--- 6 Juillet ---

Le monde était rouge… rouge ! Le sang et la fureur emplissaient l'air comme un poison. L'odeur caractéristique des alayiens empuantissait les lieux, de même que celui des corps bipèdes que l'on brûlait sur de grand bûchers. Rouge, la terre était rouge. Tant de sang versé… Où étaient les petits ? Les petits, ils ne pouvaient être mort, elle l'aurait sentit, elle l'aurait forcément sentit ! Ils ne pouvaient avoir péris, elle ne s'en remettrait jamais… Que ferait-elle si elle les perdait aussi ? Jamais elle ne pourrait se le pardonner. Non, non ils ne pouvaient avoir périt, ils étaient vivants, forcément. Pourtant qu'elle était cette angoisse terrible qui l'étreignait en cet instant, et lui faisait plus mal que son poitrail tandis qu'elle battait furieusement des ailes. Alors qu'elle ratissait les alentours à la recherche des dragonnets, elle se força au calme. Kylian allait bien et était à Gloria, elle ne risquait rien à le laisser sans surveillance pendant un moment, il serait certainement capable de se tenir tranquille pendant un moment, le temps pour elle de s'assurer de l'état de santé de ses petits. Rapidement, elle les trouva enfin, mais ne se fit pas entendre d'eux, s'assurant simplement qu'ils étaient bien là… et ils l'étaient. Aucun n'était mort. Mais pourquoi se sentait-elle si oppressée alors ? Impossible à savoir et pourtant cela ne faisait que s'accroître malgré la poigne implacable qu'elle gardait sur ses ressentit.

Avec un rugissement de frustration, elle vira sèchement dans les airs et changea de direction, cessant de tourner autours de la ville d'Althaïa et du champ de dévastation qui lui faisait face, elle s'engagea de nouveau vers l'intérieur des terres. Alors que la cité humaine disparaissait derrière elle, son angoisse et la pression qu'elle expérimentait atteignirent leur paroxysme. Feulante et grondante, elle secoua violemment la tête et accéléra encore, provoquant une puissante douleur dans son poitrail… Au même instant, une voix étrangère lui parvint, venant frapper son esprit en une supplication aussi désespérée qu'impérieuse, une fois qui fit palpiter son coeur et cibla bien plus précisément l'urgence qu'elle ressentait alors. Une voix qu'elle n'avait jamais entendue, mais que son instinct reconnu immédiatement… <Edwyn !> Elle entoura son esprit du sien et s'y accrocha fermement, s'interposant entre le Tarenth et quoi que ce soit qui oserait tenter de l'approcher. Piquant depuis le haut des cieux, elle se laissa tomber à une vitesse terrifiante, le vent sifflant dans ses écailles tandis qu'elle plongeait vers le lieu où le bipède gisait. Sa sombre masse ressemblait à une flèche d'argent ternis contre le ciel. La terre grossissait, grossissait, mais elle ne s'arrêta qu'au dernier moment.

Dans un choc violent, ses pattes rencontrèrent de nouveau le sol et elle replia ses ailes immenses en soufflant lourdement, la respiration difficile après une telle descente. Néanmoins et oublieuse de ses propres faiblesses, elle se rapprocha du minuscule bipède, venant s'enrouler autours de lui et approchant le museau de la forme affaiblie. Elle le sentait affaiblie d'une façon qu'elle ne parvenait pas entièrement à expliquer. < Edwyn… que s'est-il passé ? > Elle vint souffler sur lui avec douceur et pressa doucement son immense museau en s'ouvrant à lui, inquiète. Que s'était-il passé par les esprits, que c'était-il passé… quelque chose de terrible venait d'avoir lieu, mais quoi ?

@Edwyn Ruddy

Elle le connaissait sans le connaître, ne l'ayant jamais rencontré physiquement jusque là. Pourtant elle en avait plus d'une fois entendu parler, par Verith, par Ashy… et les souvenirs et pensées qu'on lui avait transmis à son propos avaient éveiller quelque chose de diffus dans sa mémoire ancestrale. Une chose profondément enfouie, à demi effacée… comment avait-elle été effacée exactement ? Aucune idée, mais la mémoire ne pouvait être totalement détruite semblait-il. On n'oubliait jamais vraiment, avait-elle toujours pensé. On avait simplement du mal à se souvenir. Elle savait qu'elle le connaissait, mais n'arrivait tout simplement pas à raviver correctement cette mémoire. C'était néanmoins suffisant pour qu'elle décide de lui faire confiance. Elle en savait bien assez pour cela et son instinct ne l'avait jamais trompé jusqu'à présent alors pourquoi le ferait-il maintenant ? Il n'y avait aucune raison que cela arrive et le choc ne fut donc que plus grand encore lorsqu'il prononça le nom de son fils….

