Elle galopait de toutes ses forces, poussée par l’urgence, poussée par son maître et ce qu’elle pouvait lire en son cœur et son esprit. Cela faisait trois ans qu’elle n’avait senti une telle urgence l’étreindre… et pour cause. C’était la première fois en trois ans qu’il ressentait un tel impératif et exigeait d’elle qu’elle donna tout ce qu’elle avait. Il se trouvait à Caladon lorsqu’il avait entendu le héraut proclamer les nouvelles et la récompense offerte par le Voleur de Cœur. Et en entendant les noms de ceux qui étaient, avant tous les autres, recherchés, il manqua éclater de rire et se retint de justesse. Il lui fallut cependant beaucoup plus de maîtrise pour ne pas exulter intérieurement et maintenir un calme froid sur sa personne. Et pourtant, il n’avait pu empêcher l’urgence de le gagner effectivement. Voilà… c’était arrivé. C’était fait. Enfin aurait-il presque voulu dire si cela avait été le terme adéquat. Mais ce n’était pas le terme adéquat. Et il n’avait pas besoin de le dire, d’ailleurs, même au sein de son esprit. Cela ne faisait pas plus de deux semaines depuis sa venue à Morneflamme. Oh il ne pensait pas être le point d’embrasement de tout ceci, évidemment, mais il aimait l’ironie de la chose.

Et ce pressant besoin l’avait conduit à planter sa suite dans la ville marchande. Il avait enfourché Yödr et était parti au grand galop, plus vite que le vent, avec l’intention de rallier Gloria en une journée à peine. Il savait sa légendaire monture capable d’exécuter cet exploit si elle savait combien cela lui tenait à cœur. Et cela lui tenait effectivement à cœur, énormément même. Il lui fallait voir Lorenz aujourd’hui même, coûte que coûte. Accroché de toutes ses forces à la crinière de sa partenaire, serrant ses flancs des cuisses, il gardait les yeux fixés sur le paysage qui défilait autours d’eux comme une vulgaire tâche floue tant elle allait vite. Le vent lui fouettait le visage et faisait claquer les pans de sa tunique autant que ses cheveux qui le suivait comme la queue d’une comète dorée. Il serait dans un bel état à son arrivée mais s'en guignait. L’apparence n’avait guère d’importance pour le moment. Ce qui était important c’était qu’il voit son frère le plus vite possible et peu importait que ses muscles commencent tout de même à protester face à la pression de la course.

Etait-ce des heures ? Des minutes ? Il ne sut pas bien tant sa concentration et sa volonté à simplement résister à la course étaient grandes. Mais enfin, soudainement, le monde sembla reprendre forme, le happant goulument. Les sabots de sa monture crissèrent sur les pavés, claquèrent en produisant une symphonie victorieuse et fière. Yödr était une créature orgueilleuse et avoir avalé pareille distance si vite pour lui plaire était un accomplissement que seul un dragon aurait pu faire. Mais elle l’avait fait, elle, la nait de la fin. Il descendit de son dos avec une certaine raideur et passa plusieurs minutes à lui flatter l’encolure et le dos quant bien même il était terriblement pressé. C’était une affaire de survie. Si elle le boudait, elle mettrait du temps à venir la prochaine fois et se ferait prier alors qu’il avait besoin d’elle rapidement. Alors il sacrifiait quelques minutes tout de suite.

Quand elle fut satisfaite, il la laissa, sachant qu’elle repartirait certainement sans attendre vers un bon dîner pour fêter sa victoire sur le temps. Introduit dans la Citadelle sans guère de soucis, il se hâta le long des couloirs de pierres et de métaux sans accorder un seul regard aux serviteurs et petits courtisans qui s’écartaient sur son passage comme s’il risquait de les brûler. Il savait déjà où il pourrait le trouver, instinctivement. Son entrée dans la salle de réunion à l’instant même où les portes s’ouvrirent pour laisser sortir les officiers lui attira quelques regards de plus, auxquels il ne répondit pas, impavide. Lorsqu’il s’arrêta face à la table de commandement, il se détendit légèrement. Il était bien là. Immédiatement, un sourire lui éclaira le visage comme une aurore et il le salua avec plaisir, réellement heureux de le revoir malgré la situation. Il reprit bien vite son sérieux cependant, ils avaient à discuter...

