Janvier de l'an cinq d'obsidienne

Lorën se tenait debout à l'extérieur, un peu à l'écart du campement de fortune qui composait l'avant-poste des protégés, à proximité de la frontière avec la Théocratie. Dans le firmament d'un noir de jais, la pleine lune opalescente éclairait les paysages désolés des plaines de l'Est d'une lumière sépulcrale.

Le vampire leva ses yeux mordorés vers le ciel constellé d'étoiles et songea que maintenant il n'avait guère le choix; c'était une zone de non-retour, un acte irréversible. A présent, ce dernier n'était plus le grand intendant de l'armée vampirique mais un traître en fuite. Jamais plus, il ne pourrait revenir en arrière et retourner dans le territoire conquis par Vraorg, sans quoi il ne donnait pas cher de sa peau.

Cela faisait des années que celui-ci attendait l'occasion de retrouver sa liberté, de se libérer des chaînes de la servitude qui l'enchaînaient au prince des vampires. Pendant un temps incommensurable, il avait courbé l'échine, patientant dans l'espoir qu'un jour un événement lui permettrait de partir, de redevenir un vampire libre et le seul maître de son destin.

Il devait coûte que coûte gagner les terres protégées, là où les esprits avaient érigé une puissante barrière, le seul lieu où Lorenz Wintel ne pourrait pas l'atteindre.

Cependant, Lorën ne croyait pas davantage à la cause des esprits qu'à celle de Vraorg, à dire vrai il ne croyait en rien, n'adhérait à aucune cause ou idéologie. La seule chose qu'il désirait dans les tréfonds de son être, c'était mener une existence la plus agréable possible sans devoir prendre parti pour qui que ce soit. Mais il n'avait guère le choix et son projet de rejoindre le camp des esprits ne résultait que d'un désir égoïste de retrouver sa liberté.

S'il fallait de nouveau mentir, tricher et faire bonne figure auprès de ses nouveaux alliés, il y était résolu et prêt à faire ce "sacrifice". Après tout, cela faisait si longtemps qu'il portait un masque et cachait à quiconque son véritable visage que ce comportement était devenu une seconde nature chez le vampire.

Demain, il devait trouver un guide afin de l'aider à traverser ce redoutable désert et rejoindre le protectorat. Ce périple risquait de se révéler extrêmement dangereux mais il devait réussir ou alors périr en essayant.

A la pensée de la rage dans laquelle était probablement rentré Lorenz Wintel quand celui-ci avait découvert sa trahison, Lorën sentit son cœur se gonfler de joie et un sourire amusé s'afficha sur ses lèvres minces. Intérieurement, le vampire savourait sa petite vengeance, il n'avait jamais aimé le prince. Toutefois, il avait eu la présence d'esprit et l'intelligence de toujours dissimuler ses véritables sentiments et intentions. Au fond, cela ne rendait son acte de déloyauté que plus délectable; les meilleurs traîtres sont ceux en qui on a eu la bêtise de placer la plus grande confiance.

Le vampire allait s'éloigner pour retourner vers le campement quand brusquement, celui-ci sentit une présence non loin de lui. Une présence étrangement familière, masquée dans l'obscurité bleutée de cette froide nuit d'hiver...

Toujours à apporter des messages, et des missives. La routine en somme, mais personnellement il ne s'en plaignait guère, c'était bien mieux après tout que de rester au protectorat à sa ronger le sang en attendant de voir comment évoluait la situation. Situation guère glorieuse pour ce qu'il en était, mais on ne perdait pas espoir. Des réfugiés arrivaient chaque jour dans le protectorat, certes il y avait aussi des pertes à cause de la guerre, mais cela démontrait que la cause attirait du monde. Après il ne savait pas si le fait qu'il y ait du monde aussi nombreux soit-il suffirait à se débarrasser de Vraorg le blanc un jour, Lewyn lui-même se demandait comment un être d'une telle puissance pouvait être vaincu...

Mais bon il n'était pas du genre à baisser les bras, et à attendre la fin pour ce genre de raison, sinon il n'aurait pas tourné le dos au règne de Lorenz Wintel. La loi du plus fort était peut-être tentante pour beaucoup, mais pour sa part cela le dégoûtait plus qu'autre chose. Surtout au vu de comment évoluait les choses pour tout Armanda au vu de comment cette loi affectait le continent, ce n'était plus que des étendues de ruine, et de désolation. Si Armanda avait était un être vivant on aurait pu dire qu'elle était à l'agonie actuellement. Une agonie bien triste à voir…

Que ce soit de jour comme de nuit, pour sa part il avait passé la journée à faire ce qu'il devait naturellement faire en tant que messager, et il était revenu dans ce camp près de la frontière de nuit pour pouvoir se reposer un peu. Il y avait visiblement quelques réfugiés dans le camp, c'était toujours agréable après tout de voir de nouvelle tête, quand à savoir si elles survivront... Mieux valait ne pas y penser, mais pour sa part il présumait qu'il valait mieux mourir libre au protectorat que vivre comme un esclave en théocratie.

Au passage il en profita pour s'éloigner un peu du campement, après tout il avait une certaine envie d'avoir un peu de calme, et de tranquillité. Observer les étoiles, ou les environs ne serait sans doute pas désagréable. La lune, et le ciel étoilé par contre rajoutaient une certaine touche sinistre au terres alentours, comme si elles en avaient besoin… On pourrait presque se demander si à part le désert il reste ne serait-ce qu'un kilomètre de terre dans l'état qu'elles avaient il y a trois ans sur tout Armanda… A y penser cela le rendait mélancolique.

Mais avant qu'il ne s'attarde trop sur ce genre de chose c'est une vision assez intéressante qui s'ouvrit à lui lorsqu'il s'assit un peu à l'écart sur une pierre et observa les environs, il vit du coin de l’œil une forme familière. Curieux il insista, et n'en croyant pas ses yeux il ferma les yeux, et les rouvrit pour scruter à nouveau. Eh bien s'il avait cru ça possible, non c'était quelqu'un qui lui ressemblait ? C'était un congénère vampire d'après ce qu'il sentait, et entendait en se rapprochant calmement ensuite, et il n'avait pas de menotte. Pour le coup Lewyn était bien trop curieux pour s'empêcher d'aller voir si c'était son esprit qui lui jouait des tours, ou non. Il se cacha donc un peu dans les ombres en attendant de voir mieux… Et quand l'autre se retourna, et l'aperçut Lewyn ne se fit pas prier pour sortir de l'ombre. Oui il ne s'était pas trompé. C'était bien lui !

« Lorën Arcaë… Si je m'étais attendu à ça... » Dit calmement Lewyn avec un grand calme, il n'avait ni l'air content de voir l'autre, ni d'avoir l'envie de lui sauter dessus pour l'étrangler. Il jugeait juste la situation qu'il trouvait tout de même étrange, il croisa ensuite calmement les bras.

« Sans chaîne, sans menottes. Tout près d'un campement protégé... » Poursuivit-il calmement, de fil en aiguilles il arriva là où il voulait en venir.

« L'intendant, ou plutôt l'ancien intendant de Lorenz Wintel en personne, et qui ne semble pas avoir été fait prisonnier par la cause protégé... Pour peu je demanderai à ce qu'on me pince car je dois rêver, mais vu que les vampires ne dorment jamais. » Puis il fit un sourire qui pouvait être prit pour du cynisme.

« Je vous croyai dans les petites papiers de vôtre ancien prince pourtant, mais bon je présume que c'est une bonne surprise de vous voir-là. Par contre la folie du prince noir, ou de Vraorg doit avoir atteint un nouveau paroxysme je suppose pour que même certains de leurs meilleurs serviteurs les lâche… » Finit-il avant de reprendre un air très posé.

Lorën demeurait immobile, tous les sens aux aguets, scrutant l'ombre afin d'identifier cette présence étrangement familière qu'il sentait si proche de lui. Ami ou ennemi ? Il ne parvenait pas à se décider...la seule chose dont le vampire était certain, c'était qu'il connaissait l'étranger qui se tenait à quelques mètres de lui.

Il se concentra afin de mieux discerner les traits de l'inconnu mais ceux-ci demeuraient masqués par la pénombre de la nuit. Aucun cœur ne battait dans la poitrine de ce dernier. Un vampire, pensa t'il.

En temps normal, Lorën nourrissait une profonde méfiance à l'égard de ses congénères mais sa récente trahison envers Lorenz Wintel n'avait fait qu'accentuer ce penchant naturel de son tempérament. Qui que soit ce vampire, il devait demeurer sur ses gardes et faire preuve de la plus grande circonspection.

Peut-être s'agissait-il d'un réfugié qui cherchait à gagner le protectorat afin d'échapper au joug de Vraog le blanc ? Les questions se bousculaient dans l'esprit de Lorën; néanmoins, celui-ci tenta de garder son calme et d'analyser froidement la situation.

