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| Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Jeu 25 Sep 2014 - 0:59 | |
| Première quinzaine de mars
Sa dernière entrevue avec un certain Prince des plus sombres avait tourné bien étrangement. Si violence physique n'avait pas été au rendez-vous, il devait avouer avoir été particulièrement blessé en son esprit, et en son âme. Bien plus profondément qu'il avait pu être blessé à leurs autres rencontres. Ledit prince avait concédé lui donner quelques leçons de savoir vivre vampirique... et ces leçons avaient fini de lézarder la frêle confiance en lui qu'il avait pu conserver.
Car oui, il avait beau se parer d'arrogance et de fierté démesurée, il ne manquait pas moins cruellement de confiance et d'assurance. Il doutait, doutait sans cesse, et plus encore que son crépuscule avançait inexorablement vers un sinistre hiver. Après des siècles d'existence, des siècles de connaissance et de savoir, même malgré sa magie pourtant puissante, même malgré sa force léonique, il doutait, et doutait encore. Mille questions le taraudaient, et plus il trouvait de réponses, plus les questions se multipliaient, semant le doute en son âme torturée. Il se sentait soudain perdu, son chemin s'effaçant devant lui, la lumière s'éteignant dans sa nuit, et ses pas ne laissant plus aucune trace, dans son sillage las. Nul retour arrière possible, mais nulle avancée non plus ne lui semblait permis. Il ne pouvait toutefois rester ainsi, à s'enliser dans ce doute honni, marécage de son fol esprit.
Les leçons assenées avaient été dures, âpres, venimeuses, et pire encore. Il s'était senti tel un misérable insecte qu'il fallait au mieux écarter, au pire écraser si l'insecte persistait dans son opiniâtre idée de venir titiller les grands de ce monde. Et là nul doute que le prince noir le considérait effectivement comme un méprisable vermiceau indigne de son attention. Certes, il avait vécu pire, bien pire. Mais la gangrène qui le rongeait depuis si longtemps, depuis toutes ses années d'errance, depuis son bannissement, depuis son crime... ou pire, peut-être même depuis son existence tout simplement... cette gangrène semblait prendre son apogée dans cette ultime remise en question. Dans cet ultime revers du destin qui se jouait de lui en semant doute et confusion, aussi bien dans ses convictions qui prenaient peu à peu d'autres teintes, d'autres nuances, plus carmines et bien plus sombres, que dans son âme et son corps, son coeur même, traitre qu'il était.
Oui traitre coeur qui avait choisi soudain de battre plus vivement au son d'une voix insoupçonnée. Une voix millénaire. Qui l'aurait cru ? Il l'avait déjà pressenti, dès son arrivée, dès leurs retrouvailles... mais il n'aurait jamais pensé...
Non, ne pas y penser justement. Ne pas y penser.
Ne pas s'enliser. Non, il ne pouvait s'enliser. Il lui fallait agir, réagir, au risque de se perdre. Son digne millénaire le lui avait bien fait comprendre, lui ouvrant d'ailleurs certaines voies dont il n'aurait jamais soupçonné l'existence. Ou plutôt qu'il n'aurait jamais osé imaginer. Oui... Peut-être devait-il suivre ces voies qui s'éclairaient vaguement devant lui. Oui, peut-être...
Et les suivre pourrait commencer par faire amende honorable. Preuve de bonne volonté... Au point où il en était. C'était cela ou périr dans un marécage d'incertitudes et de honte, se noyer dans cette mer d'amères sentiments et de sensations d'inachevé. Oui, autant tenter de suivre ses voies-là.
Se laissant guider par ses pensées et cette nouvelle détermination vacillante, le vieil elfe se retrouva ainsi sur le chemin de Fort Espérance, en quête du lieu où nichait un certain serpent. En temps ordinaire, il en aurait profité pour détailler ce qui l'entourait, pour étudier savamment ces énièmes constructions humaines, et pour engranger de nouvelles données et connaissances... mais il n'était plus en temps ordinaire. Son esprit était ailleurs. Et c'est d'un regard vague qu'il parvint à sa destination. Il dut argumenter copieusement pour que les gardes vampires daignent aller porter sa requête au prince noir. Et alors que désespoir commençait à le gagner, et surtout après une interminable attente qui mettait à rude épreuve sa patience déjà bien maigre, il obtint gain de cause. S'il s'était attendu à être invité, convoqué plutôt, à revenir plus tard, plusieurs jours plus tard, il fut rapidement détrompé, quand un "tout de suite" résonna à ses oreilles.
Le vieux lion marqua un temps d'hésitation, qui exaspéra davantage encore son interlocuteur, avant d'enfin réagir. Et de s'empresser de le suivre d'un pas faussement assuré et d'un air se voulant altier. Un air qu'il ravala bien vite toutefois quand son regard se porta sur la silhouette qui l'attendait sombrement au fond de la pièce... dans laquelle on venait de le laisser seul avec le prince. Après un rapide regard en arrière, s'assurant qu'effectivement aucune autre ombre traitre ne rôdait, l'elfe se décida à avancer.
Il esquissait tout juste les premiers gestes du salut cérémonial elfique... quand il se retint à temps de le finir. Les vieilles habitudes avaient la vie dure, se morigéna-t-il. Mais il n'était nul besoin de titiller la mauvaise humeur du serpent, lui qui détestait les elfes et tout ce qui s'y rapportait.
- Prince, salua-t-il alors sobrement, sa voix parvenant à se teinter de quelques accents de respect. Je vous remercie de m'avoir accordé cette entrevue, qui, j'en suis sûr, ne vous est pourtant aucunement agréable. Mais je tenais...
Il dut se racler la gorge, se forçant à garder un air digne, alors qu'il s'apprêtait à écorcher vif son orgueil. Mais il se devait d'en passer par là. Il avait fauté envers un prince. Si faute envers un vampire lui importait peu, du moins du temps où ses convictions d'elfes le guidaient, les offenses envers un prince, ou quiconque portant le titre de régnant, même d'un autre peuple, ne pouvaient être laissées irréparées. Cela ne seyait guère à ses propres valeurs. Cela ne seyait guère à la bienséance qu'il chérissait tant.
- Je tenais à vous présenter mes humbles excuses. Et je vous prie de me laisser aller jusqu'au bout prince, fit-il, tout en demandant le silence d'un geste de main.
Ce geste si péremptoire, si impérial, ce geste de commandement dont il avait tant l'habitude. Un geste qu'il s'empressa d'achever, rabattant rapidement sa main, en songeant, mortifié, à la nouvelle insulte qui pourrait être perçue par là même. A croire qu'il ne saurait qu'offenser ce prince-là.
- J'ai bien cru comprendre qu'excuses chez les vampires ne signifiaient rien. Que les mots ne signifiaient rien. Seuls les actes comptaient. Je ne pense pas pouvoir saisir toutes les subtilités de votre peuple, pas encore, même si j'en ai le secret espoir. Mais je pense avoir compris au moins cela.
Il soupira lourdement, avant d'ajouter d'un ton bien moins hautain,, toute raideur abandonnant soudain son corps, tout orgueil de façade s'effaçant pour laisser place aux incertitudes qui parcheminaient son âme et esquissaient des rides sur son visage déjà balafré.
- Je redoute toutefois d'avoir également compris... que mes actes, quels qu'ils soient, offenseront toujours les vôtres, votre peuple. Même avec ma bonne volonté. Même si je bâillonne ma fierté mal placée, mon arrogance outrancière qui flagelle sans cesse la dignité des vôtres. Mes actes ne cesseront de vous offenser, vous et vos paires, car ce sont des actes d'elfes. Et même avec la meilleure volonté du monde, je sais que je ne pourrais jamais agir tel un vampire.
Il détourna un instant le regard, préférant se focaliser sur un détail du mur et éviter de se bruler trop ardemment aux braises qui le sondaient. Il lui fallut un effort de volonté incommensurable pour affronter le regard du serpent... redoutant un instant qu'il n'aille jusqu'à user de ses pouvoirs sur ses souvenirs. Terribles pouvoirs que ceux-là, ne put-il s'empêcher de penser. Avant d'enfin reprendre, d'une voix de plus en plus grave, de plus en plus profonde, presque caverneuse.
- Je suis elfe et le serai toujours, comme vous êtes vampire. Même si vous ne l'avez pas toujours été... Je suis elfe, tout ce que vous détestez, quand bien même vous avez pu l'être un jour, lointain, vous aussi. Je ne sais si entente est réellement possible alors entre nous, si haine peut être mise de côté. Elle l'a été pour moi, en grande partie du moins, ma curiosité et ma volonté de comprendre ont su se faire plus fortes qu'elle. Mais du vôtre... je ne sais. J'en doute. Même si je pense que vous savez suffisamment bien la maitriser pour avoir su ne pas me tuer, fit-il, un fin sourire osant s'esquisser sur ses lèvres pâles.
