C'était pas moi, je le jure! [PV] TERMINE

- En soirée du 1er juillet de l'année 2 de l'ère d'Obsidienne –

Luna ouvrit péniblement les yeux comme si ses paupières avaient pesé une tonne. Ce ne fut qu’une fois que la brume qui recouvrait sa vision fut levée qu’elle porta une attention particulière à l’endroit où elle se trouvait. Où se trouvait-elle au juste? Toisant la pièce du regard, elle reconnut rapidement la commode en bois sur sa droite sur laquelle on avait déposé son sac ainsi que la table de chevet où elle avait laissé son livre en suspens. On y avait même déposé un verre d’eau ainsi qu’une assiette contenant un mélange de pommes sous terre, de feuilles bleutées et de champignons des cavernes. Bref, elle était dans son propre lit, dans ses propres appartements. Mais comment était-elle arrivée là? Elle n’en avait aucune idée. Elle était d’ailleurs un peu confuse, incertaine de savoir dans quelle réalité elle se trouvait. Est-ce que tout ceci n’avait été qu’un rêve, qu’un autre de ses nombreux cauchemars? Les détails lui revenaient peu à peu… L’aube qui se lève et la bataille qui commence. Les guerriers partant dans les tunnels tandis que les non-combattants se terraient dans les cavernes d’Aigue-Royale. Elle se rappelait des cris à faire glacer le sang… Les Alayiens partout et Christan Weren qui la chargeait. Le bruit des lames s’entrechoquant. Avait-elle rêvé à tout cela?

La jeune fille grimaça lorsqu’elle voulut se redresser et la douleur ressentie lui apporta la réponse à sa question. Non, elle n’avait malheureusement pas rêvé. Son bras cassé en était la preuve et on avait même pris la peine d’y poser une attelle. Instinctivement, elle porta son autre bras à sa poitrine et prit une grande respiration. L’air passait dans ses poumons sans trop de difficultés. Bref, elle ne s'en rappelait pas, mais on avait dû stabiliser son état lorsqu’elle avait perdu conscience. Mais si tout s’était vraiment passé… Alors ça voulait dire que…?! Mais qu’avait-elle fait? La question lui fit l’effet d’une gifle. Tout ceci était de sa faute! Elle jeta regard dégoûté à ses mains, celles-là mêmes qui avaient ouvert le passage aux ennemis. C’était à cause d’elle si les Alayiens avaient pénétré dans les Cavernes d’Aigue-Royale. C’était à cause d’elle si de nombreux innocents étaient morts. Tout cela, c’était de sa faute. Si seulement elle n’avait pas été là… Si seulement il existait un moyen de retourner en arrière… Si seulement…

Et les autres, ceux qui étaient avec elle dans les cavernes? Que leur étaient-ils arrivés? Et ceux, comme Korentin et Matis, qui étaient partis combattre? Allaient-ils bien? Elle devait savoir! Elle se releva d’un bond de son lit et se précipita vers la porte, mais se heurta à une impasse. Mais pourquoi n’ouvrait-elle pas?! La poignée était bloquée comme si on l’avait verrouillée… Et cette pensée la frappa de plein fouet : l’avait-on confinée dans ses propres appartements? Ce ne serait pas étonnant après ce qu’elle ait fait…

Quelques instants plus tard puisque têtue comme elle était, Luna avait cogné répétitivement à la porte, la porte s’ouvrit légèrement et laissa entrevoir deux gardes. Ils n’avaient pas l’air enchanté de la voir ni d’avoir été attribués à ce poste. Mais ils confirmèrent ses craintes : elle ne pourrait sortir tant et aussi longtemps que sa majesté Korentin Kohan n’en avait pas donné l’autorisation. Inutile de les défier, elle les remercia et referma la porte. La mauvaise nouvelle était qu’on la considérait possiblement comme traître jusqu’à preuve du contraire. Rien d’étonnant avec les faits qui étaient contre elle. Mais la bonne nouvelle était que l’Empereur des Rebelles étaient toujours en vie! Dracos sait comment la gamine s’était inquiétée à son sujet et cette simple nouvelle, malgré les circonstances qui l’entouraient, la rassurait.

Mais attendre… Elle devait attendre… Luna avait horreur d’attendre…! Le temps lui parut interminable… Elle fit les cent pas dans sa chambre et ne toucha point à son assiette, l’estomac trop noué par l’anxiété. Les mises en scène qu’elle créait s’enchaînaient en boucle dans son esprit, mais elle rejetait chaque parole qu’elle prononçait et la majorité des situations ne se terminaient pas bien. La peur la tenaillait. Que devait-elle dire? Elle-même qui ne comprenait pas exactement ce qui s’était passé. Comment lui dire que c’était elle, mais que ce n’était pas elle? La croirait-on? Et si ce n’était pas le cas, qu’arriverait-il?

Luna ramassa son sac et s’installa finalement sur son lit, ruminant ses pensées sombres. Elle en ressortit sa boîte à musique, Melodia, et une douce mélodie s’éleva dans la pièce, calmant légèrement ses nerfs à vif. Elle tenait dans sa main libre l’anneau de résistance, la fixant de son regard bleuté et la faisant tourner entre ses doigts en attendant que le temps passe. C’était interminable.

Lorsque la porte s’ouvrit finalement, elle referma la boîte, mais elle ne le releva pas la tête. Elle savait que c’était lui, mais elle n’était pas capable de se résoudre de le regarder en face. Pas après ce qu’elle avait fait. Malgré toutes les « pratiques » qu’elle avait faites, aucun mot ne voulait sortir de sa gorge. Elle aurait voulu se blottir dans ses couvertes, se cacher et pleurer.

- Je… Je ne la mérite pas… dit-elle, faisant référence à l’anneau qu’elle tenait. Mais… Mais laissez-moi… Permettez-moi au moins de m’expliquer. Demanda-t-elle, d'un ton triste.

Le temps de la douleur entrait à Aigue-Royale et s'y installait. Tant de vies avaient été arrachées, abandonnant derrière elles des corps dont il était nécessaire de faire le deuil. Armanda avait bu du sang de la bataille et s'abreuvait à présent des larmes sans honte aucune. Avait-il pleuré ? Sans nul doute. Moins que d'autres. A vivre près d'un demi-millénaire auprès des hommes, Aldaron avait vu nombre d'entre eux s'éteindre... Mais en leur temps. Rarement aussi brutalement, rarement autant. Mort était souverain chez les humains. Leurs vies étaient courtes et ils étaient si nombreux. La situation était différente pour les elfes chez qui la moindre vie souillée diminuait drastiquement leur nombre. Mais voilà bien longtemps qu'il ne vivait plus au rythme de son peuple natal. Non, ce n'était pas tant la mort qui dérangeait Aldaron : il s'était habitué à sa présence, il la côtoyait... Mais comme immunisé par sa longévité elfique. C'était leur nombre et la jeunesse des victimes qui l'avait accablé. Tout cela sortait de l'ordinaire et ici résidait la douleur : le cours normal avait été rompu en fracas d'os et déchirures de chairs. Qui avait gagné en cela ? Les vampires avaient pris la fuite, les loyalistes tout de même. Les victimes en tout camps s'étaient faites sentir, on ne comptait plus le nombre de bûchés qui embrasaient la Cité. Nul gagnant et ce point précisément le rongeait.

Qu'avait-il espéré très exactement ? A quoi c'était-il attendu en donnant corps et âme à la rébellion ? Pas à cela ? La bataille aurait eu lieu, tôt ou tard. Nul n'avait la capacité d'empêcher ce massacre. Nul ne pouvait s'opposer à la trahison, aux blasphèmes et aux vies aisées à saisir. Pourquoi avoir été si naïf ? Corine lui aurait bien répété sans cesse qu'il fallait qu'il grandisse dans sa tête et qu'il regarde les choses en face. Il avait pourtant bien vu la tuerie venir. Lorsqu'il y pensait bien, il s'était assurément mis des œillères pour étouffer ce à quoi il n'adhérait pas dans ce monde réel. Pourtant, il devait bien savoir que l'invisible existait et lui reviendrait en pleine face un jour ou l'autre. La claque s'était faite sentir. Mais comme toutes les précédentes, il l'oublierait. Car il n'en faisait qu'à sa tête. Il fut un temps où il quitta le Royaume Elfique sans rien : il connu poussières, coups, haine et miséreuse famine. Le temps allant, il avait laissé cet épisode de sa vie loin derrière lui. S'il en avait tiré des leçons, il ne s'en souviendrait que le jour où il rencontrerait une situation similaire, par imprudence. Ou peut-être retiendrait-il cette fois-ci les enseignement subi par naïveté ?

Il poussa un soupir et marcha sur Fort-Espérance. Son nom lui ouvrit des portes, comme souvent à présent. Étrange d'ailleurs. 450 années plus tôt, il avait eu le nez sur lequel on se plaisait à claquer sa porte. Pouvait-on lui en vouloir d'oublier ? Pouvait-on le blâmer de se concentrer sur son bonheur plus que de repasser ses idées noires d'antan ? La porte s'ouvrit sur une chambre. Les gardes la refermèrent après son passage. L'elfe se tenait droit et ses yeux, comme des émeraudes, se fixèrent sur l'adolescente aux cheveux blonds. Lorsqu'il avait connu Korentin et un bon nombre de Kohan de générations actuelles ou antérieurs, ils étaient encore plus jeunes que Luna. Cette réflexion eut le temps de lui arracher un fin sourire avant que Luna ne lui parle. Il arqua un sourcil, tant amusé par la réplique qui ne semblait pas lui être destinée... Il avait rencontré Luna au cours d'une étreinte qui aurait pu être mortelle, ni plus ni moins. Elle n'avait alors aucune raison de lui sortir ses aveux de la sorte sans qu'il ne lui pose la moindre question.

