Fils unique de la noble dynastie Olger, Frank est né par une froide et brumeuse nuit d'automne sur les terres Alayiennes.
Une "noble dynastie", c'est ainsi que les Olger qualifiaient et qualifient encore avec orgueil leur arbre généalogique préféré. Préféré, oui. C'était une tendance typiquement Olger que de ne s'aimer que soit-même et de n'accorder un véritable intérêt qu'à sa propre petite personne, voir éventuellement à ses proches mais uniquement par amour pour le nom partagé et le prestige que chaque Olger entendait y associer.

Harold Olger, patriarche de la famille, était certainement l'homme à qui ce prestige familial tenait le plus à coeur. Grand père paternel de Frank, il contribua à sa stricte éducation bien plus que le père lui-même du garçon (qualifié de trop faible) ou sa mère (répudiée). Orgueilleux et fanatique comme personne, il ne rêvait que de voir les Olger s'illustrer et gravir les échelons de l'échelle sociale Alayienne. Car on pouvait être noble et tout de même insatisfait, surtout lorsqu'on s'apercevait avec fureur que l'écrasante majorité des autres familles nobles étaient plus illustres et plus respectées que la votre ! Evidemment l'argent permettait de combler cette différence, mais ça ne suffisait pas à Harold. Les Olger méritaient leur place aux côtés des plus célèbres et respectées familles. Même si il comprenait très bien qu'il ne vivrait sans doute pas assez vieux pour le voir.

Dans cet optique, il veilla donc jalousement sur l'éducation de son petit fils. Son fils Rodger avait été un véritable échec, une déception de taille. Qu'il ne soit pas très guerrier, c'était une chose, mais qu'il soit né sans cervelle... En tant que vieux renard aux milles ruses acérées, Harold ne pouvait bien évidemment pas le supporter. Et quand en plus cet imbécile trouva le moyen de se faire cocufier par la femme qu'Harold lui avait fait épouser, ce fut la médiocrité de trop. On riait de la famille Olger, de quoi faire entrer Harold en fureur et envoyer la dame indélicate dans une situation fort délicate justement. Rodger se retrouva forcé par son père de la répudier et de l'envoyer dans un temple afin qu'elle y dévoue sa vie au Néant. Ceci non sans l'avoir rossée bruyamment sur les conseils impérieux de son père. Les cris de douleur et la honte d'être ainsi chassée eurent l'effet escompté, les rires cessèrent. Mais Harold n'oublierait pas de sitôt ce sentiment d'humilation...

Heureusement, Rodger et cette petite traînée n'avait pas tout raté. Il y avait un garçon... Un fils, Frank. Harold craignit pendant quelque temps que le nourrisson ne soit pas le véritable fils de Rodger mais ce doute s'effaça bien vite. Il était le portrait craché de son grand père et possédait le même regard énigmatique et réfléchit. Au cas où ça n'aurait pas suffit, une tâche de naissance sur l'omoplate partagée cette fois avec son père offrit à l'enfant sa légitimé au sein de la famille Olger. Nourrisson au moment des faits, on lui assura le lait et les soins d'une nourrice puis Harold prit le relais avec sérieux afin de gérer son éducation. Pas question que cet idiot de Rodger ne pervertisse ce descendant ! Le père fut relegué au rang de spectacteur et ne s'en porta pas plus mal, il ne supportait tout simplement pas les enfants.

Frank était pourtant loin d'être un garçon difficile, en apparence du moins. Il était étrangement calme pour un enfant, pas vraiment effacé mais simplement plus souvent plongé dans ses pensées que véritablement désireux d'aller chahuter dans un coin. Plein de prudence, il ne se mettait jamais en danger et n'aimait pas non plus se salir ou encore moins se ridiculiser. C'est que même à son âge, il possédait déjà le sens inné de la fierté des Olger. On ne cessait de complimenter son grand père d'avoir un petit fils aussi raisonnable et réfléchit, et on n'avait pas tort sur ce point. On cernait par contre assez mal ses travers pourtant importants.
L'enfant était en effet égoïste. Il ne supportait pas de partager quoi que ce soit et ne faisait jamais rien sans s'être assuré au préalable que ça lui apporterait quelque chose. Fourbe et menteur, il n'hésitait jamais à faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre lorsqu'il y avait une bêtise à cacher, et le pire était qu'il y réussissait très bien. Il avait bel et bien hérité du caractère rusé de son grand père et certainement pas de la bêtise de son père.