Tandis qu'un étrange souvenir se dessinait en son esprit. Ce souvenir du jour où le vampire l'avait empêché de tomber... Cela aurait pourtant été si facile pour lui... mais non il l'avait retenu. Allez savoir pourquoi...
- Mais si je ne peux agir en vampire, si je ne puis qu'être elfe, je souhaite toutefois ardemment, sincèrement, comprendre les vampires, leur... non vie, leur existence, leur monde, leurs coutumes, leur histoire. Comprendre et apprendre sans faux semblant. Il vous est peut-être facile pour vous de comprendre les elfes, vous qui... enfin...
Il préférait ne pas répéter une nouvelle fois une vérité que le prince noir semblait détester. Il avait déjà durement compris que Wintel détestait qu'on évoque son passé. Il s'y était risqué en début de discours... par la force des choses... mais il sentait que s'y risquer une nouvelle fois serait plus que joueur.
Il chassa donc ses paroles d'un geste de main et tenta de reprendre, son peu d'assurance volant cette fois définitivement en éclat, même s'il tenta de n'en rien laisser paraitre, faisant appel à tout son savoir-faire de vieux politicien elfique.
- Je pense... J'en suis venu à la conclusion, que pour vous comprendre il fallait pouvoir vivre avec les vôtres, parmi les vôtres. Comme a pu le faire Sire Shadowsong. Il sait qui vous êtes, comment vous êtes, ce que vous êtes, car il a pu partager votre quotidien et existence sans aucune concession. Si je veux parvenir à comprendre un tant soit peu les vôtres... il me faudrait faire de même.
Même si cette simple idée le terrorisait. Lui, vieil elfe non immunisé, vivre parmi les vampires... ne serait-ce pas suicide ?
- Si une telle possibilité m'était... offerte, ajouta-t-il en un souffle, tentant de faire taire la peur primale qui s'était emparée de lui.
Et là toutes les paroles que lui avaient assenées le prince noir lui revinrent en mémoire. Pas de don, pas d'offre, pas de mots, pas de discours. Des actes, juste des actes... mais quels actes pouvait-on alors attendre de lui pour qu'il fasse soit-disant ses preuves ? Là était toute la question. Une question qui s'était révélée pour lui insoluble.
- Et voilà que je me perds encore en mots et en discours.
Un long soupir, de frustration cette fois, lui échappa.
- Voilà en tout cas le raisonnement auquel je suis arrivé après... vous savez quoi. Et pour vous convaincre il me faudrait... agir. Mes mots et mes discours ne permettront sans doute en rien d'obtenir l'offre dont je parle, je pense l'avoir compris. Seuls des actes... mais quels actes ?
Il leva alors les bras au ciel, en un signe d'impuissance.
- Quels actes pourrait donc réaliser un elfe pour convaincre les vampires qu'il est digne d'apprendre à les connaitre ? Pour répondre à cette question, il me faudrait les connaître, mais pour les connaître il me faudrait pouvoir vivre parmi eux, et pour pouvoir vivre parmi eux, il me faut leur prouver que j'en suis digne.... C'est le serpent qui se mord la queue, conclue-t-il. Sans mauvais jeu de mots...
Et c'est, étrangement essoufflé, qu'il se tut sur ses derniers mots. Des mots, encore des mots, toujours des mots... A croire que c'était là tout ce qu'il savait faire : parler, discourir... mais après tout, n'était-ce pas exactement ca ? Lui, Serillëiel, n'avait-il pas été éduqué pour parler, discourir, pour devenir un digne conseiller ? Pas vraiment pour agir, même si ce dernier siècle il s'y était essayé...
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Sam 27 Sep 2014 - 23:59 | |
| Les dernières nuits avaient été épuisantes. Même sans avoir besoin de dormir, un vampire devait tout de même s'accorder quelques petits instants de calme ne serait-ce que pour reposer son esprit et retrouver une sérénité nécessaire à toute créature immortelle. Mais ça n'avait pas été possible, la destruction de Dévoreuse avait plongé la rébellion et les deux peuples qui la composaient dans un tel chaos que lui comme Korentin Kohan en avait été réduits à passer leurs jours et leurs nuits à plancher sur des problèmes en cascade qui n'attendaient que le moment où une main maladroite les bougeaient pour en provoquer une tonne d'autres encore plus lourds et complexes. Un vrai sac de noeuds que tout ceci, et il ne pouvait même pas prétendre qu'il n'y était pas un peu pour quelque chose...
La réaction indignée des humains au fait que lui et Merithyn avaient détruit Dévoreuse sans leur en parler raisonnait encore dans sa tête, l'agaçant prodigieusement. Il n'avait pas de comptes à leur rendre, il était leur alliés par la force des choses mais c'était tout, il gardait son libre arbitre et si il avait décrété qu'il fallait détruire cette chose pour le bien général alors ils devraient tous le remercier à genoux d'avoir pris le risque de le faire lui-même. Ce n'était pas comme si Korentin Kohan aurait eu la force magique nécessaire après tout... Son pitoyable niveau en ce domaine était une preuve de plus de son incompétence, lui aussi devrait s'estimer heureux que Lorenz n'ai pas purement et simplement prit le contrôle total de la rébellion. Comment cela il ne le pouvait pas ? Bon d'accord, ce ne serait pas politiquement judicieux. Mais dracos, ce serait quand même sacrément plus simple...
Il réprima un soupir à cette pensée en se repenchant avec un certain ennui sur les nombreux rapports relatant les accidents qui avaient été causés par les totems des vampires. Le sien n'était pas le seul à débloquer complétement, ça aurait été étonnant remarquez... Il avait même dû demander une liste complète décrivant le type et le niveau du totem de chaque vampire afin de tenter de contrôler un minimum le problème. Cela commencerait à porter ses fruits dans quelques nuits sans doute, en attendant il allait devoir déléguer un peu plus si il voulait pouvoir s'en sortir... Et ça commençait tout de suite. Les autres conseillers allaient prendre en charge quelques affaires, lui avait absolument besoin d'une pause.
L'opportunité se présenta d'une bien étrange façon sous la forme d'une visite absolument imprévue. Il l'aurait refusée tout net en d'autres circonstances mais d'une il voulait se changer les idées, et de deux ça le rendait tout de même sacrément curieux de savoir ce que cet elfe suicidaire pouvait encore bien lui vouloir. Ils n'étaient quand même pas nombreux les elfes à oser venir le débusquer jusqu'à dans sa tanière... Enfin tanière si on voulait, il préférait encore mille fois le confort de sa tente à cet appartement certes spacieux mais qui avait le désavantage de se trouver sous terre. De quoi lui rappeler de bien sombres souvenirs, mais c'était indispensable. Et puisque Eliowir jugeait bon de venir à lui en cet endroit, alors il lui accorderait audience. Il serait toujours temps de le jeter dehors avec pertes et fraces si il se montrait décidément trop assommant.
Il tarda à arriver. Permettant ainsi au prince de mettre un point final au message qu'il était en train de rédiger. Bien que léger, le pas du vieil elfe était encore bien plus bruyant que celui des vampires qui le guidaient, Lorenz ne releva donc la tête qu'à l'instant même où il passa le seuil de la porte, ne daignant pas pour autant se lever de son fauteuil. La position assise ou debout ne changeait pas grand chose pour un vampire, et celui là n'était pas particulièrement partant pour accorder plus que l'honneur d'une entrevue à son visiteur. D'autant plus vu le geste qu'il venait d'esquisser... Oh il l'avait arrêté bien vite, mais ça n'avait pas échappé à la mortelle attention des prunelles d'acier qui se firent plus brûlantes comme pour le défier de le finir. L'elfe prit rapidement la parole et commença par des remerciement qui laissèrent l'ancestral de marbre. Si il savait pourquoi il avait accepté cette entrevue.. Mais il ne le savait pas justement. Et ce que lui aurait bien aimé savoir, c'était ce qu'il pouvait lui vouloir exactement. Si il ne venait que pour s'excuser alors c'était qu'il n'avait vraiment rien compris du tout...
Ses lèvres s'entrouvrirent tandis qu'il s'apprêtait à prendre la parole lui-même, mais un geste de son interlocuteur l'arrêta, allumant une flamme de pure surprise dans son regard. Venait-il de lui demander le silence, à lui ? Il semblait bien... Sur quelle règle, loi, ou légitimité se basait-il pour s'en accorder le droit ? Humaine, elfique ou vampirique, Lorenz ne la connaissait pas. Et le soudain durcissement de la ligne de sa mâchoire prouva bien qu'il ne l'appréciait pas du tout. Il le laissa continuer néanmoins, figé dans une attitude plus fermée encore qu'à l'arrivée de l'elfe. Il pouvait le faire mettre dehors, voir le mettre dehors de lui-même si il le désirait. Le désirait-il ? En partie oui... Ou non, il désirait tout autre chose. Appliquer simplement la loi vampirique et faire comprendre à cet avorton que le plus fort était le seul à pouvoir mener la conversation, et que le plus fort c'était lui. Dracos, il était quand même bien difficile parfois de passer outre ses instincts...