« Ne pas la mériter, voilà un bien grand mot. » Son ton était grave, posé et trahissait sa fatigue. Il était encore affaibli de sa rencontre avec la Perle de Néant. Il avait pris le temps de panser ses blessures, prendre un bain pour noyer sa douleur, et changer ses vêtements. Alors si d'apparence, on aurait pu croire que la bataille était pour lui lointaine, elle restait bien d'actualité. A en juger par le regard surpris de Luna, il en conclut rapidement qu'il n'était véritablement pas la personne à qui elle elle croyait s'adresser. Il poursuivit néanmoins.

« Les alliances... Les trahisons... Tout cela fait partie de la guerre, Luna. Les vampires et les loyalistes ont déserté pendant la bataille. Le peuple de la nuit étaient des porteurs de l'anneau de la rébellion et ils nous ont laissé à notre sort. Les loyalistes ne portaient pas l'anneau de résistance et leur trahison nous a permis des percées sur les alayiens. Deux trahisons, l'une en notre défaveur par nos alliés, l'autre en notre faveur par nos ennemis. Dis-moi, alors, qui des loyalistes ou des vampires méritaient l'anneau de notre union ? »

Il avait baissé son regard sur l'anneau que la petite avait dans la paume de sa main, le regard mi-songeur, mi-fatigué.

« Ceux qui restent. » fit-il après lui avoir laissé suffisamment de temps pour la réflexion mais pas assez pour la réponse. Il gardait avec aisance le fil de la discussion, tout totem Saumon qui était le sien. Par cette réplique, il faisait d'avantage allusion au comportement de Luna après l'erreur. Il avait été là avec elle pour empêcher la porte de s'ouvrir, en vain. Il avait été là lorsqu'elle avait agi avec eux pour réparer les lacunes de son comportement. Les véritables alliés étaient ceux qui restaient.

« Si tu avais représenté la moindre menace pour la vie des réfugiés, j'aurai annihilé ton existence avant que tu n'agisses. » Ou il aurait donné l'ordre de le faire. En lieu et place de cela, il l'avait laissée agir encore en faveur du peuple rebelle, jusqu'à ce que vienne son jugement. Sa sentence n'avait pas d'urgence, alors elle ne relevait pas ceux qui l’entouraient. Puis il se présenta enfin et l'invita à la parole.

« Je suis Aldaron Triade, dirigeant du Marché Noir... Tu as tenté de me tuer, alors je suis venu te rendre visite... Pour comprendre ce qui s'est passé exactement. »

Chagrin et épuisement prédominait et c'était à se demander si cette journée ne serait pas encore plus interminable que la veille. Après la journée de sang, celle-ci était celle des larmes et malgré les quelques heures de repos qu'il était parvenu à prendre entre deux urgences, Korentin continuait à trébucher de fatigue au même titre que les autres rebelles qu'il croisait, déambulants, les yeux rougits tant par le manque de sommeil que par la peine provoquée par les innombrables pertes que la bataille avait causée. Des frères, des maris, des amis étaient morts hier et mourraient encore de leurs blessures aujourd'hui malgré les soins des guérisseurs hébétés de fatigue. Et pire encore, femmes vieillards et enfants avaient aussi trouvé la mort parfois sous les lames Alayiennes. Des victimes qu'il fallait à présent honorer, il savait à quel point il était important de leur rendre justice et cela n'en rendait pas la chose moins difficile pour autant.

Comment cela avait-il pu se passer ? Au début quand on lui avait rapporté le bruit qui courrait que c'était Luna qui avait ouvert aux Alayiens, il n'avait ressentit que de l'irritation. On avait pas idée de propager des bruits aussi ridicules ! Surtout en ce moment et sur des sujets aussi grave ! Pourtant peu à peu un doute s'était installé, un doute horrible qui prenait ses racines dans les trahisons consécutives qu'il avait dû vivre ces derniers mois et qui n'en finissaient plus de tourner dans sa tête. Se pourrait-il que... Qu'il se soit trompé encore ? Qu'elle aussi se soit en véirté moqué de lui et qu'elle le trahisse à son tour ? C'était idiot surtout sachant qu'il n'avait pas pu passer énormément de temps avec elle depuis qu'il l'avait adoptée comme pupille, mais mine de rien il s'y était attachée quelque peu à cette petite sauvageonne qu'un certain dragonnier lui avait un jour amenée... Non vraiment, il ne voulait pas y croire.

Il avait hélas été forcé de remettre les explications à plus tard, en fait il les avait même totalement oubliée, trop concentré qu'il était sur les soins portés à sa dragonne. Ashy avait été horriblement blessée pendant la bataille et une part de son épuisement s'expliquait par le fait qu'il avait dû passer la nuit entière à ses côtés afin de la soutenir et de veiller sur elle. Il n'aurait laissé cette place à un autre pour rien au monde, et même la possible trahison de Luna n'avait aucune importance à côté de ça. Mais à présent qu'Ashy se sentait mieux même si encore très faible et que lui même avait pu s'étendre une heure ou deux, il fallait qu'il la voit. Il se devait de régler ça et d'obtenir des explications rapides et convaincantes, sinon ce serait le peuple rebelle qui le ferait pour lui, et ça irait très mal pour sa protégée... A supposer bien sur qu'elle soit encore sa protégée vu ce qu'elle avait provoqué... Il ne comprenait vraiment pas comment elle avait bien pu faire une chose pareille.

Par habitude, son esprit vola vers Ashy, porteur des interrogations qu'il voulait partager avec elle. Mais elle dormait à poings fermés... A quoi pensait-il ? Il n'allait tout de même pas la réveiller alors qu'elle avait si cruellement besoin de récupérer des forces ! Il se contenta donc d'une discrète caresse mentale avant de se reconcentrer sur l'instant présent. S'apercevant du même coup qu'il était arrivé ! Ses gardes l'observaient à la dérobée, de même que ceux qui gardaient la porte. Ils étaient tous perplexes de le voir si pensif et immobile. L'un d'eux se décida même à l'interpeller poliment :

"Hem... Majesté ? Souhaitez vous entrer ?"

Il haussa les épaules, évidemment qu'il allait entrer. Il n'allait pas rester sur le pas de la porte même si il avait semblé s'y complaire pendant un moment. Alors qu'il ouvrit la bouche pour répondre, un son de voix à l'intérieur lui tira un froncement de sourcil.

"Qui est avec elle ? Pourquoi avez vous autorisé cette visite ?"

Bon il était vrai qu'il n'avait pas strictement interdit les visites à Luna mais il allait de soit qu'en envoyant des hommes pour garder sa porte il s'était attendu à la trouver seule ! Lisant son agacement sur son visage, le garde se montra mal à l'aise en répondant :

"C'est que... Il s'agit d'Aldaron Triade majesté. Vous n'aviez pas donné d'ordres clairs aussi n'ai pas voulu provoquer d'incident..."

L'explication se tenait, et il ne pouvait de toutes façons que faire avec. Il ordonna donc qu'on lui ouvre mais ne permit pas qu'on l'annonce, arrêtant le garde d'un geste alors qu'il allait le faire. Ce n'était habituellement pas dans son caractère de se montrer indiscret mais les circonstances étaient graves et il voulait absolument savoir pourquoi Aldaron Triade avait choisi de rendre visite à Luna justement à ce moment où elle était accusée de trahison. Il entra donc doucement, sans chercher spécialement à s'avancer en silence mais sans non plus faire de bruits inutiles. Il surprit ainsi la toute fin de la conversation, et en profita pour appuyer d'une voix égale :

"Voilà bien un désir que nous partageons, messire Aldaron. Je ne m'attendais pas à vous trouver ici, mais après tout si vous étiez présent alors vous êtes en droit de demander vous aussi ces explications. Luna ? Nous t'écoutons."

Son regard passa de l'anneau qu'elle tenait aux yeux de la jeune fille où il pouvait lire sa honte et sa tristesse. Sentiments qui lui serrèrent le coeur mais son visage resta froid, couvert du masque impérial du roi qu'il était et qui se devait de juger avec neutralité de ce que son interlocutrice allait dire, quand bien même elle était sa pupille. Elle l'avait mit dans une situation terriblement difficile en agissant ainsi alors qu'elle était sous sa protection, mais pire que cela, elle avait causé des morts. De nombreuses morts. Ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait prendre à la légère et c'est donc sans l'ombre d'une possible clémence qu'il insista :

"Alors ?"

Attendre dans l'ombre lui allait si bien. Elle n'avait rien à apporter dans ces moments pénibles mis à part une fausse compassion qu'elle avait peine à jouer et qui ne bernait pas vraiment les humains alors qu'ils venaient de perdre un ou plusieurs de leurs proches. Elle en avait trop tué pour se nourrir et ce sans aucun remords pour que ceci soit cruellement crédible. Accompagner Korentin dans son attente auprès de la dragonne d'émeraude ? Ce n'aurait été que de la mauvaise foi, ce dernier sachant parfaitement l'animosité partagée entre les deux créatures, la dragonne méfiante et la vampire qui lui rendait bien la monnaie de sa pièce en l'évitant cordialement. A défaut, elle ne pouvait donc qu'attendre que la tempête passe, terrée dans son coin à surveiller de loin cette fourmilière dont chacun des habitants s'affairait à la tâche pour tenter de se remettre des dégâts causés par la bataille et le déferlement de violence qui l'avait accompagné.

Finalement les choses se remirent en mouvement, suite à la trahison de la pupille de l'empereur déchu, qui avait ouvert un passage secret aux Alayiens pour qu'ils pénètrent dans les galeries protégées directement sur les arrières des troupes rebelles. Bien que cette dernière ne semblait pas vraiment en possession de ses moyens et ait essayé de rattraper ses erreurs, les faits étaient là mais également leurs conséquences qui avaient emmenés à encore plus de sang rependu dont les mains de cette dernière étaient maintenant recouverte. Pardonner ? Les vampires étaient-ils réellement capables de cette chose là ? Elle n'avait pas suivi Korentin pour aller pardonner cette humaine mais plutôt pour le protéger de cette dernière qui pouvait avoir gardé sa part d'instabilité. Une instabilité qui se voulait extrêmement dangereuse et incontrôlable contrairement à d'autres.

