y avait pas un seul garde en faction devant le dit-poste, qu'un vampire, même qu'il soit Intendant ou dans toutes autres fonctions civiles, n'ayant donc aucun rapport avec l'armée, demande des informations qui ne sont pas à divulguer aux civils. Quand je dis civils, cela inclue vampire, elfe ou humains. Depuis quand la curiosité d'un civil demande à la satisfaire ? ''

Il garda volontairement un silence pesant de quelques secondes.

''En plus à cela, on peut rajouter, pression à témoins. Vous n'êtes même pas fichu de les rassurer pour avoir un témoignage fiable. Que dire d'autres... oubli des rassemblements qui évoquaient des vampires renégats...Je continue sergent, ou alors cherchez-vous le bon moyen de me faire passer à tabac pour votre simple divertissement ? ''

Il jouait dangereusement, il en avait conscience. Le sergent aussi. Par contre, il n'omettait pas Lorën dans cette histoire et sur un ton à la limite de l'ironie, il le rajouta à la conversation.

''Et pour vous, Sieur Intendant, le spectacle est assez divertissant à vos oreilles et à vos yeux ? Cela vous comble ? Auriez-vous presque espéré que je tire mon arme pour voir deux êtres humains s'écharper pour terminer dans un bain de sang ? Avouez que cela aurait été des plus savoureux pour vous n'est ce pas ? ''

Etr ce sergent serait trop stupide pour comprendre que Lören se délectait pleinement du spectacle depuis tout à l'heure

Après que Lorën ait envoyé une petite pique taquine au soldat, celui-ci le toisa froidement, visiblement vexé et tenta de s'en tirer avec une réplique assassine mais peu crédible.

"Estime toi heureux que tu n'aies pas fini cloué au mur comme un vulgaire papillon. La foule aurait été ravie de te voir gesticuler et brailler".

Le vampire esquissa un sourire amusé, encore une fois cet humain arrogant cherchait à inverser les rôles. Il allait encore devoir lui rappeler l'amère réalité.

- Vraiment ? Es tu sûr que si j'avais dégainé mon épée, c'est vraiment moi qui aurait fini cloué au mur ? Puis il haussa les épaules avant d'ajouter d'une voix calme.
- Mais je n'avais aucune envie de me salir les mains à écraser un moucheron de ton espèce.
Ayant terminé sa phrase, Lorën ajouta d'un ton malicieux:

- De plus, je considère que les seules véritables victoires sont celles qu'on obtient sans devoir combattre.

Le vampire aurait pu continuer à discourir sur la puissance de l'esprit, sur le fait qu'il était possible de se sortir d'une situation délicate ou de gagner des combats sans devoir user de la force physique. Toutefois, il était peu probable que cet humain se montre réceptif à de tels propos, surtout étant donné le contexte belliqueux de leur discussion

Par ailleurs, il trouvait que cet homme avait trop souvent recours à la violence ou à l'agressivité pour obtenir ce qu'il voulait ou répliquer, comme si c'était son seul mode de fonctionnement ou de résolution des problèmes.

Sa deuxième réplique sembla également faire mouche et piquer au vif le soldat car le vampire n'ignorait pas que les vampires étaient favorisés par rapport aux humains en Théocratie.

Probablement que cet homme fier qui revendiquait une sorte "d'égalité" de traitement devait en souffrir ou en éprouver un vif désappointement. Lorën se demandait qu'est-ce qui pouvait animer cet individu pour qu'il veuille l'affronter à l'épée ou répliquer vertement à ses propos en dépit des risques ?

Même chose pour le tutoiement, en lui rendant la pareille, cet humain espérait-il gommer l'inégalité "naturelle" qui existait entre eux ?

L'animosité entre le soldat et le sous-officier était palpable et en observant le visage purpurin de ce dernier, le vampire se demanda à quel moment cela allait exploser.
Il décida d'en remettre une couche en jetant un pavé dans la mare et constata l'effet produit d'un air amusé.

