3 Juillet de l'an II de l'ère Obsidienne :

La jeune femme avait une nuit des plus étrange, oscillant entre rêve et réalité. La présence du vampire conteur dans ses songes nocturnes ne fit pas le fruit du hasard de son esprit. L'homme avait ce don de pouvoir venir caresser de sa présence l'esprit endormi d'un rêveur. Il lui avait appris de bien triste nouvelles, la bataille avait bien eut lieux à Aigue. La mort était partout, imbibant de son linceul rouge le sol de la cité rebelle. Des inconnus morts pour la liberté, des amis, des personnes qu'elle avait côtoyé. La jeune femme s'était réveillée le cœur en peine, souffrant avec eux. Les larmes aux yeux, elle se leva, en jetant au bout de son lit ses larges draps blancs. La jeune femme se dirigea vers ses rideaux encore fermés, qu'elle ouvra dans un geste nerveux et tremblant. Le soleil apparaissait à peine, laissant peu à peu ses premiers rayons couvrir de chaleur les jardins du palais qui s'offraient à la vue de la jeune femme. Dans peu de temps, la régente de l'empire des humains serait lavée, habillée, coiffée de mille et une parures et autres tissus des plus soyeux, alors que se réveilleraient dans la douleur la cité rebelle. Elle ne pouvait que penser à Korentin, à Ashy et tous ses amis qui se trouvaient là bas. Elle ferait tout pour leur apporter son soutien, ou de quoi les aider pour survivre et retrouver un semblant de vie. Elle trouverait comment leur apporter un peu d'aide. En attendant, la princesse tira le cordon pour faire venir ses dames et se préparer au conseil matinale. Elle devra apporter les nouvelles de la nuit, d'autres arriveraient bien vite par les messagers et prendre les directives au plus vite, tout changerait. Les alayens n'étaient sûrement plus les bienvenus et la magie reprenait son droit.

Le conseil du matin terminé, la princesse n'avait qu'une envie, envoyé de quoi aider ceux qui avait souffert de la bataille. Elle l'avait fait plus officiellement en envoyant une caravane de soins et quelques hommes armés en plus à la rencontre de son empereur en soutien et renfort. Une sûreté de plus envers les soldats de l'empire. Maintenant, il fallait le faire de façon plus détournée. Et en tant que régente il était bien difficile de se retrouver seule, de tenter de trouver des membres de la Horde ou de la rébellion pour apporter marchandises. Aller expliquer à une horde de conseillers, dames de compagnies, de lames noires, de soldats et autres nobles vous suivant quasiment du levé du jour à la coucher de la nuit que vous désirez être seule pour aider le camp adverse. Esmelda ne pourrait le faire que lorsque Fabius sera revenu et qu'elle ne sera plus en charge de l'état. Pour une fois dans sa vie, la jeune femme avait presque hâte de le voir.

Mais ce fut une toute autre affaire qui la sortit hors du palais, quand un messager de Belleplaine petite ville au sud-est de Gloria à quelques heures de cheval. L'homme arriva au palais avec un message de la plus haute importance, il semblait tendu et demanda une rapide audience auprès de la princesse qui le lui accorda avec l'empressement que semblait accorder l'homme à la lettre de son dirigeant. Des alayens avaient été vus non loin de la cité et des bruits courraient qu'ils avaient pillé deux hameaux non loin de là. Un des habitants du hameaux en aurait gravement blessé un. La jeune femme ordonna que soit mis le plus rapidement en place une escorte pour elle et le messager. Deux conseillers l'accompagneraient, ainsi que le baron de cette contrée qui était justement à la cour durant cette période et des mages pour les blessés ou les morts. Malgré les quelques voix qui trouvaient que c'était folie de sortir battre la campagne au moment de la désertion de l'ennemi, la princesse répondit, que l'immobilisme était l'ennemi de l'empire. Esmelda se gardait de dire qu'elle était folle de toute façon, folle de chercher à apaiser et à comprendre ce qui avait pu se passer dans cette petite campagne, mais ne rien faire la rendait malade. Puis Fabius était en vie et renterait bientôt, son travail de régente serait bientôt fini, elle pouvait donc mourir en paix dans une attaque.

Une heure plus tard, sur un destrier baie, la princesse quitta le palais entourée d'une délégation des plus armées, en direction de la petite ville qui atteignirent deux heures plus tard. Une fois les représentants de la ville vu, l'assurance que les soins avaient été apportés à la population, la jeune femme demanda à se retrouver un peu seule dans sa chambre prêtée par le seigneur local.

Une demie heure plus tard habillée plus légèrement et avec un peu moins de luxe, Esmelda avait réussi à sortir grâce à la magie, son audace et son habilité. Elle avait envie de se retrouver un peu seule et à l'extérieur, en compagnie de la nature, son seul moyen de réfléchir. Entre quatre murs, elle n’arrivait à rien.

La nuit arriverait sous peu et la princesse marchait dans les abords de la ville, grandes plaines aux vastes étendues qui s'offraient dans l'immensité d'une nature simple mais d'une beauté saisissante. En descendant vers un petit contre bas, la jeune femme surpris une autre présence qui se redressa n'ayant pas entendu les pas de la princesse.
Cette dernière dans un ton d'excuse s'empressa de dire :

« -Ne craignez-rien, je ne suis pas un ennemi. »

Il y avait deux mois qu'Autone habitait dans le repère du Corbeau. La jeune femme avait pris l'habitude d'aller marcher de temps en temps, question d'habituer sa cheville à supporter un peu de pression mais surtout parce que l'Ombre pouvait parfois se montrer dur et froid. Elle appréciait tout de même sa compagnie, parce qu'autrement elle ne serait pas resté aussi longtemps. Elle n'avait pas quitté son métier pour rejoindre plus de froideur. Oui, dépecer des animaux morts était dégoutant et l'entraînement du loup n'était pas des plus facile...Mais ça n'avait rien, mais absolument rien à voir avec la vie qu'elle menait dans une maison close. Tout avait fini par la dégoûter à Gloria, mais un homme nu n'est pas un sanglier mort.