Elle l'avait suivit discrètement, se faufilant dans l'ombre des galeries jusqu'à ce que ce dernier finisse par pénétrer dans l'endroit ou était "détenue" l'humaine, cette dernière recevait déjà la visite d'un elfe qui avait été présent lors de la trahison et ces derniers étaient déjà en pleine discussion, l'elfe essayant de comprendre ce qui avait pu se passer. Son apparition quasi-brutale et silencieuse dans un recoin ne manqua pas de faire sursauter l'un des deux pauvres gardes qui n'en demandait pas tant. Après tant de tension, il était impossible de ne pas être ni sur les nerfs, ni sur le qui-vive. Heureusement pour elle que son visage n'avait pas grand chose d'inconnu pour les soldats de la garde de Korentin, sinon les problèmes auraient pu être tout autre alors qu'elle pénétrait dans la cellule à la suite de ce dernier dans le plus grand silence afin de le laisser terminer son questionnement.

Il était question de trahison et de fins d'alliances. Que les vampires aient décidé d'abandonner la rébellion n'avait rien de bien surprenant à la tournure des évènements, son peuple avait toujours été comme un électron libre tournant autour d'un leader plus imposant que le précédent. Le terme de trahison était donc peu adapté et s'apparentait, dans ce cas, à une fin des intérêts communs aux vues de la défaite des Alayiens. Une trahison aurait été bien plus douloureuse... Et l'on pouvait s'estimer heureux que les choses n'avaient pas dérapé. Que les "loyalistes" aient décidé d'abandonner les Alayiens n'était pas non plus une surprise puisque ces derniers avaient la main mise sur le pouvoir de Fabius Kohan et il n'était qu'une question de temps pour que les alliés d'hier s'entredéchirent le lendemain.

Insister en questionnant également la pauvre humaine ? Non, ce n'était pas la bonne chose à faire, cette dernière semblait comme bouleversée. Clairement perturbée par ce qu'elle avait fait et ce qu'il s'était passé ensuite. Après tout, pour quelqu'un ayant une conscience, cela devait être plus que difficile. Et même si elle n'était pas là pour soutenir cette dernière, la faire délibérément souffrir, serait renvoyer également une part de cette douleur vers Korentin qui malgré son masque semblait plus touché qu'il ne pouvait le montrer. Et s'il devait prendre une décision... Cette dernière pouvait être aussi dure et cruelle pour la cible de cette dernière que pour lui-même...

Ne reconnaissant pas la voix de Korentin Kohan, Luna releva la tête et posa un regard surpris sur la personne qui était entrée dans ses appartements. Elle reconnut l’elfe avec qui elle avait essayé de retenir le mécanisme du passage secret dans la Caverne des Songes et qui lui avait dit qu’elle répondrait de ses actes devant le chef des rebelles. Elle resta bien silencieuse, se demandant ce qui l’emmenait ici, bien qu’elle se doutait qu’il était là pour avoir des explications sur ce qui s’était produit. N’était-ce pas son droit? Après tout, il avait été témoin des actes qu’elle avait commis, témoin que c’était à cause d’elle que les Alayiens avaient pénétré dans les sous-terrains et ainsi avaient pu faire tout leur carnage. Il avait le droit de savoir… Mais avant qu’elle ne parle, elle écouta ses paroles et elle fut étonnée de ne pas noter d’agressivité dans sa voix. Il semblait vouloir lui donner le bénéfice du doute et elle appréciait, car elle savait que ce n’était certainement pas le cas de tous.

Grâce à Aldaron, la petite eut droit à un petit résumé de la bataille. Bien heureusement, car les nouvelles ne s’étaient pas rendues jusqu’à elle. Elle l’écouta attentivement, s’imaginant les scènes que lui décrivaient l’elfe. Elle n’était donc pas la seule à avoir « trahi » durant la bataille de l’Aube Rouge. La trahison des vampires ne l’étonna pas, c’était quelque chose qui arriverait tôt ou tard. Ce n’était pas un peuple avec qui on pouvait avoir confiance… Heureusement que les loyalistes avaient déserté les lignes des fanatiques du Néant sinon les rebelles y seraient probablement tous passés. Mais les Alayiens étaient un groupe puissant, combien de pertes y avaient-ils eu face à eux? Combien de temps la bataille avait-elle duré? En effet, Luna ignorait tout de la troisième trahison qui s’était produite sur le champ de bataille : Néant abandonnant les siens.

Elle n’eut pas le temps de donner sa réponse que le dirigeant du Marché Noir donnait déjà la sienne. « Ceux qui restent » méritent l’anneau. Mais peut-on rester après tout le mal que l’on a fait, même si cela était fait involontairement? À cause d’elle, de nombreuses personnes avaient été tuées et ce, dans des circonstances atroces. Bien que la gamine avait essayé d’aider, le mal avait déjà été fait…

Les traits de l’enfant changèrent lorsqu’Aldaron mentionna qu’elle avait tenté de le tuer. La surprise et l’incompréhension pouvait se lire dans ses yeux. Est-ce qu’elle avait vraiment essayé de le tuer? Tout lui si semblait si flou dans sa mémoire, comme si une brume épaisse recouvrait encore toutes ses pensées. La petite savait ce que son corps avait fait, sans vraiment en prendre conscience, un peu comme si elle avait rêvé ces moments où Néant avait pris possession d’elle. Mais avec son départ, les pièces du casse-tête se plaçaient petit à petit.

Comment pouvait-elle lui expliquer ce qui s’était passé…? Ouvrant la bouche, elle s’arrêta brusquement lorsqu’elle entendit la voix de nul autre que Korentin Kohan. Depuis combien de temps était-il là? Elle ne l’avait pas remarqué du tout, pas plus que la femme qui était à ses côtés. Cette dernière, elle l’avait vue à la Caverne des Songes juste avant qu’elle ne quitte afin d’avertir les troupes que les Alayiens avaient pénétré Aigue-Royale.

- Majesté! S’écria-t-elle, surprise.

Elle était angoissée. Elle avait pratiqué cette scène à de nombreuses reprises, répétant ce qu’elle lui dirait, mais maintenant qu’il était là devant elle, elle ne savait plus quoi dire. Il n’y avait pas de mots pouvant expliquer à quel point elle était désolée et qu’elle se sentait fautive de ce qui était arrivé. Elle détourna le regard, ne pouvant soutenir le sien, trop anéantie qu’il puisse penser qu’elle avait pu le trahir. Certes, ils n’avaient pas eu l’occasion de passer beaucoup de temps ensemble, mais il était quelqu’un qu’elle appréciait et qu’elle respectait énormément. Après tout ce qu’il avait fait pour elle, comment pouvait-elle le regarder en face après que l’idée que sa pupille l’ait trahie ait germé dans son esprit.

Il s’impatientait. Il fallait lui répondre maintenant avant qu’il ne soit trop tard. Mais que pouvait-elle lui dire? Car elle se doutait bien que « Ce n’était pas moi, je le jure! » ne le convaincrait pas.

- Je… commença-t-elle doucement. Je n’ai jamais voulu ce qui est arrivé… Et… Et… La petite avait du mal à trouver ses mots. Elle ne savait pas trop par quoi commencer. Elle prit une grande respiration pour se calmer. C’est tellement loufoque que je doute que vous me croyiez même si je vous le racontais… Mais, c’est la vérité, je vous jure. Je ne maîtrisais rien. Je n’avais plus le contrôle… sur mon propre corps… mes propres pensées. C’était moi, oui… Mais j’ai fait tout cela, malgré moi. Jamais je n’aurais voulu faire de mal aux rebelles… Vous me croyez, hein? Demanda-t-elle.

Elle avait relevé les yeux pour regarder à tour de rôle Korentin, Veren et enfin Aldaron. Elle se mordit les lèvres. Elle aurait voulu pleurer, mais ne considérait pas qu’elle en avait le droit.

- Pardonnez-moi Messire Triade si je m’en suis prise à vous. Il n’y a aucune raison au monde que je voudrais vous faire du mal, à vous ou à toute la rébellion. Elle fit une pause. J’ai fait des choses horribles et j’étais inconsciente de ce que je faisais. J’ai pu redevenir moi-même seulement quand elle est partie… Quand Néant a quitté mon corps…

La voix de la gamine était sérieuse et c’est Korentin qu’elle regarda, dont elle soutint le regard. Comment pourrait-il croire une histoire aussi ridicule? Elle avait presque honte de devoir la raconter, mais elle ne pouvait faire autrement puisque c’était la stricte vérité… Si seulement il pouvait voir dans son regard qu’elle ne mentait pas.

- On m’a piégé… J’ai cru que j’avais réussi à m’enfuir. Mais c’était faux depuis le début… raconta-t-elle. Elle ne donna pas plus de détails quant à sa capture, car Korentin était au courant. Ce n’était peut-être pas le cas des deux autres, mais ils arriveraient à suivre l’histoire tout de même. Il… Le Prêcheur. Il avait tout planifié. Et moi, comme une idiote, je n’ai rien vu et j’ai suivi aveuglément son plan, comme un vulgaire marionnette. Je n’ai pas été assez forte… J’aurais dû mourir dans ma geôle. À cause de moi, ils sont... À cause de moi. Et sa voix se brisa.

C’en était trop, les émotions étaient devenues trop fortes. Elle laissa tomber l'anneau sur son lit et plaqua son visage dans ses mains, ignorant la douleur à son avant-bras. À cause d’elle, combien de personnes étaient mortes ou avaient souffert? Si elle avait succombé à sa torture, toutes ces personnes seraient peut-être encore en vie…?