Conscient de son petit jeu, le soldat lui lança un regard en coin et continua à fixer le sergent, occupé à l'admonester.

Tout d'un coup, un sourire mauvais naquit sur les lèvres de l'épéiste qui n'hésita pas à balancer une réplique cinglante à la face du sous-officier.

Et sans lui laisser le temps de riposter, le soldat continua à tenir des propos emplis de menaces et d'intimidation à peine voilées.
Le sergent blêmit et continua à fixer le soldat qui jouait un jeu dangereux.

Lorën observait la confrontation entre les deux hommes et la situation s'envenimait dangereusement. Cet impétueux soldat agissait imprudemment comme avec lui tout à l'heure. A croire qu'il était vraiment suicidaire ou aimait prendre des risques inconsidérés ce bougre. Celui-ci n'avait décidément pas froid aux yeux.

Soudain, l'arrogant humain se tourna vers le vampire et le pris à parti sur un ton ironique en lui demandant si le spectacle le divertissait.

En effet, le soldat semblait avoir remarqué avec quel plaisir le vampire observait la confrontation entre ses deux humains, espérant les voir en venir aux mains:

Un peu vexé de se voir ainsi percé à jour, Lorën esquissa une moue boudeuse et allait répliquer. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de le faire, la porte du poste s'ouvrit et quatre solides gaillards bruns vêtus d'armures et armés d'épées entrèrent dans le poste de garde. L'un d'entre eux, un colosse d'environ deux mètres, possédait un visage balafré et des yeux noirs et vifs.

- Voilà chef, on vient de finir notre patrouille ! La ville était plutôt calme aujourd'hui, rien de spécial à signaler hormis les infractions habituelles.

Suite au retour de ses hommes, le sergent sembla retrouver un peu de sa superbe et une lueur de joie mauvaise s'alluma dans ses petits yeux cruels.

- Parfait ! C'est du bon boulot !

Lorën fixait les hommes du sergent d'un œil à la fois curieux et méprisant: une belle brochette de racailles, pensa t'il en observant leurs mines patibulaires. Ils paraissaient au moins aussi douteux que leur chef et devaient exceller dans l'art des confrontations "musclées" à en juger par leurs "gueules cassées", marquées par les stigmates de nombreux combat.

A l'intérieur, les quatre soldats se massèrent devant la porte d'entrée du poste en barrant l'entrée ainsi que la sortie.

Voyant que la situation tournait de nouveau à son avantage, le sergent esquissa un sourire mauvais en regardant le soldat avec un regard injecté de sang :

- Alors comme ça, on joue au plus malin ! On veut défier un sous-officier mais là tu as été trop loin. Si je suis capable de torturer une elfe juste pour mon plaisir alors imagine ce que je fais à ceux qui m'énervent comme toi ! De plus, ne crois pas t'en tirer en me menaçant d'un rapport car au point où j'en suis, un fait de plus ou de moins ne changera pas grand chose.

Ensuite un rictus haineux se forma sur son visage:
- Tu ne quitteras pas ce poste avant d'avoir fait un tour dans mon sous-sol.

Les hommes du sergent se lancèrent des regards entendus et éclatèrent d'un rire gras.

Soudain, le regard du sous-officier se posa sur le vampire et il lui dit d'un ton poli mais très cassant:

- Messire, vous n'avez plus rien à faire ici, vous êtes en règle donc je n'ai plus besoin de vous garder ici. Cette affaire ne vous concerne pas.


- Quel dommage ! J'ai toujours rêvé de me faire torturer dans un sous-sol, répliqua Lorën d'un ton ironique.

Toutefois, le sergent ne parut pas apprécier son humour et le toisa froidement avant de faire un signe de tête à son colosse.

- Reconduis ce messire dehors. Puis il ajouta à l'intention du vampire.
- Je ne veux plus vous voir rôder autour de ce poste de garde, ni poser de questions indiscrètes à propos de choses qui ne vous regardent pas !

