Le premier pas est toujours le plus dur [PV Roëric & Isyndar] TERMINE

--- 28 Juin ---

Ils n’étaient plus très loin du point de rupture, de l’instant décisif. La grande bataille… une journée, peut-être deux, tout au plus. Et pas une seconde à lui, il fallait bien le dire. Il avait trop à penser, trop à réfléchir et trop à faire. Il y avait Eliowir bien entendu et Korentin qu’il ne pouvait pas laisser tomber maintenant. Et Cyrène, sa mère, qui faisait son deuil comme elle le pouvait. Erin était mort par sa faute, il s’était sacrifié pour lui permettre de vivre. Il s’était sacrifié pour lui permettre de continuer son travail en ce monde, pour qu’il poursuive ses devoirs. Il savait… mais ça ne le consolait pas plus que cela en vérité, Lorenz devrait payer pour cela aussi. Mais pas encore. Pas encore. Le moment n’était pas venu. En revanche, il était certain qu’un autre moment était venu. Plus tôt que prévu, tant pis, c’était ainsi… il se sentait décidé, déterminé. C’était maintenant qu’il fallait le faire. Et sa toute première pierre, son premier jalon, se trouvait à portée de main. Il suffisait de tendre la main pour le saisir. Ensuite, tout s’enchaînerait, comme un engrenage n’attendant que de se mettre en place. Le plus gros du travail préparatoire avait déjà était effectué. Il était temps d’accomplir le reste. L’improbable avait eu lieu, place à l’impossible. Ils allaient leur montrer…

Installé sur sa roche, il attendait. Silarae n’était pas avec lui, pas encore. Elle survolait l’armée alayienne, la surveillait… Il préférait que ça ait lieu ainsi. En attendant, lui continuait d’avancer, pendant qu’elle le gardait, toujours aussi vigilante. Son messager, ou plutôt sa messagère, Merveille, était allée chercher ceux qu’il désirait rencontrer et il savait que ses invités ne refuseraient pas. La dragonne par affection pour lui, le dragonnier parce qu’il était bien trop intelligent pour vouloir le froisser d’une quelconque façon. Il suffisait d’attendre un peu. Et ils seraient là. Il avait tant à penser… attendre lui était égal, il ne voyait pas le temps passer. Et quand il releva enfin la tête, ils étaient tous deux-là, dans cette bulle de calme, à l’écart. On leur lançait parfois un regard, lorsqu’on passait à proximité et pour cause. Il avait libéré Nolan peu de temps auparavant, mais certains doutaient encore. C’était peut-être pour le mieux. Un peu de doute ne faisait jamais de mal, ils serviraient à renforcer sa position lorsqu’il les détromperait. Après ce qui était arrivé, il n’avait plus guère de scrupules à se servir de toute arme que l’on mettait à sa portée. S’il devait écraser ses opposants, alors il le ferait, mais ses plans devaient porter leurs fruits.

Il les observa un moment sans rien dire, puis se releva finalement. « Salutations, Alokor, Isyndar » Il échangea un long instant privilégié avec la dragonne sans se gêner, ayant assez dépassé le stade de la politesse avec elle. Il était heureux qu’elle aille bien… et plus encore, il était heureux de la voir. Elle était une douceur singulière, pour lui. Revenant ensuite au vampire qui l’accompagnait, il l’approcha et parla avec calme. « Je n’irais pas par quatre chemins. Le temps de la solitude n’est plus. Nous avons par le passé échangé, au sujet d’une union des dragonniers. J’en ai rediscuté avec Isyndar, récemment, et avec d’autres… il est temps d’établir cette caste. Il est temps d’agir ensemble. Vous, Alokor, êtes le premier que je convoque, et ne serez certainement pas le dernier. Me suivrez-vous ? » Son regard se fit perçant. Il ne voulait pas le forcer, mais en même temps, que ferait-il s’il refusait ? Mais le Maître-Lame n’était pas stupide. Loin de là, même. Et lui non plus, d’ailleurs. En lui demandant de suivre, il s’établissait dès à présent comme le maître de la caste des dragonniers, avec tout ce que cela impliquait. Et tous les risques que cela comportait, le premier d'entre eux étant de se voir refusé...

Drôle d'endroit. Des vampires, des elfes, des hommes. Oui vraiment, c'était un drôle d'endroit. Il avait croisé un nombre assez inquiétant de congénères ayant juré de lui faire la peau tôt ou tard, parce qu'il avait tué le copain, la copine, le femme ou l'homme... Peu importe. Qui tirait l'épée mourrait par elle, c'était là une constante universelle. Le vampire n'avait pas de temps à perdre avec des hypocrites. Cela étant dit, le fait d'être entouré d'ennemis et d'inconnus qui non seulement ne voulaient pas votre mort mais en plus souhaitaient se battre à vos côtés... Oui, c'était pour le moins perturbant.

Enfin, il faisait avec. S'il y avait une chose qui ne lui avait jamais fait défaut, c'était bien sa capacité d'adaptation. Certes, il y avait eu quelques ratés et autres retards, comme avec Isyndar par exemple. Mais ce n'était pas tous les jours qu'on devenait dragonnier. Et somme toute, il s'en était assez bien sortit... non ? Sa liée était en forme, pleine d'humour et suffisamment censée pour ne pas vouloir participer à la bataille alors qu'elle était enceinte.

Roëric Alokor était en train de jouer aux dés avec deux humains et un elfe quand il reçut la convocation d'Achroma Seithvelj. Celle-ci tombait d'ailleurs à pic, car ses camarades de jeux commençait à s'agacer de plus en plus. Probablement parce que c'était son cinquième triple six. Qui pouvait-il ? Il était agile de ses mains, voilà tout. Ce n'était pas comme s'il trichait volontairement. Enfin, pour la peine il ramassa ses gains et mit les voiles sans demander son reste.

Il n'avait pas grand-chose à faire. Si ce n'est participer aux préparatifs pour la bataille à venir. Kylian n'était pas là. De même que Merithyn. Un coup d'épée dans l'eau. Mais au moins avaient-ils une chance de les revoir en restant avec les rebelles. Du reste, ils n'avaient rien de mieux à faire et de toute façon ils étaient maintenant bloqués ici. Restait cette convocation. Retrouvant Isyndar, il lui dit en pensée.

"Achroma veut nous voir maintenant. "

Pour sa part, il avait l'intention d'y aller. Il avait suffisamment d'ennemis comme ça et les Esprits savaient à quel point les vieux vampires pouvaient être tatillon sur les règles de courtoisie et de respect. L'Aîné se trouvait donc aussi dans la caverne quoi qu'à l'écart des autres et assis sur un rocher comme s'il attendait la fin du monde. Les anciens avaient toujours eu le sens du théâtral. Nul doute qu'il n'allait pas leur demander un petit service comme ça en passant.

Tout ce que le Maitre-Lame espérait, c'est que ce serait rapide. Et il ne fut pas déçu, quoique cette proposition, pourtant largement attendue, le laissa brièvement sans voix. Une minute passa dans le silence le plus total avant qu'il ne réponde. Il ne souffla rien à Isyndar, car ils en avaient déjà longuement discutés tous les deux.

J'ai déjà pris une décision semblable, en manquant d'éléments importants. Et j'ai passé le siècle suivant à parcourir le continent en long en large et en travers sans que la cause supportée n'est pour autant avancée d'un pas.

Non pas qu'il ait des regrets, ou qu'il se plaignît. Mais quitte à se passer une nouvelle corde au cou, autant que ce soit productif cette fois-ci.

J'aurai donc une ou deux questions avant de vous répondre, Aîné.

Quel sera notre objectif ? Au-delà, bien sûr, de l'éradication des alayiens qui veulent notre disparition totale. Tuer Lorenz Wintel ? Servir de mercenaire dans le conflit ridicule qui oppose les humains ? Un des empereurs est dragonnier il me semble et votre.... ami si on en croit les rumeurs... Allons-nous combattre pour mettre l'un des nôtres sur le trône ?

Quels moyens utiliserons-nous ? Si notre survie est engagée, je n'hésite pas, je n'ai jamais hésité. Mais dans des circonstances plus... disons, normales, je suis attaché à un certain code de valeurs.

Il était en position de force, il en profitait donc pour dire ce qu'il pensait. Tout en restant suffisamment poli pour éviter la décapitation immédiate. Enfin, son interlocuteur semblait apprécier Isyndar, alors il éviterait les mesures trop extrêmes... N'est-ce pas ?

La pierre, la roche, la terre comme seul rempart. Rempart contre quoi, contre qui. Eux même, l'extérieur, les alayens ou bien les luttes internes. Mais pour l'instant, seul ces galeries, ces nœuds et autres boyaux étaient la seule protection pour leur vies. Et Isyndar avait en son sein une vie de plus, qui allait bientôt venir voir ce qui se passait sur cette terre. Bien triste naissance que la sienne dans un monde qui se déchirait et partait en lambeau. Mais espoir d'un avenir qui se voulait meilleur. Oui, Isyndar espérait encore. Malgré tout. Elle croyait en ces personnes qui luttaient à côté de leur ennemis d'hier pour construire un lendemain, pas forcément meilleur, pas parfait mais réel et à eux. Non dicter par un peuple soutenu par un esprit qui désire la fin de tout, le vide, le néant. Car la magie n'était pas le seul problème aux yeux de la dragonne, non, il y avait une volonté de détruire tout.

Et ils se battraient tous ici, vampires, humains et elfes à pouvoir continuer à ce haïr par la suite. Et ce serait pour bientôt. Tous s’accordaient à le dire, et les récents mouvements de troupes ne laissaient aucun doute. Et Isyndar se préparait à bientôt quitter ce lieu, à contre-coeur. Mais il en avait été décidé ainsi, avec son lié. De ne pas être présente lors de la bataille, quand les coups pleuvront dans ses galeries de roche. Pour le bien être de l’œuf à venir. Mais de savoir son lié, sous terre à se battre et elle loin, l’inquiétude grandissait. Même si le maire lame avait vécu et combattu bien des batailles sans elle et s'en était sorti. Les choses étaient différentes maintenant. Il avait une dragonne accroché aux basques et pas prête à le voir partir loin d'elle. Et ce vampire avait aussi parfois la fâcheuse habitude de se fourrer dans les pétrins le plus étranges.

