--- 5 Juillet ---

La sombre carnation du pourpre liquide semblait s'effacer à demi, rendue brumeuse par le regard acéré qu'il portait sur elle. Au bout d'un long instant, il se décida enfin, et porta la coupe d'airain à ses lèvres pour en vider le contenu d'une gorgée longue, le froid métal venant s'apposer sur ses non moins froides lèvres. Le goût du sang n'était pas tout à fait aussi prenant qu'il aurait dû l'être, teinté par la magie qui le conservait autant que par le contrôle qu'il retrouvait sur sa personne après les quelques fiévreux jours qui avaient suivit la bataille. Il était enfin lui-même et ce n'était pas trop tôt… Malgré tout, il restait satisfait de voir s'achever l'épisode particulièrement délicat de la journée précédente. Assister aux funérailles d'un dignitaire nordique lorsqu'on portait les crocs longs était dangereux… néanmoins, il existait encore, il fallait donc croire qu'il avait réussit à s'attirer leurs faveurs, au moins légèrement. C'était une surprise, mais il ne le regrettait nullement. La rébellion avait besoin de cohérence et parvenir à passer la méfiance des tueurs de vampires serait un bon point pour tous les vampires encore présents en ces lieux. Ils en avaient bien besoin. Plus que besoin même, ils étaient mis au ban pour le moment, en raison de la trahison de Lorenz. Mais le prince noir paierait pour cela comme pour le reste.

« Aîné, elle est là » La voix était douce, et singulière dans sa jeunesse. Il tourna son regard vers Merveille et l'observa un instant avant de hocher légèrement la tête, agréant à la visite. Certes, il s'était montré fort contrarié lorsqu'Aegle avait enfin dévoilé la présence de la féline au sein de la rébellion. Elle était venue comme il le lui avait demandé et depuis plus d'un mois. Un bien mauvaise surprise, car il aurait apprécié la voir immédiatement. Néanmoins il comprenait la raison de ce silence. S'il avait été mis au courant, il se serait probablement détourné de ses obligations immédiates et aurait perdu son temps. Mais à présent, il pouvait se le permettre… il devait de toute façon se reposer. Et quoi de mieux, pour se reposer, que cette délicieuse présence ? Certes, Eliowir était sa panacée, mais il n'était pas le seul dont il appréciait la présence malgré ses sentiments pour lui. Merveille s'éclipsa pour prévenir l'humaine, et lui-même retourna s'installer près de son bureau, faisant venir à lui une seconde chaise de bois haut afin qu'elle puisse s'asseoir à ses côtés. Il ne l'avait pas fait venir immédiatement à lui, désirant régler quelques petits détails avant cela. Maintenant que c'était fait, il lui avait fait parvenir une missive officielle et l'avait conviée à l'intérieur même de Fort-Esperance, où il logeait à présent.

Encore un moment, et la porte bougea à nouveau dans un cliquetis discret de sa poignée. Immédiatement, les battements du coeur de l'assassine virent égayer le silence paisible des lieux, et il tourna son regard vers elle. Remerciant Merveille, il la laissa s’éclipser, avant d'observer de nouveau l'humaine, impénétrable. Ce ne fut qu'au bout de plusieurs longues minutes qu'il sourit enfin et vint se lever pour déposer un baisemain galant sur sa peau délicate. « Vous me voyez comblé d'être de nouveau gracié de votre présence, ô Féline. Je suis confus que nos retrouvailles aient tant tardé... »

@Livilith Veihg

Coeur battant tambour dans cette délicate poitrine, musique à ses oreilles. Oh il était souvent entouré de battements plus ou moins effrénés, mais cette harmonique-ci était aussi unique que celle qui le produisait bien involontairement. Semblable à l'égide de leur première rencontre, elle était délicieuse dans sa rafraîchissante sincérité, semblant incapable de jouer au moindre jeu face à lui. Elle n'était pas effrayée ou intimidée… désireuse, sans aucun doute oui et terriblement attendrissante avec ce délicat voile carmin venant colorer ses joues pâles. Oui elle lui avait définitivement manqué, cette jeune et agréable humaine qui jouait pour lui de son mortel instrument et à ses paroles, il se contenta de ciller, un bref instant, sans rien ajouter. Oui, elle le retrouvait enfin, malgré les barrières que l'on avait sciemment placées face à elle et qui n'étaient nullement son fait à lui… Et lui ferait en sorte qu'elle ne disparaisse plus dans les labyrinthes de manipulations de sa famille qui, pour le coup, le contrariait énormément. Était-ce en raison de sa récente paternité ? Il n'en était pas certain, mais en revanche ce dont il était certain, c'était qu'il faudrait que ces deux-là s'entendent, à défaut de s'entendre avec le reste du cercle des anciens.