Il sentait tout ce que sa présence provoquait avec une acuité nait de l’éloignement de cette poignée de semaines. Il sentait les regards plein d’inimité, qu’il s’agisse de jalousie ou simplement de réprobation à l’encontre de son attitude (comme si le moindre d’entre eux pouvait se permettre de remettre son attitude en question !), il entendit les soupires de soulagement… mais tout cela ne l’intéressait pas, et ces soi-disant hauts-officiers ne l’intéressait pas. Pas pour le moment. Viendrait un temps où il lui faudrait travailler avec eux et donc agréer leurs présences, parfois prendre sur lui pour les supporter, eux et leurs ineptes considérations… pour la majorité, en tout cas. Il avait appris à faire avec, et fort heureusement pour la plupart, il avait beaucoup de patience, en particulier pour un jeune vampire. Parfois, par trait d’humour, Celeb, le chef de son unité spéciale glissait qu’il méritait le titre de saint pour la patience qu’il pouvait déployer. Ce n’était sans doute pas vraiment une juste pensée, et cependant l’idée l’amusait quelque peu. Néanmoins, pour l’instant, son intérêt se portait ailleurs que sur eux, et à ce titre, il occultait presque entièrement ce qui n’était pas son frère. C’était pour lui qu’il avait engloutit plus d’un mois de voyage en moins d’une journée… et c’était avec lui qu’il souhaitait parler.

Lorsqu’il fit allusion aux raisons de sa venue, il eut un sec hochement de tête sans quitter la position de repos militaire qu’il avait adopté et constituait, en règle générale, sa façon de se tenir au quotidien. Oui, il ne doutait pas que Lorenz ait compris. C’était son frère après tout, ils n’avaient souvent pas besoin de parler pour se comprendre. Et c’était souvent d’une extrême praticité. Et pour l’heure il était reconnaissant de voir la traînée d’officiers disparaître. Eux ne seraient que des poids morts et des menaces pour tout ce qui pourrait s’échanger entre eux… et puis, n’avait-il pas le droit, pour tout ce qu’il accomplissait avec diligence, d’avoir son frère pour lui durant quelques précieux instants ? D’autant qu’il ne s’agissait même pas d’un caprice purement égoïste, il désirait avant tout parler utilement. Mais oui, son totem ronronnait en lui, très satisfait d’avoir l’exclusivité de l’attention du sombre prince. Sentant cependant, de façon diffuse, le mécontentement s’alourdir dans l’air, il tourna lentement, très lentement, la tête vers le groupe d’officiers qu’il savait le plus hostile à son égard même s’ils ne le disaient pas devant lui… pas par des mots du moins.

Toujours aussi impavide, il laissa simplement peser sur eux le poids de son héraldique regard, sans un mot, sans un geste. Ils sortirent sans plus un coup d’œil, et lui put reporter son attention sur Lorenz. La proposition de marche fut accueillie d’un nouveau sourire, et il le flanqua pour quitter les lieux. Son frère n’avait pas besoin d’être expansif pour qu’il ressente parfaitement que lui aussi était satisfait de le retrouver. Chaque fois qu’ils étaient ensembles, l’âme de feu ne pouvait que revivre les paroles que Vraorg lui avait adressées voilà trois ans. Ils partageaient un lien indestructible et rien, absolument rien de ce que ferait le Voleur de Cœur ne pourrait réellement l’attacher à lui. Il n’était loyal, véritablement, pleinement, profondément, qu’en son frère et il ne servirait jamais que ses intérêts à lui. Et ce n’était certainement pas une marque ou la douleur qui changerait cela. Et cette loyauté n’était pas le fruit du devoir ou de quelque artifice froid. Lorenz était sa famille, tout simplement. Et une famille qui l’appréciait et appréciait être auprès de lui autant que lui l’appréciait, et ils n’avaient pas besoin de mots pour le dire, là non plus.

D’abord silencieux en l’écoutant avec sérieux, puis, à la question, un sourire fin et ironique se dessina sur ses lèvres. Il n’avait pas pu s’en empêcher, et lui décocha un regard parfaitement assortit au sourire, sans se préoccuper de savoir si un autre en serait mort. « En ai-je besoin ? » Et il parlait bien de ce à quoi il pensait et qui était, somme toute, logique. Mais avait-il réellement besoin de prouver sa force dans une chasse ? Oh c’était un supplément, sans nul doute, mais ses anciens adversaires, mit à bas, avaient été autant de preuves qu’il valait mieux éviter de le prendre à la légère simplement parce qu’il avait la stature d’une enfant elfique. Il aimait la chasse, il fallait le dire, mais n’éprouvait pas le besoin de foncer tête baissée dans la moindre occasion de chasser et encore moins quand il y avait un plus gros coup à jouer. Et si un imbécile prenait cela pour une faiblesse et désirait le défier, il se ferait un plaisir de l’écraser comme il avait écrasé les autres, sans afficher la plus petite trace d’expression, nettement et sans bavures.