L'ancienne matrone allait souvent visiter les village à voisinant, elle désirait s'informer de ce qui se passait dans la capitale et aller voir ce que les marchands avaient de nouveau. Maintenant qu'elle n'était plus à Gloria, elle ne pouvait pas se fier sur quelques visiteurs bavards pour se tenir au courant.

La jeune femme voulut se rendre à un hameau, non loin du repère de l'assassin mais la fumée qu'elle aperçut et les cris qu'elle entendit lui firent changer d'idée. Elle s'approcha discrètement du village en question pour aller découvrir ce qui s'y tramait mais elle fit rapidement demi tour lorsqu'elle reconnut les armures en verre noir et l'agressivité qu'elle savait des envahisseurs. Autone revint donc sur ses pas, restant dans le repère de son ami quelques temps. Elle décida de revenir plus tard, une fois que tout serait passé. Elle pouvait mieux aider à tenter de procurer des soins aux survivants qu'à tenter de combattre un groupe d'Alayens.

Lorsqu'elle décida de revenir, Summer s'était habillé très sobrement, elle était loin de ce qu'elle avait anciennement porté, dans sa maison close. Elle ressemblait presque à une paysanne sortie d'un village à proximité. La jeune femme se dirigeait donc vers ce village qui avait été plus tôt envahi de feu et de sang. Et alors qu'elle marchait, elle entendit une voix, la voix d'une femme. Summer tourna rapidement la tête, comme dans un élan d'angoisse, elle n'avait même pas compris les premiers mots...seulement ''Je ne suis pas une ennemie''. La jeune femme regardait la princesse, dont elle ignorait l'identité de manière contrariée. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu se laisser surprendre, était elle vraiment si lunatique? Elle s'en voulait en songeant qu'elle aurait pu tomber sur une personne mal intentionnée.

-Comment pouvez vous en être certaine? Je ne sais pas qui sont vos ennemis et vous ne savez pas qui sont les miens.

Évidemment, autone avait repris du poil de la bête depuis qu'elle était sortie de Gloria. Elle avait changée beaucoup depuis la nuit de la mort d'Yvia Neriwen, et elle n'était plus d'humeur à être sarcastique...Mais sa nature allait bien lui revenir, elle ne pouvait pas s'empêcher de remettre tout et tout le monde en question.

-Vous devriez faire attention à où vous mettez les pieds, si vous vous dirigez vers là bas, dit la jeune femme en pointant la direction du repère du corbeau, on devrait vous avoir prévenu...si vous venez de là.

Autone regardait en direction du hameau qui avait été attaquée, levant la tête de sorte à pointer l'endroit du menton.

Hargneuse la jeune femme. La princesse pouvait-elle la juger ? Non, elle ne connaissait rien de sa vie, de ses souffrances et de cette méfiance. Mais voilà le mal justement. Maintenant, tout le monde se méfiait de tout le monde. La guerre amenait cette peur de l'autre et Esmelda ne pouvait que le constater impuissante. Cela la peinait, mais pour rien en ce monde, elle suivrait cette voie. Bien au contraire, elle prendrait le contre pied en suivant le chemin inverse. Après tout, princesse était aussi ce rôle de donner l'exemple. Et même si la jeune femme inconnue ne le savait pas, la jeune Kohan ne changerait pas sa façon de faire et de voir. Peut être candide pour beaucoup, folle ou inconsciente pour d'autres, mais fondamentalement importante pour elle. Alors qu'importe ce que l'on pouvait penser.

Avec sa douceur naturelle, la jeune femme répondit laissant son chant apaiser quelconques craintes.

« -Parce que je connais le visage de mes ennemis. Et le votre m'est inconnu. Après je suis peut être une des vôtres, mais là ce n'est qu'à sens unique. »

Car c'était une chose à laquelle la princesse tenait. Car avoir des ennemis au vue de son statut était presque légitime, mais il fallait les connaître, mettre un nom et un visage. Qu'importe qui ils étaient. Mais pour catégoriser quelqu'un d'ennemi, un simple désaccord ne suffisait pas.
La princesse fit une petite grimace, une moue badine et ajouta un peu désabusée, mais tellement vrai. La jeune femme avait bien l'habitude de se trouver où il ne fallait pas, avec ceux qui ne fallait pas et parfois en le cherchant bien. Mais jamais à regret et la princesse ne reculerait pas par peur ou bien par convenance.

« -J'ai l'habitude de mettre les pieds où il ne faut pas, et il faut croire que c'est même une de mes spécialités. Et je ne suis pas de ce hameau. Je suis venue leur apporter mon maigre soutien suite à ce qui s'est passé dans la matinée. Maigre consolation, je vous l'accorde. »

Arrivant sur les lieux, la régente de la couronne s'était sentie démunie. Car comment aider ceux qui avait perdu un membre de leurs familles ou bien leurs vies, leurs maisons, leurs biens. Elle qui avait tout, un toit, de l'argent, une bonne santé. Eux n'avaient rien. Et venir mais pourquoi, comme si sa simple présence allait les aider. Triste consolation.

La princesse préféra s'inquiéter pour le moment de la jeune femme face à elle et la questionna.

« -Êtes-vous de ce hameau ? Ou bien des villages alentours ? Ou bien une alayenne en fuite ? »

La jeune femme s'empressa d'ajouter, car non loin l'envie de prétendre ses mots comme étant une critique.

« -Je ne vous jugerai pas si telle était le cas. Chacun a son histoire. »

Et sa vie. Après tout, certains alayens n'étaient pas comme le prêcheur, avide et cruel. Rempli de la simple volonté de contraindre et de détruire.

« -Parfois glorieuse parfois beaucoup moins. C'est ce qui compose notre vie et qui fait ce que nous sommes. »

Une force ou bien parfois une faiblesse.