Lorën était sur le point de protester mais provoquer un esclandre au milieu de ce poste de garde, entouré d'autant de soldats armés, risquait de se révéler périlleux. Même un vampire ne faisait pas le poids face au nombre.

A regret, il se dirigea vers la sortie, accompagné par le grand gaillard brun qui lui ouvrit la porte avant de la refermer à double-tour après son passage.

Alauwyr garda son avis quand à la question de l'attribution d'une victoire avec ou sans combat. C'était là un débat aussi vieux que les armes existaient et la réponse ne s'accordait pas toujours. Sauf pour les intellectuels. Alauwyr n'était pas un lettré et il n'avait aucune envie de dire le fond de ses pensées quand à l'argument de Lorën. Moins encore quand il semblait avoir réussi à percer à jour le jeu du vampire. Mais comment être sûr, quand on a affaire à un passionnée du jeu de verbes et de langues ? Lorën contrôlait ses mots et ses faciès. Un vrai comédien ! Et à l'instant où celui-ci s'apprêtait à répliquer, la porte s'ouvrit pour déverser son flot de racailles.

Quatre soldats dont un qui était presque un colosse pénétrèrent dans la salle de l'avant-poste. A les entendre, ils revenaient donc de patrouilles. Une veine que sut saisir au vol le sergent, qu se montra rapidement très courageux. Avec quatre soudards comme ces gars là, qui le suivaient dans ses principes un peu alambiqués, comment ne pas se sentir plus fort. Chose certaine était que son courage fut rapidement débordant d'assurance, car il avoua qu'il n'était pas à un rapport prêt. Une erreur bénigne mais qui ne tomberait pas dans l'oreille d'un sourd. Face à la menace montante dans les mots du sergent et au rire malsain de ses gros collaborateurs, Alauwyr se contenta de rester stoïque, gardant un regard glacial rivé sur le sergent. Lorën entrait presque en seconde zone pour lui et il songea sur l'instant que la sangsue devait bien rire de sa posture désormais précaire.

Par contre le sergent ne l'oublia pas, encore moins quand Lorën lâcha une petite note d'humour, ragaillardi par la présence de ses hommes, il parut oublier qui était Lorën. Autre nouvelle petite erreur que nota l'Alayien. Plus encore quand le sous-officier usa d'un ton plus menaçant que d'accoutumé. Et après c'était à lui qu'on reprochait de manquer de respect envers les supérieurs. Il aurait pu en rire !

Quand Lorën sortit, la porte fut verrouillée à double-tour. Quelle précaution....Alauwyr se redressa, abandonnant le confort plat du mur. Bien qu'il n'était pas proche des deux mètres, lui aussi avait une bonne taille. Comme il s'était presque avachi contre le mur, la taille aux premiers regards avait été faussé. Un des quatre gaillards haussa un sourcil un peu circonspect, plus encore en voyant le calme de l'Alayien. Le sergent lui exultait dans sa joie morbide. Alauwyr ne put s'empêcher de lâcher avec ironie.

''Torturer une Elfe, c'est comme torturer une femme. Vous parlez d'une difficulté extrême....''

Le sergent manqua d'étouffer de rage face à cette nouvelle remontrance. Un de ses gars ricana à la drôlerie et se tut en croisant le regard de son supérieur.

''Amenez le moi en bas ! Il va vite déjanter quand je commencerai avec lui !

Ce fut le colosse qui se dirigea vers Alauwyr. L'Alayien décroisa ses bras et lui jeta un regard à la limite du mépris. Le colosse du sergent le dépassait à peine de quelques centimètres. Et encore.

''Evite de me toucher...''

Le colosse n'en tient pas compte et poussa sans douceur l'Alayien en direction des escaliers qui menaient au sous-sol. L'Alayien roula violemment son épaule pour chasser la prise, qui étonnamment se retira. Sans attendre, il regarda à nouveau le sergent. Il n'avait plus son sourire mais avait toujours ce sérieux froid à son visage couturé.

