Il avait oublié la raison de sa présence. Désormais, il était comme bien des belles choses de ce monde: sans finalité.
Ils étaient à l'extérieur de Gloria, sans s'en être trop éloignés. C'était Dawan qui avait amené Luna ici. La vie de château et de citadin ne lui allait pas, lui rappelait l'emprisonnement qu'avait été Aigue-Royale. Il avait besoin d'air, d'herbe, de forêt, d'un environnement que la main des bipèdes n'avait pas modifié. Il n'aurait su le justifier, lui qui appréciait pourtant elfes et humains. Luna n'avait pas paru mécontente de la balade. C'était un fait des plus heureux. L'objectif pour Dawan, ce soir, était de passer un instant agréable. Non seulement un pressentiment lui soufflait que la petite humaine partagerait les mêmes émotions que lui, mais, de plus, il la sentait nécessaire. Lorsqu'il l'avait croisée, avant de lui offrir ce rendez-vous, il avait tout de suite su. Il voulait partager à nouveau une belle fraction de vie avec cette lumière restée trop longtemps loin de lui.
Tout lui était venu naturellement, tout était dans l'ordre des choses. Ce n'était pas vraiment le destin, c'était une notion de l'harmonie toute particulière. Quant tout était à sa place, nul choix à faire, nul obstacle, tout agissait selon sa nature. Ce n'était ni bonheur ni peine, c'était ce qui devait être. Mais cette sensation était si plaisante et si inhabituelle qu'elle donnait l'impression de bonheur.

Arrivés à l'extérieur de Gloria, ils s'en étaient encore éloignés un peu. Finalement, c'était dans une sorte de mini-fossé dans les plaines que Dawan avait décidé qu'ils s'arrêteraient. Pas question de fatiguer la petite humaine. D'un sort, sphère de lumière, il les éclaira. Il savait qu'elle pouvait le faire aussi, qu'elle le ferait aussi, à un moment ou un autre, à sa façon. Car c'était là ce qui émanait d'elle. Elle était lumière, pour vivre elle se devait d'éclairer, de donner au monde les couleurs.
De tout le voyage, il n'avait pipé mot. Luna ne devait pas savoir ses intentions pour le moment, mais elle allait bien vite les deviner. À moins que l'étui inhabituel sur son dos lui fut suffisant pour comprendre. Dawan le retira, le tendit à Luna. C'était une vièle, il l'avait faite fabriquer pour elle. Elle était légèrement plus petite que la sienne, était bien plus humaine. Mais la facture était bonne. il l'avait accordée lui-même. Lorsque Luna l'eut entre les mains, il observa autant qu'il écouta sa réaction. Mais elle ne lui tira pas plus de mots. La nuit était tout juste tombée. Ils étaient seuls, dans un océan de noir et de bleu sombre, le ciel clair de ce mois d'août offrait mille étoiles à célébrer. Ils n'auraient pas froid. Leur faible lumière éclairait tout juste leurs visages, leurs pâles cheveux, la couleur de leurs habits. Dawan portait la robe qu'elle lui avait offerte, bleue et rouge. Par chance, Fabius se moquait de lui comme d'une guigne en ces heures-là, et n'avait pu le voir sortir ainsi. Quand bien même il l'eut vu, cela lui aurait sans doute été d'autant plus égal. Quand bien même cela ne lui eut pas été égal, cela l'aurait été pour Dawan.

Il orienta la sphère de lumière vers les cordes de l'instrument. Ses doigts guidèrent ceux de Luna. Il lui fit jouer ses premières notes, ses premières accords. Pas question de trop lui en apprendre, il fallait tout d'abord que ses doigts apprennent, qu'ils se délient et gagnent en agilité. Qu'ils apprennent la danse que l'on menait pour faire pleuvoir les émotions du monde. Il la corrigeait, toujours sans mot dire. Là, il fallait plutôt se tenir comme cela. Elle risquait moins de courbatures en calant sa vièle ainsi, en présentant son poignet de cette façon. Dawan était un instructeur patient, Luna était une excellente élève. Elle apprenait vite, retenait, et appliquait les choses avec une aisance à donner le tournis aux elfes.
Ce monde n'avait plus de forme que celle de la terre qui les entourait, des herbes, des pierres. Plus d'autre odeur que celle des champs. Sa taille se définissait en écoutant jusqu'où les notes de Luna portaient. Assis en tailleur devant elle, Dawan observa le visage de l'humaine, la finesse de ses poignets, et l'aisance avec laquelle elle contrait son handicap. Il chassait l'envie de son coeur, et la remplaçait par la fierté. C'était son élève ! C'était la meilleure ! Elle irait loin. D'ici quelques semaines, elle jouerait de concert avec lui, des improvisations folles ! Son visage n'affichait pas particulièrement d'expression, mais dans son regard pétillait le bonheur de la voir s'en sortir ainsi.
C'était ce qu'ils devaient faire. C'était là leur nature qui s'exprimait. Et il lui offrait de quoi s'exprimer d'autant plus, de quoi abolir les frontières entre le coeur des Hommes. Ils devenaient tous deux un peu plus libres chaque seconde que Dracos faisait.
D'un geste de la main, il incita Luna à reprendre la mélodie. Une chanson populaire elfique. Alors seulement sa voix naquit de sa gorge. Il offrait à Luna un accompagnement qui n'était autre que la mélodie, traduite en langue commune. Il s'était redressé, ses deux mains contre son coeur, sentant les vibrations en lui comme il aurait senti celles de son instrument. Il chantait lentement, pour qu'elle ait le temps de s'y faire.

Toute une surprise! Et pas n’importe quelle : une belle surprise! De la catégorie que l’on ne s’attend pas du tout, mais qu’on est des plus heureux d’embrasser et qu’on désire s’y plongea instantanément peu importe les conséquences s’y rattachant. En cette soirée, c’était comme ça que Luna s’était sentie en croisant Dawan dans les rues de Gloria. L’étonnement avait effacé ses traits tirés et avait peint son visage avec des teintes de joie, de bonheur et d’exaltation. Personne d’autres que lui n’était capable d’une telle chose, mais le sourire de son ami avait le don de chasser ses soucis. Nul besoin de paroles et d’un simple geste, elle serpentait avec lui à travers la capitale. Pour aller où au juste? Elle l’ignorait, mais ça n’avait plus d’importance à ses yeux. Savait-il qu’elle la suivrait peu importe où il irait? Oui, probablement le savait-il et le plus merveilleux, c’est qu’elle n’avait pas besoin de mots pour le lui faire comprendre. Elle lui donna sa main et ensemble, ils franchirent la muraille tels des voleurs en fuite.

Ils s’éloignèrent et ne s’arrêtent que quelques minutes plus tard lorsqu’ils furent à l’abri des regards, des bruits urbains et sous la protection des étoiles. Elle le regardait, il lui souriait. Il la regardait, elle lui souriait. Elle le regardait d’un air curieux. Détrompez-vous, ce n’était pas parce qu’elle trouvait son habillement inapproprié ou des plus farfelues avec la robe qu’elle lui avait offerte. Non, elle n’en avait rien à faire de ce qu’il portait et même qu’elle trouvait que ça lui allait bien; elle ne lui aurait pas donné si n’avait pas été le cas. La curiosité brillait plutôt dans son regard parce qu’elle se demandait pour quelle raison il l’avait emmenée ici. Ne pas y avoir eu de raisons, la gamine n’aurait pas été déçue pour autant : la présence de son ami était déjà un très beau cadeau. Ils auraient peut-être simplement passé leur temps à observer le ciel scintillant à compter les étoiles défilant tout en formulant quelques souhaits. Baigné par le flux de Dawan, elle le vit retirer l’étui de sa vièle - elle croyait que c’était la sienne – et était déjà excitée à l’idée que le silence soit rompu par la mélodie créée par l’elfe. Ses yeux devinrent bien ronds et ses doigts tremblèrent sous le présent de son ami. Elle aurait voulu parler qu’elle n’aurait pas réussi tant elle fut émue. Elle caressa l’étui avant de l’ouvrir et prit l’instrument et ce, le plus délicatement possible comme s’il allait casser sous ses doigts. Qu’est-ce la vièle était belle. Plutôt, qu’est-ce que SA vièle était belle. La gamine balbutia des mots de remerciements qui coincèrent maladroitement dans sa gorge et finalement lui sourit. Les mots n’étaient pas nécessaires. Elle savait qu’il comprendrait. Elle savait qu’il savait à quel point ce geste l’avait touchée. Elle n’avait pas besoin de lui dire qu’elle en prendrait grand soin. Il savait déjà tout cela.

Dawan savait aussi que la protégée de Korentin était impatiente d’effleurer les cordes et de faire prononcer les premiers mots à sa vièle. Les premières notes résonnèrent parmi les étoiles. Elles étaient peut-être un peu maladroites, un peu faibles et un peu fausses, mais c’était ses notes et Luna les aimait. Elle mit à pratique ce que jadis le chanteur lui avait montré et joua sans se gêner. Elle n’avait pas à avoir peur de mal positionner ses doigts, de faire grincer les cordes ou d’avoir l’air ridicule. Elle savait qu’il n’allait pas la juger et qu’elle n’avait pas à se faire de soucis, c’est pourquoi elle joua avec joie. C’était le meilleur professeur qu’elle pouvait avoir : passionné, patient et son bonheur était aussi palpable que le sien. Après ces jours d’horreur qu’elle avait vécus, cela était réconfortant.

Luna reprit la mélodie lorsque l’apprenti-baptistrel lui fit signe et il y mêla sa voix. C’était un beau moment et elle l’accompagna avec joie, faisant de son mieux pour que les notes de sa vièle soient en concert avec son chant.

Posant son archet momentanément, la musique cessa. Ce n’était qu’un petit intermède, le but n’était pas d’arrêter complètement. Un sourire s’afficha sur ses lèvres. C’était le moment et il savait ce qu’elle s’apprêtait à faire, n’est-ce pas? Bientôt, l’elfe et l’humaine furent parmi les étoiles ou plutôt, parmi les lunes dansantes* comme la princesse des Lumières aimait tant les nommer. C’était joli toutes ces lumières. Magnifique, étincelant et rassurant, mais côté discrétion il faudrait repasser!

- Dis, Dawan… ? murmura-t-elle d’une voix douce.

Elle frotta l’archet contre les cordes de sa vièle afin que les notes se mêlent à sa voix.

- Tu vas peut-être trouver ça bizarre comme question… Ou peut-être pas? Elle espérait que ce ne soit pas le cas. Mais elle n’imaginait pas demander ceci à quelqu’un d’autre. Dis-moi… Comment dit-on « Je t’aime » en elfique? Poursuivit-elle, esquissant un sourire gêné. Elle ne chanta pas vraiment, mais sa voix était en harmonie avec la mélodie qu’elle essayait de créer.

Comprendrait-il où elle voulait en venir? C’était Dawan, il comprendrait pourquoi elle lui demandait ceci, non?

- Tu es mon ami et je t’apprécie beaucoup… L’elfe ici présent comptait probablement parmi les seuls amis de la jeune fille et ces derniers se faisaient bien rares. Je peux te demander conseil? Enchaîna-t-elle.





* Lunes Dansantes
Fait apparaître des orbes lumineux qui émettent une douce lumière pouvant être de n’importe quelle couleur. Ces orbes, de la grosseur d’un poing, dansent dans les airs et peuvent se déplacer selon la volonté de l’utilisateur. Il est possible de combiner les sphères ensemble pour créer une forme dansante ou encore de les faire exploser dans un flash de lumière en une fine pluie d’étincelles. Ce sortilège n’a rien d’offensif si ce n’est la possibilité d’éblouir les gens.

Geste clé : Recouvrir son poing avec son autre main et les ouvrir tout en soufflant dessus.

Aramis n'avait pas oublié pourquoi elle comptait à l'origine venir à Gloria, excepté la perle il y avait dans la capitale humaine le jeune Enwr Dawan Sywel, la chantebrise comptait en effet prendre des nouvelles de ce dernier. D'après ce qu'elle avait pu voir au chant nom il allait bien, mais elle serait une bien piètre grande sœur baptistrelle pour Dawan si elle ne prenait pas la peine d'aller voir ce dernier pour discuter avec lui, il est certain que d'avoir dû s'absenter de la compagnie de la compagnie ses frères baptistrel peinait Dawan plus, ou moins grandement, de plus Thredë comptait demander à ce dernier s'il avait besoin d'une quelconque forme d'aide, et au moins lui tenir compagnie avant son départ prochain.

Ce qu'elle savait d'ailleurs c'est que le jeune Enwr était effectivement arriver à gagner à sa manière la confiance de Fabius Kohan, ce n'était aucunement un mal car d'après ce qu'elle savait la présence du jeune Sywel était nécessaire au roi loyaliste, et surtout pour quelque chose d'autre de bien plus important. Il ne savait pas exactement ce qu'il devait faire, et elle-même ne savait pas exactement ce qu'il devait faire, mais cela ils le sauraient sans doute ensuite, et ce n'était pas vraiment sa priorité du moment.

Sa vraie priorité du moment était de retrouver le jeune Dawan. Ce dernier était visiblement sortit de la capitale humaine, elle n'avait pas besoin de lire dans son chant nom pour deviner pourquoi, rien n'était plus cher aux elfes que la nature, retrouvait un peu cet élément ne faisait aucun mal surtout après avoir encouru une certaine présence obligatoire dans un lieu clos comme une cité. Aramis pour sa part ne disait pas non plus non au fait de revoir Dawan en dehors d'un bâtiment, une chantebrise comme elle ce sentait bien moins oppressé à l'extérieur que dans un bâtiment aussi grand soit-il.

Elle se rendit donc calmement vers l'endroit où se tenait le jeuen Sywel, ce dernier visiblement se trouvait en compagnie de quelqu'un d'autre, Aramis se concentra sur le chant nom, une jeune humaine, Luna Duruisseau, la pupille de Korentin Kohan, et une amie de Dawan. Aramis se dit que ce n'était pas là une mauvaise compagnie, bien entendue Thredë était au courant de l'incident avec la jeune fille, et la possession que lui avait imposait le Néant, mais elle savait que ce n'était aucunement la faute de la jeune Luna, il était d'ailleurs heureux qu'elle est pu retrouvé son libre arbitre, et échapper aux griffes de l'esprit du vide. Après quelques autres observations pour savoir ce qu'ils étaient a peu près en train de faire pour ne pas être surprise Aramis pressa calmement le pas, le vent balayait la plaine autour de Gloria. Il était frais, mais doux, cela était très agréable en soi. Aramis qui était lié au vent se sentait bien avec cet élément surtout dans de telles conditions. C'était en soit une assez belle journée, le vent soufflait de façon indulgente, la lune pointait majestueusement dans le ciel, et les ennuis avec les deux perles de Gloria étaient terminés, ils avaient bien le droit de se reposer un peu.

Lorsqu'elle arriva presque à les voir Aramis distingua très facilement les sons d'instruments, et de chant. C'était assez beau à entendre, d'après ce qu'elle voyait, et percevait Dawan était en train d'apprendre le chant, et comment jouer un instrument à la jeune princesse des lumières. Joli surnom que cela pensa Thredë, c’était assez poétique. Et très représentatif des lumières qui dansaient autour de l'humaine, et de l'elfe. Aramis attendit courtement le moment propice, et elle se porta à leurs rencontre très calmement. Elle s'avança devant eux, attendit qu'ils lui portent sans attention avant de dire d'une voix très douce qui portait comme la brise du matin.