Après avoir adressé un regard méfiant à l'inconnue qui se tenait devant elle, la jeune femme relâcha enfin les épaules et son orgueil par la même occasion. Elle semblait plus calme et surtout moins apeurée. Non...cette femme ne pouvait pas être fondamentalement une de ces personnes auxquelles on ne doit en aucun cas faire confiance. Autone avait eu la naïveté de faire confiance à certaines de ces personnes et elle se trouvait toujours tout de même chanceuse de ne pas avoir eu de problèmes avec cette histoire d'espionnage pour le vieux trésorier. Connaître le visage de ses ennemis...C'était une idée, mais ce n'était pas toujours possible. N'importe quel assassin de chemin est un ennemi, et si il nous arrive le malheur de croiser leur chemin, leur visage ne serait vu qu'une seule fois puisque d'une manière ou d'une autre, quelqu'un mourrait dans cette rencontre. Si beaucoup d' Alayens sont mal intentionnés, c'était aussi un problème.
Summer esquissa un sourire en entendant quelle était la spécialité de la femme qu'elle venait de rencontrer. Elle au moins avait eu la chance d'avoir été prévenue. Autone avait tombé dans un des pièges avant même d'entendre parler de cette fausse légende superstitieuse d'une Ombre qui habite un boisé...Même si en y pensant bien, elle n'y aurait peut être pas cru.

-Je ne suis pas tellement plus chanceuse...J'ai appris la présence de ces pièges en restant coincée dans l'un d'entre eux...heureusement un ...ami qui habite les environs a pu m'aider.

Ironiquement...elle était en fait assez chanceuse d'être tombé sur Ombre presque immédiatement. Sa blessure avait guéri très rapidement et elle avait pu se cacher des Alayens...Autone secoua la tête en signe de négation en entendant le nom des envahisseurs. Mais elle n'avait pas eu le temps de parler, la jeune femme l'assurait déjà qu'elle ne l'aurait pas jugé si c'était le cas. Quel modèle de tolérance, sauf qu'Autone ne serait pas prête à laisser de côté sa haine...du moins pas à ce moment là. Elle les avait détestés en tant que clients et pour ce qu'elle avait entendu de leurs actions, mais c'était encore tolérable pour vivre en paix...Depuis qu'elle avait vu l'homme à l'Armure de verre planter ses hachettes et sa hache dans le corps des employés de Saemon, entendre parler des Alayens l'énervait.

-Non...non rien de tout cela. Je ne suis...surtout pas une Alayenne et je n'habite pas ce hameau. En fait je viens de Gloria, et pour une raison inconnue moi et certains de mes amis ont été recherchés par ces Alayens. Et...pour certaines raisons, je n'ai pas envie d'y retourner. Alors...je reste avec un ami qui habite les environs...Le même qui m'a sorti la cheville de l'un des pièges...

La jeune femme soupira en détournant la tête, un léger sourire au visage. Pas qu'elle trouvait la situation cocasse, même que son expression était assez pénible. Elle tentait de trouver une note positive à toute cette histoire...Elle était heureuse de se retrouver en dehors de Gloria, elle avait l'impression de pouvoir respirer, enfin libérer de cet environnement qui l'étouffait. Ce n'est pas la ville qui l'énervait, mais son métier. Mais la petite femme s'en voulait de se sentir mieux, parce que Mathias et Salem y avaient laissés leur vies...Et elle ne voulait pas se réjouir de ça.

- Je sais que c'est une drôle d'histoire... Je suis en fait ici parce que je ne sais pas où aller et je n'ai pas envie d'aller faire une petite vie et attendre tranquillement de mourir dans un petit village.

Autone restait silencieuse quant à la remarque sur le sort plus ou moins glorieux de chacun. Elle ne voulait pas entendre ces petites leçon de vies qui servaient de consolation aux moins chanceux. Elle se les était déjà répétés maintes fois dans ses débuts et ça ne suffisait plus à lui donner du courage.

En un instant Esmelda passa d'ennemi possible à potentiel allié, du moins à personne neutre ne désirant pas de mal. L'attitude plus détendue de l'inconnue la rassura. Tout comme le fait qu'elle ne soit pas elle même une ennemi. L'ambiance serait plus détendue et la discussion agréable. Ce genre de rencontre que la princesse aimait, la confronter à la vraie vie, pas à celle dorée dans laquelle on cherchait souvent à l'enfermer, comme un oiseau.

« -La guerre amène la méfiance et la peur. La peur, elle, engendre la défense. On ne peut en vouloir aux habitants des contrées reculées, et loin de tout à chercher à se protéger et à le faire pour les leurs. Ou pour eux. Même si cela engendre parfois de bien mauvaises prises. Du moins pas la prise désirée.»

Un piège avait toujours un double tranchant, et elle le savait bien. Esmelda en avait fait les frais il y a quelques mois quand elle avait fuit les alayens et Aldakin la poursuivant. Le gentil homme de la foret l'avait aider grâce à ses pièges. Et elle avait pu voir leur utilité.

« -Une habitante de Gloria. Tout comme je le suis. Avez-vous usé de la magie pour que les alayens vous en veulent ? Mais rassurez-vous, ils ont quitté la capitale. Eux et leur restrictions et oppressions sur les magiciens que nous sommes. Ils sont en déroute et parfois hélas s'en prennent encore au plus faibles. Les lâches. Mais peut être pourrais-je vous aider si vous désirez retourner auprès des vôtres au sein de Gloria ? »

Enfin, si elle avait encore de la famille ou des amis dans cette ville, que les alayens n'aient pas en plus réduit au silence ceux-ci.

« -Comme cela vous ne resteriez pas ici sans savoir où aller. J'ai la possibilité de vous aider par mes relations et de vous assurez que Gloria peut être un lieu sûr pour vous et vous sortir de cette vie dont vous ne voulez pas. »

Bon cela faisait un peu pompeux, elle le savait bien, mais la jeune princesse ne voulait que l'aider. L'inconnue devait avoir son âge à quelques années près et semblait pas prompt à continuer à vivre la vie que les alayens avaient choisit pour elle. Et si la princesse pouvait aider elle le ferait. Après tout cela était plus que normal de réparer et changer les erreurs de son cousin en s'alliant à ses fous sans magie.

