- Fin mai de l'année 2 de l'ère d'Obsidienne –

Le soleil commençait doucement à tomber sur Althaïa, mais cela n’avait plus d’importance pour la jeune fille qui s’engouffrait dans les galeries menant à la cité souterraine. Bientôt, elle serait en sécurité et l’obscurité permanente des cavernes serait brisée par la douce lumière bleutée apportée par des roches bien étranges. Ne serait-ce que quelques pas après être entrée dans le tunnel qui liait Aigue-Royale aux marécages à l’Est que la jeune fille s’arrêta et posa sa main sur la paroi afin de garder son équilibre. Elle était si prêt du but et pourtant, les quelques mètres restants lui paraissaient presque comme étant un défi impossible à accomplir.

Reprenant doucement sa marche, son regard se promena sur les parois de la caverne avec une pointe de nostalgie. Elle avait emprunté ces tunnels une myriade de fois, mais elle en avait oublié cette sensation de sérénité qu’apportaient ces lieux, de même que cette impression d’être sous la voie lactée. Comment avait-elle pu oublié toutes ces étoiles bleutées? Comme quoi on prend parfois pour acquis ce qui ne l’est pas toujours… Si elle avait oublié ce petit détail, elle n’avait toutefois pas oublié que c’était le lieu le plus sûr de tout Armanda, du moins selon elle, et c’était justement ce dont elle avait le plus de besoin en ce moment.

- Qui êtes-vous et que faites-vous ici? Dit un homme d’une voix autoritaire.

Il n’était pas seul et plusieurs autres gardes étaient avec lui afin de garder l’entrée. Normalement, entrer aurait été un jeu d’enfant. Elle se serait avancée vers eux en se présentant comme étant Luna Duruisseau, protégée de nul autre que Korentin Kohan, et aurait présenté son anneau de résistance. Ils l’auraient reconnue aussitôt, l’auraient laissée entrer et n’auraient pas posé davantage de questions. Mais aujourd’hui, il faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas emprunté ces tunnels et il ne la reconnaitrait pas aussi facilement, surtout que la dite Luna ne ressemblait à rien du tout. C’était une jeune fille frêle emmitouflée dans sa longue cape elfique de couleur noire et seule sa tête dépassait. C’était une tête ornée d’une longue chevelure en bataille qu’on pouvait deviner blonde sous toute cette saleté et poussière qui la recouvraient et les traits de son visage étaient tirés par la fatigue.

- HEY! On vous a demandé une question! S’impatienta le garde.

La jeune fille posa une main sur sa tête. Cette dernière lui faisait mal et le gentil monsieur n’aidait pas avec sa voix portante. Elle avait l’impression qu’un étau lui compressait le crâne et qu’il allait exploser. Les traits de l’homme se durcirent, il attendait une réponse immédiatement. Le faire attendre davantage ne ferait que mettre de l’huile sur le feu. Mais qu’avait-il demandé déjà? Ses idées n’étaient pas claires, surtout avec ce mal de tête qui lui martelait le crâne. Son nom, c’est ça? Mais avant toute chose, elle dégagea ses bras de sa cape et posa ses paumes devant les garde, de façon à démontrer qu’elle n’était pas hostile et qu’elle comptait coopérer.

- Flo… Euuhm. Non. Mais que disait-elle? Ce n’était pas la réponse à laquelle ils s’attendait. Lu… na… Articula-t-elle. Suis Luna.

Luna, c’était le nom qu’elle employait ici et le seul que les gens reconnaîtraient. Mais à quoi avait-elle pensé de vouloir se nommer comme étant « Florence »? Le regard que lui lança l’homme lui fit comprendre qu’il était sceptique et qu’il n’avait pas aimé son hésitation, la rendant plus suspecte. Après tout, qui hésitait en se nommant?

- Mademoiselle. Vous n’avez rien à faire ici. Marqua-t-il.

Non, il ne comprenait pas. Il ne comprenait rien du tout. Elle était à sa place ici. Elle était une rebelle et Aigue-Royale était sa maison. Elle voulait rentrer chez elle. Mais comment lui faire comprendre? N’y avait-il pas une preuve qu’elle faisait partie de la rébellion?

- At… Attendez… Attendez! J’ai… quelque part. Balbutia-t-elle. Elle chercha frénétiquement dans son sac. Anneau. J’ai… l’anneau… dit-elle d’une voix qui dénotait son stress croissant.

Mais où était-il? Où était son anneau de résistance? L’avait-elle avec elle ou l’avait-elle égaré comme la majorité de ses effets personnels? Elle ne se rappelait plus trop. Elle l’avait pourtant vu, mais quand était-ce? Et qu’en avait-elle fait? Elle l’avait caché, certainement. Mais où? Dans son sac? Ou dans sa poche? Ou peut-être qu’elle l’avait réellement perdu ou plutôt rêvé qu’elle l’avait en sa possession. Si tel était le cas, elle était dans le trouble.

Elle était angoissée et elle vit dans le regard des hommes qu’elle avait atteint la limite de leur patience. Le garde, qui devait être celui qui dirigeait, fit un signe à un autre garde et celui-ci s’approcha de Luna. Cette dernière recula automatiquement en le voyant avancer vers elle.

- Non! Attendez...! Balbutia-t-elle. Elle recula encore d’un pas et prit une grande respiration afin d’éclaircir ses idées et tenter d’ignorer les martellements dans sa tête. C’était sa dernière chance de s’expliquer. Rebelle. Je…suis avec vous… Luna. Korentin Kohan. Il… Sa majesté… m’a promis… protection. dit-elle maladroite. Les mots n’étaient pas sorties comme elle le voulait et elle réalisait avec horreur que ça ne faisait pas l’effet escompté.

La panique fut toutefois à son comble lorsqu’elle ne put reculer davantage, se heurtant à la paroi de la caverne et que le garde posa une main ferme sur son épaule. Pourtant, il n’était pas violent et n’avait probablement aucune mauvaise intention envers la jeune fille. Tout ce qu’il désirait était de faire correctement son travail et les ordres étaient claires : aucun intrus ne devait entrer librement à l’intérieur d’Aigue-Royale et toute personne ne pouvant prouver qu’il était un rebelle devait être confinée jusqu’à ce qu’une décision soit prise à son sujet. Mais Luna ne le voyait pas comme ça et elle ne pouvait supporter l’idée d’être prise au piège. Elle voulut se déprendre de sa prise et s’éloigner du garde, mais ce dernier ne fit que renforcir sa poigne. C’était plus fort qu’elle, elle n’était plus capable de raisonner et elle se débattait de toutes ses forces… Mais heureusement pour le garde, elle n’était qu’une gamine dont les forces avaient été grandement amoindries par la fatigue. La chance était de son côté sinon il aurait certainement été mordu ou pire…

-AH! Lâchez-moi! Ordonna-t-elle d’un ton sec. LÂCHEZ-MOI! Hurla-t-elle, sa voix résonnant à l’intérieur des cavernes.

Jamais elle n’avait cru que retourner à Aigue n’eût été si compliqué.

Stress. Paranoïa. Mécontentement.

S’il n’y avait que quelques mots à garder en tête quand on pensait à Aigue Royale en ce moment c’était bien ceux-là. Il comprenait pourquoi il se déroulait cela, il savait comment cela allait se passer et comment ils en étaient arrivé là, mais quand même. Voir tout cela de ses propres yeux avait quelque chose de désagréable. Quand est ce que les choses étaient autant partie en vrille ? Quand est ce que des gens qui se battaient depuis des années avec lui s’étaient détournés de la cause et avaient rejoint l’ennemi en les dénonçant au passage ? Toutes ces questions et bien d’autres encore trottaient dans sa tête et partout ailleurs, à tel point qu’il ne pouvait même pas réfléchir correctement. A dire vrai il ne s’entendait même plus penser.

Au milieu de tout cela il pensait à ses proches, à ceux qui se battaient encore, à ceux qui étaient mort et à ceux qui avaient disparu. Il y avait aussi ceux qui s’étaient détournés de la cause. Alford, Svenn et combien d’autre ? Combien d’autres abandonneraient ? Combien d’autres encore se rendraient et se laisseraient faire prisonnier ou pire encore ? Par simple lassitude ou par envie d’en finir de fuir. Dire que lui-même n’y avait jamais pensé serait mentir, mais à chaque fois qu’il avait cela en tête il savait surtout ce qu’il perdrait à agir ainsi. C’est pour cela que ce genre d’idée ne faisait pas longue vie dans sa tête. C’était pour cela que jamais il ne pourrait arrêter de se battre pour ses idées, ses convictions et un avenir meilleur. Il doutait lui-même pouvoir en profiter un jour, mais il savait que d’autre, la jeunesse et la nouvelle génération, aurait ce plaisir et pourrait rendre ce monde meilleur.