« La situation m’amuse » convint-il toutefois. La bêtise de Vraorg l’amusait, et la fuite de ceux qu’il avait pu rencontrer également. Quoi qu’Aramis… enfin, ça n’avait pas d’importance. Il resta coi alors qu’ils s’enfonçaient dans un bosquet à l’aspect sinistre, puis reprit finalement « Ils ne peuvent pas s’échapper sans que l’étincelle soit allumée de l’extérieur… j’ai vu l’intérieur de la prison, il y manque un élément pour obtenir une telle entreprise. Ce qui signifie, je pense, que les Protégés seront au courant, d’autant plus qu’ils ont tentés d’envoyer des éclaireurs reconnaître le chemin vers Morneflamme… Ils enverront leurs forces vers le nord, pour venir en aide aux fugitifs. Ils ne peuvent pas se permettre de perdre cette occasion » Encore moins quand ils avaient si peu de guerriers, en comparaison de la théocratie. Et encore moins quand l’un des évadés serait l’ancien empereur Korentin… Il tourna son regard vers son frère, pour voir ce qu’il en penserait. « Nous pourrions saisir l’opportunité de les voir tourner leurs regards vers les prisonniers et prendre définitivement les plaines »

Les plaines étaient une source de matières premières, d’approvisionnement, un plein pied plus stable que le désert pour se diriger vers la théocratie… Elles étaient encore disputées, ce qui signifiait également que ce serait la première zone à servir de consolidation à la rébellion si les théocrates étaient repoussés. Il ne fallait pas la leur laisser. Il était certain que Lorenz y avait pensé, c’était lui le tacticien avant tout et, intelligent comme était son frère, il lui semblait évident que l’idée serait partagée. Néanmoins, il ajouta également « Cela étant dit, je suis prêt à mener les troupes au nord si c’est là votre volonté » Pas toute l’armée, ce serait grotesque. Il fallait diriger des groupes mobiles de chasse, pas une énorme masse aisément évitable. Lorenz avait beau réprouver l'idée du jeu de Vraorg, il ne fallait tout de même pas laisser les prisonniers rejoindre le protectorat si cela pouvait être évité. Ils ne pourraient pas tous les intercepter, c'était idiot de le croire... mais il faudrait en arrêter autant que possible. Et il ne pouvait qu'être disponible, si son frère nécessitait sa présence.

Il sentait tout le déplaisir de son frère et ça le contrariait. Il n’aimait pas quand on aggravait encore l’humeur déjà passablement ombrageuse de Lorenz. Par empathie, une empathie qu’il ne ressentait qu’à son égard, il ne pouvait que partager ce déplaisir, même s’il ne le manifestait pas. Ses contrariétés étaient silencieuses et mortelles, en règle générale. Il ne fit pourtant pas mention de cette aigre atmosphère. Ça n’avait aucune importance en soit et ne serait absolument pas utile. Qu’y avait-il à en dire de toute façon ? Il comprenait parfaitement son mécontentement et voilà tout. Non ce qui l’intéressait était ailleurs. Le compliment, car s’en était bien un, lui fit légèrement hocher la tête, en acceptation, mais il ne s’en rengorgea pas pour autant. Il ne faisait que son devoir. Un devoir choisi et qui lui plaisait puisqu’il s’agissait de seconder son frère, mais il n’y avait à sens rien d’exceptionnel à mettre en œuvre toutes ses capacités pour lui. Il savait ce qu’il faisait et la valeur que cela avait, et il continuerait d’officier aussi longtemps qu’il le pourrait avec la même constance et le même dévouement. Et si effectivement il était seul, il prenait sur lui avec sincérité pour pallier cette unicité. La fatigue et la lassitude ne lui faisait aucunement peur. Peut-être aurait-il dû, certainement même, mais non… quelque chose l’en empêchait. Serval il était, loyauté avant tout, une loyauté invincible et qui viendrait à bout de tout, fatigue comprise. Il n’était pas dit qu’il laisse une aussi petite chose que la lassitude l’empêcher de seconder efficacement Lorenz !

Silencieux, il écouta. Vraorg… cet imbécile de lézard n’avait apparemment aucune espèce de compréhension de l’art de la guerre. De ça, il était parfaitement certain. Quand il y pensait, il lui semblait même qu’il n’avait pas la plus petite sorte de logique. Il agissait peu ou prou comme un gamin capricieux et sordide. Comment voulez-vous que son empire tienne debout sur la longueur en sachant cela ? C’était déjà un miracle qu’il ait tenu trois ans. Mais ça mieux valait ne pas le dire à voix haute. Il ne pouvait simplement s’empêcher de le penser en l’instant. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire qu’ils ne suivent pas tout à fait ses consignes ? Tant qu’au final ils les suivaient tout de même ? Mais non, commencer ainsi et il n’en finirait plus… Le tout était de parvenir au résultat et puis voilà, et il porterait volontiers la responsabilité des batailles dans les plaines s’il le fallait. Quoi qu’évidemment en cas de victoire, en bon gamin, le Voleur de cœur ne devrait pas trop avoir à y redire. Et il avait la ferme intention de remporter ces batailles-là… Il était strictement hors de question de perdre une occasion pareille. Ils gagneraient. Et ils arrêteraient les fugitifs en plus de ça histoire d’asseoir encore un peu plus leur expertise… et de damner un peu le pion à Wallam. Hm puérile ? Peut-être un peu oui effectivement. Mais personne n’était parfait et certainement pas lui. Il avait aussi ses moments d’humanité’ si on pouvait l’exprimer ainsi… et il ne pouvait pas voir Wallam sans s’irriter.