''Vous n'êtes donc plus à un dossier prêt vous dites, sergent... mais vous omettez un détail. Est-ce que je me trompe où vous venez de mettre carrément et sans ménagement un vampire à la porte, en lui donnant des ordres... un humain donner des ordres et vous me reprochez un comportement outrageux ? ''

Il ne laissa pas le temps au sergent de répliquer, pour casser son raisonnement.

''Vous qui avez dit mot pour mot que les vampires sont la race favorité de Vraorg le Blanc... et de surcroît un grand Intendant de l'Armée Vampirique. Si je me rappelle bien car pardonnez, cela m'est revenu que maintenant à l'esprit... la fonction prime sur le grade non ? Il a beau être un civil, même vampire, il doit connaître quelques vampires hauts-placés...''

Deux de ses sbires se regardèrent un peu perdu. Ils rentraient à peine de patrouille et visiblement, ils comprenaient que leur sergent était tombé sur un os. Et pas n'importe lequel. Le sergent fulminait mais il n'avait pas dit son dernier mot....

Alauwyr ne broncha pas. Il avait été trop loin et tenter de s'échapper ne ferait que rajouter du poids dangereux à sa situation. Le colosse le saisit à nouveau à l'épaule et le contraignit à descendre dans le sous-sol. Le sergent parut retrouver un peu de sa superbe en voyant l'Alayien ne pas se défendre plus. Par contre, les dernières paroles d'Alauwyr le travaillaient. Et si le vampire avait entendu en restant non loin de la porte ? Un haut placé qu'avait dit l'Alayien... une sueur froide coula un peu entre ses omoplates.

Une fois dans le bas de l'avant-poste, l'odeur de moisi, de sueur et de sang rance monta aux narines. Alauwyr fut poussé dans le couloir et reconnut sans mal la salle où l'elfe avait commencé à être torturé. Il lorgna vivement les lieux et ne remarqua pas de tâches de sang fraîches. Le sergent ne faisait pas dans la dentelle pourtant... Il retira violemment la main du colosse qui l'avait si gentiment escorté en ces lieux et toisa le sergent.

''Où est cette elfe ? Vous l'avez libérée ? ''

Il s'en fichait royalement, mais il avait besoin de toutes ses cartes pour échapper au sort qui le guettait. Là aussi il ne laissa pas le temps au sergent qui ne s'était pas attendu à pareille constatation.

''Vous aimez cumulé les ennuis Sergent... Un vampire que vous virez comme un malpropre, tout ce que j'ai énoncé tout à l'heure... et maintenant une probable Protégée que vous laissez partir sans raison ? Ne sortez pas l'excuse qu'elle a réussi à se sauver, vous n'êtes pas si en alerte que cela et de plus.... Vous savez très bien ce qui se passera dès qu'on apprendra que vous avez collaboré à sa fuite. Coopérer avec des Protégés...''

Le sous-officier était figé dans sa stupeur et son début de panique. Il lança une oeillade à son colosse de soldat et ne trouva pas la réponse muette qui pourrait l'aider. Son comparse ne paraissait pas quoi faire pour soutenir son supérieur. Puis il craqua.

''C'est bon ! vous avez gagné ! Assez j'ai compris ! Je lave tout ce que je retenais sur votre compte ! ''

Silence étrange avant qu'il ne fasse un sourire, tout en regardant son colosse.

''Par contre insubordination, ca se paie...''

Il n'eut qu'à faire un geste et son soldat sourit, frottant déjà le poing. Alauwyr sourcilla et grimaça. Pas si bête que cela le sergent finalement....


L'impact sur le sol ne fut guère doux. Au moins, cela eut le mérite de le tirer un peu plus de la nébulosité de souffrance qui envahissait son esprit. Derrière, il entendit les railleries du sergent et de son sbire, visiblement ravi d'avoir eu un petit amusement sur son dos. Grognant, Alauwyr se redressa péniblement. Il se frotta la mâchoire. Les bougres n'y avaient pas été de main morte, mais en même temps, il l'avait bien cherché. Une fois qu'il fut debout, il cracha un peu de sang à terre et essuya sa bouche du revers de la main. Doucement, il tâta ses flancs. Au moins, n'avait-il pas de côtes cassées au premiers abords... Dans quelques heures, il sera couvert d'ecchymoses et il devra trouver une explication à ses chefs. Une bonne rixe serait une bonne excuse. Il sera quitte pour des corvées.