Il se trouvait non loin d’une des entrées de la ville rebelle et devait avouer qu’il n’avait jamais vu autant d’activité. Autour de lui se trouvait des membres de son unité et il prit le temps de les observer guider les rebelles à mettre à place des défenses efficaces et solide. Il y avait Andrei, l’éternel médecin chef de son régiment qui, même à cinquante années passées, continuait de combattre et sauver des vies. Il y avait Mkol, un homme grand et sec qui dirigeait les archers et autres arbalétriers tout en préparant munitions et ravitaillement. Andrews, qui les avaient rejoint juste avant leur départ de Gloria, un homme trapu et jadis timide qui avait perdu son innocence dans la furie de la guerre et de la mort. Il y en avait tellement qu’il ne pouvait pas parler de chacun d’entre eux, mais l’une d’entre eux restait encore proche de lui. Un peu comme un talisman, un peu comme une aide de camp mais beaucoup comme une amie très chère à son cœur. Julia. La vie n’avait pas été tendre avec elle et pourtant elle continuait de se battre comme tout le monde mais avec plus de haine. Elle avait vécu dans sa chair ce que les Alayiens leur réservaient s’ils se rendaient ou étaient fait prisonnier. Elle, mieux que quiconque, comprenait les raisons de leur guerre.

Il allait d’ailleurs lui dire quelques mots quand il entendit des hurlements dans la galerie non loin de là. Une voix étrangement familière et d’autres méconnues. Il se passait là-bas des choses pas nettes et le capitaine savait qu’il ne pouvait pas rester là à ne rien faire. Il se mit à courir vers l’avant de la galerie et essaya de comprendre ce qu’il s’y passait, tout ce qu’il put entendre était l’augmentation du volume sonore qui ne présageait rien de bon. Mais c’est arrivé au niveau du son qu’il comprit enfin ce qu’il se passait.

Un groupe de soldat se trouvait autour d’une jeune fille complètement amochée qui hurlait et essayait de se défendre du mieux qu’elle pouvait mais il était clair et net qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose. C’est quand il put voir son visage qu’il comprit de qui il s’agissait et ne put retenir sa voix tout en courant pour secourir la jeune femme.

Assez ! Lachez là tout de suite !

Un homme se retourna mais n’eut pas le temps, et sans doute pas la volonté, de voir de qui il s’agissait. Il essaya de dire quelque chose mais eut enfin le temps de voir de qui il s’agissait et il lâcha la jeune femme qui tomba au sol. Matis attrapa la jeune femme avant qu’elle ne tombe au sol.

Va me chercher Andrei, qu’il se prépare à s’occuper d’elle tout de suite. Il se retourna pour voir le groupe de soldat complètement penaud devant la scène. Vous n’avez pas la moindre idée de qui il s’agit… Vous vous en êtes pris à la protégée de Korentin Kohan espèce de crétin fini ! J’espère pour vous que ses blessures ne sont pas de votre fait où je viendrais m’occuper personnellement de votre cas !

Il reporta son attention sur la jeune femme et essaya de capter son attention.

Luna ? Est-ce que ça va ?

Luna était terrorisée et ce terme ne reflétait nullement toute l’angoisse qu’elle vivait en ce moment précis où le garde voulait l’arrêter. Ses pupilles s’étaient dilatées et son cœur s’était emballé au moment même où l’homme avait posé une main sur elle. Elle avait voulu courir, s’enfuir, le plus loin possible comme l’aurait fait un animal effrayé qu’on essayait de capturer. Capturer… Attraper… Emprisonner. Cette idée l’effrayait plus que tout, mais c’était plus fort, elle n’arrivait pas à penser à autre chose que de se retirer de la prise de l’homme. Avec du recul, elle aurait pu comprendre qu’il ne lui voulait pas de mal et que ce n’était qu’une question de formalité. Peut-être que s’il avait discuté tranquillement avec elle, elle aurait accepté de se confirmer aux règlements et aurait compris qu’on ne lui voulait pas de mal, mais malheureusement, les choses ne se passaient pas comme ça. Les gardes étaient passés du côté « ennemi » lorsqu’ils avaient opté pour la solution « facile ». La jeune fille ne comptait pas se laisser faire et orgueilleuse comme elle était, elle utiliserait toutes les ressources qui lui étaient disponibles pour faire de la vie de son assaillant un vrai cauchemar. Elle se battrait jusqu’au bout même si pour cela elle devait faire l’usage de toutes ses forces restantes.

Elle se débattait de toutes ses forces. Elle essaya même de mordre le bras de l'homme, mais heureusement pour ce dernier, il le retira à temps et s'évita une vilaine blessure. Toutefois, c’est grâce à l’adrénaline qui coulait à flot dans ses veines qu'elle parvint à asséner un coup de pied dans le genou du garde et qui lui arracha un hurlement de douleur. Avec le temps, elle avait saisi que cet endroit était un point faible idéal et qu’il était rarement protégé et cette fois-ci encore, il ne faisait pas exception à la règle. Elle put se détacher du premier garde et s’éloigner à pas de course, mais les autres hommes la rattrapèrent sans aucune difficulté.

- LÂCHEZ-MOI! Hurla-t-elle à nouveau.

Un contre un, ça va encore… Mais à cinq contre une gamine épuisée, c'était beaucoup moins évident. Elle se débattit de toutes ses forces, mais cette fois-ci, elle était bel et bien prise au piège. Elle réalisait avec horreur que ses chances de s’échapper s’envolaient. Dans une dernière tentative, elle parvint à dégager ses mains pour former un cercle* et attendit avec impatience que les flammes invisibles apparaissent sur son corps, événement qui ne se produit pas ou du moins, si les flammes étaient présentes, elles n’étaient pas suffisamment puissantes pour faire quoi que ce soit à ses adversaires. Mais quelle horreur, elle n’avait plus assez d’énergie! C’était fini… Ils avaient gagné. Ses forces l’abandonnaient et sa détermination flanchait au même rythme.

Abandonnant, elle sentit son corps être surélevé du sol par l’un des gardes. Fermant les yeux, elle crut entendre des pas arriver en sa direction et une voix s’élever au sein des tunnels. Mais elle ne parvint pas à comprendre quoi que ce soit, son esprit étant paralysé par la fatigue. Mais elle avait cette impression qu’elle l’avait déjà entendue à quelque part. Elle la connaissait… Ce n’était pas la première fois qu’elle l’entendait. Mais malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas à mettre y un visage.

La vagabonde avait eu cette impression de chuter et pourtant, ce n’était pas le sol rocailleux qui l’intercepta. Que se passait-il? Des bras se refermèrent autour d’elle. Mais quelque chose avait changé. Ce n’était pas une prise ferme et solide comme tantôt, mais plutôt quelque chose de plus chaleureux, de plus doux. On essaya de lui parler. L’homme à qui appartenait ces bras lui adressait la parole. Que lui disait-il? Luna… ? Luna! Il avait dit son nom. On lui parlait à elle et par miracle, on l'avait reconnue! Et cette voix, elle la connaissait. Mais à qui pouvait-elle bien appartenir?

Elle grommela tandis qu’elle ouvrait lentement les paupières. À travers sa vision floue, elle aperçut un homme à la chevelure châtaine dont l’inquiétude trahissait les traits. Pourquoi s’inquiétait-il? Pourquoi lui demandait-il si elle allait bien? Elle cligna à quelques reprises jusqu’à ce que cette brume ne se dissipe et écarquilla finalement des yeux en prenant conscience de la personne qui la tenait.

- Ma… articula-t-elle difficilement. Matis… ?

La Protégée de Korentin ferma les yeux et les rouvrit. Elle semblait confuse. Il était encore là, devant elle, il n’avait pas disparu. Non, ça ne se pouvait juste pas. Elle était encore en train de rêver. Dans quelques instants, elle se réveillerait pour réaliser que tout cela n’était que le fruit de son imagination. Rien de tout cela n’était réel. Elle cligna à nouveau des yeux. Il était encore là. Il ne s’était pas évanoui ou transformé en ce qui construisait ses cauchemars.

- C’est… vraiment… vraiment toi? demanda-t-elle.