La silhouette se rapprochait de lui et grâce à la pâle lueur des rayons lunaires, Lorën parvint à discerner ses traits. Il aurait reconnu entre mille ce vampire aux traits juvéniles et à la chevelure aussi noire que l'ébène, formant un étonnant contraste avec la blancheur diaphane de sa peau. Ses grands yeux d'un bleu profond luisaient d'un étrange éclat et Lorën crût y lire de l'étonnement.

Celui qui se trouvait en face de lui se nommait Lewyn Villaric et la plupart des vampires l'avait surnommé "le sans-crocs" à cause de son désir de vivre en paix avec les humains. Durant son séjour dans les souterrains, Lorën avait toujours fait preuve d'une certaine réserve à l'égard de ce dernier car il savait que Lewyn nourrissait des idéaux similaires à ceux de Kylian Wallam, le renégat. Pour rien au monde, Lorën n'aurait couru le risque d'éveiller les soupçons de Lorenz Wintel concernant sa loyauté. Mieux valait donc demeurer à l'écart de Kylian Wallam et de ses "partisans".

Par la suite, Lewyn s'était opposé au prince et avait dû fuir afin de sauver sa vie. Depuis lors, Lorën ignorait le sort réservé à ce dernier et s'il avait pu échapper au courroux de Lorenz Wintel. Du reste, il s'en moquait éperdument, estimant que cela ne le concernait guère. Après tout, Lewyn n'avait récolté que ce qu'il méritait pour son outrecuidance ou sa stupidité. Toutefois, à la pensée qu'à présent, il se trouvait dans une situation similaire à celle de ce "renégat", Lorën sentit son cœur s'adoucir légèrement. Moi aussi, je suis un traître maintenant, nous sommes tous les deux pareils; cette idée lui semblait à la fois triste et risible.

A présent, Lewyn lui faisait face et prononça ces mots d'un ton calme: " Lorën Arcae...Si je m'étais attendu à ça...". Son visage arborait une expression neutre et aucune lueur de joie ou de haine n'éclairait son regard. D'un geste nonchalant, le jeune vampire croisa les bras sur sa poitrine semblant attendre que Lorën lui fournisse une explication concernant sa présence inattendue dans le campement des protégés.

Lorën garda prudemment le silence, jaugeant la situation et se composa un visage marmoréen ou nulle émotion ne transparaissait. Comment savoir quelles étaient les véritables intentions de Lewyn vis-à-vis de lui ? De plus, malgré toutes ses belles paroles sur la paix, la sincérité et autres balivernes, celui-ci n'hésiterait peut-être pas à lui faire payer sa loyauté passée envers le prince des vampires.

Un vent sec et glacé se mit à souffler ébouriffant les longues mèches sombres de sa chevelure et d'épais nuages s'amoncelèrent dans le ciel voilant la lumière de l'astre lunaire. L'atmosphère parut soudain anormalement lugubre et hostile à Lorën.

"Sans chaîne, sans menottes. Tout près d'un campement protégé..." poursuivit Lewyn avec le même calme que précédemment. Lorën continua à scruter ses traits afin d'évaluer son ressenti mais le visage de son interlocuteur demeurait impassible et indéchiffrable.

"L'intendant, ou plutôt l'ancien intendant de Lorenz Wintel en personne, et qui ne semble pas avoir été fait prisonnier par la cause protégé...Pour peu, je demanderai à ce qu'on me pince car je dois rêver, mais vu que les vampires ne dorment jamais."

Disant cela Lewyn afficha un sourire dans lequel Lorën crût lire un peu de cynisme, mais cela ne le dérangea pas outre mesure.

"Je vous croyai dans les petits papiers de votre ancien prince pourtant, mais bon je présume que c'est une bonne surprise de vous voir-là. Par contre la folie du prince noir, ou de Vraorg doit avoir atteint un nouveau paroxysme je suppose pour que même certains de leurs meilleurs serviteurs les lâche"

Quand Lewyn eut achevé sa phrase, Loren continua à le fixer avec attention avant d'hausser les épaules et de répondre d'un ton calme et assuré.

- "Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis". "J'ai mes raisons pour avoir choisi d'abandonner la théocratie et de rejoindre le camp des réfugiés". Puis disant cela, le vampire afficha son habituel sourire en coin et poursuivit d'une voix suave "mais je ne te les dirai pas car ce sont mes affaires. Néanmoins, je suis aussi étonné de te recroiser dans ce lieu même si au fond ce n'est guère surprenant. Après tout si tu n'avais pas fui ici, le prince noir t'aurais certainement fait la peau non ?"

Les yeux en amandes de Lorën s'étrécirent jusqu'à ressembler à deux fentes et il continua d'un ton malicieux. "Tu sembles avoir tiré ton épingle du jeu et être totalement dévoué à ton nouveau camp. Est-ce que je me trompe ?"

Toujours ce faciès louche, et ces petits yeux en coin… Décidément Lorën inspirait toujours autant confiance à Lewyn qu'un bol de sang vert. Enfin après c'était peut-être parce qu'il le connaissait assez pour savoir qu'il ne fallait pas s'y fier comme à la plupart des serviteurs du prince noir, enfin plutôt ancien serviteur dans ce cas-là, mais le truc étrange c'est qu'il sentait une odeur d'humaine sur Lorën. Il se demandait si c'était celle de son dernier repas, mais il conclut que non car elle était bien présente pour celle d'un repas même très récent. Sérieusement c'était très étrange…

Néanmoins ce qui l'étonnait c'était qu'un être tel que Lorën finisse par rejoindre la cause, c'était tout de même propre à perplexité après tout. Il alla même jusqu’à se demander si ce n'était tout simplement pas Lorenz Wintel grand paranoïaque tyrannique qu'il est qui avait chassé l'intendant à coup de boule de feu. Le pire c'est que l'image était presque amusante à voir en tête, mais sérieusement il ne savait pas si Lorenz Wintel aurait vraiment eu une raison de faire cela à Lorën en particulier, après tout Kylian Wallam d'après ce qu'on savait résidait aussi en théocratie sans se faire incendier pourtant. Enfin dans tout les cas Vraorg, ou pas il restait que beaucoup de vampires avaient préférés la théocratie au protectorat.

Enfin après s'il avait été capturé par le protectorat cela ne l'aurait guère étonné de le voir ici, après tout Lorën aurait été une prise de choix, et il se doutait bien que l'autre n'était pas venue ici par idéalisme, il ne voyait pas vraiment ce vampire faire preuve d'idéalisme.. Il était certain que l'autre devait avoir une bonne raison pour être ici, ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace après tout.

Dans tout les cas si l'autre était un futur protégé il est clair que Lewyn n'allait pas lever la main sur lui, il savait que l'intendant n'était pas particulièrement guerrier, mais on ne touche pas autres protégés, et on ne les insulte pas d'ailleurs. C'était de belles règles habituellement, mais Lewyn se demandait si ce soir elles n'allaient pas être légèrement contraignantes pour lui…

Après Lorën n'avait jamais fait partie des vampires qui l'avaient traqués activement pour le tuer, mais son ancienne proximité avec Lorenz Wintel… Enfin les temps changent, actuellement Kylian Wallam se bat bien du côté de ce monstre de Vraorg, est-ce qu'il serait donc normal en comparaison de s'étonné que Lorën du jour au lendemain rejoigne la cause ? Pas vraiment, les temps changent… Et ils changent d'une façon vraiment surprenante.

Et la réponse de Lorën donnait à réfléchir. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ? Eh bien… Que devait-il en penser ? Il ne savait pas, après tout Lorën était bien le genre de vampire avec qui l'on sait rarement sur quel pied danser, comme avec la plupart des vampires d'ailleurs. Pour ne pas dire que la méfiance était souvent commune entre-eux. Mais bon après Lewyn se doutait qu'effectivement il avait ses raisons, après il ne s'était pas dit du jour au lendemain. Tiens ce serait sympa de changer de camp ! Dans tout les cas Lewyn continua d'écouter attentivement la voix suave de l'autre qui le fit un peu serrer les dents.

Ce ne sont pas ses affaires ? Peut-être, ou peut-être pas… Lewyn afficha un grand sourire amusé, et ironique aux paroles suivantes de Lorën.

« Je suis sûr qu'il aurait même adoré, quoique… Kylian Wallam est encore bien plus détesté de lui, et pourtant ils cohabitent au sein de la théocratie. De toute manière je m'en fiche je n'allais pas troquer un tyran comme le prince noir, pour un blanchâtre pervers, et sadique après tout. »

Puis Lorën poursuivit d'un ton plus malicieux alors que le sourire de Lewyn s'étrécissait légèrement, mais restait. Son épingle du jeu ? Totalement dévoué à son nouveau camp ? Effectivement .

