Pouvait-on avoir hâte d'aller au devant d'un artefact immonde doté de tentacules, organique, et aspirant l'énergie et la vie au profit de Néant ? Pas vraiment. Et à vrai dire, la hâte n'aurait pas décrit son état d'esprit actuel si on le prenait au sens le plus commun pour cet âge du monde. Pourtant, hâte l'étreignait bien, de ses bras glacés. Après avoir prit la mesure de ce qu'étaient ces perles terrifiantes, il ne pouvait que se fustiger de ne pas être déjà partit. Néanmoins, prendre quelques jours de repos ne lui serait pas de trop après la bataille épuisante et les soins qu'il avait dû fournir. Et Silarae avait également besoin de temps après s'être fait tomber un plafond sur le dos. Sans compter que la rébellion était en très mauvais état et qu'il ne pouvait pas vraiment les laisser dans cet état… Il avait à voir avec les anciens, avec Korentin, avec les dragonniers… Bref, il avait à voir avec beaucoup d'individus, et Cendremont était le moindre de ses problèmes. Mais également le plus aisément résolut, aussi avait-il décidé de prendre assez de temps, au milieu de ses préparations, pour venir voir comment il allait. La dernière fois qu'il avait aperçu ce visage là, c'était après avoir dé-tentaculisé tout ce 'beau' monde et l'autre vampire n'était alors pas très frais. Fort heureusement les guérisseurs avaient réussit à rattraper le coup et il était sur pieds. Enfermé, mais sur pieds.

Peut-être, en y pensant, aurait-il était mieux qu'il y reste. Ça aurait évité à tous le monde des tracas supplémentaires. Le genre de tracas secondaire qui, pourtant, pouvait rapidement faire déborder un vase. Il avait déjà eu du mal à faire admettre la liberté de Norwen, ou ce qui lui restait de liberté, alors un vampire de plus ? Non. Et de toute façon l'aîné n'avait franchement aucune envie de ce vampire-là en particulier comme esclave. La jeune générale l'occupait bien assez comme cela. D'aucun aurait pu prendre la chose sous le mauvais angle, que son attention à l'égare d'une créature à l'apparence de douce jeune fille, mais il n'en avait cure. Et aucun rebelle ne reviendrait sur son sort, pas plus qu'ils ne revenaient sur le sort du maître… des esclaves justement. Ironie mordante, que cela aurait été. Mais il n'avait pas le temps d'y goûter. Leur échange serait bref, de toute façon. Il savait exactement ce qu'il voulait, et l'obtiendrait. Malgré tout, Cendremont aurait pu devenir un allié si tant est qu'il eut trouvé moyen de lui offrir une place et une occupation à la mesure de ses talents. Il était peut-être un tortionnaire immonde et méprisable, mais il avait ses propres qualités et, tout héros des humains qu'il puisse être, l'ancien était avant tout un vampire, avec ce que cela comportait de praticité et d'esprit d'efficience.

Lorsqu'il advint devant les escaliers conduisant aux cellules, il eut la satisfaction de voir les gardes en poste se lever et le saluer avec enthousiasme. Il y avait encore du travail à faire, pour réintégrer les vampires restant dans la confiance générale, mais au moins commençaient-ils à ne plus le regarder, lui du moins, avec suspicions. Il était à nouveau leur vampire admiré. S'il se fichait de la gloire, cela prouvait surtout que les efforts fournis n'avaient pas été en vain. Une unicité Armandéenne était encore possible. Et puis…. Il y avait la caste. Il fut conduit sans attendre jusqu'à la cellule dont il désirait voir l'occupant, le garde qui l'accompagnait lui expliquant qu'on l'avait bien traité, comme il avait été escompté. Après un remerciement sincère, il le renvoya à sa surveillance et resta seul face à la cellule et à son occupant. Le silence reprit ses droits sans qu'il fasse le moindre effort pour le rompre ou le chasser et ce ne fut que lorsqu'il sembla aussi profond que celui d'une grotte isolée qu'il consentit enfin à émettre un son. « Vous as-t-on proposé la moindre distraction, à défaut de compagnie ? » [/color]

Et bien au moins ne se plaignait-il pas. Quoi qu'il aurait été stupide de se plaindre. Il n'était déjà pas tolérant en règle générale, en pareille situation, mais quand en plus il s'agissait d'un vampire et d'un traître potentiel, il avait aussi peu de compassion et de compréhension que la créature momifiée qui avait bien faillit avoir sa peau. Un vampire qui se plaignait, c'était risible. Ça, ça ne changeait pas, quand bien même il était du côté de ceux qu'on appellerait, dans les histoires, les 'gentils', avec naïveté. Il n'avait pourtant pas vraiment le profil de l'emploi. Non. Et bien grand bien lui en fasse. Au moins n'était-il pas mort une seconde fois. Il sentait l'esprit trahir l'autre… il le sentait se poser des questions, faire des hypothèses, et retint un sourire torve. Jouer de patience avec un ancien n'était pas bien malin, mais il n'était heureusement pas là pour faire un concoure de qui à la plus grosse, comme tant d'individus, qu'ils soient elfiques, humains ou vampiriques, semblaient se plaire à le faire. Il était ici parce qu'il avait quelques petites choses à lui dire. Tout le reste, y comprit les considérations et avis du prisonnier, n'était que poussière au vent. Après un moment, il reprit donc tranquillement, déterminé à ne pas perdre plus de temps ici qu'il n'était nécessaire.