Enfin, la décision tomba, et il cligna brièvement des yeux en affichant une légère expression satisfaite qui se dissipa bien vite. Voilà qui était parfait… Ils allaient mettre bon ordre dans le marasme de l’est. Il hocha de nouveau la tête, pour toute réponse. ‘Nous’ il venait donc également… surprenant ? Pas tellement. Agréable ? Très. Il préférait d’autant travailler avec lui qu’avec des hauts-officiers, même vampires. Restait cependant un léger… et bien non plus qu’un détail. Ambre. Sa mère. Ils ne pouvaient pas la laisser seule. Oh il y avait bien Derek mais… un seul vampire c’était tout de même bien peu. C’était même beaucoup trop peu, il allait lui falloir une garde plus solide que ça. C’était de sa mère que l’on parlait, qu’on lui argue qu’elle ne craignait rien à l’intérieur de la citadelle ne le satisfaisait absolument pas ! Elle n’était en sécurité qu’avec Lorenz ou lui, point final. Hors ils allaient partir… Tout à cette pensée, il fut contraint d’émerger en le voyant reprendre et resta coi, un instant. La barrière. Oui. « Je vous y mènerais » Il l’avait déjà longé avec Yödr, il serait aisé de trouver un coin tranquille où son frère pourrait l’étudier en paix. Peut-être pourrait-il y trouver une faille ou… il ne savait. Ses propres idées sur le sujet étaient encore floues et s’il ne craignait pas le jugement de Lorenz sur elle, il craignait en revanche de lui faire perdre du temps.

La suite pourtant lui rendit la gravité que la situation exigeait. Pondérant ses propos, il se permit de ne pas répondre tout de suite, tandis que leurs pas les conduisaient au cœur du bosquet néfaste. Il répugnait quelque peu à parler de cela ici, au sein de la citadelle… ce n’était pas une bonne idée, il en était certain, pas une bonne idée du tout. Alors pour couper la poire en deux, comme disait les humains, il décida d’user d’une petite technique magique qui confondrait les possibles oreilles à l’écoute de leur conversation… Il modula sa voix de sorte qu’elle ne soit destinée qu’aux oreilles de son frère. « Mieux vaux user du faible pour abattre le fort, puis prendre sa place et disposer de l’arme inutile ? » La Théocratie… à bien y réfléchir, la théocratie était un colosse aux pieds d’argile. Sans Vraorg, qui était au pouvoir ? Les vampires. Des vampires loyaux envers Lorenz à l’exception de Wallam et de quelques autres âmes. Seuls les hauts serviteurs portaient des marques… les autres étaient libres. Il n’y avait donc qu’à s’arranger pour frapper la tête, en éloignant d’une façon ou d’une autre ceux qui pouvaient faire échouer ce coup. Cela se pouvait en fin de compte, et de la théorie à la pratique, il n’y avait qu’un pas qu’il était possible de franchir. Si on disposait d’une arme capable d’atteindre le Voleur de cœur…

Quelque chose, soudain, lui revint en mémoire. Un de ces souvenirs qu’il avait perdu, pas très net cependant car lié à la magie baptistrale, mais bien présent… le souvenir d’un certain Tarenth, et d’une découverte au cœur d’un sanctuaire dédié à Néant. Néant… fronçant les sourcils, il reprit, en faisant très attention. « Aldakin est en vie… » Il tâcha d’expliquer le lieu qu’était la fin du voyage et l’état des prisonniers là-bas, la folie qui, en six jour, emportait les plus faibles. Et pourtant le prêcheur y avait résisté trois années. Trois années entières… même pour quelqu’un habitué aux privations il y avait autre chose derrière cela. Lorenz autant que lui s’était interrogé sur les propriétés et la nature exacte du fragment qui avait causé sa mort et avait fusionné avec l’alayien. Mais savoir celui-ci encore en vie confirmait ses soupçons. Ce fragment de puissance ne pouvait qu’être une seul chose… et serait peut-être ce qui leur manquait, peut-être plus encore que le passeur. Ce n’était là que des spéculations, mais il les confia à demi-mot, d’une extrême précaution dans sa façon de transmettre ses idées. Il y mettait tout le doigté verbal qu’il pouvait avoir.