Verith ? Verith était l'auteur de ctte angoisse qui l'avait saisit et de l'état du bipède ? Verith avait provoqué… quoi ? Qu'avait-il encore fait celui-là ? Ça ne lui avait pas suffit d'être maudit par un esprit et de manquer compromettre la bonne volonté de celui-ci ? Il fallait encore qu'il secoue Armanda de son aveuglement ? Oh son fils… où avait-elle fauté ? Jamais encore elle n'avait douté à son sujet, même s'il était ce qu'il était, elle avait toujours été fière de lui ! Douter de ses enfants était un comportement bipède, pas draconique, et pourtant. Elle ne pouvait s'en empêcher en cet instant. Depuis qu'il était arrivé sur Armanda, il n'était plus lui-même, il semblait complètement et de plus en plus fou… Grondant doucement, elle le laissa poursuivre, dans l'espoir qu'il l'éclaire davantage. Et c'était effectivement ce qu'il fit, confirmant ses craintes. Elle contint sa colère qui commencer à gronder en elle, et le laissa se relever, reculant le museau légèrement mais sans le quitter des yeux.

L'entendre la tutoyer ne lui fit rien, étrangement. Elle ne se sentait pas insultée pour une fois. En revanche le sentir douter lui tira un grondement désapprobateur et elle frappa contre son esprit, durement mais sans agressivité toutefois. < Suffit > Elle appuya son esprit contre le sien, cherchant à dévorer le doute et l’hésitation qui semblait vouloir l'habitait. Elle n'avait pas de doutes et ne voulait pas douter. < Bien sûr qu'il y a encore un chemin vers l'espoir ! Il ne se fermera que si tu cèdes à tes doutes Edwyn. Je te porterais à travers le continent et je m'occuperais de détruire ces perles. Il te faudra cependant m'en parler davantage, tout ce que je sais d'elles, c'est ce que Moëbius m'a dit, qu'il y en avait au coeur des forêts et qu'elles ont fait disparaître les bois… En traversant le royaume humain, j'ai sentis plusieurs d'entre elles et la panique qu'elles provoquaient, mais la portée exacte de leur pouvoir ne m'est pas encore claire >

Contrariée, elle fendit l'air de sa queue en rythme alors qu'elle reprenait la parole. < J'ai ressenti quelque chose, avant d'entendre ton appel. Quelque chose de terrible qui m'a étreint l'âme pendant un moment. C'est donc Verith et cet allié qui sont à l'origine de cela, n'est-ce pas ? Je sais qu'il était furieux contre toi. Il m'a tout montré de votre périple, jusqu'à votre rencontre sur le plan astral et les révélations que tu as faite. Il t'accuse d'être le responsable de sa malédiction, mais je n'y crois pas > Une fois de plus il ne comprenait pas ce qui était pourtant évident à ses yeux à elle. Elle sembla hésiter un instant, puis approcha de nouveau le bout de son museau. < Parle moi de ce péril que mon fils a provoqué. Cela te semble lié de façon évidente et il m'apparaît que je n’apprécie pas du tout de te voir ainsi malmené. De nombreux échos frôlent ma mémoire mais je ne parviens pas à les saisir… pourtant je te connais bien, créateur du lien, si je suis venue ici c'est d'ailleurs bien pour venir en aide à un ami, mais rester aveugle n'est pas de mes plaisirs... >