Mais pour le moment, l'heure n'était pas au départ ni à la guerre. Son lié arriva dans la large artère où la dragonne se reposait, fatiguée, comme elle l'était ces derniers temps. Achroma, le vampire d'argent désirait les voir. Isyndar avait sa petite idée sur le sujet. La dragonne se leva et suivit son lié. Celui-ci semblait bien pressé. Ces bipèdes !!

« -Salutation dragonnier d'argent. C'est un plaisir de te revoir, comme à chaque fois. »

La dragonne se rassit en repliant ses pattes sous son ventre arrondit. Elle laissa les bipèdes vampiriques échangés entre eux, avant de laisser le flots de ses pensées s'introduire doucement dans leur esprit.

« -Une telle caste apporte un flot de questions, certaines seront sans réponses. Celles-ci ne viendront que si nous tentons. Pour nous, vous, dragonniers, être déjà à part et tous aux même niveaux. Je protégerai mon dragonnier jusqu'à la mort mais défendrai tout autant celui d'un de mes frères ou sœurs d'écailles. »

Que cela soit dit.

« -Cela va être notre principale difficulté, du moins la votre, bipèdes. Savoir s'élever au delà de vos appartenances. Ne plus se sentir sous la coupelle d'un prince, ou bien l'être. Devenir dragonnier à part entière, cherchant à protéger le peuple d'Armanda, vampire, elfe ou humain. »

Oui, cela serait bien compliqué. Mais les dragonniers avaient avec eux des dragons, des êtres dotés d'un intelligence qui les guiderait.

« -Si jamais venait une nouvelle guerre du peuple humain et elfique contre le peuple vampirique, quelle vois devrions nous choisir, venant tous de races différentes ? Je pense que l'honneur et l’étique doivent être connues de tous, dès le départ, que chacun puisse aussi être soit dans cette caste. Sinon, elle courra à sa perte et nous aussi. »

Que tous partent avec les même bases et les mêmes envies. Une sorte d'écrit qui les lierait, leur envies, leur idées.

Bien… il semblait qu’il ne doive pas le frapper tout de suite. Pas qu’il eut cette intention au départ, il n’était pas le plus violent des anciens, mais tout de même, parfois cela arrangeait les choses. Et parfois pas, d’ailleurs, en repensant à Wallam. Et en parlant de cet imbécile, Roëric ne venait-il pas de les comparer ? Hm, il allait vraiment se vexer, si c’était le cas. Lui et ce gamin imbécile n’avaient pas grand-chose en commun, quoi qu’on puisse en dire. Cependant, l’intervention d’Isyndar le fit sourire plus qu’autre chose, et détendit agréablement son esprit. « Vous parlez bien, Isyndar » répondit-il en tout premier lieu, avec une inclinaison supplémentaire de la tête vers elle, comme un salut. Et pour cause, elle résumait fort bien les choses. « Et vous avez raison » Il observa de nouveau Roëric, d’un regard égal. « Je peux répondre à vos questions, et le ferait, mais avant cela, je souhaite que les choses soient claires, même si je vous demande de me suivre et même si je suis votre ainé, vous n’en êtes pas moins dragon et dragonnier et à ce titre, égal à nous. Vous avez votre mot à dire, dans cette affaire, pas seulement pour agréer à ma demande, ou la refuser, mais pour construire également ce que sera l’avenir de cette caste. Je ne veux pas d’un pion ou d’un chien de guerre me courant après au travers du continent » Et oui, il écorchait Wallam encore une fois.

« A présent, quel serait notre objectif ? Rien moins que la survie de ce continent, et son intégrité. Nous sommes dragonniers, liés aux dragons, souffle de magie, de vie et de prospérité sur le continent. Nous sommes elfes, humains, ou vampires. Ambassadeurs de nos races auprès d’un bien supérieur. Nous devons préserver les nôtres et cela passe avant tout par le bien d’Armanda elle-même » Il s’interrompit un instant puis poursuivit « Et je pense que nous le savons, cela passe par pacifier ces terres, mettre fin aux massacres. Nous ne serons pas des mercenaires, loin de là. Nous serons des gardiens. Avec ce que cela implique. Quant à nous mêler de politique… » Son regard pris un tour plus sombre pendant un bref instant avant de redevenir calme « Oui, Korentin est mon ami, ceci dit j’espère le voir à terme rejoindre notre caste. Les choses à ce sujet me semblent simples. Ce conflit, comme vous dites, n’a aucune raison d’être et il faut y mettre fin. Fabius a ses qualités, mais je ne me vois pas lui laisser la couronne. Si nous l’abattions, ce serait alors pour permettre au fils de Korentin de régner. Nolan. Il est jeune et c’est positif, nous pourrons aider à le faire grandir avec un esprit plus approprié au contexte actuel de ce monde »

Il clignant un instant des yeux « Korentin ne pourrait régner sur les hommes à long terme. Les éphémères doivent être guidés par un éphémère. Cependant, je souhaite lui laisser le temps de réaliser cela par lui-même. Je suis certain qu’à terme, il en viendra à abandonner sa couronne. Jusque-là, le tolérer me parait suffisant. Nous serons là pour veiller » Non, pas des mercenaires. Mais une force de dissuasion, une force réelle, présente tant sur le plan militaire que politique. Une force qui aurait son mot à dire. « Je ne suis pas plus prompte à brandir ma faux que vous à massacrer, Maître-Lame, j’ai toujours pensé qu’une alternative existait. Mais l’on ne pourra nous ignorer. Une confrérie de dragonniers, disposant de l’appui de nos liés, de la magie de nos liés, tous ensembles, capables d’apporter un œil pluri-culturel et multi-culturel… Nous serons avant tout des ambassadeurs dans le renouveau de ce monde. Et lorsque nous prendrons la parole sur un sujet, ce sera à la fois avec la voix de tous nos peuples mais également avec le recul d’un travail de longue haleine pour vivre en harmonie entre nous »

Il fronça légèrement les sourcils, fit silence un moment, puis repris, avec calme. « Je pense pouvoir affirmer en toute connaissance de cause qu’ils nous écouteront. Aucune personne ayant deux sous de sens commun ne lèverait le poing en sachant qu’une nuée de dragons furieux pourrait venir pour le croquer » L’image lui tira un petit sourire. « … Préserver la race des dragons… Préserver notre continent… Contribuer à l’ouverture des esprits… Empêcher de nouveaux bains de sang… Voilà mon utopie. A vous de voir si vous m’aiderez à la rendre plus réaliste » Il n’avait pas envie de jouer la carte des autres, même s’il savait avoir déjà deux autres dragonniers de son côté, peu ou prou. A la place, il se tourna vers Isyndar « Nous avons déjà discuté de cela ensemble, vous et moi. Je ne reviens nullement sur mes paroles, tout ce que je vous ai confié m’accompagne toujours. Si jamais venait une nouvelle guerre… Je ne ferais à personne l’affront d’affirmer qu’un conflit n’aura jamais lieu, mais si nous devions juger qu’une intervention est nécessaire, alors nous agirions selon notre code, en l’empêchant si possible, en le résolvant ou, à défaut et seulement en dernier recourt, en influençant l’issue de la bataille »

Les pensées d'Isyndar vinrent opportunément le tirer d'un raisonnement plus sombre. Non pas qu'il n'ait pas confiance en son interlocuteur. C'était plutôt des gens en général dont il se méfiait. Et avec cette histoire de caste de dragonniers, on partait à priori sur du très long terme. On pouvait très bien commencer avec de bonnes intentions et avoir au bout du compte, des siècles ou des millénaires plus tard, donné naissance à un monstre.

Tu mets la griffe sur des points très importants ma liée. Mais pourquoi repousser l'inévitable ? Si nous nous lançons dans ce projet, nous devrons tôt ou tard nous poser ces questions difficiles. Autant commencer maintenant.

C'était le mode de vie de Roëric que de ne pas remettre à demain ce qui pouvait être fait aujourd'hui. L'Ancien reprit donc la parole. Il semblait d'humeur égale, et n'avait apparemment pas envie de le corriger, ce qui était un bon début. Un excellent début même. Il hocha la tête à cet avant-propos fort bienvenu. Il serait toujours difficile de parler avec Achroma comme à n'importe quel collaborateur, mais il appréciait le geste. S'il était partie prenante d'une telle création, il souhaitait l'être vraiment, et non à moitié.

Le dragonnier parla longuement et Roëric ne chercha pas à lui couper la parole. il écouta en silence, avec attention, son esprit méthodique notant les points auxquels il voulait répondre. Les objectifs du vampire lui convenaient, bien sûr, il aurait cru entendre sa dragonne. Mais ils relevaient de l'idéal, de quelque chose qui ne relevait presque pas de la réalité.

Cela n'avait rien d'étonnant venant d'un Ancien. Ils vivaient dans un autre monde, dans leur monde. Tellement de savoir et de connaissance, telle d'expérience et de vécu. Comment pouvait-on encore comprendre les autres quand ils n'étaient plus à nos yeux à peine mieux que des insectes ? Peut-être que le Maître-Lame pourrait temporiser cela en apportant sa propre vision... plus pragmatique, plus terre à terre. Peut-être était-ce pour cela qu'il lui demandait son avis. Ou peut-être se faisait-il des idées. Qui pouvait savoir ce à quoi pensaient des créatures millénaires ?

L'idée générale me convient. Ce sont des idéaux pour lesquels, je pense, il est honorable de se battre. Mais plus un idéal est pur, plus il est dangereux. Vous n'êtes pas sans savoir, Aîné, le nombre d'atrocités commises au fil des millénaires au nom de la paix. On est tous persuadés de tout mieux savoir mieux que tout le monde, de mieux comprendre. Et on est tous tentés à l'idée d'imposer notre point de vue, quand tout le reste semble échouer. Néanmoins cela ne mène souvent qu'à davantage de sang, sans résoudre quoique ce soit.