Mais il se devait de dépeindre ce qu’il avait vu, et ce qu’il en avait retiré. Et s’il n’y avait qu’Aldakin ? Mais non pas seulement… il y avait ce lambeau de souvenir au sujet des dragonniers, arrachés à un chant-nom oublié depuis, et qu’il ne faisait qu’entrevoir à présent. Un souvenir à demi effacé encore, ternis, mais qui lui semblait important. Qu’avait-il donc vu en Edwyn, lorsque de ce fameux chant à deux ? Une chose qui avait trait aux dragonniers et aux esprits… et pourtant il était incapable de se souvenir pleinement. Fortement contrarié, il s’arrêta, forcé de reconnaître qu’il manquait soudain de matière. Mais peut-être pas définitivement. Interrogateur, il attendit avant tout de savoir ce que Lorenz penserait de tout cela. Peut-être désirerait-il des détails cométaires, ou penserait-il qu’il n’y avait rien là d’exploitable… Il ne savait, mais avait confiance en lui. Lui avait d’instinct l’impression que quelque chose n’était pas totalement inutile là-dedans. Et si cela se confirmait… alors peut-être dérogerait-il à sa règle et demanderait-il l’intervention du serpent pour réveiller pleinement ce souvenir.

Cela changerait. Cette simple idée lui suffisait. Avec beaucoup de constance, il s’efforça de ne pas penser à Aldakin… Il ne fallait pas qu’il tende plus que le bâton nécessaire à Lorenz pour que celui-ci partage sa pensée. Pourtant il était bien difficile de ne pas continuellement pondérer l’usage qu’il ferait de SON prêcheur. Sentant la frustration de son frère, il arqua légèrement un sourcil en un discret signe d’interrogation, prenant autant garde à ses expressions corporelles qu’à ses paroles en un tel lieu… Tout pouvait le trahir s’il ne faisait pas attention, aussi était-il extrêmement méfiant, toujours sur ses gardes pour ce qui risquait de le desservir. La réponse ne tarda pas, pas plus que l’interrogation, qu’elle soit clairement formulée ou non n’y changeait rien, elle était bien là. Leurs regards se croisèrent, communiquant sans avoir besoin de plus de mots. Oui effectivement, étonnante allergie. Ou pas, en vérité. Si c’était le cas, oui… s’il s’évadait. Si un seul prisonnier devait s’évader c’était bien celui-là, justement. Il était celui ayant la plus grande utilité, même si Korentin n’arrivait pas loin derrière à son sens, de même qu’Aldaron.

La douleur subite qu’il ressentit instinctivement chez son frère lui rappela celle qui pulsait dans son propre corps, délétère, sourde et vibrante. Il n’y céderait pas, il s’y refusait, préférant se noyer dans celle de son lien sectionné plutôt que de donner cette satisfaction à la créature blanche. « Son état déprécie une telle hypothèse » Sous couvert d’appuyer cette affirmation, il détailla davantage leur rencontre et la condition exacte du prêcheur, les indices, ça et là, qui traînaient pour qui savait les voir. Pour qui savait qu’ils étaient là, en vérité. Une lancinante dague fouillait sous son crâne, tandis qu’il élargissait également son récit au reste de la prison et des mécanismes exacts qu’il avait pu constater là-bas. Il confia tout autant ses doutes quant à certains de ces mécanismes, en particulier les pierres de visions, ressemblant à ceux de la porte de la citadelle. Incapable de ne pas se fendre d’un très léger rictus, il raconta également le pitoyable spectacle offert par le soldat humain qui s’était donné en spectacle devant lui avant de lui promettre de lui ôter ce à quoi il tenait le plus…

Il mentionna également que chacun de ceux ayant participé à la quête d’Edwyn était encore en vie, après ces trois années, en plus d’autres, tels que Korentin. Ce qui était certain, à l’issue de son monologue, c’était qu’il comptait garder un œil sur Aldakin, autant que possible, d’autant qu’il avait les moyens de le faire. Il s’interrompit de nouveau, laissa un nouveau silence ponctuer la conversation avant qu’il ne revienne sur ce à quoi il avait pensé. « Ce n’est pas directement lié à lui… En vérité je ne suis pas certain de la valeur de ce fragment de souvenir » Légèrement préoccupé, il fronça ses fins sourcils « Lorsque j’ai détruit ce sanctuaire avec Edwyn… je ne sais quelles étaient les circonstances exactes, mais je crois que je me souviens avoir eu un aperçu de lui différent, au travers de la magie Baptistrale… un aperçu de ce qu’il était, de son histoire… c’était lié aux dragonniers et aux esprits » Une expression fortement contrariée contracta ses traits avant qu’il ne poursuive « ça me semblait terriblement important, mais je ne parviens simplement pas à le rendre plus clair »

Il l’observa avec circonspection « Pensez-vous que ce soit effectivement digne d’intérêt ? Si c’est le cas… » Il hésita légèrement. Lorenz savait déjà qu’il considérait l’usage du serpent comme de la tricherie pure et simple et qu’il y était allergique. Mais pour cette fois… Il était clair qu’il ferait une exception.