« -Si cela n'était que du ressort des alayens, ils ne sont plus à Gloria et plus aux rênes du pouvoir, seul dirige la famille Kohan, les humains, et eux seuls. »

Bon avec Fabius, vil menteur, usurpateur et assassin ce n'était guère mieux, mais c'était bien moins pire que Aldakin le fou furieux impassible. Entre la peste et le choléra rude de choisir, mais un mal valait parfois un bien. Et son cousin avait au moins une qualité : la force et la stabilité de l'empire. Un point commun entre eux deux. Le seul.
La jeune femme interrogea l'inconnue de Gloria d'une voix douce et rassurante.

« -Que faisiez-vous à Gloria ? Si je puis me permettre de vous demander ? Je ne le prendrai pas mal si vous ne désirez pas le dire à une inconnue.»

Après tout, elle aussi avait bien du mal à avouer son statut. Déjà parce qu'ensuite on avait tendance à ne voir plus qu'une princesse, un rang royal et la discussion prenait une tournure plus polie et moins sincère. Cherchant bien plus à la lisser dans le sens du poil pour obtenir quelconque obtention de sa part, du moins de celle de la princesse.

La jeune femme ne croyait pas que les pièges de Saemon étaient dus à la guerre. Mais la peur, elle était une théorie beaucoup plus juste, sachant que Saemon avait des tendances paranoïaques. ''Ne travaille pas pour le trésorier il va te tuer''. Il s'inquiétait tout simplement beaucoup trop, il y avait des raisons d'être prudent, mais pas de refuser toute opportunité. Elle se souvenait que son père disait que lorsqu'on ne sortait jamais de chez soi, c'était certain que rien ne pouvait nous arriver. Autone avait un peu trop pris ces mots au pied de la lettre...Mais elle voulait que quelque chose lui arrive, elle n'avait pas envie de s'apitoyer dans son coin jusqu'à ce que Mort vienne la chercher. Et plus les jours avançaient depuis sa fuite, plus elle réalisait que plus personne ne la connaissait sous un autre angle que la matrone d'un bordel, comme si c'était sa seule histoire.

-Nous ne savons pas pourquoi les Alayens nous ont chassés. Ils ont tout simplement débarqué dans la taverne que mon ami possède...Il a défoncé la porte et tué deux employés...et où je devais possiblement travailler. Nous avons écouté l'impulsion du moment et nous avons fui. C'est peut être lâche, mais quoi faire devant un homme entièrement couvert de verre noir? Je ne suis pas une guerrière, vous le devinez...et les dagues ne passent pas au travers de l'armure de cet enragé.

Autone se surprenait à être sociable. Elle retrouvait la petite fille encore intacte qui n'avait pas encore de raison d'haïr le monde et tout les gros porcs qu'elle avait connu étaient derrière elle, tout comme Yvia Neriwen. Elle avait peut-être tout simplement besoin d'air, de respirer autre chose que l'haleine d'un homme. Summer écouta la princesse l'assurer que Gloria était maintenant sûr et il était difficile de ne pas grimacer. Elle se fichait bien des Alayens et des impériaux. La petite femme fuyait non seulement sa maison close mais sa vie stoïque et ennuyante. Puis son expression se figea au son de la dernière question de l'inconnue. Pouvait elle vraiment lui révéler son métier? Elle n'avait rien dit aux gens des alentours et elle n'avait vraiment, mais vraiment aucunement envie que des rumeurs s'ébruitent. Il lui était déjà que des gens ne la considéraient plus comme une femme, une fois qu'ils avaient appris son métier. Elle devenait tout simplement une catin, et parfois tout simplement une fille à qui on peut dire et faire ce que l'on veut. Et elle n'avait franchement pas envie que certains s'en permettent plus qu'ils n'en avaient le droit.

Autone soupira, détournant la tête, elle posait bien des questions cette femme, mais elle semblait pouvoir l'aider. Et elle ne pouvait pas comprendre sa réticence à cette ville sans savoir.

-Je suis...j'étais une fille de joie

Elle avait insisté sur le j'étais, et avait baissé le ton de sa voix aux derniers mots. Parce que c'était fini, peut importe ce qui pouvait lui arriver elle s'était promis maintes fois de ne plus jamais vendre son corps.

-Je n'ai pas de proches à Gloria, mes amis ont été chassés avec moi et...je les connais très peu. Je n'ai plus envie de faire...ce que je faisais et je suis certaine de vouloir aller ailleurs.

« -J'en aurai fait tout autant. »

Enfin c'était un mensonge. C'était ce que toute personne sensée et dotée d'un peu de jugeote aurait fait en pareil cas pour sauver sa vie. Mais Esmelda n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds même par des alayens en armure noire. Elle aurait avant toute chose dit ce qu'elle avait à dire, les fâchant sûrement encore plus, avant de manquer de mourir et de s'extirper au dernier moment, presque au moment où Mort aurait à se déplacer pour elle. Comme lors de sa rencontre avec le Prêcheur. Se battre, ne pas le laisser prendre possession, quitte à en mourir, au lieu de fuir. Ou la princesse rebelle n'était pas du genre à fuir. Et pourtant, c'est ce qu'elle devrait faire, car on avait besoin d'elle et morte elle ne servait à rien. Mais ce détail avait bien du mal à germer et se fixer dans l'esprit de la jeune femme. Même si l'idée première était là. Fuir pour vivre, réaction plus que naturel.

« -Ce n'est pas lâche. Qu'auriez-vous fait face à des hommes en armure alors que vous n'étiez pas armé face à lui. Il faut parfois fuir pour mieux affronter par la suite ce qui nous a fait fuir. »

Et encore une fois, un récit de vie brisé par la présence de ces hommes venus de loin. Pourquoi attaquer et s'en prendre à une jeune femme dans une taverne, elle et ses amis. Esmelda ne connaissait pas son visage, elle n'était donc pas recherchée par la justice. Du moins par pour des faits qui nécessitait un tel flot de violence, car c'était bien cela que la princesse voyait dans les yeux de la jeune femme : une violence sans nom qu'elle avait eu à vivre et qui la faisait vivre loin de la capitale aujourd'hui.