Ne soufflant mots de ses pensées, il la laissa poursuivre, continuer. Continuer de lui parler et de lui dévoiler pensées et désirs comme la corolle d'une délicate fleur qui s'ouvrait pour lui. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle approchait encore, douce phalène qu'il contemplait, attirée par une lumière qu'elle seule voyait. Danse des effleurements un bref instant, à peine le temps d'un souffle, avant qu'il ne la laisse s'éloigner, se retirant de sa chaleur sans frémir mais pour mieux la dérober dans un futur sans doute fort proche. Il se tourna vers elle, la laissant s'avancer dans la pièce que l'on avait ordonné en prévision de sa visite, le maître des lieux ne désirant nullement qu'elle fut témoin d'un quelconque désordre, tel que celui qu'avait pu expérimenter la jeune enfant venue le voir quelques jours auparavant. Le lit trônait au centre de la pièce, tout de bois et de tissus de qualités, tandis qu'à la fenêtre, la lueur bleuté des roches magiques éclairaient un bureau construit en bois de cerisier, sur lequel étaient entassés, en des piles nettes, de nombreux ouvrages aux reliures éliminées. Trônaient également là son nécessaire à rédaction, ainsi que du parchemin vierge.

Le mur s'ornait quand à lui d'un râtelier élégant sur lequel reposait armes et armures, ainsi que la selle de Silarae qu'il devait faire huiler. Il n'avait pas prit la peine de dissimuler ses effets, ne voyant pas pourquoi il devrait le faire. De même, il répondit avec sfranchise. « Non, effectivement. Je ne me prononcerait nullement sur mon état à l'heure actuelle, trop d'incertitudes planent encore sur ma situation. Traître autant que trahis, je ne peux ni ne veux retourner auprès de ce que vous décririez comme 'mon peuple' l'armée de Lorenz Wintel. Ses actions font de lui mon ennemi désigné. Pour autant je suis toujours moi-même et j'ai à ma charge l'avenir de la caste des dragonniers, un enjeu que je ne puis rejeter. Mais tout cela relève de politique et sans doute n'est-ce en rien un domaine qui vous attire. Je ne voudrais vous indisposer » Et il voulait avant tout attendre avant de tout révéler, malgré sa sincérité. « Et vous-même ? Je n'ai appris que très récemment votre arrivée… hier, à vrai dire. Avez-vous combattu durant la bataille ? Je ne vous y ai, certes, pas croisée, mais elle était très étendue… vous semblez néanmoins en excellente santé… votre coeur le premier »

Taquin ? Quelque peu, mais c'était elle qui le motivait à pareille douceur. Et si sourire ne fit pas aube sur ses traits, ses yeux avaient néanmoins l'étrange douceur des lagons qu'ils feignaient. « Nous aurions dû nous retrouver bien plus tôt. Hélas j'ai été terriblement occupé et le serait certainement davantage encore dans les prochains mois. Néanmoins si désir vous étreint, vous êtes libre de m'accompagner. Votre présence me sera un baume agréable et une joie sincère »

