~~~ 5 Août ~~~

Le temps était clément aujourd'hui. Ninakiel inspira une nouvelle bouffée d'air. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas pris le temps de sortir en dehors des cavernes sombres d'Aigue, essentiellement parce que c'était dangereux, mais moins à présent.

Elle n'avait pas l'habitude de l'étendu herbeuse qui l'entourait, mais c'était toujours mieux qu'un plafond de pierre. L'herbe de la prairie lui arrivait à hauteur des mi-cuisses, ce qui la rendait quand même un peu anxieuse, elle ne savait pas où elle mettait les pieds et elle n'aimait pas ne pas savoir sur quoi elle marchait. D'autant plus que des bêtes pouvait s'y cacher.

Mais elle ne ferait pas la difficile, elle pouvait s'autoriser à sourire sans raison et à reprendre un peu des forces. Elle ne se serait jamais douté que vivre dans un lieu si différent de ce dont on l'avait habitué pouvait être aussi épuisant. Si on rajoutait à cela ses cauchemars et son travail, elle n'avait pas beaucoup l'occasion de décompresser.

Mais elle ne se plaignait pas. Finalement, elle était encore en vie, et même si on lui avait enlevé sa mère, ses tâches quotidienne lui occupaient l'esprit et lui empêchait de trop y penser. Sauf la nuit, où elle ne pense pas pouvoir trouver le repos dans l'immédiat. Elle soupira et passa sa main dans les hautes herbes.

Elle se doutait bien que dans un endroit aussi dégagé qu'une plaine et vu son apparence actuelle, elle n'aurait pas pu faire situation plus dangereuse, mais elle n'en pouvait plus d'être enfermé. Alors quand elle en parla à une connaissance, on lui indiqua la plaine.
Et la jeune elfe n'aurait pu rêver mieux en ce moment que cette vaste étendue d'herbe. Elle se sentait mieux au fil des minutes qui passait.

Elle songea qu'il était temps de rentrer quand elle aperçut une silhouette au loin. Un homme, pas très grand, entre un mètre soixante et un mètre soixante-dix tout au plus, et plutôt pâle. Vu qu'il était loin, c'est la seule chose qu'elle put distinguer.

Même si elle ne l'avait pas bien vu, chaque cellules de son corps lui criaient de fuir le plus loin possible de lui. L'instinct de survie peut être.

L’adrénaline montait en elle, et elle réfléchissait plus rapidement qu'en temps normal. Elle ne pouvait pas s'enfuir en courant car il venait de la direction d'Aigue, si elle devait courir ce serait à l'opposé de lui, et elle ne voulait pas s'éloigner trop de son refuge.

Il ne lui restait qu'une option, se cacher. Et les hautes herbes pouvaient probablement la cacher temporairement. Elle s'accroupit donc, une jambe tendu, le fessier posé sur le talon de l'autre jambe et une main à plat sur le sol. Elle ressemblait vaguement à un félin en chasse, sauf que là, elle avait l'impression d'être la proie.

Elle espérait qu'il ne l'avait pas remarqué et commença à se déplacer en le contournant, gardant une distance de sécurité entre elle et l'étrange individu.

Elle le savait, ce n'était pas un elfe, et elle ne pouvait pas savoir si il était rallié aux rebelles ou pas... Elle devait se montrer prudente.

Peut être que cette promenade finirait par se transformer en cauchemar.

Quelque chose titillait l'esprit de Ninakiel, une sensation dérangeante, comme si on lui grattait le cerveau avec un ongle. L'instant d'avant elle l'avait trouvé menaçant, et juste après elle avait presque... confiance. Elle n'était pas du genre à changé d'avis facilement et pourtant là en l'espace d'une demi seconde...
Elle voulait se méfier mais pour une raison qui lui échappait, elle n'y arrivait pas. Elle resta tout de même cacher mais elle s'approcha de lui, toujours dans la même position féline, accroupit dans les hautes herbes.

Une vingtaine de mètre les séparaient désormais. La tête penché sur le côté elle détailla son visage, elle avait une bonne mémoire et pourrait se rappeler si elle l'avait déjà vu ou non à Aigue, ou du moins essayé.
C'était indéniable, c'était un vampire. Il avait la peau pale et des cheveux blancs, encore plus clair que ceux de Ninakiel, des petits yeux blancs qui lui semblait malsain et un menton triangulaire. Son physique n'avait rien de flatteur mais elle ne pouvait pas réfréné ce sentiment rassurant.