Il se renconcentra sur ce qu'on lui disait et ne pu réprimer un léger haussement d'épaule. Eh bien oui, les elfes offensaient les vampires de par leur seule existence. Mais c'était eux qui avaient commencé... C'était eux qui avait décrété, bien des siècles auparavant, que les vampires n'avaient pas le droit d'exister. Ils ne pouvaient décemment pas se sentir offusqué que le contraire leur soit imposé à présent.
Le regard se détourna, puis revint à lui et il pencha la tête avec attention, cherchant encore à comprendre ce que l'autre pouvait bien chercher. Le rappel de ce qu'il avait été résonna lugubrement dans la pièce, et la chaleur monta à mesure de son irritation. Décidément, il lui manquait la plus petite once de bon sens... Avait-on idée d'évoquer cela alors même que le plus idiot des vampires évitait toujours adroitement le sujet ? Il n'était pas plus sot que le plus idiot des vampires tout de même ? Aussi désireux qu'il soit de voir son peuple au dessus de tout, Lorenz ne pouvait pas prétendre une telle chose. C'est qu'il avait de sacré corniauds dans son armée tout de même... Il fallait bien des gens pour accomplir les basses besognes et mourir en première ligne. L'autre parlait encore, et les prunelles s'étrécirent jusqu'à ne plus former qu'une mince ligne tranchante tandis que le prince réfléchissait en écoutant d'une oreille distraite vite reconcentrée par le changement de ton de l'elfe qui semblait peu à peu perdre son assurance et qui ne masquait plus son trouble que sous le masque politicien que Lorenz savait percer depuis toujours.
Et la demande tomba enfin. Une seconde après qu'il l'ai finalement devinée. Cette seconde infime lui avait permit de raffermir son masque impassible, aussi ne tressaillit-il pas du tout devant cette proposition pourtant parfaitement loufoque. C'était le deuxième elfe à lui demander une telle chose, ou non... C'était le premier à le demander. L'autre s'était imposé, et en cela il avait comprit bien avant Eliowir le fonctionnement du peuple vampirique. Mais il n'avait pas été seul aussi, un certain dragonnier avait été là pour le guider dans cet apprentissage difficile. Eliowir était-il seul d'ailleurs? Il portait toujours l'odeur d'Achroma, Lorenz la sentait d'ici. Pourtant il était maladroit... Terriblement maladroit. Assez pour se faire tuer. Etait-ce là un but poursuivit par Achroma ? Tirait-il les ficelles, derrière ce vieil elfe étrange ? C'était difficile à dire, Lorenz n'en était pas vraiment convaincu. Et c'est la seule raison pour laquelle il se décida à répondre autrement que comme l'aurait fait un vampire, maîtrisant calmement l'instinct meurtrier qui emplissait sa bouche de venin. Plutôt que de répondre tout de suite à ce qui lui était demandé, il préféra en revenir à un sujet qui l'intéressait assez pour que sa voix se charge d'une sombre et terrifiante sagesse puisée au coeur des ombres les plus ténébreuses :
"La haine est une arme dangereuse. Utilisée brute, elle perd son potentiel et elle finit par s'effriter entre les mains de celui qui s'est cru son maître, lui rongeant la chair et le sang au passage. Les gens qui savent l'affuter sont rarissimes, doté sans doute d'une certaine folie... Mais ainsi traitée avec patience et maîtrise, elle devient si tranchante que nul ne peut plus l'arrêter. Tu crois te brûler à ma haine Eliowir ? Je ne l'ai même pas encore dégainée... Quand je le ferai, crois moi, tu le saura."
Il le fixa durement, et la lueur accusatrice d'un océan d'insupportables souffrances brilla l'espace d'un demi battement de coeur avant d'être balayé par cette haine rendue plus impressionnante encore par la révélation qui venait d'être faite. Dormante... Elle était dormante. Lorenz n'avait pas encore terminé de ressasser ses rancoeurs et le châtiment qu'il entendait imposer aux elfes ne serait réalité que lorsqu'il aurait véritablement achevé d'attiser et d'affuter cette haine qu'il ressentait à leur encontre et qui n'était simplement pas descriptible ou compréhensible pour tout autre que lui. Eliowir ne pouvait comprendre, mais ce qui était sur c'était que ce qu'il prenait à l'heure actuelle pour de la haine à son encontre n'était rien, rien du tout. Ce n'était pas cela la haine. Du moins ce n'était pas ainsi que Lorenz l'entendait. L'ayant informé à ce propos, il reprit la parole sur le sujet attendu :
"Sire Shadowsong, comme tu dis, n'a jamais demandé à vivre au sein de mon peuple. Il est arrivé par une nuit noire et il a mit sa vie en balance. Il a annoncé sa décision de vivre auprès de son vampire, il a tiré l'épée devant nous. Et sais-tu ce qu'il m'a dit alors ? Ses mots sont encore gravés dans mon esprit..."
Un sourire, véritable sourire, plein de l'amusement que provoquait ce vieux souvenir chez lui dévoilà ses canines tandis qu'il prononçait lentement comme pour mieux savourer les mots :
" je le dit sans détour Y Blewidr*, je ne me laisserais pas tuer..."
Il ricana en répétant cette phrase incroyable, l'accent elfique roulant avec naturel dans sa bouche. Puis il en revint à l'autre elfe devant lui pour assener :
"Si j'avais pu le tuer ce jour là, balafré. Il serait mort. Aussi surement que je peux arracher la vie de ton corps dans les prochaines secondes si c'est là mon désir. Mais il est en vie... Il l'est parce que je ne pouvais pas le tuer. Il avait le dragonnier, il avait le dragon. Il était plus faible que moi et pourtant il était fort. C'est cela que respecte mon peuple. C'est cela qui a fait qu'ils l'ont toléré, et que je l'ai moi-même accepté. Cette force, il l'a gardée. Aujourd'hui encore il ne viendrait à aucun de mes vampires l'idée de le provoquer ou de voir en lui une victime potentielle. Il est un elfe ? Quel importance si il est plus fort qu'eux tous ?"
Enfin, il soupira, et reprit avec plus de morosité :
"Tu ne raisonnes pas bien. Tu dis que tu comprends, et tu te fourvoie tout de même. Après les excuses, tu me demande conseil ? Tu me demande faveur ? Entre arguments et larmoiements, tu as tout ce qu'il faut pour convaincre un conseil elfique mais il me semble t'avoir bien fait comprendre nos différences. Quand un vampire veut quelque chose, il l'obtient par la ruse, par le charisme ou par la force. Si tu veux vivre parmi nous, ne devrais-tu pas agir comme nous ? Dis moi Eliowir, es-tu seulement capable d'arracher une victoire plutôt que d'attendre simplement qu'on te la tende ?"
Il haussa les sourcils, interrogateur. La conversation l'intéressait étrangement, par un de ces caprices étranges qui le prenaient parfois. Il voulait savoir ce que l'autre allait trouver à répondre à cela, et par dessus tout il voulait savoir une bonne fois pour toute si il possédait l'un ou l'autre de ces trois pôles importants aux yeux de tout vampire...
*rappel : Mort noire |
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Lun 29 Sep 2014 - 0:14 | |
| La haine, une arme dangereuse... Oh, oui, cela il le lui accordait volontiers. Les elfes en avaient fait également la leur, des siècles plus tôt, au sein même de leur terre lointaine, pour mieux éradiquer la vile création des esprits, cette malédiction honnie qui frappait leur peuple dans leur plus grand orgueil : eux, dignes et nobles elfes, qui se disaient civilisés et sages, trouvaient en ces vampires issus de leur propre chair, de leur propre mort, de leur propre famille parfois, l'écho et le miroir de la sauvagerie sanguinaire qu'ils avaient si savamment étouffée.
Car oui, au fond, voilà ce que les vampires leur renvoyaient comme image : l'image de ce qu'ils aurait pu devenir, de ce qu'ils seraient certainement devenus, s'ils s'étaient laissés aller à leur instinct meurtrier, à leur goût des guerres et des querelles, à leur envie de voir s'écouler le sang de leurs ennemis... Ils avaient, au lieu de cela, fait taire leur côté primal et animal et s'étaient parés de nobles codes d'honneur, tout de politesse ornés et de savantes hiérarchies orchestrés. Jusqu'à ce qu'arrive cette malédiction honnie nommée vampire. Vampires... ces anciens elfes, en ce temps-là, qui retournaient à l'état de bête. Ces anciens elfes qui devenaient meurtriers, sanguinaires, et qui ne reconnaissaient plus ni père ni mère... Une honte, une agonie. Voilà tout ce qu'étaient alors les vampires aux yeux des elfes alors en plein déni.
Seule la haine pouvait alors assurer leur défense contre cette ignominie. Une haine qu'ils avaient patiemment polie, sculptée, pour ensuite en contes et légendes la chanter.