« Oui je me sens très bien au protectorat, disons que devoir lécher matin, et soir les pompes de Vraorg ne me tentait guère. Après il semblerait que beaucoup des nôtres ne soient pas du même avis que moi. » Il se rapprocha calmement de Lorën pour ne se tenir qu'à un mètre, et demi de lui, et poursuivit plus sérieux.

« Et toi, n'as tu pas peur de ce que te fera Lorenz, ou Vraorg s'ils te mettent la mains dessus ? Je ne suis pas sûr que la défection d'un vampire de ta trempe leurs ait beaucoup plu. Maintenant tu n'as plus que le protectorat toi aussi, et je présume que même toi préfère la mort que d'être l'amusement cruel de cet immonde sadique de dragons blanc ? »

Et enfin il rajouta ensuite d'un ton neutre.

« Après je me demande si le protectorat sera à ton goût. On ne croule pas sous la richesse ici loin de là. » Et personnellement il s'en fichait… Mais à un point, car l'argent n'avait jamais eu beaucoup d'importance à ses yeux. Mais ce n'était pas l'avis de tout le monde.

Puis au passage il se permit cette petite remarque en reniflant légèrement.

« Tu sens très fort l'humain, l'humaine même. A croire que tu t'es collé à une humaine pendant plusieurs journées d'affilés. Je ne savais pas que tu étais du genre à aimer avoir une telle proximité avec une sang chaude... » Dit-il toujours de son léger ton ironique, cela l'amusait assez de le dire. Bien entendu il n'était pas vraiment sérieux dans ce qu'il disait, mais il fallait avouer que tout de même c'était curieux. Après il n'était pas particulièrement au fait des aventures privées de l'autre donc bon...

Pendant le long discours "ennuyeux" de Lewyn, Lorën demeura silencieux, écoutant attentivement ses propos afin de sonder l'état d'esprit de son interlocuteur. Décidément, ce dernier n'avait guère changé depuis l'époque où ils s'étaient côtoyés au sein de la société vampirique, juste avant que Lewyn ne soit contraint de fuir la vindicte du prince noir.

A croire que ce vampire renégat n'avait absolument tiré aucun enseignement du passé; il demeurait toujours aussi naïf ou stupide que dans le souvenir de Lorën.

Enfin soit, voilà qui arrangeait ses affaires, il pourrait utiliser cette situation et la retourner à son avantage. Après tout, Lorën se retrouvait à présent seul, livré à lui-même dans le camp des protégés, sur des terres inhospitalières et privé du moindre appui.

Et Lewyn quant à lui, possédait l'avantage de bien connaître le Protectorat car il y résidait depuis plusieurs années. Peut-être pourrait-il constitué un allié précieux afin de servir au mieux ses propres intérêts ? Lorën estimait que Lewyn pourrait peut-être lui être utile à l'avenir. De toute évidence, le vampire n'obtiendrait aucun bénéfice à s'en faire un ennemi, bien au contraire, mieux valait entretenir de bonnes relations avec ses nouveaux "alliés" afin de soigner son image et servir au mieux ses affaires.

Quand Lewyn eut achevé ses propos, Lorën afficha un visage calme et avenant mais qui n'était qu'un masque dissimulant ses véritables sentiments. Et il se mit à parler de sa voix douce, suave et charmeuse, capable en général d'amadouer ses interlocuteurs les plus rétifs ou tout du moins de diminuer leur méfiance.

- En vérité Lewyn, tout ce que tu viens de dire me touche énormément. Je suis vraiment époustouflé par ton extrême clairvoyance ! Avant tout le monde tu avais compris les véritables intentions de Lorenz Wintel et de Vraorg. Depuis le début, c'est toi qui avait raison et je viens seulement de m'en apercevoir...

Disant cela, Lorën scruta attentivement le visage de son interlocuteur afin de jauger de l'effet de ses paroles mielleuses sur ce dernier.

Puis il continua son discours de thuriféraire en y mettant toute l'emphase nécessaire:

- Tu as eu l'immense courage de t'opposer au prince noir et à ce damné dragon blanc alors que moi j'ai fait preuve de lâcheté...

Terminant sa phrase, Lorën afficha un sourire charmeur avant de poursuivre:

- Ah si je n'étais pas Lorën Arcae, je voudrais être Lewyn Vilaric !

La plupart du temps, de tels propos dithyrambiques permettaient de caresser son interlocuteur dans le sens du poil et de flatter son égo. Avec un peu de chance, Lewyn tomberait lui aussi dans le panneau et se prendrait "d'affection" pour son laudateur.

Lorsqu'il eut terminé son opération de "séduction", le vampire soupira et afficha un air faussement contrit avant de poursuivre:

- Hélas, comme tu l'as souligné, la majorité des nôtres restent fidèles à Lorenz Wintel...Il a su pervertir leur esprit, le mien également à une époque...

Lorën baissa la tête et afficha une expression de gravité empreinte de tristesse, puis il releva les yeux et son regard croisa celui de Lewyn.

- Mais ça c'était avant ! A présent j'ai évolué dans mes idées et je m'aperçois que l'existence ne vaut pas la peine d'être vécue si elle n'est pas au service d'une noble cause.

Le vampire s'exprimait en donnant à son discours un semblant d'authenticité malgré le fait que celui-ci tranchait avec son réel ressenti. Néanmoins, il était rompu à ce genre d'exercice, habitué à flatter et à mentir sans vergogne au point d'avoir développé une grande habilité dans ce domaine.

Mais au fond de lui-même, il se disait que c'était une vision complètement sotte et qu'il rangeait dans la même catégorie que d'autres croyances "naïves" telles que "le véritable amour dure toujours", "l'amitié vraie est indestructible" et "si on croit très fort à ses rêves ils se réalisent". Balivernes ! Seul un ingénu pouvait gober de telles idioties. Néanmoins, connaissant l'idéalisme de Lewyn, mieux valait entrer dans son jeu et lui faire croire qu'il partageait ses idéaux.

Par ce biais, le vampire espérait obtenir l'effet escompté et endormir les soupçons de Lewyn afin de l'utiliser à son avantage. Il ne savait pas encore de quelle façon celui-ci pourrait lui être utile mais mieux valait le garder sous la main si besoin.

Durant son discours, Lewyn avait parlé de Kylian Wallam, ce qui amusa profondément Lorën . Ignorait-il que le "renégat" servait à présent Vraorg ? Peut-être pourrait il abattre cette carte et l'utiliser pour l'amadouer.

- C'est vrai que Kylian Wallam était très détesté autrefois, mais récemment lui et Lorenz semblent être devenus très proches. D'ailleurs, ils servent tous les deux fidèlement Vraog, dit-il en soupirant. Au fond, c'est toi le seul véritable Renégat dans cette histoire.


- Au sujet de la vengeance de Lorenz Wintel et de Vraorg, sache que je ne les crains pas. Je préfère encore mourir que de continuer à courber l'échine face à cet immonde dragon et à ce tyran de prince ! poursuivit-il d'un ton lyrique empreint d'héroïsme afin de se donner l'air d'un "héros" prêt à s'opposer à l'oppression.

En vérité, Lorën n'avait aucune envie de risquer sa peau et désirait surtout se mettre à l'abri derrière la barrière le plus vite possible ! Intérieurement, il priait pour y parvenir avant que Lorenz Wintel ne s'aperçoive qu'il avait pris la poudre d'escampette.

Du reste, le vampire ne croyait absolument pas à la cause des esprits qu'il considérait aussi fourbes que Vraorg. La seule chose qui lui importait c'était sa sécurité et laisser ces stupides jeux de guerre aux imbéciles prêts à verser leur sang pour une cause désespérée.

Au moment où Lewyn aborda la question du manque de richesse du Protectorat, Loren se dit que cela ferait une très bonne excuse pour mieux l'embobiner. Nul n'ignorait son attachement pour l'argent et dans les terres des protégés, il lui serait bien plus difficile de faire fortune qu'en Théocratie. Toutefois, le vampire n'avait pas dis son dernier mot et savait qu'il parviendrait malgré tout à ses fins. Mais, il était suffisamment hypocrite pour dissimuler ses véritables intentions, de plus cela ferait une excuse parfaite pour faire croire à son changement.

- Tu sais Lewyn, j'ai fini par comprendre beaucoup de choses pendant que je servais Vraorg. La véritable richesse n'est pas celle que l'on...croit...c'est celle du cœur ! Je préfère être pauvre matériellement mais riche...de mes amis. J'ai abandonné une vie confortable en Théocratie pour connaître une existence de misère en Protectorat, n'est-ce pas la meilleure preuve de ma sincérité ?