Tremblotant, la jeune fille leva sa paume et la posa sur le visage du capitaine. Sa peau était douce et chaude, ce qui faisait contraste avec la sienne qui était froide et sèche due à la déshydratation. Et si ce n’était pas un rêve, mais bien la réalité? Tout cela semblait si réel, si vrai.

Durant ce temps, les gardes s’étaient éloignés des deux personnes. Dans leurs regards se lisaient la culpabilité et la gêne quand ils réalisèrent, grâce à Matis, à qui ils s’en étaient pris

- Pardon. On ne savait pas! s’excusa l’un d’eux. J’y vais Capitaine Falkire! Prononça-t-il.

Il partit aussitôt à la course afin de requérir l’aide du guérisseur, ce fameux Andrei.

Et pendant tout ce temps, la jeune fille fixait son ami sans prononcer d’autres mots. Avoir eu la force et avoir été en état, elle lui aurait probablement lancé quelque chose à la blague comme « M’as-tu vue?! Bien sûr que ça va, je suis en pleine forme! Prête à courir le marathon à l’instant! ». Mais sinon, oui, maintenant ça allait.




* [Défensif] Bragollach
L'utilisateur s'entoure de flammes "invisibles" qui blessent l'adversaire en cas d'attaque (blessure légère) . En pleine nuit, ce sort peut aider à éclairer.

Geste clé : Former un cercle devant soi avec les deux mains

J’en ai rien à faire de vos excuses ! Allez chercher de l’aide c’est tout. Quand j’en aurais fini avec elle je viendrais m’occuper de voir et vous réexpliquer, par le menu, quelles sont les règles ici ! D’ici là filez, les autres reprenez votre poste !

Il leur passerait un savon plus tard, après tout ils n’avaient fait que leur travail, mal certes, mais leur travail quand même. C’était des jeunes recrues, pas la peine de les descendre six pieds sous terre, mais une bonne soufflante de temps en temps ça faisait pas de mal. Encore une chose qu’il avait appris à ses dépens mais qui lui servait énormément aujourd’hui encore.

Il reporta son attention sur la jeune femme qui venait de poser sa main, jadis douce et chaude, sur son visage. Aujourd’hui elle était rêche et froide, comme si elle avait traversé la nuit et les montagnes. Comme si elle était presque morte et qu’elle n’était plus qu’esprit. Il passa lui-même sa main dans son visage et l’attrapa délicatement dans ses bras pour la soulever tout en lui parlant.

Oui Luna, c’est bien moi. Toujours le même, j’ai pas changé.

La jeune femme semblait avoir froid car elle ne cessait de trembler, il fallait rapidement la conduire à Andrei pour qu’il puisse l’examiner et lui apporter les premiers secours. Il la calla calmement dans ses bras et essaya de la réchauffer du mieux qu’il pouvait en la portant à l’intérieur de la ville rebelle. Comme pour essayer de lui remonter le moral, il tenta une petite note d’humour.

Et bien, qu’est-ce qu’il t’est arrivée ? Tu es parti d’une taverne sans payer l’addition ? Parce que tu fais peur à voir ma cocote, pas sûr que tu puisse draguer les garçons avec la tête que tu fais…

Il rigola doucement mais il savait que c’était de sa faute si elle était dans cet état. Lui qui lui avait juré qu’il la protégerait avait lamentablement échoué. Une fois de plus s’il était nécessaire de le dire. Mais il n’avait pas le temps d’en dire plus, déjà un homme d’apparence âgé et équipé d’une large barbe blanche et d’un ensemble d’instrument et d’outil de médecin arrivait vers les deux compères accompagné de la jeune Julia. Ils comprirent tout deux que le trentenaire tenait beaucoup à Luna, elle était un peu comme un membre de son unité, un membre de sa famille. Ils avaient traversés beaucoup de choses ensemble, il voulait tout faire pour qu’elle aille mieux maintenant qu’elle était revenu.

Le médecin les entraina tous deux dans les couloirs et les galléries pour les amener dans une infirmerie de front disposée non loin de là où on l’avait trouvé. Matis la déposa doucement sur la table d’opération et laissa faire son officier médical qui commençait à sortir onguent, potion et autre bandage. Tout cela dépassait le jeune homme qui ne pouvait rien faire d’autre à part proposer un verre d’eau à la jeune femme.

Tien ma belle, prend en un peu, cela ne peut que te faire du bien. Andrei est un ami proche, il m’a recousu à très nombreuses reprises. Trop nombreuses même je dirais. Termina le médecin en faisant un clin d’œil à la jeune femme. En effet. Ce que je veux dire c’est qu’il s’occupera bien de toi.

Il attrapa la main de la jeune femme et ébouriffa une dernière fois les cheveux de la jeune femme tout en lui parlant.

Essaye de te reposer pendant qu’il te soigne. Je reste là pour faire ce que je n’ai pas réussi à faire à Gloria…. J’aurais dû te protéger et pas te laisser partir comme ça…

Luna voulut ricaner suite à la blague de Matis, mais c’est une toux qui s’échappa au lieu. Elle était épuisée, mais elle parvint tout de même à dessiner un sourire sur ses lèvres. Elle n’était pas en train de rêver à tout cela, c’était vraiment lui. C’était Matis, son compagnon de voyage, son ami, son camarade, et il n’avait pas changé. C’était bon de le retrouver. Lovée dans ses bras, elle avait l’impression qu’elle n’avait plus rien à craindre et que sa longue épreuve venait de tirer à sa fin. Elle se sentait enfin en sécurité. Elle revenait enfin chez elle, à Aigue-Royale, et elle espérait qu’elle pourrait laisser tous ses soucis derrière elle.

La jeune fille posa sa tête sur lui tandis qu’ils entraient à l’intérieur du refuge rebelle. En temps normal, elle n’aurait d’ailleurs jamais voulu qu’on la transporte ainsi, par fierté. Mais en ces circonstances, c’était l’exception qui confirme la règle. Son long voyage l’avait exténuée et la dernière bataille avec les gardes avait réussi à drainer le restant de son énergie. Elle n’avait pas le choix et ce n’était pas le temps d’écouter son égo. Et puis, c’était Matis. Elle le considérait un peu comme son grand frère et elle savait qu’avec lui, elle n’avait pas à se faire de souci. Elle ne savait pas où il comptait l’emmener, mais il était l’une des rares personnes en qui elle avait le plus confiance. Elle entendit des bruits de pas, mais attendit que les personnes entrent dans son champ de vision au lieu de tourner la tête vers eux. D’un air distrait, elle observa l’homme âgé ainsi que la femme qui s’étaient joints à eux tandis qu’elle se demandait où on l’emmenait.

Les couloirs d’Aigue défilèrent un à un sans que la jeune fille puisse replacer l’endroit où ils se dirigeaient et ils entrèrent finalement dans une petite salle. Il y avait des bandages à plusieurs endroits, quelques flacons, des outils qu’elle ne reconnaissait pas ainsi qu’une table d’opération sur laquelle elle fut déposée. Elle aurait dû le deviner qu’on l’emmenait à l’infirmerie. Il faisait bien longtemps qu’elle ne s’était pas vue dans un miroir et probablement que son état faisait peur. Mais au moins, elle était en vie. Elle accepta le verre d’eau volontiers, prenant de petites gorgées à la fois pour éviter de s’étouffer inutilement.

- M…er…ci… murmura-t-elle en rendant le récipient à Matis. Elle fit un signe de tête à Andrei en guise de salutations, ne trouvant pas la force de le saluer correctement.

À peine quelques secondes après avoir déposé sa tête sur la table, tout devint ténèbres. Luna s’était assoupie dans un sommeil profond. La petite était dans un sale état, c’est ce qu’Andrei constaterait lorsqu’il l’examinerait. Tout d’abord, il était étonnant de voir que ses vêtements tenaient toujours en place à quel point ils étaient déchirés et troués à de nombreux endroits. Seule sa cape restait dans un état exemplaire. Ensuite, ses membres étaient recouverts d’ecchymoses, d’écorchures et de coupures. Certaines blessures semblaient avoir bien cicatrisées et dataient d’un moment tandis que d’autres semblaient beaucoup plus récentes. Puis, elle démontrait définitivement des signes de déshydratation et de malnutrition. Et enfin, elle était cernée par le manque de sommeil. Physiquement, elle s’en remettrait. Certes, elle était amochée, mais elle n’avait rien de cassé et elle s’en remettrait avec du repos.