Et bien, au moins ne lui était-il pas désagréable. Une bonne chose sans doute, car si elle n'avait aucun goût pour la politique, lui était embourbé dedans jusqu'au cou depuis sa naissance humaine et jusqu'à maintenant. Et avec la création de l'ordre des dragonniers, ça n'allait pas s'arranger. A terme, il serait contraint de jongler avec tous les prétendants à ses faveurs diplomatiques, il le savait pertinemment. L'appui de la caste pourrait renverser des guerres, les faire s'éteindre avant même de débuter grâce à leur force de dissuasion… Il tremblait encore à la simple idée de ce dont ils seraient capables, une fois qu'ils seraient véritablement unis. Quoi qu'il décidait et quelle que soit l'affection qu'il pourrait avoir à l'égard de cette enfant, il ne pourrait en aucun cas cesser de naviguer en politique, même si celle-ci n'était pas forcément sa tasse de thé. Elle serait utile si véritablement elle désirait l'aider, mais il ne pourrait jamais cesser ses combats et cela finirait invariablement par la lasser, il le craignait… aussi belliqueux qu'ils soient, les humains n'étaient pas taillés pour férailler éternellement. Elle se fanerait, toute rose guerrière qu'elle pouvait être. Mais soit, si vraiment c'était là son souhait, elle pourrait lui servir. Pas aux besognes qu'elle évoquait avec tant de candeur, il n'avait que faire d'une assassine quand il pouvait exécuter ses opposants à distances – et elle ne pourrait jamais être de tailler contre un Lorenz – et il disposait du meilleur réseau d'espions du continent grâce à Aegle. Mais il y avait autre chose, une chose à laquelle elle n'avait probablement pas pensé…

Mais il n'allait pas lui en parler avant d'avoir les réponses et réactions au reste de ses questions et de ses paroles. Chaque chose en son temps, et un temps pour chaque chose. L'un des points négatifs de la vieillesse vampirique comparée au reste des races… ils étaient terriblement lent à changer et prenaient leur temps. Mais on ne pouvait leur en vouloir totalement, non ? Après tout, ils avaient l'éternité devant eux. Peu importait pour le moment donc. Il lui était déjà reconnaissant de ses réponses, même si certaines le laissait perplexe. Elle avait été retenue ? Diantre, il valait mieux que Korentin n'entende pas parler de ça, ou, simple invitée ou non, elle serait châtiée en bonne et due forme… Qu'est-ce qui avait pu la retenir alors qu'elle se trouvait au coeur d'Aigue et que toutes les activités étaient tournées vers la future bataille ? Il voulait bien le savoir. Cela semblait quelque peu étrange, voir carrément impossible, mais soit, il n'irait pas lui chercher les poux, elle se débrouillait avec ses choix, ce qui était bien naturel. Il était ravis de la retrouver, oui, elle était une agréable bouffée d'air frais. Mais en même temps, il se découvrait totalement incapable de réellement goûter au plaisir d'un moment passé avec elle… peut-être simplement parce qu'il ne parvenait plus à ôter de ses pensées les doutes et les devoirs qui pesaient sur ses épaules. Il ne parvenait tout simplement pas à se détendre et céder à la légèreté de leur relation…. C'était parfaitement impossible, à présent. Peut-être serait-il incapable de se défaire de cette austérité et ce à tout jamais.

Il ne le montrerait jamais, évidemment et encore moins devant-elle, mais la question se posait. Il avait endossé les charges d'Edwyn en affirmant le soutenir et acceptant son aide. Cela avait de nombreuses conséquences. Oh, il pouvait taquiner et sourire, et ce sincèrement… mais quelque chose s'était éteint, il commençait à l'entrevoir. En l'état cependant, il n'en cernait pas le fond. Il lui faudrait l'expérimenter au fur et à mesure et en attendant, elle était-là, ainsi que d'autres. Korentin… oui il lui manquait, étrangement. « Je vais voyager jusqu'à Lyssa, la Vagabonde. Les informations que l'on m'a communiqué indiquent qu'une perle de Néant se trouve dans la ville et c'est un danger majeur qu'aucun de nous ne peut ignorer. A terme si nous les laissons grandir, elles détruiront notre monde et tout ce qu'il contient » Autant qu'elle sache au devant de quoi elle allait si elle venait avec lui « Néant en est la créatrice, comme leur nom sous-entend, il y a donc fort à parier qu'il sera difficile de s'en débarrasser, et excessivement dangereux. En temps que maître de la caste des dragonniers et son nouveau fondateur, j'ai reçu la mission de déployer mes forces contre ces perles, je le dois donc. Viendront avec moi ceux de mes pairs qui le désir… et vous, si tel est votre choix »

Il ne pouvait lui demander de prendre un tel risque seulement pour lui, elle avait le droit de savoir. « Mais en attendant ce combat, et mon départ, oui je suis toujours disposé à répondre à vos questions, et plus encore si vous le décidez... »