Disant cela, Lorën avait vraiment du mal à garder son sérieux et du faire un gros effort pour ne pas éclater de rire tant sa phrase lui semblait creuse et risible.
Puis, il afficha un large sourire candide à Lewyn.

Concernant, la dernière réflexion de ce dernier, par contre, Lorën avait failli faire une attaque, malgré le fait que son cœur ne battait plus depuis belle lurette. L'odeur d'une humaine sur lui ? Cela ne pouvait être que celle d'Ariane Castel, cette jeune femme qui le suivait partout comme son ombre !

Le vampire n'avait guère envie que Lewyn mette le nez dans ses "affaires privées", même si au fond la présence d'Ariane à ses côtés ne constituait pas vraiment un secret. Rapidement, il réfléchit à un mensonge afin de dissimuler la vérité sur l'odeur de femme qui l'imprégnait et n'avait pas échappé à l'odorat aiguisé de son interlocuteur.

- Euh...au sujet de l'odeur d'humaine que tu sens sur moi, c'est...je..
Lorën baissa les yeux d'un air gêné et murmura d'une voix presque inaudible.

- J'aurais préféré te le cacher mais puisque tu l'as découvert...je vais tout te dire...

Une belle humaine inconnue s'est dandinée devant moi et j'ai craqué ! Je peux endurer la pauvreté dans le Protectorat mais la chasteté c'est au dessus de mes forces ! Je sais que beaucoup des nôtres critiquaient mon goût immodéré pour les femme mais ce sont des jaloux, envieux de mes succès ! s'écria t'il soudain en faisant de grands gestes.

Puis Lorën continua sur un ton à la fois candide et malicieux, en croisant ses bras sur sa poitrine.

- Je l'avoue, je suis un vampire "faible" surtout face à la chair. Tandis que toi tu es un être si pur et désintéressé qui n'éprouve aucun intérêt pour ces choses là.

Le vampire soupira et arbora un air contrit:

- Oui je le confesse, alors que sur Armanda la bataille fait rage, les épées s'entrechoquent, les lames transpercent les corps...Moi...je...enfin soit, changeons de sujet, je suis sûr que tu comprends ce dont je parle, n'est-ce pas ?

Grâce à ce subterfuge, le vampire espérait que Lewyn avait gobé cette excuse bidon et ne lui poserait pas davantage de question sur cette odeur d'humaine. Il décida donc de vite changer de sujet et d'aborder un autre point avec Lewyn.

- A présent, nous sommes tous les deux dans le même camp, ne serait-il pas souhaitable que nous nous entraidions ? Si nous sommes divisés entre protégés, la victoire de Vraorg est assurée et ce n'est pas ce que tu veux n'est-ce pas ?

Puis Lorën continua son discours lénifiant destiné à tromper son interlocuteur.

- J'ai vraiment changé, ma défection envers Lorenz Wintel en est la preuve la plus éclatante, si je ne croyais pas à la cause des protégés, jamais je n'aurais enduré de telles privations. Tu dois me croire, je le jure sur ta tête. Te mentirais-je ?

Terminant sa phrase Lorën afficha un sourire malicieux:

- Tu défends de nobles idéaux Lewyn mais refuserait tu d'aider l'un des tiens qui vient vers toi la main tendue en signe de paix ? Ou alors tes idéaux ne représentaient que de belles paroles vaines ?

C'est vrai que nous n'avons pas été très proches autrefois mais je ne t'ai jamais traqué ni causé aucun tort. De plus, je ne me suis jamais moqué de toi avec les autres vampires qui te traitait de "sans crocs".

Lorën avait à présent terminé son "beau" discours et attendait patiemment de voir la réaction de Lewyn.

Est-ce qu'il délirer où est-ce que Loren était en train de le féliciter, et de dire qu'il avait tout deviné avant quiconque ? A vrai dire il était impossible en entendant cela pour Lewyn de ne pas relever un sourcil perplexe, et de se demander où voulait en venir l'autre, car il sentait qu'il se tramait quelque chose… C'était la première fois après tout qu'un autre vampire lui parler ainsi en des termes si mielleux…

Mais bon si on en restait au Lewyn a raison, et Lorën avait tort à l'époque cela ne le dérangeait pas outre mesure, c'était même une très bonne chose selon-lui d'apprendre de ses erreurs, peut-être que l'autre ne suivra pas le prince noir la prochaine fois. Mais de la part de Lorën, il sentait que ce n'était guère aussi simple, ou désintéressé… Et surtout que bon un vampire qui avoue comme ça qu'il a tort. Quand même… Lewyn pouvait le faire, mais là plupart de ses congénères répugneraient à cette idée, bah il s'en fichait totalement au final de ce qu'ils pensent. Il se fichait bien de ce qu'on pensait de lui au final, après tout c'était ses choix.

Et il serra les dents, en se forçant à garder son air calme quand l'autre vînt lui dire qu'il voulait être comme lui. Sale hypocrite ! N'importe quel vampire ce serait fait avoir par le manège de Lorën, beaucoup d'humains aussi, mais Lewyn était aussi modeste, peu arrogant, et bien peu soucieux de ce qu'on pensait de lui qu'un vampire pouvait l'être. Le lèche botte était très efficace normalement avec un vampire, mais Lewyn détestait l'hypocrisie, le mensonge, les faux semblants, et surtout le lèchage de botte, mais à un point! Cela le mettait plus en rogne qu'autre chose. Et déjà il avalait les paroles de Lorën comme on avala un ourson sans lui enlever ses épines…

Par les esprits combien de personnes Lorën était arrivé à manipuler avec cela ? Probablement qu'il aurait pu y arriver avec Lewyn, s'il avait usé d'une autre technique que celle du lèche botte, car c'était celle ! Celle qu'il ne fallait surtout pas employé avec Viladric, et là ce dernier se retenait avec mal de ne pas filer un coup de poing dans la face de l'ancien intendant pour ce qu'il était en train de faire…

Et le pire c'est que maintenant que Lorën faisait du lèche botte, et l'hypocrite tout sonnait mensonge, et moqueries dans les propos de l'autre. Il le prenait sans doute pour un crétin fini là, et continuait d'enfoncer le clou. Ahhh doux esprits, voilà bien l'une des raisons pourquoi il n'aimait pas les serviteurs de Lorenz souvent, juste une bande de lèche botte…

C'était convainquant, ça ne sonnait pas faux. Oui il y aurait cru si on avait enlevé la partie lèche botte, qui même dit du ton le plus convainquant du monde ne pouvait que sonner hypocrite pour Lewyn… Après tout il n'aimait pas qu'on se comporte ainsi avec lui, loin de là... Et personne jusqu'a ce jour n'était venu lui tenir de tel propos, enfin les vampires et il y avait une raison derrière...

« Peut-être. » Répondit-il calmement à Lorën quand celui-ci dit qu'il était le seul renégat dans l'histoire, peut-être car de un il ne connaissait pas vraiment le fond de l'histoire, et de deux car il se voyait mal parlait ouvertement de ce sujet sensible avec l'autre là…

Ah il avait envie de partir sérieusement, de partir car tout cela le mettait en rogne, et qu'il sentait qu'il n'allait pas tarder le moment où il aller sauter à la gorge de l'autre pour lui dire ses quatre vérités en face. Ah qu'il détestait ce genre de jeu stupide, ah qu'il détestait l'hypocrisie surtout. De long en large, et en travers…

Il avait envie de vomir, de tels mots dans la bouche de Lorën, n'importe qui ce serait probablement fait avoir, mais maintenant qu'il avait deviné à cause de l'hypocrisie de l'autre son petit manège Lewyn était juste écœuré, tout semblait tellement faux dans les propos de l'autre… Intérieurement il enrageait...

Par contre son écœurement intérieur laissa place à une pointe de surprise quand Lorën lui confia avec une gêne qui était par contre tout à fait sincère, son goût pour les humains… Ma foi ! Pensa Lewyn, on a chacun ses goûts… Et puis il est vrai que Lorën avait ce genre de penchant… Jusqu'à s'assombrir à nouveau quand l'autre voulut lui remettre une couche de cirage… Et non il n'aurait jamais dit qu'il n'avait aucun intérêt pour ces choses là, même s'il ne prenait guère le temps d'en profiter, à vrai dire il avait tout son temps, et autre chose à faire…

« Oui... » Se contenta t-il de dire d'un ton calme à peine maîtrisé, il n'avait aucune envie d’approfondir ce sujet-ci. D'autant plus que les fausses flatteries qu'on lui faisait avait le goût de coup de dents dans la chair…

« Cela est juste, je désire que le protectorat terrasse Vraorg… » Il écouta les paroles de son interlocuteur avant de rajouter. « Les mots ne valent pas des actes... » Rajouta t-il ensuite… Puis Lewyn écouta Lorën qui finissait de parler.