Si elle aurait eu toute sa tête, elle se serait enfuis depuis longtemps, et elle en avait eu l'occasion, mais elle restait là, planté à quelque mètre de ce... prédateur. Elle n'avait pas souvenir de l'avoir vu dans la ville rebelle.
Elle sursauta légèrement quand elle entendit sa voix.


Je ne me doutai point qu'un autre rebelle était présent par ici, moi même suis de retour d'une mission pour le compte de la rébellion, et je ne serai pas contre un peu d'aide honorable elfe. Ou du moins j'aimerai prendre des nouvelles d'Aigue Royale, enfin si vous le permettez. Je nomme Araïs Germor, ne vous inquiétez point je suis un allié.

Ainsi il l'avait remarqué, confirmant donc ses soupçons. Un humain n'aurait jamais pu la remarqué. Il avait donc du la "sentir". Quelque chose n'allait pas. Il venait en direction d'Aigue et il était censé revenir d'une mission ?
Dans ce cas pourquoi s'éloignait-il d'Aigue ? Elle sourcilla et resta dans sa cachette. Araïs Germor... Jamais entendu parler. Pouvait-elle vraiment le croire ?
Beaucoup de vampires les avaient trahis, comment pouvait-elle avoir confiance ? Et comment peut-il savoir qu'elle même est une rebelle ?

Mais maintenant qu'il l'avait trouvé, elle ne pouvait plus se cacher. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il la repère. Elle se releva de sa position, déployant ses jambes doucement sans un bruit. C'est à ce moment là qu'elle sut qu'elle ne pourrait pas l'affronter. C'était probablement un guerrier expérimenté car malgré sa petite taille, elle pouvait voir à travers sa posture et l'aura qu'il dégageait qu'il était habitué au combat.
Si elle voulait en ressortir vivante, car elle doutait que ce fut vraiment un rebelle, il faudrait marché dans son jeu, même si ça voulait dire qu'elle devrait le laisser s'enfuir.

Ninakiel Gil'Sawan, je loge à Aigue. J'espère pour vous que votre mission s'est bien déroulé. Elle inclina légèrement la tête en avant en guise de salut. Mais si vous voulez rentrer à Aigue, c'est dans l'autre direction vous savez...

Elle resta planté là, une dizaine de mètre les séparés à présent et la sensation d'ongle qui gratte son cerveau ne faisait que se renforcer au fur et à mesure de leur échange. Elle devait s'en aller le plus vite possible.

Quand le vampire la vit, elle eut l'impression de se faire évaluer. Il cherchait évidemment à savoir si elle était capable de se battre ou si elle n'en avait pas la force. La raison de cette évaluation immédiate lui parut peu clair.

Son esprit lui semblait embrumé et elle avait beaucoup de mal à avoir des pensée cohérente. Elle savait qu'elle devait s'enfuir, mais pourquoi ? Le vampire ne représentait pas une menace après tout. Il était de la rébellion non ?

Elle secoua doucement la tête. Quelque chose n'allait pas chez elle. Elle fixa ses pieds pendant plusieurs minutes en fronçant les sourcils. Elle devait réfléchir. Que devait-elle faire déjà ? Ah oui, s'en aller. Pourquoi déjà ? Elle se massa doucement la tempe. Un ennemi ? Quel ennemi ?
Elle leva la tête vers le vampire. Des chasseurs de tête près d'Aigue ? Ce n'était pas une bonne nouvelle. Elle ne pourrait plus sortir si cette information était exact et cela l'agaçait, elle aurait voulu que ces promenades deviennent une routine de sa petite vie.

Je ne pouvais plus tenir à l'intérieur d'Aigue, ce n'est ni ma place, ni mon habitat naturelle, même si je remercie les humains de nous y accueillir. Je pense que j'avais vraiment besoin de prendre l'air, vous savez, le vrai air frais. Pas celui des cavernes. Je me sentais tellement emprisonné qu'à ce stade là, je préfère me faire capturé par des loyalistes ou n'importe quoi d'autre plutôt que de rester une seconde de plus dans les grottes.

Bien sûr elle ne pensait pas vraiment ce qu'elle disait, après tout elle tenait à la vie que sa mère lui avait offerte. Mais elle était vraiment sur le point de faire une crise de nerf, et son travail n'avait pas besoin de ça.
Des nouvelles d'Aigue ? La relation entre humain et elfe semblait s'améliorer un peu, mais cela ne devait pas vraiment intéressé le vampire.