« Salutation jeune Sywel. Je suis heureuse de vous revoir en ce jour. Ainsi que de faire vôtre rencontre Luna Duruisseau. Je suis soulagé de voir que vous allez bien. » Elle ne demandait pas si sa présence dérangeait, elle savait bien que non. Aramis s'avança calmement, et porta un regard assez bienveillant aux deux jeunes pouces avant de s'installer à côté d'eux. Elle sortit sa lyre pour sa part, après tout ils étaient en train tout les deux de manier un instrument.

« Puis je vous être utile en quoi que ce soit ? » Acheva t-elle calmement, après tout si elle était là, autant savoir si elle pouvait être utile en quoi que ce soit, et puis ce n'était pas vraiment le moment de demander à Dawan ce qu'il avait fait depuis qu'il était là, ainsi que tout ce qui était en train de se passer, autant essayer de s'immiscer dans la discussion du jeune Enwr, et de la princesse deslumières d'une façon tout à fait naturelle, et puis la musique était une belle chose.

Dawan suivit la musique, se tut petit à petit, comme si le silence avait étreint d'un même bras la vièle et sa voix, comme s'il avait été un même rideau que l'on laissait mollement tomber sur eux. Elle jouait de mieux en mieux, ses progrès s'entendaient déjà ! Son élève était la meilleure ! Il lui rendit son sourire, cherchant à l'égaler en luminosité. De leur bonheur parurent naitre les lumières, ces lucioles que Luna faisaient danser autour d'eux. Il retira sa sphère de lumière, pour qu'ils ne soient plus éclairés que par la petite humaine. Les ombres dansaient sur les herbes et la terre, sur leurs visages. Il n'avait pas peur. La nuit ne lui avait jamais fait peur, et il trouvait cet instant fascinant. Le vent autour d'eux était doux, à en être presque muet. La chaleur de l'été les protégeait de sa morsure, ils étaient dans un cocon doux d'ombres et de notes. Luna, autour d'elle paraissait tisser un couffin de paix qui n'était pas sans apaiser l'âme de son camarade, l'apprenti baptistrel. La vie à la Cour n'était pas des plus reposantes ni des plus tendres. Merithyn l'avait envoyé confronter un monde de violence et de duperies, et ce après qu'il ait connu l'Aube Rouge. Il ignorait encore les véritables intentions du Chantefeu, pour peu qu'il eut plus qu'une intuition. Il savait juste qu'il ne pouvait décemment l'avoir poussé en ces lieux pour qu'il s'y repose. Il avait déjà tiré de sa présence ici des enseignements, mais aussi et surtout beaucoup de questionnements, de doutes. Il doutait d'être véritablement à la hauteur de cette tâche inconnue qu'on lui confiait, même s'il faisait de son mieux. De plus, son côté, disons… Naturel… Ne lui amenait pas que des réactions positives. En ces lieux, il était seul. cela ne lui déplaisait pas, ce n'était pas non plus un poids. L'absence de ceux qu'il aimait le rendait parfois nostalgique mais, pour parler franchement, il supportait bien cet état de fait. Non, le plus dur était de ne pas avoir de retour sur ses actions.
Luna l'avait emmené loin de se monde qui le tiraillait, jouait avec ses convictions et ses sentiments. Il était de retour au Domaine, où nul ne mentait, où nul ne lèverait la main sur qui que ce soit. Il s'était à nouveau assis, face à elle, observant le sol, les herbes qui paraissaient danser sous l'action conjuguée des lunes et du vent. Il les caressa du bout de sa main, cherchant à ressentir chaque brin dans cette sensation diffuse sur sa paume. La question de son amie le figea dans son mouvement. Son esprit s'agita dans tous les sens. Mais "heureusement", Luna continua, et il crut comprendre. Oh. Oui, oui, naturellement… Il murmura les quelques mots en elfique. Une première fois, naturellement, avec son accent. Une autre fois, lentement, en détachant les syllabes et les espaces. Une dernière fois, en invitant Luna à répéter, comme lui. Quand elle sut faire, il resta un instant silencieux, tête basse, avant de murmurer, pour que même les petites lunes qui les entouraient n'entendent pas

"- Je ne veux pas vivre et entendre, et vous refuser mon écoute. Si d'une chose ou d'une autre vous venez à manquer, je veux pouvoir vous la proposer, princesse des lumières. Ses doigts avaient repris leurs caresses sur la fourrure d'un bleu nocturne de leur tendre mère. "Luna, un membre de mon peuple, vous plait, n'est-ce pas ?" Il avait finalement ramené un genou contre son torse, et un bras autour de son genou. Lentement. Qui aurait eu l'idée de se dépêcher, à cette heure-ci ? La nuit était faite pour les gens lents, ceux qui n'aimaient pas vivre dans la précipitation du jour et de son emploi du temps. La nuit, rien n'était prévu, c'étaient des heures vides que tout comblait, que tout satisfaisait. Alors c'est avec une même lenteur qu'il continua: "Est-ce que… C'est bien Enetari Terendul qui a pris votre coeur, Luna ?" Une belle histoire, sans doute. En tout cas, dans la tête de Dawan, c'était très beau. La transgression de l'interdit au nom des sentiments, une transgression aussi douce que l'innocente jeunesse, aussi enflammée que les émotions, que la vie qui animait ces deux coeurs si neufs. Oui, elles étaient vraiment jolies, ensemble. Il avait encore en tête la vision des deux jeunes femmes enlacées. Une belle histoire, mais une triste histoire aussi, il le savait. Par sa nature. Pour le moment, rien ne laissait présager de cela, néanmoins. Malgré le poids dans son coeur, Dawan voulait y croire. Il voulait que la plus belle partie de l'histoire dure le plus longtemps possible. Puisqu'elle était destinée à s'écrire, puisqu'elle était mêlée à l'histoire de son amie…
"- Je puis vous parler de mon peuple si cela fait votre questionnement. En matière d'amour, Luna, je crains de ne connaitre que peu de choses. Vous risquez d'en savoir plus que moi." Son ultime phrase s'était faite dans une expiration, comme admirative. D'un vague geste de la main, circulaire, il l'invita à parler.

Ils furent interrompus, néanmoins. Il sentit la présence avant même de la voir. Un son discret, feutré, un bruit de pas qu'il reconnaissait entre mille. Aramis Thredë, la chantebrise. Un fin sourire se dessina sur les lèvres de l'Enwr. Oh, oui, elle avait promis qu'elle viendrait, c'était vrai ! Une nouvelle ancre dans cette mer sombre et inconnue. Il se releva d'un bond qui avait l'agilité de son totem, et salua la Cawr comme à son habitude. "Vous m'aviez promis de venir, pourtant je suis aussi heureux de vous voir que si vous m'en aviez fait la surprise, maitre Aramis." Il ne démentit pas qu'il allait bien. Il n'allait pas si mal, si l'on relativisait… En tout cas, à l'heure actuelle, après un long moment passé avec Luna, il se sentait même plutôt bien, malgré ses troublantes questions… Très troublantes. Et qui lui rappelaient une antique douleur, qu'il faisait de son mieux pour oublier. Il s'assit à nouveau devant son amie, incita la Cawr à se rapprocher. "Luna, voici Aramis Thredë. C'est une chantebrise. Elle fut la maitre de Merithyn Shadowsong, le Gardien." Pourquoi précisait-il cela ? Ses mains s'appuyèrent sur ses propres chevilles, qu'il serra avec force. En parlant, il n'avait pas regardé Luna. Il avait regardé une ombre, loin, vers l'horizon. "J'apprenais la vièle à Luna. Mais un cours donné par vos soin, Aramis, sera sans doute plus instructif encore pour elle. Je n'ai pas ma vièle… Mais si nous le voulons, nous pouvons également chanter ! Luna, un cours de chant t'intéresserait-il ? Nous en profiterions tous les deux !"

C’est dans un premier murmure que Luna avait prononcé les mots « Je t’aime » comme le disait Dawan en elfique. Ces mots sonnaient étranges à ses oreilles humaines et même si elle devait tout déformer au début, elle n’abandonna pas et continua de répéter ce mot d’amour jusqu’à ce que sa prononciation soit la plus exacte possible, confirmée par l’apprenti-baptistrel. C’était ses premiers mots elfiques! Une vague de fierté l’engloba. Ce n’était pas rien, non? Pour la gamine, ça lui paraissait énorme en tout cas et elle espérait que ce ne serait qu’un début d’un long apprentissage puisqu’elle ne comptait pas arrêter à « Je t’aime ». Toutefois, elle n’aurait pas voulu que ce soit d’autres mots que ceux-là. C’était la raison pour laquelle elle voulait en apprendre plus sur le peuple des elfes. Raison que Dawan avait facilement devinée…

La princesse des lumières l’avait remercié pour son aide. Elle savait qu’il était sincère et qu’elle pouvait compter sur lui. Non pas parce qu’il était sur la voie de devenir un baptistrel et que le mensonge leur était interdit, mais parce qu’il était son ami et qu’elle avait confiance en lui. D’ailleurs, elle n’aurait pas voulu demander cette aide à quiconque d’autre. Tout d’abord parce que cette histoire, son histoire, c’était quelque chose qui ne devait pas courir à toutes les oreilles sinon elle risquait de lourdes conséquences et cela s’appliquait également à l’élue de son cœur. Elle savait qu’il n’étalerait pas ce qu’elle lui confierait au grand jour. Ensuite parce qu’elle savait qu’il ne la tromperait pas dans son enseignement. Si Dawan disait que ces mots elfiques signifiaient « Je t’aime », c’est que c’est ce que ça signifiait réellement. Hors de tout doute qu’il lui jouerait un tour en lui donnant un mot qui voulait dire autre chose. Enfin, il avait été témoin du lien qui s’était créé entre les deux jeunes femmes. C’était encore un lien incertain, une relation indéfinie, mais dire qu’il n’y avait rien eu entre les deux aurait été un énorme mensonge.

Luna lui répondit par un sourire gêné lorsque l’elfe lui demanda si un membre de son peuple lui plaisait. Elle savait qu’il savait et que son questionnement n’en était pas vraiment un. Oui, elle aimait un membre de son peuple. Elle avait voulu rejeter cette hypothèse, se faire croire que son cœur se trompait et suivre les règles qui racontaient qu’une relation interraciale était inappropriée. Mais passer à deux doigts de la mort lui avait fait réaliser que la vie était trop courte pour la passer avec un masque et lui avait révélé ce qui comptait le plus pour elle. Ainsi, elle acquiesça d’un signe de tête lorsqu’il lui demanda s’il s’agissait d’Enetari Terendul. Cette dernière avait dérobé son cœur et il se mettait à battre si fort lorsqu’elle pensait à elle. Cette elfette était importante pour elle, elle souhaitait son bonheur et que ce soit avec ou sans elle. Mais si ça pouvait être avec… elle ne dirait pas non.

- Merci Dawan! Et n’hésite pas à me dire si tu n’es pas confortable à ce que je t’entraîne là-dedans. Tu sais comment c’est vu les relations interraciales… Sans parler des relations entre personnes du même sexe. Elle avait prononé ces mots en échappant un soupir. Moi, quand je la regarde, je ne vois pas une elfe… Je vois, je vois… Mais seul un sourire termina sa phrase. Que voyait-elle au juste chez l’elfette? Elle voyait une personne avec laquelle elle voulait passer la majorité son temps, rire et s’amuser comme des folles, mais aussi pleurer et lui confier tout ce qu’elle avait sur le cœur. Elle voyait d’abord et avant tout une amie, avec un petit plus, qui sait? Ça me paraît tellement compliqué… Je ne sais pas ce que je devrais faire. Tu veux bien me parler de ton peuple? Ça ne te dérange pas? Demanda-t-elle.

Luna n’avait pas remarqué la présence d’Aramis avant que cette dernière ne soit parmi les lumières. Surprise, elle s’était retournée vivement vers elle et avait instinctivement porté sa main à sa dague. Ses traits se détendirent cependant lorsqu’elle réalisa qu’il s’agissait d’une connaissance de son compagnon, mais elle fronça des sourcils en entendant son nom. Simplement Luna l’aurait moins surprise, mais sa réaction était plutôt due au « Duruisseau », nom d’emprunt qu’elle ne mentionnait pratiquement jamais. Sans un mot, son regard se promenait de son ami à cette maître Aramis dont elle ne savait pas trop quoi penser. Grâce à l’apprenti-baptistrel, les présentations furent faites en bonne et due forme et ce qu’ils faisaient fut expliqué. Un questionnement naquit dans la tête de Luna : qu’avait-elle eu le temps d’entendre de leur conversation?

- Euh… Oui, bien sûr. Répondit-elle à la proposition du cours de chant apportée par Dawan.

Sa voix avait été incertaine cependant. Elle ne savait pas trop quoi penser de la nouvelle arrivante. Elle ne se sentait pas trop à l’aise avec cette personne qu’elle ne connaissait pas. Mais c’était une amie de Dawan et par respect pour lui, elle ferait un effort.

- Enchantée de faire votre connaissance, Dame Thrëdë. Je suis, en effet, Luna… Puis-je vous demander comment vous connaissez mon nom? Lui demanda-t-elle gentiment. Elle savait que les baptistrels étaient forts pour connaître tout plein de choses chez les gens. Cependant, ses connaissances n’étaient pas très développées dans ce domaine et elle ignorait en fait presque tout ce dont ils étaient capables de faire. Comme on dit : les amis de nos amis sont nos amis. Je n’ai donc pas de raisons de me méfier de vous, n’est-ce pas? Demanda-t-elle finalement, d’une voix qui se voulait douce. Nous discutions avant votre arrivée. Qu’avez-vous entendu, au juste... ?

Visiblement Dawan semblait être très enthousiaste de la revoir, et cela n'étonnait guère Aramis, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'en éprouvait pas une certaine satisfaction, l'enthousiasme, et la jovialité du jeune Enwr étaient toujours aussi touchante, Thredë était elle aussi très contente de le revoir, après tout personne d'à peu près censé ne pouvait détestait, ou bien ignorait un elfe aussi touchant que Sywel. Celui-ci était contente à sa venue, le simple fait qu'elle soit venue le touchait, c'était très agréable, c'est dans ce genre de moment que l'on se sentait très proche de ses frères baptistrels, et cela plus que jamais.

« Je bonheur est réciproque jeune Sywel, vous revoir après tout ce temps m'est très agréable à moi aussi. » Dit-elle avec un parfait calme, et une grande bienveillance. Dans tout les cas elle ne pouvait qu'être sincère dans ses propos, elle était aussi sincère d'ailleurs de voir que Dawan était toujours en parfaite santé, après tout elle n'aurait aucunement apprécié qu'il soit arrivé quoi que ce soit de déplaisant à ce dernier, et d'ailleurs à l’invitation du jeune elfe Aramis se rapprocha paisiblement.

L'enthousiasme de Dawan était tel qu'il la présenta à sa place à la jeune humaine non loin, se référant en plus à Merithyn… Merithyn… Cela ne dérangeait aucunement Aramis qu'on fasse référence à son ancien élève, et compagnon de voyage de cette manière, mais cela lui donnait à réfléchir sur ce que devait faire Merithyn ces derniers temps… Oui celui-ci avait tellement changé en si peu de temps, elle se demanderait bien si cela serait pour le mieux, mais étrangement elle en doutait…

Mais bon ces questionnements elle les garderait pour un tout autre moment, là ses préoccupations étaient tout autre, et le jeune Sywel, et Luna en faisaient principalement partie.

Dans tout les cas Dawan racontait ce qu'il faisait avec son ami humaine, un cour de musique ? C'était une excellente idée, de même qu'un cours de chant, cela ne dérangeait absolument pas Aramis de faire part de ses connaissances musicales, elle aimait cela qui plus est.