Et Lewyn n'attendit pas, et se rapprocha calmement de l'intendant comme pour lui tendre la main, mais au dernier moment il changea son geste pour attraper fermement Lorën par le bras avant de le tirer modérement vers lui pour le regarder droit dans les yeux. Alors que son visage prenait tout à un coup un air bien peu amical, et sympathique.

« Apprend que s'il y a une chose que je déteste en ce monde c’est l'hypocrisie… Je me fiche de savoir ce que tu pense de moi, et je n'ai rien à faire de ton léchage de bottes… Et je refuse de jouer à ce jeu des loyalistes de Vroarg, et Wintel... » Il ne s'était pas davantage énervé, et c'était un acte de grande maîtrise pour lui au vu de la situation… Lewyn laissa plana un long silence puis poursuivit ensuite.

« Nous sommes alliés, donc je passe par dessus cela, mais apprend que je ne marche pas à la flatterie... » Finit-il entre ses dents avant de relâcher Lorën…

Puis il recroisa ses bras, et poursuivit d'un sérieux mortels.

« Parle franchement ! Que veux tu de moi ? J'aurai peut-être l'amabilité d'accepter ta demande si c'est demander gentiment. Mais sache que si j'ai aussi facilement manipulable que tu le crois je ne serai ni renégat, ni un traître à mon peuple. Tu n'aura rien de moi par tes petites manigances, et je ne suis pas aussi adepte des flatteries que Wintel, et les autres. » Son ton témoignait tout à coup d'une certaine tension. L'hypocrisie voilà ce qui avait mit Lewyn en colère, l'hypocrisie de Lorën, et ce léchage de botte intensif...

Lorën demeura immobile, attendant de voir l'effet de ses paroles sur Lewyn; quand soudain, celui-ci l'agrippa au col pour le tirer vers lui et le regarda fermement dans les yeux. Le vampire allait protester et se dégager violemment, et faillit dire ses quatre vérités à cet imbécile.

Tout d'un coup, ses sens aiguisés perçurent le battement d'un cœur humain, à proximité. Pris par la conversation avec Lewyn, Lorën ne s'était pas aperçu de cette présence. Pourtant cela faisait plusieurs jours qu'il sentait que quelqu'un l'observait à la dérobée et le suivait discrètement. Depuis son arrivée dans ce campement protégé, Lorën devinait qu'en raison de son appartenance à la race vampirique et à son ancienne allégeance aux théocrates, il suscitait la méfiance de certains individus. Afin de gagner leur confiance et se faire bien voir de ses nouveaux alliés, le vampire avait tout intérêt à faire bonne figure et à ne commettre aucune erreur. D'autant plus qu'il devait trouver quelqu'un pour le guider à travers ce périlleux désert afin de rejoindre le protectorat sans encombres.

Reprenant son sang-froid, il demeura très calme et fit semblant d'écouter la suite du discours de Lewyn sans sourciller, tout en se concentrant sur cette présence humaine toute proche. Quelqu'un écoutait leur conversation, Lorën devait veiller à faire très attention à ce qu'il allait dire et à sa manière de se comporter. Puisque de toute évidence, la flatterie ne marchait pas sur son interlocuteur, le vampire allait utiliser une autre tactique: dire des demi-vérités ou "dissimuler" les véritables motivations de ses actes.

- D'accord Lewyn, je vais te dire toute la vérité. C'est vrai que j'ai eu tort de me montrer si hypocrite mais j'ai tellement l'habitude d'agir ainsi car dans la société des vampires quelqu'un d'honnête risque de se faire tuer facilement. Tu es bien placé pour le savoir non ?

Puis d'un air contrit et d'une voix douce, il ajouta:

- C'est vrai que j'y suis allé un peu fort avec mes flatteries mais je vais à présent être franc avec toi puisque tu me le demande. Comme je te l'ai dis, j'ai trahi Lorenz Wintel et Vraorg car je ne supportais plus leurs noirs desseins, et maintenant mon seul désir est d'aider les protégés en participant activement à l'effort de guerre. Je ne suis pas un bon combattant mais je possède néanmoins certaines compétences qui pourront leur être très utiles.

Dans les faits, le vampire poursuivait des motivations nettement moins "altruistes" mais cela, son interlocuteur n'était pas censé le savoir à moins de lire dans ses pensées.

Lorën continua son "beau" discours qui cette fois-ci ne s'adressait plus à Lewyn mais visait plutôt à faire bonne "figure" devant ses nouveaux alliés. Si un protégé le suspectait et le surveillait, alors il devait faire doublement attention quant à ses paroles et à ses gestes. Par ailleurs, peu lui importait ce que pensait le vampire de lui, s'il ne pouvait pas le manipuler directement, au moins cette situation pourrait jouer en sa faveur. Après tout, Lorën n'avait pas attaqué Lewyn et si ce dernier s'avisait de le faire, il pourrait toujours utiliser cet acte comme argument pour jouer à la "victime" auprès d'autres protégés pour mieux les amadouer.

"Finalement Lewyn, j'ai trouvé de quelle façon tu vas m'être utile", songea Lorën en gardant un calme olympien. Grâce à notre petite conversation, je vais peut-être pouvoir endormir les soupçons de cet "inconnu" qui m'espionne depuis mon arrivée au campement des protégés."

Lorën percevait cette présence humaine "familière" toute proche, bien que masquée dans l'ombre et s'empressa de poursuivre:

- Lewyn, il y a aussi une autre raison pour laquelle je désire rejoindre le protectorat, c'est à propos d'une jeune humaine qui m'accompagne. J'ai passé plusieurs mois avec elle à Caladon et je désire l'amener en sécurité là bas. De plus, j'ai aussi pris la décision de ne plus me nourrir en tuant des humains mais de boire le sang issu de dons, dit-il en souriant.

En réalité, cela n'était qu'un demi-mensonge mais mieux valait utiliser sa relation avec Ariane Castel comme un avantage d'autant plus que cette naïve jeune femme constituait un excellent faire-valoir pour le vampire.

- Oui tu as très bien entendu, j'ai arrêté de pourchasser les humains et je veux vivre en paix avec eux à présent dans le Protectorat.

Dans les faits, le vampire s'en moquait éperdument mais prudent et manipulateur, il estimait qu'il valait mieux se donner l'image d'un bienfaiteur plutôt que d'un dangereux prédateur.

- Euh à dire vrai, je voulais juste te demander combien de jours faut-il pour rejoindre le Protectorat depuis ce campement ? C'est tout mais si tu ne veux pas me répondre, ce n'est pas si grave, je me débrouillerai autrement, continua-il d'un ton calme et posé. Disant cela, il croisa les bras sur sa poitrine et attendit patiemment, même si au fond la réponse de Lewyn lui importait peu.

Il aurait bien aimer voir Lorën se débattre, et ainsi révéler son petit manège à tout le monde, pour une fois que l'autre ce serait montré honnête en somme... Et en plus cela aurait bien montrer de quelle trempe était l'ancien intendant. Enfin pour sa part Lewyn était encore dans son bon droit car il n'avait pas vraiment agit violemment, et ne s'était pas montré insultant, il avait juste mit les points sur les « i » en somme.

Lui même n'avait pas trop fait attention à l'humain non loin, après tout il n'avait rien de particulier à cacher à qui que ce soit pour sa part. Et de toute manière on était proche du campement alors qu'un, ou deux humains traînent n'était guère étonnant surtout ceux qui font les rondes. Enfin dans tout les cas ce n'était pas non plus une scène intime, et de toute manière ça ne changeait rien. Ah il se demandait bien comment ça allait se passer au sein du protectorat maintenant que Lorën s'était ramené…

Car il y allait sans doute y avoir deux trois, truc, il se demandait même quelle place obtiendrait l'ancien thoécrate au sein du protecrorat, et si cela n'allait pas être plus une source d'ennui qu'autre chose…

Ah sérieusement il n'avait jamais aimé les intrigues de cour, et autres jeux avec les supérieurs au sein de son peuple. Pour tout dire ce genre de choses le dégoûtaient, mais à un point... Il refusait après tout de se comporter comme un chiot soumit, et déteste d'ailleurs qu'on se comporte ainsi avec lui, c'était- d'un insultant ! Et surtout d'un stupide, ah mais vraiment il n'aimait pas du tout ce genre de perte de temps. D'ailleurs il se demandait bien comment Lorën allait se débrouiller au sein du protectorat, sans doute qu'il faudrait qu'il se renseigner à son sujet à l'avenir, mais au final il en conclut que ce n'étaient pas forcément ses affaires, mais ce serait toujours intéressant.