Pour les humains par exemple, je ne suis pas convaincu à l'idée d'intervenir dans ce qui est un conflit interne. Gérer l'équilibre entre les races est de notre ressort, mais intervenir dans le choix de leurs dirigeants revient à proclamer haut et fort à la face du monde que nous savons ce qui est le mieux pour tout le monde. Et que nous avons et l'intention et les moyens de l'imposer par la force. Une telle initiative pousserait les peuples à faire un choix : se soumettre à nos décisions, ou nous combattre. Dans les deux cas, nous susciterons la haine sur nous et donc sur les dragons, ce qui les mettrait à long terme en danger.

Le vampire se passa nerveusement la main dans sa chevelure blanche.

Je ne sais pas si j'exprime bien ma pensée... je ne suis pas un orateur. La préservation du continent et des dragons ne souffrent aucune demi-mesure. En cela je suis d'accord. Simplement je pense que toute autre intervention de notre part dans les affaires des peuples devrait être soumise à une réglementation très stricte.

De plus, l'idée que l'un des nôtres s'empare du pouvoir par le feu et le sang grâce à notre soutien. Tout juste après la création de notre caste... Cela enverrait un bien mauvais message au continent.

A l'inverse, parce qu'il a tué un dragon, personne ne niera que Lorenz Wintel méritait un châtiment.

Pensif, tout à sa réflexion, Roëric laissa un silence s'installer.

Isyndar se coucha sur la terre sèche et dure du sol de la caverne, tournant sa tête fine et posant ses yeux clairs sur le dragon d'argent puis sur son lié.

« -Là est toute l'importance de savoir que nous sommes tous égaux, vampire, elfe, humain, mais aussi roi ou renégat, dragon premier né ou bien dernier éclot. Car là est notre volonté aussi chez les dragons. Notre lié est un être choisit, un être à part. Roëric est à mes yeux un être qui se différencie des autres, mais je respecte le choix de Silarae envers vous ou Trissi envers son lié. Il doit en être de même entre vous. Sinon, cette idée tombera dans un gouffre sans fond. »

Et quand serait-il de la nouvelle génération, des nouveaux liés. Il faudrait aussi prendre en compte, un afflux nouveaux de personnalités différentes.

« -Mais pacifier les terres, n'est-ce pas faire ce que vous nommez de la politique. Choisir un Nolan plutôt qu'un Fabius. Je conçois cette envie, car je n'aime pas ce brigand et un jour prochain, quand je le reverrai je lui montrerai que mes crocs ont poussé et mon feu jailli bien plus que le sien. Mais nous décidons là pour les humains, certes pour un mieux mais nous nous impliquons. Que faire ensuite pour les vampires et Lorenz, et les elfes et leurs soucis d'empereur légitime ou non. Car mettre ceux qui nous paraissent plus pacifiste, dragonnier ou pas, ami ou pas, c'est faire de la politique. »

S'impliquer en mettant eux même des personnes qui leur convenait s'était s'imposer en puissance supérieure, notamment grâce aux dragons. Car en effet personne n'irait les contester, sauf un fou. Mais c'était ainsi s'imposer en maître d'Armanda, en force et pas en appui ou soutien.

« -Si un nouveau conflit venait à éclater, Korentin choisirait, à juste titre, de sauver les siens, vous votre peuple, et le lié elfique les siens. Comment parvenir à se détacher ce qui fait aussi de nos dragonniers ce qu'ils sont ? Je ne vous demande pas une réponse maintenant cher dragonnier d'argent, mais je pense que c'est une chose à laquelle nous devons réfléchir. Car, je n'espère pas que cela se reproduise, mais hélas, l'histoire ne me donne pas raison. Je ne suis attachée à aucune race en particulier, je suis attachée à mon lié, aux dragonniers, mais tous ne suivent pas mon raisonnement, ni vous bipèdes.»

Car se détacher de son passé, tout en gardant un œil dessus sans intervenir comme autrefois pouvait être bien difficile et autant une déchirure qu'une abnégation de soit. Fermer les yeux sur certaines choses et tenter d'ouvrir un peu plus sur d'autres.

« -Là est la question, devons-nous imposer notre point de vu ou se placer en tant qu'observateur et guide. Laissant quand même un certain libre arbitre. Et cela rejoint les craintes de mon lié. Il y a beaucoup à bâtir et réfléchir. Mais notre retour n'est pas anodin, il faut s'en saisir et le faire à bon escient. »

Isyndar toucha en douceur l'esprit de son lié et du bout du museau lui souffla en douceur ces quelques mots.

« -Tu n'es pas un grand orateur, mais tu te débrouilles très bien. Bien plus que tu ne le penses. Et tes idées comptent, même dites à l'envers. »

Il leur avait demandé leurs avis en partant du principe qu'ils seraient égaux, tout dirigeant de la caste qu'il se voulait être. Mais s'il l'avait fait, c'était également parce qu'il espérait une mécanique de pensée plus pragmatique et plus… jeune, s'il on pouvait dire cela ainsi, de leur part. Il découvrait cependant qu'ils étaient des utopistes à leur propre façon et cela le touchait. Ils étaient adorables. C'était stupide de se sentir aussi affectueux que cela mais il le ressentait vraiment. Néanmoins, il ne méprisait pas pour un sous leurs paroles quand bien même certains choses ne seraient pas envisageables… chez lui aussi, certaines choses devraient changer. C'était tout l'art de construire à plusieurs. Il resta un moment, cependant, à pondérer la nouvelle offerte par la dragonne… une nouvelle qui venait étayer, sans le vouloir sans doute, ses hypothèses.

« Il faut que vous compreniez que nous serons jugés, quoi que nous décidons. Si nous agissons, nous serons jugés, si nous n'agissons pas, nous serons jugé. Et dans l'un ou l'autre cas, certains nous verrons avec inimité. Il est impossible de plaire à tous, et de satisfaire tout le monde. Et la politique sera une partie centrale de notre action, malheureusement, aussi controversée qu'elle puisse être. Car oui, nous le savons, la politique est controversée, et souvent, elle se défait de beaucoup d'idéaux… Cela dis, prenons la situation présente puisque nous sommes en plein dedans » Il observa tour à tour les deux liés « Nous devons nous opposer aux alayiens, il n'y a aucun doute là-dessus puisqu'ils sont ennemis de la magie et des dragons… ceci dit le conflit qui oppose les armandéens à l'ordre d'obsidienne est intimement lié à celui qui oppose ces deux rois. Pensez-vous pouvoir combattre les alayiens sans combattre les loyalistes ? Allez-vous affirmer aux humains que vous n'aidez que pour satisfaire nos intérêts en temps que groupe à part ? Je grossis le trait, bien entendu, mais c'est pourtant ce qu'une telle distinction entraîne… Si nous intervenons dans le choix d'un dirigeant, cette fois, c'est précisément parce que nos intérêts sont présents à le faire, les intérêts que nous défendons au nom des peuples de ce continent. Et Isyndar semble nous apporter une raison supplémentaire de le faire... »

Il fronça les sourcils en observant la dragonne, et s'adressa directement à elle. « Je n'étais pas au courant, Kedrildan ne m'avait pas parlé de cela… Lorsque je l'ai vu revenir, terriblement brûlé, je n'ai pas eu le coeur à lui arracher l'entièreté de son récit. J'ai failli en cela… j'espère que vous me le pardonnerez... » Il secoua la tête, puis revint à ses considérations présentes « Intervenir dans ce choix de dirigeant ne sera rien de plus que proclamer la vérité : que nous nous impliquerons chaque fois que la sûreté du continent sera mise dans la balance. Cela reviendra à proclamer qu'empereur ou bas peuple, personne ne peut mettre en danger notre monde sans en répondre. Et dans le cas présent ce que demande le peuple c'est avant tout la paix et le temps de panser les blessures qu'on lui a infligé. Les humains sont pris en tenaille, les elfes n'ont plus de foyer et les vampires… » Il ne termina pas, mais poursuivit pourtant « Je doute qu'on nous haïsse de contribuer au retour de la stabilité »

Un instant, et il eut un demi sourire « De plus, j'ai la ferme intention de travailler le message que nous allons convoyer dans tous ses aspects » La politique était son domaine après tout. « Et cependant je comprend parfaitement ce que vous souhaitiez transmettre et vous n'avez pas tort non plus. Je crains qu'il ne faille décider au cas par cas pour chaque situation, d'où, je pense, l'importance que nous brisions les barrières entre nous tous. Pour cette fois, et par cela, j'entends, pour la question actuelle, je pense qu'il faudra suivre une ligne directrice allant dans le sens que je vous ai décrit, mais en agissant avec grande prudence. Nous devons apprivoiser notre propre unification avant de penser au reste, tout en le gardant à l'esprit. Je pense pouvoir affirmer que vous ne prendrez pas instinctivement le parti des vampires, mais moi, ou encore messire Farkstein, avons plus de mal à nous détacher de nos obligations… quoi que je doive vous avouer que j'ai de moins en moins de scrupules à… et bien, tourner mon regard vers une perspective plus globale »

Il reporta son attention sur le bretteur « Je connais les controverses des idéaux, vous l'avez parfaitement compris. Je peux même prétendre avoir moi-même commis un certain nombre d'atrocités. Je sais également ce que je souhaite voir évité… et ce que je souhaite absolument que nous accomplissions. Il me faudrait vous transmettre, une fois vous tous réunis, le témoignage de nos pairs disparus. Les dragonniers d'antan. Mais sachez le, chaque fois que je pourrais éviter de verser du sang je le ferais, je n'ai aucun goût pour lui malgré notre… régime alimentaire. Si pour cela je pense qu'intervenir serait la solution, je le proposerais. Mais une décision ne sera prise qu'ensemble. Nous ne serons jamais une tyrannie, seulement un pouvoir présent et un poids cordiale, n'ayons pas peur des mots. C'est à ce titre que je désir que Korentin abandonne son trône de lui-même…. Mais je ne veux pas le forcer, cela entraînerait un ressentiment dont nous n'avons absolument pas besoin » Ce serait bien leur veine s'il leur en voulait, tient. Une menace interne…