Luna n'avait pas eu le temps de lui répliquer quoi que ce soit. Pourtant dans ses yeux, il avait pu suivre le flot d'émotions qui la hantait avec la vivacité d'un océan tumultueux. Aldaron n'était qu'indulgence. Trop, assurément. Avoir pris pour frère et sœur, un vampire et une humaine, était, à Armanda, déjà une consécration de la tolérance. Celle qu'il octroyait à l'adolescente était du même acabit. Il prenait le temps d'entendre ce qu'elle aurait pu lui admettre avant de porter une opinion. Une porte béante qui suggérait un risque formidable pour son altérable intégrité. Dans les yeux de Luna, il décela la stupéfaction dans un premier temps, l'apaisement dans un second temps, puis vint l'incompréhension dans un dernier temps lorsqu'il lui rappela qu'elle avait tenté de le tuer. La même incompréhension se refléta comme dans un miroir, dans le regard de l'elfe. Ne s'en souvenait-elle donc pas ? Refoulait-elle l'événement ou n'avait-elle naïvement pas conscience de ce qu'elle avait fait ? Ces judicieuses interrogations ne trouvèrent guère de réponse dans l’immédiat. Il perçut, à proximité de la porte d'entrée, la voix de leur roi s'élever, une voix qu'il connaissait bien. Le marchand s'orienta vers lui, se recula dans la pièce avant de poser un genou à terre, à la manière des humains et non des elfes, la tête baissée dans un pieux respect :

« Majesté. » fit-il humblement.

Il ne se redressa que lorsqu'on l'y agréa et remercia Korentin, d'un signe de tête, de ne pas le mettre à la porte. Il pouvait rester et entendre Luna s'expliquer. Il nota l'arrivée de Veren derrière le chef des rebelles. Elle était comme une ombre. Sans plus un mot, il redirigea son regard sur la gamine qui était pressée par le roi de concéder une réponse immédiate. Luna sembla ne pas savoir par où débuter. Il fallait dire que leur chef n'y avait pas été avec la même charité qu'Aldaron. Là où l'elfe lui offrait le bénéfice du doute pour qu'elle puisse s'exprimer librement, sans craintes, quitte à se montrer plus ferme en dernier ressort, Korentin avait la poigne d'un homme de son rang, réclamant sans délai la justification à des actes pleins d’opprobre. Il eut alors réponse à sa question, bien qu'il s'en soit douté. Possédée. Effectivement, investi de la sorte, cela semblait burlesque. Possédée, voilà bien la défense des lâches. Ne pas admettre, déléguer la responsabilité de ses actes à un autre, ou à une entité obscure. L'elfe aurait été blasé de cette pitoyable excuse s'il n'était pas déjà tenté par cette explication, qui bien qu’irrationnelle, expliquait le caractère irréel de ses actes. Il pensait notamment à la force sur-humaine que Luna avait eu entre ses mains pour l'étrangler. La croire ? Question innocente de Luna qui recherchait dans leurs regards respectifs quelqu'un qui ne la considérait pas comme le monstre coupable des malveillances qui lui étaient reprochées. Des choses ? Elle avait fait 'des choses' ? Pourquoi le pluriel soudain ? Faire entrer les alayiens était une chose. Les autres ? Il la laissa poursuivre, espérant qu'elle offre plus de détails à ce sujet. Cela ne vint pas.

« Majesté, j'ai peiné à me défaire de son étreinte lorsqu'elle a voulu m'étrangler : je n'étais pourtant pas, à ce moment là, affaibli par la Perle de Néant. Ce n'était... Pas normal pour une enfant de sa race. Il n'y a qu'en lui claquant le crâne contre un mur qu'elle m'a... Semblé comme... Revenir à elle-même. »

Revenir à elle même. Il avait cherché d'autres mots qui puisse expliquer ce qu'il avait ressenti sans pour autant donner le sentiment au roi qu'il donnait raison à l'adolescente. Pourtant, il n'avait pas trouvé mieux car c'était très précisément son impression. Cette même appréciation l'avait d'ailleurs abstenu de tuer Luna pour l'empêcher de nuire d'avantage à la rébellion. Les yeux couleur émeraude fixaient ceux de Luna bien qu'il se soit adressé à leur chef. Il y avait dans le regard de cette petite toute la ferveur dévouée à son explication. Ceux qui disaient 'ce n'est pas moi' ne regardaient jamais avec cet éclat véritable la personne à qui ils réclamaient le pardon. Il fronça toutefois les sourcils à son ultime réplique :

« T'enfuir d'où ? » ne put-il se priver de lui solliciter.

Qu'est-ce qu'elle racontait ?! Elle n'avait jamais été captive à Aigue-Royale. Pas qu'il sache. De plus, si elle s'était échappée des geôles d'Aigue, Aldaron doutait qu'elle s'en vante ainsi devant Korentin. La vérité était ailleurs. Par la suite, on put très clairement lire le raisonnement de l'elfe au fond de ses prunelles soucieuses. Ses yeux s'embrasèrent précipitamment lorsqu'il conclut que l'adolescente avait été captive du Prêcheur, manipulée indubitablement à ce moment là. Involontairement, il ahanait à l'admettre. Elle exposait cela avec tellement de simplicité et si peu de détails que c'était à se demander si Korentin n'était pas déjà au courant. Il posa abruptement son regard sur le roi. On y lisait aisément une supplique. Il le priait de lui dire qu'il n'était pas au courant de sa captivité entre les mains du Prêcheur. Dans le cas contraire, il avait laissé cette bombe sur le point d'exploser au beau milieu de ceux qu'il devait protéger. Comment avait-il pu croire que celle qui était sa pupille avait pu échapper seule au Prêcheur alors qu'il avait fallu jusqu'à requérir les talents de l'Ainé pour arracher Nolan aux griffes d'Aldakin du Néant ? Comment avait-il pu, en sachant cela, la laisser parmi eux ? Aldaron ne voulait pas y croire. Korentin ne pouvait pas le savoir, il le refusait, il le suppliait de rétorquer le contraire. Il abaissa les yeux, les voilant de trouble, avant que sa demande aussi silencieuse qu'insistante ne devienne une insulte pour le roi. Il n'avait pas à s'opposer à ses décisions. Il serra les dents, ravalant sa douleur. Il tâcha d'écouter les sages paroles de Corine qui résonnaient dans son esprit pour lui remémorer qu'il devait conserver le contrôle de lui-même avant de s’attirer des ennuis. Il ne désirait pas offusquer Korentin, d'autant plus qu'il avait eu la bonté d'accepter sa présence pendant les explications de Luna. Il n'y avait bien que la douleur pour l'employer à agir ainsi. Il ne devait d'ailleurs pas être le seul à poser sur leur chef ce regard pesant, eu égard des pertes au cours de cette bataille.

Sa Majesté devait bien avoir ses raisons. Il n'était qu'un homme, pas un Esprit, pas un devin. Il ne pouvait pas prévoir l'avenir et l'elfe se doutait bien que voir revenir sa pupille saine et sauve avait du suffisamment le soulager pour qu'il ne se questionne pas assez. Il était aisé de jeter le blâme une fois qu'on possède les conséquences. Il se calma et offrit à Korentin la même tolérance qu'il avait concédée à Luna lors de son arrivée. L'erreur est toujours possible. Dans ses yeux, les flammes dévorantes laissaient place à la compréhension lorsque le trouble se leva. Sa réaction avait été brève, elle avait aussi pu passé inaperçu. Il ne s'était pas exalté en mots hurlés et paroles indignées. De plus Luna s'était effondrée en larmes ce qui avait du attirer l'attention de tout le monde. Aldaron se souvenait du visage d'Aldakin qui, même vaincu, même abandonné par Néant, semblait serein à en faire trembler. Sa foi lui soufflait certes beaucoup de ferveur, mais la réalité le confortait dans son assurance malsaine. Si ce que disait Luna était vrai, Néant avait agi avec perfidie de l'intérieur, par l'adolescente. Ce qui expliquait d'ailleurs le pluriel lorsqu'elle avait avoué avoir fait 'des choses horribles'. Tout lui semblait plus clair.

HJ : attention Veren, Luna n'est pas dans une cellule mais simplement dans ses appartements (sous bonne garde certes mais pas en cellule)

Le pas de la vampiresse était totalement silencieux et pourtant il fut conscient soudainement de sa présence. Un picotement sur la nuque qu'il avait apprit à reconnaître comme un instinct auquel il pouvait faire confiance. Mais sans que cela ne le perturbe pour autant, Veren et était là, et alors ? Elle était dans son ombre depuis longtemps à présent... Elle semblait avoir choisit cette place de silencieuse protectrice comme étant celle qui lui convenait le mieux, il ne l'en empêchait donc pas. Ce qu'il avait apprit des vampires lui avait de toutes façons fait comprendre que ce ne serait pas facilement faisable, voir pas indiqué du tout. Leur instinct de protection et de propriété était fort, vraiment très fort. L'idée que lui, roi des hommes, pouvait appartenir à quelqu'un au moins dans la tête de ce quelqu'un en question l'amusait parfois. Le rendait perplexe souvent. Enfin c'était ainsi, cela ne portait préjudice à personne et certainement pas à la rébellion, ça lui convenait donc.

C'est pour cette raison qu'il ne réagit pas en pressentant sa présence dans son dos, ses lames non plus d'ailleurs. Tous étaient suspendus aux lèvres de la jeune fille, à ce qui pourrait bien en sortir étant donné l'énormité de ce qu'elle avait fait. Qu'allait-elle pouvoir dire ? Comment se défendait-on de ce genre de responsabilité ? C'était plus que difficile... Korentin souffrait de savoir Luna dans cette situation, mais d'un autre côté ce qu'elle avait fait était si terrible... Il ne pouvait tout simplement pas lui pardonner ainsi sur le simple prétexte qu'elle n'était qu'une enfant. Des gens étaient morts par sa faute. Pas des soldats, mais des femmes, des enfants, des vieillards... Des gens qui n'avaient rien demandé à personne. Il leur devait d'établir la vérité et les responsabilités de chacun.