Brièvement, il repéra les lieux et se repéra. Il était non loin de l'avant-poste. Au moins n'avait-il pas de témoin pour juger de ce qui s'était tramé. Il fit quelques pas et se retint à un mur, le temps de respirer un bon coup. Par Néant, ils savaient frapper ces gaillards là.

La porte se referma derrière Lorën avec un claquement sec et quelques secondes plus tard, il entendit le cliquetis d'une clé tournant dans la serrure. Que de précautions pour ne pas être dérangé, pensa le vampire, décidément ce sergent n'avait pas perdu de temps pour le flanquer dehors afin de pouvoir s'occuper de ce soldat.

Un sourire amusé s'afficha sur le visage de Lorën à l'idée que le "malheureux" risquait de bien "s'amuser" là dedans. Il repensa aux trois gaillards en armure et au colosse dont l'expression dure et la musculature imposante laissaient augurer une brutalité dévastatrice.

Le vampire haussa les épaules; enfin soit, cet humain l'avait mérité. Quelle idée saugrenue que de défier ce sergent; il devait bien se douter que ce sous-officier n'allait pas en rester là et le laisser partir "gentiment" sans faire d'histoires.

Dès l'instant où ses hommes avaient fait leur apparition dans le poste de garde, une lueur de triomphe s'était allumé dans les yeux cruels de ce dernier. Et à en croire par les légères effluves de sang en provenance du sous-sol, cet humain devait prendre un malin plaisir à torturer les infortunés "suspects" qui tombaient entre ses mains.

"Tu ne quitteras pas ce poste de garde avant d'avoir fait un petit tour dans mon sous-sol" avait-il dis en s'adressant au soldat.

Et bien ça promet, cet Alauwyr Iskuvar va passer un très agréable moment ! pensa le vampire en pouffant de rire, mais un peu de torture ne pouvait lui faire que le plus grand bien et l'aider à se remettre les idées en place. Au moins la prochaine fois, il y réfléchirait à deux fois avant d'oser faire preuve d'une telle arrogance. Néanmoins, Lorën regrettait que ce sergent l'ait mis à la porte sans lui permettre d'assister à ce merveilleux spectacle.

La séance de torture de ce soldat devait probablement valoir le coup d'œil, mais tant pis ça serait pour une prochaine fois. Un peu déçu par la tournure des événements, le vampire allait s'éloigner et vaquer à ses occupations. Soudain, il aperçut du coin de l'œil, la forme d'une silhouette encapuchonnée, dissimulée dans l'ombre de la porte cochère d'une demeure et qui paraissait l'épier de loin.

La nuit venait de tomber et la rue était à présent déserte, hormis quelques ivrognes trop saouls pour s'apercevoir de quoique ce soit. L'obscurité les enveloppait d'un voile noir et opaque rendant la vision difficile.

Lorën fronça les sourcils et regarda dans sa direction tentant de discerner les traits de l'inconnu qui l'observait à la dérobée. Brusquement, celui-ci fit un signe discret de la main, invitant le vampire à le rejoindre. Un peu étonné mais intrigué, il s'exécuta et traversa la rue en direction du mystérieux personnage afin de savoir ce que celui-ci lui voulait.

Le visage de ce dernier était presque entièrement masqué par la capuche de sa longue cape de bure brune. Lorsque Lorën se fut approché de lui, l'étrange inconnu se mit à chuchoter si bas que seul un vampire très proche pouvait entendre ses propos.

- Messire, j'ai crû comprendre que vous étiez très intéressé par une certaine elfe. Du moins, si j'en juge par les questions que vous avez posé à ce soldat juste devant ce poste de garde tout à l'heure, dit l'inconnu d'une voix douce et insinuante.