Quelques heures passèrent ainsi…

C’est dans un sursaut que Luna se réveilla. Dans cet état de panique, elle chercha aussitôt sa dague qu’elle posait habituellement près d’elle lorsqu’elle dormait. Pourquoi n’était-elle pas là?! Ce ne fut qu’une fois que son regard se posa sur Matis, qui ne dormait plus à cause d’elle, qu’elle se rappela de l'endroit où elle se trouvait et se calma.

- Allons. Allons. Tout va bien mademoiselle. Vous êtes en sécurité. Prononça le vieux Andrei, plus amusé que surpris par la scène.

Elle prit de grandes respirations afin de calmer son cœur qui battait la chamade.

- Désolée… dit-elle, baissant les yeux, gênée, pour se rendre compte que plusieurs pansements ornaient maintenant ses membres.

La jeune fille avait déjà été en meilleure forme, mais on pouvait déjà remarquer une nette amélioration comparativement aux heures précédentes. Elle posa son regard bleuté sur Matis et lui sourit. Il était encore là, encore à ses côtés et tout cela n’était pas un rêve. Il était vivant! Le survivant… Elle aurait dû se douter qu’on ne le terrasserait pas aussi facilement. Elle avait eu si peur qu’on l’ait tué! Elle l’enlaça de ses bras fragiles, le serrant de toutes ses forces.

- Matis! Tu es… J’ai cru… que… que… balbutia-t-elle, les yeux remplis d'eau. Elle avait eu tellement peur de le perdre. Elle avait tellement eu peur, point. J'ai... J'ai... dit-elle sans terminer sa phrase. Elle avait du mal à s'exprimer et elle étouffa un sanglot. Et... Et... Les... enfants? demanda-t-elle finalement.

Quand avait-elle changée? Elle qui, autrefois, ne pensait d’abord qu’à elle-même avant les autres. Jamais elle ne se serait souciée de purs inconnus de la sorte. Sans oublier que jamais l’idée de se sacrifier pour permettre à d’autres de s’en sortir ne lui serait passée par la tête.

Les heures durant lesquelles il avait laissé Luna entre les mains d’Andrei, il les mit à profils pour retourner voir les crétins qui s’en prenaient à tout le monde sans plus de raison mais aussi pour faire savoir à la « direction » que Luna Duruisseau venait de refaire surface. Il avait volontairement « oublié » d’indiquer où et dans quelle condition il l’avait trouvé pour pouvoir lui éviter un attroupement à son réveil. Il voulait aussi lui éviter toute complication inutile qui pourrait la stresser à son réveil, mais aussi pour pouvoir lui parler tranquillement et essayer de comprendre comment elle avait fini à Aigue. Mais surtout, comment elle s’était échappée de la prison de Gloria.

Alors il revint voir comment elle allait, et il ne s’étonna pas de voir qu’elle dormait toujours. Elle bougeait beaucoup, elle remuait et chuchotait dans son sommeil. Quel que soit la chose à laquelle elle pensait, ce ne devait pas être quelque chose de bien. Cela l’inquiétait, car il savait ce que cela faisait de faire des cauchemars toutes les nuits, lui-même en faisait. Certainement pas à cause des mêmes choses, mais c’était la même chose… Ou c’était tout comme. Il se plaça sur une chaise non loin de la jeune femme qui se trouvait dans un lit et sous la surveillance du médecin. Ce même médecin qui arriva vers Matis pour discuter et lui proposer une tasse de café chaud. Il n’était pas plus inquiet que ça à son égard mais il savait qu’il faudrait la garder en observation pendant un certain temps tout en évitant les choses stressantes. Quoi qu’elle ait pu vivre, cela la marquerait à jamais. Et c’était de sa faute.

Il se laissa sombrer dans le néant du sommeil l’espace d’un instant. Cet endroit qu’il avait appris à craindre malgré l’importance qu’il avait pour la morphologie humaine. Car chaque nuit il revivait tout ce qu’il avait raté dans sa vie, les batailles qu’il avait mené avec les siens et les moments passé dans le camp vampirique avec Althaïa. Voilà des années qu’il n’avait plus fait de rêve joyeux ou dont il souhaitait se souvenir, tout cela était maintenant de l’histoire ancienne car il ne voyait plus que la mort et la destruction dans ses songes.

Il se réveilla en sursaut quand il entendit la jeune femme bouger et chercher quelque chose pour se défendre. Heureusement Andrei avait les choses en main et la calma très rapidement. Elle s’excusa mais l’homme lui indiqua que ce n’était rien, et elle se tourna vers le capitaine qui la regardait calmement avec un petit sourire. Elle vint même l’enlacer, ça lui fit du bien de voir que la jeune femme allait bien, ou tout du moins qu’elle allait mieux. Entre les mains du vieux médecin, il ne faisait aucun doute qu’elle serait rapidement sur pied pour aller de nouveau botter des culs.

Elle lui parla sans finir ses phrases mais il comprit parfaitement ce qu’elle cherchait à lui dire.

Ne t’inquiète pas, ils sont maintenant avec leurs parents. Tu les as sauvé Luna, ce n’était peut-être pas le fil de korentin, mais au moins tu as permit à une famille d’être réunie.

C’est grâce à toi que l’on a pu faire tout cela tu sais. Je te dois beaucoup et je n’ai pas eu l’occasion de te remercier. Alors je te le dis maintenant Luna, merci de m’avoir sauvé. Je suis désolé de n’avoir rien pu faire pour toi et de n’avoir pu venir te chercher à Gloria…

Il soupira tristement et posa sa main sur celle de la jeune femme en poursuivant.

Mais comment as-tu fais pour t’en tirer ? Je ne devrais sans doute pas t’en parler mais tu as du faire preuve d’une sacré dose de génie et de courage pour t’en sortir. J’avais raison de penser que tu étais quelqu’un d’exceptionnel…

Luna resta un petit moment, juste comme ça, à étreindre Matis.  Elle le serrait de toutes ses forces, ce qui ne représentait pas grand chose pour l’homme qu’il était, mais sous ses doigts, elle pouvait officiellement dire qu’il était bien réel, qu’il était tangible et bien vivant.  Et cela lui faisait le plus grand bien ce contact avec quelqu’un de confiance.  Savoir qu’il était en vie la réconfortait.  Elle poussa un soupir de soulagement.  Savoir que les petits s’en étaient sortis la rassurait.  Malgré que le garçon avait été l’appât et qu’il n’était pas l’enfant de Korentin Kohan ne changeait pas le fait qu’elle était contente pour lui, et pour sa sœur, car ils ne méritaient pas d’être laissés entre les mains de ces Fanatiques du Néant. Elle n’arrivait pas à mettre un nom sur leur visage et abandonna la recherche, sa tête la faisant atrocement souffrir.  Mais c’était sans importance, si les deux gamins avaient retrouvé leurs parents, alors, elle était contente.  Sa lourde épreuve n’avait pas été en vain et cette idée la réconfortait.

Il la remerciait en plus!  Il semblait si dévasté d’avoir dû la laisser derrière, mais Luna ne lui en voulait aucunement.  Elle savait que c’était difficile à accepter pour le capitaine qu’il était, mais ça avait été sa décision à elle d’agir de la sorte à Gloria.  Les avoir abandonnés, probablement qu’elle n’aurait plus été en mesure de se regarder dans un miroir.  Certes, elle ne serait pas faite capturer de la sorte, mais en même temps, on ne pouvait pas savoir si les choses se seraient réellement passées différemment.  Probablement qu’elle n’aurait pas été capable de s’enfuir de la capitaine, piégée comme elle l’était à ce moment, et au final, ils auraient tous été capturés.  Les enfants n’auraient pas retrouvé leur parent, Matis aurait été tué puisque considéré comme une menace et elle, elle aurait passé à travers le même calvaire.  Mais sans son ami pour l’accueillir à l’entrée d’Aigue-Royale.

- Ne sois pas… désolé. Répondit-elle.  Ne… t’en veux pas, car  je… je ne t’en veux pas. dit-elle en posant sa main sur celle qu’il avait déposé sur sa joue.

Elle finit par se détacher de lui, essuya ses larmes d’un revers de sa main et s’assit dans son lit tout en ramenant ses jambes vers elle. Comment s’en était-elle sorti?  Juste à y penser, elle en avait la nausée.  Et c’était sans mentionner sa migraine grandissante.  Elle ne voulait pas en parler, taire ce moment atroce de sa vie dans un coin de son esprit, et ne plus jamais y penser.  Mais ce n’était pas aussi simple que ça à voir les cauchemars qui la tiraillaient la nuit – et le jour.