« Cela est effectivement une bonne idée jeune Sywel, si la jeune Luna est d'accord bien entendu. » Après tout elle ne forçait personne à accepter ses cours. Elle préférait qu'ils soient écoutés de bonne grâce d'ailleurs car cela montrait que l'élève s'impliquait dans l'enseignement qu'on lui offrait

D'ailleurs la jeune Luna semblait légèrement méfiante, sans doute qu'elle ne s'était pas attendue à la venue d'Aramis, mais elle semblait d'être assez détendue suite aux quelques explications de Dawan, dans tout les cas la jeune humaine avait accepté le cour de chant ce qui était une bonne nouvelle. Aramis aurait donc deux élèves pour ce cour-ci, ils pourraient sans doute arriver à un très bon résultat avec un peu d'implication de la part de tout le monde, implication qu'elle ne doutait à aucun moment qu'elle l'aurait.

« Je connais vôtre vraie identité grâce à vôtre chant nom jeune Luna. » Aramis qui savait que c'était vague comme explications expliqua courtement ce qu'était le chant nom. « Certains baptistrels, les maître baptistrels, ou Cawr dont je fais partie peuvent percevoir le chant naturel du monde, et ses vibrations de même que celles de chaque être, ces vibrations permettent entre autre de connaître la nature même de chacun, ce qu'il est, ce qu'il a pensé, et ce qu'il a été. Je peux donc connaître tout vôtre être jeune Luna en percevant vôtre chant nom. » Elle savait que cela pouvaient être gênants pour beaucoup, mais il n'y avait pas de raison de ne pas être sincère, d'ailleurs elle ajouta au passage pour montrer que Florance n'avait pas à s'en faire.

« Je sais aussi que Luna n'est pas vôtre vrai prénom, et Duruisseau n'est pas vôtre vrai nom non plus. Mais vous préférez sans doute garder cela secret donc je ne trahirai pas vos secret cher Luna ne vous inquiétez point.Un baptistrel n'a pas le droit de mentir donc je ne vous mens pas en disant ceci. » Avant d'ajouter. « Vous n'avez aucune raison de vous méfier de moi, je n'ai aucune envie de vous nuire en quoi que ce soit jeune Luna. » Acheva t-elle d'un ton bienveillant avant de rajouter ensuite à la dernière question de la jeune femme. « Faîtes moi confiance, vos secrets sont bien gardés avec moi. » Acheva t-elle ensuite, à Luna de calculer d'elle-même ce qu'Aramis savait, ou non, dans tout les cas cette dernière en savait beaucoup sur la personne de l'humaine grâce à son chant nom.

Enfin ceci dit Aramis proposa ensuite calmement aux deux jeunes gens.

« Avant de commencer le cour de chant, y a t-il un chant donné, ou un type de chant qu'il vous siérait tout particulièrement d'apprendre ? Et sur lequel vous souhaitez particulièrement vous exercé ? » Après tout l'on pouvait avoir certaines envies musicales pour certains raisons...

Le regard de Dawan allait de Luna à Aramis, d'Aramis à Luna, sans s'attacher plus précisément à celle qui était en train de parler. Elles avaient toutes deux de jolies voix. Mais pour une fois, l'Enwr faisait attention au-delà du son, au sens. Et il fut un peu surpris d'entendre Luna s'étonner qu'Aramis connaisse son nom. C'est que lui avait l'habitude, savait vivre avec des personnes capable d'entendre son chant-nom. Il n'y faisait plus attention. Aramis pouvait très bien lui dire des choses sur lui qu'il avait oubliées, ou qu'il peinait à mettre en paroles, sans que cela le fasse sourciller. Il n'imaginait pas Luna aussi jeune… Car oui, il fallait être jeune pour mal connaitre les baptistrels, c'était bien connu ! Du coup… Quel âge pouvait avoir Luna ? Douze ans ? Dracos, il aurait juré qu'elle en avait quatorze, ou quinze… Il allait devoir revoir ce qu'il savait des âges humains. Mh… Ou non, tiens. Il ne re-verrait pas. Il fallait qu'il s'affranchisse un peu de ce concept.

Son attention se fit capter par un mouvement qu'il crut être celui d'une ombre. Un prédateur ? Ou le simple mouvement d'une des lunes dansantes ? Peu rassuré, il se mordit la lèvre, se rapprochant sans le réaliser de son humaine camarade. Etrangement, entendre le prénom de sa jeune amie le ramena à des considérations plus actuelles, il fit à nouveau attention à Aramis. Il se figea totalement, le temps d'assimiler la nouvelle. Luna Duruisseau, pas son vrai nom ? Elle lui aurait menti ? Impossible. D'autant plus que ce nom lui allait si bien ! Il était fait pour elle, ce devait être son "vrai" nom, celui que son coeur reconnaissait. L'autre nom devait être son nom de naissance.
Il tourna ses grands yeux gris vers sa lumineuse amie, sans plus faire attention à ce qui se disait autour de lui. Il la voyait désormais parée des bois du totem de ce héros qui changea son nom pour protéger les siens. Elle était Luna la guerrière à la lame pâle, sa joue devait bientôt se voir déchirée par la cicatrice d'un combat.

"- Non !"

Il prit les épaules de Luna dans ses mains, la mine paniquée. Il la voyait telle qu'elle était, sa Luna sans âge, mais trop jeune quoi qu'il arrive. Toujours trop jeune pour risquer sa vie. La peau de ses joues devait rester immaculée. La vie avait sans doute déjà été bien assez dure avec elle.

"- Luna, que faites-vous si loin d'Aigue-Royale ? N'est-ce pas là-bas que vous êtes protégée ? Luna, oh, j'aimerais que plus jamais vous ne puissiez vous blesser…" Il voulut prendre ses mains dans les siennes. La sensation de ses mains atrophiées le fit sursauter, lui qui avait l'esprit complètement accaparé par mille émotions. Ses angoisses revenaient. La peur de mal faire, celle de n'être pas là au bon moment, faillir à sa mission, affronter le regard peiné et déçu qu'il avait vu en rêve, mêlé d'or en fusion, et le reflet de sa propre défaite. Un instinct protecteur qu'il s'ignorait faisait surface. Il n'aurait pas dû agir ainsi, ce n'était pas son rôle. Pourtant, il lui semblait que Luna était, au final, comme la petite soeur humaine que le Dracos lui avait donné. Et alors ? De quel droit choisissait-il ses actions en fonction de ses affinités ? N'était-ce pas là le privilège des égoïstes tyrans que de privilégier leurs proches ?

Sa tête entre ses mains, il murmurait des "non" répétés très vite, frénétiquement, comme si ç'avait été là un geste pour se protéger. Mais finalement, c'est sur son coeur que ses mains vinrent se poser, sur son propre petit coeur, son regard perdu et effrayé sur Aramis. Elle savait. Elle pouvait l'aider. Elle était venue lui offrir son temps, il en avait besoin. Alors devant la Cawr il se présenta, baissant sobrement la tête. L'idée du cours de chant en était totalement sorti.

"- Je suis désolé, maitre Aramis." Désolé d'avoir pu se tromper, désolé d'avoir été mauvais élève, d'avoir mal appliqué ses cours, de n'être pas l'apprenti idéal. "Quand je suis arrivé ici, ils ont exécuté un homme." Et il n'avait rien fait. Cela avait été compliqué, mais il avait réussi à ne rien faire. Aramis pouvait le savoir. Son chant-nom était totalement ouvert aux Cawrs, il n'avait rien à cacher. Il serrait ses petits doigts sur sa robe. Que c'était difficile d'agir sans retour, sans quelqu'un pour lui dire s'il était dans la bonne voie !

C’était incroyable, mais à la fois tout aussi effrayant que d’être en la présence d’une personne qui sait tout de vous sans même que vous ayez à lui dire quoi que ce soit. Puisqu’Aramis était baptistrel, elle pouvait la lire comme un livre ouvert et connaître tout d’elle. Il n’y avait plus rien à cacher et elle n’avait pas besoin de se faire passer pour une autre puisqu’elle savait qui elle était au plus profond d’elle-même. Elle n’avait pas non plus d’idées préconçues à son sujet. Elle savait tout simplement tout. Même si ce n’était pas des informations de la plus grande importance, les secrets de la gamine n’existaient plus. Ainsi dérobée, Luna eut l’impression d’être nue sous le regard de la chantebrise puisqu’elle ne pouvait plus se cacher derrière une quelconque façade. C’était un sentiment étrange, particulièrement angoissant de pouvoir être jugée pour qui l’on était réellement. Malgré tout ce que la gamine avait pu faire dont elle n’était pas bien fière, le regard de l’elfe était doux et son sourire était chaleureux. Elle ne semblait pas la juger ni être en quoi que ce soit dégoûtée. C’était un sentiment bien étrange que d’être avec une baptistrel. Elle avait déjà entendu parler de ce qu’ils étaient capables de faire, mais c’était la toute première fois qu’elle en rencontrait une.

Les lumières dansaient toujours autour des trois personnages sans que l’humaine ne leur prête attention. C’était Aramis qui possédait l’entièreté de cette dernière et celle-ci put remarquer l’expression de son visage changer lorsqu’il fut mentionné que Luna Duruisseau n’était pas son vrai nom. Ses yeux s’étaient soudainement arrondis et elle avait ouvert bien grand la bouche pour protester, mais seul un long silence en ressortit. Elle écouta distraitement la suite de ses paroles comme quoi elle pouvait lui faire confiance et qu’elle ne voulait pas lui nuire.

Tournant son regard ahuri vers Dawan, elle voulut lui expliquer la situation. Son cœur s’était mis à battre plus fort sous la panique. C’était son ami et elle ne voulait pas perdre sa confiance pour une telle bêtise. Comprendrait-il que Luna n’était pas le nom sous lequel elle était née, mais que c’était celui qu’elle avait adopté et dont elle se reconnaissait maintenant? Elle avait peur qu’il lui en veuille, que ça ruine la relation qu’ils avaient et qu’il ne désirait plus la revoir.

- Laisse-moi t’expliquer! Da…! Balbutia-t-elle.

Mais la Larme de Néant fut interrompue par un apprenti-baptistrel à l’allure affolée. Suite à sa négation, il était déjà à ses côtés à prendre ses épaules. Elle le regarda avec de grands yeux, perplexe, et ne comprenait pas trop ce qu’il se passait. Était-ce parce que Luna n’était pas son nom de naissance qui le mettait dans tous ces états? En tout cas, elle n’aimait pas le voir ainsi. Elle vint poser son regard sur Aramis afin de lui demander silencieusement son aide puis ramena son attention sur son ami qui lui demandait pourquoi elle était si loin d’Aigue-Royale. Encore une fois, elle chercha à lui répondre, mais elle n’y parvint pas à le voir si désemparé et ce, encore plus lorsqu’il voulut lui prendre les mains.

- Oh Dawan! Prononça-t-elle juste après qu’il eut révélé qu’il avait assisté à une exécution.

Le ton était empreint d’affection, de compassion et de tristesse. Les bras de la fillette s’étaient immédiatement enfermés sur Dawan, ramenant son corps contre elle et le serrant fermement. Elle aurait voulu pouvoir le protéger de tous les dangers et de toutes les cruautés existant en ce monde. Elle n’avait jamais assisté à une exécution publique, mais elle pouvait s’imaginer les sentiments d’horreur et d’impuissance qu’il avait dû ressentir.

- Nous sommes là pour toi, Aramis et moi. Lâcha-t-elle d’une voix douce.

L’elfe et l’humaine étaient proches l’un de l’autre et pourtant, Luna ne trouvait pas qu’il y avait quoi que ce soit de gênant à cette proximité. Elle vint poser sa main gauche sur le derrière de sa tête, venant caresser sa chevelure blonde. Elle affectionnait particulièrement ce petit chanteur. Il était en quelque sorte son grand frère elfique.


La voix de Luna, aussi douce que possible, s’était élevée parmi les lunes dansantes et elle chantait pour Dawan. Elle chantait pour apaiser le cœur de son ami, pour le consoler et pour le rassurer. C’était une chanson qu’elle inventait au fur et à mesure, prononçant les paroles lentement telle une berceuse. Elle jeta un regard à Aramis et lui sourit. Devinerait-elle sa question silencieuse? Si elle savait aussi bien lire en elle, ne savait-elle pas ce qu’elle voulait lui demander? Voudrait-elle créer une mélodie à l'aide de sa lyre?

Visiblement Dawan encore plus que Luna semblait paniqué, et inquiété par les déclarations d'Aramis, inquiet pour son amie humaine, cela pouvait être compréhensible. Thredë elle même avait observé au chant nom que la jeune femme menait une vie tout sauf non dangereuse, elle était souvent confronté au danger, elle avait été possédé par le Néant, elle risquait sa vie contre les perles, avait défié solennellement un alayien plus fort qu'elle pour un duel futur en plus, en somme les raisons de s'inquiéter pour la santé de Luna étaient multiples. Pour sa part Aramis aussi ne pouvait qu'être inquiète quand au destin de cette humaine, et l'inquiétude de Dawan était donc de ce fait entièrement légitime.

Il est vrai que la jeune Luna avait préféré ne pas rester à Aigue Royale où elle serait pourtant en sécurité… Ceci Aramis ne pouvait que le comprendre à vrai dire même s'il aurait été préférable pour la santé de l'humaine qu'elle ne risque pas ainsi sa vie sur les chemins . Des fois l'esprit de voyage, et d'aventure était bien plus fort. Pour être une aventurière elle-même Aramis le savait fort bien. Dans tout les cas elle ne pouvait trancher vraiment dans le sens de Dawan, elle le comprenait, mais ne pourrait pas contraindre l'humaine à aller se terrer à Aigue Royale pour sa propre sécurité contre sa propre volonté. Ceci était après tout l'un des constituants essentiels d'un être que son libre arbitre. Elle respectait le choix de Luna quand à l'existence qu'elle voulait mener.

Puis Dawan fit part de ce qui lui tourmentait le cœur soudainement, il avait vu l’exécution d'un homme, il était désolé d'être un mauvais élève, alors que ce n’était aucunement cela, il n'avait pu rien faire tout simplement. Elle ne pouvait pas le blâmer de toute manière pour quelque chose qu'il n'avait pas pu empêcher, de plus le jeune Enwr se tourmentait encore une fois pour rien.

« Ne vous excusez pas jeuen Enwr. » Dit-elle fermement. « Ceci n'est pas de vôtre faute, il n'était pas de vôtre pouvoir, ni en vôtre responsabilité d'empêcher ceci. La mort de cet homme n'est en rien vôtre faute. » Et elle ne pouvait pas l'accuser de toute manière pour quelque chose qu'il n'avait pas pu empêcher.

Et visiblement la jeune Luna aussi était de cette avis, elle aussi voulait venir en aide au jeune Enwr, elle tenait à lui, cette amitié était fort touchante. Aramis était contente de voir que le jeune Sywel avait une amie de confiance en la personne de la jeune Luna, dans tout les cas Aramis était heureuse pour ces deux jeunes êtres.

« Oui nous sommes là pour toi jeune Dawan. » Il était son petit frère baptistrel après tout, et elle n'abandonnerait jamais un petit frère. Elle tâcherait de son mieux de le rassurer si cela était nécessaire. Dans tout les cas Aramis appréciait l'attention de Luna à l'encontre du jeune Enwr, et elle regarda avec bienveillance la jeune humaine qui dorlotait, et commençait à chanter pour le jeune baptistrel, devinant assez vite où voulait en venir l'humaine Aramis commença à faire jouer de ses doigts sa lyre, s'occupant de la musique elle laissa à Luna le privilège du chant. Pour sa part elle tâchait de jouer de manière harmonieuse, et belle à l'attention du jeune Sywel. Et ainsi l'humaine, et la Cawr produisaient à elle seule une magnifique mélodie avec pour but de calmer les troubles qui agitaient en cet instant l'esprit de Dawan . Après tout la musique était connue pour apaiser les mœurs.