« Quand à Lorenz, c'est encore un autre problème du fait des mœurs de notre peuple… il ne va pas suffire de l'abattre, le problème des vampires est bien plus profond que cela et il n'est pas entièrement notre de le régler. Plus maintenant. Nous devons faire de la politique oui, mais tous les sujets ne sont pas les mêmes. Je ne vois aucune raison de statuer sur l'exile des elfes de la même façon que sur la menace représentée par Lorenz ou l'alliance humaine loyaliste. A moins que vous ne m'annonciez tous deux que les prétendants au trône elfique représentent une menace pour la paix générale du continent ? » Cela se pouvait, mais tous de même, ce serait étonnant. « Nous aurons une ligne de conduite clairement établie, et nous devrons nous adapter ensuite aux conflits et problèmes que nous rencontrerons. Mais autant le dire, nous risquons souvent de devoir agir… Je serais ravis de me voir détrompé, mais j'en doute toutefois » Il eut un sourire « Vous n'êtes pas un bon orateur, mais vous avez d'autres qualités. Et elles apparaîtraient bien mieux encore si vous vouliez bien cesser de vous attendre à me voir tenter de vous décapiter »

Le silence fut rapidement brisé. D’abord par les pensées d’Isyndar, résonnant dans les oreilles des deux vampires. L’égalité, le choix. Des notions en apparence simples, mais qui se complexifiaient dès lors que l’on cherchait des bases d’entente commune. Ici, il y avait deux vampires, dont la différence d’âge rendait la compréhension difficile. Mais il faudrait aussi s’entendre avec des races différentes. Le socle commun : les dragons étaient eux-mêmes divisés…

Röeric Alokor n’aurait jamais cru devoir un jour faire de la politique. C’était presque contre-nature. Certes, lorsqu’il avait choisi de suivre Kylian Wallam, on aurait pu croire qu’il s’agissait là d’un acte politique. Mais c’était méconnaître le Maître-Lame. Celui-ci avait une dette envers le vampire, qu’il avait donc choisi de servir pour la payer. L’honneur l’exigeait.

Croyait-il pour autant que son ami ferait un meilleur chef que Lorenz Wintel ? Il n’y avait jamais vraiment réfléchi. Même chose pour les idées du diplomate. Il les avait plus ou moins suivit par respect et les avait adopté avec le temps, parce qu’elles étaient en adéquation avec ses valeurs. Ou du moins, avait-il fait un compromis qui soit en accord avec les deux. Mais là encore, croyait-il que toute la race vampirique devrait suivre cette voie ? Peu probable. Et au fond, son rôle ne l’obligeait pas à prendre cette décision, alors il ne l’avait pas fait.

Il hocha la tête aux propos de sa liée, enfin à ses pensées. Lui non plus n’était attaché à aucune race en particulier. D’ailleurs c’était en général le cas des vampires. Cette collusion qui existait aujourd’hui chez la race maudite n’était qu’illusoire. Le Prince en était seul responsable, lui et la nécessité d’être regroupé pour être plus fort, pour survivre.

Tuer le chef, offrez un monde relativement calme et les vampires se diviseront aussi sûrement que l’eau et l’huile.

Le guerrier sourit et caressa le museau de la dragonne en entendant ses dernières paroles. Suite à cela, le vampire millénaire leur répondit. Là encore, Roëric préféra attendre la fin avant de parler à son tour. Il craignait de moins en moins une réaction violente d’Achroma, lequel apparaissait de plus en plus comme un interlocuteur à la fois intéressant et plutôt aimable, si ce n’est courtois. Mais le respect des Anciens demeurait ancré chez le jeune vampire (au regard de son interlocuteur, il était très jeune) et il aurait jugé plus prudent de se couper la langue plutôt que l’interrompre.

Oui, je comprends mieux votre point de vue. Il est vrai que tant que les impériaux seront alliés aux alayiens, ils seront une menace. Quant à ce Fabius (il haussa les épaules) la vengeance n’est jamais bonne mais elle est parfois nécessaire.

Il ne s’opposerait pas à un tel projet, mais n’y participerait pas non plus, sauf si c’était indispensable évidemment. Il ne devait rien à Kedrildan, car s’il avait aidé Isyndar, il avait aussi torturé Havard.

Je suis un guerrier, je n’aurai jamais pensé devenir acteur politique un jour. Quoique la guerre soit une chose éminemment politique si on n’y réfléchit un peu. Cela étant dit, le retour à plus de stabilité serait souhaitable en effet. Pour ce qui est des elfes, parfois les problèmes se règlent d’eux-mêmes. Ce sera bientôt la guerre, l’un des deux émergera comme la force à suivre, il en est toujours ainsi en temps de crise. Et pour l’heure, les rebelles sont alliés aux vampires et donc à Lorenz Wintel. C’est donc un problème pour une autre nuit.

Cette ligne de conduite me convient. Je ne vois donc aucune raison de refuser votre offre. Isyndar ?

Ils prenaient leur décision à deux, après tout. Il en allait ainsi pour un dragon et son dragonnier. Avec un bref sourire, Roëric ajouta.

Les habitudes ont la vie dure, mais je suis sûr qu’en travaillant ensemble je… m’habituerai à cette nouvelle relation.

« -Le jugement ne me fait pas peur. Ni celui des autres peuples ni des miens. Tant que nous gardons dans une certaine mesure un entendement digne de ce que nous cherchons à défendre. Être une force neutre, être protecteur des peuples, tenter d'apporter la paix, mais de déplacer, d'imposer, de jouer les maîtres et gouverneurs sans que cela soit officiel n'est pas ce que j'appelle devenir une force neutre. Et tomber dedans est si facile. Il nous faut vraiment être en garde sur ce point, car pour moi il est primordial. Même si nous sommes d'accord que pour le bien des peuples un Fabius est néfaste, un Lorenz utile un temps et un chez les elfes choisir un ou l'autre empereur légitime ou pas apportera paix et sérénité. »

La dragonne de l'ombre voulait être sûr qu'ils savaient sur quelle piste ils se lançaient dans cette aventure. Il fallait englober tous les aspects.

« -La politique est controversée, certes, mais au nom de quoi donnons-nous le droit d'imposer notre libre arbitre et jugement sur ces Hommes et Femmes ? La paix, oui, notre force, du moins celles des dragons, ça se comprend, mais même si à mes yeux les dragonniers sont des êtres supérieurs aux autres par notre jugement, le libre arbitre reste encore un choix libre à chacun. Tout comme nous sommes faillibles dans nos façons de faire. »

Et cela tenait au cœur de la petit grise : la liberté.

« -En effet, tout est lié. Mais il faut comprendre que la fine paroi entre devenir maîtres des peuples et simple garant de la sécurité est fine et autant la seconde me convient, la première n'est pour moi pas concevable. Ne pas détruire le monde comme semble courir les peuples en cet instant, oui, mais leur laisser aussi le choix dans leur erreurs et libre arbitre. »

Car là était sa crainte, l'appat du pouvoir et de la force, à être une force magique, politique et de ce voir en sorte d'esprit supérieur imposant sa loi et son bon vouloir, mettant à sa botte ou griffe les autres peuples, jusqu'à ce qu'un des dragonnier veuille plus et cherche à dominer les autres. Peut être pas eux, peut être pas la première génération mais ensuite ?

« -Vous n'êtes en rien responsable de ce qu'il nous est arrivé ce jour là. Le seul responsable est celui qui a cru bon qu'un dragon encore faible le suivrait et que de tuer un dragonnier serait une chose raisonnable, vampire ou pas. Un dragon a de la mémoire et de la patience. Chaque chose en son temps. Et qu'il soit l'empereur des humains n'a rien à voir. »

Non, viendrait le temps qu'elle se charge de ce brûleur de visage de dragonnier par la suite. Et il valait mieux qu'il tombe sur Isyndar que Trissi. Isyndar irait plus vite dans sa besogne.

« -C'est cela justement qui implique une neutralité et un questionnement sur cela. Vous avez des obligations, d'autres dragonniers aussi. Pourquoi ne nous reprocherons-nous pas du coup votre place au sein du conseil des vampires ou de la place du général humain dans son armée ? Cette double fonction peut-elle continuer ? Nous devons nous intéresser à cet aspect.»

Isyndar tourna son museau vers son lié et lui caressa son esprit avec douceur et un brin de malice. Il était vrai que ce vieux loup solitaire qui avait vécu des années seules avaient maintenant une dragonne qui avait lié son esprit à lui. Et maintenant, une alliance avec d'autres dragonniers tout comme lui, une nouvelle famille, des personnes envers qui se lier, avec qui avancer. Pas forcément évident, surtout que lui n'avait pas choisis les autres dragonniers.

« -Tu t'es bien habituée à moi. Mais avant de nous lancer dans une politique quel qu’elle soit, nous devons, nous tous dragons et dragonniers nous rencontrer nous parler, mettre à plat grief et envie, mais aussi toutes questions et craintes. Seule une entière confiance en nous tous nous permettra la réussite de cette alliance. Et pour le moment, même si l'envie est là, la rancœur de nos peuples aussi. »

Il hocha simplement la tête avec douceur, les observant tour à tour sans se presser et s'autorisa un sourire en l'entendant répondre à ce qui était tout de même une taquinerie. « J'en suis certain » répondit-il simplement. Cela viendrait avec le temps, il n'était pas du tout simple de passer un tel cap lorsqu'on était Ancien et jeune vampires. Tout les vampires reconnaissaient les anciens comme des forces à respecter et craindre, ce n'était que du naturel… c'était la façon d'être de leur peuple. Lui-même avait eut du mal à accepter de ne pas être respecté comme il avait l'habitude de l'être, lui particulièrement en vérité puisqu'il était l'aîné. Mais c'était il y a longtemps et cette main tendue était sincère. Il était satisfait que le bretteur l'accepte, même si sous la condition d'une aisance naît de la pratique, ce qu'il pouvait comprendre. Faisant suite à Isyndar, il répondit avec son calme habituel. « Tout à fait, et nous devons garder à l'esprit que rien n'est gravé dans le roc à l'instant présent, nous serons certainement amener à évoluer, au fil du temps et à nous améliorer, espérons le… » Ils apprendraient ensemble, les un des autres, c'était là ce sur quoi il comptait justement pour effacer leurs allégeances anciennes, leurs limites. Ils seraient alors les ambassadeurs qu'il rêvait de voir apparaître… capables de penser au nom de tous et plus seulement d'un seul. Mais cela le ramena à la gravité de toute cette entreprise.