- Je… Euh. Je sais pas. murmura-t-elle faiblement.  C’était… C’était horrible.  Il faisait… trop… et je n’y voyais rien… Il faisait froid… très froid… Et très humide.  Sans parler de… Elle s’arrêta, plaqua sa main devant sa bouche pour arrêter un haut le cœur.

Elle prit une grande respiration pour se calmer et pour se changer les idées. Il valait peut-être mieux changer de sujet.  C’était encore trop récent pour pouvoir parler aisément de ses conditions de captivité et des mauvais traitements qu’elle avait subi.

- J’ai cru que j’allais mourir… Murmura-t-elle, la voix enrouée.  Tout ce que je voulais, c’était… partir et… Mais elle garda le reste de sa phrase pour elle-même.  Elle se rappelait vouloir mourir ou du moins, de désirer que tout cela cesse.  Mais on dirait bien que malgré tout, elle avait gardé cette petite lueur d’espoir qui lui faisait accrocher à l’idée qu’elle s’en sortirait et qu’elle ne pouvait pas laisser tomber les gens qui comptaient pour elle. Puis… Je sais pas comment s’est arrivé.  J’ai essayé de crocheter… crocheter la serrure.  J’ai attendu le moment idéal…

Elle prit une pause pour se calmer un peu et enfouit son visage dans ses mains.

- Et… Et je me suis enfuie… J’avais peur qu’ils me rattrapent…  Je me suis cachée. J’étais perdue. Je savais pas où j’étais.  Et j’avais mal partout.  J’ai utilisé la… magie… pour me soigner comme j’ai pu. Le souci avec la magie de guérison c’est que ça prend ta propre force vitale afin de refermer les plaies.  Or, cela signifie s’affaiblir pour soigner et en auto-guérison, l’équilibre entre soigner ses maux pour redevenir fonctionnel et ne pas trop exagérer au point d’en devenir non-fonctionnel, voire mort, était particulièrement important.  La balance était cruciale.  Je sais pas… comment j’ai fait… pour survivre et arriver jusqu’ici…  J’avais plus assez de force… pour… faire de la magie efficacement… Et j’avais pas mon arc pour chasser… Poursuivit-elle.  

Heureusement que la gamine connaissait quelques techniques de survie comme allumer un feu à la main, fabriquer des pièges, trouver de la nourriture comestible et chasser même sans arc sinon elle ne serait probablement plus de ce monde.

- J’étais perdue… Mais j’ai réalisé où j’étais quand… quand… j’ai croisé…Tu te rappelles? Elle leva les yeux vers Matis. Cet animal gris-vert.  Celui… que j’avais foudroyé?  Il y en avait… là où j’étais… J’ai failli me faire arracher... une jambe à cause d’un.

Elle désigna sa jambe droite par la même occasion.  Pitoyable.  Son état était pitoyable.  Mais au moins, elle était en vie.

Elle était là, devant lui après avoir passée tant d’épreuve et réalisée tant de sacrifice et elle lui disait qu’elle ne lui en voulait pas et qu’elle lui pardonnait ? Il ne savait pas quoi dire devant tant de mansuétude, il ne savait pas quoi dire devant la faiblesse claire de la jeune femme. Il comprenait ce qu’elle lui disait, il avait lui-même vécu chaque étape de ce long calvaire, certes comparaisons n’est pas raison, mais ils avaient vécu la même épreuve. Les bourreaux en étaient différents, les circonstances l’étaient tout autant, mais la blessure ouverte ne se refermerait jamais. Elle voulait parler, il le sentait au fond de lui-même, elle avait envie d’externaliser toute cette souffrance mais s’était encore bien trop tôt pour cela. Il n’était pas sûr qu’elle pourrait en parler avant quelques temps, Matis lui-même avait mis des années pour parler de ce qu’il avait vécu dans le camp des vampires. Alors il ne tenait pas à la brusquer, il ne voulait pas la forcer à repenser à tout ce qu’elle avait subi dans les geôles de leurs ennemis. C’était bien au-delà des forces de la jeune femme, c’était bien au-delà des forces d’une bonne partie du commun des mortels.

Alors il la prit dans ses bras comme jamais il ne l’avait fait avant, pour lui montrer qu’il était là, qu’il la soutiendrait et que jamais plus il ne la laisserait subir ce qu’elle avait subi par sa faute. Elle voulait montrer sa force en essayant de rester sereine, elle essayait sans doute de dire tout ce qu’elle savait de son calvaire et tout ce qui pouvait aider le jeune homme… Mais cela restait quand même bien au-dessus de ses forces, et il savait à quel point s’eut été difficile, il avait vécu tout cela. Et il le revivait en assistant à cela. Alors, tout en la tenant contre lui il lui parla d’une voix douce, relâchant peu à peu son étreinte sur elle.

Oui, je m’en souviens, je me souviens surtout que tu m’avais sauvé la vie ce jour là ma belle. Je sais à quel point c’est dur pour toi, et je ne vais pas te forcer à te souvenir de tout ce que tu as subi durant ce trop long séjour à Gloria. Il se recula un peu et se posa sur un meuble non loin. Croisant les bras il l’observait d’un regard protecteur. J’ai vécu ce que tu vis en ce moment et ce que tu as vécu, mais j’avais l’avantage d’avoir été préparé à cela. C’était faux, car rien ne pouvait vous préparer à la torture. Et je sais a quel point c’est difficile pour toi de revenir ici, de me parler de tout cela. Ton état… Ce que tu as subi me donne en vie d’exterminer la vermine qui t’a mise dans cette situation.

S’il avait effectivement besoin d’une raison de plus pour réaliser tout cela, il l’avait en la personne de Luna. Mais il n’avait pas besoin de cela, il était bien au-delà de cela, surtout avec les temps qui couraient. Et avec l’ennemi qui se trouvait presque à Aigue, il aurait un moyen d’extérioriser toute cette haine. Mais il s’en voudrait toujours. Et ça, aucun combat ne pourrait le défaire de tout cela.


Ce qu’il t’on fait était monstrueux, et ils payeront pour tout cela. Mais tu es encore en vie, et tu es jeune. Tu as encore toute la vie devant toi, et je veux faire en sorte que tout cela ne soit pas en vain.

Tu vivra Luna, et tu fera le plus beau pied de nez à nos ennemis en les renvoyant à leur monstruosité en restant toi-même. Je sais que ce sera loin d’être facile, mais il faudra que tu te reconstruises comme je l’ai fait. Et malgré le fait que je n’ai pas été à la hauteur, sache que je serais là pour t’aider dans ce travail et dans cette quête.

Il observait la jeune femme et se rapprocha une nouvelle fois d’elle, se trouvant au bord du lit de celle-ci. Il attrapa sa main et la serra fort en l’observant. Oui, il devait l’aider à aller de l’avant, à essayer de tourner une page de sa vie qui l’avait marqué au fer rouge. Ce travail prendrait du temps, mais il n’avait aucun doute sur la capacité de la jeune femme à vaincre. Si cette épreuve l’avait marqué et avait atteint son être le plus profond il fallait faire en sorte que cet expérience ne tourne pas plus mal qu’à présent. La haine ne devait pas envahir son cœur, mais il devait aussi rester imperméable à la peur qui la saisissait en ce moment même. Il savait ce combat difficile car elle devrait évoluer sur un fil entre ses émotions tout en gardant le contrôle d’elle-même. Mais elle n’était pas seule, et ça, ça changeait tout.

Tu n’es pas seule Luna, et je t’aiderais à aller de l’avant, de même que tes amis, que nos amis. Ce ne sera pas simple mais tu ne dois pas abandonner ma belle, tu verras qu’un jour tu te souviendrais de ce moment comme de celui où tu auras vaincu notre ennemi de la plus belle des manières.

Tu es forte, et je sais que tu t’en sortira. Je resterais pour m’en assurer, et être enfin à la hauteur.

- Merci Matis. Prononça la gamine. Je suis contente d'être tombée sur toi...