Lorën le dévisagea d'un air soupçonneux; qui était cet homme et pourquoi lui parlait-il de cette elfe ? Aucun cœur ne battait dans la poitrine de ce dernier, ce qui signifiait que c'était un vampire...

- Qui est tu ? Et pourquoi me parle tu de cette elfe ? Tu la connais ? chuchota Lorën d'un ton méfiant et sec.

- Messire, mon surnom est "la fouine" et connaître mon véritable nom ne vous servirait à rien, répondit le vampire encapuchonné en esquissant un léger sourire, dévoilant des canines acérées. Si je vous parle de cette elfe c'est parce que je possède quelques informations à son sujet susceptibles de vous intéresser, à condition d'y mettre le prix bien entendu.

- Je vois, répondit Lorën d'un ton amusé, tout en prenant soin de continuer à parler très bas, tu es une sorte d'espion.

- Disons que si certains font commerce de leurs charmes, d'autres de marchandises, moi je vends des informations à ceux prêts à me payer. Mais continuons cette conversation ailleurs car c'est risqué de discuter de ce sujet dans ce lieu. Disant cela, la "fouine" balaya l'endroit du regard, heureusement il n'y avait plus personne dans cette rue et l'obscurité dissimulerait leurs traits à d'éventuels badauds trop curieux.

- Suivez moi, poursuivit la fouine, en invitant Lorën à le suivre avant de s'élancer d'un pas agile dans une petite ruelle qui menait aux bas quartiers de Caladon.

Le vampire hésita un instant avant de suivre cet inconnu; après tout, c'était peut-être risqué de se fier à ce soi disant "espion". Toutefois, Lorën avait l'habitude de se rendre dans des endroits peu fréquentables et d'y rencontrer des gens "douteux", surtout quand il était à la recherche d'une bonne affaire. Cette fois-ci, il ne s'agissait nullement d'un bon plan mais sa curiosité était la plus forte. De plus, le vampire détestait perdre et quand il désirait quelque chose, il s'arrangeait toujours pour l'obtenir en utilisant n'importe quel moyen. Peu lui importait qu'il s'agisse d'un procédé loyal ou déloyal.

Ce soldat avait refusé de répondre à ses questions et le sergent s'était débarrassé de lui sans satisfaire sa curiosité. A cause de cela, Lorën éprouvait un vif sentiment de désappointement et n'avait pas l'intention d'en rester là.

Les deux vampires rasaient discrètement les murs, évitant de se faire voir par quiconque, ce qui n'était pas bien difficile pour ces deux prédateurs. La fouine semblait prendre bien des précautions afin d'éviter d'être vu ou suivi par quiconque. Bientôt, ils arrivèrent devant la porte d'une petite maison aux murs de pierre noirâtre et après s'être assuré qu'aucun témoin ne se trouvait à proximité, la fouine ouvrit la porte et invita Lorën à entrer. Ensuite, il entra à son tour et ferma à double tour.

L'intérieur de la demeure était très simple et comportait un mobilier rudimentaire composé d'une table et de quatre chaises en bois. Après avoir fermé les volets des fenêtres, la fouine alluma quelques bougies qui diffusèrent une lumière tenue sur les murs lépreux.

Lorën s'adossa contre un des murs, les bras croisés contre la poitrine, attendant que la fouine daigne lui en dire un peu plus à propos de ce qu'il savait sur cette elfe.

Celui-ci se tourna vers l'intendant et ses lèvres esquissèrent un grand sourire:

- A présent que nous sommes loin des oreilles indiscrètes, je vais pouvoir tout vous dire mais d'abord négocions un prix.

- Pas si vite, qui me dis que tu ne vas pas m'inventer un boniment ou que cette elfe est si "intéressante" que ça finalement ? Et d'abord qu'est-ce qui me prouve que tu es bel et bien un espion capable d'avoir ce genre d'information ? demanda le vampire d'un ton méfiant en fronçant les sourcils.