Son regard s'attarda quelques secondes sur le maître marchand et ses prunelles s'adoucirent un instant tandis qu'il retrouvait sa courtoisie habituelle pour le saluer et lui permettre de se redresser. Il avait effectivement le droit de se trouver là et c'est ensembles, ainsi qu'avec Veren, qu'ils écoutèrent Luna. Ses explications se montrèrent d'abord hésitantes et difficiles à suivre. Loufoque ? Qu'était-ce que cela ? Ce n'était pas le langage auquel il était habitué ni celui auquel il avait veillé à ce qu'elle soit éduquée une fois qu'il l'avait prise comme pupille mais passons. La suite était des plus intéressantes, fascinante même. Aucun contrôle sur son corps ? Que voulait-elle dire par là ? Aurait-elle été soumise à un sort ? De la part des Alayiens c'était quand même assez peu probable... Une duperie de Néant donc ? C'était déjà plus plausible...

La question de la gamine le cueillit au vol et il garda le silence, encore bien dubitatif. Elle donnait bien peu de détails et encore moins de preuves, il voulait bien être gentil mais on lui avait assez souvent reproché son caractère confiant pour qu'il apprenne à se méfier un peu plus... La perplexité dansait dans l'or de ses prunelles tandis qu'il l'observait faire ses excuses à Aldaron puis se tourner à nouveau vers lui, plus longuement cette fois . Leurs regards se croisèrent, se soutinrent, et il fronça les sourcils comme pour mieux lire en elle et trouver la vérité qu'elle lui cachait peut-être. A moins qu'elle ne la lui serve sans réserve ? Si elle ne mentait pas alors cela changeait tout... Il n'ignorait rien de sa capture et de ce qu'elle avait dû subir, et il avait aussi apprit à la connaître avant cela... Alors après tout oui, peut-être bien que tout ceci était vrai... Le problème était qu'il avait besoin d'en être certain.

Il la vit s'effondrer mais ne bougea pas un muscle, figé dans ses réflexions. Ce que l'elfe venait de lui dire tournait dans sa tête, ajoutant à son trouble. Il n'avait pas de raison de mentir et si il témoignait en ce sens alors il était clair que cela apportait un doute supplémentaire. Aucune jeune fille au monde ne pouvait rivaliser avec la force physique pure d'une créature magique, qu'elle soit elfe ou vampire. Laissant Luna prostrée de son côté, il se tourna vers Aldaron et capta le regard étrange qu'il portait sur lui. L'étonnement prédomina d'abord :

« Qu'avez vous donc ? »

Puis il comprit, et se fit plus dur.

« Cette affaire ne vous concerne pas, vous n'avez pas les éléments nécessaires pour porter un jugement sur mes décisions. Ni la légitimité d'ailleurs. »

Il le fixa un moment comme pour appuyer la fermeté de ses propos. Il ne voulait pas le blesser et certainement pas l'insulter mais il ne pouvait non plus tolérer qu'on remette en cause son autorité quand bien même elle était engagée. Il n'avait pas manqué à son devoir lorsque Luna était revenue vers eux, il l'avait faite ausculter par ses meilleurs mages et ses plus grands guérisseurs, il avait même fait en sorte qu'on garde un œil sur elle. Qu'aurait-il pu faire de plus ? Lui interdire de revenir ? C'était ridicule. Il avait fait ce qui lui avait semblé le mieux à un moment où bien peu de choix s'offraient à lui, si certains devaient lui reprocher quoi que ce puisse être alors ils devraient se choisir un autre roi. Parce qu'il n'était pas question qu'il abandonne un enfant sous prétexte qu'il avait eu le malheur de croiser le chemin du Prêcheur.

Ceci étant réglé, il fit signe à l'un de ses hommes :

« Allez me chercher maître Guillot »

Un maître mage, encore. L'un de ceux qui s'étaient trompés sur Luna et n'avaient pas décelé la possession qu'elle plaidait. Certains des gardes amis avec le mage en question échangèrent un regard sombre, craignant châtiment pour le malheureux mais ce n'était pas dans les intentions du roi rebelle. Il avait toute confiance en Guillot, si celui-ci n'avait pas décelé l'état de la jeune fille c'était soit parce qu'elle l'inventait, soit parce que ça avait été totalement indécelable. Le punir aurait donc été aussi idiot qu'injuste, Korentin avait autre chose en tête. En attendant l'arrivée du convoqué, il fit signe à Veren de venir à lui, un peu à l'écart, et chuchota :

« Qu'est-ce que tu en penses ? Après tout le Prêcheur possède certains pouvoirs malgré son aversion pour la magie... Guillot est un hibou de niveau 1, si elle ment il y a des chances qu'il le ressente mais ce n'est pas tout à fait certain... »

L'homme arriva peu après qu'elle lui ai répondu, apparemment tranquille et peu inquiet de son sort. Il les salua, l'empereur avec déférence, les autres avec courtoisie. Puis se tourna vers Luna après que Korentin lui ai expliqué la situation et prit la parole :

« Je sais que c'est difficile mademoiselle Luna, mais pourriez vous me jurer sur votre vie que vous étiez bien sous l'emprise du Néant et que vous n'avez eu aucun contrôle sur ce qui s'est passé avant et pendant la bataille ? »

Un silence tendu s'établit suite à sa demande, chacun attendait de voir si il allait ou non déceler un mensonge dans sa réponse...

L'histoire avait quelque chose de très étrange mais pourtant de terriblement logique. L'humaine était tombée aux mains de l'ennemi, et il existait des centaines de méthodes pour obtenir ce que l'on voulait de ses prisonniers en les renvoyant de là ou ils venaient, en faisant ainsi des pions facilement manipulables par différents moyens. Certains étaient simplement la pression, en utilisant des otages d'une quelconque manière, mais généralement la victime se fait attraper trop rapidement mais offre une certaine diversion. Pour son cas, elle avait agit comme si elle était possédée, pour avoir assister a la scène, cette dernière était surréaliste : voir une humaine si frêle déployer autant de force...

Il y avait forcément quelque chose, le problème était que si l'humaine disait vrai et que c'était une possessions ou une manipulation qui pouvait y faire ressembler, certaines drogues ajouté à un peu de torture pouvait emmener exactement au même effet dès qu'il y avait le bon déclencheur. Peut-être était-elle un piège oublié depuis des dizaines d'années et qui menaçait de se déclencher sur le moindre passant qui osait s'aventurer auprès de lui. Piège ayant oublié jusqu'à sa propre existence jusqu'à ce qu'il se déclenche. Elle s'était déclenchée en causant un massacre, et il se pouvait très bien qu'elle puisse se déclencher de nouveau... Mais ça rien ne permettrait de le prédire et le problème était qu'elle ne le saurait même pas, qu'importe les moyens de lui faire avouer, elle ne dirait que sa vérité et rien que sa vérité. Impossible donc de savoir si elle mentait réellement. Combien de temps elle était restée sous l'emprise de ce fou furieux prêt à tout pour arriver à ses fins ?

Korentin la sortit de ses réflexions alors qu'un mage venait à leur aide pour déterminer si la version était vraie... Ou alors elle était une très bonne menteuse et actrice depuis le début pour retourner sa veste et tenter de sauver sa peau au cas ou il y ait un retournement de situation. Mais c'était complètement illogique que de risquer de se faire tuer par les siens qui seraient venus la secourir sachant que ces derniers avaient malgré tout en partie survécus. Ou alors elle aurait simplement profité de la situation pour s'enfuir et revenir comme si de rien n'était alors que les témoins seraient tous morts. Non, ça ne collait pas.

"Il est possible de conditionner quelqu'un par les drogues et, ou, la torture." répondit-elle à voix basse. "Et la personne n'en sera même pas consciente. Détecter le mensonge ne servira à rien, elle dit certainement sa vérité."

Elle avait été elle même conditionnée, elle savait que cette méthode existait mais entre savoir pour les autres et le faire pour soi-même... Son esprit le nierait quoi qu'il arrive. Elle avait été manipulée, mais elle s'en était sortie... En apparence, et pour le vaincre il faudrait certainement d'autres choses. Et si ce n'était pas terminé pour l'humaine alors il faudrait autre chose que le déclencheur des actes pour que ceci se termine. Ou alors elle avait été conditionnée de telle manière que le fanatisme faisait croire le mensonge vrai...

"Et si c'était vraiment Néant, il faut s'assurer que cet esprit ne soit plus la et ne puisse plus revenir."

La presser comme un citron pouvait fonctionner, utiliser les mêmes méthodes toutes aussi cruelles que celles qui avaient été mises en œuvre par le prêcheur pouvait crever l'abcès. Mais ce n'était certainement pas viable pour Korentin, les humains n'arrivaient jamais à de telles extrémités pour les leurs; Il fallait donc préférer la manière douce, faire parler l'humaine qui se torturait toute seule sur ce qu'elle avait fait. Le rôle à jouer était simple, il fallait lui faire regagner confiance pour qu'elle puisse se remettre à parler jusqu'à ce que les incohérences deviennent trop fortes pour briser ce qui bloquait sa mémoire. Elle haussa simplement les épaules alors que le mage venait interroger à son tour la "prisonnière" qui semblait être à bout de nerf... Nerfs que s'ils lâchaient ne donnerait rien de bon mis à part des sanglots encore plus forts.