Le petit chanteur avait eu une brusque inspiration lorsque les bras de Luna s'étaient refermés sur lui. Son esprit était encore hanté de "non" frénétiques, qu'il écartait de son mieux, mais surtout de l'image du condamné, de la flamme qui s'éteignait, et du regard que Fabius avait posé sur lui. La chaleur de l'été était une plaie. Quand viendrait Novembre et ses jours heureux ? En Novembre, Luna irait mieux. Il fallait laisser les choses se faire, et tout irait pour le mieux. Mais que c'était compliqué de se défaire de cette part de lui-même qui le poussait à chercher le soin, à veiller sur ceux qui l'entouraient. Si compliqué. Aussi compliqué qu'une exécution, et ce sang qui coulait, cette vie qui s'échappait et s'éteignait comme le jour s'éteint pour laisser place au froid nocturne, au silence. Pourtant, cette vision allait de pair avec la voix de ses Cawrs, et ces divers discours sur l'harmonie, empreints tantôt de naturel et de calme, tantôt d'un peu plus de fougue.

La voix d'Aramis lui fit réaliser les herbes à ses pieds et la pression trop accentuée de ses ongles contre la paume de sa main, alors qu'il enserrait le tissu de sa robe au niveau de son coeur. Elle glissa en lui de nouvelles idées, de nouvelles associations. Sa douleur était vaine, sa culpabilité était vaine. Même s'il ne pouvait empêcher la petite voix de l'enfant en lui de protester, toujours avec ces mêmes "non" , il accueillait les mots et leurs sens comme la neige accueille en son sein un nouveau flocon. Ils se posaient sur lui, fondaient jusqu'à se mêler à lui. L'image du condamné s'associa à une pointe de réconfort. Il avait fait un choix que, désormais, Aramis confortait. S'opposer n'était pas son rôle, l'Ordre du monde des Hommes n'était pas le sien, et il n'avait aucune légitimité à se prétendre apte à leur dicter de nouvelles règles. Enfin son esprit s'apaisait sur ce souvenir-là. Peut-être gagnerait-il quelques minutes de sommeil une nuit prochaine…

Les doigts de Luna vinrent se mêler à son épaisse tignasse blonde. Du bout des doigts de l'humaine partirent des frissons qui, courant le long de la tête de Dawan, lui parurent libérateurs. L'exécution sortit de son esprit, au moins, remplacée par la satisfaction et la détente qu'apportaient ces simples gestes. Oh, il les avait connus, jadis… Mais il était bien plus donneur que receveur, sur ce genre de choses. Et petit à petit, les êtres de ce monde étaient devenus réfractaires à l'idée de se laisser toucher, comme s'ils avaient connu trop de contacts violents pour imaginer que l'on puisse juste vouloir leur offrir quelques agréables secondes. Ô temps sombres et ère d'Obsidienne.
Il tourna un regard surpris vers Luna. Quelque chose n'était pas à sa place. Quand bien même il appréciait la sensation, ce n'était pas à lui de recevoir, non. Mais avait-il encore la place qu'il pensait avoir jusqu'alors ? À nouveau il chercha une réponse en Aramis. Il crut la lire dans les premières notes qu'elle joua, ces notes qui vinrent, à l'image de la voix de la Cawr, se glisser au sein de la voix de Luna sans la violenter, et la soutenir. Les fins doigts de l'apprenti libérèrent un peu sa robe, il détendit un peu ses épaules. Sa gorge était nouée, il se contenta d'abord d'écouter Luna, strictement immobile.
Fut un moment où Luna laissa un petit silence dans sa chanson, où seule la lyre d'Aramis occupait l'air autour d'eux. Alors, lentement, aussi délicat qu'il l'eut été avec une rose de sucre, Dawan effleura la main de Luna, pour avoir son attention.

"- La voix… Vous devez vous donner l'impression de la faire sortir de votre ventre. Elle doit vibrer, là…" Il indiqua, la frôlant à peine, la base de son cou. Puis il reprit sa chanson, avec autant d'aisance que s'il l'avait apprise par coeur, se redressant, n'ayant aucune crainte à faire s'élever sa voix. La voix du chant ne devait pas être timide, ou les notes se brisaient. Il fallait porter les mots que l'on désirait exprimer, et porter leur sens dans ces fragments de temps qu'étaient les notes. Quel écrivain se contentait de tracer des lignes sans ressentir ?
Petit à petit, il changeait le chant, venait poser sa voix en canon avec celle de Luna, sans que cela paraisse le gêner outre mesure. Lorsque l'humaine se tut à nouveau, il reprit sa main. Si on pouvait parler de prendre. C'était plutôt un faible contact. Il l'amena à lever un peu sa main, pour tourner avec elle au milieu des lunes dansantes et de la musique de la Cawr. Pouvait-on rêver environnement plus tendre ? Les "non" dans sa tête prenaient peu à peu la forme de cordes de lyre, mutaient pour devenir ses sentiments envers sa petite soeur humaine. Aramis offrait un charmant cadeau à Luna, il savait que sa blonde amie en était consciente. Son visage gardait les marques de la crainte et de la tristesse, quand bien même sa voix s'était attachée à reproduire autant que possible les accents de la princesse des lumières. Il ne pouvait forcer ses émotions.
Il lui chanta, en elfique puis en langue commune, l'espoir qu'il avait que les multiples protecteurs de Luna fassent leur office, et soient toujours présents pour elle.
Ses yeux se fermèrent. Avait-il vraiment besoin de voir ? Ses pas suivaient le rythme donné par la Cawr, Luna suffisait au reste. Les lunes dansantes lui apparaissaient comme de vagues présences lumineuses et magiques.
Il lui chanta, en langue commune, la Chantebrise. Il lui expliqua gentiment qu'elle était plus âgée que lui, qu'elle avait vu plus de choses et qu'au vu de ses multiples qualités, elle devait sans doute mieux que lui pouvoir lui parler des elfes tels que Luna désirait les connaitre, ces amants...
Il reprit ensuite la véritable chanson. Sa main se referma sur celle de Luna. Il avait une place auprès d'elle, il ne pouvait la nier, ni s'en tenir éloigné. C'était plus fort que lui. Seul un mot d'un maitre aurait su lui ôter cette pensée de la tête, lui proposer de ne pas se mêler aux mille histoires qui s'entrelaçaient autour de la princesse aux Lunes. Oh, allez, il ne s'en mêerait pas. C'était une petite place qu'il voulait. Une place faite de musique, qui s'immisçait sans heurt dans le secret de la nuit. Un secret qu'Aramis partageait. En cela, elle commençait peu à peu à en faire partie.

Les notes provenant de la lyre d’Aramis se joignirent à la voix de Luna et c’est sans gêne qu’elle chanta afin d’alléger le cœur de son ami. Elle n’aimait pas le voir en peine et espérait l’aider de tout cœur, même si elle avait l’impression de ne pas pouvoir faire grand-chose pour lui. Il aimait chanter et si ça pouvait le rendre heureux, elle chanterait. C’était aussi simple que cela. Elle lui sourit lorsqu’il lui parla de la technique pour bien chanter et elle acquiesça d’un signe de tête. Elle chanta et chanta jusqu’à prendre une petite pause où l’elfe prit la relève à son tour. Bientôt, ce fut une harmonie de voix parmi les lunes dansantes. La main de l’humaine se joignit à celle du chanteur, tandis que l’autre tenait son nouvel instrument de musique, et ses pieds suivirent le rythme de la musique. Non loin de Gloria, qui aurait cru qu’un elfe et qu’une humaine danseraient sous le regard des étoiles et d’une chantebrise.

Luna n’était pas la délicate fleur que l’on voulait qu’elle soit et elle avait toujours dit qu’elle n’aimait pas danser ni chanter. Or, elle avait menti lors de ces soirées emplies de nobles. Ce n’est pas qu’elle détestait ces activités, mais plutôt qu’elle n’aimait pas être forcée à faire quoi que ce soit et surtout pas avec des inconnus qui se pensaient meilleurs que les autres. C’était quelque chose qu’elle aimait faire avec le chanteur depuis leur première rencontre et ce serait également le cas pour les prochaines à venir.

Les chansons se suivirent les unes après les autres grâce à la mélodie créée par la Cawr. Elle écouta attentivement les histoires contenues au sein des paroles de Dawan et elle fut touchée par l’affection qu’il lui portait. Elle était heureuse de connaître cet elfe qui était devenu son ami lors d’une rencontre à un endroit des plus insolites entre les cibles de la Caverne des Héros. Elle lui souhaitait le plus grand bonheur et elle était contente qu’il soit entouré de personnes comme Aramis qui pouvaient veiller sur lui. Elle ignorait encore ce qu’elle devait penser à son sujet, mais une chose était certaine, elle ne la détestait pas. Peut-être était-ce le contraire, même?

Ils dansèrent un petit moment sans chanter et furent bercés uniquement par la musique. Si seulement tous les jours pouvaient être ainsi et qu’on pouvait se permettre d’oublier ses soucis et ne pas penser à son passé ni aux événements futurs. Malheureusement, la réalité ne le permettait pas. Profitant d’un silence de Dawan, Luna éleva sa voix, essayant de la faire vibrer comme il lui avait indiquée plus tôt. Elle commença par lui chanter qu’elle ne lui avait jamais menti et qu’elle préférait qu’on l’appelle « Luna », que c’était le nom sous lequel elle se reconnaissait désormais. Toutefois, elle lui expliqua que ce n’était pas le nom sous lequel elle était née et qu’il s’agissait plutôt de « Florence Beauchamp ». Elle ajouta qu’elle était sincèrement désolée de cette méprise et qu’elle espérait que ça ne changerait rien entre eux. Elle aurait pu raconter plus sur sa personne, mais elle s’arrêta là. Elle ne chercha pas à expliquer ce qu’elle faisait à Gloria, préférant ne pas l’inquiéter davantage qu’il ne l’était déjà. Elle ne voulait pas voir sa mine se peindre d’angoisse en lui racontant qu’elle était passée proche de la mort suite à la découverte d’une perle de Néant. Était-ce mal que de cacher certaines informations si c’était pour protéger un être que l’on appréciait?

Elle se tut et lui sourit. Après quelques minutes, la danse se termina d’elle-même et la jeune fille s’assit en tailleur sur l’herbe, face à la baptistrel, posant son violon sur le côté. D’un geste, elle invita l’Enwr à s’installer près d’elle, mais il restait libre de faire ce qu’il voulait.

- Dame Thredë ou puis-je vous appeler Aramis? Demanda-t-elle d’une voix douce. Si vous le voulez bien… Dites-moi? J’aimerais savoir… Je… Eh bien... balbutia-t-elle ne sachant pas trop comment elle devait apporter le sujet. Elle prit son courage en main. Vous savez la raison qui me pousse à vous demander tout ceci… En un mot, cette raison s’appelait « Enetari ». Je ne connais pratiquement rien concernant le peuple elfique, sur la façon dont vous vivez, pensez ou croyez… Pas plus que vos coutumes ou votre language. Que devrais-je savoir sur les elfes, moi qui ne suis qu’une simple humaine? Ajouta-t-elle ensuite. Je sais, cependant, que mes sentiments sont vrais… Que feriez-vous si vous étiez à ma place? demanda-t-elle finalement.

Voilà tant d’inquiétudes et de questionnements dans les paroles de la Larme de Néant. Parler lui parut une lourde épreuve et étonnamment plus difficile que l’idée de devoir affronter une perle. Elle ramena ses jambes contre elle, attendant la réponse de la dame, se sentant fautive de ses sentiments et d’avoir l’impression de déranger. Elle n’était pas habituée d’aller chercher de l’aide ou de demander des conseils à d’autres, mais en ces circonstances, elle ne savait pas trop vers qui elle pouvait se tourner.

Aramis se demanda quelques instants si Merithyn avait prévu cela lorsqu'il avait demandé à Dawan de rejoindre Fabius Kohan, elle se disait que le gardien avait sans doute du penser que le jeune Enwr aurait à faire à cela en partie, mais ce n'était pas sûr. Eh bien soit, mais elle ne voyait toujours pas quelle était la vraie logique dans les actes de son ancien élève, mais elle ne doutait pas qu'il y avait un but au fond. Malgré le fait que ces temps-ci ce dernier agissait de façon assez préoccupante à ses yeux… Mais bon si Dawan avait une mission à accomplir, autant essayer de le soutenir de son mieux.

Elle parla donc, et joua ensuite pour réconforter le jeune Enwr, après tout elle n'allait pas faire le travail à sa place sinon ce dernier serait venu ici pour rien, mais elle pourrait tâcher de calmer les douleurs de son âme, et surtout le faire se concentrer sur ce qui devait vraiment le préoccuper, et non le laisser se tourmenter sur des sujets qu'il ne méritait pas. A quoi bon se tourmentait avec cette exécution ? Le jeune elfe n'aurait aucunement pu l'en empêcher, il restait que oui l'expérience l'avait traumatisé cela était indéniable, mais se penser coupable de ceci ? Non ça c'était idiot de penser ainsi, il n'était pas coupable de cette chose-ci, il semblerait que pour le moment Dawan avait encore un peu de mal à prendre du recul par rapport à certains sujets. Qualité qui n'était pas donné à tout le monde de toute manière.

Enfin heureusement Dawan semblait se consacrer soudainement à d'autres préoccupations plus légères, visiblement le cour qu'il donnait à Luna recommença pour sa part. Il donna quelques conseils tout à fait judicieux à l'humaine, la chantebrise regarda ceci avec un petit sourire assez fin.

Dans tout les cas elle constata avec satisfaction que Dawan mêla très vite sa voix à leurs chants, il n'y avait que la musique décidément pour aussi bien adoucir les mœurs, et détendre les cœurs. Certes l'effet n'était ni immédiat, ni total, mais il en restait que c'était toujours mieux que se morfondre en silence, et le décor pour le gens était assez beau. Ces petits orbes de lumières dansantes rendaient somme toute le décor assez beau, et suffisait avec le chant à donner une certaine dimension poétique à tout ceci. Aramis se mit quelques instants à penser aux dernières années avant que cette avalanche de guerre, et de catastrophe n'ait lieu… Avec une certaine mélancolie, puis elle arrêta d'y penser assez vite, après tout elle n'était pas de ceux à rester accrocher aux passés, il pouvait réfléchir à son sujet, mais le présent importait plus pour elle que les événements qui avaient déjà eu lieu auparavant.

Et Dawan chantait à son sujet. Aramis naturellement écouta attentivement tout en jouant, les paroles du jeune Enwr, Aramis était contente d'être parmi eux ce soir, elle avait choisit un bon moment pour venir voir le jeune Sywell, et la jeune Luna. Aramis regarda les deux jeunes êtres danser, et la jeune Luna qui à son tour chanta. Elle s'excusa auprès de Dawan, et effaça une certaine méprise, Aramis pensa que Dawan avait de la chance d'avoir une amie comme cette jeune femme. Cette dernière était un être bon de cœur, et d'âme.

Et la danse se termina, Aramis regarda les deux jeunes êtres s'installer confortablement par la suite, et écouta attentivement les paroles de la jeune Luna.