Loin de se lancer démonter par cet argument, la fouine demeura impassible et dit d'une voix calme:

- Je comprends votre méfiance messire, mais si vous doutez de moi, posez moi quelques questions et voyez si mes réponses vous conviennent. Si tel est le cas, nous négocierons un prix pour de plus amples informations, sinon vous êtes libre de vous en aller sans rien me devoir.

Lorën réfléchissait; cette proposition semblait séduisante et il pourrait peut-être sous-tirer quelques informations à ce "la fouine" par ce biais. Du reste, il n'était pas venu jusqu'ici pour repartir bredouille.

- Bien, tu prétends avoir des informations sur cette elfe mais par moyen les aurait tu obtenu ?

- Je me trouvais dans une taverne, deux autres hommes s'y trouvaient, cuvant leur vin. Il m'arrive souvent de me rendre dans ce genre d'endroit sous divers déguisements afin d'écouter les conversations des gens et glaner des informations "intéressantes" ou "compromettantes" sur l'un ou l'autre individu ou d'y dégoter un bon plan. Même chose, pour les ruelles des quartiers mal famés ou les marchés, ce sont des mines d'or d'informations pour celui qui possède de bonnes oreilles. Bref, je me trouvais dans une taverne quand cette elfe est entrée, suivie d'un soldat et ils ont commencé à discuter. J'ai fait semblant d'être un simple voyageur fatigué cuvant son vin et ils n'ont pas remarqué que je les espionnais.

- Je vois, répondit le vampire d'un ton cynique mais cela ne me suffit pas comme garantie. Que s'est-il passé ensuite ?

- Le soldat a obligé l'elfe à le suivre jusqu'à ce poste de garde car certains points de leur conversation lui semblait "suspects". Puis la fouine ajouta avec un grand sourire et un ton racoleur:

- En vérité, leur discussion était très intéressante, c'est ce qui m'a décidé à les suivre très discrètement de loin jusqu'au poste de garde. Une fois là bas, j'ai pu facilement me fondre dans la foule et j'ai attendu qu'ils ressortent. J'espérais pouvoir m'entretenir seul à seul avec cette femme elfe pour en savoir plus sur sa mystérieuse "activité" et voir si elle pouvait mettre utile.

Hélas quand le soldat est sorti seul, j'ai crû que j'allais repartir bredouille, mais quand vous avez commencé à poser toutes ses questions j'ai...

- Tu t'es dis que tu avez trouvé un "pigeon" à qui "revendre" les informations glanées dans la taverne c'est ça ? coupa Lorën d'un ton narquois.

La fouine eut un petit rire amusé avant de poursuivre:

- Disons que j'ai observé votre altercation avec ce soldat et je me suis ensuite caché en attendant que vous ressortiez du poste de garde. De plus, Je vous avez reconnu messire, votre nom est Lorën Arcaë et vous occupez la fonction de grand intendant de l'armée vampirique.

- Mouais...en même temps, c'est "facile" de savoir cela, je suis un personnage public, même un débutant aurait pu me dire la même chose, répondit Lorën du tac au tac. Quoi d'autre ?

- Vous avez la réputation d'être une véritable canaille, un filou prêt à tout pour obtenir ce qu'il désire et qui n'hésite pas à engager des hommes de mains ou à payer des espions pour surveiller ses rivaux, notamment la Triade. Mais, il parait que vous savez grassement récompenser ceux qui vous servent loyalement. Dois-je poursuivre où vous en avez assez entendu ?


L'intendant continua à fixer l'espion au visage masqué par sa large capuche, de son regard mordoré et suspicieux avant de poursuivre d'une voix douce et suave:

- Pas encore, il me reste encore une question, si tu peux y répondre alors je t'achèterai les informations au sujet de l'elfe à un bon prix.

La fouine poussa un soupir avant de répondre:

- Messire Arcaë, franchement vous êtes dur à convaincre...Mais j'accepte néanmoins, posez votre dernière question.