La vampire laissa l'empereur déchu à ses pensées pour s'approcher de l'humaine. Dans la petite équipe elle était certainement celle dont la vie avait le moins de valeur et la plus apte à résister physiquement à une tentative d'étranglement. Lentement mais doucement, elle se plaça en face de cette dernière, s'accroupissant pour ramasser la bague avant de la tendre à la jeune femme devant elle, avec un air qui se voulait rassurant sur le visage. Si cette dernière ne prenait pas la bague qu'elle lui tendait ? Alors la vampire se saisirait délicatement de celle de l'humaine pour l'y re-déposer dans la main qui venait tout juste de la lâcher.

"Je te crois, mais on doit savoir si elle est encore présente en toi." dit-elle doucement.

Si le totem de l'humain détecterait un mensonge alors s'en était certainement terminé pour elle. Mais il était certain qu'il n'y en aurait aucun, elle en était persuadée. Il fallait juste éliminer tout risque de récidive... Mais comment ? D'abord il fallait la rassurer... Enfin, être rassurée par une Vampire, aussi douce soit-elle n'avait de vraiment rassurant, pour la plupart des mortels il y avait justement de quoi avoir peur si on prêtait à la créature de la nuit les plus mauvaises intentions du monde.

S’enfuir d’où? Luna avait distinctement entendu la question posée par l’elfe, mais l’afflux d’émotions avait empêché toutes réponses. Il n’y avait plus qu’une rivière de larmes et de sanglots devenue difficilement contrôlable. La jeune fille maîtrisait normalement bien ses émotions, mais aujourd’hui elle craquait sous le poids des derniers jours, des derniers mois. Ça avait été trop pour elle… Afin que le dirigeant du Marché Noir comprenne toute la situation, il aurait fallu lui raconter l’histoire du tout début, à commencer par le piège tendu aux rebelles par le Prêcheur, sa capture, son confinement, la torture qu’elle avait subie durant ces jours interminables ainsi que sa « fuite ». Or, elle n’avait nulle envie de raconter ces moments douloureux qui la tourmentaient sans cesse et qui lui donnaient encore des cauchemars la nuit. Elle en avait la nausée juste à y penser. Non, elle ne voulait pas y penser. Elle n’avait pas encore réussi à tourner la page et tant que ce ne serait pas fait, les mots ne voudraient pas sortir de sa gorge d’une autre façon qu’un sanglot ou qu’une plainte étouffée.

Le visage enfoui dans ses mains, la gamine entendit la voix de Korentin s’élever dans la pièce. Par les mots ainsi qu’à l’intonation choisis, il s’adressait à Aldaron. Elle ne comprenait pas exactement ce qui se passait, mais une chose était certaine, elle fut soulagée qu’il close la discussion sur ce sujet. Elle l’entendit ensuite demander qu’on aille quérir maître Guillot. Pour quelle raison son protecteur l’appelait-il? Elle n’en avait aucune idée. Elle se rappelait de lui comme étant un gentil monsieur, un guérisseur qu’elle avait rencontré quelques jours après son arrivée et qui l’avait examinée. Elle se rappelait également être passée le voir afin de lui raconter qu’elle n’arrivait plus à dormir et qu’elle vivait même des pertes de mémoire à l’occasion. Il lui avait donné quelques astuces afin de pallier à ses cauchemars et l’avait également rassurée en lui disant que c’était fréquent chez les gens qui avaient vécu un traumatisme ou qui avaient reçu des coups à la tête de faire de l’amnésie. Et normalement, cela devait se replacer tout seul avec le temps. Mais normalement, les gens n’étaient pas possédés par l’Esprit du Néant…

Quelques minutes plus tard, elle reconnut la voix de maître Guillot s’adressant à elle. Luna prit de grandes respirations afin de se calmer et dégagea enfin son visage de ses mains. Elle posa son regard sur le guérisseur et essuya ses larmes du revers de sa main.

- Je vous le jure! S’écria-t-elle avec conviction. Sur ma vie… Sur tout ce que vous voudrez. Je n’ai jamais voulu ce qui est arrivé. Jamais j’aurais voulu nuire aux rebelles… À sa Majesté Korentin Kohan. Jamais. Poursuivit-elle d’une voix teintée de tristesse J’étais sous l’emprise de Néant. Je… Elle renifla bruyamment avant de poursuivre. Je n’avais aucun contrôle. Je n’étais pas consciente de ce que je faisais, autant avant que pendant la bataille. Je vous le jure!

Luna était honnête dans ses paroles. La croirait-on? Qu’arriverait-il si ce n’était pas le cas? La jetterait-on dehors comme une traitresse? Luna, la traitresse… Non, ça ne sonnait pas bien à ses oreilles. On l’avait manipulée… Mais c’était tout de même ses propres mains qui avaient posé tous ces gestes qu’elle regrettait.

La petite avait le cœur gros, elle avait l’impression qu’il pouvait éclater en mille morceaux d’un instant à l’autre. Elle prit une autre grande respiration afin de se contrôler et se mordit la lèvre afin de réprimer de nouveaux sanglots. Elle vit celle qui accompagnait Korentin s’approcher d’elle, mais n’eut pas de mouvement de recul. Certes, elle était curieuse de ses intentions, mais elle n’était pas craintive. On ne permettrait pas qu’on lui fasse du mal, n’est-ce pas? Elle ne croyait pas que son protecteur le permette. La gamine la fixa longuement, elle ainsi que son anneau de résistance, mais n’osa pas la reprendre dans ses mains. Elle ne considérait pas qu’elle en avait le droit. L’étonnement de dessina sur son visage lorsque Veren prit sa main et y déposa la bague.

- Tu me crois…? Vraiment? prononça-t-elle surprise d’entendre ces mots. Elle ne connaissait pas très bien Veren, mais elle ne l’avait pas imaginée aussi rassurante. Mais entendre qu’on la croyait lui fit du bien. Néant n’est plus présente en moi. Il… Il n’y aucun moyen que je puisse vous prouver qu’elle n’est plus là. Mais… J’ai senti qu’elle avait quitté juste après que j’aie ouvert le passage aux Alayiens. C’est à ce moment que j’ai repris mes sens… Juste après que messire Triade m’ait cogné la tête contre le mur… Je n’ai malheureusement aucune façon de vous prouver que Néant n’est plus là. Mais je sais qu’elle est partie.

Luna ignorait comment prouver que l’intangible avait pris possession de son corps et qu’il l’avait maintenant quitté. Elle referma l’anneau de la rébellion entre ses mains, symbole de son allégeance, et la ramena près de son cœur.

- Je m’en veux… Je m’en veux terriblement. Murmura-t-elle.

En effet, elle s’en voulait pour toutes les atrocités qu’elle avait commises. Pourrait-on la pardonner un jour? Serait-elle capable de se pardonner elle-même? Lorsqu’elle releva son regard, c’est sur Korentin qu’elle le posa.

- Korentin. Prononça-t-elle doucement. Je vous jure que je n’ai jamais voulu ce qui s’est passé. Pourquoi l’aurais-je fait? La rébellion… Je la considère comme ma famille. Elle est importante pour moi. Pourquoi aurais-je voulu lui nuire? Pourquoi aurais-je voulu vous nuire…? Je vous apprécie énormément. Jamais je ne voudrais vous faire de tort, quel qu’il soit… Elle fit une courte pause, soutint son regard. Je m’en veux énormément… Et si je peux faire quoi que ce soit pour corriger le mal que j’ai causé, je le ferai.

La Larme de Néant était sincère dans ses paroles. Certes, on pourrait lui reprocher qu'elle ne suivait pas le protocole à la lettre dans la façon dont elle agissait et parlait, mais on ne pourrait lui reprocher de mentir. Comme on dit, elle laissait parler son coeur.

Le dirigeant du Marché Noir n'eut nulle réponse au sujet de l'endroit d'où Luna s'était enfuie. En avait-il besoin ? Cela semblait comme naturel, si bel et si bien qu'il était rendu à prendre en compte la réalité pour déduction. Il ne savait trop s'il devait en être chagriné ou point. L'elfe détourna son regard émeraude sur l'enfant, brutalement, comme pour ne pas se heurter à la réplique de Korentin. Elle n'était que vérité et là était sûrement la raison même de son empressement à clore cette méprise. Son visage laissait dominer cette même expression dont il se paraît lorsque aucune émotion ne pliait la peau ambrée de son visage. Il avait l'air de porter une moue boudeuse, celle d'un adolescent à qui on avait refusé sa dernière virée nocturne, le genre de crise existentielle. Rien n'était de cela, son regard serein se posait sur la possédée en proie aux larmes, comme s'il cherchait à lui communiquer un tant soit peu de son pays azuré où paix régnait. L'envie lui prenait le cœur de se pencher sur elle et de lui parler. Juste lui parler. Il en avait l'art et la manière et saurait la faire voyager par delà les entrailles d'Aigue-Royale, il l’emmènerait au sommet du Croc du Dragon et lui servirait les splendeurs de ce paysage qui s'étend à perte de vue comme ultime rêve d'Armanda comme elle n'existera peut-être jamais plus. Il n'avait jamais été là-haut. Mais il était un très bon menteur.

Il n'en fit rien, consoler la petite aurait été aussi malvenu que bienveillant. Il brida son âme hors de cela, il la regardait pleurer comme il regardait la misère qui secouait Aigue-Royale après cette bataille : passivement. Il n'était rien ni personne. Il n'était que peu de chose lorsque fauche Mort en si grand nombre. Même le plus grand des rois ne saurait faire face à l'Esprit Supérieur. L'instant de silence laisse place à l'entrée d'un humain qui demanda à Luna de confirmer ses propos. Il n'était pas utile de les remettre en doute, elle disait sûrement la vérité. L'elfe poussa un soupir qu'il retint en cours lorsqu'il vit la vampiresse approcher de Luna. Il ne savait s'il devait craindre que Veren fasse du mal à Luna ou que Luna fasse du mal à Veren et dans le doute, sa main droite s'était rapidement levée jusqu'au niveau de sa propre tête et ses doigts effleurèrent le bois de son arc et les plumes de ses flèches. La tension se fit sentir mais retomba bien vite à la réponse de Luna. Elle le laissa septique mais il laissa lentement retomber son bras levé le long de son corps.