« Il y a un point qu'Isyndar a soulevé et que je tiens à clarifier… je ne sais ce qu'il en sera pour le jeune général humain, mais je ne pourrais conserver mon poste de conseiller auprès du… prince. Je pensais que ce serais évident, et je prend conscience que cela ne doit finalement pas être le cas. Lorenz n'appréciera pas du tout la création de cette caste nous le savons, il ne me laissera pas faire et s'y opposera autant qu'il le peut. Lorsque nous officialiserons notre existence, je cesserais immédiatement d'être membre du conseil afin qu'il n'ait plus d'emprise légitime sur moi…. » Il fronça sensiblement les sourcils, pinçant les lèvres en une attitude qui dénotait la contrariété qu'il ressentait, et pourtant ce n'était pas à l'égard de cette future démission. Il poursuivit à voix basse, de sorte qu'ils soient les seules à l'entendre… il ne voulait pas réveiller les tensions récentes. « Il va trahir la rébellion. J'en suis certain. Et très bientôt… Je ne peux pas continuer à soutenir son règne, je dois l'avouer j'aurais été contraint de me dissocier de lui à terme de toute façon, mais je pense que c'est le moment pour moi de ne plus attendre le dernier moment et l'inévitable. Cette fois, je prend les devants… Je ne pourrais pas toujours me cacher derrière mon devoir de conseiller et d'ancien. Si je dois mourir un jour, je ne pourrais pas me tenir devant l'esprit de la mort et simplement prétendre 'je le devais, c'est la faute de Lorenz' je serais seul responsable et seul à assumer mes choix, sans échappatoire. »

Il croisa les bras fermement. « Cette caste est ce que je peux offrir à Armanda… désormais. Et la seule création, la seule victoire dont je pourrais être fier. Aucune autre » Et il se dévouerait entièrement pour cela. Il ne se ménagerait jamais. « Cela dit… pourquoi n'irions nous pas ensemble trouver certains de nos pairs ? Je suis certain que Kedrildan sera ravis d'être mis dans la confidence. Je pense que Farkstein pourrait être le second à démarcher, Korentin sera à travailler sur la longueur… reste Wallam… et l'elfe, Elrond, il me semble. Mais je dois avouer qu'il reste celui qui me cause le plus de soucis. Mon dernier contact avec lui fut… pour le moins étrange, je dois avouer. Il me reprochait de l'avoir attaqué, j'ai eu beau lui expliquer que sur un champ de bataille, il est bien difficile de faire autrement... » Il s'interrompit, encore perplexe quand à cette rencontre. Il devait avouer avoir été particulièrement interrogateur quand à la logique de cet enfant. Sans doute ses pairs pourraient lui expliquer les chapitres qu'il avait apparemment manqué. Sur un champ de bataille, on se battait bien, non ?

Ils écoutaient les pensées de la dragonne des ombres. Celles-ci étaient pleines de bon sens et le vampire ne voyait pas quoi ajouter. Parfois, ce qu'il y a de mieux à faire c'est se taire. Souvent même. En tout cas c'était la politique de Roëric Alokor. Cela évitait les conversations pénibles ou inutiles. Et surtout, ça évitait de perdre son temps pour rien.

Certes, il n'était pas vraiment d'accord sur cette histoire de Fabius. S'en débarrasser si nécessaire, le laisser tranquille sinon. Mais mettre en péril l'équilibre du continent pour satisfaire une soif de vengeance... Cette rancœur n'était pas vraiment digne de la race draconique. Enfin, au moins de l'image soi-disant pleine d'une sagesse immémoriale qu'elle voulait donner. Lui, était vampire et guerrier. Qu'il tue quelqu'un lui ayant fait affront était somme toute très naturel. Mais les dragons étaient censés valoir mieux que ça.

Sauf que non. Leur orgueil était légendaire. Même chez Isyndar, qu'il trouvait pourtant très raisonnable. Le Maître-Lame ne les pensait pas pire que les autres races. Mais il ne les croyait pas meilleurs pour autant. Il suffisait d'avoir vu le dragon rouge pour s'en convaincre. Et une fois qu'on savait ça, comment ne pas douter de leurs critères de sélection ? Après tout, il avait toujours été surpris de finir dragonnier.

Mais en l'occurrence, il préféra garder son avis pour lui.

Il hocha la tête devant la remarque très pertinente qui suivit. Cette question de double-fonction était importante, mais il ne doutait pas qu'Achroma y ait déjà pensé. C'était le genre de personne qui s'engageait toujours à fond lorsqu'il entreprenait quelque chose. Il ne s'inquiétait donc pas de ce côté-là. De plus, les dragonniers auraient une vie bien plus longue que les autres créatures d'Armanda. Au bout du compte, leurs responsabilités mortelles s'effaceraient pour faire place à celle de cette nouvelle caste. Que cela prenne dix ans ou un siècle.

"Si c'est que tu veux, nous le ferons."

Achroma prit ensuite la parole. Tout ne pouvait pas être fait en un jour. Il faudrait du temps, et probablement un certain nombre d'erreurs, avant d'arriver à quelque chose de satisfaisant. De même, il ne fut guère surpris par la mise au point qui en suivit. Comme dit plus tôt, il s'en était un peu douté. Quant à la trahison de Lorenz Wintel... franchement, ça c'était encore la chose la moins surprenante du jour. Personne, au moins parmi les vampires, n'avait vraiment cru à cette ridicule histoire d'alliance avec les hommes et encore moins avec les elfes. Finalement, Roëric hocha simplement la tête devant la conviction affichée de l'Ancien. Il n'y avait rien d'autre à dire. Les convictions se démontraient par les actes, pas par les mots.

Maintenant ?

Le vampire n'avait rien contre après tout.

Kylian s'engagera je pense. Le problème serait plutôt la fréquence de ses apparitions. Mais je gage que vous saurez instaurer un peu de discipline parmi nous.

Un sourire à peine perceptible s'était dessiné sur le visage pâle du mort-vivant. Une petite vengeance mesquine, mais qui était tout de même bonne à prendre.

Cela dit, même si je comprends votre envie à tous les deux de voir ça avec les autres... C'est une démarche qui risque aussi de paralyser la formation de cette caste. Il est plus facile de mettre en place quelque chose à quatre qu'à douze. Plus facile de demander à quelqu'un de rejoindre un mouvement déjà établi que de lui demander à participer à sa création.

Se tournant vers Achroma, il ajouta.

Je pourrai peut-être parler avec l'elfe. Si c'est bien celui que je crois, nous étions côte à côte lors des événements du Grimoire.

Il était en retard... Encore ! Poussant un juron apprit auprès des humains, Kedrildan grommela en se relevant de sa couchette. Il fusilla du regard le pauvre messager qui se demandait pourquoi on lui en voulait alors qu'il venait seulement lui transmettre son message. Mouais bah on lui dira hein... Le truc c'était qu'il s'était gavé jusqu'à l'os, une grande cuvée d'une trentaine d'année, un rouge d'excellente qualité. Sauf qu'il ne s'en était pas rendu compte que le type était parfaitement cuité, imbibé de vieux vin aigre, une picrate des bas quartiers bien infect à souhait. Autant le liquide était immonde, autant le fluide vitale était du coup légèrement sucré par le liquide fermenté, un vrai régale. Sauf que le contrecoup avait été fatale... L'estomac distendu par le festin des sens qu'il venait de faire, il avait finit par tanguer et vaciller jusqu'à sa tente, roulant sur son lit en haletant. Peut-être qu'il avait légèrement abusé finalement...

Aussi s'était-il isolé tranquillement dans son coin, supportant sans peine les grommellements acides de sa Liée qui s'ennuyait abominablement une nouvelle fois. Sauf qu'elle ne pouvait pas lui demander quoi que ce soit vu les ondes de satiété et les commentaires oiseux à tendance lubrique de son dragonnier. Il avait l'alcool pervers notre Kedrildan... Ce n'était même pas étonnant d'ailleurs quand on connaissait un minimum l'animal... Quand le machin s'en alla, le roux se renfonça dans son oreiller en grommelant, essayant de digérer et de chasser cette migraine qui lui martelait les tempes. Mon Dracos, ça devait faire des siècles et des siècles qu'il n'avait pas eu une aussi horrible gueule de bois...

Un coup de museau dragonnien dans le lit, Kedrildan se retrouva les fesses à l'air, grommelant comme un ours dérangé dans son hibernation, fusillant du regard Trissi qui riait dans un reniflement des plus agaçants. De toute évidence, elle trouvait cela des plus rigolos. Mouais bah c'est pas du goût de tout le monde et pas du sien... Encore moins quand elle lui précisa qu'il avait plus d'une heure de retard ! P***** de b***** de m**** ! L'invectivant alors qu'elle se gaussait prodigieusement de lui, le roux se releva et enfila un pantalon de lin écru en extrême vitesse, sautillant en mettant ses cuissardes noires tout en courant tant bien que mal jusqu'au lieu de rendez-vous.