Ce qu'il lisait dans cet esprit-là, il ne savait plus bien s'il s'en satisfaisait ou non. Comme tout vampire, qu'on soit centré sur sa personne lui plaisait, évidemment… mais au détriment du danger que représentait une perle du Néant ? Sans doute était-ce simplement parce qu'elle ne réalisait absolument pas ce dont il s'agissait. C'était difficile de se l'imaginer, il agréait parfaitement à cela. Comme pour toutes choses d'ailleurs. On avait beau vous le dire, cela ne devenait concret qu'une fois que vous y étiez confrontés. Il n'insisterait pas dessus donc, elle comprendrait en voyant par elle-même… en espérant qu'elle n'en meure pas. Cela le contrarierait fortement. L'optimisme faisant, cependant, il se convainquis que ce test-ci serait bénéfique pour tous le monde. La perle n'était que de force moyenne, ce qui signifiait l'équivalent de celle d'Aigue et ils l'avaient détruite. Si elle parvenait à s'en sortir face à cette perle-là, il envisagerait peut-être de lui faire poursuivre le voyage vers les plus puissantes. Dans le cas contraire, il la confierait à ses fidèles le temps qu'il fasse son œuvre. Quant bien même voulait-elle le suivre par monts et par vaux, il n'accepterait pas qu'elle en périsse. Ses priorités étaient toutes autres. Et il semblait, à ses pensées, que ce n'était pas plus mal. Le serval était puissant en-elle, sans doute attisé par ses expériences passées.

Un fin sourire vint ourler ses lèvres, tandis qu'il la voyait devenir écarlate. Sa peau marquait facilement… Un délice certain pour un vampire. Mais il n'était pas UN vampire, il était un ancien et il était lui-même. Et il n'aurait jamais cherché à marbrer cette peau, sauf si on l'y poussait vraiment. Malgré sa lassitude, il s'amusa de la voir chercher mots et idées. Et bien ? Quelle serait sa première question ? Lorsqu'elle vint, cependant, il soupira légèrement. A la transformation… Il s'approcha d'elle lentement, tout en prenant la parole avec suavité, la voix douce. « Vous ressentirez tout d'abord une puissante brûlure, aux abords de la morsure que l'on vous aura infligé. Cette brûlure se rependra, envahissant le reste de votre corps, et vous fera cuir de l'intérieur, tandis que le venin se glissera dans vos veines, porté par votre sang. Cela prend du temps, une heure le plus souvent, à moins que la morsure ne soit localisée avec un soin particulier, pour écourter la transformation... » Il vint se tenir près d'elle, frôlant ses cheveux de ses longs doigts « Le venin… rongera votre corps, il s'attaquera à ce qui est vivant en vous… vos vaisseaux, vos nerfs, vos organes… Il n'épargnera rien. Lentement, il éteindra le souffle de vie en vous. Et vous devrez le supporter pendant des heures »

Il caressa une boucle, et la prit entre ses doigts. « Si votre transformateur est prévenant, il fera en sorte de vous faciliter cette étape, en vous plaçant à l'obscurité. La lumière ne fera que rendre le processus plus douloureux encore. Après quelques heures, vous vomirez votre sang en grande quantité, s'il vous en reste. Vous sentirez vos organes cesser de fonctionner les uns après les autres au travers de la douleur, vous aurez de plus en plus de mal à respirer, et vous serez sujette à de nombreuses pathologies que la médecine magique empêche de prospérer dans notre monde. Vous délirerez sous l'effet de la plus terrible fièvre que vous ayez jamais vécu. Tellement terrible que le moindre mouvement, la moindre oscillation vous sera aussi atroce qu'une agonie. Cette fièvre ne vous quittera qu'à la toute fin de votre transformation… pas avant. Cela devrait survenir une vingtaine d'heure environs après la morsure. Vous vous sentirez alors en pleine forme. Quelques heures de plus et votre corps se refroidira tandis que vous ressentirez les prémices de la faim » La faim… malgré sa description de la fièvre, c'était la faim, le plus terrible à appréhender dans un moment pareil.