« Si elle croit assez fermement dire vrai alors sans nul doute elle ne ment pas. Les croyances ne sont aléatoirement que vérité ou mensonge mais pour le croyant, ce n'est que pure vérité. A l'instar des alayiens, le fanatisme est sans limite... Jusqu'à preuve du contraire. »

Ils ne pourraient jamais être véritablement sûrs tout comme il ne serait jamais prouvé ni culpabilité ni mensonge. Ce que Luna disait était ce qu'elle croyait, ce dont elle était intimement persuadée. Comme elle fut persuadée d'avoir échappé au Prêcheur alors que chacun dans cette pièce savait ce qu'était la réalité à cette vérité-là. Les alayiens croient dur comme fer en Néant, une adoration sans fail. Tous ces fanatiques étaient persuadés de tenir la vérité jusqu'à ce qu'elle leur échappe et se montre sous un autre jour au terme de l'Aube Rouge. Le doute devait-il alors lui profiter au risque de voir se produire un nouveau massacré ? Ou alors devait-on au nom du doute mettre Luna hors d'état de nuire ? Cela n'était à présent plus de son ressort. Loin s'en faut. Il savait à présent ce qu'il s'était passé. Le sort de Luna ne le concernait plus à présent.

[Petite réponse pour moi, je n'avais plus grand chose à répondre ^^]

Sujet: Re: C'était pas moi, je le jure! [PV] TERMINE Ven 2 Jan 2015 - 12:37

La réponse de la vampiresse lui tira un haussement d'épaules, il fallait bien qu'ils en passent par là tout de même ou on serait capable de revenir lui dire dans quelques semaines qu'il était en tort de ne pas avoir prit toutes les dispositions nécessaires qu'elles soient utiles ou pas. Il ne fallait rien laisser au hasard. Et s'entendre confirmer ce que son instinct lui disait, à savoir que Luna ne mentait pas, ne serait pas un luxe inutile bien au contraire. Un peu de stabilité sous leur pieds à tous ce ne pourrait pas être une mauvaise chose après ce qu'ils avaient vécus.

Et de fait, l'atmosphère sembla s'alléger quelque peu lorsque Guillot se tourna vers Korentin, un sourire doux sur les lèvres. Il n'avait ressentit aucun mensonge dans les dires de la jeune fille. Quoi qu'on puisse en dire et que Néant soit encore en elle ou pas, elle était innocente de ses crimes. Certains diraient que cela ne changeait rien du coup mais pour le dragonnier d'émeraude ça avait une importance absolument capitale.

Soulagé, il se détendit peu à peu et le masque impérial se fendilla doucement pour laisser entrevoir l'homme qu'il était vraiment, un homme qui n'avait jamais pu supporter de voir les larmes dans les yeux de son entourage, et plus particulièrement lorsqu'il s'agissait de ses enfants ou des gens qu'il avait choisit de prendre sous sa protection. Il allait prendre la parole mais Veren le devança en s'approchant de Luna. Là il ne pu que se raidir quelque peu, inquiet de voir ces deux là si proches l'une de l'autre. Veren était importante pour lui mais ce n'était pas sa seule particularité, ce qui n'avait rien d'extraordinaire d'ailleurs car lorsqu'on était vampire on ne pouvait qu'être particulier. Si il ne craignait pas vraiment pour la sécurité physique de la jeune fille, Korentin craignait plus ce que la vampiresse allait pouvoir lui dire, elle avait une façon bien à elle de présenter les choses après tout et ne prenait pas souvent de gants. Elle le surprit pourtant et parvint à trouver les bons mots mieux qu'il ne l'aurait fait.

Il vit la surprise dans les yeux de Luna et réprima un léger sourire. Veren avait deviné mieux que lui ce dont leur interlocutrice avait besoin à cet instant, simplement d'être rassurée. De savoir qu'on lui faisait confiance malgré tout ce qui c'était passé et malgré le fait que le totem de Guillot ne soit pas infaillible. Il écouta leur court échange, et une lueur attentive s'installa dans ses prunelles lorsque Luna reprit la parole puis s'adressa à lui plus particulièrement. Silencieux, il attendit ensuite que chacun ai prit son temps de parole, l'elfe y compris, et se décida enfin à parler à son tour :

« Je te crois moi aussi... Je ne parvenais pas à me convaincre que tu puisse être responsable d'une telle tragédie. Mais cela n'enlève rien au fait qu'elle est arrivée, tu ne pourras rien corriger mais c'est de ton devoir d'essayer tout de même. »

Il la fixait avec le sérieux attristé d'un homme qui sait qu'il ne peut porter le fardeau pourtant bien trop lourd de la personne à qui il s'adresse. Luna s'en voudrait toute sa vie pour ce qui était arrivé et quand bien même elle n'était pas responsable, cela n'enlevait rien. Les gens qui étaient morts ne reviendraient pas, les familles ne retrouveraient pas leurs proches. Il y avait des dégâts que l'on ne pouvait réparer mais au moins pouvait-on tenter de les atténuer du mieux possible. Une lueur d'hésitation passa dans ses prunelles, il sembla peser le pour et le contre un instant avant de finalement se décider :

« Tu iras t'occuper chaque jour des orphelins de l'aube. Il s'agit des enfants qui ont tout perdu lors de la bataille, soit parce que leurs parents combattaient, soit parce qu'ils ont été victimes de la barbarie des Alayiens infiltrés. C'est une association Luna, une sorte de mini guilde. Tu es bien jeune mais tu en seras la dirigeante en collaboration avec guillot. Ceci à vie. »

Une condamnation à perpétuité si on voulait le prendre ainsi, mais il s'agissait aussi d'une possibilité de rédemption qu'il lui offrait et il lui semblait bien que ça l'aiderait beaucoup. Lorsqu'on avait causé de tels dégâts on avait forcément besoin de sentir que ça avait des conséquences afin de pouvoir surmonter sa culpabilité. Il était certain qu'elle prendrait grand soin de mener sa mission à bien avec beaucoup de sérieux, et il était probable que ça finirait par beaucoup lui plaire... Les orphelins avaient besoin de beaucoup mais ils avaient aussi en général beaucoup à donner. Elle serait parfaite dans ce rôle et il lui permettrait de guérir au moins en partie. Mais ce n'était pas tout, elle devrait travailler avec Guillot te le voir chaque jour obligatoirement, ainsi pourrait-il garder l'oeil sur elle et maintenant qu'il était prévenu il saurait sans doute déceler la moindre tentative de Néant de se rapprocher de Luna. Ceci étant dit, il tourna la tête vers Veren et Aldaron :

« Toute la rébellion aura aussi besoin de vous deux, pas uniquement les orphelins... J'espérais marcher sur Gloria après la victoire mais elle a été trop coûteuse pour que ce soit faisable... Il nous faut nous reconstruire. Puis-je compter sur vous ? »

Son regard s'était attardé sur Veren, un regard appuyé qu'elle comprendrait sans nul doute. Il espérait qu'elle porterait une attention toute particulière à Luna, et qu'elle veillerait sur elle... Ce ne serait sans doute pas de trop...

Sujet: Re: C'était pas moi, je le jure! [PV] TERMINE Lun 5 Jan 2015 - 22:39

Ses mots avaient fait mouche, rassurant l'humaine pour qu'elle reprenne un peu consistance dans cet effondrement émotionnel que cette dernière était en train de vivre. La laisser décrépir n'aurait certainement pas permis autre chose que de laisser une porte encore plus grande ouverte à la manipulation dont elle avait été victime, lui permettant ainsi de reprendre le pas sur la personnalité de cette dernière. La vampire tenait toujours doucement la main de l'humaine avant de la lâcher lentement en laissant glisser ses doigts sur ceux de cette dernière accompagnant le geste par un léger sourire qui se voulait doux et rassurant sans pour autant l'interrompre dans ses paroles. Aucun mot n'avait plus besoin d'être prononcé pour la vampire qui avait obtenu l'effet escompté, restait-il juste à le maintenir, et de nouvelles paroles pouvaient se révéler maladroite.

Comme prévu la réponse du "Maitre Guillot" fut négative, la protégée de Korentin ne mentait pas. Aucune surprise donc sur ce point là, puisqu'il ne pouvait après tout pas en être autrement ! Que Néant soit encore en elle ou pas ne changeait rien au fait qu'elle avait dit sa vérité et si elle ignorait tout d'un reste de présence alors elle ne pouvait pas mentir, après tout les ignorants restent les meilleurs menteurs ! Ignorants ou innocents... Il suffisait que les sentiments des décideurs prennent le pas sur leur raison et l'ignorant pourrait retourner à ses activités habituelles pas forcément connue d'eux-mêmes.
Heureusement pour eux Korentin avait écouté les avertissements et surtout ne se laisserait pas berner une seconde fois, qu'il y ait un risque ou non il venait de prononcer sentence pour que l'humaine "rachète ses fautes" sous la surveillance du maitre Guillot qui était visiblement apte à détecter les anomalies qui pouvaient surgir dans le comportement de l'humaine. C'était une douce sanction que la surveillance jusqu'à être sûr qu'elle ne représente plus aucune menace. Un œil avisé et familier pour l'humaine...