Quand il arriva, c'était avec une meule de foin sur la tête, des mèches rouges en tire-bouchon et des paquets de nœuds ignobles à souhait, le pantalon baillant sur ses hanches et à demi-fermé, une cuissarde plus haute que l'autre, et la tunique grande ouverte sur son torse nu et pâle comme l'ivoire. En un mot, notre Kedrildan était débraillé... Une moue boudeuse aux lèvres, le dragonnier regarda les protagonistes autour de lui, un silence gêné prenant place suite à son arrivée tonitruante.

« Hmm... Pardon... Pour le retard, je veux dire... »

Déglutissant, il remonta correctement son pantalon et ses cuissardes, laça tout ce qui devait être lacé avant de boutonner lentement sa tunique bordeaux.

« Oh ! Salut Isyndar ! Comment ça va ?! Tu as grandit depuis la dernière fois dis donc ! »

Sincèrement content de la voir, Kedrildan lui offrit un sourire éblouissant en la regardant, l'oeil malicieux alors qu'il fixait son ventre.

« Dis voir toi, tu as prit un peu de poids non ? Faut arrêter de manger les humains : les courser c'est bien plus amusant et ça fait faire du sport ! »

Riant doucement, il se tourna vers les deux autres, adressant un salut timide au vampire : la seule et unique fois où il s'était vu, ça avait été des plus étranges. M'enfin pas désagréable à son souvenir... Et puis il zieuta son maître... Ahem... Bon, pourquoi l'avait-il fait mander ? Avait-il eu vent qu'il s'était violemment battu avec son amant ? Eurk... Rien que d'imaginer cela, ça lui donnait des envies de meurtre... Essayant de peigner sa crinière avec ses doigts, le dragonnier regarda brièvement Achroma avant de s'incliner. Espérons que personne n'avait cracher le morceau à ce sujet...

« Hmm vous m'avez fait mander, maître ? »

Isyndar plongea son regard dans celui du dragonnier d'argent, elle cligna un peu de ses yeux luisant et enroula son esprit dans celui des deux bipèdes pour leur insuffler son courage.

« -Rien n'est figé dans le temps et l'espace. Nous grandirons, tous ensemble, mais il faut simplement que cette base soit solide et nous unis. Nous avancerons, nous évoluerons, mais ensemble, à l'unissons, cherchant le meilleur pour nous tous. »

Oui, ils feront des erreurs, ils apprendront de cela, ils auront des victoires et là encore, il y aura un enseignement à en tirer. Oui, cette caste avait un belle avenir, s'ils faisaient ce qu'il fallait pour lui donner sa chance.

« -Peut être que certains ne seront pas près à quitter pour l'heure leurs fonctions. Le général est jeune et plein de bravoure, il a à cœur de son devoir. Et c'est tout à son honneur. Laissons lui le temps, à lui ou d'autres de comprendre l'importance de leur rôle de dragonnier. Tout le monde n'a pas comme vous, cher dragonnier d'argent, la maturité et l'expérience de la vie. »

Non, elle n'allait le traiter de vieux, mais il avait cette avantage, tout comme son lié, d'avoir une expérience et un recul bien plus important que les dragonnier humain ou même le jeune elfe.

« -Mais je ne peux qu’acquiescer de ce choix. En tant que dragonnier, ton ancien dirigeant ne peut être un choix idéologique à suivre. Même et malgré le fait qu'il soit pour l'instant un ciment pour ton peuple. »

Pour l'instant. Les choses changeraient, tout changeait actuellement, les alayens, la caste, alors un prince pour un autre.

« -Le dragonnier humain, ce sera plus difficile avec son lié doré. L'empereur humain à terme comme vous avez dit, il le fera, même si les années passent. Pour ce qui est de Wallam, mon lié se fera un plaisir d'aller le trouver et lui dire lui même l'important d'être assidu. Quand au lié elfique, comme le dit Roëric, nous avons combattu ensemble, son lié se souvient aussi peut-être de moi, malgré notre jeunesse et la peur de toute cette violence. »

Isyndar tiqua sur les dires de son lié. Oui, il avait raison, mais la dragonne ne pouvait pas mettre à l'écart les siens. Ils étaient unis ou pas.

« -Sommes-nous bon juge pour le faire tous les quatre? Pour d'autres ? Qui sont nos semblables ? Je ne veux choisir pour mes autres frères et sœurs d'écailles. »

Le vampire roux qui autrefois lui avait sauver la vie les rejoint, habillé comme un prince, du moins un prince en pleine tempête. Il semblait quelque peu débrailler et pourquoi des fioritures dans ses cheveux. Heureusement que son lié n'avait pas cela, Isyndar n'aurait pas fini de se moquer de lui. Quelle joie de le retrouver, Isyndar s'approcha de lui et posa son museau sur son bras en lui envoyant de douces ondes de contentement. Leur voyage avait été silencieux, rapide, avec peu d'échange, mais Isyndar avait compris que le vampire avait sur ses épaules une bien importante mission. Jamais elle ne pourrait le remercier assez. Lui et sa liée, une telle séparation si jeune avait dû être bien difficile pour elle. Isyndar l'avait vécu avec Roëric et cela l'avait rendu faible et dans un désarrois le plus total.

« -Mon courageux sauveur, c'est une grande joie d'enfin vous revoir. Je ne suis pas grosse...j'attends un événement heureux, du moins pour les dragons. »

Et son dragonnier, enfin elle l'espérait. A moins qu'il ne se fasse un ulcère de plus. Heureusement qu'il était mort.

Maintenant oui… enfin si Kedrildan daignait se montrer, ce qui n'était pas certain. Pour le coup, il le contrariait beaucoup. Ce n'était pas une façon de débuter leur alliance que d'être en retard quand on vous demandait d'être là pour affaire urgente. Enfin, il allait bien finir par arriver celui-là… il avait intérêt en tout cas sinon il allait sans doute lui en toucher deux mots. Et il n'aimait pas avoir à toucher deux mots à qui que ce soit pour un quelconque manquement ça finissait souvent mal. Suffisait de voir Kylian pour ça… Kylian dont son interlocuteur bipède parlait justement à l'instant. Il eut un sourire léger. « En effet, je comprend le besoin de liberté, mais je ne tolérerais pas pour autant un courant d'air » Il écouta les arguments des deux côtés, qu'il s'agisse d'Isyndar ou de Roëric. « Je ne m'imposerais pas à un dragon, mais il est tout à fait possible d'être plus directif avec les dragonniers. Tout dépend du ton que l'on adopte et de la marge de manœuvre qu'on leur laisse. Je ne les mettrais pas au pied du mur et j'écouterais leurs propositions. Mais Il est clair qu'au moment de trancher, je prendrais la tête. Cela ne leur retirera en rien leur droit à la parole » Et ce en ayant prit tous les détails en compte. Qu'il s'agisse des avis des autres, de la situation, ou simplement de ce qui était nécessaire. Ils participeraient, à son humble avis et de bon coeur… mais il guiderait tout de même. Il avait confiance en Roëric, mais il fallait avouer qu'il avait beaucoup plus de mal à accorder crédit aux plus jeunes, dont l'elfe. « Parlez-lui oui si vous le pouvez. Je pressens un nouvel affrontement si je l'aborde en premier, il semble s'offusquer de tout lorsqu'il s'agit de moi... » Y comprit de sa courtoisie, monde de fou.

Il n'eut pourtant pas le temps de poursuivre davantage que Kedrildan débarquait, enfin. Débraillé, ahuris… non, il ne lui faisait pas ça tout de même…. Et bien si il lui faisait ça. S'il n'avait pas tenu à son maintient, il se serait engloutit le visage dans une main et aurait soupiré de désespoir. Pour le coup, le roux lui faisait franchement honte. Impassible, il l'observait néanmoins avec une légère lueur de désillusion dans le regard. Et bien il n'en ratait pas une décidément. « Oui, je t'ai fais mander » lui confirma-t-il sans préciser que c'était déjà il y a un moment et que la ponctualité était une forme de politesse et de respect. Bon, comment est-ce qu'il allait s'en tirer avec celui-là… autant commencer par le plus simple. « Nous avons déjà discuté de l'établissement d'un ordre des dragonniers indépendants, toi et moi. Je compte l'officialiser très bientôt, Isyndar et Roëric ont tous deux accepter de rejoindre cet ordre. Il est donc temps que tu renouvelles ton souhait si celui-ci est toujours d'actualité... » Et il avait intérêt à l'être en vérité, même si, depuis peu, son élève traînait auprès d'individus qui ne lui apporteraient rien. Norwen par exemple, ou Ylan Cendremont. Ceux qui l'entraînerait vers le bas en somme… Il poursuivit en désignant Roëric, une pointe d'amusement venant se disputer son regard à la désillusion. « Si tu es effectivement volontaire, Roëric sera ton nouveau professeur… c'est le meilleur maître bretteur de notre peuple. Moi je manie les lames aussi bien que les scies angulaires… mais lui, c'est une autre affaire…. »

Isyndar était une optimiste, une bonne chose pour le vampire qui avait tendance à ne voir que l'aspect négatif des choses. Tout projet avait besoin d'un peu d'idéalisme pour tenir la distance, sinon, personne ne s'impliquait et au bout du compte, il tombait dans l'oubli. Les créatures vivantes, qu'elles en soient l'incarnation comme les dragons ou le miroir inversé comme les vampires, avaient besoin de cela pour avancer. Cela étant dit, il n'en demeurait pas moins que Roëric avait dû mal à imaginer pareil avenir.

Et il restait en effet le problème de la réunification des dragonniers. Chacun avait son but, son objectif. Même Achroma avant qu'il ne décide d'avoir une vision plus globale de la situation. Quoiqu'il en soit, ils verraient au fur et à mesure si leur projet pouvait convaincre leurs pairs d'avancer d'une manière différente dans cette nouvelle ère qui débutait. Le vampire avait quelques doutes sur le court terme,mais il estimait qu'à long terme en revanche, ils avaient de fortes chances de voir leur vœu exaucé. Le temps et les circonstances s’acharneront à défaire les liens unissant les dragonniers à leur peuples respectifs au profit d'une union plus durable. Celles des dragons et de leurs liés.