Elle sentit la douleur dans l'esprit du Tarenth… la souffrance… Elle n'aimait pas cette souffrance, elle ne lui semblait pas à sa place. Immanquablement, elle imagina une semblable souffrance chez Kylian et n'eut plus envie que de la dévorer comme elle aurait dévoré un animal importun et malodorant. Elle n'aimait pas cette souffrance, qui semblait plus physique que physique et qui n'aurait donc jamais dû être. Elle grogna légèrement à ses paroles. Ne pas y prendre garde ? Bien sur que si elle y prenait garde ! Néanmoins, puisque c'était sa volonté, elle n'irait pas plus loin. Elle ne pouvait ignorer ce qu'elle sentait en lui, pour autant, elle respectait son choix. Et en retour, lui ne se fermait pas à ses paroles. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il le fasse, vraiment, il n'était pas comme les autres bipèdes, mais elle s'en satisfaisait quand même. Oui il y avait de l'espoir et il fallait tout faire pour le préserver et le nourrir. Si on commençait à perdre cela de vue, ils étaient tous bons pour se rouler en boule et rester là pour mourir, et elle n'avait aucune intention d'abandonner. Elle se battrait toujours jusqu'au bout et de toutes ses forces. Elle ne pouvait faire moins pour le monde qu'elle aimait et pour ses petits, qu'ils soient issus d'elle ou non. Il prenait à nouveau la parole et elle cligna des yeux en focalisant à nouveau son attention, tournant son esprit entier sur lui.

La description qu'il faisait des perles était inquiétante, et même pire. Des choses aspirant l'énergie vitale et magique et absorbant la vie ? Quelle sorte de folie avait donc fait naître Néant. Mais ce n'était pas seulement cela qui l’interpellait, mais les secrets qu'il révélait là sur les esprits. Elle le suivait de son mieux, s'étonnant de tout cela mais refusant de porter un regard critique sur ce qu'on lui révélait. Elle l'aurait pu, mais à quoi bon et pour quelle raison ? Elle aurait pu ne pas le croire, mais pourquoi aurait-il menti ? Alors elle écoutait simplement, sans bouger, sans parler, l'observant simplement de son énorme regard, son attention ne vacillant pas un instant. Il n'avait pas tort, ses mots avaient du sens. Elle gronda de nouveau en le sentant user de sa magie sur elle, un son profond et vibrant, ni bon ni mauvais. < Tu n'as pas besoin de ça pour que je te crois, Edwyn Ruddy. Tu es beaucoup de chose, mais maintenant, tu n'es certainement pas un menteur > Il n'y avait pas de mensonges dans sa voix et ses yeux. Et si on écartait cela, il y avait encore le fait que seul un fou aurait inventé pareille histoire, hors il n'était pas fou, de cela elle était tout aussi certaine puisqu'elle examinait son esprit. Il était sain d'esprit, et probablement fatigué de voir faire les mortels, cela elle pouvait le comprendre. Elle aussi avait été fatiguée à l'époque, c'était d'ailleurs pour cela qu'elle était partie.

Graorg était l'ennemi. Mais qui était Vraorg ? < Je ne t'en veux pas, il fallait bien que ce soit dit > Elle se redressa pendant un moment et étira ses ailes avant de se réinstaller, sur ses pattes. Cela la démangeait de repartir immédiatement et d'emporter le Tarenth vers les perles, mais elle voulait vraiment en savoir davantage avant d'en arriver là. < Parle moi de Vraorg. Je sens quelque chose en toi, qui te relie à lui. Quelque chose de diffus. Que vient-il faire dans ce conflit ? Qui est-il…. > Une fois de plus, l'instinct parla < Est-il également lié à ce qu'on fait Verith et ton allié ? Est-ce pour cela que tu as été touché ? > Elle resta un instant silencieuse < Verith m'a montré ce dont t'as accusé l'Esprit de la Vie, ce qu'aurais dû faire ton peuple… raconte le moi. Les souvenirs et les images sont biaisées… surtout venant de l'ire incarnée. Raconte moi davantage >

Vraorg était ? Oui, qu'était-il exactement ? Pourtant il semblait hésitant. Et si elle désirait obtenir des réponses, elle ne tenait pas à les obtenir contre sa volonté car elles n'auraient alors plus aucune valeur à ses yeux. Et elle lui faisait suffisamment confiance pour le laisser juger. Ce qu'il accepta de lui dire lui suffisait déjà de toute façon. Le portrait qu'on lui dressait n'était pas flatteur. Elle n'allait absolument pas l'aimer, ce Vraorg… Et elle ne voulait pas croire que les Esprits pourraient être terrassés par un seul être. Mais la façon d'agir d'Edwyn semblait indiquer que lui, il y croyait, au moins un peu. Cela la rendait méfiante. Peut-être vaudrait-il mieux détruire cette créature. Était-ce possible ? En tout cas s'il s'en prenait aux esprits, elle, elle le combattrait de toutes ses forces. Jusqu'à la mort s'il le fallait, mais il était hors de question qu'elle reste sans rien faire. Cela dit, ce n'était pas la menace la plus immédiate, même si elle était sans doute plus sinistre encore que les perles de Néant. Et puisqu'il ne voulait pas tout dire, autant ne pas se tétaniser maintenant là-dessus. Il fallait se concentrer sur ce qui était à leur portée immédiate avant de passer au reste.