Parler de sa capture et de son voyage jusqu’à Aigue-Royale avait été difficile pour la petite, mais elle se sentait mieux depuis qu’elle avait partagé avec quelqu’un ce qu’elle avait vécu. Certes, il manquait beaucoup de détails puisqu’elle n’était pas capable d’y penser trop longuement et il y avait des choses qu’elle n’était toujours pas capable d’aborder, mais c’était déjà un bon début. La présence de Matis était rassurante et c’était ce qui l’aidait le plus. Elle appréciait savoir qu’il était là pour elle et qu’elle pouvait compter sur lui. On le surnommait « Le Survivant » parce qu’il avait été capturé et torturé dans son passé. Bien que dans des circonstances complètement différentes, ce qu’elle venait de vivre ressemblait énormément à ce qu’il avait vécu. Elle avait donc la preuve vivante devant ses yeux que l’on pouvait s’en sortir, passer à travers cette lourde épreuve pour n’en devenir que plus fort. Y arriverait-elle également? Elle avait du mal à se l’imaginer tant ses idées étaient sombres et que son corps tout entier la faisait souffrir. Mais elle essayerait. Non, elle réussirait et peut-être deviendra-t-elle à son tour une Survivante?

- Je n’abandonnerai pas. dit-elle.

Elle esquissa un faible sourire, ses paroles ayant réussi à la rassurer. Elle trouvait toutefois drôle qu’il mentionne que ses amis allaient l’aider. Parlait-il des rebelles en général? Car malgré le fait qu’ils étaient tous liés par l’anneau de résistance, elle ne les considérait pas pour autant comme des amis, des gens auxquels elle pouvait faire un peu plus confiance, mais pas bien plus. Elle ferma les yeux un moment afin de faire la liste des gens qu’elle considérait comme étant ses amis. Ombre, bien sûr, il y avait Ombre. Et Matis évidemment. Probablement les deux personnes en qui elle avait le plus confiance au monde. Ensuite, qui d’autre pouvait-elle ajouter à la liste? Dans une moindre mesure, il y avait Ninna, Amyelenor, Korentin, Auphélie, Autone… Et les jumelles!

- Oh! Tes sœurs! Elles… Elles deviennent quoi…? Elles vont bien…? S’enquit-elle.

Les deux sœurs de Matis, Yolande et Satie, étaient deux jeunes femmes que Luna appréciaient énormément. Mais voilà plusieurs mois qu’elle n’avait pas été à Aigue-Royale et qu’elle n’avait eu aucune nouvelle des jumelles. Aux dernières nouvelles, ce qui datait quand même du début du printemps, elles étaient toujours à la cour des nobles à essayer de se faire « placer » favorablement par leur mère. Avait-elle réussi? Toutefois, Satie entretenait une relation secrète avec un fils de forgeron. Est-ce que sa mère avait fini par le découvrir, si ce couple tenait toujours bien sûr? Se trouvaient-elles encore dans le repère des rebelles? Luna se demandait bien ce qu’elles étaient devenues et leur grand frère était probablement la personne toute indiquée pour la renseigner.

Une question n’attendait pas l’autre. Maintenant qu’elle se sentait mieux, elle était en mesure de réfléchir et son esprit la bombardait de questionnements.

- Et… Et… Mais… Qu’est-ce qu’ils avaient les gardes…? Je sais bien que… que je ressemble à rien et qu’il peut être dur de me reconnaître… Mais jamais je ne les ai vu aussi… comment dire… aussi déchaîné.

Plusieurs facteurs n’aidaient pas. Elle était méconnaissable comme Protégée de Korentin. Elle n’avait pas été en mesure de leur montrer son anneau. Et elle-même, elle reconnaissait qu’elle n’avait pas été à la situation, maintenant qu’elle pouvait y repenser plus calmement. Elle s’était sentie aussitôt agressée, menacée, et elle avait pris peur. Mais en temps normal, les gardes avaient toujours été plus calmes. Est-ce que quelque chose se tramait à Aigue-Royale?

Il savait, uniquement en la regardant, qu’elle n’abandonnerait pas. Il sentait, au fond de lui, qu’elle n’était pas à ses premières aventures et qu’elle vivrait d’autres périodes difficiles. Mais, et il fallait le reconnaitre, que ce n’était pas du gâteau ce qu’elle avait vécu et que bien peu aurait tenu le choc. Il était déjà impressionné des pouvoirs de la jeune femme et de sa force de caractère, une fois de plus il devait avouer être impressionné par sa façon d‘être. Elle était d’une remarquable simplicité et d’une force de caractère forte et tenace, il était fier d’elle et fier de la compter parmi ses amies. Et content aussi de savoir que cela valait aussi dans l’autre sens. Avoir pareille ami avait quelque chose de rassurant par les temps qui couraient. Cela lui rappelait qu’il n’était pas qu’un soldat, qu’il était aussi humain et que l’amitié et la fraternité continuait de tenir un rôle très important dans sa vie et sa façon d’être.

Il attrapa sa main et la serra très fort entre les siennes en la regardant droit dans la profondeur de ses yeux.

Je sais que tu n’abandonneras pas, et comme quand tu m’as appris la magie, je t’aiderais à t’en sortir et à aller de l’avant. Je ferais ce qu’il faut pour cela.

D’ailleurs à ce propos, sache que j’ai fait d’énorme progrès en magie, et ça c’est uniquement grâce à toi. Je suis fier de t’avoir comme professeure sur cette chose là, car cela m’a aidé à de très nombreuses reprises. Encore une raison de te remercier Luna.

Et quand elle lui parla de ses deux sœurs, il ne put s’empêcher un petit sourire pour la jeune femme. Il savait à quel point elle tenait à elles, tout comme l’inverse était vrai. Combien ne l’avaient elles pas enguirlandé d’avoir laissé la jeune femme en arrière. Combien de fois n’avaient elles pas fait des pieds et des mains pour obtenir de plus amples informations et mettre en place une opération pour aller la sauver. Quitte à la mener elles-mêmes. Alors il ne put se retenir de lui donner de plus ample information, car ce qu’elle voulait savoir c’était l’évolution de la vie des jeunes femmes depuis leurs dernières rencontres. Rencontres qui remontaient à plusieurs mois.

Oui, elles vont très bien. Elles étaient en colère quand elle appris pour toi, et au début elles s’en sont pris à moi, tu les connais, tu sais très bien comment elles sont. Pour tout te dire, elles ont même voulues monter une opération pour aller te chercher, faut pas se faire d’illusion, on a bien le même sang dans les veines.

Pour ce qui est du reste, je n’ai pas pu passer beaucoup de temps avec elles. Elles ont, de même que beaucoup de gens qui vivaient ici, été évacué vers les zones les plus reculées d’Aigue. Mais j’ai pu glaner quelles informations. Satie est toujours en pleine romance avec son forgeron, forgeron qui a quitté ses fonctions pour s’engager dans les unités actives. Pour ne rien te cacher, il est maintenant sous mes ordres, ça me permet de le connaitre un peu plus et de le pousser à bout. Histoire de voir de quel bois il est fait. Quant à savoir si un officier a pu, à un moment donné, faire pression pour l’avoir sous ses ordres et le garder à l’œil, ce ne sont que simple supposions. Il lui fit un clin d’œil avant de poursuivre. Quand à Yolande, disons que sa mère a réussie à lui trouver un « bon » parti comme elle dit. Je ne sais pas qui c’est, mais il est de la haute, une famille proche de Korentin Kohan à ce qu’il parait. Peut être même un membre des Kohan, pour tout te dire elle ne me la pas dit. Sans doute avait elle peur que je flanche tout en l’air.

Et par les ancêtres et les esprits, elle aurait sacrément raison ! Mais ma sœur, m’a fortement déconseillé de faire cela. Elle m’a dit que c’était un bon garçon, et faire plaisir à sa mère pour « assurer » l’avenir de notre famille était sa priorité.

Il se tut un instant avant de poursuivre en étant bien plus triste dans son regard.

En même temps je la comprend, elle est la seule à pouvoir « sauver » la « noblesse » de notre famille. Satie ne compte pas suivre cette voie, mon frère est devenu un convertit Alayien et moi-même ne suit pas marié à trente et un ans. Ma belle-mère a de quoi s’arracher les cheveux…

Oui, j’ai retrouvé mon frère, et pour tout te dire j’aurais préféré qu’il soit mort. Il est maintenant un Alayien convaincu, sa marque est visible et il a essayé de me tuer sur le champ de bataille… Pour tout te dire, j’ai failli le tuer, et s’il n’avait pas été seul je l’aurais tué.
La guerre nous pousse à faire des choses horribles tu sais… Elle change les hommes plus qu’eux même n’oseraient l’avouer, et qu’est ce qu’il va nous rester au final ? Rien.