« -N'ayez pas honte de ce vous étiez, car c'est ce qui façonne ce que vous serez demain. Même si je ne peux imaginer un instant votre vie d'hier, aujourd'hui vous avez devant vous un avenir tout autre. »

La princesse lui sourit avec douceur en tentant de lui apporter un maigre réconfort. Car non, Esmelda ne pouvait imaginer ce qu'était la vie de ces jeunes filles, femmes de devoir ne plus disposer de leur corps juste pour quelques pièces. Surtout quand elle ne côtoyait que des courtisanes richement parer, dont l'argent pouvait parfois faire rougir certaines femmes des hommes qui les entretenaient. Sûrement bien moins malheureuses que cette jeune fille et encore est-ce réellement une vie tout de même ? La princesse ne côtoyait pas ce genre de femmes. Du moins pas encore, il lui faudrait bientôt trouver une alliée, si elle devait épouser l'empereur. Mais pour l'heure, cette jeune femme cherchait à fuir se passer, à tourner la page. Esmelda continua à la questionner.

« -Et savez-vous ce que vous voulez faire par la suite ? Avez-vous de la famille ou des amis ailleurs ? Je pourrai vous y faire conduire en sécurité. Ou bien vous donner une lettre de recommandations pour un emploi dans une ville ? »

Oui si Esmelda pouvait lui apporter un petit coup de pouce pour recommencer sa vie, elle le ferait. Elle ne laisserait pas cette jeune fille, en pleine campagne perdue au milieu de tout, et seule. Une lettre pour travailler auprès d'une duchesse ou comtesse, un apport financier pour ses nouveaux rêves, qu'importe. Pour la princesse, tout à chacun à le droit à une nouvelle vie.

Revenir affronter l'homme en armure de verre noir...Autone en avait bien envie, le retrouver et venger les morts qu'il avait fait. Mais elle était incapable de penser à la vengeance sans attacher ce concept à la culpabilité. La jeune femme avait envie de croire que l'équilibre se ferait lui même, que cette personne allait devoir payer sans qu'elle doive se mettre les pieds dans les plats pour s'en occuper. Sauf qu'il n'y a pas vraiment de justice universelle...Il faut faire les choses soit même. Elle l'avait bien expliqué au bourreau qui disait récolter ce qu'il avait semé. Et ce n'était pas son seul soucis...L'ancienne matrone savait que le corbeau allait vouloir le retrouver aussi et se venger. Elle savait aussi qu'il ne ferait pas les choses à moitié et elle ne voulait pas qu'il s'attire trop de problèmes. Autone ne savait même pas si elle avait une chance devant cet homme...elle se sentait tout de même chanceuse de n'avoir eu à faire qu'à lui, puisqu'il avait pris de l'avance sur les autres homme qui fouillaient encore la maison close et le Chien errant.
Quand à son discours qu'elle avait à peine modifié sur l'expérience des gens et leur personnalité, la jeune femme tentait de ne pas rouler les yeux. Elle avait entendu cette petite consolation des milliers de fois. Prendre du recul...c'est possible mais elle pouvait dire ce qu'elle voulait, Summer reviendrait quand même en arrière si elle pouvait.

-Je sais. Prenez simplement pour acquis que j'ai déjà entendu tout ça. Ce n'est plus suffisant.

Et puis elle n'avait pas envie de philosopher sur le sens de la souffrance honnêtement. Elle n'était pas là pour se plaindre, Autone voulait juste passer à autre chose, et éviter de faire comme la dernière fois où elle a tenté de changer de métier. De la famille? Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas pensé à ceux là. Ce n'était tout simplement pas envisageable.

-J'imagine que travailler dans une autre ville est une bonne idée. Mais qui êtes vous pour pouvoir m'écrire une lettre de recommandation?

C'est vrai, elle n'allait tout de même pas offrir ses services en disant qu'une étrangère qu'elle a croisé sur un chemin voulait bien l'aider. Une noble un peu plus modeste? Possible...Mais elle était en contact avec Crissolorio, même si ce n'était pas certain qu'il voudrait pousser sa propre employée à travailler pour un autre. Elle ne lui avait toujours pas remis sa démission d'ailleurs. Mais la jeune femme avait beau ne pas être une rebelle, elle n'avait pas vraiment envie d'aider des impériaux.

(Dis moi si ça te va. Désolé pour la petitesse)

Bon il fallait être pragmatique. Esmelda pourrait lui refaire sa vie en entier. Effacer même jusqu'à son nom et refaire un arbre généalogique qui la mettrait à l'abri d'un bon nombre de soucis. De l'argent et la laisser partir aussi. Bref la princesse pouvait et ferait ce qu'elle peut pour cette jeune femme. On méritait tous une seconde chance.

« -Qu'est-ce qu'il vous suffirait ? Quelle aide ? De quelle façon aimeriez-vous agir cette fois, pour ne plus entendre ce que je viens de rabâcher comme d'autre ? »

Oui ça rabâcher, elle avait l'habitude de le faire.

« -Je vous aiderai, car je peux le faire, j'ai les moyens et le pouvoir de le faire. Et si c'est cela qu'il vous faut alors foncez, profitez que je sois là. La vie est bien trop courte pour hésiter, et si vous pouvez changer de vie et tout recommencer faites le sans attendre.»

Si elle pouvait, le ferait-elle ? Changerait-elle son rôle de princesse pour aller vivre bien loin du palais et de ses intrigues. Non. Kylian lui avait proposé de fuir, et elle avait refusé. Son devoir, ses responsabilités étaient bien trop importants à ses yeux. Tenter de donner ses lettres de noblesse à l'empire et que chacun puisse y vivre en sécurité et avec le nécessaire.

La princesse baissa la tête avant de la relever avant de déclarer, réaliste.

« -De toute façon au vue de ma lettre vous saurez qui je suis. »

Alors inutile d'en faire tout un mystère. Même si la jeune femme savait qu'une fois son nom révélé le regard sur elle changerait, rempli de jugement. La jeune femme face à elle mettrait derrière ses mots, ses gestes que ceux de la princesse, plus ceux de celle d'Esmelda. Mais elle avait l'habitude. Elle saurait faire avec et aviser.