La suite la fit gronder bas. Cela rejoignait ce que Verith lui-même lui avait dit, et ce qu'elle avait pu déduire… mais elle n'était pas d'accord, concernant Vie. Certes, ils avaient peut-être manqué à la mission qu'on leur avait destinée, mais non, elle ne pensait pas qu'ils étaient responsables de l'état actuel du monde. Elle resta muette cependant. Il était trop facile de juger et de condamner un être, qu'on soit dragon, esprit, Tarenth, ou quoi que ce soit… mais la façon de penser de ce minuscule bipède lui plaisait décidément, elle la comprenait facilement et la rejoignait en grande partie. Et elle n'avait de toute façon ni l'envie ni l'intérêt de se lancer dans une controverse au sujet de ce qui était passé et qui ne pouvait être changé. C'était fait, on ne pouvait revenir dessus, il valait mieux dédier son énergie au futur. « Ce n'est pas à nous de les aider » affirma-t-elle « C'est le chemin qu'ils empruntent, et qu'ils ont choisis, même sans en connaître tous les dangers et les aboutissants. Ils survivront ou seront broyés, c'est ainsi que cela doit se passer. Et si l'occasion leur est offerte de se défaire de l'emprise de Vraorg, alors ils la saisiront ou non »

Elle avait confiance en Verith, cependant. Il s'en sortirait. « Tu n'es pas responsable de chaque vie en ce monde, Edwyn, quoi qu'on puisse te reprocher au demeurant et ce même si je ne suis pas d'accord avec ces accusations, et même si je désire que mon fils soit hors de danger. Pour le moment la destruction des perles doit être notre principal objectif, nous ne pouvons le mettre en péril même pour le salut de ce qui peuvent nous importer » C'était peut-être dur, pour certains bipèdes, que de penser ainsi, mais elle préférait la perte de quelques uns et le salut du monde que pas de monde du tout et la perte de tous. Ce n'était que logique et instinct, à ses yeux de dragonnes, et elle ne pouvait aucunement prendre en pitié ceux que Vie battait de son fouet. Ainsi allait le monde, et si elle ne souhaitait à personne souffrance et épreuves, elle ne savait que trop bien qu'on les évitait rarement et qu'il s’agissait là de la marche de ce monde, ni plus ni moins. Il fallait s'en accommoder et faire avec. Et puis… Verith devait assumer ses erreurs, ou jamais il ne parviendrait à en tirer des leçons. Elle avait essayé, stupidement, de lui servir de raccourcit, mais cela ne servait à rien, elle en avait parfaitement conscience.

« Si les esprits ont détruit cet artefact, alors sans doute une alternative existe-t-elle à son existence. Nous la trouverons après nous être occupés des perles, si nous le pouvons » Elle avait confiance en la clairvoyance des esprits même si elle n'était pas d'accord avec toutes leurs décisions et idées. L'avenir n'était pas figé dans la pierre, du moins tant qu'il ne devenait pas passé. Cela lui rappelait étrangement l'énigme qu'elle avait posé au jeune elfe, Aranël, et qu'il avait eu du mal à déchiffrer. Rien que pour des créatures comme lui, elle était prête à donner toute l'énergie de sa vieille carcasse, pour ce que ce monde faisait encore de bon, de mauvais, mais de vivant. Pourtant, quelque chose la retint encore, alors que, pourtant, l'urgence se faisait. Elle savait qu'il savait. Mais elle savait aussi qu'il comprendrait pourquoi elle le mentionnait et prenait la peine de l'exprimer. « Quant à ta création… Moi aussi, je la méprisais, avant. Je pensais qu'elle était une atteinte à notre liberté. Pourtant… j'ai appris sa valeur. Tu as dû le sentir, je suppose, mais j'ai trouvé un bipède qui me convient, moi aussi. Il était idiot, écervelé, agit sans réfléchir et se montre souvent borné, mais je l'aime beaucoup… »

Voilà qui était dit. Elle devait le dire. Mais à présent, il était peut-être temps de partir. Peut-être seulement.