La complémentarité était une chose prodigieuse et dont il s’étonnait encore parfois, même lorsqu’il s’agissait de son lien avec Lorenz. Tous deux allaient de pair, dans une reconnaissance mutuelle provenant de longues années d’existence et de tout ce qui avait contribué à faire d’eux ce qu’ils étaient. Jamais il ne s’était réclamé de quoi que ce soit, à l’égard de son frère, car il n’ne ressentait pas le besoin. Ils savaient qu’ils marchaient côte à côte sans être prit par les impondérables de tout autre forme de relation. Aujourd’hui encore, cette vérité faisait loi. Il ressentait la confiance de son frère, placée en lui comme un digne présent, quand bien même il était moins assuré de leur futur que lui-même. Cette confiance qui venait se poser en miroir de la sienne, vibrante et chaude, profondément enfouie au fond de lui. Oui, il la cultivait avec constance, plus précieuse que tout autre bien physique qu’il puisse posséder. Il n’avait pas à en dire davantage car il n’en avait pas besoin, c’était là toute leur force. Et c’était également pour eux et leurs buts qu’il accepterait de faire une exception à ses propres règlements, son éthique. Il n’y avait guère le choix et il s’y pliait.

D’un léger mouvement de tête, il acquiesça. Non, il n’était pas possible d’attendre et il était hors de question d’effectuer cela en cet endroit. Il n’y avait aucun doute quant au fait qu’il fallait effectivement éveiller ce souvenir pour s’assurer de ce qu’il contenait. L’observant attentivement, il lui laissa l’opportunité de décider du lieu adéquat pour un exercice de ce genre, sachant que ce serait lui qui aurait la délicate tâche de raviver ce souvenir tout en ne touchant pas à l’entièreté de ce qui sommeillait au fond de son être. Il serait certainement désagréable, même douloureux, pour lui d’être le sujet d’une telle magie et pourtant il ne craignait nullement cette épreuve. Son esprit n’en serait pas durablement ébranlé. Il avait perduré au-delà de trop de destruction pour frémir de pareille hypothèse. Et il avait confiance en son frère, en son expertise. Il n’y aurait nul souci, non, tout se passerait comme cela devait. Enfin, ils se mirent en mouvement, et revirent dans la salle qu’ils avaient quittée. Effectivement, parfois la meilleure façon de cacher quelque chose était de le mettre au vu et au su de tous.

Pendant que son frère préparait la pièce, lui-même se préparait également, effectuant un travail sur son propre esprit pour se détendre et s’ouvrir avec plus d’aisance, abaissant cette entêtée résistance qui était sienne. Il ne devait pas rendre la tâche plus compliquée qu’elle ne serait. Il n’avait nulle raison de tenter de lui échapper. Aussi devait-il dompter ses instincts. Il se concentra sur la chaleur de la pièce, une chaleur agréable, profonde, qui l’aidait beaucoup. C’était dans une telle atmosphère qu’il se sentait le mieux. Il inspira lentement l’air brûlant, et expira en se tournant vers le prince, qu’il rejoignit. Leurs regards se croisèrent, plongés l’un dans l’autre. Il relevait légèrement le nez pour pouvoir offrir son regard héraldique à celui de son frère. La main qui se posa sur son épaule le fit ciller, et il souffla un agrément bas, léger. Pas un instant, alors que la magie opérait, il ne brisa ce contact visuel, se laissant complètement happer par le serpent à l’œuvre, s’ouvrant à lui autant que ce fut possible. Et bientôt, il le sentit basculer dans son esprit, une présence, douloureuse mais accueillie.

Un bref instant, il sentit l’instinct de la défense poindre, et le jugula immédiatement pour le laisser entrer plus avant dans ses souvenirs. Il était après tout en terrain conquis. Il accompagna malgré lui la descente de son frère, frémissant par instant, en particulier lorsqu’un souvenir sembla se dessiner dans son esprit, apportant avec lui des flots de terreur. Non ce n’était pas cela qu’ils recherchaient ! Cela le perturbait, brouillait quelque peu son esprit et il lui fallut à nouveau entrer en harmonie avec lui. C’était douloureux, par instant, mais pas beaucoup, pas autant que cela aurait dû. Et enfin, il fut là, le souvenir qu’il avait effleuré. Enfin à lui… Ils y plongèrent violemment, et il eut bien du mal à ne pas palpiter tout entier, jusque dans son âme, à l’entente de ces accords. Sa propre voix, mais différente de ce qu’elle était à présent. La même justesse, la même note claire et limpide, mais sans cette magie qu’il entendait à présent… Cette voix avait quelque chose de plus qu’il n’aurait jamais, mais il n’aspirait pas à l’obtenir, en vérité, elle le mettait mal à l’aise.