Mais là où le vieux lion parlait de haine ancestrale, de haine sociétale, de haine commune... Wintel parlait de haine personnelle, privilégiée même. Une haine unique et d'autant plus dangereuse certainement. Le Prince noir en était-il aussi maitre toutefois qu'il le prétendait ? Etait-il de ces gens rarissimes qui avaient su l'affuter et ne pas se laisser dominer ? Le vieil elfe se permettait d'en douter. Même s'il préféra, dans un élan d'étrange lucidité, garder ses propres doutes pour lui, dans le silence de son for intérieur hanté.
Lourd silence fut donc le seul écho qui résonna quand les mots âpres, promesse de haine non consumée, terminèrent leurs dernières harmoniques. Eliowir se contenta de soutenir le regard incendiaire, réfrénant les soubresauts de son vieux coeur bien capricieux. Il parvint à garder un air impassible, son visage balafré n'offrant alors que lisse expression où rien ne pouvait trahir ses possibles émois. Rien d'apparent du moins. Il déplorait que les êtres vivants, pauvres créatures mortelles, aussi âgées soient-elles, ne puissent cacher les traitres signes de leur corps : coeur battant, ou pulsation tambourinante, sueur froide ou peur agonisante, vils muscles frémissants... Tant de signes imperceptibles pensaient-ils, mais porteurs de tant et tant d'informations pour certaines créatures de nuit...
Là où son masque de force tranquille aurait pu donner le change, il savait ne rien pouvoir cacher de sa véritable agitation au prince noir. Il ne se défit pas pour autant de ses faux semblants et continua de se parer de sa fausse arrogance imperturbable. Et écouta, plus intéressé qu'il n'aurait voulu l'avouer, par ce que Wintel concédait enfin à lui révéler.
Même s'il ne put que le maudire intérieurement qu'on le compare encore à Shadowsong. Shadowsong, Shadowsong, et encore Shadowsong, mais il n'était pas Shadowsong, comment devait-il le lui faire comprendre ? Wintel aimait donc tant le petit elfe chanteur, pourtant grand baptistrel, pour n'avoir que ce nom là à la bouche ? Et qu'importe que ce soit lui qui ait avancé le premier ce nom-là. Entendre ce qui s'apparentait à des louanges de la part du vampire vis à vis d'un elfe avait de quoi choquer. Le lion commençait sérieusement à se poser des questions... Se pourrait-il... ? S'il n'avait pas vu de ses propres yeux l'attitude du prince noir envers une certaine femme, il aurait pu réellement se poser certaines questions !
Et lui, pouvait-il proclamer de vouloir vivre auprès de Son vampire ? Et quel serait Son vampire alors ? Un nom lui vint subitement à l'esprit... mais était-il seulement son vampire ? Et lui était-il seulement son elfe ? En songeant à ce qui s'était passé quelques temps auparavant... Il aurait aimé pouvoir répondre oui, mais... Mais il n'aurait su dire. Enfin, si, il savait, mais il n'osait se l'avouer. Alors le proclamer haut et fort devant le prince noir ? Non, effectivement non, il ne se s'en sentait pas capable. Il n'était décidément pas Shadowsong....
"Quand un vampire veut quelque chose, il l'obtient par la ruse, par le charisme ou par la force."
Oh ca oui, il en avait eu l'expérience. Mais serait-il alors capable d'agir de même ? Lui, vieil elfe, si attaché aux vieux principes elfiques qui ne prenaient que ce qu'on lui offrait ? Le doute l'étreignait.
"Si tu veux vivre parmi nous, ne devrais-tu pas agir comme nous ? Dis moi Eliowir, es-tu seulement capable d'arracher une victoire plutôt que d'attendre simplement qu'on te la tende ?"
Voilà qui était une bonne question. Il fut un temps, où la réponse n'aurait pu qu'être affirmative. Il fut un temps... mais ce temps lui avait paru, il y a peu, révolu. Dépassé. Il n'était plus l'elfe qu'il avait été. Et devait s'avouer parfois ne plus se sentir elfe du tout... Il ne se reconnaissait plus en ceux qui avaient été les siens, son peuple pourtant chéri. Etait-ce cela alors qui le poussait à vouloir comprendre et apprendre les vampires ? Espérait-il trouver sa place parmi eux, lui qui avait perdu sa place parmi les elfes et n'était parvenu à la trouver parmi les hommes ? En avait-il seulement une de place ?
Son coeur avait envie de répondre oui. Peut-être n'avait-il de place parmi aucun peuple, mais auprès de l'un de ses représentants peut-être... Chassant cette soudaine idée inopinée, l'elfe se força à revenir au temps présent. Temps honni.
- Agir comme vous, comme un vampire... Le pourrais-je seulement ? souffla-t-il d'abord comme réponse, perdu encore dans ses songes. J'avoue ne pas le savoir moi-même. Il me faudrait déjà savoir comment un vampire agit... Même si vos propos ébauchent une esquisse de réponses. Prendre les choses sans attendre qu'on nous les offre ou qu'on nous autorise à les prendre... Voilà un concept qui heurte toutes mes convictions. Et pourtant...
Et pourtant, il lui faudrait sans doute se plier à cette règle. N'était-ce pas ce que le prince noir lui disait ?
- Quant à savoir arracher une victoire... Les balafres que vous voyez, et que tous aiment tant me rappeler, sont pour certaines dues à l'un des vôtres... L'un des vôtres qui a rejoint les limbes de l'autre monde, après m'avoir laissé le charmant souvenir de ses lames empoisonnées. Et pourtant, j'avais beau avoir le visage ensanglanté, presque scindé, je suis parvenu à tuer ce traitre vampire. Et ce ne fut pas le seul que je tuai... J'ai connu la guerre. Moi, vieil elfe et digne conseiller suis devenu un guerrier mage par la force des choses, un guerrier mage que tout désignait à périr lors des derniers conflits où nos deux peuples se sont affrontés. Et pourtant pourtant... j'ai survécu. J'ai arraché maintes victoires aux vôtres et leur ai survécu. Je doute que ce ne soit alors dû qu'au hasard n'est-il pas ?
Etrangement, ce petit conte d'un rapide passage de son histoire, une histoire encore à vif en son coeur las, fit vibrer sa voix d'une conviction nouvelle. Il n'était peut-être pas vampire, ne savait peut-être pas agir comme eux, mais il avait prouvé qu'il avait au moins autant de valeur qu'eux au combat. Pour le reste... Pour le reste, chaque chose en son temps, estima-t-il préférable.
- La force, le charisme ou la ruse dites-vous ? La force... Si ma force d'elfe et ma force de lion ne suffisent pas à pallier mon manque d'ardeur au combat physique, ma magie puissante parvient à combler mes manques. Quand bien même certains mages ont su effectivement se montrer plus puissants encore...
Son regard appuya lourdement sur Wintel, ne pouvant que lui concéder cette force et cette puissance là.
- Et là alors ruse est souvent parvenue à sortir le vieil elfe que je suis de situation délicate quand sa magie a pu lui faire défaut. Quant au charisme... Tout dépend de quel charisme vous voulez parler, ne put-il qu'ajouter, un fin sourire narquois ornant ses fines lèvres.
Bien entendu, il sous-entendait par là un charisme tout léonique, à défaut d'un autre. Puis, jaugeant que cette autodérision ne serait peut-être pas du goût du vampire, il se força à reprendre sérieux, tout en raclant la gorge.
- Enfin, si je conçois, entrevois du moins, ce que vous voulez dire, je pense qu'il y a des choses qu'on ne peut parfois obtenir par force, par ruse, ou par charisme. Des choses que vous pourriez désirer ardemment, que vous pourriez vouloir de toute votre âme, coeur, ou ce que vous voulez qui vous ferait vibrer, mais des choses que vous ne pouvez avoir que si on vous les offre justement.
Et non, il ne parlait pas de ce sentiment qu'on nommait amour. Pas vraiment, pas seulement... Lui-même ne savait pas ce qu'était amour, il ne se serait alors jamais osé à émettre la moindre leçon à ce sujet, bien trop épineux selon lui.
- Comme certains savoirs. Ou mieux encore...
Sa voix se fit alors ronronnement de velours, alors qu'il reprenait :
- Certaines possibilités que savoirs et vérités deviennent universels, enfin reconnus. Certaines possibilités que sombres réputations soient rétablies dans leur entièreté, et non par des contes vilement tronqués... Certaines possibilités qu'un certain livre soit complété enfin comme il se doit vis à vis d'un peuple qui a été quelque peu méprisé, méconnu, en son contenu...
Consciencia, eut-il envie de crier. Mais il retint ce nom de franchir ses lèvres, et se contenta d'observer le prince noir.
- Ces possibilités-là ne peuvent devenir réalité que par un seul être encore vivant. Et cet être ne se laisserait jamais à ce sujet arracher quelque victoire par la force, la ruse ou le charisme. Non, cet être ne pourrait que consentir à offrir ces possibilités... Parce que tout, en ce monde, ne s'obtient pas forcément en s'arrachant par force, par ruse ou par charisme.