« A l'instant où vous ressentirez cette faim, vous serez un vampire. La transformation vous aura ôter l'intégralité de vos souvenirs d'être humain. Vous ne vous souviendrez de rien, peut-être même pas de votre nom. C'est là le prix. Cela et la faim… elle vous rendra sauvage, peu contrôlable tant que vous ne l'aurez pas apaisée une fois au moins. Ce sera votre nouvelle compagne, intarissable, douloureuse… une torture permanente, en particulier au début de votre nouvelle existence. Vous devrez vous nourrir tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour. Apprendre à la contrôler est très difficile. Mais en échange, vous serez préservée du temps, et vous posséderez les attributs de mon peuple… la force, l'agilité, la vitesse… » Il vint caresser son visage avec légèreté « La beauté... » Nouveau sourire et soupire « Pendant de nombreuses années, vous devrez oublier le soleil, car il vous affaiblira et vous fera souffrir. Et vous devrez vous reconstruire. Tous les vampires ne parviennent pas à recouvrer leurs souvenirs » Il laissa un instant passé puis ajouta « J'ajouterais… que les transformés obtiennent souvent de petits similitudes d'avec leur parent vampirique »

Oublier oui. C'était là un élément que l'on oubliait souvent, sans jeux de mots, à l'égard de la transformation vampirique. D'autres l'avait déjà approché, parfois, lui demandant cette transformation, des hommes surtout, qui s'imaginaient pouvoir rester grands et forts, puissants et influents, pour toujours. Mais ils oubliaient que le vampirisme était, à l'origine, une malédiction, et que ceux qui portaient sa marque n'était plus qu'un écho de leur vivant. Ils n'étaient plus les même, et leur apparence changeait parfois plus, mais parfois autant que leur mental. C'était une épreuve que de mourir et de non vivre… une épreuve qui en broyait plus d'un. Il n'avait jamais accédé à leurs demandes, les jugeant trop écervelés, trop futiles. Tout simplement parce que c'était demandé sans conscience véritable de ce qu'ils vivraient par la suite. C'était un appât du gain qui se refusait à payer l'addition. Pourquoi, alors, aurait-il accepté ? Quand il transformait, l'acte étant fort rare, c'était qu'il estimait qu'il y avait un réel gain… à l'exception bien entendu d'une seule fois. Une fois qu'il regrettait amèrement et qui avait renforcé d'autant ses convictions. Et s'il acceptait d'envisager l'idée pour cette jeune femme, c'était bien parce qu'elle se renseignait justement, avant de lui demander. Parce qu'elle en avait eut, ou en avait encore, l'intention plus ou moins diffuse. Mieux valait en ce cas, qu'elle sache à quoi elle ferait face.

Il la laissa saisir sa main, serrant délicatement, de sorte à ne pas l'écraser des siens. Elle avait la peau chaude. Brûlante en comparaison de la sienne, glacée. Même pour un vampire, elle était froide, tant il avait d'énergie à retrouver. Il ne la lâcha pas davantage, lorsqu'elle posa ses questions suivantes. Son regard suivit la ligne de sa mâchoire, laissant planer un silence tandis qu'il pondérait. « Des similitudes physiques » débuta-t-il, suivant l'ordre questionnement, laissant encore planer le doute sur ce qui était un nœud de controverses. « Pour commencer. Les plus fréquentes. Parfois, elles sont subtiles, un changement de nuance dans vos yeux ou vos cheveux, et parfois, ces similitudes se font plus prononcées, favorisant un trait complet de votre être » Il tandis sa main libre sur un morceau de pierre qui lui servait de presse papier, de taille relativement imposante, et le broya méthodiquement. « La force par exemple » Il reposa ce qui restait de la pierre. « Très rarement, c'est la force magique, qui sera affectée, ou au moins la sensibilité. Mais ce n'est là qu'hypothèses, on ne peut jamais réellement savoir ce qui viendra déteindre sur soit. Et d'ailleurs, c'est souvent la dernière des préoccupations que l'on peut avoir » On se préoccupait plus de la douleur, et de la mort qui arrivait à grand pas, plutôt que de sa future couleur de cheveux. C'était là grossir le trait, mais le fond n'en était pas moins exacte.