Les sensations le pénétraient jusqu’aux os et la certitude de la mort le fit un instant trembler, glaçant son être. Il savait qu’il allait mourir mais il continuait comme si cela n’avait aucune importance… qu’étaient exactement les circonstances de pareille scène ? Elles devaient être terribles, et pourtant elles lui échappaient en partie. Le venin avait rongé les détails. Et pourtant il restait suffisamment pour qu’un tel souvenir rayonne de puissance. Néant, Mort… et ce chant qui se poursuivait… Mort oui, l’esprit de la mort… il avait été présent alors, c’était pour lui qu’ils chantaient. Puis tout alla très vite, les autres esprits apparurent à leur tour, la perle fut détruite dans une apothéose qui le secoua jusque dans son âme. Etre témoin du pouvoir des Esprits était toujours aussi impressionnant, même à présent. Ces forces ne semblaient avoir aucun pareil. Il avait eu l’information qui lui chatouillait la conscience, mais dévora la suite avec plus de ferveur encore.

Pourtant, soudain, une autre vision remplaça ses souvenirs reconstruits. Qu’était-ce ? Pétrifié, il assista à la mort de l’humaine, Esmelda Kohan, et à l’apparition de son meurtrier… Vraorg, qui d’autre ? Qui aurait donc pu si ce n’était lui ? Il ne put se raccrocher à l’image, il fut incapable de creuser plus avant, soudain faible et tremblant, il tomba au sol à l’instant où l’esprit de Lorenz quitta le sien. Pourtant il revint rapidement à lui, le corps fourbu. Cherchant immédiatement des yeux son frère, et le voyant prostré et tremblant, il feula sauvagement et se redressa, puisant dans la force de sa volonté pour dominer tant son corps que son esprit. S’approchant il vint se mettre à genoux près de lui et l’observa, le parcourant rapidement pour constater les dégâts. Il semblait aller bien… ce devait être le choc interne, l’esprit qui se remettait après cette étrange vision. Et pourtant, il décida tout de même d’agir physiquement.

Dégainant sans la moindre hésitation sa dague, il trancha largement dans sa main gauche, laissant le sang sombre couler. Puis il vint serrer la main droite de son frère, le geste du sacrifice, ce sort que seuls possédaient les vampires. Le choc était mental, mais il y avait des contrecoups physiques et il comptait bien les effacer, ou les supporter à sa place s’il le fallait. Son propre état, son propre choc ne comptait pas. Aussi, lentement, il attendit que la magie fasse effet, tout prêt à offrir l’intégralité de son énergie à Lorenz s’il le fallait. Puis quand ce fut finit, il le relâcha, ne tentant nullement de prolonger le contact. Son sombre regard le parcourut une fois de plus, puis il parla, d’une voix ténue et basse. « Qu’était-ce ? Cette vision ? Elle n’appartenait pas à mes souvenirs, elle semblait provenir de l’avenir » Pourtant aucun d’eux n’avait de pouvoir prophétique.

Il ne souhaitait pas le presser évidemment, mais il fallait tirer cela au clair le plus vite possible. Lorenz saurait certainement mieux que lui ce dont il s’agissait, puisque cela provenait de l’action du serpent…

L'ordre fut obéit dans la seconde, alors même qu'il l'observait, devinant, au moins en surface, ce qu'il pouvait penser. Mais serval il était, et avant cela, son frère et son fils, et lui, la personne qui, le plus en ce monde, il chérissait. Pour lui, sa vie il aurait donné sans l'ombre d'un regret, si son sacrifice était une nécessité. Qu'était un peu d'énergie, au regard de tout ceci ? Muet pourtant, il n'en dit rien, comprenant trop bien et préféra revenir à ce qui était le plus urgent en cet instant. L'ayant interrogé, il s'installa, pas plus inconfortable sur le sol de pierre que dans un lit impérial, un trait de caractère certainement dérivé de celui de son totem, mais qui lui avait toujours été très utile. Il agissait, en outre, presque sans s'en rendre compte, concentré qu'il était sur les propos tenus par son prince de frère. Une éventualité d'avenir… oui il pensait comprendre. L'avenir n'avait rien de figé, c'était un océan des possibles dans lequel le chemin n'apparaissait qu'une fois qu'on y posait le pied, et ne se dévoilait qu'à chaque pas effectué. Cette éventualité, que la femelle Kohan soit tuée, n'était pas l'unique solution… fallait-il donc y voir une sollicitation ? Devait-elle continuer d'exister et eux empêcher ce décès ? Peut-être… encore fallait-il savoir ce que cela pourrait leur rapporter, car pourquoi venir en aide à cette créature s'il n'y avait rien à y gagner ? La charité n'était pas plus de ses velléités que la bonté, il laissait cela à son ordre d'antan.