Elle aussi, espérait qu'ils saisiraient leurs chance. Verith en particulier, mais elle ne laissait pas l'humain en reste non plus. Quelque soit les erreurs qu'ils avaient faites et ce qu'ils se devaient d'assumer, elle ne leur souhaitait pas pour autant la servitude, et encore moins sous la férule de cet être maléfique qu'était apparemment Vraorg. Elle ne rejetait pas davantage la colère bien légitime d'Edwyn à l'égard du duo. C'était là simplement le cours naturel des choses. Et il était idiot de penser que le monde entier avait une seule ligne de pensée. Une même personne pouvait tout aussi bien partager deux sentiments contraires. Et d'ailleurs, elle renâcla avec un mélange d'amusement, de cynisme et de bougonnerie en s'entendant dire qu'elle avait bon coeur. Bon coeur, bon coeur… moui enfin peut-être pas trop non plus ! < Les bipèdes, et les Armandéens en général ont la fâcheuse habitude de rechercher les pires sables mouvants pour y sauter joyeusement à pieds joints, si tu décides de t'en sentir responsable, tu n'en finira plus. Et tient, je suis persuadée que rien ne m'arrivera, rien que pour contredire ton affirmation ! > Et si un sable mouvant essayait de l'attraper, elle le mangerait tout cru. Et puis, l'habitude armandéenne de rechercher les ennuis, elle était persuadée qu'elle serait apparue que les Tarenth restent ou pas. C'était simplement leur façon d'être et ça avait au moins le mérite de ne pas vous ennuyer.

Mais ce n'était qu'une anecdote. Une anecdote qu'illustrait pourtant parfaitement son vampire de lié. Qui mieux que Kylian Wallam, pour incarner le goût des ennuis des bipèdes ? Cependant, elle fut réellement curieuse du souvenir qu'il lui montra, et même flattée, par ses mots autant que ces images qu'il partageait. Elle pouvait sentir l'affection qu'il avait nourris envers elle. Et elle garda précieusement l'image de ce couple dans sa propre mémoire, se promettant de le montrer à Kylian lorsqu'elle le retrouverait. Elle chérirait sans doute longtemps ce petit fragment du passé. Et puis, elle était persuadée que les morts vivaient encore, si on se souvenait d'eux. Pas de la Vie, mais d'une vie, singulière et éphémère. Aurait-elle aimé ce couple ? Sans doute oui… instinctivement, elle l'affirmait. Le voyant, ou plutôt le sentant, s'intéresser à sa vieille blessure, et elle montra, fugace, l'image des armes de siège humaines qui, aidées par la magie, était venue défoncer son poitrail… < Avant cela ? > Que voulait-il ? Elle le regarda approcher d'elle, et lorsqu'elle sentit l'énergie qu'il maniait, elle comprit enfin, et fut plus que surprise. Immobile, elle le laissa accomplir ces soins qu'elle n'aurait pas rêvé, sentant lentement la douleur de la blessure disparaître et la gêne qu'elle occasionnait se dissiper. Elle sentait que cela lui demandait beaucoup d'énergie, mais même s'il elle aurait pu douter du bien fondé du geste, elle l'appréciait et ne l'aurait jamais refusé.

Quand enfin ce fut finit, elle se sentit renaître et se dressa de toute sa hauteur, savourant la sensation d'être entière et forte à nouveau. < Edwyn… > Mais les mots bipèdes n'avaient aucun poids, aucune mesure suffisante pour exprimer ce qu'elle ressentait. Ce furent des sensations sauvages et vibrantes qu'elle déversa librement dans l'esprit du Tarenth, n'ayant nullement besoin d'un langage bipède pour s'exprimer avec la pleine puissance de sa passion draconique. Mais l'acte lui avait demandé beaucoup d'énergie, et elle le laissa finalement monter sur son dos et s'installer confortablement avant de décoller, emportant son petit cavalier vers leur tâche, bien décidée à veiller sur lui.