Comment ça il marchandait soudain ? Quel vil mot que celui-là ! Etait-ce ruse alors ? Si question lui était posée, il nierait assurément. Non, non, il n'énonçait, selon lui qu'un fait. Tout comme Wintel avait énoncé un fait tout vampirique auparavant.
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Jeu 9 Oct 2014 - 21:03 | |
| L'elfe doutait. Un étrange sentiment d'égarement se lisait dans ses prunelles couleur de nuit, un sentiment que l'ancestral pouvait reconnaître sans même avoir besoin de s'appuyer sur les différents signaux que ses sens vampiriques repéraient chez son vis à vis. C'est qu'il le connaissait bien ce regard là... Il l'avait vu à de nombreuses reprises chez bien des elfes, Merithyn n'étant pas le seul à en faire partie. Et il l'avait vu aussi dans le miroir, dans son reflet renvoyé par l'eau calme des fleuves il y avait de cela bien des siècles, avant sa transformation, avant même sa rencontre avec Enelya. C'était le regard d'un être qui ne sait pas très bien où est sa place et qui s'étonne d'avoir atterri là alors même que rien en lui ne semblait l'y prédisposer. Un égarement dangereux, pas uniquement pour le principal concerné mais aussi pour son entourage. Parce qu'il pouvait mener à des prises de décisions décisives, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Comme bien d'autres avant lui, Eliowir semblait aujourd'hui se trouver à un carrefour important de sa vie. Ses choix auraient sans doute un impact considérable sur le temps qui lui restait mais aussi possiblement sur celui d'autres personnes. Les implications de tout ceci avaient beau laisser Lorenz indifférent, il ne pouvait s'empêcher de se passionner pour ces petits moments qui jalonnaient une existence, ces petits moments qui la forgeaient et qu'on chérissait ou maudissait bien des années plus tard. Cynisme, voir irritation nuançaient son intérêt mais sans jamais complètement l'effacer. Il observait tout ceci avec le même intérêt détaché mais non moins inquisiteur du théorien toujours heureux de trouver de nouveaux éléments à même d'appuyer sa pensée.
Une lueur attentive s'était allumée dans ses propres prunelles tandis qu'il détaillait l'objet actuel de sa curiosité, dressant l'oreille pour entendre le souffle presque inaudible de l'elfe. Il ne répondit pas à son interrogation, ce n'était pas à lui de le faire et d'ailleurs elle n'avait pas lieu d'être à ses yeux. Comment pouvait-on ignorer soit même de quoi l'ont était capable ou non ? Que valait-il si il ne croyait pas en lui-même ? Voilà au moins un doute que lui n'avait jamais eu. Il possédait une confiance inébranlable en ses propres capacités et ne comprenait que très mal les gens qui étaient dépourvus de cette assurance. Une bouffée inexorable de mépris monta donc en lui face aux hésitations de l'elfe, à peine estompée par l'information que l'autre venait d'offrir. Un combat contre un vampire hein ? Des lames empoisonnées ? Rêveusement, l'ancestral chercha un instant à identifier le prédateur en question avant de renoncer devant la difficulté de la tâche. Les vampires qui enduisaient leurs lames de poison n'étaient pas rares, et moins encore ceux qui s'en prenaient à leurs ennemis séculaires. Et de toutes façons la suite l'intéressait trop. Un mage guerrier hein ? Un combattant ? Etrange comme il lui semblait difficile de concilier cette image avec le personnage qui lui faisait face à présent. Où avait-il donc perdu cette vieille fierté qu'il décrivait ? Oh il restait fier bien sur, mais pas de cette fierté têtue qui inspire le respect. Non. Il avait perdu quelque chose en route cet elfe, et l'ancestral lui-même aurait été bien en mal de dire quoi.
Il garda donc le silence un long moment, laissant de nouveau le privilège de la parole à son interlocuteur et l'effleurant paresseusement de sa propre puissance lorsqu'il lui décrivit la sienne. Oui, il avait un certain potentiel dans ce domaine là c'était vrai... Un potentiel longuement exploité et affiné. Mais il ne semblait pas vraiment apte à s'en servir. Il parlait de sa propre puissance presque avec réticence, lorgnant sur celle, inaccessible, de celui qui lui faisait face sans seulement se demander si il avait fait le tour de la sienne propre. Haussant un sourcil faussement interrogateur, l'ancestral ne pu s'empêcher de souligner tandis que l'autre continuait sans s'interrompre :
"Tu parle de ta magie comme si tu avais envie d'en tirer fierté sans y parvenir tout à fait..."
Faussement seulement. Parce qu'il n'était pas vraiment interrogateur en réalité. Il savait. Depuis peu c'était vrai, mais il savait. Il n'avait eu qu'assez tard la curiosité nécessaire pour tenter de se plonger dans le passé du vieil elfe et encore n'était-ce que parce que celui-ci avait eu la bêtise de s'en prendre à lui par deux fois. L'occasion s'était présenté une nuit d'interroger un elfe sur l'événement qui avait fait passer ce Serillëiel là d'héritier d'une famille respectable à ce banni honni de tous et maudit par la plupart de ses pairs. L'elfe en question n'avait pas été particulièrement ravi de renseigner le prince noir, mais il aurait été bien idiot de mourir pour ce qui n'était apparemment pas un véritable secret. Infanticide donc... Sans doute le pire crime possible chez les siens, avec le meurtre d'un dragon. Voilà qui expliquait en partie pourquoi cet elfe là ne se sentirait plus jamais à sa place au sein de son propre peuple, ainsi que sa rapport particulier avec sa propre magie quand on connaissait à peu près les circonstances. Pourtant il n'alla pas plus loin, n'attaqua par sur ce terrain là. Il en aurait été parfaitement incapable bien sur si il avait pu croire un seul instant que ça puisse lui apporter quelque chose, que ce point faible là lui soit utile en quoi que ce soit. Mais ce n'était pas le cas pour le moment, et il n'était pas vampire à gaspiller inutilement une information aussi explosive. Quand bien même le ronronnement de l'insolent en face de lui lui tirait un rictus féroce...
Comme certains savoirs. Ou mieux encore...
Les mots résonnèrent entre eux et ses canines brillèrent fugitivement. Mais l'ombre de ses prunelles oscillait entre agressivité et amusement dangereux du prédateur en plein jeu. Est-ce qu'il essayait vraiment de marchander avec lui ? Il le fixa longuement, lourdement, laissant s'installer un silence assourdissant qui, il le savait, ne manquerait pas de faire perdre toute sa superbe à l'être apparemment satisfait de son petit stratagème. Les secondes s'étirèrent lentement, devinrent presque douloureuses avant qu'il ne daigne enfin tirer un petit tiroir de son bureau et en retirer précautionneusement le vieil ouvrage qu'il déposa alors sur la surface plane. L'atmosphère était devenu étouffant soudain tandis que leur attention à tout deux se dirigeait vers ce simple petit livre. Il aurait presque pu entendre les émotions de l'elfe jouer contre son esprit à cette vision, et c'est pourquoi il s'autorisa un demi sourire narquois.
"C'est ce livre là, que tu entends remplir ?"
Sa voix avait résonné calmement, mais une vague ironie y vibrait tandis qu'il reprenait les mots de l'elfe :
"L'ennui vois-tu, c'est qu'il m'appartient. Et que je ne te laisserai pas le remplir à ta guise quand bien-même tu me ferais soit disant ce cadeau. J'entends que les choses soient bien claires entre nous, morveux."
Quelle différence d'âge pouvaient-ils avoir ? Cent ? Deux-cent ans ? Ce n'était pas énorme d'un point de vue Elfique mais ça suffisait à l'ancestral. D'ailleurs l'autre n'était même pas sensé connaître son âge véritable et ne pouvait que spéculer péniblement sur l'âge à laquel il avait été transformé. Il continua d'un air sombre :
"Je détruirais ce livre sans remord plutôt que de laisser l'histoire de mon peuple aux mains de n'importe quel corniaux incapable d'en prendre la mesure. Que tu ne sois pas capable d'en arracher le privilège, soit. Mais ose encore prétendre que tu me ferais un cadeau en acceptant d'écrire notre histoire et j'en fais de la poussière sous tes yeux avant de te la faire avaler. Est-ce que c'est clair ?"
Il ne s'amusait plus. Le jeu de marchandage de l'elfe ne l'avait émoustillé que quelques brèves secondes avant que la réalité ne vienne les rattraper tous les deux et qu'il ne remette brutalement les choses dans le bon ordre. Consciencia était précieux, et le pouvoir du Serillëiel sur cet ouvrage aussi, mais certainement moins que l'histoire des vampires. Il n'était qu'un contenant alors que ce que Lorenz songeait à rassembler et à partager était un trésor bien plus ancien et bien moins connu particulièrement des autres races. Il le laissa prendre bien conscience de ce qui venait de se passer avant de se décider enfin à pousser le vieux livre vers lui d'un geste sec.