« Quand à vos souvenirs... » Et là, c'était bien moins hypothétique. Ça ne l'était pas du tout, en réalité. « Oui, vous m'oublierez. Vous oublierez qui vous étiez, ce que vous étiez. Vous oublierait absolument tout. Le venin effacera votre ardoise et vous fera repartir à neuf. Mais pas définitivement. Si véritablement vous voulez les retrouver, vous le pourrez, au fur et à mesure, en stimulant votre mémoire. Par un retour en des lieux familiers ou auprès de visages familiers. Ce ne sera pas une méthode gagnante à chaque fois évidemment, mais c'est possible. Vous pouvez également décider de confier vos souvenirs à quelqu'un, qui vous les rendra, en les réveillant par magie, par exemple. Mais ce n'est pas toujours une bonne solution, que de vouloir reprendre possession de son passé. Parfois, les souvenirs vous envahissent et vous dévorent, ne laissant plus place à la réalité…. » Parfois, les vampires passaient l'éternité de les regrets, sans parvenir à avancer. « Il n'est pas forcément bon de se plonger dans son passé… en oubliant de vivre » Il l'observa encore, avec intensité. Puis il soupira. « Vous n'êtes nullement pressée, vous le savez. Vous avez du temps, pour penser à tout cela… et… en attendant, j'ai préparé quelques présents pour vous, si vous acceptez de les recevoir »

Lui-même n'aurait pas confié ses souvenirs à qui que ce soit et pour tout l'or du monde. Il préférait bien davantage prendre le risque de les perdre définitivement. Mais elle n'était pas lui. Elle était elle. Et lui était sans doute digne de confiance. Au moins un peu. Ou pas. Difficile de se juger soi-même en réalité… mais allons, il l'était sans doute un peu plus que Lorenz, au moins. Il ne serait pas si bien entouré, dans le cas contraire. Néanmoins, ce qu'il pensait n'avait pas à venir influer sur ses décisions, il saurait en temps voulu ce que serait sa décision et la respecterait. Qu'elle devienne mortelle vampiresse, ou reste humaine tendresse, il l'appréciait pour ce qu'elle était, son caractère, sa façon d'être, rafraîchissante et sa dangerosité lacée de grâce… Elle ne perdrait rien de tout cela, en devenant vampiresse. Elle serait simplement… plus dure, peut-être. Il n'en était même pas certain. Pour peu qu'il déteigne vraiment sur elle et elle ne le serait pas vraiment. Mais voilà qu'il recommençait. La vieillesse le rattraperait-il ? Certainement pas avant longtemps ! Aussi se concentra-t-il à nouveau, ce qui n'était pas très difficile. Sa réaction face à l'annonce d'un présent était amusante. Un brin attendrissante aussi sans doute. Elle n'avait pas besoin de s'expliquer pour qu'il saisisse, ce qui l'encourageait encore à lui offrir ce qu'il avait prévu pour elle… Il l'aurait même sans doute ensevelie sous les présents si cela avait été de mise. Mais loin d'être du genre à conquérir par de futiles colifichets, il avait l'intention de voir ses dons mis à profits. Son fin sourire se fit un brin moqueur, sans pour autant suinter de méchanceté. « Oh allons, pas plus qu'un autre… et vous déchanterez peut-être en voyant la teneur de mes dons, qui sait ? Mais je ne nourrirais nulle attente... »

Il délaça ses doigts des siens lentement, et s'éloigna d'elle pour attraper un objet, posé sur un lourd coffre au fermoir imposant d'acier. Se tournant vers elle, il présenta ce qu'il portait, une sphère sombre, lisse et polie, faite d'obsidienne. Celle-ci s'éleva brusquement d'entre ses doigts pour foncer vers l'humaine et se mettre à tourner autours d'elle sans un bruit. « Une sphère d'ombre, tout d'abord. C'est un objet vampirique. Il vous permettra d'user des ombres pour vous dissimuler. Je suis certain que vous lui trouverez usage » Oh bien sûr qu'elle le ferait, après tout, n'était-elle pas une tueuse ? Cela ne pouvait être qu'un ajout appréciable pour elle. A son humble avis du moins. Poursuivant, il s'approcha de sa penderie et en tira un foulard nettement plié, qu'il lui apporta. « Quand à ceci, c'est un foulard des ombres. Je suppose que vous en avez déjà entendu parler ? J'ai fais tissé celui-ci à votre intention » Il le lui remit, observant l'étoffe un bref instant avant de revenir à son visage, pour observer ses réactions. Puis, il lui offrit son bras, et la conduisit dans un recoin arrondis de la pièce, comme une petite tourelle aménagée afin de servir à l'habillage, dans une plus grande intimité. Là, sur un support adapté de bois, se trouvait l'armure qu'il souhaitait lui offrir. Une sombre armure humaine, prisée des espions, notamment, qui lui irait certainement parfaitement. Elle lui était, après tout, adaptée, et plus que cela. Presque pensée pour elle. « L'armure de chat. Quel ornement complimenterait mieux votre félinité ? » Avec l'agilité décuplée qu'elle en retirerait, elle serait certainement plus létale encore.