Il écouta sa dernière question, et il secoua tristement la tête en lui répondant.

Les gardes sont sur les nerfs parce que l’ennemi approche d’Aigue. Notre position a été dénoncée par celui que je croyais être un ami. Alford Gorder nous a dénoncé à Fabius et tiens maintenant la place de bourreau impérial… Cet ami, comme mon frère, m’a trahit… Et je les tuerais pour cela… Tout comme je traquerais le prêcheur pour te venger… Je te dois bien cela ma belle…

Cela lui paraissait si étrange : Matis la remerciait à nouveau. Luna sourit, touchée par ses paroles. Elle était contente de l’avoir aidé à progresser de ce côté, car elle aimait particulièrement la magie et trouvait que celle-ci était des plus utiles peu importe la situation. Elle se demanda ce que le capitaine était en mesure de faire maintenant. La dernière fois, elle lui avait montré comment faire des flammèches avec ses doigts et elle l’avait encouragé à s’entraîner avec le sort de télékinésie, l’incitant à augmenter graduellement le poids des objets qu’il bougerait par la force de la pensée. Était-il en mesure de faire autre chose? C’était plus fort qu’elle, elle analysait les différents sorts qu’elle connaissait afin de sélectionner le prochain qu’elle lui montrerait jusqu’à ce que ces mots « La magie est source de souffrance » résonnent dans son esprit. La peur la saisit et elle serra la main de son ami dans la sienne. Le Monstre… Il était partout. Elle le ressentait dans sa chair, sa présence la hantait et elle n’arrivait même plus à être seule avec ses pensées.

Quelques grandes respirations lui permirent de se calmer et de se rassurer. Tout allait bien. Elle était en sécurité. Elle s’inquiétait pour rien. De quoi parlaient-ils déjà? Ah oui! De progrès en magie, ce qui lui fit penser qu’elle n’avait pas progressé à l’épée. Disons qu’elle avait une bonne excuse, non?

- J’ai… J’ai perdu… l’épée que tu… m’avais donnée. Dit-elle tristement.

Ça et beaucoup d’autres choses. Mais c’était un cadeau qu’on lui avait offert et comme tous dons, c’était quelque chose qu’elle tenait à cœur. C’était saugrenu comme façon de penser puisque ce n’était qu’un morceau de métal, mais pour Luna, ce n’était pas n’importe quel bout de métal, mais l’épée que lui avait donnée Matis. Elle valait bien plus!

Luna imagina parfaitement la scène que lui décrivait Matis concernant ses deux sœurs et elle fut touchée de savoir qu’elles auraient tout fait pour la retrouver. C’est ce qu’elle-même aurait fait si elles avaient été prises dans une mauvaise situation. Mais heureusement, elles n’avaient rien fait. Qu’auraient-elles pu faire? Rien. Si ce n’est que de se mettre davantage dans le trouble. Pauvre Matis. Elles ne devaient pas l’avoir lâché et elles devaient tellement avoir mis tout cela sur son dos. Elles avaient été évacuées…? Luna ne comprenait pas encore pourquoi, mais elle se jura qu’elle irait prendre de leurs nouvelles en personne et leur faire la surprise de sa présence. Elle était contente de savoir que Satie était toujours avec son fils de forgeron, mais avait plus de mal à saisir Yolande dans ses choix. Elle comprenait tout le stress que celle-ci pouvait avoir sur ses épaules, mais était-ce vraiment ce qu'elle désirait?

Le ton de la conversation changea. Ainsi, son frère disparu était passé chez l’ennemi? Mais qu’est-ce qu’il lui était passé par la tête? Elle ne comprenait pas les gens du Néant et leur fanatisme. Il n’existait que le dégoût envers ces individus. La jeune fille resta bien silencieuse, mais elle serra la main de l’homme, en guise de réponse puisqu’elle ne trouvait pas de mots. Elle imaginait mal comment faire face à une telle nouvelle, savoir qu’un membre de sa famille était devenu du jour au lendemain ennemi. De son côté, elle était plutôt « chanceuse » parce qu’elle n’en avait plus. Mais elle avait du mal à concevoir ce qu’elle ferait si, par exemple, Saemon devenait son ennemi. Serait-elle en mesure de le tuer? Cette idée lui paraissait que trop invraisemblable.

- QUOI?! S’était-elle écriée tout d’un coup, apprenant que l’ennemi approchait.

La petite avait ramené sa main contre son cœur qui s’était mis à battre la chamade. Elle était sous le choc de la nouvelle. Elle qui croyait être enfin en sécurité dans le repère caché des rebelles, elle s’était trompée à nouveau. Mais comment cela avait-il pu se produire?

- Non… Non… Non! C’est pas vrai. Ça se peut pas. Ajouta-t-elle.

Elle enfouit son visage dans ses mains. Elle avait la nausée juste à l’idée que le Monstre et ses sbires approchaient à grands pas. Aigue-Royale était sensée être l’endroit le plus sûr qui soit. Résisterait-elle si la guerre éclatait? Un sentiment de rage et de dégoût grandissait contre cet Alford Gorder qu’elle ne connaissait pas.

- Mais… Mais… Mais…? Balbutia-t-elle. Elle prit une respiration. Il fallait qu’elle se calme. Mais… Pourquoi? Pourquoi… il a fait ça? Poursuivit-elle. Mais… Qu’est-ce… Qu’est-ce qu’on va faire… ?

C'était une horrible nouvelle, à un point tel que la jeune fille tremblait à nouveau.

La jeune luna semblait encore sous l’emprise de sa peur du Prêcheur, et il pouvait comprendre pourquoi. Matis la considérait comme une adulte pour ne pas la dévaloriser, mais il n’en restait pas moins qu’elle était encore une enfant… Il lui était des choses à son âge que pas grand monde aurait supporté, le capitaine pouvait sans doute s’y compter dedans. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’un enfant ne pouvait pas endure pareille lutte, combat pour finir en prison sans doute torturé ou les esprits savaient quoi d’autre à cet âge là. Ce n’était pas naturel. Et pour cela, parce que c’était en partie sa faute, pour ne pas dire entièrement sa faute, il s’en voudrait à jamais. Il ne finirait jamais de payer sa dette à la jeune femme. Il la vit essayer de se calmer, avait elle pensée à ce qu’elle avait vécu ? Il n’en faisait aucun doute, que faire pour qu’elle pense à autre chose ? Le capitaine avait eu une idée en l’entendant parler de l’épée qu’elle avait soit disant perdue. Soit disant, car c’était Matis qui l’avait récupéré en plus de ses affaires lorsqu’il avait extrait les deux enfants de leur mauvais pas. Il sourit doucement à la jeune femme et posa sa main sur son épaule en secouant la tête.

Ne t’inquiète pas ma belle, je me suis permis de récupéré tes affaires avant de fuir Gloria. Je ne pouvais les laisser là bas alors qu’il y avait tellement de chose aux quel tu devais tenir. Je n’ai pas pris sur moi de l’ouvrir pour vérifier que tout y était, mais je pense que cela devrait être bon. Regarde.

*[télékinésie]* Il leva la paume et tendit la main vers un sac se trouvant à l’autre bout de la toute petite pièce. Le sac se souleva tout doucement en lévitant de quelques centimètres au dessus de l’affreuse commode sur laquelle elle se trouvait. Il entreprit alors de la faire venir jusqu’ici et de tenter de le poser sur le lit de la jeune femme. Il voulait là lui montrer qu’il avait bien retenu la leçon qu’elle lui avait dispensée tellement de temps avant cela. Mais, même s’il avait du mal et que cela lui coutait beaucoup d’énergie il arrivait à le faire venir jusqu’à la jeune femme. Le capitaine avait ça de bien qu’il ne cessait de s’entrainer qu’au moment où il maitrisait la chose, et alors il continuait de s’entrainer jusqu’à la maitriser complètement. Du coup le sac arriva assez rapidement au niveau de la jeune femme et il le laissa tomber doucement devant celle-ci.

Bon cela me coûte pas mal d’énergie mais j’avoue être assez fier de moi quand je peux te montrer cela. Car c’est entièrement à toi que je le dois, c’est toi qui m’a montrer comment faire. Depuis je m’entrainer et un jour sans doute que je te battrait à ton propre art qui sait ? Il sourit à la jeune femme en reprenant son souffle et lui montra le sac du menton. Va y Luna, regarde si tout ce que tu avais mis y est, ainsi l’on sera sûr que j’ai pas trop mal fait ma garde.