"Tu va l'écrire. Parce que c'est ce que je veux. Mais avant de prétendre écrire la moindre ligne concernant le peuple de la nuit, tu va apprendre à le connaître et à le respecter. Si Consciencia t'es précieux alors tu n'aura pas l'indécence de t'essayer à aligner un seul mot qui ne soit pas une vérité pure. Et il n'y a aucune vérité dans ce que l'on ne connaît pas. Tu le veux vraiment ? Alors soit, je te donne le livre. Mais n'y vois là aucun cadeau. Pour écrire l'histoire de mon peuple tu va devoir te plonger si profondément en son coeur que tu n'en reviendra peut-être pas."
Il s'était penché vers lui et le tenait dans l'intensité brûlante de ses prunelles, interrogeant avec la même ironie de plus en plus cruelle en voyant qu'il n'avait pas encore mis la main sur le livre pourtant posé devant lui :
"Tu as changé d'avis ? C'est trop tard. Tu voulais être des nôtres, c'est chose faite. Et si tu es des nôtres alors je suis ton prince et nos lois sont les tiennes. Je me fiche de savoir si tu sera tué avant de parvenir à les assimiler, ou même si tu parviendra à te sentir capable un jour d'écrire ce que je t'ai ordonné. Je reprendrais Consciencia terminé ou non, sur ton cadavre. Mais sois certain d'une chose c'est que je ne te laissera pas te détourner de ta tâche, pas plus que je ne te traiterait differemment d'un vampire."
Ce qui incluait qu'il ne le défendrait certainement pas lorsqu'il ferait l'amère connaissance que tout vampire doit faire de la loi du plus fort au sein des siens. Et peu de chance qu'Achroma ne le défende non plus si il voulait son bien. Presque amusé à nouveau devant les réactions de l'elfe, il interrogea :
"Cela ne semble pas te satisfaire... Tu croyais peut-être que tu pourrais te mettre à l'ouvrage dès que tu aurais le livre ? Qu'il te suffirait pour cela de t'en proclamer digne parce que tu vis parmi les vampires ? Te crois-tu seulement capable de survivre parmi les morts Eliowir ? Combien d'entre eux vont vouloir te tuer pour de bon à ton avis avant que tu ne les force à ne plus te considérer comme une proie ?"
L'ombre d'un sourire s'esquissa discrètement sur ses lèvres fines à cette pensée. Cela promettait d'être amusant... Il avait ni plus ni moins l'impression de jeter un canari au beau milieu d'une meute de loup simplement pour voir ce que ça allait donner... La seule question était de savoir si il allait finalement pousser des dents dans le bec de ce canari, ou pas... |
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Ven 17 Oct 2014 - 1:19 | |
| "Tu parle de ta magie comme si tu avais envie d'en tirer fierté sans y parvenir tout à fait..."
Oh oui sa magie était l'une de ses plus grandes fiertés. Mais aussi une de ses plus grandes malédictions, avait-il tendance parfois à penser. Comment pourrait-il en être autrement après... après ce terrible geste, cette terrible magie, qu'il avait eu le malheur...
Mais il n'était certainement pas le moment d'y penser, se morigéna-t-il. Surtout pas face à ce serpent qui... qui... qui avait visé si juste, si précisément, à cet endroit fatidiquement douloureux. Quelle farce était-ce donc là encore ? Une autre manière de lui donner une leçon vampirique ? Ou simplement... Et Comment... Comment avait-il su ? Savait-il d'ailleurs ? Oui, il devait savoir, assurément. Sinon pourquoi aurait-il dit ceci, précisément, entre les mille choses qu'il aurait pu proclamer ? S'il y avait bien une chose qu'Eliowir avait appris au sujet de cet être-là, c'est qu'il ne faisait ou ne disait jamais rien au hasard. Et ceci parmi tant d'autres n'en faisait nullement exception, il en était sûr. Non, il en était certain maintenant, le Prince Noir savait à son sujet.
Bien ou mal ? Il n'aurait su dire. Mais étrangement, devant Wintel, devant ce prince des vampires, devant ce regard d'acier incandescent... il ne ressentit aucune honte, aucune gêne, de ce meurtre qui entachait son âme depuis si longtemps. Non, aucune honte. Remords oui, profonds remords, mais sans qu'il ait à rougir pour ce geste honni. Etrange. Et déroutant. Etait-il voué à se sentir plus en paix avec lui-même parmi ce peuple austère et presque sauvage ?
Heureusement, l'autre eut la décence de ne pas trop insister sur le sujet et de ne pas s'y apesantir outre mesure. Et soudain, alors que mille et unes pensées vagabondaient en lui dans un mêli-mêlo de questionnements en tout genre... Consciencia apparut. Là. Devant lui. A portée de mains. Si proche... et pourtant si loin aussi.
L'envie ne lui manquait pas de le toucher, de caresser cette noble et belle couverture, de faire courir ses doigts sur sa rugosité si familière, de couver de la chaleur de sa paume le froid parchemin, sur lequel le temps n'avait pas réussi à marquer ses créances... Oh oui, l'envie le rongeait, s'agitait de soubresauts désespérés, en son vieux coeur. Mais il résista. Ne bougea pas. Se contenta de le couver du regard... avant d'oser relever ses yeux sur le prince noir.
"C'est ce livre là, que tu entends remplir ?"
Question rhétorique par excellence à laquelle il préféra répondre par un silence des plus éloquents. Oh, oui, c'était ce livre-là. Enfin... Pas forcément celui-là en particulier. Disons un des trois exemplaires de ce livre. Qu'importe lequel au final, ses écrits se répercuteraient d'office sur les deux autres. Mais oui, il voulait remplir Consciencia. Quelle qu'elle soit, il voulait la remplir. Et la remplir dignement.
Long silence encore que celui qui s'installa. Silence qui fut rompu de nouveau par le vampire. L'elfe lui semblant alors tout ouï.
Et surpris. S'il ne put que tiquer d'une moue agacée au détestable sobriquet de "morveux", la suite le laissa un instant... pantois. Le vieil elfe voyait soudain se dessiner sous ses yeux comme une méprise. Terrible et détestable méprise. Bien plus détestable encore que le fait de voir ce livre brûler, de se voir traiter de morveux par un arrogant prince aussi puissant soit-il, ou encore de se faire tout simplement, encore une fois, menacer de tous les maux inimaginables. Oui méprise il y avait visiblement, constata le vieil elfe, soudain réellement pris au dépourvu, quand le prince en eut fini.
L'autre penché sur lui, son regard incendiaire le vrillant de ses flammes, sa colère le secouant de ses mots amers, cyniques et ironiques... Mais si l'elfe se sentait soudain mal à l'aise, ce n'était pas pour tout cela. Quand bien même cela aurait pu suffire. Ni à cause du marché étrange et délicat que le vampire lui offrait. Non, si Eliowir peinait à retrouver ses mots et sa contenance, c'était parce qu'il se demandait comment il allait corriger la méprise sans que le serpent ne le prenne comme un refus...
Il dut alors se racler la gorge avant de parvenir à prendre la parole.
- Je crois qu'il y a une méprise, commença-t-il, se sentant terriblement mal habile. Oui je veux remplir ce livre et oui je veux y inscrire l'histoire des vampires. Telle qu'elle est, dans toute sa véracité, dans toute son intégrité et rétablir la vérité sur notre monde... dont les vampires font partie.
Que cela lui coûtait d'affirmer cela à voix haute. S'il l'avait admis et avouer dans son for intérieur, il n'avait encore jamais osé affirmer avec toute sa conviction une telle chose. Les vampires font partie de ce monde. Les vampires ont un droit sur ce monde. Oui, terrible à dire, pour lui vieil elfe. Mais il l'avait dit. Et de l'avoir, enfin, prononcé, il sentit un poids s'échapper de ses épaules. Une page se tournait dirait-on pour lui, à l'aune de ses nouvelles convictions qui se dessinaient, lentement, mais sûrement, en sa conscience.
- Mais je peux écrire et remplir Consciencia ailleurs. Je n'ai pas forcément besoin de ce livre, de votre livre. Je sais où sont les deux autres. Et suis assez heureux d'ailleurs que Consciencia semble retrouver sa vocation première.
Un livre pour chaque peuple. Trois livres, trois peuples, trois mondes... trois vérités à écrire.
D'ailleurs, si l'on y songeait bien, ses ancêtres avaient eu là un geste d'intégration envers les vampires en créant aussi un livre leur étant destiné. Quand on y songeait... Mais l'heure n'était pas à y songer justement. Et se forçant à revenir au temps présent :
- Je sais où les deux autres sont, à qui ils sont maintenant, ayant d'ailleurs moi-même donné l'un d'entre à son actuel possesseur.
Shadowsong....
- Si je souhaitais juste "remplir" Consciencia, il me suffirait de le demander à l'un des deux autres possesseurs, qui, je pense pouvoir m'en targuer, ne me le refuserait nullement. Bien au contraire.