La résistance avait besoin de tout le monde, peu importe leurs peuples respectifs, d'ailleurs il y avait un bel exemple dans cette même pièce ou tous étaient représentés. Coïncidence ? Certains pourraient y voir là une sorte de présage des esprits, mais ce ne serait certainement pas le cas de la Vampire qui n'était pas des plus portée sur ce genre de divagations !
Reprendre Gloria était maintenant un plan beaucoup trop audacieux alors que la bataille venait de se terminer et que les blessés n'avaient pas encore repris de leurs forces et il faudrait également reconstruire les rangs ce qui n'était certainement pas une chose aisée, peu d'humains étaient de véritables soldats et même en levant une armée de Paysans, faire tomber les remparts de la cité impériales serait un véritable massacre et bain de sang aux yeux des humains auquel on pourrait y ajouter un sacré gaspillage de sang aux yeux de la vampire (car après tout pourquoi le jeter alors qu'on peut s'en repaitre ?).

Les pensées gustatives de la vampire furent chassées par le regard appuyé qu'avait posé Korentin Kohan sur elle, elle n'avait pas besoin d'être devin pour comprendre qu'il la souhaitait à ses côtés mais également près de son humaine ici présente qu'il désirait protéger. Guillot n'était pas infaillible et il l'avait déjà montré et certainement qu'une surveillance supplémentaire ne serait certainement pas de trop pour s'assurer que rien ne recommence ! Des tas de choses pouvaient se passer lorsqu'un humain avait besoin de dormir, beaucoup trop ! Heureusement, il n'avait pas condamné la vampire à accompagner l'humaine à s'occuper des orphelins... Quoique, peut-être cela lui aurait-il fait regagner une part plus profonde d'une humanité perdue ? Mais la n'était certainement pas le sujet !

S'il pouvait compter sur elle ? Il ne lui avait jamais fait faux bond, même quand elle aurait du le faire pour son ancien maitre. La question était certainement mal posée, ou plutôt aurait été mal venue dans un autre contexte. Bien sûr qu'il pourrait compter sur elle ! Pourquoi en douterait-il ?! D'ailleurs le regard qu'elle lui renvoyé pouvait transporter ces mots silencieux qui, comme à son habitude, l'affranchissait de toute réponse orale. S'amusant ainsi à lui laisser deviner ses véritables intentions qui pourtant étaient claire comme de l'eau de roche dans ce cas là.

Sujet: Re: C'était pas moi, je le jure! [PV] TERMINE Jeu 8 Jan 2015 - 6:03

À cause de Néant, Luna avait commis d’horribles actes au sein de la rébellion. Elle ne voulait pas être pardonnée pour ce qu’elle avait fait, car elle-même s’en voulait pour ce qui était arrivé. Tout ce qu’elle voulait, c’était qu’on puisse l’écouter attentivement et qu’on la croit lorsqu’elle disait qu’elle n’avait été qu’un simple instrument. Et c’était encore plus vrai vis-à-vis Korentin dont l’opinion comptait plus que tout. Elle appréciait énormément cet homme et savoir qu’il pouvait penser qu’elle l’avait trahie lui déchirait le cœur. Ainsi, lorsqu’il mentionna qu’il la croyait, la tension sur ses épaules s’envola et elle poussa un soupir de soulagement. Ce ne serait probablement plus pareil comme avant entre eux, mais c’était au moins cela. Elle écouta attentivement son empereur parler sans l’interrompre et acquiesça d’un signe de tête à ses paroles. Elle ne pouvait peut-être pas ramener les morts à la vie, effacer la peine ou la frayeur aux rebelles touchés par l’Aube Rouge ou redonner le trône à Korentin, mais elle pouvait aider à sa façon. Croire qu’elle resterait là à ne rien faire, c’était se tromper royalement sur la gamine. Elle ferait tout en son pouvoir pour venir en aide aux rebelles et ferait n’importe quoi pour racheter ses fautes.

- Bien entendu. Répondit-elle à son protecteur, suite à sa sanction.

Aider les orphelins de l’Aube, ce n’était pas la première idée qui lui venait en tête, mais pourquoi pas? Étant elle-même orpheline, elle savait ce que c’était que de perdre sa famille et à quel point l’on pouvait se sentir dévasté. Cela ferait peut-être d’elle la personne toute indiquée pour comprendre les enfants, savoir ce qu’ils allaient traverser et les aider à passer à travers cette rude épreuve. Mais comment pourrait-elle les regarder en face tandis qu’elle savait qu’elle était la cause de leurs malheurs pour plusieurs d’entre eux? Et si les concernés l’apprenaient, comment réagiraient-ils? La gamine ne se sentait pas prête à subir le poids de leur regard… Mais pour Korentin, elle le ferait.

Elle avait encore le cœur gros et cette association allait peut-être permettre de l’apaiser un peu. Mais tout cela l’effrayait un peu. En serait-elle capable? Elle était plutôt d’une nature solitaire et interagir avec les gens n’étaient pas vraiment son fort. Elle n’était pas vraiment la gamine douée dans l’art de rassurer les autres. Non, elle était plutôt du genre gaffeuse qui prononcerait quelque chose qu’il ne fallait pas… L’idée qu’elle puisse empirer la situation l’angoissait. Peut-être que maître Guillot le remarqua puisqu’il s’était retourné vers la gamine et qu’un sourire chaleureux s’était dessiné sur ses lèvres.

- Merci... Merci de m’avoir laissé m’exprimer. dit-elle finalement.

Sujet: Re: C'était pas moi, je le jure! [PV] TERMINE Sam 10 Jan 2015 - 22:25

Voilà qui se voulait être un conclusion à cet entretien. Eu égard des éléments qu'il avait en sa possession, Korentin avait pris une décision pour l'avenir de Luna. A la lumière de ce qu'il venait de se passer, l'elfe saisissait d'avantage la problématique à laquelle le roi avait été confronté lorsque Luna était revenue d'entre les griffes d'Aldakin. Si la séance s'était ainsi produite, avec ces doutes affligeants et ses semblants de certitudes, nul doute que la tragédie avait été impossible à prévoir. Tout comme il y en aurait peut-être une (ou pas) à l'issue de cette décision. Seul l'avenir leur dirait. Luna paraissait prendre pleinement conscience de ce que tout les récents événements impliquaient. Voilà qui devrait la tenir sur le droit chemin, Aldaron l'espérait aussi longtemps que possible. Ils n'avaient pas besoin d'une seconde perfidie dans la situation actuelle. Un peu de stabilité. C'était ce qui leur manquait à présent. Il fallait se reconstruire pour avancer à nouveau. Le sol se dévoilait comme craquelé et glissant, un terrain empli d’embûches qui se tenait sous leurs pas. Par là, il faudrait commencer avant un assaut contre Gloria. La décision de Korentin de ne pas marcher sur Fabius était sage et bienvenue. Bien qu'il n'ait pas la légitimité pour juger les décisions de son roi, Aldaron avait le bon sens de ne pas être un mouton.

Le projet de la rébellion se dessinait à présent, bien qu'il ne sache ce qu'il adviendrait de cette guerre. Y aurait-il une seconde Aube Rouge à Aigue-Royale, ou la rébellion marcherait véritablement cette fois vers Gloria ? Le cité n'était-elle pas quasi-imprenable ? Avaient-ils ou auraient-ils la puissance armée suffisante pour tenir un siège à l'encontre de la Magnifique ou se feraient-ils balayer une fois à découvert ? Beaucoup d'incertitudes, et des décisions militaires qui retomberaient sur les épaules de Korentin dans quelques mois, ou quelques années. Il fallait s'y préparer, et ce, dès maintenant. Il s'agissait d'un travail de tous, de la Triade compris. Les trois dirigeants du Marche Noir étaient les mieux placés pour faire venir de toute l'île ce qui serait nécessaire à cette reconstruction, en temps et heure. La question de Korentin appelait une réponse évidente. L'elfe posa sur lui un regard interrogateur. Au delà d'être un preneur de décision hors pair, le charisme d'un roi devait pousser les gens à l'action, à le suivre, aller dans son sens et reconstruire leur avenir. Avait-il véritablement besoin d'entendre qu'il marchait avec lui ? La Triade avait fait son œuvre dès les balbutiements de la rébellion. Craignait-il leur infidélité ou ressentait-il le besoin d'être lui même rassuré ? De savoir exactement ce sur quoi il pouvait compter ? La solitude lorsqu'on a des projets aussi titanesques que ceux qui habitaient Korentin était synonyme de mort.

Le regard de Korentin sembla plus appuyé sur Veren. Certainement qu'il comptait sur elle pour garder un œil constant sur Luna. Le doute planant, il semblait nécessaire d'être prudent. Silence de la part de la vampiresse, il était magnifique de contempler à quel point elle avait l'art de placer dans ses yeux toute la fermeté d'une réponse sans mots.

« La Triade est derrière vous, Majesté. »

Une affirmation, humble, ferme et brève. La Triade restait avec son roi. Le nécessaire était oral, le reste était sous entendu dans ses termes imprononcés. Lui plus particulièrement serait présent tant pour la rébellion que pour Luna si elle avait besoin de son aide ou s'il remarquait qu'elle ne tournait à nouveau pas bien rond. Il demanda à quitter cette entrevue qui touchait à son terme. Il avait énormément de travail. Il était fatigué mais devait agir. Il ne pourrait pas dormir même s'il en avait le loisir à vrai dire. Ce qu'il avait vu et entendu à travers les yeux du chien dont il avait pris possession lors de la bataille faisait encore trembler son esprit. La paix reviendrait, point maintenant cependant. Avant de sortir, l'elfe porta sur Luna plus longuement son attention, sans dire un mot. Un simple sourire en coin vint marquer ses lèvres, d'un air de répéter une phrase prononcée au début de leur entretien : les alliés sont ceux qui restent, ceux qui agissent encore pour cette même cause que ce soit en gérant un marché noir.... Ou en venant en aide aux orphelins de l'aube. Ils étaient le peuple insurgé.

[HJ : Dernier post pour moi. Quelqu'un souhaite répondre ?]

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