Il hocha la tête devant la réponse de l'Aîné.

Peu importe à quel point on veut respecter l'avis de chacun, un chef d'orchestre est nécessaire si on ne veut pas sombrer dans le chaos.

C'était l'évidence même. Et Roëric Alokor n'aurait aucun scrupule à obéir à Achroma.

Je le ferais.

Le nouvel arrivant provoqua un silence pour le moins gêné. Le Maître-Lame l'était moins pour lui-même que pour le nouveau venu. Comment voulez-vous être pris au sérieux dans de telles conditions... Comme quoi, cette histoire de dragons qui choisissaient leurs liés sans se tromper... il en doutait de plus en plus chaque jour. Enfin, il faisait preuve de courtoisie (certes la plus élémentaire mais tout de même) en le saluant alors il lui rendit la pareille.

Après tout, il avait déjà rencontré ce vampire par le passé, sans que cela ne dégénère. Même si celui-ci l'avait pour le moins troublé. Un trouble qui s'était mué en un sentiment étrange et indéfini quand il avait apprit qu'il était le tortionnaire d'Havard. Cependant, il était aussi le sauveur de sa liée, et pour cela il avait sa reconnaissance. Bref, il lui inspirait des sentiments mitigés et il n'avait pour l'heure pas de jugement définitif à son égard.

Achroma lui avait déjà parlé par le passé de ce nouvel élève qu'il voulait le voir prendre sous son aile. Roëric était plutôt sceptique. Il faut bien dire que son dernier élève n'avait pas été très motivé ou sérieux dans ses études... et qu'il en était mort. Certes pas directement, mais les faibles mouraient. Le monde était ainsi fait.

Le Maître-Lame examina le nouveau venu d'un œil critique, comme on jauge un cheval avant la bataille. Il annonça d'une voix froide, pas méchante mais néanmoins dénuée de chaleur.

Seulement si tu le veux vraiment. J'ai récemment enseigné à un élève qui ne le voulait pas... Il est mort. C'est-ce qui arrive aux faibles et aux indécis.

Si tu le veux je serais ton professeur d'escrime. En tant que tel et durant les leçons, tu me devras obéissance. Si cela ne te convient pas, alors ce n'est pas le peine. Tu me ferais seulement perdre mon temps. Et le tien.

Autant fixer tout de suite les limites. Déjà que l'Aîné ne lui avait pas vraiment demandé son avis... Enfin, si, mais comment dire non à un millénaire ? Les dés étaient pipés.

Kedrildan était sincèrement ravis d'une telle preuve d'affection de la part de la dragonne. Bêtement heureux, il offrit un grand sourire pleins de dents à la demoiselle à écaille, caressant tendrement le doux museau qui se trouvait sur son bras. S'il n'avait pas déjà sa merveilleuse Trissi dans son éternité, nul doute qu'il aurait pu tomber follement d'Isyndar.

« Je suis moi-même profondément heureux de te revoir grande Dame... Et je suis très heureux de savoir qu'il y aura bientôt un bébé de plus dans ce monde. J'ai eu beaucoup de bonheur quand ma Liée était à peine née, bien que non de tout repos. Mais c'est ce qui fait qu'une existence paraît beaucoup plus attrayante. »

Faisant un clin d’œil frondeur à l'écailleuse, le dragonnier se retourna vers les autres, baissant légèrement le regard de honte en se rhabillant correctement. C'est ça de se faire lever à toute vitesse sans prendre le temps de faire chauffer ses neurones. Toussotant, il s'inclina légèrement vers le sieur Roëric qu'il reconnut : la dernière fois qu'ils s'étaient vu, Ked avait eu un souci de digestion de sang avarié qui lui avait fait voir des hallucinations des plus étranges, une histoire de string, jarretelle et fouet, un vrai délire. Mais le jugement le plus dur fut de voir le regard empli de déception de son maître... En même temps, le roux devait si attendre...

« … Je... Je suis navré pour ce retard maître Achroma, quelques soucis de digestion... »

Se mordant les lèvres, il termina de boutonner le dernier fermoir de sa tunique et essaya de dompter ses mèches pour présenter vraiment correctement en l'écoutant avec attention, haussant simplement un sourcil. Ah oui... Effectivement, il se souvenait de leurs conversations sur le sujet, avec lui et Lyroë, cette elfe à la culture trop élevée d'ailleurs. Il lui semblait qu'elle était morte... Beaucoup mourraient ces derniers temps, depuis l'arrivée des Alayens en Armanda surtout. Ainsi donc il allait enfin pouvoir faire naître cette ordre ? Le roux crut se souvenir que c'était l'une des grosses préoccupations du blond en plus, une parmi tant d'autres qui l'avait poussé à s'éloigner et oublier son élève.

« Bien sûr maître. Je vous ai juré fidélité et respect, dévotion, alors vous suivre est mon plus cher désir. »

Agacé, il noua ses mèches en un chignon serré, soufflant sur une mèche rebelle qui lui chatouilla le nez, et s'inclina respectueusement pour agréer à l'acceptation de son offre. Mais il déchanta rapidement quand son aîné poursuivit son laïus, ses émeraudes perdant leur lumière pour être aussi froides et tranchantes par la colère et la déception.

« Je... Je vous demande pardon ? »

Essayons de ne pas paraître comme un vrai sauvage. Mais il attendait des explications... Se tournant vers l'autre dragonnier, il le regarda avec un air glacial, pas du tout sympathique pour le coup.

« Je ne suis pas un faible ou un indécis, je n'échouerais pas à cet entraînement. Mais puisque mon maître juge qu'il faille que je m'associe à vous, je ne peux pas ne pas accepter une si « charmante » proposition. »

Malgré la tentation, il ne taperait pas un scandale. Mais il était clair qu'au ton de sa voix et de son choix de mot, il n'approuvait pas la dernière manœuvre de son maître. Plus le temps passait, plus les choses avançaient, Kedrildan était obligé de constater qu'il sombrait dans un coin, dans les ombres, comme auparavant. Il l'abandonnait, le lâchait, l'oubliait, l'offrait à d'autres comme on donnerait un vêtement usagé. Le dégoût amer lui serrait la gorge et sa posture était aussi rigide que s'il avait un balai dans le fondement témoignait de sa déception et de son mécontentement vis à vis d'Achroma.

« Ne vous en faites pas, Sire Roëric. Le Seigneur Achroma peut témoigner de mon assiduité lorsque l'on me dispense des enseignements, vous n'aurez donc rien à contredire à mon comportement : je m'en voudrais de faire perdre le temps de tout le monde. »

Le ton de voix acide, Kedrildan ne pouvait hélas refuser la demande d'Achroma et, même s'il y trouvait son intérêt (à savoir augmenter sa compétence en ce domaine, il devait bien avouer qu'il n'appréciait pas ce geste à sa juste valeur au vu de la dégradation de leur relation. C'était peut-être enfantin, mais il n'avait pas grand soutient dans sa vie et Achroma avait une sacrée valeur à ses yeux, et voir un dédain et désintérêt le brisait. Vérifiant une dernière fois son apparence, il finit par s'installer sur un rocher non loin d'eux, les fixant avec attention, toujours en colère.

« Et, hormis nos trois couples, qui d'autres se joindra à nous ? Y aura-t-il d'autres personnes que les dragons et leurs liés ? »

Tant qu'à faire, autant se maintenir au courant et réfléchir en conséquence non ?

La future mère approcha le bout de son nez qu'elle posa en douceur sur le lié de la dragonne argenté. Isyndar cherchait aussi à le rassurer. Le vampire ne semblait pas des plus heureux de devenir élève de son lié. Et pourtant. Roëric pouvait lui apprendre tant. Se redressant et cherchant l'esprit de son lié, un brin taquine elle lui murmura.

« -Finalement ton école va peut être bien vite prendre forme. Te voilà professeur de mon sauveur. Prends en soin, sans lui, je ne serai peut être pas auprès de toi. Celui-ci je ne lui ferais pas peur. »

La dragonne de l'ombre tourna sa tête vers son lié en clignant des yeux. Roëric était incorrigible. Mais au vue du dernier énergumène qu'il avait eu comme élève. Si on pouvait le nommer ainsi.

« -Oui, enfin ce n'est pas en disant cela que tu vas le rassurer. Même si au moins, il est prévenu. Dit lui peut être que ce n'est pas toi qui l'a tué.»

Cette fois-ci la dragonne étendit ses pensées aux trois dragonniers vampiriques.

« -Non, l'importance que cela fonctionne est que chacun puisse avoir voix entendue, mais cependant, je conçois qu'un d'entre vous puisse mener les discussions et clore un débat. Mais chers dragonniers n'oubliez pas une chose : vos liés. Même si vos paroles ont une attention toute particulière à nos oreilles, et que nous sommes tous prêt à vous suivre nos liés, je n'hésiterai pas à dire non à Roëric si j'estime que cela le met en danger. Et je ne serai pas la seule. »

Que se soit dit et su !!! Rien de plus à ajouter. Les bipèdes pouvaient bien dire ce qu'ils voulaient au final, les dragons mèneraient en partie la danse. Un brin cabochard, mais surtout ayant le soucis de leur lié, de leur sûreté, rien ne passerait au dessus.

« -Il nous faut encore voir Kylian Wallam et la mère dragonne ainsi que le dragonnier elfique. Ainsi que le général humain et son lié doré. »

Bref, il y avait encore du travail à faire en ce sens.Aussi bien auprès des dragonniers que parfois des dragons, mais l'importance d'une unité, d'une force de protection éteindrait peut être les querelles d'hier. Isyndar voulait y croire.

« -Et mon sauveur, ne vous inquiétez pas. Face à vous vous avez un maître strict, certes, mais qui saura vous rendre la gentillesse dont vous avez fait preuve à mon égard, en faisant de vous un épéiste de renom. »

La dragonne de l'ombre envoya de douces pensées aux vampires qui l'avait tiré d'un mauvais pas. Mais de savoir que son lié lui apprendrait le maniement des armes lui assurait une chose, Kedrildan aurait une force en plus de sa dragonne. Sa lame serait un bouclier de force.