« -Je me prénomme Esmelda Kohan, plus connue sous le nom de princesse de l'empire des Hommes. Ça fait un peu présomptueux comme titre. Je vous l'accorde. Voilà pourquoi, je n'aime pas me présenter et préfère taire mon nom. »

D'une petite moue, presque désoler d'être princesse, bien née, sans soucis d'argent, de travail (quoique) ou bien d'avenir (là aussi il fallait être princesse pour le savoir) mais justement, elle avait eu une certaine chance, et aider les autres à en profiter était pour elle chose normale et naturelle. Partager son argent, donner les moyens d'avancer.

« -De plus l'attitude des gens changent face à ce statut. Promettez moi de ne pas le faire. Nous sommes ici, au milieu de nul part, à essayer de reconstruire des vies. La vôtre, la mienne et celles de ceux du village non loin. Je veux le faire, car c'est autant mon devoir que mon envie. »

La jeune femme sourit légèrement en entendant la question de la princesse. Qu’est ce qui suffisait? Ce qui la faisait sourire, c’est que la question en soit était un défi à répondre. Quelle importance de toute manière? Elle avait seulement voulu lui dire d’arrêter ce genre d’adage spirituel qui ne sert à rien.

-Vous avez compris ce que je voulais dire…

La jeune femme espérait que ces quelques mots suffiraient à se faire entendre. Toutes ces questions de la part d’une inconnue, dont elle ne connaissait ni le nom, ni la raison de toutes ces interrogations. Une offre d’aide? Oui, elle voulait bien y croire, mais pourquoi? Parce qu’elle avait les moyens? Qu’elle voulait redonner à ceux qui étaient dans le besoin? La dernière option complèterait le tout, rendant un peu plus normal la situation actuelle. Mais l’une de ses réflexions spirituelles n’étaient pas encore acquis par l’ancienne Matrone. La vie est trop courte pour hésiter…et elle avait déjà attendu beaucoup trop longtemps. Parce que cette même mentalité l’avait menée dans le pire des pétrins la première fois qu’elle s’était écoutée…qu’elle avait obéit à cet adage.
-Je ne veux pas changer de vie.

Si elle pouvait revenir dans le passé, tout effacer et recommencer…ou bien seulement recommence à un certain point, elle le ferait. Mais c’était impossible, alors au point où elle en était.

- Les membres de notre famille ne sont pas les seules personnes importantes qu’on rencontre dans notre vie. Je connais des gens que j’ai envie de revoir et qui ne sont pas à Gloria. Je veux qu’ils me reconnaissent comme ils m’ont connue et appréciée.

Il y avait aussi le problème que la jeune femme lui demandait immédiatement une solution pour qu’elle puisse l’aider. Elle avait parlé à Saemon de travailler pour lui à distance, mais elle ne savait pas trop où aller, même si certains paysans lui avaient donné leur avis sur le sujet. Elle ne pouvait pas vraiment lui révéler qu’elle recherchait des informations à vendre.

Autone fut sortie de ses pensées quand la princesse se décida à se présenter. D’abord, elle pensait qu’elle était en train de lui dire de voir la lettre pour le savoir. Puis elle entendit son prénom, suivi de son titre. L’ancienne matrone ne savait seulement pas comment réagir, elle avait envie de la rassurer qu’elle n’avait pas du tout envie de faire une révérence à ce moment ci. Le rossignol ferma les yeux le temps de trois secondes, en tentant d’avaler ce qui venait de se passer…une princesse…une princesse! Elle ne pouvait pas juste être une petite bourgeoise ou la femme d’une noble? Non, Autone venait de trouver le moyen d’avouer son passé de prostituée à une Kohan.

-Bien, je vous promets de ne pas changer mon regard, à condition que vous compreniez que je n’ai aucun talent pour ce qui est des convenances.

Oui tourner la page ne devait pas être facile. Le pourrait-elle ? Renier tout ce qu'elle avait été pour écrire une nouvelle page vierge. Pas sûr, cela demandait un grand courage.

« -Il y a changer de vie et renier ce que l'on est et changer de vie en laissant là son passé sans remord et avançant. Et Je croyais que vous désiriez le dernier. Mais j'ai peut être bien mal compris et je m'en excuse. »

La princesse laissa passer un silence de non compréhension. Après tout la jeune fille devait être un peu comme elle, perdue dans ce qu'elle avait à faire ou pas. Elle ne pouvait donc nullement lui en tenir rigueur.

« -En effet, les membres de notre famille ne sont pas la seule importance à nos yeux et notre cœur et heureusement par ailleurs. Mais une famille doit-elle se stopper au seul lien du sang ou de la race et ne pas aller au delà ? Comme par le lien des idées, le lien d'un amour ou bien de rêves similaires. Je pense qu'il nous existe plusieurs familles, chacune a son importance pour nous faire avancer, comme pour nous battre pour elle ou bien vouloir juste un moment silencieux auprès de l'une d'entre elle. »

Oui heureusement que la famille n'était pas tout. Surtout quand sa famille est Fabius. Non, il y avait des liens qui ne descendaient pas de ceux du sang et qui valaient tout autant. Comme ceux auprès des rebelles ou bien des liens encore plus personnels comme avec Kylian.

« -Ne vous souciez pas des convenances, j'en aurai de tout mon saoul dans très peu de temps. Et croyez le ou non, ce n'est pas une chose dont je raffole à chaque instant. La convenance qui convient est celle dans laquelle nous nous retrouvons et suivant les lieux et moments. Je ne suis pas à la cour. Vous n'êtes pas entrain de me demander une doléance ou tout autre chose. Nous sommes simplement deux femmes qui discutent. »

La jeune femme se retint de rire ironiquement à la remarque de la princesse. Elle sentait un mépris dans cette manière de dire qu’elle n’arrivait pas à faire la paix avec le passé. Autone s’en voulait de penser de cette manière, mais elle était une princesse, elle ne pouvait pas comprendre ou comparer sa vie à la sienne. Summer ne prétendait pas que la femme n’avait pas eu ses propres épreuves, non chacun a les siennes et elles ne sont pas plus difficiles ou faciles…Mais les problèmes d’une catin étaient certainement très différents que ceux d’une princesse.