« Trop bien placé. » Dit-il calmement, pour le coup Lorën n'avait pas tort, ce dernier devait avoir ce réflexe depuis, cela ne le rendait pas moins énervant à ce sujet-ci, mais il avait ses raisons… Surtout qu'il imaginait bien le nombre affolants de léchage de bottes à faire avec un despote paranoïaque comme l'ancien prince de Lorën. « Mais je ne regrette rien. » Rajouta t-il néanmoins, oui c'était lui, et il refusait de se conformer à ce qu'on voulait lui imposer, après tout ses pensées, et ses actes n'appartenaient qu'a lui, et pas à quelqu'un d'autre.

« Tant que tu participe à l'effort de guerre… De toute manière tu n'as nul part où aller à part le protectorat je présume. » Dit simplement Lewyn donc Lorën n'avait pas le choix, pour sa part, et il ne s'en inquiétait donc pas vraiment de sa très peu probable trahison... Enfin il s'apaisait un peu maintenant qu'on arrêtait avec les messes basses même si pour le coup il était encore assez agacé par ces dernières. De toute façon Lorën méritait bien le bénéfice du doute, après tout trahir Lorenz Wintel ce n'est pas rien…

Même s'il aurait franchement bien aimé savoir ce que l'autre avait en tête, on avait souvent du mal à savoir sur quel pied danser avec ce genre de personne après tout… Enfin bénéfice du doute, bénéfice du doute. Il tâcherait de montrer que lui était de bonne foi sans pour autant se liasser marcher sur les pieds si cela devait arriver.

« Alors comme ça tu es tombé amoureux d'une humaine ? » Dit-il perplexe… Il voyait bien Lorën jouer aux lapins, mais aux tourtereaux… Enfin ce n’est pas non plus comme s'il connaissait vraiment l'autre, et puis il sentait bien l'humaine… « Eh bien, et on m'avait dit que l'amour faisait des miracles... » Dit-il toujours aussi perplexe, mais songeur. « Lorën Arcae amoureux d'une humaine… Et comment se nomme l'heureuse élue ? » Dit-il toujours aussi perplexe…

Puis ensuite il enchaîna au sujet de la volonté de Lorën d'aider le protectorat, et il répondit aux paroles aux airs assez convainquants de Lorën néanmoins/« Nous verrons bien si tu dit vrai avec le temps. » Dit-il en haussant les épaules, car là il avait bêtement l'impression d'entendre l'équivalent d'un humain ivrogne qui décide du jour au lendemain d'arrêter de boire, et qui s'y remet pourtant peu après… Néanmoins le bénéfice du doute ! Il ne fallait pas oublier...

« Il te faudra une semaine environ en traversant le désert de nuit, de jour c'est trop risqué. Et il te faudra un bon guide. » Répondit calmement Lewyn à Lorën avait de rajouter. « N'aurai tu pas d'autres questions sur le protectorat par hasard ? Histoire que tu sache à quoi d'attendre... » Avant enfin de conclure.

« Lorën, à propos… Pourrais tu me parler plus avant de Kylian ? Quelles sont les dernières nouvelles que tu as pu avoir à son sujet ? Après tout ce sont des informations qui pourraient avoir leurs importances comme celles sur Lorenz... » Lewyn avait entendu tout, et rien au sujet de Wallam avec les ragots, mais beaucoup de choses qui s'étaient dîtes avaient un parfum d'amertume, et aussi de déception pour lui...

Lorën demeura calme, impassible, affichant un visage lisse, vierge de toutes émotions. Le vampire savait que tant qu'il portait son "masque"; tout se passerait bien et qu'il garderait la situation sous contrôle. De plus, c'est ainsi qu'il se sentait le plus en sécurité, en quelque sorte hors d'atteinte de l'autre. L'une des choses que celui-ci détestait le plus au monde était le fait que quelqu'un soit capable de lire à livre ouvert dans son cœur et puisse scruter les moindres recoins de son âme. A ses yeux, cela représentait une intrusion intolérable dans son monde intérieur, et il préférait ne donner à voir de lui-même qu'une façade qui n'était qu'un leurre.

Jamais le "vrai" Lorën ne devait affluer à la surface ou bien c'était sa perte. De la même façon qu'il se montrait soucieux de contrôler l'image qu'il montrait à autrui, le vampire veillait à réprimer toute émotion susceptible de le mettre en danger.

Un vent sec se mit à souffler venant de ces plaines jadis fertiles mais qui n'était à présent que des terres désolées et inhospitalières. La lueur argentée de la pleine lune éclairait la scène et Lorën pouvait voir distinctement le visage aux traits juvéniles de son interlocuteur. Celui-ci semblait réfléchir et s'être un peu calmé depuis le moment où il l'avait empoigné par le col de sa chemise.

Le vampire se détendit un peu, peut-être que son petit manège faisait son effet après tout. Bien sûr, il se doutait que cela n'était pas suffisant pour dissiper tout sentiment de méfiance à son égard, mais au moins il paraissait déjà un peu moins "suspect".

Néanmoins, il avait fait l'erreur une première fois de sous-estimer son adversaire mais il ne la referait pas une deuxième. Pour lui, Lewyn ne représentait qu'un vampire insignifiant qu'il avait crû pouvoir manipuler à sa guise tel un vulgaire pantin. Lorën l'avait toujours considéré comme un "excentrique" et un idéaliste dénué de cervelle.

Cependant, contrairement à toute attente, ses "flatteries" n'avaient pas eu l'effet escompté; sans doute car Lorën, trop arrogant et certain de la crédulité de son interlocuteur n'avait pas hésité à mêler la moquerie à la flatterie. Ses "compliments" prononcés d'un ton de velours ressemblaient à une friandise au bel aspect mais qui une fois avalée se révélait avariée ou un fruit juteux dans lequel on mordait à pleines dents pour découvrir ensuite qu'il était empli de vers. Le vampire avait même balancé une petite pique assassine concernant la relation entre Kyliam Wallam et Lorenz Wintel.

En général, la plupart des gens buvaient littéralement ses paroles sans même prendre le temps d'analyser le sens caché derrière les mots, sans jamais chercher à comprendre ce que dissimulait ses sourires charmeurs, sans s'inquiéter de la lueur méprisante ou haineuse qui brillaient dans ses yeux pailletés d'or.

La majorité des humains et des vampires faisaient preuve d'égocentrisme et il suffisait pour les "embobiner" d'aborder le seul sujet "intéressant" à leurs yeux, c'est-à-dire eux-mêmes. Une voix douce, enrobée de miel suffisait souvent à endormir leur méfiance et à annihiler tout esprit critique. Quelques compliments bien placés voire des mensonges éhontés faisaient leur petit effet. Parfois, Lorën s'enhardissait au point de se moquer d'une personne sans qu'elle s'en aperçoive sous couvert de la flatterie. C'est si facile de "croire" quelqu'un quand il nous dis ce qu'on a envie d'entendre...

Pourtant, de toute évidence, Lewyn ne marchait pas comme les "autres"...ou peut-être que si mais que Lorën n'avait pas encore trouvé la bonne méthode avec lui. Finalement, son interlocuteur s'était révélé assez attentif pour remarquer l'ironie dissimulée derrière sa flatterie.

Lorën admettait avoir un peu trop tiré sur la corde mais il ne s'attendait pas à une réaction aussi "émotionnelle" de la part de son interlocuteur. Sa réaction impulsive ressemblait à un grain de sable venu perturber une mécanique bien huilée. Même si avec du recul, elle lui apparaissait "cohérente" avec ce qu'il savait de Lewyn. Après tout, ce n'était guère étonnant qu'avec des actions aussi "irréfléchies", ce jeune freluquet se soit attiré les foudres de Lorenz Wintel. En raison de sa "spontanéité" et sa franchise, Lewyn semblait inadapté aux intrigues et aux jeux de pouvoirs qui régnaient au sein de la société vampirique.

"Une souris pour le chat", pensa Lorën; Lewyn est un vampire désarmé pour ce monde dur et cruel où seuls survivent ceux qui ont la force ou la ruse. Ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre sont balayés d'un revers de main".

Depuis sa fuite, Lewyn errait dans le protectorat, menant une existence de Renégat et de Marginal sur des terres hostiles. Aux yeux de la majorité des vampires, ce dernier était un traître, un paria et même sans sa trahison envers le prince noir, son "peuple" ne l'aurait jamais vraiment accepté... Il était trop "bizarre" pour un vampire...

"Et quoique tu fasses mon pauvre Lewyn, tu ne seras jamais accepté par les humains comme un des "leurs", malgré ton désir de vivre en paix avec eux", songea cyniquement Lorën.

Le vampire continuait à "jauger" Lewyn et à analyser la moindre de ses réactions, tout en conservant son visage marmoréen.

"Tout à l'heure, j'ai commis une petite erreur mais à présent je vais être plus prudent" pensa-t'il.