- Que peux-tu me dire à propos de ce soldat ?

- Il n'aime guère les elfes ni les vampires, répondit l'espion.

- Merci mais ça j'avais remarqué qu'il n'aime pas les vampires ! Nul besoin de payer quelqu'un pour savoir ça, répliqua Lorën en affichant une moue boudeuse.

La fouine éclata de rire avant d'ajouter:

- C'est vrai qu'il vous a menacé avec son épée mais quoi de plus normal pour un Alayien.

- Comment le sais tu ? demanda Lorën d'un ton soupçonneux. Il a refusé de me dévoiler son origine ainsi qu'au sergent.

L'espion haussa les épaules:

- Il a dit à l'elfe, un truc du style "Alauwyr Iskuvar, Alayien. Cela t'expliquera assez la raison de mon mépris envers ti maintenant" si ma mémoire est bonne. Voilà convaincu messire ?


Lorën bouillonnait de rage, à présent, il comprenait mieux la raison pour laquelle cet humain avait tenté de dissimuler son origine Alayiene. Probablement par lâcheté face à un vampire...
C'est sans doute aussi pour cela qu'il s'était montré si arrogant envers lui et avait refusé d'admettre la supériorité de la race vampirique.

- Maudit Alayien ! J'espère qu'il s'est pris une sacrée bastonnade dans le sous-sol de ce poste de garde. Et encore, c'est un châtiment trop doux pour quelqu'un de son engeance, fulmina t'il.

Ensuite, le vampire sortit un sac de pièces d'or de sa poche et le lança à la fouine:

- Je suis satisfait, maintenant dis moi tout ce que tu sais à propos de la femme elfe, dit-il.

L'espion s'empara du sac de pièces d'or et le rangea rapidement dans une des poches de sa longue cape.

- Cette elfe s'appelle Harthea et d'après ses dires, elle est une mercenaire qui ne sert aucun camp. Elle prétend également être à la recherche de personnes qui lui sont chères et se préparait à retourner à Gloria pour les retrouver avant de rencontrer ce soldat.

Après cela, la fouine s'interrompit attendant la réaction de l'intendant qui demeura un instant silencieux, plongé dans ses pensées.

- Une mercenaire ne servant aucun camp...si c'est la vérité, c'est en effet intéressant.

A ce stade, le vampire ignorait à quoi pourrait lui servir une telle information mais son instinct lui disait qu'elle serait peut-être utile à l'avenir.

Ensuite, Lorën se tourna vers l'espion et poursuivit:

- Cette elfe ne se trouvait plus dans le poste de garde quand j'y suis entré. Je ne percevais pas les battements de son cœur et ce sergent aussi sadique soit il n'est pas stupide au point de l'avoir tuée. Peut-être a t'elle pu s'enfuir ?


- Il existe une autre sortie, une petite porte dérobée à l'arrière de ce poste de garde. L'elfe a pu se sauver par cette issue. Mais comme vous, j'ignore où elle se trouve à présent. Néanmoins, je peux me renseigner et vous informer si j'ai du nouveau.

Lorën esquissa un sourire satisfait et dit d'une voix mielleuse.

- La fouine, je voudrais te faire une proposition. Que dirais-tu de travailler pour moi et de devenir mes yeux et mes oreilles à Caladon ? Si tu me sers loyalement je saurai te récompenser comme il se doit.

- C'est entendu messire, il semblerait que j'ai tout à y gagner, répondit l'espion en souriant. Si j'apprends quoique ce soit susceptible de vous intéresser, je vous en informerai rapidement.

Disant cela, l'espion conduisit l'intendant jusqu'à une petite porte dérobée à l'arrière de la demeure, il l'entrouvrit pour jeter un regard à l'extérieur pour s'assurer que la petite ruelle était déserte; ensuite le vampire s'écarta pour laisser sortir Lorën.

Celui-ci disparu dans l'obscurité de cette froide nuit, heureux d'être malgré tout parvenu à ses fins.