-Je crois que j’ai un peu plus de deux choix. On choisit ce que l’on pardonne…Et je ne peux pas tout accepter maintenant.

Et c’était bien naturel et totalement normal! Cela faisait à peine quelques mois qu’elle avait quitté Gloria…Mais Autone savait mettre derrière elle le passé, une fois qu’il était bel et bien derrière elle et qu’il ne la dérangeait plus. Elle avait facilement accepté de vivre sans sa famille, mais ça faisait bientôt sept ans, même si elle n’Avait pas pris toutes ces années, elle avait besoin d’un peu de temps pour oublier ses regrets.

Une famille, ça n’avait aucun sens pour Autone, la famille. On nait comme d’un jeu de hasard, pile ou face, et puis tant pis si tu as gagé la mauvaise classe sociale ou les mauvais parents. Elle croyait stupide d’accorder autant d’importance à ces gens, à moins de véritablement les aimer.

-On ne choisit pas sa famille. Pourquoi vouloir donner ce titre à des gens qu’on choisit. C’est un compliment que de décider d’être proche de quelqu’un, beaucoup plus que de l’être parce qu’on est nés du même cocon et forcés de vivre avec eux.

Désolé je…parle beaucoup trop

Il fallait vraiment qu’elle arrête d’être aussi sociable. Définitivement, la solitude la changeait un peu, elle avait la discussion facile lorsqu’elle rencontrait quelqu’un, mais elle était toujours aussi hargneuse. La jeune femme soupira, c’était quand même étrange de parler à…une princesse. Elle tentait de ne pas trop faire attention à sa manière de lui parler mais elle avait peur d’être vue comme une …impolie ou quoi que ce soit. Pourtant Autone avait naturellement un peu de retenue, du moins devant les femmes.

-En fait, j’avais envie de visiter Althaï. Vous connaissez quelqu’un pour qui je pourrais travailler, pour une durée de temps négociable? J’ai envie de prendre l’air, mais je veux aussi revenir ici. Certainement pas tout de suite, mais je refuse de m’installer dans une seule ville pour l’instant.

Et tout cela était vrai, même si elle voulait rapporter quelques informations à Saemon, elle aurait peut-être un plan B pour Althaï.

(HRP: Désolé, c'est un peu court mais je crois que j'ai trouvé ma solution x) )

Changer de vie, toute l'envie oscillante de la princesse. Elle le pouvait, elle l'avait fait. Elle le pourrait encore si elle le désirait réellement. Mais un pas que la princesse ne ferait jamais. Trop attacher à son devoir, à son peuple, auquel elle devait être forte et présente. Mais cette femme pouvait le faire. Tout changer. Alors elle l'aiderait. Du mieux qu'elle put. Quelque fut sa vie d'hier et serait celle de demain.

« -Il y a tout à accepter et prendre le risque de changer de vie et suivre une nouvelle voie. »

La princesse ne put que sourire aux paroles de la jeune femme qui se trouvait face à elle. Un certaine tendresse pouvait se lire dans ses yeux. Esmelda haussa ses épaules. Elle ne pouvait le lui reprocher, bien loin de là.

« -Je parle tout autant. Souvent bien de trop. D'ailleurs cela va me jouer des tours, car l'on m'attend sûrement pour une nouvelle rencontre avec les responsables du hameau. »

Certes, la princesse ne rechignait pas à les rencontrer et à faire son devoir. Bien au contraire. Elle se sentait porter par cette haute responsabilité et le faisait de tout son cœur. Non, ce qui la gênait c'était toute la lourdeur du protocole à suivre.

« -Visiter Althaïa ? C'était en effet une bien jolie ville. La ville romantique, des arts et de la culture. Ville de toutes les beautés. Une ville parfaite pour recommencer une vie. Tout y était possible. Mais prenez garde, les routes ne sont pas sûres aujourd'hui, toujours pas. Surtout en ces temps incertains. Et Althaia a souffert, beaucoup souffert depuis la bataille de l'aube rouge. La ville est considérée comme rebelle. Une partie a été détruite, l'autre n'est plus la gloire d'antan. »

Mais Esmelda ne pouvait que s'étonner de ce choix de ville. Pas vraiment là où on pouvait refaire sa vie. Quoique. Mais avec le risque de subir par la suite le courroux de l'empire, de son cousin et de son armée.

« -Ce choix de ville est … étrange. Pourquoi Althaia ? Seriez-vous rebelle ? Contre les idées de notre empereur ?  Là bas la ville et ses dirigeants sont vus et perçus aux yeux de l'empire loyaliste comme des traîtres. »

Pas aux siens. Pour elle, le courage et la valeur de la ville romantique prouvaient encore une fois qu'on ne pouvait mentir impunément au peuple. Et elle avait encore bien plus d'affection pour ce seigneur qui n'hésitait pas à s'affirmer et combattre pour ses idées et valeurs. Le nord qui trouvait le sud souvent fébrile pouvaient être fière et suivre l'exemple de cette ville.
La princesse ajouta avec hâte, ne cherchant pas à inquiéter la jeune femme.

« -N'ayez crainte de votre réponse. Je respecte les idées de chacun. Tant que se sont les siennes et non des imposés par un récit et tissu de mensonge. Je veux juste que vous sachez vers quoi vous vous engagez. »

Peut être que la jeune femme lui mentait cherchant à connaître les motivations de la princesse, ses pensées profondes. Une alliée de son cousin. Peut être ou pas. Qu'importe. Esmelda avait toujours été connue pour le respect des idées de chacun, sans forcément les soutenir. Se liant ou recevant parfois des personnes aux pensées en avance ou bien bien tranchées sur la politique. Elle n'était pas toujours d'accord avec eux, mais elle aimait aussi confronter ses idées. Son salon recevait bien souvent des auteurs, des penseurs, afin de discuter et de débattre sur des sujets parfois litigieux.