Spoiler:

Il resta silencieux et immobile jusqu'à ce qu'il ne semble plus rien sortir de la bouche de Kedrildan sur lequel il posait un regard lourd et fixe. Tellement fixe qu'il n'en bougeait plus du tout, ressemblant subitement à une statue de pierre dure et inaltérable. Finalement, il consentit à répondre. « Ne me demande pas pardon si c'est pour te conduire comme un enfant capricieux » fit-il d'une voix parfaitement tranquille mais qui n'admettait pas de répliques. Il avait sciemment détourné ce que l'autre voulait dire, mais cela ne le gênait absolument pas. Il n'aimait pas du tout la façon dont il se comportait, quand bien même il saisissait le soucis. Kedrildan était dragonnier, il ne pourrait pas se comporter ainsi alors qu'on allait le voir comme un ambassadeur sage et un arbitre. « Tu nous fait perdre du temps dès à présent en ne comportant ainsi. Crois-tu qu'il s'agisse d'un jeu ? Toi comme nous tous, tu vas représenter beaucoup pour les différents peuples, une figure qui se doit d'être irréprochable. Tu ne l'es pas » Et il ne prendrait pas de gants pour ménager son petit confort « Roëric est capable de t'apporter ce que je ne puis, il me semble que la moindre des choses lorsqu'on te donne pareille chance, c'est de ne pas faire la fine bouche. Tu m'insultes, tu l'insultes lui, qui accepte de se charger de toi. Si c'est tout ce que tu fais de l'attention qu'on te porte peut-être devrais-tu rester auprès de Lorenz et continuer de te rouler dans sa fange »

Autant clarifier les choses tout de suite. « Il ne me semble pas que ta préoccupation première doive aller à tes affinités en l'état. J'apprécie ta dévotion, mais pas cette attitude-ci. Te renforcer, voilà quelle devrait être ta préoccupation. Tu en as l'occasion ici, tu devrais t'en réjouir » Il laissa un instant s'écouler, puis sortit l'argument le plus bas qu'il puisse avoir mais qui ferait forcément de l'effet. « Le seigneur Svenn en tout cas, lui, en a bien profité, de l'enseignement de notre maître-lame… » Coup bas, mais soit, il n'avait aucun scrupule à en arriver là. Il ne voulait pas d'une crise de jalousie ou de frustration alors qu'il avait tant de tracas sur les bras. Jongler entre tous les partis allait être un cauchemar, autant que Kedrildan n'en rajoute pas alors qu'il avait là une opportunité en or. Il le laissa se calmer, ou plutôt lui laissa le temps d'assimiler tout ça. N'ayant pas sourciller, il poursuivit après un temps, puisqu'il restait une question en suspend. « A terme, je compte bien voir tous les couples de liés nous rejoindre, mais dans l'immédiate, notre probable prochain camarade sera le général Farkstein » Wallam était pour l'instant trop loin et l'elfe, il n'avait pas envie d'en parler, le roux allait encore râler, même si Insyndar l'évoquait brièvement et il était pratiquement certains de perdre son calme cette fois-ci. Mieux valait qu'il évite ça pour le moment.

« Commençons déjà par dépasser nos restrictions actuelles cependant, avant de penser au reste » Que ce soit les mesquines frustrations de Kedrildan, ses propres fixations dues à l'âge ou la façon dont le bretteur l'abordait… Ils avaient bien assez de pain sur la planche. « Une pierre après l'autre »

HRP : Dites moi si vous voulez qu'on conclue ou pas ^^

hrp : petite conclusion pour moi =)

***

En apparence, Roëric Alokor restait de marbre, arborant le masque d'impassibilité que tout vampire digne de ce nom finissait pas acquérir au cours des décennies, ne serait-ce que pour jouer les dos ronds devant les prédateurs plus puissants. Mais à l'intérieur il était frustré et un poil en colère. Pas vraiment contre les autres, mais surtout contre lui-même. Dans quoi s'était-il encore fourré ? Cela dit, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il était le Maître-Lame et il s'était engagé dans cette caste de dragonnier. Maintenant, il lui fallait jouer son rôle.

"Je ne peux rien te promettre ma liée. L'entraînement sera difficile, d'autant plus qu'il a l'air indiscipliné. Je pourrais faire preuve de compassion et de compréhension à son égard, mais à long terme ça ne fera que le desservir. Parfois les gens ont besoin qu'on soit dur avec eux."

L'ombre d'un sourire effleura son visage lorsque les pensées suivantes d'Isyndar se frayèrent un chemin dans son esprit.

"Pas tout de suite, mon cœur, pas tout de suite. J'attendrai qu'il se soit un peu assagi avant de lui dire que non, je ne m'attaque pas à mes élèves. "

Il envoya une bouffée d'affection à la dragonne par le biais de leur lien, lui indiquant de lui faire confiance. Il ne voulait pas être inutilement méchant ou cruel envers le sauveur de sa liée, mais l'apprentissage exigeait de la hiérarchie et de la discipline. Peut-être que certains faisaient autrement, mais ce n'était pas le cas du vampire. S'adressant à Kedrildan, il conclut sans faire attention à son ton ou à son mauvais caractère.

Bien, je n'en attends pas moins de vous.

Il appuya les propos d'Isyndar en hochant la tête. La liste des dragonniers et ses dires sur les résultats d'un entraînement avec lui.

Ce fut ensuite au tour d'Achroma de prendre la parole et il ne fut pas tendre avec son apprenti, c'était là le moins que l'on puisse dire. Cela dit, il était dans son rôle et Roëric ne trouvait rien à y redire. Même la mention d'Havard servirait probablement leurs intérêts communs.

Si tout est dit, nous allons nous retirer. Aîné, je suis à votre disposition si vous avez besoin. Quant à vous Kedrildan, la bataille est pour bientôt, ainsi que l'arrivée du dragonnet. Nous commencerons les leçons après cela.

Il inclina la tête devant le millénaire puis prit congé.

Le moins qu'on pouvait dire était bien que Achroma n'était pas du tout, mais alors pas du tout enchanté de ses manières. Kedrildan pouvait sentir ses ondes de désapprobation lui piquer les côtes en reproches cinglants et silencieux. De toute évidence il le considérait comme un enfant capricieux et égocentrique... Il se sentait à chaque propos humilié comme jamais et cela ravivait le brasier de la colère qui couvait en lui : si c'était si laborieux que ça que de l'avoir en élève, il n'avait qu'à pas se dévouer pour le sortir de la fange pour l'élever.

« … Lorenz se passera encore pour quelques temps de ma présence pour orner sa guirlande de cadavres. Je n'ai pas l'intention d'aller me jeter dans ses bras pour me faire cramer tout de suite. »

Bordel écoutez-moi ! Voilà ce qu'il voulait hurler au visage de ce blond qui le prenait de si haut et qui... Et qui... Pourquoi était-il si froid comme s'il était un étranger à ces yeux ? Cela le blessait atrocement. En quoi était-ce si ignoble que de vouloir... Il détourna le regard et s'en alla s'asseoir un peu plus loin pour continuer de participer à la conversation, fulminant en demandant qui d'autre se joignait à cette organisation histoire de se distraire l'esprit.

Kylian Wallam, l'ennemi de Lorenzounet, la mère dragonne qui faisait deux fois Gloria, l'elfe qu'il ne pouvait pas voir en parchemin et le général humain qu'il avait planté il y a quelques années alors qu'il avait d'ailleurs infiltré la capitale. Rien que ça, du sacré gratin qu'ils avaient là. Une brochette de personne qui ne l'avait pas dans leur cœur, enfin qui ne s’intéresserait pas des masses à un pauvre vampire comme lui... Et bah ça ne serait pas des masses joyeux pour notre Kedrildan toute cette histoire.

« Merci belle Isyndar, j'espère être digne de la fierté que vous avez à m'annoncer une chose pareille. »

Elle était vraiment douce cette dragonne et elle ne ressemblait plus vraiment à la petite saurienne qu'il pouvait tenir dans ses bras. Cela lui paraissait être une éternité à présent... A présent, il se dégageait de cette grande dame une prestance très maternelle, comme une énorme couverture bien chaude et rassurante qui vous emmitouflait pour vous protéger des cauchemars. Enfin, de ce que ses proies avait pu lui dire avant de se faire proprement vidé de leur sang. En la présence de la grande blanche, le roux se sentait plus détendu et serein, calmé et bêtement heureux. L'effet de la grossesse sûrement. Souriant, Kedrildan hocha la tête en frissonnant à ses douces ondes, la regardant s'éloigner en s'apaisant. Au moins ne ressemblait-il plus à une pelote de nerf. Pour le moment.

« Havard... Havard... Vous avez entraîné Havard... Voilà pourquoi il était si puissant quand je l'ai revu... Ça et sa ténacité, cela ne m'étonne pas de lui... Mon merveilleux petit garçon... »

Un regard plus tendre aux souvenirs, Kedrildan sourit légèrement avant de fixer avec davantage d'attention Roëric, un peu moins frustré d'être à sa botte à présent. Mais il ne digérait toujours pas ce que Achroma faisait à son égard. Se relevant quand le dragonnier les salua pour s'en aller, il s'inclina à son tour comme on le lui apprit correctement.

« Bien, puisque tout le monde s'en va, je vais prendre moi aussi congé. Je me tiens aussi à votre disposition si jamais vous avez besoin de mon concours... »

Raide, il s'inclina à son tour avant de partir d'un bon pas vers le terrain d'entraînement, essayant de décharger toute sa rage et sa colère en faisant des exercices encore et encore jusqu'à se sentir vidé. Une fois cela fait, il s'en alla auprès de sa dragonne pour lui expliquer ce qu'il s'était dit dans cette réunion vu qu'elle avait préféré dormir au lieu de l'accompagner.

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{hrp: bon bah puisque c'est conclusion pour tout le monde ^^}

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