« Comme vous le voulez ». Dit-il elle en premier pour confirmer à Luna que les deux appellations convenaient à la chantebrise. « Oui jeune Luna ? » Dit-elle ensuite, pour montrer qu'elle était attentive aux propos de la jeune humaine, et à ce qu'allait lui demander cette dernière.

« Oui. » Dit-elle ensuite, elle l'avait entrevu dans le chant nom de la jeune humaine, une raison d'ailleurs assez rare pour une humaine, mais qui restait en soit très poétique. L'humaine posa en premier lieu une question rhétorique car après tout il est vrai qu'étant une humaine comme une autre il est naturel qu'elle ne sache pas grand choses au elfes comme elle le disait d'une façon détourné, par contre la question finale de Luna amenait à elle seule à réflexion. Aramis réfléchit donc calmement à ceci puis répondit calmement, et sincèrement à la jeune Luna.

« Tout d'abord j'accepterai pleinement les sentiments que je ressent, ensuite je n'en aurait point honte, et je ne souffrirai pas de la façon dont les autres perçoivent mes émotions, et agissements à ce sujet, après tout ce seraient mes sentiments, et pas ceux des autres, ma vie et pas la leurs. Je ne ferai aucun mal à quiconque avec ceci donc il n'y aurait aucune raison de se sentir mal à ce sujet. » Déjà ça c'était pour dire qu'il n'y avait rien de honteux à tout ceci, puis Aramis conclut calmement.

« Par la suite je tâcherai de vivre ces sentiments, surtout si je pense que ceci sont réciproques, ce genre de chances je ne la laisserait pas passer, si j'étais humaine cela serait peut-être différent, mais les elfes n'aiment qu'une fois. Et il ne faut surtout pas laisser passer ce genre de chances au risque de s'en mordre les doigts que l'on soit humain, ou elfe. » Luna ferait ce qu'elle voudrait avec ces conseils désintéressés, pour sa part Aramis conclut ensuite calmement à l'égard de la jeune humaine.

« Si vous désirez d'autres conseils n'hésitez point, c'est toujours un plaisir pour moi d'offrir mon aide, et mes conseils à ceux qui en ont besoin. » Pour dire que l'humaine n'avait aucunement à se gêner si elle avait besoin d'aide, et que c'était justifié.

Il se moquait, au fond,d u véritable prénom de Luna. "Luna", c'était très bein, et cela lui allait fort bien. "Florence"... Où voyez-vous les lunes dansantes dans "Florence" , Où était l'idée de lumière, celle qu'émettait la jeune fille, sans même avoir besoin pour cela d'agir ? Où était sa douceur et sa bienveillance, son aptitude à toujours trouver le bon geste, celui qui était doux comme la lumière nocturne? "Florence". Ca ne lui allait pas. Luna, c'était mieux.
Il ne lui en voulait pas le moins du monde, elle aurait dû le deviner. Qui pouvait lui en vouloir ? Comment lui aurait-il pu lui en vouloir alors qu'elle venait d'apaiser son coeur ? La petite main de l'Enwr sera la sienne, doucement,pour le lui indiquer sans mot dire. Elle n'avait pas à avoir peur, pas de lui, pas de l'inquiéter. N'étaient-ils pas amis ? Quand bien même ils ne l'auraient pas été, était-il vraiment de ceux dont elle devait avoir peur ? Elle se mêlait à ce monde comme la pluie au fleuve. Il n'aurait jamais de reproche à lui faire, il le savait, il le savait... Et ses grands yeux gris, persuadés de cela, étaient plantés dans ceux de Luna.

Quand l'univers eut terminé cette mélodie-là, sans que l'on puisse dire si l'origine avait été le silence de Luna ou de la lyre, il regardait toujours au même endroit. Là-bas, au-delà de Gloria. Dans la nuit, tout n'était qu'ombre, et les ombres étaient les amies de l'imagination. La sienne tournait à plein régime, lui offrait tour à tour les visages des onze autres Cawrs, le laissait s'inquiéter pour eux un moment. Luna commençait à parler à Aramis... Il n'écoutait que d'une oreille, sachant déjà ce qu'elle allait dire, incapable de se mouvoir. Les ombres dansaient. Le vent... le vent faisait vivre les ombres, devenait leur sang, leur donnait le rythme. Une hésitation dans la voix de Luna. Oh, il fallait qu'il s’assoie près d'elle. C'était ce que cela voulait dire.Il le fit sans hâte, calqué sur la voix de Luna. En tailleur, à côté d'elle, il regardait la Cawr.jamais il ne l'avait vue ainsi. La lumière mouvante des lunes lui allait fort bien. Elle accentuait ses traits, mettait en évidence la mage particulière qu'elle était. Au final, et pour une fois, les images ne mentaient pas. Oh, elles restaient moins précises que la musique. Mais au moins, elle soulignaient les vraies natures de ses consoeurs: Aramis, la Cawr. Luna coeur de Lune. Qu'il aurait aimé leur ressembler, être fait de la même matière.

Il restait là, à fixer Aramis en cherchant ce qu'avaient les deux jeunes femmes en commun, lorsque la voix de la Chantebrise le sortit de ses pensées. Il eut l'impression qu'on lui présentait là une sorte de prière, sans savoir pourquoi. Les mots se répétaient en écho en lui, comme s'il avait voulu les présenter aux Esprits Supérieurs. Alors que concrètement, les Esprits, ils devaient s'en moquer royalement, de leurs sentiments. Là, ils avaient un Vraorg sur le feu, c'était assez préoccupant. Et tout en écoutant, tout en répétant mentalement, il imaginait Luna et Enetari, revoyait le souvenir qu'il avait d'elles. Les conseils d'Aramis étaient avisés. Si les jeunes femmes n'en avaient besoin maintenant, cela leur servirait sans doute plus tard. Ou à d'autres occasions. À voir... Mais il y avait autre chose. Luna voulait savoir comment aborder les elfes.. Dawan eut un instant l'air profondément troublé, ramenant ses mains près de son visage, alors qu'Aramis invitait Luna à poser d'autres questions si elle en avait.
Sa main vint en douceur effleurer le poignet de Luna, pour capter son attention.

"- Luna..."Il murmurait, mais Aramis pouvait tout de même l'entendre. C'était moins pour lui faire des secrets que parce qu'il estimait qu'il n'était pas nécessaire d'augmenter le volume. "Les elfes... N'aiment qu'une fois." Sa propre réplique parut le troubler. Il ramena sa main au niveau de ses lèvres, regardant ailleurs, les ombres. Il répéta un moment "une fois, n'aiment qu'une fois". Quelque chose l'embêtait, mais la réponse se refusait à sa conscience. "Une fois", cela lui laissait un goût étrange dans la bouche. C'était beau, il avait toujours trouvé cela beau. Mais c'était amer en même temps. Il ignorait pourquoi. Finalement, il laissa échapper un très court chant, de trois notes pas plus, pour se remettre les idées en place. Il ajouta alors, pas plus haut, sur ce même ton de confidences: "Nous avons notre propre rythme, aussi. Mais... Enetari et toi, vous paraissez déjà partager le même." Il lui offrit un nouveau sourire. Comme si, non, il n'avait pas été troublé à l'instant.

Ici, à l’extérieur de Gloria, Luna aurait très bien pu croire qu’il n’existait pas d’endroits plus calmes et plus sereins au monde. Malgré que les trois musiciens aient cessé de jouer de leur instrument et de leur voix, le vent avait pris le relais et apporta son chant en harmonie avec le feuillage des arbres qui dansait. Attendant la réponse d’Aramis, elle avait détourné son regard pour le fixer sur une sphère lumineuse qui vacillait plus loin parmi les autres. La tranquillité de l’endroit faisait pourtant contraste avec son cœur qui s’affolait tout bonnement. Pourquoi donc? Elle ne savait pas trop ce qu’il lui prenait, mais penser à Enetari lui rappelait à quel point chaque rencontre avait été un pur plaisir. Chaque geste, chaque parole et chaque lettre qu’elles s’étaient échangées, à chaque fois cela avait eu l’effet d’apaiser son cœur et en même temps, ce dernier n’en demandait que plus. Sans s’en rendre compte, un sourire s’était dessiné sur son visage. Son cœur voulait s’y lancer à vive allure et plonger dans cette aventure afin de découvrir de nouveaux horizons et ce, peu importe les conséquences qu’il y aurait. Mais elle était là, à regarder ses lunes et à se demander si c’était la bonne chose à faire. La petite lune était une humaine et son soleil était une elfette. C’était deux mondes complètement différents, deux sociétés qui n’avaient pratiquement rien en commun et même le temps était différent pour chaque peuple respectif. Pouvaient-elles s’aimer en de telles circonstances? Son cœur ne voulait pas entendre raison et sans conteste, il voulait acclamer haut et fort qu’il aimait cette Terendul au sourire narquois et au regard teinté d’amusement. Si les sentiments des adolescentes étaient réciproques, comment de temps durerait leur relation? Le souci, c’était que son temps à elle, petite humaine qu’elle était, était compté. Au maximum, elle vivrait le dixième de la longévité de l’elfe avant de devoir rejoindre l’Esprit de la Mort et ce, c’était s’il ne venait pas la chercher prématurément. Était-ce une mauvaise chose que d’être égoïste et de ne penser qu’à soi-même ou encore, d’être insouciante et de ne vouloir que se concentrer sur le moment présent?

La voix d’Aramis était douce et cristalline. Elle était calme et la gamine n’y décela aucun reproche et aucune animosité. Elle était sincère et ses paroles lui firent le plus grand bien, enlevant un poids imaginaire sur ses épaules. Elle avait raison! Si elle aimait Enetari, ça ne regardait personne d’autres! Si Enetari l’aimait également, alors leurs sentiments n’appartiendraient qu’à elles seules. Personne n’aurait le droit de les séparer. Elle ne laisserait pas leur jugement l’affecter. Elle ne laisserait personne contrôler sa vie. Si l’amour était partagé, alors elle devrait justement en profiter pleinement pour tout le temps que ça dure! Les paroles de la Chantebrise étaient imprégnées d’une grande sagesse et elles étaient attentionnées à son égard. Autant qu’une mère pour son enfant? À cette question, Luna se demanda ce qu’aurait pensé sa mère de tout cela et si elle aurait fait comme Aramis, c’est-à-dire de la pousser à suivre ce que lui disait son cœur. Mais cela, elle ne le saurait jamais malheureusement. Elle refoula une pointe de chagrin, elle était en de bonne compagnie et la nuit était trop belle pour être triste.

- Merci! Prononça-t-elle.

Elle avait parlé faiblement, mais il était inutile de hausser le ton en cet endroit. Elle sourit à la dame afin de lui signifier qu’elle était reconnaissante pour ses conseils. Elle se tut un moment, se demandant s’il y avait quelque chose d’autre qu’elle voulait lui demander. En fait, étant d’une curiosité débordante, il y avait de nombreuses informations qu’elle aurait voulu savoir, mais elle voulait commencer par la bonne.

- Hmm? Murmura-t-elle en entendant son nom.

Elle se tourna vers son ami qui était assis à ses côtés et qui ne l’avait aucunement pris d’une mauvaise façon qu’elle ne lui avait pas donné son nom de naissance. Tout semblait toujours plus simple avec Dawan. Les elfes n’aiment qu’une fois, avait-il dit. Lentement, elle acquiesça d’un signe de tête, comprenant toute la signification se cachant derrière ces mots.

- J’aime Enetari de tout mon cœur, comme jamais je n’ai aimé. Tout ce qui m’importe, tout ce que je veux, c’est de la voir sourire et de la savoir heureuse. Peu importe avec qui… Peu importe le temps qui passera… Peu importe, elle sera ma Enetari, mon soleil, mon amie. Si elle peut tirer de la joie par ma présence, je le lui accorderai volontiers. Murmura-t-elle.

La princesse des lumières était sincère. Elle aimait l’elfette à la chevelure nacrée et lui souhaitait le plus grand bonheur, que ce soit avec ou sans elle. Certes, elle préfèrerait que ce soit avec elle. Mais une chose était certaine, toutes les deux avaient énormément de plaisir lorsqu’elles étaient ensemble et au final, c’est ce qui comptait le plus.

Une idée lui ayant soudainement traversé l’esprit, la jeune fille fouilla dans son sac et ramassa un objet dans sa main. Prenant délicatement la main du Chanteur, elle posa la pierre dans la sienne et la referma en un poing.

- J’aimerais beaucoup te l’offrir, Dawan, si tu me le permets. Dit-elle doucement. Fouillant à nouveau dans son sac, elle ressortit une pierre identique à celle qu’elle venait de donner à l’elfe. C’est une pierre de communication. Ça nous permettrait de garder contact où que l’on soit. Il faut juste trouver un mot pour l’activer. Expliqua-t-elle simplement. Tu es mon ami et j’aimerais beaucoup que tu l’aies.

Elle lui sourit. Son regard se promena de Dawan et à Aramis.

- Dès mon retour à Aigue-Royale, je dirai à Enetari les sentiments que j’éprouve pour elle. Par contre, je ne voudrais pas que les autres sachent ce qu’il y a entre nous deux. Je peux compter sur vous, à tous les deux? S’assura-t-elle. C’était peut-être ses sentiments et que ça ne regardait pas les autres, mais si elle pouvait, elle préfèrerait que personne d'autre ne sache. Je pourrais peut-être lui faire une surprise. Vous voudriez m’apprendre un chant elfique ou un truc comme ça? Quelque chose de bien simple? Demanda-t-elle par la suite.

« Ce n'est rien jeune Luna. » Dit calmement Aramis avec un sourire flamboyant, elle espérait que la jeune humaine s'en tirerait bien avec ses conseils, personnellement Thredë ne lui souhaitait que du bien, il aurait été bien dur après tout d'en être autrement. C'était réjouissant de voir qu'en ces temps dur le bonheur pouvait toujours poindre tel une fleur perçant la neige de l'hiver pour se dresser fièrement comme un petit îlot de vie au milieu de la froideur. C'était beau, poétique, et surtout cela faisait plaisir à voir. Comment ne pas être heureuses pour ces deux jeunes êtres après tout ?

Dawan lui aussi semblait vouloir offrir des conseils, ou du moins venir en aide à Luna à ce sujet-ci. Aramis sourit en le voyant faire, même si elle savait bien que le jeune Enwr avait une expérience peu développé dans ce domaine-ci, cela viendrait sans doute avec le temps, mais pour le moment elle avait l'impression que Dawan ne s'était pas encore fait une grande expérience à ce sujet-ci. Mais il le savait lui aussi… les elfes n'aimaient qu'une fois… Aramis pensa d'ailleurs au fait qu'elle-même disons n'avait pas non plus une trop grande expérience dans ce domaine… Elle avait passé toute sa vie à se consacrer à sa tâche, et aux autres… Elle n'avait pas prit le temps de penser à ces choses-ci. En faîte elle s'en fichait un peu à vrai dire, ça arriverait quand ça arriverait, pas besoin d'y penser tout le temps...

Enfin tout ceci restait tout de même beau, et romantique. Un amour entre une jeune elfe, et une jeune humaine. Ce n'était pas du tout commun, mais cela sonnait très poétique en plus du fait qu'un membre des deux races aient pu ainsi s'enticher d'un autre, après si c'était une histoire récente… Rien ne disait qu'elle durerait forcément dans le temps, mais cela qui vivra verra.