La jeune femme en avait un peu assez des petits adages de la princesse. Que croyait-t-elle lui apprendre, honnêtement? Elle était peut-être un peu trop hargneuse…Oui Autone le savait, mais comme la femme se plaisait si bein à le dire, elle n’était pas forcée de tout accepter. Et cette règle qui a été écrite de la plus absurde des mains qui dicte que ceux qui sont nés d’une famille sont meilleurs, plus riche, ont un destin plus joyeux que ceux qui sont nés d’autres familles…Elle ne pouvait pas le supporter. L’ancienne matrone avait beaucoup de mal à tolérer les biens nés…À l’exception peut-être d’un seul, qui n’agissait pas comme un noble. Et c’est vrai qu’elle parlait elle aussi beaucoup trop, mais le problème n’était pas qu’elle avait de la conversation mais qu’elle posait beaucoup, beaucoup trop de questions. Ne pouvait-elle pas respecter cette petite partie de jardin secret que chacun avait en soi?

Summer n’était pas rebelle, mais elle n’était certainement pas loyaliste non plus. Elle avait récemment pensé à rejoindre la rébellion, mais elle ne savait pas vraiment si c’était la bonne chose à faire. Un roi à la place d’un autre, non? Sans les Alayens en tant qu’alliés, qu’est-ce que ça pouvait lui faire? La petite femme se souvenait de la seule et unique fois qu’elle avait rencontré le roi, évidemment elle ne l’avait pas apprécié comme n’importe quel petit bourgeois qu’elle rencontrait. Mais avait-elle vraiment besoin de le trouver agréable?

-Je n’ai pas pris parti. Je suis neutre.
Il y a des limites à vouloir rêver, princesse, pensait le rossignol. Elle voulait bien la considérer comme une personne comme les autres, mais la jeune femme n’avait jamais dit ce qu’elle pensait du roi, des rebelles…pas à voix haute.

-Il y a une personne que je n’ai pas vue depuis longtemps…et que j’aimerais bien retrouver. Je ressens le besoin de me trouver loin de cette ville, de prendre du temps pour moi. Uniquement pour moi.
Pas pour Saemon, pour Crissolorio ou pour sa maison close, ni pour le nid de l’oiseau ou qui que ce soit. Se retrouver face avec elle-même aussi peu longtemps pouvait-elle. Le voyage entre Goria et Althaï s’avérait à être de deux semaines, jusque-là, elle aurait eu le temps de méditer sans être influencée par quoi que ce soit.

-Et puis, cette ville est probablement plus brisée, comme vous le dites, que ce petit hameau. Cela ne vous empêche pas de venir aider les gens, leur parler. Je ne suis pas une princesse, mais je suis certaine qu’il y a là-bas des gens qui valent la peine d’être rencontrés.

Curieuse façon de penser. Neutre. Ne pas dire pour quel camp son cœur penchait par peur de représailles était une chose et Esmelda le comprenait bien. Mais ne pas penser que les alayens étaient une plaie pour leur peuple ou bien un renouveau, que Fabius faisait un bon souverain ou au contraire un traître avec son alliance passée la laissait pantoise.

« -Ne pas prendre parti... peut-on ne pas le faire quand la guerre ravage votre vie ? Je ne vous juge en rien, mais je me questionne. Car moi je suis bien trop passionnée pour ne pas prendre partie contre ceux qui ont bouleversé ma vie. Alors j'aimerai comprendre. Si réponse il y a. »

Elle était curieuse des gens et cherchait à les comprendre. A se faire une idée de la façon de penser. Une bien différente de la sienne.

« -Mais je ne peux que vous comprendre et vous soutenir dans cette démarche de ne penser qu'à soi. Un jour peut être je pourrai aussi prétendre à cela. Alors rien que pour cela, je vais vous aider. Prenez ceci. »

Esmelda chercha dans ses poches une pièce qu'elle tendit à la jeune femme. Une pièce en or semblable aux autres mais avec frappé dessus les armoiries de la princesse.

« -Prenez en soin et à Althaia donnez là aux gardes de la ville pour rencontrer le Seigneur de la ville ou sa femme. Cette pièce vous permettra d'accéder à la ville déjà mais aussi à cette nouvelle vie que vous aspirez. Faites votre requête et cette pièce permettra d'en comprendre les fondements. »

Si elle parvenait aux portes de la ville et du palais.

« -Oui là bas il y a beaucoup de personnes qui auront besoin de vous ou vous d'eux. Des personnes au courage incroyable. Le problème ne se situe pas à ce niveau. C'est une ville vue comme rebelle et autant les soldats loyalistes qui sont restés en retrait afin de veiller du coin de l’œil à la rébellion ne laisse personne s'avancer vers la ville pour une visite de courtoisie. Et les habitants de la ville se méfient des nouveaux venus. Ils viennent de subir une attaque violente et meurtrière. »

Donc pas vraiment un lieu touristique ou même pour faire des rencontres joviales. Les habitants dont ceux qui restaient étaient rebelles ne verraient peut être pas d'un bon œil l'arrivée de cette nouvelle venue, se méfiant de sa provenance et encore plus si elle disait venir de Gloria. Et la naissance, le statut n'était en rien un plus ou un moins. Juste une logique de la guerre.

« -Princesse ou pas, le statut n'importe que peu. Pour l'heure, la seule chose qui compte c'est le replis sur soit quand une guerre gronde à ses portes. Je voulais juste vous mettre en garde. Ce ne sera pas une sinécure. »

Esmelda ne voulait pas la dissuader, loin de là. Qui serait-elle pour faire cela ? Mais la princesse voulait s'assurer qu'elle prenne toute la mesure de ce voyage et de ce choix.

« -Je vous laisse, mon devoir m'appelle. Courage à vous, et prenez soin de votre rêve ! »

La jeune femme la salua avec politesse et s'en retourna vers le hameau. Il y avait encore tant à faire.