Lewyn paraissait réfléchir à ce qu'il lui avait dis même si pour l'instant Lorën ne savait pas s'il "gobait" ses demi-vérités ou demi-mensonges, selon le point de vue. L'avantage de dire des vérités "partielles" ou "déformées" c'est que cette stratégie permettait d'être bien plus difficile à confondre que lorsqu'on mentait de manière éhontée.

Lewyn avait-il aussi remarqué la présence de l'humain ? Peut-être, mais si c'était le cas, celui-ci n'en laissait rien paraître. Par ailleurs, cela n'avait rien de particulièrement suspect près d'un campement protégé, et Lewyn ne pouvait pas deviner que Lorën se sentait épié par quelqu'un depuis quelques jours. Le vampire se détendit et écouta la suite des propos de son interlocuteur.

Ce dernier affirmait n'éprouver aucun regret de n'avoir pas fait preuve de flatteries ou de ruses pour s'élever dans la hiérarchie sociale ou se protéger, comme l'avait fait Lorën. Cette remarque l'amusa, Lewyn était-il vraiment sérieux ou s'agissait d'un sursaut d'orgueil ou de mauvaise foi ? Assumait-il à ce point son exil et sa trahison ? Sans doute, d'après ce que le vampire connaissait de son congénère, cela lui ressemblerait bien.

Une des phrases de Lewyn l'interpella un peu plus: "De toute manière, tu n'as nulle part où aller à part le protectorat je présume".

Que croyait-il ? Qu'il avait dû fuir Lorenz Wintel car il avait eu la "bêtise" de l'insulter comme lui ? Non, Lorën ne fuyait pas devant la vindicte du prince noir mais l'avait trahi en connaissance de cause. Un peu comme un chien docile mord subitement la main qui le nourrit. En revanche, seul l'avenir lui dirait s'il aurait à se repentir de ce choix.

- On a toujours le choix, se contenta t'il de répondre d'une voix douce et posée.

Pendant des années, le vampire s'était convaincu qu'effectivement qu'il n'avait pas le choix et que son destin le conduirait à demeurer enchaîné à Lorenz Wintel pour l'éternité. Sauf si un autre vampire aussi tyrannique que ce dernier prenait un jour sa place.

A présent qu'il avait pris sa décision, le vampire savait que s'il retournait en Théocratie; cela serait pour y connaître une mort assurée. Probablement pas la meilleure solution mais c'était un choix quand même.

Il avait tergiversé durant des mois, retournant le problème dans tous les sens, luttant contre lui-même, avant de trouver la force de traverser la frontière. De la même manière qu'on franchit une limite interdite, qu'on transgresse un tabou.

"La trahison est le prix de ma liberté", pensa t'il.

"Alors comme ça tu es amoureux d'une humaine ?" poursuivit Lewyn. Là pour le coup, Lorën n'en croyait pas ses oreilles. Comment son congénère pouvait-il imaginer qu'une telle chose soit possible ? Certes, il avait arrêté de pourchasser les humains, surtout par opportunisme, mais de là à les "aimer".

Si le vampire n'avait pas entendu cette phrase de ses propres oreilles, il aurait crû à une plaisanterie douteuse. Lewyn devait vraiment le prendre pour un sentimental pour oser poser cette question, songea t'il cyniquement.

De plus, vouloir rejoindre le Protectorat et passer plusieurs mois en compagnie d'une femme ne signifiait pas qu'on éprouvait des sentiments amoureux à son égard. Et puis au fond, qu'est-ce que "l'amour" ? Ce concept paraissait tellement flou et surfait qu'il semblait inventé de toute pièce. Lorën ne savait même pas s'il avait jamais ressenti quelque chose de "fort" pour quelqu'un. Si c'était le cas, il ne s'en souvenait pas...Peut-être même n'éprouverait-il jamais un tel sentiment pour quiconque.

Bien entendu, Lorën avait connu de nombreuses femmes humaines ou vampires durant sa longue existence mais il ne s'était attaché durablement à aucune d'entre-elles. Elles avaient traversé sa vie sans y laisser de marques durables, hormis quelques bons souvenirs pour certaines.

Le vampire sentit sourdre en lui un certain agacement et il fronça les sourcils tout en tentant de garder son calme. Toutefois il avait tout intérêt à essayer de l'embobiner" avec cette histoire, même si pour le coup prétendre être amoureux d'une humaine lui paraissait franchement ridicule. Mais peut-être était-ce un test pour évaluer la crédibilité de son récit ?
Sinon pour quelle raison Lewyn s'intéresserait-il aux sentiments qu'il éprouvait ?

Il décida donc de demeurer très évasif et répondit d'un ton posé mais légèrement teinté d'agacement:

- Ce sont mes affaires, je n'ai pas très envie de discuter de ma vie privée. Il allait ajouter "surtout avec toi" mais il se retint.

Lewyn répondit également à sa question sur le temps nécessaire pour gagner le Protectorat à travers le désert. Ce dernier semblait même prêt à lui donner d'autres informations utiles. Lorën l'observait dubitatif, ne sachant que penser d'une telle attitude. Pourquoi se montrait-il si serviable ? Il doutait d'avoir pu le manipuler si facilement et sentait que son congénère conservait de gros doutes à son sujet. Alors pourquoi acceptait-il de "l'aider" en dépit de cela ? Pour Lorën un tel comportement paraissait un peu étrange. Mais après tout, Lewyn était un "original".

Lorën murmura un vague remerciement si bas que seul un autre vampire suffisamment proche pouvait l'entendre.

Ensuite Lewyn commença à le questionner sur Kylian Wallam, le vampire Renégat qui servait à présent comme général dans l'armée de Vraorg. Dans sa voix, Lorën sentait pointer l'amertume et la déception...

Autrefois, Lewyn avait placé de grands espoirs en Kylian Wallam et ils partageaient les mêmes idéaux. Lorën quant à lui s'était toujours méfier des deux, Lorenz Wintel comme Kylian Wallam et il avait eu raison. A quoi bon placer sa confiance en des êtres qui la trahiront tôt ou tard ?

A présent, Lewyn était bien "puni" de voir à quel point son "héros" l'avait trahi lui et ses fichus "idéaux". Et en dépit des faits, il espérait que ce qui se disait concernant Kylian Wallam ne soit que des ragots ?

Cela le dépassait et l'énervait à un point incroyable. Pourquoi n'ouvrait-il pas les yeux pour regarder la réalité en face ? Pourquoi s'abreuvait-il de rêves illusoires plutôt que d'affronter la réalité ? Kylian Wallam ne viendrait jamais l'aider, il se fichait complètement de lui. A quoi bon s'en préoccupé à présent ?

A ses yeux, Lewyn ressemblait à un enfant, seul et abandonné dans un immense désert, les yeux rivés sur l'horizon dans l'attente de quelque chose qui ne viendrait jamais...

Lorën éprouva soudain l'envie de le blesser, d'enfoncer le clou pour lui faire mal, voire de mentir effrontément mais il se ravisa. A quoi bon ? Le vampire soupira et fit une chose qu'il faisait très rarement, il dit la vérité, toute la vérité rien que la vérité.

- Kylian Wallam est devenu général dans l'armée de Vraorg. J'ignore s'il sert ce fichu dragon blanc par "loyauté" ou s'il a d'autres raisons. Aux dernières nouvelles, lui et Lorenz Wintel se trouvent tous deux à Gloria la dépravée. Je ne sais rien de plus...

Puis, il attendit de voir la réaction de Lewyn, peu à peu, sa colère s'était dissipée mais il avait hâte d'en finir avec cette conversation qui finissait par l'ennuyer.

Sincèrement Lorën était dur à cerner, à part le fait que lui confier sa confiance était assez bête, il était dur de savoir vraiment où voulait en venir l'autre. Néanmoins Lewyn restait encore sous le contre-coup des flatteries, et donc méfiant. Ah qu'il détestait croire qu'on veuille abuser de lui, sa liberté était son bien le plus précieux à ses yeux que ce soit celle de pensée, ou bien d'agir, et l'idée que quelqu'un veuille tenter de le contrôler, ou bien d'influer dessus le mettait en rogne, il n'était pas devenu après tout un renégat pour quand même redevenir l'un de ses moutons qui suit le troupeau…

Tiens, comparer la grande majorité du peuple vampirique à des moutons qui suivent leur berger Lorenz Wintel. C'était d'un ironique que cette image, mais pas tout à fait inadéquat. De toute manière il n'allait pas s'enquiquiner à trouver de comparaison plus flatteuse car cela n'en valait sans doute aucunement l'effort. Ah si la vie pouvait être plus simple franchement, mais bon tant qu'il arrivait un peu à s'intégrer au protectorat ça irait, après tout c'était la seule façon pour lui de rester libre, et il la défendrait chèrement sa liberté ainsi que son idéal.