Il laissa un petit temps à ses mots de faire effet. Espérant que le Prince Noir comprendrait enfin sa démarche. Il n'était pas là pour marchander Consciencia. Il était là pour marchander l'histoire des vampires. Enfin marchander... C'était là selon lui un mot bien vil.
- Mais pour être honnête, la méprise n'est pas de votre fait je pense. Mais du mien. Lors de notre rencontre au cours de laquelle nous avons évoqué la première fois ce sujet, je n'avais pas encore retrouvé les deux autres exemplaires, il est vrai. Quoiqu'il en soit... Lors de cette rencontre il a été évoqué le fait, la volonté plutôt, de rétablir l'histoire vampirique telle qu'elle a été et non plus telle qu'elle peut être contée hors du monde des vampires.
Il inspira profondément, espérant que ses propos porteraient leurs fruits et feraient poids :
- Or cela, je le souhaite toujours ardemment. Pas seulement le livre. Mais la vérité. L'histoire des vampires. Les comprendre. Pleinement. Oui, entièrement. Et cela, effectivement seul vous pouvez m'y autoriser. Me donner les clés pour y parvenir.
Il planta alors son sombre regard dans les miroirs d'étain du vampire et osa, enfin, accepter, du moins en partie, la proposition du prince maudit.
- Alors oui, s'il faut, pour écrire cette vérité et rétablir cette histoire, plonger au coeur de votre peuple, je plongerais. Alors oui, s'il faut pour cela, être des vôtres je le serais. Parmi vous, vos lois seront les miennes. Parmi vous, les morts comme vous dites, je survivrais. Parmi vous, la proie prouvera qu'elle n'est pas qu'une proie. Oui, pour écrire cette vérité, tout cela j'en fais mon dogme. Mais de vous faire mon Prince... J'ai déjà prêté serment à un Empereur, l'Empereur des elfes, j'ai déjà offert ma lance à un Prince... Et je ne peux pas me parjurer. Je suis elfe, et reste, encore, elfe, jusqu'à preuve du contraire.
Et il n'avait aucune envie de voir le contraire !
- J'appartiens encore au peuple elfe et ne peux me défaire de mes serments d'allégeance envers lui.
Son regard dériva vers Consciencia, sentant que la vérité tant chérie menaçait de lui échapper, avant qu'il ne parvienne à ancrer de nouveau ses orbes nuits dans les lames d'acier de Wintel.
- Vous ne pouvez être mon Prince. Vous pourriez me menacer de tout et de rien, de bruler ce livre, d'éradiquer toute vérité, d'incendier mon âme de votre serpent, de me maudire de votre venin, de me tuer de votre main... Je ne pourrais vous prêter serment tel à un Prince.
Mais un autre serment... éventuellement... Cela pouvait se concevoir. Il n'osa toutefois le proposer au sombre soleil qui le brulait en cet instant.
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Mar 28 Oct 2014 - 17:18 | |
| L'elfe semblait gêné, presque paralysé par un doute que l'ancestral ne parvenait pour le moment pas à vraiment cerner. Eh bien ? Il le voulait ou non ce livre ? Et cette place au sein du peuple vampirique ? Avait-il changé d'avis ? Il faudrait peut-être qu'il se décide... Et il se décida bel et bien, reprenant la parole après un moment de silence et un raclement de gorge. Ses mots sortirent enfin, maladroits. Et le vampire demeura de marbre, presque rigide dans son immobilité uniquement troublée par le léger durcissement de ses traits. Une méprise hein ? Où avait-il lu que Lorenz Wintel tolérait de se voir accusé de la moindre, de la plus petite méprise ?
Il y en avait pourtant bien une, même si légère. Il ne connaissait pas bien le fonctionnement des trois copies de Consciencia et moins encore ce qui les reliait. Il l'avait lu, s'était intéressé brièvement à la magie de son exemplaire, mais n'avait pas eu le temps d'approfondir à ce propos. Aussi ignorait-il encore quelques secondes plus tôt qu'il était possible d'écrire dans les trois ouvrages en en remplissant seulement un seul. Une information intéressante... Mais cela ne changeait pas grand chose à ce qu'il venait de dire en vérité. Il garda le silence malgré tout, le laissant continuer et ne pouvant s'empêcher de pencher légèrement la tête sous l'intérêt que venait d'éveiller en lui l'affirmation de l'elfe. Les vampires avaient leur place en ce monde... Oh comme ça avait dû lui être difficile de prononcer ces simples mots... Une étincelle sardonique dansa dans l'acier lorsqu'il y songea mais s'éteignit très vite pour être remplacé par quelque chose de bien plus dur lorsque son interlocuteur reprit la parole. Il n'avait pas compris... Il ne comprenait jamais...
Alors il le laissa continuer. Encore et encore, longuement, interminablement. Les mots du banni résonnaient entre eux, et la température de la pièce augmentait au même rythme. Les canines acérées du prédateur brillèrent fugitivement lorsqu'un rictus vint saluer une formule particulièrement mal choisie. Il ne "pouvait pas" ? Que l'elfe lui-même fasse la pitoyable énumération de tout ce qu'il ne pouvait et n'oserait jamais faire, passait encore Mais qu'il ose prétendre que lui, le prince noir, pouvait se voir imposée la moindre limite... Non décidément, il ne comprenait pas grand chose. C'était presque dommage... Mais après tout, il n'était qu'un elfe.
Sa propre voix fit vibrer l'air enfin, basse et presque caressante tandis qu'il l'interrogeait sur un ton trop calme pour ne pas s'avérer dangereux :
"Parce que tu crois peut-être qu'il te serait possible d'écrire quoi que ce soit dans n'importe quel livre si je décidais de te l'interdire ? Je me fiche de savoir combien d'exemplaires de Consciencia existe et par quel sort ils sont reliés. Si je voulais les détruire tous ou plus simplement te rendre incapable d'y écrire, ce ne me serait sans doute pas bien difficile. Je ne tolère pas que l'on me dise ce que je peux, ou ne peux faire."
Plus vampire que jamais, il ne bougeait et ne cillait même pas en clouant son interlocuteur sur place. Sa voix se fit plus dure tandis qu'il reprenait :
"Mais tu as raison sur un point. L'important de toute cette histoire n'est pas le contenant, mais le contenu. Ce que tu veux est précieux, et tu n'es apparemment pas près à payer le prix d'un tel trésor."
Il haussa les sourcils comme pour le mettre au défi de le contredire ou plus simplement de l'interrompre et continua :
"Menacer, incendier, éradiquer... Je sais faire cela mais je n'en vois pas l'utilité ici... Tu me dis vouloir connaître notre histoire, je te répond pour cela qu'il faut comprendre les vampires. Tu me dis vouloir vivre parmi nous, je te répond qu'il faudra alors te soumettre à nos lois. Que veux-tu que je réponde ensuite à tes histoires d'allégeance et de serment ? Cela n'entre pas en ligne de compte.... Puisque tu ne le comprend pas, je vais encore une fois me répéter... Lentement..."
Ses mots suintaient l'ironie, mais son ton demeurait polaire, sérieux. Il ne se moquait pas, presque pas du moins. Il expliquait avec la patience presque terrifiante des créatures immortelles :
"Si tu veux nous comprendre Eliowir, si tu veux notre passé, alors tu devras être des nôtres. Entièrement, irrévocablement, sans concession aucune. Bien sur tu ne pourras jamais y parvenir totalement en étant un elfe, mais tu devras t'en approcher suffisamment pour brûler les dernières attaches qui t'empêchent de venir à nous. Jusqu'à ce moment là, jusqu'à l'instant où tu renoncera à toutes ces promesses du passé, tu ne pourras pas prétendre à ce trésor qui t'attire comme un phare. Je ne peux pas être ton prince dis-tu ? Cela m'indiffère. Mais tu ne peux t'intégrer parmi les vampires sans te plier à leurs lois, et je suis le coeur même de ces lois au moins jusqu'à la nuit où on me ravira mon titre."
Ses derniers mots résonnèrent lugubrement, étranges dans sa bouche. Il n'évoquait pas souvent cette possibilité. Cette nuit sombre et éloignée qui verrait un vampire plus fort que lui prendre la tête du peuple de la nuit. Etait-ce seulement possible ? Il n'existait plus de vampires aussi forts que lui, et encore moins qui le soient plus. Il avait balayé ses opposants potentiels, même les plus terribles. Xander lui-même avait perdu la course à l'instant où le sang de dragon avait maudit l'ancestral. De même qu'Achroma qui n'avait de toutes façons jamais participé à cette course. Pourtant... Pourtant Lorenz était un vampire. Il ne pouvait appréhender une éternité entière sans voir un jour l'arrivée d'un vampire plus puissant. C'était ainsi que leur peuple avançait et évoluait, lui-même ne pouvait que l'accepter parce que c'était là leur instinct. Oh bien sur si sa vengeance ne le consumait pas alors il repousserait ce moment autant que possible, peut-être même pour des milliers d'années, mais cela ne l'empêchait pas de le voir comme une chose inévitable, et peut-être même indispensable. Encore une subtilité vampirique qui était difficile, voir impossible à expliquer à un elfe...