Se tournant à demi vers elle, il indiqua d'un geste l'alcôve. « Me ferez-vous le plaisir de l'essayer ? Je voudrais vérifier qu'elle ne vous contraint pas… du moins, si vous l'acceptez. Dans le cas contraire, bien évidemment, je tâcherais de ne plus y revenir » Il aurait presque été tenté de dire qu'il ne l'aurait forcé à rien, mais cela impliquerait qu'il en avait eut autrement l'intention, hors ce n'était pas le cas. Il n'avait pas besoin de forcer quoi que ce soit. « Une si délicieuse féline devrait se voir complimenter des meilleures attributs, après tout.. »

HRP : j'aurais bien avancé davantage mais je préfère avoir tes réactions avant ^^

Généreux ? L'était-ce véritablement ? Il ne se pensait pas si généreux que cela. Qu'était-ce que ces présents ? Pourquoi devrait-on vraiment le penser généreux pour ces breloques ? Généreux était un mot bien étrange pour orner sa personne. Il aurait à peine usé de celui d'attentionné. Quoi qu'il soit tout de même plus juste. Parce qu'il avait effectivement une attention à son égard. Elle le méritait, selon lui. Et puis, avait-il vraiment besoin d'une raison pour vouloir lui offrir quelque chose ? C'était tout autant un caprice de sa part ! Elle était son caprice et qui pourrait y faire quelque chose ? Personne. Il l'observa donc, puis se détourna lorsqu'elle disparue de sa vue, venant s'installer plus loin, écoutant simplement les bruits feutrés des fabriques, et les battements de son petit cœur. Il avait la patience d'une montagne quand il le fallait, aussi ces quelques minutes n'étaient pas grand-chose. Un simple soupire comparé à son millénaire de vie. Et quand elle sortie de l'alcôve, il se tourna de nouveau vers elle pour l'observer. Et il l'observa un long moment, prenant son temps pour apprécier. La teinte carmine de ses joues lui arracha un rictus éphémère. « Il me semble que j'ai su saisir vos mesures avec exactitude. Me voilà fort aise » Il l'était réellement, après tout cela signifiait qu'il avait eut à la fois l'oeil, et le goût pour lui dénicher une armure aussi utile que flatteuse.

Cela allait plus loin cependant, et la légère pensée qu'il attrapa au vol le fit sourire avec plus de douceur. « Vous pouvez rester ainsi. Après tout, ne dit on pas qu'il faut rester sur ses gardes en permanence ? Elle a été taillée pour vous, pour vous permettre confort et efficacité. Alors vous auriez toutes les raisons du monde de la conserver sur votre personne » Il s'approcha, tournant autours d'elle pour prendre la pleine mesure du travail fournis par les artisans. Oui, il était satisfait. Mais à présent, il allait falloir l'utiliser, évidemment. Bientôt, très bientôt. « Nous partirons d'ici mi-Juillet. Cela sera-t-il acceptable pour vous ? Et en attendant… peut-être me ferez-vous le plaisir de séjourner en ma compagnie. Je ne prétend pas être libre tous les jours, néanmoins j'apprécierais grandement de me ménager quelques entrevues… d'ailleurs, un repas en ma compagnie vous conviendrait-il ? » Un instant, il laissa flotter une indécision, puis se sentit l'âme de préciser « Je ne vous propose pas d'être mon repas, bien évidemment. A moins que vous ne m'y autorisiez. Mais si je ne festoie pas en hôte humain, je puis vous assurer que je suis d'une compagnie relativement agréable… et nous pourrions continuer d'échanger »

A nouveau, il lui offrit son bras. Bien évidemment, elle pouvait refuser, mais après leurs rendez-vous manqués, lui tenait à jouir de sa présence pendant encore quelques temps…