Après il fallait réfléchir, il se fichait bien au fond de ce que Lorën faisait là, de toute manière tant qu'il ne représentait pas un danger pour le protectorat cela pourrait aller, et puis s'il avait trahi Lorenz il n'avait plus le choix s'il voulait rester en vie, le protectorat, ou la mort. Enfin de toute façon se préoccuper en profondeur du cas de Lorën ce n'était pas son travail, c'était celui des autorités compétentes, pour sa part il avait surtout voulu étancher sa curiosité du moment, décidément la vie est pleine de surprise, et Lewyn n'aura sans doute pas assez de doute l'éternité pour en être réellement blasé.

Enfin dans tout les cas la scène prenait moins des allures de tensions entre deux vampires, même s'il restait que c'était une conversation entre deux prédateurs, et Lewyn savait bien que c’était souvent une habitude chez les siens de vouloir montrer leurs supériorité face aux autres, une attitude risqué au protectorat, ou chaque outrage envers le membre d'une autre race était puni par la loi. Sans doute que cela constituerait une possible leçon de politesse à Lorën, pour sa part il le vivait très bien. Personne n'allait lui cracher dessus à cause des règles, et inversement. Les esprits dirigeaient d'une façon très sage dans les faits.

« Il est bon que tu t'en soit aperçu, car j'ai l'impression que pour la majorité des nôtres il n'y avait au qu'un seul choix à l'époque. » Dit-il calmement à la réponse de Lorën, oui, et il fallait assumer les conséquences de ses choix sans pour autant avoir peur de les faire. Ne pas supporter d'être enchaîner à une tyrannie, et vivre selon sa propre volonté. Le monde était vaste, et diversifié, il serait dommage de ce fait de s'enchaîner à la vision étriqué d'un fou.

Et à bien y réfléchir… Sa question directe avait aussi pour but de voir si Lorën allait y réagir d'une façon, ou d'une autre. Après tout pourquoi Lorën aurait-il ainsi décider de protéger une humaine, et de la prendre sous son aile ? Il ne disait pas que ce n'était pas possible, mais il fallait une raison. Après tout l'autre n'avait pas la réputation du grand vampire altruiste. Mais bon au pire tant que cette humaine restait en vie… Il se demanderait d'ailleurs si ce serait une idée d'aller voir cette dernière un jour pour voir de quoi elle avait l'air.

Enfin voir Lorën froncé les sourcils puis parla d'un ton assez agacé semblait démontrer qu'au moins l'autre n'était pas indifférent à cela, eh bien soit. « Comme tu le veux. » Se contenta t-il de dire, ne préférant pas insister, voir l'humaine concerné serait sans doute plus productif s'il en avait réellement l'envie un jour. Et puis sérieusement il avait la flemme de poursuivre avec ce genre de question à Lorën, visiblement ce n'est pas non plus comme s'il pouvait obtenir grand-chose de ce dernier, et puis lui aussi ne serait pas contre le fait de mettre bientôt un terme à la discussion s'il avait la possibilité.

Et quand à la proposition d'aider Lorën en lui donnant quelques informations, eh bien ils étaient entre protégés après tout, et pour sa part ce n'est pas parce que l'autre avait eu une attitude méprisable que Lewyn allait lui cracher dessus s'il avait besoin de quelques connaissances pour bien s'intégrer ici. Pour sa part il se considérait au dessus de cela tout simplement, après tout c'était sans doute la meilleure façon de réagir à ce genre de chose. Surtout maintenant que l'énervement était passé, et que l'autre c'était excusé de façon plus, ou moins sincère.

« Je vois, si tu as d'autres informations intéressantes n'hésite point à les livrer aux officiers protégés je pensent qu'ils sauront quoi en faire. » Dit-il calmement avant de se retourner, et de rajouter d'un ton neutre. « A la prochaine Lorën. » Finit par ajouter mettant fin à cette petite discussion.

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Lorën continuait à observer attentivement son interlocuteur, analysant la moindre de ses expressions, tout en maintenant une prudente réserve. Lewyn semblait s'être complètement apaisé depuis tout à l'heure et la tension entre les deux vampires avait diminué d'un cran. A présent, tous deux se tenaient face à face, gardant chacun leur distance mais sans animosité apparente.

Lewyn n'insista pas lorsque son congénère refusa de répondre à ses questions "indiscrètes" concernant l'humaine qui l'accompagnait; toutefois, ce dernier paraissait convaincu par son histoire, bien qu'un peu surpris, à en juger par son expression faciale.

Après qu'il lui ait révélé tout ce qu'il savait à propos de Kylian Wallam, Lewyn se contenta de lui recommander de s'adresser aux officiers protégés s'il possédait des informations complémentaires.

Lorën hocha doucement la tête en signe d'acquiescement, tout en gardant un froid silence. Puis Lewyn le salua d'un "A bientôt Lorën" formulé d'un ton neutre, avant de s'éclipser avec la démarche souple et féline qui le caractérisait.

Demeuré seul, le vampire se mit à réfléchir sur les tenants et les aboutissants de cette rencontre fortuite. Lewyn semblait disposé à lui fournir une aide précieuse concernant son installation dans le protectorat, et peut-être pourrait-il l'utiliser à l'avenir.

Lorën continuait à percevoir les battements du cœur de l'humain qui se trouvait à proximité, quelques mètres derrière lui; il sentait que celui-ci se rapprochait de plus en plus. Indifférent, le vampire demeurait immobile, attendant de savoir quelles étaient les intentions de cet individu.

Ce dernier l'épiait depuis son arrivée au campement protégé, Lorën le savait car son petit manège n'avait pas échappé à ses sens très affûtés de prédateur.

L'ouie du vampire percevait très distinctement le bruit des pas feutrés de l'humain et sentait battre son cœur dans sa poitrine, avec un rythme calme. Apparemment, celui-ci ne semblait pas hostile et était probablement l'un des soldats du campement protégé qui faisait sa ronde de garde.

Lorën entendit soudain une voix masculine dire "messire ? Excusez moi de vous déranger..." d'un ton prudent.

Le vampire se retourna lentement et toisa du regard l'homme qui se trouvait près de lui. C'était un individu robuste, vêtu d'une lourde armure sombre et doté d'une longue barbe noire qui lui mangeait la moitié du visage.

"Un soldat protégé", pensa Lorën, avant de demander "Plait-il ?" d'un ton hautain. Le soldat parut hésiter pendant l'espace d'un bref instant avant de poursuivre:

- Cela fait plusieurs jours que je vous...observe...A votre arrivée, votre allure ne m'inspirait pas confiance et j'ai préféré vous tenir à l'œil discrètement.

"Discrètement ? C'est ça que tu appelles "discret" ! Je t'ai vu venir à des kilomètres à la ronde", pensa le vampire en esquissant un sourire moqueur.

- Enfin soit...En vous voyant sortir du campement en pleine nuit, j'ai eu un doute ! Et je vous ai suivi car j'avais peur que ne soyez un espion théocrate. Ce n'est pas la première fois que ça arrive et j'étais méfiant...Puis j'ai entendu des bribes de votre conversation avec votre ami...

- Ce n'est pas mon ami, le coupa sèchement Lorën en lui lançant un regard glacial.

- Euh ? Votre congénère vampire alors ? J'ai crû comprendre que vous cherchiez à rejoindre le protectorat. La route qui y mène est longue et périlleuse, il est impossible de vous y rendre sans un bon guide. Or il se trouve que je dois partir là bas demain et je connais parfaitement le chemin à emprunter car j'ai déjà fait l'aller-retour à plusieurs reprises.

Lorën croisa les bras sur sa poitrine et attendit calmement d'entendre la suite de ce que l'homme avait à dire. Ce dernier gardait ses yeux sombres, durs et vifs rivés sur le vampire.

- Je voulais vous proposez de venir avec moi...Puis il rajouta d'une voix dure. Mais que ce soit clair, je ne vous fait pas entièrement confiance même si je n'ai rien remarqué de suspect. J'ai donc décidé de vous accorder le bénéfice du doute...Comme l'a dis votre ami...votre congénère...il faut voyager la nuit car c'est bien trop dangereux en journée. Si vous voulez être du voyage, soyez ici dès après le coucher du soleil.

- Bien, j'y serai, répondit Lorën d'un ton satisfait.

L'homme hocha la tête puis s'éloigna rapidement en direction du campement protégé. Après son départ, le vampire contempla la lumière blafarde de la pleine lune, perdu dans ses pensées. Finalement, les choses se déroulaient mieux que prévu et bientôt il serait dans le Protectorat. Une fois là bas, une nouvelle vie s'offrirait à lui et il ne laisserait personne l'empêcher d'atteindre ses objectifs d'enrichissement et d'ascension sociale. Ensuite, Lorën regagna le campement, marchant d'un pas feutré afin d'y attendre avec impatience le moment de partir...

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