Il laissa passer un court silence, pas assez long pour mettre à son interlocuteur de reprendre la parole. En ce qui le concernait, tout ceci était déjà plié. Il ne pouvait plus que le congédier, et c'était là uniquement le fait de la créature des bois. Elle le prendrait comme elle le voudrait, toujours était-il qu'elle aurait certainement matière à penser après cette conversation...
"Sors d'ici à présent. Prends le livre ou laisses le, c'est un choix qui t'appartient. Mais n'oublie pas : tu ne comprendra jamais mon peuple tant que tu ne seras pas prêt aux sacrifices nécessaires pour pouvoir te considérer comme l'un des nôtres. Et tu n'écriras pas la moindre ligne sur les vampires tant que tu ne les auras pas compris. Si tu t'y essaye, je le saurais..."
Mais il ne croyait pas que ce serait le cas. L'elfe tenait trop à Consciencia, il n'irait pas y écrire le moindre mot imparfait. Serait-il prêt un jour à faire les sacrifices nécessaires pour accéder à la connaissance qui ferait de ses écrits une perfection ? Cela c'était moins assuré. Mais tant pis... Lorenz tenait à ce projet mais pas assez pour le confier à un être qui ne pourrait le mener à son terme sans faillir. Ayant dit tout ce qu'il avait à dire, il détacha son regard de son visiteur. Bien d'autres choses requéraient son attention, il y avait tant à faire...
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| Sujet: Re: Vampire, ô digne vampire... [PV Lorenz Wintel] Dim 2 Nov 2014 - 16:03 | |
| "Parce que tu crois peut-être qu'il te serait possible d'écrire quoi que ce soit dans n'importe quel livre si je décidais de te l'interdire ? Oui, il le croyait. Le Prince Noir avait beau être puissant et rusé, intelligent et rancunier, il n'était pas Tout Puissant, Dracos merci. Même s'il avait su voler la magie des dragons, même s'il était un mage exceptionnel en lui-même, il n'était pas encore enduit de la puissance des Esprits. Et quand bien même... Aussi puissant soit-il, il n'était pas tout puissant, et surtout il n'était pas impossible à vaincre ou à neutraliser. D'autres savaient se montrer intelligent et rusé, d'autres savaient se montrer puissant, ou à défaut assez stratège pour pallier cette carence de puissance. Lui-même s'était vu confronté à plus puissant que lui, lors des guerres vampiro-elfiques des dernières années, notamment contre le vampire qui lui avait offert ses balafres. Mais il avait su pallier sa carence par la ruse et l'intelligence. En témoignait le fait que lui était encore de ce monde, alors que l'autre avait rejoint les limbes ou les esprits. Rien ne prédisait qu'il ne pouvait en être de même avec ce Prince Noir. Mais ce dernier était si imbu de sa puissance, si arrogant, plus que lui-même ce qui était en soi une gageure déjà, qu'il ne pouvait visiblement concevoir une telle chose. Et bien soit, inutile de le détromper. Du moins pour l'heure. Qu'il pense pouvoir interdire aux autres de penser ou d'agir, qu'il croit donc pouvoir interdire à un Serillëiel de compléter Consciencia dignement, qu'il croit donc pouvoir détruire les livres, qu'il croit donc ce qu'il souhaite... La dure loi de la réalité rattraperait bien un jour les croyances du vampire. Eliowir se retint donc de répondre, quand bien même cela le démangeait. Il se contenta de fixer le vampire, avec une étrange assurance comme il n'en avait plus ressentie depuis longtemps. Etait-ce le lien unique qui le reliait à ce livre qui lui donnait pareilles ressources ? Etait-ce sa faculté de pouvoir, oui, pouvoir, un jour écrire l'Histoire dans ce livre qui lui donnait tant d'assurance ? Il n'aurait su dire, mais il savait, sans qu'il ne puisse se l'expliquer, qu'il pouvait, en dépit de tout ce que d'aucuns diraient, qu'il pouvait écrire dans ce Livre, qu'il pourrait y compléter l'Histoire d'Armanda. Toute l'Hitsoire. Celle que Wintel voulait mais peut-être même celle qu'il ne voulait pas. Un jour... mais pas aujourd'hui visiblement. Il avait su, dès qu'il avait parlé de Prince et de son incapacité à se défaire de sa loyauté elfique, que le Prince Noir refuserait. Et il n'en voulait pas même au vampire. Tous d'eux, en toute honnêteté, n'auraient pu répondre quoique ce soit d'autres. Il était normal pour Wintel de protéger le savoir et l'histoire des vampires, qui avaient été si... eh bien oui disons-le, méprisés par le reste du monde d'Armanda, plus particulièrement par les elfes. Il était donc normal qu'il veuille prendre toutes ses précautions avant de confier cette histoire et ce savoir à... un elfe justement. Tout comme il était normal que lui ne puisse se défaire de sa loyauté, ne puisse se permettre de prêter allégeance à deux princes, dont un prince potentiellement ennemi des siens, elfe banni ou paria ou pas. Et ce n'était pas là une question de comprendre ou quoique ce soit, n'en déplaise au prince noir. La réponse de Wintel était donc évidente et l'issue de cette entrevue aussi. Mais elle n'avait pas été si infertile que cela au final. Car là où Wintel avait raison quelque part... c'est qu'il était bien trop elfe pour comprendre les vampires. Il l'avait déjà saisi lors de son... entrevue... avec un certain millénaire. Les différences étaient un fossé qui parfois lui paraissait infranchissable. Même si un pont pouvait se construire pour le franchir, il serait long à construire, bien trop long. Un elfe aussi vieux que lui, aussi ancré que lui dans les moeurs elfiques, aurait grand peine à s'insérer au sein du peuple vampirique en tant qu'elfe. Et si certains elfes, comme Shadowsong, avaient su construire ce pont, cela avait été sans doute possible parce que, justement, ces "certains" n'étaient pas si elfes que cela. Pas tout à fait. Ils avaient su se détacher, et cela même avant leur rencontre avec les vampires, du peuple elfique. Shadowsong en sa qualité de baptistrel déjà, sans compter sa capacité du chant-nom qui lui permettait de mieux appréhender le monde et les différences qui l'entouraient. Or il n'était pas baptistrel, à son grand regret, et il ne savait pas chanter le chant-nom. Il était surtout elfe jusqu'au bout des oreilles, et avait été éduqué dans le passé, dans la mémoire des elfes. Dans la haine des vampires, même s'il avait su tout de même voir au-delà. Oui, Wintel avait raison, il devrait brûler les dernières attaches qui l'empêchaient d'atteindre les vampires. Mais il ne souhaitait certainement pas les faire brûler par un prince noir. Non, certainement pas. Si attaches devaient se consumer, il préférait choisir un autre prince, un prince millénaire par exemple... Ce qu'il se garda bien de répondre au serpent toutefois. Un Prince qui peut-être saura ravir le titre du noir soleil présent ? Doux rêve soudain... Douce nuit que serait celle-là... - Je n'écrirais pas la moindre ligne sur les vampires tant que je ne pourrais pas écrire la vérité sur eux, cela est sûr, oui, répondit-il d'une voix étonnamment assurée, tombant étrangement d'accord, en un sens, avec le vampire. Et cela ne tenait nullement aux menaces du prince. Oh non. Cela tenait à lui, à lui seul. En un Serment de Serillëiel qui serait sien jusqu'au-delà de la mort. Serment des siens au delà du temps. Il ne prit pas le livre toutefois. Au lieu de cela, il se permit de caresser la vieille couverture d'un geste presque solennel, avant de finalement le pousser du bout des doigts vers le vampire. - Celui-ci est vôtre. Celui-ci est aux vampires. Un Livre pour chaque race, un Livre pour chaque peuple, un Livre pour chaque vérité. Consciencia a enfin l'occasion depuis des siècles de retrouver son destin originel. Et sur ce, le prince détournant son attention de lui, il lui offrit un bref salut de tête et se détourna à son tour. Cette entrevue ne s'était certes pas soldée comme il l'aurait souhaité, mais elle ne s'était pas non plus vraiment soldée par un échec. Pas vraiment. Se défaire de ses dernières attaches d'elfes... Etrange comme ceci faisait écho à ce qu'un autre vampire lui avait, il y a peu, déjà proposé... Se défaire de ses dernières attaches d'elfe... Mais si en tant qu'elfe il ne le pouvait... Cela signifiait-il qu'il se devrait... d'accepter une millénaire proposition ? Accepter... une proposition maudite ? Cette simple pensée lui arracha un frisson. Maudit, devenir maudit... Cela serait-il au final la solution à son lent et inexorable crépuscule ? Sa nuit devait-elle devenir immortelle ? Que Dracos et tous les Esprits le guident alors, si tel était son destin. Si la lune devait dorénavant guider son chemin au lieu du soleil... [Terminé]
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