Continuant de le fixer, toujours curieux, il attendit de savoir ce que Lorenz pourrait encore rajouter, car il y avait, à son sens, matière à s'interroger. Depuis quand avait-il de telles visions, pour commencer ? Voir surgir de délétères avenirs, comme ça s'en explication, n'était pas de bon alois, même pour un vampire aussi puissant… La seule personne ayant apparemment maîtrisé l'avenir avait été le Tarenth, mort par la main du Voleur de Cœur, et son don ne lui avait, de toute évidence, pas réussit. Il ne tenait pas à ce que son frère expérimente semblable fin. Son explication, cependant, l'interpela et d'autant plus qu'il avait ses propres contrariétés, apparues tout aussi mystérieusement que ses visions affectées. " Probable" convint-il et un instant, il porta le regard sur son poignet, là où l'étrange marque était apparue, suite à sa spirituelle vision du patron du Feu. L'explication était, oui, parfaitement valable… parce qu'il n'y en avait pas d'autre en vérité. D'après ce qu'il s'avait, tous ceux présents ce jour-là avaient eu une vision, l'on pouvait donc hypothétiser que tous avaient vu un esprit et que tous avaient reçu… quelque chose. Une telle capacité n'apparaissait pas ainsi, du jour au lendemain. Et si une capacité ne pouvait pas soudainement fleurir comme un tapis de bégonia, c'était encore plus vrai d'une flopée de capacités.

Qui étaient concernés alors, de ceux ayant expérimenté cette fameuse journée ? Lorenz et lui, évidemment, mais pas seulement. Wallam avait montré à plusieurs reprises des signes d'un don inhabituel, en l'utilisation d'une magie hors de sa portée. Quant à Saemon… et bien il était soudainement devenu une véritable ombre. Partant de là, il imaginait que les autres devraient également être sujets à quelque changement. Restait à savoir lesquels et quand. " Je crois avoir une idée sur la question… mais je ne pourrais dire si je me fourvoie ou non" Et surtout, il ne savait pas très bien comment l'exprimer auprès de Lorenz. Et, son frère ne manquerait pas de le comprendre, quand il n'était pas entièrement satisfait de l'hypothèse qu'il désirait construire, il était plutôt du genre à ne rien dire du tout. Donc il attendrait encore pour en parler… probablement n'en émettrait-il l'idée qu'une fois qu'il aurait pu revoir Aldakin. Le prêcheur pourrait certainement lui apporter, une fois encore, la certitude qui manquait à la consolidation de tout cela. Une fois qu'il aurait pu étayer les éléments manquants, il ne se priverait pas d'en parler avec Lorenz. Mais jusque-là… motus et bouche cousue.

Ses yeux s'étrécirent un bref instant devant la formulation qu'employait Lorenz. Incapable d'imaginer que son frère pu le tromper ou lui cacher quoi que ce soit, il ne pouvait donc qu'y voir un message dissimulé. Cela ne devrait pas les concerner… mais en l'état c'était bien le cas, et cela continuerait de l'être. Fort bien alors, il tâcherait de ne pas le mettre de côté, comme il aurait tendu à le faire dans une situation différente. " Oui, il l'est" Il était même d'une netteté douloureuse dans la brume de son esprit amnésique. Il pondéra un instant son affirmation avant d'y répondre " Je ne crois pas qu'il s'agissait véritablement d'une bataille. Je pense qu'il s'agissait d'une rebuffade. Ils ne désiraient pas la vaincre, là n'était pas le but… Je pense que l'on peut affirmer qu'ils n'ont jamais voulu la combattre" Il en était quasiment certain, sans pouvoir véritablement comprendre d'où lui venait cette certitude. Néanmoins ce souvenir était riche d'enseignements… notamment sur le fait que le pouvoir de Néant était, en effet, l'égal de celui des Frères Esprits. Mais… justement. " Lorenz…" Il hésita un instant, sachant qu'aborder ce à quoi il pensait était délicat, très délicat…

" Si le pouvoir de Néant est l'égal de celui des Frères, cela signifie qu'en terme de force pure, ils sont à égalité, n'est-ce pas ?" Cela signifiait donc que la guerre pouvait s'enliser éternellement sans le concoure de forces extérieurs, les leurs par exemple… et à cela il fut traversé d'une intense douleur… mais pas seulement les leurs. " Alors qu'est-ce que pourrait valoir un pouvoir ayant été créé pour rivaliser avec celui des esprits ?" Que se passerait-il, en vérité, si tous les dragonniers étaient soumis par le Voleur de Cœur ? Est-ce que le fait de les avoir tous sous sa coupe lui donnerait cet avantage qui lui manquait ? Et qu'en était-il de… " Et… s'il est possible de créer de cette façon…" Il n'alla pas plus loin, un instant, intimidé, circonspect, de bien des choses, mais sachant que son frère comprendrait où il voulait en venir. Est-ce qu'eux aussi pourraient avoir le pouvoir de création, et que pourraient-ils créer pour faire tomber la créature qui se prétendait leur maître ?

A cela, à cette pensée, il grimaça, le déchirement magique en lui soudain presque insoutenable. Depuis combien de temps le supportait-il ? Il ne savait même plus…