Tout le monde se remet doucement de l'Aube Rouge je suppose... Certains regards restent torturés et triste, mais l'état général semble s'améliorer de jour en jour. En tout cas c'est ce que j'aime croire. Bien sûr une telle bataille ne s'effacera jamais des mémoires collective.

Elle prononça cette dernière phrase avec un peu de tristesse dans la voix, elle avait perdu beaucoup de connaissance durant ce conflit et elle aurait aimé ne pas avoir à vivre ça.
Elle fixa le visage du vampire. Il n'était pas vraiment beau, mais pas vraiment moche non plus. Il était banal, un visage qui passe inaperçu dans la foule, ça ne l'étonnait pas plus que ça de ne pas souvenir de lui.

Puis-je, si je peux me permettre, savoir en quoi consistait votre mission ? J'ai toujours voulu savoir ce que ça faisait et en quoi consistait le travail d'un soldat. Je n'ai jamais vraiment eu le don pour le combat.
Elle sourit un peu gênée d'un tel aveu.

L'espace d'un instant elle crut discerner une lueur cruelle dans les yeux du vampire, la seconde d'après cette pensée fut effacé car elle lui semblait impossible. Son esprit était confus et avait l'impression de flotter au dessus de son corps, comme si elle était dans un rêve. Cette sensation en général, n'annonçait rien de bon, mais Ninakiel n'y porta que très peu d'attention.

Elle secoua la tête pour se sortir de ses pensées et se concentra à nouveau sur son interlocuteur. De quoi parlaient-ils déjà ? Ah oui du danger que représentait les plaines en ce moment. Actuellement elle ne ressentait aucun potentiel risque donc elle ne s'en soucia pas non plus. Ninakiel pouvait sembler ne pas s'en faire de mourir, mais c'était tout le contraire, cela lui faisait peur de passer l'arme à gauche, cependant elle faisait de son mieux pour ne pas y penser. Car si en temps de paix, on savait qu'on finirait par mourir vieux, à contrario, en temps de guerre l'avenir était incertain.

C'est gentil de s'inquiéter pour moi, cependant vous n'avez aucune raison de vous en faire, bien que je ne sois pas très endurante ni très forte comparé aux autres elfes, je suis plutôt rapide, donc ça compense un peu ! Malheureusement, vous savez bien qu'en ce moment, nous ne disposons de très peu de temps, alors nous devons nous remettre sur pieds vite. Je ne connais pas tout les détails cependant.

L'inconnu lui proposa de s'entrainer, ce qui lui valut un petit rire. C'était évident qu'il ne savait pas combien d'entraineur plus doué les uns que les autres avaient tenté de lui apprendre l'art de n'importe quel armes. Au final, seul son sceptre lui convenait, et elle ne préférait pas se battre avec. Elle lui sourit gentiment.

Malheureusement je vais décliner votre offre pour l'entrainement, cependant je veux bien m'abriter dans la forêt, car après tout, je n'ai pas très envie de me faire capturer, ou plutôt tuer selon vous. Je vais donc vous suivre.

Elle s'avança légèrement et se mit de côté, l'invitant à avancer devant elle. Les hautes herbes qui lui chatouillaient les mollets et le soleil qui brillait dans le ciel étaient agréable, mais rien ne pourrait remplacer dans son cœur le confort et le sentiment de sécurité que lui apportait la forêt. Rien que le fait de penser qu'elle serait bientôt sous les arbres rassurant, elle sentait tout son être frétiller d'envie. Certes, elle avait un pincement au cœur en pensant que ce qui fut sa maison ne soit maintenant que néant, mais n'importe quel forêt ferait l'affaire pour l'instant.

Son esprit fut transportés par des doux souvenirs de son enfance, surtout ceux avec sa mère. Elle se souvenait de la douceur de sa main quand elle la coiffait, de sa voix mélodieuse quand elle riait et de ses mouvements toujours tellement gracieux. Elle se demandait ce qui avait bien pu advenir de ses ossements à présent. Probablement dévoré par le néant ou encore en plein milieu de la route, comme au moment de sa mort. Elle sentit sa gorge se serrer et elle dut faire un grand effort pour retenir les larmes qui lui venaient toujours aux yeux quand elle pensait à sa mère. Elle devait se retenir, car elle était en présence d'une autre personne, ses lamentations devraient attendre ce soir. Elle se demandait si la peine qu'elle ressentait en ce moment disparaitrait un jour, si elle serait capable d'un jour pardonner les Alayiens et de se souvenir uniquement des bons souvenirs avec sa mère, pas de sa mort infâme. Elle en doutait cependant fortement.