Mais ce qui marqua le jeune homme ce fut sa réaction lorsqu’il lui apprit que l’ennemi approchait. Pour tout dire il la comprenait, il avait eu presque la même, mais il avait pensé qu’elle serait au courant… Qu’elle ne le soit pas voulait dire qu’elle avait dû errer dans une sorte d’état second entre Gloria et ici. Parce que personne n’ignorait ce qu’il se passait et ce qui allait se dérouler autour de la « capitale » Rebelle, personne ne le pouvait car elle allait être le lieu d’un terrible combat pour la survie d’une cause et de ses partisans. Elle voulait rejeter la réalité, elle voulait que tout ceci ne soit qu’un affreux cauchemar, hélas, il n’en était rien. C’était là la seule vérité qu’il connaissait et elle n’était pas du tout reluisante pour eux. Est-ce qu’il avait peur ? Oui, bien sûr que oui. Il ne fallait pas craindre d’avoir peur, seul les imbéciles disent ne pas avoir peur. Il fallait l’user bon escient et faire en sorte qu’elle serve de bonne conseillère. Mais dans les yeux de la jeune femme s’était bien plus que de la peur, cela allait bien au-delà, c’était de la terreur, la terreur la plus simple et la plus affreuse qu’il avait pu voir.

Il vint se rasseoir sur le lit à ses côtés et la pris dans ses bras comme pour la protéger de ses propres terreurs. La jeune femme tremblait de tout son corps, elle essayait de se calmer mais c’était encore loin d’être le cas. Elle avait clairement peur, il ne fallait pas être un génie pour le comprendre.

Ne t’en fait pas Luna, l’ennemi approche peut être mais on le battra ici. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu ne revive plus jamais ça, et je ne suis pas le seul dans ce cas. Nous nous battrons tous pour nos amis, nos familles, nos vies et nos rêves. C’est sans doute utopique ce que je dis, mais on les battra ma belle, tu verras.

Quant à savoir pourquoi il a trahit et dévoilé notre position… Je ne sais pas. J’ai combattu à ses côtés durant de nombreuses batailles, je pensais pouvoir le traiter en amis. Sans doute me suis-je tromper. Mais quand je mettrais la main sur lui, je vais le faire parler pour qu’il m’explique, et après je le tuerais sans doute. Tout ceci n’est peut être pas entièrement sa faute, mais il a une bonne part de responsabilité et il payera.. Tout comme le prêcheur payera pour ce qu’il t’a fait subir… Je t’en fais le serment.

La surprise avait teinté le regard de Luna lorsque Matis avait fait bouger un sac grâce à la magie et elle fut d’autant plus étonnée lorsqu’elle réalisa qu’il s’agissait de son sac magique. Jamais elle n’avait cru le retrouver. Elle se rappelait l’avoir caché à quelque part près de Gloria, avec la quasi-certitude que quelqu’un avait mis la main dessus et qu’elle ne le reverrais plus. Mais cette dite personne, c’était Matis! En prenant ses biens, il avait ramassé les siens en même temps! D’un geste empressé, elle s’empara du sac et y jeta un coup d’œil à l’intérieur. Mélodie y était toujours, de même que ses flèches, son armure et ses objets magiques. Tout y était… Y compris l’épée que lui avait donnée le Capitaine! Elle leva un regard reconnaissant envers son ami tandis qu’elle serrait en même temps son sac contre elle. Ce n’était que des biens matériels, mais c’était ses objets à elle et elle y tenait. Elle était si contente de les retrouver! Elle aurait voulu remercier Matis correctement, mais les mots ne voulaient pas sortir de sa gorge. Elle acquiesça donc simplement d’un signe de tête, souriant, afin de lui dire que tout y était.

La joie s’était rapidement dissipée à l’annonce des armées impériales et du Néant qui approchaient à grands pas d’Aigue-Royale. C’était une horrible nouvelle pour Luna. Elle avait été coupé du monde pendant un moment et arrivant de l’Est, cette nouvelle lui avait échappée. L’endroit qu’elle considérait comme son refuge allait bientôt devenir un champ de bataille et c’est idée la rebutait. Pire… Le Monstre approchait. Un frisson lui parcourut l’échine et elle eut la nausée. La peur la saisissait. Malgré les mots encourageants de Matis, elle n’était pas plus convaincue que les rebelles les repousseraient. Elle avait vu le Prêcheur agir et il n’y avait rien d’humain chez lui. Et ce, sans prendre en considération l’armement de verre noir des ennemis qui bloquait la magie et qui pouvait terrasser n’importe quelle créature magique. Elle ne comprenait pas pourquoi cet Alford Gorder les avait dénoncés, mais une haine profonde à son égard se créait en son cœur. Mais peu importe, le mal était fait et les ennemis seraient là…

Toujours tremblante, la gamine s’accrocha à l’homme et se blottit contre lui. Elle le serra fort, très fort, et cela dura un long moment. Elle ne voulait pas se détacher, ayant trop peur qu’il ne disparaisse si elle le lâche. Ayant trop peur, point.

- Matis… ? La voix de la gamine s’éleva dans la salle, toute petite. Il eut après une longue pause et elle poursuivit, presque dans un murmure. Ne meurs pas… Jamais.

[ Désolée de t'avoir fait patienter ^^" Donc, je comptais conclure comme ça de mon côté. Si tu ne comptais pas y répondre, envoie-moi un MP pour que je l'ajoute à la chrono et tout ^^ ]

La jeune femme était adorable, et ce qui lui était arrivé n'aurait jamais du se produire, quoi qu'on en pense, quoi qu'on en dise. Elle n'aurait jamais du vivre ce qu'elle avait dû endurer. Elle était si gentille et douce; adorable et pleine de vie. De la voir ainsi.. C'était déprimant et énervant pour la suite. Cela lui donnait une raison de plus pour se battre, comme s'il lui fallait une de plus d'ailleurs.. Mais bon c'était toujours une raison de plus pour en vouloir à tout ceux qui lui avait fait du mal et qui continuerait à leur en faire. Il n'avait pas de mot pour signifier sa colère et sa haine envers celui ou ceux qui lui avait fait subir cela. Et un nom revenait toujours en boucle dans sa tête. Le prêcheur, il savait que c'était lui qui avait fait cela, lui qui avait permit que toute cette horreur ne s’abatte sur la jeune femme. Et ce serait à lui de rendre des comptes.

Mais pour le moment il observait la jeune Luna qui redécouvrait ses objets. Il avait bien fait de les prendre quand il s'était enfui de Gloria, car la voir de la sorte... Disons que ça valait tout le mal qu'il s'était donné pour en arriver là. Dire que lui avait si peu subit comparé à elle... Mais il ne pouvait pas toujours revenir dessus, il fallait qu'il passe à autre chose et qu'il l'aide à faire de même. Et pour ça, il n'aurait aucun mal, il avait toujours été là pour elle, il continuerait à l'être. On ne pouvait pas dire qu'elle était comme un compagne, c'était plutôt sa troisième petite soeur. Mais jamais il ne lui dirais ou lui présenterais la chose sous cet angle, elle le prendrait mal sans doute.

Quand elle vint le prendre dans ses bras et lui dire de ne pas mourir, il ne sut quoi répondre tout de suite. Tout ce qu'il fit c'est de lui ébouriffer, une nouvelle fois, les cheveux et sécher ses larmes avec un morceau de tissu. Il lui souriait, comme pour lui dire de ne pas s'en faire. Il avait survécu jusque là et c'est sans problème qu'il s'en sortira. Peut être pas indemne, mais au moins il restera en vie. Après tout il lui avait fait une promesse non ?

Ne t'en fais pas Luna, je m'en sortirais vivant, comme toujours. J'ai encore beaucoup à apprendre de toi et inversement. Je t'aiderais à t'en sortir, et je ne pourrais le faire qu'en restant en vie. Alors ce sera mon principal objectif pour la bataille qui arrive.

Et puis, on ne m'appelle pas le survivant pour rien tu sais. J'espère mériter ce titre.

Quoi qu'il en soit, ne t'en fais pas. On se retrouve dans quelques jours, je voudrais te montrer quelque chose, mais ça attendra la fin de la bataille. Et ce n'est pas négociable.

Prend soin de toi en attendant, je repasserais quand je le pourrais.

C'est ainsi qu'il la quitta, espérant ne plus jamais la revoir pleurer et souffrir. Il ferait tout pour en tout cas. Elle était sous sa protection en même temps. Et il l'aiderait de son mieux.