Ils étaient bien beau ici. A discuter de choses aussi douces dans une ambiance aussi paisible, les malheurs du continent semblaient soudain avoir disparu pour ces trois êtres. Dont Aramis qui pensait déjà aux lendemains qui chantent, elle ne perdait pas espoir en un avenir meilleur, que ce soit pour elle, pour Dawan, ou pour Luna, et Enetari. On en venait presque à se demander quelle était la cause de tout ces malheurs, sans accuser quelqu'un pour autant, mais en y réfléchissant bien la réponse à ce questionnement était tout sauf simple, ou évidente.

« Enetari a de la chance de vous avoir. » Dit calmement Aramis en écoutant Luna qui exprimait ses sentiments, et ses émotions par des paroles touchantes, son amour envers la jeune elfe ne faisait absolument aucun doute. Elle ne pouvait qu'être d'accord avec ceci, elle avait vu des amours égoïstes, ou non réciproque, et celui-ci avait tout l'air d'être sincère, et d'émaner des deux côtés. Elle ne savait pas ce que le destin réservait à Luna à l'avenir, mais elle ne doutait pas que cette dernière trouverait sa voie, et avec de la chance ce serait au côté de la jeune Terendull.

Elle regarda ensuite calmement Luna, et Dawan alors que la jeune humaine faisait un témoignage d'amitié au jeune elfe. Elle en venait presque à oublier ses propres soucis pendant quelques instants en les voyant faire… L'insouciance de la jeunesse émanait de ces deux êtres, et ce genre de spectacle était touchant à contempler.

« Oui jeune Luna. Vous pouvez comptez sur moi. Je vous souhaite bonne continuation avec la jeune Enetari. » Pour sa part il était certain qu'elle allait tenir sa parole après tout la promesse d'un baptistrel… Il n'y avait rien de plus sacré en cette terre.

« Un chant elfique... » Dit calmement Aramis en y réfléchissant courtement avant de faire une proposition à la jeune Luna. « L'ode à Thanïlle. C'est une ode dédié à une étoile protectrice des jeunes amoureux de mon peuple. Elle est chanté en sérénade à l'élue de son cœur. Je pense que ce serait un chant qu'Enetari appréciera beaucoup d'entendre. » Aramis ajouta ensuite avant de laisser Luna faire son choix. « Si cela vous convient je vous propose de vous confier une copie de ce chant pour que vous puissiez l'apprendre par cœur, et de le chanter un peu en cet instant pour vous entraîner. » Elle rapprocha à nouveau ses doigts de sa lyre avant d'achever aimablement. « Je vais d'ailleurs vous en faire une petite démonstration. Vous me direz ce que vous en pensez. » Ceci dit, ceci fait. Elle s'appliqua de son mieux à jouer de cette douce ode.

Dawan observait Luna, sans vraiment la voir, souriant doucement, sans vraiment être particulièrement heureux. Mais Luna avait quelque chose qui résonnait en lui d'une étrange façon, l'empêchait de se plonger dans de plus sombres sentiments. A moins que ce ne soit là le fruit de ses propres efforts, mais il en doutait. Cela n'aurait pas été aussi simple sans elle. Le sourire était plus facile à faire devant elle. Ce quelque chose qui maintenait les humains en vie était comme renforcé par sa présence. Qu'avait-elle trouvé ? Quel était son secret pour donner ce que chacun avait de plus précieux ? Etait-ce ce don qu'elle faisait d'elle, sans même espérer de retour ? Non, Dawan savait le faire aussi, même si sans doute de façon différente. Il y avait quelque chose dans ces grands yeux bleus... Et dans sa voix, bon sang ! S'il tendait l'oreille, peut-être qu'il le percevrait...
Que les humains avaient l'air particuliers, tout de même ! Dawan était persuadé qu'ils aimaient d'une façon différente des elfes. Oh pas seulement dans la quantité... Dans la façon de faire, aussi. Mais ce n'était sans doute pas dû qu'à leur espèce. Il s'agissait sans doute là des multiples différences entre les individus. Âmes, esprits et corps n'étaient à nul autre pareil. Leurs combinaisons créaient d'autant plus de différences. Chacun était unique. Rien d'étonnant à ce que Luna ait une façon à elle de le faire, pleine de force et de générosité. Des images assaillaient l'esprit du petit Dawan, lequel essayait de les détourner. Non, il ne le penserait pas. Ce n'était pas lui, et ce n'était pas permis. Luna avait accès à un monde infini, un océan de bonheur bien légitime, qu'elle bercerait de sa lumière. Elle était aimée, et appréciée. Elle n'avait pas son souci, celui qu'il savait. Celui qui faisait qu'on le regardait parfois étrangement. Et si c'était cela, son secret ? Oh, non...

Une lance de tristesse avait transpercé son coeur. Par chance, ce fut le moment que choisit Luna pour mettre au creux de sa main la pierre de communication. L'Enwr en resta interdit, observant son propre poing fermé sur cet objet, couleur yeux de Luna. Il le connaissait, il avait déjà demandé à Aldaron ce que c'était. Il se souvenait du grand pouvoir de ce petit caillou, et de son prix qui le rendait hors de portée du petit Enwr. Il avait simplement fait une croix dessus. Ce que Luna lui offrait là, c'était atteindre ce qui avait été inaccessible, et être proche de sa source de lumière favorite même quand les ombres décidaient de les séparer. C'était quelque chose non pas de cher, mais de précieux. Un cadeau inestimable, qui faisait trembler ses doigts d'humble apprenti. Elle l'avait offert, à lui... Etait-ce là une erreur ? Est-ce que cela n'aurait pas dû être Enetari, la destinataire du présent ? Dans tous les cas, c'était à lui que Luna avait pensé. Si une part de ce monde lui demeurait inaccessible, il y avait des gens autour de lui, des êtres dont la bonté naturelle avait été entretenue, qui étaient prêts à l'aider à atteindre ce qui aurait dû rester hors de sa portée. Luna lui offrait une amitié comme jamais il n'en avait eue.
Il serrait la petite pierre contre lui, désormais. Tête basse, les yeux clos, ses lèvres tiquant un peu, alors qu'il tentait de ne pas sourire ou bouder. Ils étaient merveilleux. Ils étaient puissants, et bons, et il avait une chance inouïe de les compter dans son entourage. Sans eux, comment pourrait-il avoir le sentiment que vivre valait la peine ? Il n'entendit pas la suite du dialogue. Il était occupé à aimer le continent tout entier, et surtout, les êtres qui l'habitaient. Son coeur blessé se voyait à nouveau abreuvé d'un amour qui jamais ne le trahirait, et qui s'offrait sans pouvoir être reçu. Il n'était pas moins triste, mais quelque chose de nouveau le portait.


Il fallut la voix de la Chanteciel pour le sortir de son espèce de transe. Il revint dans ce monde de clairs-obscurs, auprès de sa source et de sa guide. Il entendit l'ôde à Thanïlle. Les jeunes amoureux... Il fallait qu'il offre le chant à Luna. Sans souffrir: ce n'était pas la douleur qu'il devait lui apporter, mais la même bienveillance que l'étoile offrait aux elfes. Il reconnut peu à peu les paroles. Sa voix s'ajouta petit à petit à celle de la Cawr. D'abord chant sans paroles, sans même qu'il ouvre la bouche. Chant très bas, tout juste audible à Luna. Quand il se sentit accordé par rapport à elle, il augmenta peu à peu le volume de sa voix. Bientôt, quelques mots lui échappèrent, puis les phrases. Il se leva, à son rythme, la pierre toujours serrée contre son coeur, sans regarder personne, bien que tous les enseignements indiquaient de lever la tête pour chanter. Quand il le fit, son regard se tourna vers Aramis, cette Aramis qui le guidait sur les sentiers qui devaient l'accueillir, Cawr du vent sans fin et la voix infaillible, et forte. Il avait dans les yeux une étincelle un peu effrayante, mélange de tristesse, joie, et admiration. Il chantait en duo avec elle. Mais sa voix n'avait rien de ce que l'on attendait habituellement de cette ôde. Pas les légers tressaillements des émotions, de la passion cachée puis délivrée, de la tendresse et de la douceur. Il avait quelque chose d'un peu plus lointain, onirique. Sa voix était celle du rêve, flou, improbable, à la logique incertaine et aux mille possibilités. Rien n'était plus sûr, en ce monde.

Quand le chant cessa enfin, comme l'eau qui cesse de s'écouler de la clepsydre, il gardait ce regard, toujours fixe, sur sa Cawr. On aurait dit que d'elle il attendait une réponse, ou une indication. Peut-être un avis sur son chant ? Il lui offrit son fin sourire habituel. "Je me chargerai d'offrir une copie du chant à Luna. Cela me permettra également de lui apprendre à lire une partition, si elle ne le sait déjà." Son regard revint sur la pierre, contre son coeur. Sans regarder Luna, n'osant pas lui découvrir ce qui l'habitait, il lui demanda: "Source. Ce serait un beau mot, pour cette pierre... Ne le pensez-vous pas, Luna ?" Il écarta légèrement la pierre de son coeur, plongea enfin son regard dans ce ciel cristalisé. "Il est encore temps, si vous préférez l'offrir à l'élue de votre coeur. Êtes-vous sûre de votre choix ? Êtes-vous sûre de vouloir me l'offrir... à moi ?"

La voix de la Chantebrise s’était alors élevée parmi les lunes dansantes et Luna ne put qu’en rester bouche-bée. Elle aurait voulu prononcer un seul mot qu’elle n’y serait pas parvenue. Qu’est-ce que sa voix était belle et mélodieuse! Comment était-ce seulement possible de chanter d’une façon aussi harmonieuse. La gamine ne put s’empêcher de l’envier puisque sa voix à elle ne ressemblait à rien du tout et qu’il était inéluctable qu’elle fausse entre deux séries de notes, ce qui n’était définitivement pas son cas. Elle ne connaissait ni l’air de la chanson ni les paroles, mais elle était certaine que ça ne pouvait pas être moins bien que la perfection. Le sentiment d’envie fit rapidement place à la joie lorsqu’elle réalisa qu’il était idiot de penser ainsi et qu’elle était des plus chanceuses d’assister à ce spectacle. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par la mélodie, et se concentra sur les mots elfiques qu’elle ne comprenait pas.

Mais qu’était-ce que l'ode à Thanïlle? Elle ne comprenait rien du tout de ce que prononçait Aramis et tout ce qu’elle pouvait faire était de laisser place à son imagination et de se créer une histoire avec le peu d’informations qu’elle avait. Thanïlle était le nom d’une étoile qui veillait sur de jeunes amoureux et qui les protégeait. Cela s’appliquait-il seulement au peuple elfique ou cet astre veillait également au bien-être des humains dont le cœur avait également été dérobé ou encore, à celui d’une petite humaine qui aimait un être des forêts? Elle se surprit à lever le regard au ciel et à lui demander sa bénédiction et à bien vouloir les protéger pendant tout le temps que ça durerait. La sérénade était très belle et elle le devint encore plus lorsque Dawan mêla sa voix à celle de la baptistrel. Est-ce qu’Enetari serait touchée si la princesse des lumières lui chantait une telle chanson? Connaissant son humeur taquine, elle sauterait probablement sur l’occasion pour se moquer. Dans le pire des cas, elle aurait la joie d’entendre son rire cristallin et de voir l’amusement dans son regard, ce n’était pas si mal, non? Peut-être réussirait-elle même à la surprendre lorsque l’elfette réaliserait que l’humaine était capable de prononcer des mots en elfique? Peu importe, pour Luna, ça valait la peine de tester et elle voulait apprendre ce chant elfique pour elle-même d’abord et avant tout.

- Wow! Laissa-t-elle échapper. C’est incroyable! Ajouta-t-elle, impressionnée.

Le chant s’était arrêté malgré son désir de continuer à l’entendre. C’était tellement beau à ses oreilles!

- Vous chantez tellement bien, tous les deux! Je n’ai absolument rien compris à l’ode de Thanïlle cependant… avoua-t-elle. Mais je veux l’apprendre! Définitivement…! Et la chanter à Enetari. Je ne sais pas si c’est son genre de truc… Mais je veux la surprendre avec un chant elfique. Poursuivit-elle. Je veux chanter l'ode à Thanïlle, tout simplement. Ça me ferait grand plaisir que d’avoir la copie du chant… avec sa traduction, si vous le voulez bien.

Son regard se posa sur Dawan et la jeune fille lui sourit.

- Source? Oui, ça lui va bien je trouve. C'est une bonne idée. Dit-elle doucement.

Lorsqu’il éloigna la pierre de son cœur et énonça ses inquiétudes, la princesse acquiesça lentement d’un signe de tête. Elle entoura la main du Chanteur avec la sienne et la ramena délicatement vers lui. Durant tout ce temps, elle n’avait brisé le lien qui unissait leur regard.

- Je suis certaine de vouloir te l’offrir à toi, mon ami, et j’y tiens. Peu importe la distance, on pourra rester en contact. N’hésite pas à l’utiliser. On pourra même jouer de la musique et chanter à distance, si tu veux. On pourra parler de tout et de rien. Lui dit-elle. Son sourire n’avait toujours pas quitté ses lèvres. Ne te fais pas de soucis. Je peux déjà communiquer avec Enetari à l’aide de son oiseau, ce qui n’est pas mon cas avec toi.

Luna était sincère et elle voulait que Dawan ait cette pierre afin qu’ils puissent rester en contact quoiqu’il arrive. Certes, elle ignorait que dans quelques mois Vraorg viendrait tout chambouler et qu’écrire à l’élu de son cœur deviendrait impossible, mais cela elle ne pouvait pas prévoir. Et même si elle l’avait su, elle n’aurait pas changé d’avis, car Dawan était important pour elle.

Il était comme toujours appréciable de constater que le jeune Dawan sut sortir du marasme émotionnel qu'était son esprit en cet instant pour s'apaiser, et venir participer au chant, la musique était si efficace pour apaiser les mœurs après tout, pour sa part Aramis accueillit avec bienveillance la voix du jeune Enwr qui voulut l'accompagner dans le chant. Ce dernier avait certes un ton différent de celui normalement utilisé pour employer ce chant, mais il restait tout aussi beau à sa façon, et avait une interprétation somme toute assez intéressantes. Au final l'amour n'était-il pas aussi un grand mystère en plus d'être passion ? A la fois aigre-doux, indompté, et désiré. Il n'y avait pas beaucoup d'émotions qui pouvaient se comparer à l'amour, et ce dernier faisait partie des concepts les plus complexes de ce monde, des millénaires d'existences pour chaque peuple, et aucun ne pouvait prétendre sincèrement avoir percé tout les secrets de ce si beau sentiment.

Et le chant s'acheva telle la brise qui s'apaise après avoir fortement soufflé sur la plaine, la brise de la passion, et du doux sentiment. Aramis resta pensif quelques instants, et jeta un regard tour à tour à Luna, et Dawan . Ce dernier émit un fin sourire, et propose quelque chose de fort sensé. « Faîtes donc jeune Enwr, c'est une excellente idée. » Puis elle conversa par la suite avec la jeune humaine.

« Heureuse que le chant soit à vôtre goût jeune Luna. » Dit calmement Aramis avec un fin sourire à l'égard de cette dernière. Même si elle était habitué au fait que ses chants soient appréciés, il était normal de se réjouir du fait qu'ils aient été bien exécutes, ne serait-ce que pour la beauté de l'art.

« Il n'y a aucun mal à cela, l'elfique n'est pas une langue très répandue en dehors de mon peuple après tout... » Il était normal que Luna ne comprenne rien au chant, Enetari par contre elle comprendrait, mais il ne serait en rien un mal qu'un jour Luna puisse comprendre un jour ce chant, et si possible l'elfique.