« Vous et Norwen avez bien conversé, il y a peu. J'ai été ravis de voir que mon présent avait été apprécié, les prisonniers manquent souvent de pairs aux côtés desquels ils puissent échafauder leurs plans » Ce que cela impliquait, il le laissait à sa discrétion. « Je ne vous ai pas proposé son sort, l'ironie était de trop, néanmoins il est bien dommage qu'un vampire tel que vous reste enfermé ici… Vous faites partie des rares capables de vous contrôler, en dépit de vos travers, vous faite partie de ce dont notre peuple à besoin » Et il ne disait là que la vérité et ce qu'il avait toujours pensé même s'il méprisait au possible le travail et les tendances de cet individu. Cela n'appelait pas réellement de réponse, évidemment. Aussi reprit-il simplement. « Je pourrais user de votre personne, mais il me semble bien que votre loyauté va encore à Lorenz. Ce qui n'est plus le cas de votre 'amie' conspiratrice. Un sur deux, je suppose que ce n'est pas un mauvais départ… je pourrais vous convaincre également, sans doute, avec quelques négociations, mais je ne le désire pas. Le peuple vampirique a besoin de vous et il ne se trouve pour l'instant pas ici » Et la bulle de silence autours d'eux elle non plus ne devait pas se trouver là. Mais elle y était.

Il croisa les bras. « Je ne vous dérangerais pas davantage, j'étais avant tout venu pour m'assurer que vous aviez reçu des soins adéquats…. Et pour m'assurer que vous étiez traité dignement. Moment de sentimentalisme passager je suppose… mais après tout, je suis désormais maître de la caste des dragonniers, il me faut véhiculer une certaine image de probité. L'image… tout un concept, en ce bas monde n'est-ce pas ? » Et il s'apprêta à le quitter.

Les pensées de ce vampire étaient délicieuses. Et son visage s'orna avec délicatesse d'un sourire secret, dont l'expression exacte en restait énigmatique. Oui, délicieuses. Et parfaitement à son goût. Savant mélange que celui-ci, pétris de certitudes et d'orgueil tout à la fois, ainsi que de rouerie et de questionnement… Un tel jeu n'était jamais simple, et ce jeune renard se laissait trop facilement prendre la queue dans les pièges du vieil hibou qu'il était. Mais le temps seul dirait si les graines qu'il plantait donnerait ou non les fruits escomptés. Du moins fut-il, en l'instant, bien plus prolixe, toute mesure conservée, de ce que sa personne avait à offrir. Avec courtoisie, il répondit. « Ces prisons ne m'appartiennent pas, s'il ne tenait qu'à moi, vous seriez en route pour retrouver le reste de l'armée vampirique » Sans daigner lui faire face à nouveau, il tourna cependant la tête, une lueur douce dans le regard. « Cela dit, vous comprenez parfaitement, je pense, les raisons pour lesquels vous êtes présentement enfermé. Ce n'est nullement agréable et personne ne s'attend à ce que ça le soit… c'est cependant de bonne guerre. Une simple logique militaire » Et pourtant, n'avait-il pas dit que, s'il n'avait tenu qu'à lui, il serait déjà dehors ? Et bien si, c'était la vérité. Parce qu'il n'avait jamais baigné dans la simplicité, et parce que ses raisonnements étaient ce qu'ils étaient, avec la complexité qu'ils avaient toujours eut. Un instant de silence s'intercala, avant qu'il ne poursuive, toujours paisiblement.

« Vous n’étiez pas au courant des plans de votre prince, et pourtant il vous a volontairement laissé à l'arrière, au coeur de la rébellion, là où vous n'auriez nullement eu loisir de vous échapper, une fois sa traîtrise révélée » C'était une affirmation. Ylan n'était pas au courant, on le lui avait confirmé et lui même l'avait avoué sans le vouloir. « Quand à Norwen Ullylan, il l'a envoyé me trouver, sachant sans doute la réaction que j'aurais alors. Il l'a envoyé se faire tuer, ni plus ni moins. J'ai massacré les autres, mais pas elle. » Il ne vit pas la nécessité de lui dire qu'ils ne seraient bientôt plus dans les grottes de la rébellion, car à ses yeux, cela n'avait pas de valeur pour le moment. Il ne ferait rien d'une pareille information. Mais sans doute cela trouverait-il une utilité par la suite. Car tout n'était qu'utilité en ce bas monde. « Lorenz ne sera pas éternellement prince. Et lorsqu'il ne le sera plus, les vampires nécessiterons un nouveau chef… Un individu aussi adroit que vous serait tout à fait en mesure de se frayer un chemin vers les hauteurs, non ? Dites moi donc, qui voyez-vous prendre le pouvoir, si pareille chose devait arriver ? Dame Ullylan peut-être ? Ou bien une ancestrale comme dame Aerin ? Vous ? Voyons, qu'y-a-il encore… Dame Actaaë peut-être… Je doute que ce soit Achille… » Il parlait avec sérieux, comme si les barreaux qui les séparaient n'avaient pas été là et qu'ils discutaient simplement des tendances politiques actuelles. Son profil se déplaça sensiblement.