Il n'était pourtant pas totalement dépourvu de similitudes avec ce dernier. De Rodger, il avait hérité non seulement d'un manque de talent flagrant pour les armes mais aussi d'un certain intérêt pour les arts de la débauche et de la luxure. Pendant toute son enfance cela ne s'illustra que par une gourmandise et une paresse assez irritante pour son entourage proche, et ce devint un véritable problème à partir de l'adolescence et des tous premiers émois suscités par cette période. Un monstre grandissait en lui, peut-être en partie nourrie par le traumatisme que la fin de l'Alayia et la fuite qui en avait résulté avait causé.

Sur l'île qui devint leur refuge, son grand père Harold ne fut pas long à s'apercevoir de l'appétit féroce de son petit fils. Il était tout prêt à fermer les yeux sur les besoins naturels d'un jeune homme même lorsque celui-ci démontrait qu'une seule camarade de jeu ne lui suffisait pas et qu'il lui fallait au moins deux ou trois demoiselles pour le satisfaire. Néanmoins la chanson commença à changer lorsque le bruit courru que le rejeton Olger courrait sur toutes les terres et chassait plus particulièrement le gibier le moins consentant. Ces rumeurs firent froncer les sourcils du grand père, puis une autre vint faire état des quelques excursions de Frank aux côtés de jeunes hommes de son âge, là il était grand temps de mettre le holà.

Petit fils et grand père eurent une longue et dure conversation à l'issue de laquelle Frank fut autorisé à s'amuser avec n'importe quelle fille au singulier ou au pluriel pourvu qu'elle soit de basse naissance. Plus question d'aller irriter les nobles familles en courant après leurs rejetonnes. Quand aux garçons ils étaient bien évidemment rigoureusement interdit, Harold comprenait déjà difficilement que son petit fils ai voulu s'essayer à de tels ébats alors il ne voulait plus en entendre parler. Une chance qu'il n'ai jamais entendu parler de tout le reste...

Car les explorations de Frank dans le domaine le plus charnel ne s'arrêtaient certainement pas à ce genre de choses. Le jeune homme n'avait simplement pas de limites, il n'aimait pas se mettre de barrière et ne se satisfaisait que dans les ébats les plus pervertis. Très rapidement, il prit conscience de ce qui lui plaisait le plus. Mais il devina aussi sans mal que ça ne plairait pas du tout à son grand père, ni même à personne. Aussi prit-il le plus grand soin de ne jamais ramener ses jeunes "amis" dans des endroits sensibles. Harold n'eut jamais le moindre soupçon à ce sujet, à moins qu'il préféra fermer les yeux et ne voir que ce qui lui plaisait chez cet héritier à qui il laisserait tout. Il avait en effet veillé à ce que Rodger passe l'arme à gauche bien avant lui-même, victime d'un accident malheureux. Il n'était pas question de permettre à un tel bênet de devenir le patriarche de la famille.

Les années passèrent ainsi. Frank avait bien profité de l'éducation d'Harold, confirmant qu'il possédait bien ses talents de charisme et de ruse. Il s'était même trouvé une arme qui lui convenait à peu près, l'arbalète. Il ne serait jamais un excellent tireur, mais il se débrouillait et le fait de pouvoir se tenir loin des combats lui convenait tout à fait. Car il se préparait bel et bien au combat... Les Serviteurs avaient parlé, Néant voulait voir ses enfants déferler sur une terre nommée Armanda, une terre qu'il faudrait soumettre.