« Et ce sera avec joie que je vous aiderez à mener ce projet à bien. » Dit calmement Aramis avant de rajouter par la suite aimablement. « Bien entendu, pendant que le jeune Sywell s'occupe de vous donner la copie du chant je me charge de la traduction de ce dernier. » Après tout elle pouvait facilement le faire en parallèle, pour sa part elle n'avait aucun mal à passer de l'elfique au commun au prix d'un petit effort de concentration.

Elle laissa ensuite Dawan, et Luna discourir sur la fameuse pierre de communication, un très beau cadeau de la part de la jeune humaine, cela démontrait bien que Dawan comptait beaucoup pour elle. Pour sa part elle réfléchissait calmement puis concentra à nouveau son entière attention sur l'instant présent. Ils étaient mignons à parler ainsi de ce genre de chose, pour sa part elle espéra pour eux que cela puisse tirer malgré les sombres événements qui agitaient tout le continent, une aussi belle parcelle de bonheur devait savoir perdurer après tout.

« Jeune Luna, vu que nous sommes occuper avec ce chant, peut-être voudriez vous que je vous aide à bien intégrer la prononciation de l'elfique quand vous le chanterez ? » Ce serait déjà ça car après tout l'elfique était loin d'être une langue simple, et si Aramis pouvait un peu aider l'humaine de façon à ce que le chant soit fluide elle ne dirait pas non.

Elle jeta ensuite un regard aux mains de l'humaine, et remarqua que l'une d'entre-elle manquait de plusieurs doigts… Aramis après une courte réflexion, et un regard attentif proposa calmement.

« Vous savez… Étant une baptistrelle je suis en mesure de rendre à quelqu'un un bras qu'il a perdu… Si vous le désirez je pourrai faire en sorte que vous ayez à nouveau vos 5 doigts, enfin si cela vous convient. » Ce n'était qu'une proposition de sa part, mais si cela pouvait rendre service à la jeune amoureuse elle ne dirait pas non.

Il avait sa petite place au palais des humains où il avait pu entasser un peu de papier, un peu d'encre, et quelques plumes, les siennes ayant toujours tendance à mystérieusement disparaitre. Il avait écrit, un peu durant son séjour ici. Ses notes concernant ses jours auprès de Fabius Kohan et des Éphémères étaient coincées au milieu des livres qu'il avait achetés ici, qu'il comptait bien ramener auprès de ses maitres, si l'occasion lui était donnée. Il se voyait déjà, dans ces appartements-là, poser sa feuille contre le sol -c'était plus confortable que le bureau, et personne ne le verrait-, et chantonner très lentement cette ôde assez longue. Elle lui prendrait plusieurs feuilles, même en condensant son écriture. Il ne faudrait pas trop condenser, où Luna n'arriverait pas à lire. C'était déjà une chance qu'elle le sache… Même si cela n'avait rien de surprenant. Elle était la protégée de Korentin. La protégée, la protégée… Il espérait qu'elle l'était bien, protégée. Si loin d'Aigue-Royale.
Il fallut la main de la lumineuse humaine sur la sienne pour le ramener en ce monde. Son regard quitta les étoiles du ciel pour observer leur représentante terrestre. Désormais, sourire était devenu un réflexe lorsqu'elle lui parlait. Son geste le toucha particulièrement. Son ami… Il n'imaginait pas qu'il puisse l'être à ce point, pour elle. Il avait imaginé que, telle qu'elle était, elle n'avait aucun souci à se faire d'amis, et qu'en conséquence elle en avait de bien plus proches que lui. Mais s'il était aussi important à ses yeux qu'elle aux siens… Oh, la belle histoire que c'était là ! Il était un petit elfe chanceux d'avoir accès à tout cela. Il n'avait osé y croire, imaginant qu'elle se fourvoyait et désirait offrir la pierre à Enetari. Mais non, c'était bien pour lui ! Il avait hâte d'utiliser cette pierre, voir en personne ses effets… C'était une Luna de poche ! Il la chérirait et en prendrait soin. Source. Il puiserait dans la source sans compter, espérant alimenter cette dernier plutôt que l'épuiser.

L'Enwr était en extase devant la pierre de communication, qu'il fixait désormais avec un sourire béa. Il n'entendit guère plus ce qui se disait autour de lui. Il savait que Luna était heureuse et enthousiaste, que lui-même était sur un nuage, qu'Aramis… Etrange, c'était plus compliqué. Il arrivait à percevoir qu'elle était de bienveillance envers eux, comme envers deux enfants, frère et soeur, jouant ensemble. Mais il ne parvenait pas à saisir quoi que ce soit de plus personnel concernant la chantebrise, comme si les voies vers son esprit lui étaient encore inaccessibles. Ce qui était à la fois dommage, et surprenant. Il avait passé plus de temps avec elle qu'avec Luna…
Il tourna la tête à droite, à gauche, mais sans vraiment regarder. Il cherchait, mais sans savoir vraiment s'y prendre, des indices, quelque chose qui l'aurait aiguillé. Il ne trouva rien. Mais de toutes façons, cela n'avait plus d'importance. Un frisson l'avait pris. Son attention partit directement vers ledit frisson, et il jeta un coup d'oeil inquiet tout autour de lui. Quelque chose. Comme le sentiment qu'ils n'étaient pas seuls.

Mais ce n'était sans doute qu'une impression. Il s'assit entre Aramis et Luna, sans les regarder, sa pierre de communication contre son coeur, mais les oreilles au aguets.

- Bien sûr! J’aimerais beaucoup que vous m’aidiez avec la prononciation! Prononça Luna d’une voix qui dévoilait tout l’intérêt qu’elle portait sur cet apprentissage.

C’était le début d’un long apprentissage pour la jeune fille et ça n’allait pas être facile du tout. Mais c’était quelque chose qui lui tenait à cœur et elle voulait mettre tout l’effort ainsi que le temps nécessaire pour y parvenir. Elle savait bien qu’apprendre un nouveau langage, et aussi complexe qu’était celui des elfes, allait être difficile. Toutefois, elle avait de l’aide pour réussir à atteindre son but et la motivation ne manquait certainement pas! Peu importe le temps que ça allait prendre, elle finirait par y arriver et lorsque Luna avait une idée en tête, il devenait pratiquement impossible de l’en dissuader.

Elle profita de ce moment tranquille afin de ranger sa vièle dans son étui et s’assurer ainsi qu’elle serait protégée des potentiels dangers et de sa maladresse. Elle y tenait énormément et elle en aurait le cœur brisé s’il lui arrivait quoi que ce soit. Fermant l’étui, la princesse des lumières croisa le regard de la baptistrel et lui sourit gentiment. Elle n’avait même pas fait le lien que c’était ses doigts manquants qui avaient attiré son attention. Avec le temps, elle avait fini par ne plus être affectée par ce genre de gestes.

Il ne fallut pas plus d’une seconde suite à la proposition de la chantebrise pour que les yeux de la gamine deviennent de grands ronds azurés. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Bien sûr qu’elle avait entendu que les baptistrels étaient dotés de dons grandioses, mais elle ne s’était pas arrêtée à penser qu’ils pouvaient faire cela. Elle s’était tellement habituée à sa main atrophiée qu’elle avait fini par s'y faire. Elle-même n’aurait pas eu la pensée de demander cela à la dame.

- Sérieusement?! S’écria-t-elle, joyeusement surprise.

De tout l’univers, il n’existait pas d’étoiles plus brillantes que celles qui scintillaient dans le regard de Luna en cet instant. Certes, elle avait fini par s’habituer à compenser pour sa main atrophiée, mais la pensée de retrouver l’usage de tous ses doigts l’emplissait de bonheur.

Bondissant sur ses pieds, elle jeta un coup d’œil à Dawan. Si la fatigue avait commencé à prendre possession de l’esprit de la jeune fille, elle s’était complètement dissipée. Cette bonne nouvelle lui avait donné un regain d’énergie.

- Dawan! Tu as entendu? Je vais retrouver mes doigts! S’exclama-t-elle, lui montrant ses paumes.

La joie était perceptible dans sa voix. Si elle ne s’était pas retenue, elle se serait probablement mise à courir partout, à chanter haut et fort son bonheur et aurait entraîné Dawan dans un pas de danse. Mais ce n’était pas le moment pour tout cela. Elle se retourna vers Aramis et posa son regard émerveillé sur elle. Toute son attention était posée sur elle et seulement elle. S’il y avait quelque chose en dehors des lunes dansantes, elle ne le remarqua pas.

- On fait ça quand, là? Demanda-t-elle. La seule réponse qu’elle espérait que la dame prononcerait était « maintenant ». Comment ça fonctionne…? Je dois faire quelque chose? S’enquit-elle ensuite.

Ce qui était certain c’était qu’il n’était plus possible de revenir sur ses paroles sans briser le cœur de la petite lune.

Dawan semblait tout à fait heureux de posséder la pierre au point qu'il était devenu tout à coup assez calme, Aramis regarda le jeune Enwr faire avec une certaine bienveillance. Il avait de la chance d'avoir une amie telle que Luna pensa t-elle, en espérant que les années ne brisent pas leurs amitié qui n'en était qu'a ses balbutiements, enfin dans tout les cas. Une pierre de communication restait un très beau cadeau, très généreux à vrai dire. Ce n'était pas quelque chose que tout le monde pouvait avoir, c'est l'intention qui compte oui, mais cela démontrait aussi bien à quel point la jeune femme se fichait du prix à payer pour faire plaisir à son ami. C'était beau.

Enfin sinon la jeune Luna bien évidemment était fort intéressé par le fait d'entraîner sa prononciation, ce serait avec joie qu'Aamis l'aiderait à s'améliorer, après tout l'elfe adorait le fait d'instruire, et de partager son savoir. « Je tâcherai de faire de mon mieux. » Dit calmement Aramis, et elle savait que ce serait sans doute assez efficace, elle avait déjà enseigner l'elfique, et l'art de bien le prononcer auparavant, ce n'était donc pas sa première fois, et puis elle avait toujours été une bonne enseignante, elle espérait bien que Luna tira beaucoup de son enseignement donc.

Enfin ce ne serait ni facile, ni rapide. C'était effectivement quelque chose qui nécessiterait du temps, mais en même temps. Une partie du mérite de ce genre de savoir, c'est le temps que l'on a passé à l'acquérir. Le savoir, et la connaissance sont des trésors, et comme tout trésors ils méritent qu'on y consacre un certaine effort. Un trésor que chacun pouvait se construire dans sa mesure, et vertueux en soit. Et il était tout aussi vertueux en soit d'aider les autres à parfaire leurs savoirs, et leurs connaissances.

Mais avant de commencer ce genre de leçon Aramis fit une autre proposition à la jeune Luna. Une proposition qui visiblement étonna cette dernière, probablement qu'elle ne s'était pas attendu à ceci. Eh bien la surprise serait d'autant plus agréable pour elle pensa Aramis avec un sourire. Il n'est jamais facile de vivre après tout avec un membre en moins même si ce ne sont que des doigts, et même si Luna s'y était habitué elle devait des fois rencontraient quelques gênes dans sa vie quotidienne, gêne qui pouvaient disparaître avec son handicap si Aramis l'aidait à ceci.

« Le plus sérieusement du monde. » Dit Aramis avec un sourire aimable, et avec un grand calme.

Voir la jeune humaine aussi heureuse à cette idée avait de quoi réjouir, Aramis était contente de pouvoir ainsi lui rendre service. Il ne faisait aucun doute qu'elle rendrait ainsi un grand service à la jeune Lucie. La jeune Luna respirait tellement la joie, et la bonne humeur que cela en été communicatif. Enfin de toute manière Arami se préparait déjà à ce qu'elle allait faire pour soigner Luna. Elle l'avait déjà fait auparavant, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus compliquer avec le chant nom, mais mieux valait s'y appliquer après tout il serait bête de faire une erreur pour ceci.

Puis la jeune Luna revint tourné son attention vers Aramis, irradiant de bonheur elle lui demanda quand la chantebrise comptait faire ainsi.

« Nous faisons cela quand vous le souhaitez, maintenant par exemple . » Commença calmement Aramis avant de poursuivre. « Non rien de particulier à part vous tenir calmement assise que je puisse procéder dans le calme. » Finit-elle ensuite, elle comprenait que Luna puisse avoir certains questionnements en têtes, qui n'en aurait pas eu à sa place ? « Si cela ne vous dérange donc pas je vous propose que nous fassions cela avant de commencer vôtre leçon. » Dit calmement Aramis, voyant que Luna était bien assisse la chantebrise entonna dans son chant pour agir par son intermédiaire sur l'humaine. On vit les doigts se reformer peu à peu magiquement, que ce soit les os, les muscles, et la peau autour. Pendant ce temps Aramis était pleinement concentré, et quand ce fut finit la chantebrise attendit calmement que la jeune humaine puisse profiter pleinement de ce qu'elle avait récupérer avant de lui demander avec sérénité.

« Alors ? » Pour savoir aussi s'il pouvait y avoir un souci quelconque, après tout c'était quelque chose de récupérer un bout de son être depuis longtemps, il fallait souvent un certain temps pour pouvoir à nouveau en user pleinement entre autre.

La joie de Luna était palpable face à la nouvelle. Elle ne pouvait toujours pas en croire ses oreilles. Or, les batistrels ne pouvaient pas mentir sans perdre leurs pouvoirs. Cela signifiait qu’il s’agissait que de la stricte vérité. Elle allait retrouver ses doigts et ses mains allaient redevenir normales comme elles étaient avant l’incident. L’idée avait été implantée dans son esprit et il était maintenant impossible de l’en soutirer. Elle était impatiente qu’Aramis fasse ce qu’elle lui avait promis.

- Maintenant? Vraiment?! On peut faire ça maintenant…? S’exclama-t-elle d’une voix des plus joyeuses. Oh! Ce serait tellement génial!

Agitée, la jeune fille tâcha cependant d’essayer de retrouver son calme et de suivre les instructions que lui donnait la baptistrel. Ainsi, elle s’assit en tailleur et ferma les yeux. Elle prit de grandes respirations et se concentra sur ces dernières. Petit à petit, son cœur reprit un rythme plus normal malgré toute l’anxiété entourant cette situation. Elle n’avait aucune idée comment se déroulait ce genre d’événements et dans son empressement, elle n’avait pas pris la peine poser des questions. Maintenant que la voix d’Aramis s’élevait parmi les lunes dansantes, la Larme de Néant se les demandait. Combien de temps cela prendrait-il? Serait-ce douloureux? Devait-elle s’attendre à quelque chose en particulier? Qu’arriverait-il si la chantebrise était interrompue en plein milieu de son œuvre? Serait-elle en mesure d’utiliser ses « nouveaux » doigts immédiatement ou y avait-il un moment d’adaptation? Mais les questions attendraient. Il était trop tard pour les poser et risquer de briser la concentration de la dame. Elle découvrirait le tout par elle-même.

Le travail débuta…

N’osant pas ouvrir les yeux, la princesse des lumières se concentra sur la voix de la baptistrel ainsi que sur sa propre respiration. Au début, ce ne fut qu’un picotement au bout de sa main droite comme si celle-ci vibrait au son de la voix d’Aramis. C’était dérangeant, mais pas désagréable pour autant et ce n’était pas bien différent qu’avoir des fourmillements parce qu’on était resté assis d’une mauvaise façon trop longtemps. Une sensation de brûlure remplaça par la suite les picotements et elle s’étendit tout le long de son bras. Elle fronça les sourcils face à cette sensation qui devenait de plus en plus prononcée et de plus en plus désagréable. Sa respiration se fit plus rapide et elle chercha à se concentrer sur le chant qui était prononcé afin d’en oublier sa douleur.