« Néanmoins, pour que tout ceci ait lieu, il faut encore que ce monde survive. Ce qui n'est pas encore certain. Je ne sais si on vous l'a annoncé, mais de nombreuses perles de Néant se sont installées un peu partout en Armanda et menace de détruire la trame, et notre monde avec. Toutes nos querelles politiques n'auront plus d'importances si nous ne parvenons pas à nous débarrasser de ces horreurs »

En même temps, ce n'était que prévisible. Si Cendremont s'imaginait une seule seconde qu'il attendait de le voir lui sourire et lui affirmer bouche en coeur que si, il était persuadé que Lorenz allait y passer…. C'était qu'il était beaucoup moins intelligent qu'il ne l'aurait cru. Déjà que cette intelligence était encore chevillée à l'esprit gamin de la majorité des vampires, malgré quelques bonnes avancées… Mais là encore, c'était normal. Il état jeune, très, trop jeune. Quoi qu'il fasse et quoi qu'il dise, il restait enferré par sa jeunesse et son inexpérience, sa vision du monde étriquée. En grandissant, il changerait. S'il survivait jusque là, ce qui n'était jamais certain. Alors, est-ce que Lorenz Wintel périrait ? Il y comptait bien… surtout après les révélations d'Edwyn sur la puissance des dragonniers ensemble. Une puissance que personne ne soupçonnait pour le moment. Qu'il avait hâte de la voir se développer… pas forcément pour l'attrait du pouvoir, mais surtout pour le plaisir de voir l'unité qu'auraient alors atteint les siens, sa caste. Cendremont n'était pas au combat quand Lorenz avait tué Cymbor, lui si… il ne l'avait eu que d'une justesse bien trop dangereuse pour qu'on puisse vraiment lui en attribuer le mérite. « Non, cela ne m'intéresse pas » Il n'avait jamais voulu être prince, ce n'était pas la place qui l'attendait. La place qui l'attendait lui avait été confirmée il y a peu, et elle se trouvait être la tête des dragonniers de cette nouvelle génération, un guide pour eux, pour réaliser avec eux les merveilles qu'Edwyn lui avait montré. Les voir marcher de front, tous ensemble, voilà qui lui mettrait du baume au coeur et lui permettrait d'être fier de quelque chose… Parce que jusqu'à maintenant on ne pouvait pas vraiment dire qu'il fut fier de beaucoup de choses. Et surtout pas des vampires. Si le peuple de la nuit avait à s'en faire ? Oh oui, énormément même… mais aucun d'eux ne pouvait pleinement comprendre. A part peut-être Vanaël. Ah, douce et venimeuse Vanaël, son diamant pourpre… Il se demandait si elle suivrait Lorenz encore longtemps. Dans le cas contraire, il soutiendrait probablement sa candidature au poste de princesse. Elle n'était pas la plus puissante, tout comme Cendremont, mais contrairement à celui-ci, elle se saurait sans doute tout sauf limitée par ses capacités magiques ou physiques. Il y avait bien des façons de détruire un adversaire, avant même d'en arriver au défi du prince.

Mais chaque chose en son temps bien entendu. « Suis-je en train de sous entendre quoi que ce soit ? Quelle bonne question... » Et pourtant, son ton plat ne laissait rien transparaître malgré son sourire. De façon désintéressée ? Peut-être bien, il n'aimait pas beaucoup faire de mal à une femme après tout. Mais dans son cas, les choses étaient un peu plus difficiles à expliquer. Et il ne comptait pas perdre son temps à disserter là-dessus avec cet individu là… il n'avait pas encore les outils pour comprendre ses raisonnements. « Tout a un rapport avec les perles à présent, qu'on le veuille ou non… Norwen a eu la jugeotte de reconnaître la gravité de la situation. A vous de faire vos propres choix… je viens de vous fournir tous les éléments pour l'effectuer en connaissance de cause » Il se tourna complètement vers lui une nouvelle fois. « Réflechissez donc à mes sous-entendus, comme vous les appelez…. Et j'espère bien vous revoir rapidement en poste. Au plaisir, Cendremont » Et sur ces dernières paroles, il fit cesser la bulle de silence dans un frémissement de magie qui étreignit l'autre vampire, puis s'en alla d'un pas calme, pour de bon cette fois. Il avait dit ce qu'il devait et voulait dire après tout…

HRP : Et voilà, c'est bien partit en conclusion du coup. J'espère que tu auras apprécié ce petit rp même s'il fut court ^^ Moi en tout cas je te remercie, je me suis bien amusée !