Frank n'avait pas d'idée véritable arrêtée sur l'Esprit Unique. Il n'avait jamais vraiment réfléchit à cela ceci dit... Lorsqu'on était Alayien, Néant était une valeur incontournable qu'il fallait respecter ou mourir. Il respectait donc en apparence, pas vraiment intéressé en vérité par les preceptes bien trop arides de cette religion. Son centre d'intérêt était lui-même uniquement, il ne lui restait donc que très peu de temps et de motivation pour adorer un esprit ! Il était par contre tout à fait conscient de l'importance d'être un bon croyant, toute la societé Alayienne reposait là dessus et si son tatouage n'avançait pas bien vite, il en prenait tout de même soin en ne négligeant aucune des prières obligatoires et en étant toujours le premier à louer publiquement la gloire de l'Esprit.

Armanda... Le nom l'intriguait. Il aimait l'idée d'avoir bientôt un monde à soumettre. L'île refuge était bien petite, et ne satisfaisait pas les ambitions de son peuple ou les siennes propres. Ce nouveau monde leur sierait bien mieux et il était à peu près certain d'y trouver tout ce qu'il aimait et même plus... Qui disait guerre disait toujours opportunité de s'enrichir, même si sa famille n'avait pas vraiment besoin de ça, et surtout de gagner du prestige, ça c'était déjà mieux. Il se voyait vraiment très bien en haut officier respecté, voir même en héros de guerre adulé. Un poste de lieutenant pour commencer serait parfait !

Il n'hérita que d'un poste de sergent. Un premier revers qu'il prit très mal. Mais il n'était pas du genre à montrer à quel point il était vexé. Il préférait ruminer ses colères et attendre patiemment les occasions de se venger de ces guerriers qui ne le reconnaissaient pas comme l'un des leurs. Comme si c'était un mal que d'avoir plus de muscles dans le crâne que dans les biceps... Ces idiots comprendraient bien vite...

Le voyage commença, sans véritables heurts pour Frank qui fit connaissance avec son unité et se révéla doué dans l'art de se mouvoir au sein d'une armée aussi gigantesque que celle du Néant. Il avait le charisme nécessaire pour se faire obéir de ses hommes, et suffisamment de jugeote pour savoir ramper devant ses supérieurs. Les guerriers qui lui déplaisaient le plus dans son unité ne furent pas long à être mutés dans d'autres groupes tandis que lui même s'arrangeait pour hériter des brutes les plus épaisses et des sales types par excellence. Son second, il le sélectionna lui-même, avec à peu près les même critères. Il avait de grands projets pour son groupe une fois en Armanda, et il n'entendait pas que des fauteurs de troubles viennent les perturber.

Ce ne fut pas le cas. Bien sélectionnés, ses hommes embrassèrent immédiatement et avec beaucoup de passion ses méthodes. Viols, pillages, massacres barbares... Il ne leut interdisait rien et veillait à ce qu'ils soient toujours placés là où le danger était moindre. Très doué dans ce sport, il pouvait compter pour cela sur l'argent dont il avait hérité avec la mort d'Harold et qu'il dépensait sans compter ainsi que sur les nombreuses relations qu'il avait réussit à établir. C'était bien simple, les seuls puissants qu'il ne s'ingéniait pas à rencontrer c'était les serviteurs. Il se méfiait d'eux comme de la peste, tous les autres étaient des alliés à ne pas négliger et il prenait bien soin de cerner chaque officier afin de comprendre quels étaient ses petits faibles et ce que l'on pouvait bien lui offrir pour s'attirer ses faveurs. De botte en botte et de sourire mesquin en mensonge sirupeux, il s'était forgé un véritable réseau qui ne lassait pas de lui être utile... Les escarmouches ? La bataille des bois sombres ? Ah ça, il en fut le héros ! Son unité s'y illustra plus qu'aucune autre et bien des témoins abondèrent dans ce sens. La vérité était ce que la masse voulait bien entendre, n'est-ce pas ?