La jeune femme étouffa un premier gémissement tandis que la douleur se faisait plus lancinante et elle serra des dents. On pouvait doucement commencer à voir les effets du chant. Les moignons de sa main se défaisaient pour laisser la place aux doigts qui s’y logeraient. Un choc électrique parcourut son membre et elle grimaça de douleur. Elle avait mal, mais c’était encore soutenable. Elle pouvait se consoler en se disant qu’elle avait déjà vécu pire.




La jeune fille parvint à rester confiante jusqu’à ce que les os commencent à pousser. Elle n’avait pas l’impression qu’ils se reconstruisaient, mais plutôt qu’ils étaient rompu en mille miettes. Elle serra son poignet en échappa un plainte. Il devenait impossible de cacher le mal qu’elle avait. Il était juste trop intense et ce n’était malheureusement pas le nadir pour Luna, mais que le début d’une longue période de souffrance.

Un nouveau choc la traversa et elle en tomba à la renverse. La douleur fut si colossale que toutes les sphères de lumière éclatèrent en un seul coup et l’endroit fut rapidement envahi par les ténèbres de la nuit. La gamine hurla! Qu’est-ce qu’elle avait mal! Jamais elle n’avait connu de douleur aussi prenante. C’était différent de la souffrance qu’elle avait vécu lorsqu’elle avait perdu ses doigts, lorsqu’on lui avait brisé son poignet, lorsque son bras s’était cassé ou lorsque ses côtes s’étaient rompues. Son cœur battait la chamade et sa respiration en devint saccadée. Pendant l’ombre d’un instant, elle crut que cette expérience allait la tuer et qu’elle n’était pas suffisamment forte pour réussir à passer à travers. De l’extérieur, ce ne devait pas être beau à voir : Luna qui se tordait de douleur.




Luna avait perdu la notion du temps avec tout cela, mais elle pouvait jurer que ça avait pris presque une éternité. Grâce au chant d’Aramis, la main de Luna s’était complètement reconstruite. Les os de son annulaire et de son auriculaire s’étaient rétablis, les muscles avaient repris leur place et une peau nouvelle protégeait le tout. Sa main droite paraissait comme neuve. Mais cela, la Larme de Néant ne le réalisa pas et elle n’entendit pas non plus la question de la chantebrise. Non, elle était trop occupée à avoir mal.

Si on lui avait fait réaliser à quel point cette expérience serait douloureuse, Luna aurait-elle changé d’avis? Peu importe la réponse, il était maintenant bien trop tard pour se demander la question.



[ C'est à Dawan normalement par après ^^ ]

La voix de Luna. Dawan tourna vers elle ses grands yeux perdus. S'il a entendu ? Oh, oui, sans doute, il entend très bien… Retrouver ses doigts. Il offrit un sourire à son amie humaine, se balançant légèrement d'avant en arrière, sous l'effet de l'impression de n'être pas seuls qui le troublait. Mais il était pourtant heureux, très heureux ! La princesse des lumières allait sans doute avoir moins de souci à jouer de la vièle ainsi. Elle s'était très bien adaptée, avec ses doigts manquant, et il lui faudrait sans doute apprendre une nouvelle façon de créer les notes… Mais ce serait plus aisé après cela, et cela lui permettrait bien plus de folies ! Elle était humaine, ce nouvel apprentissage lui serait rapide… Oh il avait hâte de pouvoir à nouveau la voir à l'oeuvre !
Il connaissait les réponses à ses questions. Mais il n'en prononça pas une, et resta ainsi, à la regarder, tout heureux. De toutes manières, Aramis répondrait avant lui. Il attendait l'instant où elle serait guérie. Le Chant-Nom… Il avait vu les Cawrs les utiliser, pour les soins. Quelque chose qu'ils rechignaient normalement à faire de part les risques encourus. Mais les blessures avaient parfois été bien trop importantes pour qu'il soit possible de les soigner autrement. Il entendait… Il entendait la voix, il sentait le sang sur ses pâles mains, alors qu'il participait à ces soins. Il sentait l'humidité de cette caverne, son odeur de mort, ses échos qui mêlaient si bien le solennel au méprisable. Il eut tant aimé que cette association ne se fasse pas, qu'il ne connaisse pas l'Aube Rouge, et n'ait pas en sa mémoire les corps meurtris de ces bipèdes…
Mais il y avait Luna, et Aramis. Elles allaient peindre ses souvenirs d'une nouvelle couleur, rejouer la mélodie du mot sur une nouvelle hauteur. Le Chant-Nom, ce n'était plus le sang. C'était le jeu d'une vièle, habile et rapide, fluide comme un torrent. Ce seraient les doigts de Luna courant sur les cordes, avec cette mine concentrée qu'elle avait lorsqu'il lui expliquait les choses, alternant hésitations et répétition au mot près de ce qu'avaient pu dire ces maîtres. Il essayait de repousser le souvenir à la saveur de métal de l'Aube Rouge, pour ne plus penser qu'à sa jolie princesse.

Aramis commença à chanter, et Dawan tendit un peu mieux l'oreille. Peu à peu, comme la Chantebrise continuait de délier les notes qui composaient Luna, l'Enwr s'apaisa. C'était l'effet qu'avait la musique sur lui, c'en avait toujours été ainsi. Elle remettait en place ses pensées et ses émotions, les ordonnait non pas selon des catégories aux sujets bien définis, comme on essayait de l'apprendre aux petits bipèdes. Non, c'était un ordre bien plus naturel. L'Aube Rouge retourna dans les tréfonds de sa mémoire. Le mot "Chant-Nom" prit les inflexions de la voix libre d'Aramis. Il entendait une vièle qui poussait le rythme à être plus rapide encore, quand une autre lui répondait. D'apparence, pourtant, il pouvait sembler n'avoir pas senti le changement qui s'opérait autour de lui. Il était resté dans la même position, avec le même sourire, à regarder Luna sans vraiment la voir. Concrètement, il sentait suffisamment la différence pour avoir l'impression qu'un air nouveau glissait sur sa peau.

Les lumières partirent d'un coup, il entendit distinctement, par-delà le chant, la respiration saccadée de Luna. Elle avait mal. Il secoua la tête, lentement, de droite à gauche, comme pour éloigner de lui cette respiration-là. S'il ne l'entendait pas, elle n'existerait pas. Oh, il savait très bien que le processus était douloureux. Il s'était néanmoins attendu, allez savoir pourquoi, à ce que Luna y échappe, comme si les vibrations de ce monde acceptaient de faire des exceptions pour les princesses. C'était ridicule, bien sûr, mais ç'avait été plus fort que lui. Il avait laissé échapper une note, un "mmm" désapprobateur, avant de se contraindre au silence. Mieux valait ne pas gêner Aramis. Par chance, il n'avait sans doute pas permis au son d'être suffisamment fort pour qu'elle l'entende. Se taire, et laisse faire. Penser à la vièle.
Elle allait être belle, si belle, la musique de sa Luna ! Celle qui jouait dans sa tête entâmait des notes plus sombres. Il fallait qu'il s'en détache… Il y parvint d'une étrange manière: en y trouvant de la beauté. Il s'enveloppa dans cette impression, s'y accrocha, à chaque bruissement d'herbe, chaque souffle qui indiquait que Luna souffrait. La voix d'Aramis l'y aidait. La trouver belle, en cet instant où par ce qui la composait, elle se reconstruisait. La trouver belle lorsqu'elle jouait le début d'un nouveau chemin.

Quand le chant se tut, il lui semblait être aussi épuisé que s'il avait chanté et souffert. Il n'avait pas pu profiter de ce chant pour s'y ressourcer, comme dans tous les autres chants. Désormais, une sensation de vide le prenait, par ce silence, par ces ombres qui elles-mêmes semblaient chercher à s'éloigner d'eux, comme pour respecter un cercle de paix autour de Luna. La vièle… Il le fallait, maintenant ! Il fallait lui montrer ce pour quoi elle avait souffert. Dawan prit délicatement l'étui de l'instrument qui était désormais celui de l'humaine et l'ouvrit, sans faire de bruit, pour en récupérer le contenu. Il revint alors vers sa jeune amie, prit délicatement son poignet, du bout des doigts, pour le soulever, et glissa la vièle sous sa main aux doigts nouveaux. Il fallait que la première chose qu'ils puissent à nouveau sentir soit le bois de la vièle. Qu'ils voient le recommencement, l'avenir, les promesses qui ne se disaient pas.
Ému, Dawan prit tout doucement le pouce de son amie dans sa main, murmurant doucement une sorte de berceuse. Comment pouvait-il ne pas avoir le coeur gonflé de tendresse, désormais ? Qu'y avait-il de plus touchant qu'une naissance ?

Il était bien que la jeune Luna désire de tout son cœur récupérer ses doigts, bien car les récupérer ne se ferait pas sans peine malheureusement. Mais Aramis ferait en sorte que cela soit le fait le plus rapidement possible. Néanmoins c'était bien comme toute chose dans la vie, on n'acquérait rien sans consentir à un petit sacrifice, et Aramis pourvoirait avec Dawan à ce que la jeune Luna se remette rapidement de tout ceci.

Aramis avait donc commença la tâche complexe, et délicate de faire repousser les doigts de la jeune humaine, une tâche qui nécessitait sa pleine concentration pour ne pas faire une erreur possiblement préjudiciable à Luna. Et le travail commença donc, peu à peu les doigts de la jeune humaine se reformèrent, malheureusement celle-ci pu ressentir toute la douleur lié à ce processus de création si l'on pouvait le dire, néanmoins elle semblait encaissait ceci admirablement bien fort heureusement, enfin au début...

Car elle finit vite par pousser de tels hurlement de souffrance ... Si Aramis n'était pas pleinement concentré sur son chant nomcette dernière aurait sans doute douloureusement compatit à ceci, mais elle ne pouvait pas. Elle devait se concentrer de son mieux sur son chant, surtout ne pas commettre d'erreur, ne pas faire attention à autre chose. Au risque d'une éventuelle erreur. Maintenant que le processus était entamé il n'était pas possible de revenir en arrière, dès que ceci serait terminé Aramis tâcherait de son mieux d'apaiser les souffrances de Luna. Et pendant ce temps Dawan pour sa part se tenait admirablement bien, quasiment pas un bruit n'émanait de lui. Il ne semblait pas particulièrement paniqué non plus, il avait déjà vu ce genre de processus, et savait que cela était très douloureux. Une douleur qui reste temporaire néanmoins, et qui n'est pas mortelle.

Et cela fut enfin achevé, Aramis termina son chant, les doigts de la jeune Luna étaient enfin complètement reformés. Après que ceci soit fait Aramis prit à peine le temps de contempler son œuvre avant de se rapprocher doucement de la jeune Luna. La baptistrelle émit immédiatement un chant d'apaisement pour aider à apaiser l'esprit de la jeune Luna qui était très agité après cette expérience.

Avec l'aide de Dawan Aramis aida ensuite Luna à reprendre ses esprits calmement, et sans aucune rudesse. L'expérience avait était évidemment très intense, mais maintenant c'était terminé, il valait mieux passer à autre chose.

« Luna ? M'entendez-vous ? » Elle posait cette question toute simple car il arrivait que sonné par la douleur ceux ainsi guéris par le chant nom soient totalement inconscient des alentours pendant un certain temps. Il n'y avait pas de secret dans ce cas-ci il fallait laisser un peu de temps à Luna pour que celle-ci reprenne calmement ses esprits, et surtout ne pas la brusquer.

Dans tout les cas tout le monde dans les alentours proche était concentré sur la jeune humaine qui se remettait peu à peu de tout ceci.

Ce fut des doigts tremblotant qui se posèrent sur vièle. Les yeux fermés, la douleur toujours inscrite en son cœur, Luna ne bougea pas davantage. Elle resta ainsi allongée sur l’herbe pendant un long moment et sa respiration saccadée reprit doucement un rythme normal tandis que la batistrelle élevait la voix à nouveau. L’anxiété disparut lentement et les souvenirs de la douleur avec elle. Les pensées concernant la douleur se transformèrent peu à peu en pensées d’espoir et d’ambition. Elle bougea sa nouvelle main et enroula ses doigts autour de l’instrument de musique, serrant pour apprécier la sensation du bois sous son auriculaire et son annulaire. C’était une nouvelle aventure qui commençait, une nouvelle vie, une nouvelle route… Celle d’une princesse des lumières qui n’était plus limitée à compter jusqu’à huit sur ses doigts. Tout ce qu’elle s’était empêchée de faire à cause de son handicap était maintenant élément du passé et ce qui lui avait paru difficile ne le serait peut-être plus. Monter dans un arbre, jouer d’un instrument de musique comme la flûte, écrire une longue lettre d’amour, tenir fermement un objet que ce soit une épée, un gobelet ou peu importe. Elle n’avait plus d’excuses pour échouer et ne pourrait plus mettre la faute de sa maladresse sur sa limitation. Combien de fois avait-elle souhaité n’avoir jamais perdu ses doigts? Plus qu’elle pouvait en compter sur ses mains et la souffrance n’était rien à comparer à ce désir. Alors oui, si on reculait dans le temps et qu’elle avait à refaire face à choix, elle accepterait à nouveau en toutes connaissances de cause de ce qui arriverait. La douleur en valait la peine. Mais ce n’était certainement pas une raison pour faire exprès de perdre des membres et de vouloir les faire repousser par la suite!

Prenant une grande respiration, la Larme de Néant ouvrit les yeux et posa son regard à tour de rôle sur les deux elfes. Elle se redressa en position assise et posa sa vièle sur ses jambes. Tremblant toujours, elle allongea ses bras face à elle et l’azur fixa finalement ses mains.

Un…
Deux…
Trois…
Quatre…
Cinq…
Six…
Sept…
Huit…
Neuf…
Dix!

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle referma les poings et les rouvrit, ce qui lui valut une grimace, mais dont un nouveau sourire en fit qu’un vieux souvenir. Ça ne faisait plus mal… Si, peut-être encore peu, mais ce n’était pas si mal. C’était plutôt inconfortable comme si les doigts avaient reposé pendant trop longtemps sous un objet trop lourd et qu’ils étaient engourdis. Elle les bougea à nouveau. Elle avait l’air d’une gamine fascinée comme si elle ne pouvait en croire ses yeux. C’était le cas. Finalement, elle joignit ses mains ensemble pour une sensation des plus étranges, mais toute aussi agréable. Elle les tint fermement jusqu’à ce que les tremblements cessent.

- Dawan! Aramis! Lança-t-elle, émue.

La jeune fille enfouit son visage dans ses mains, cachant le flot d’émotions qui déferlait en elle. Était-ce donc cela que de pleurer de joie? Cela ne dura pas très longtemps et du revers de sa main, elle sécha ses larmes. Elle leur sourit. À tous les deux, elle leur était tellement reconnaissante. Se doutaient-ils à quel point elle l’était? Il n’existait pas de mots pour décrire ce qu’elle ressentait et ces derniers restaient coincés dans sa gorge malgré elle. Elle prit une grande respiration afin de se calmer.

Des étoiles brillèrent dans ses yeux lorsqu’elle regarda à nouveau ses doigts, rappelant les lunes dansantes qui vinrent chasser l’obscurité autour du trio. Elle s’empara de sa vièle et posa ses doigts sur celle-ci. S’il y avait une chose qu’elle voulait faire avec ses nouveaux doigts, c’était bien cela et elle n’envisageait pas qu’il existait meilleure inauguration pour cette renaissance. Doucement, sa voix s’éleva parmi les lumières, accompagnée par quelques accords de Nilmë, recréant une mélodie jouée par son père lorsqu’elle était plus petite.