Le retour vers la foret elfique se passa avec hâte et Dulinn galopa presque ventre terre. Lisaë n'avait qu'une peur, être suivit par cet assassin maléfique, qu'il la suive jusque sous son toit et s'en prenne à ses enfants. Mais l'image de son général de mari la rassura et la fit tenir lorsqu'elle devait éviter branches et troncs. La foret semblait la soutenir et le chemin plus court mais plus abrupte ne le fut pas tan que dans ses songes lointains.

Elle arriva bien tard cependant. La nuit avait déjà revêtit son manteau d'étoiles et la jeune elfe aurait dû arriver il y a bien des heures que se soit par son raccourcit ou bien avec les soldats qui l'accompagnaient.
La lumière des chandelles éclairaient à la fenêtre du salon et Lisaë savait que son mari l'attendait sûrement pencher sur un rapport mais l'esprit inquiet pour sa luciole. Dulinn retrouve bien vite sa litière de paille bien fraîche ainsi qu'un seau de carottes et Lisaë le laissa à un repos bien mériter pour aller vite tirer le père de ses enfants d'une inquiétude inutile.

Artaher était, comme elle l'avait imaginée, occupé à griffonner un énième rapport d'activité ou bien de mouvements et ses grands yeux bleus quittèrent bien vite le parchemin pour se poser sur sa femme à demi échevelé, le rouge aux joues de son périple et l’inquiétude au ventre. La jeune femme fit part de son aventure au général elfique. Sa rencontre avec le bannit, l'infanticide, son retour parmi eux, non loin de leurs enfants, ses paroles hautaines et si sûr de lui et de son ascendance sur le conseil. Mais surtout sa crainte en tant que jeune mère à le savoir rodant comme une ombre funeste cherchant à envelopper dans sa cape mortelle une autre âme innocente. La panique ne la quitta que lorsque le fort guerrier la pris dans ses bras pour lui dire que rien ne lui arriverait et que personne ne touchera à un seul cheveux de leurs enfants. Mais ce qui la rassure le plus se fut quand allant se coucher elle passa voir ses enfants, paisibles trésors, dormant, les songes bien loin de toute tracasserie. Enetari devait penser à quel sort pourrait permettre à la vieille Dame Lessandre de cesser de jacasser comme une pie, Nomin devait voler avec sa machine et son aîné devait se voir épée au poing luttant contre une armée quelconque.

Mais ce n'était sans compter sur le réveil du lendemain et la détermination de la jeune mère. Il y avait un meurtrier dans les bois et elle saurait à qui se faire entendre pour le chasser manu militari. Artaher semblait prompt à le faire, avec un bon souvenir Terendul en prime.

L'archiviste partit donc bien tôt à son travail pour trouver une oreille attentive à sa requête. Mais elle trouva portes closes auprès des conseillers, réunis pour une affaire des plus importantes. Lisaë se retint d'envoyer paître le garde à l'entrée en lui demandant qu'est-ce qui pouvait être plus important que la sûreté de leurs jeunes pousses, mais elle n'en fit rien. La bibliothèque serait son sanctuaire de patience en attendant l'heure où enfin elle s'avancerait droite et déterminer devant la famille qui avait sa confiance. La noble famille impériale. La seule et l'unique. Pas cet usurpateur de conseiller.

D'un pas aérien, droite et digne, elle s'approcha du futur empereur. Elle le salua avec tout le respect dû au rang de ce jeune elfe sur qui posait de nombreux espoirs.

« -Gîl síla na lû govaded »

Lisaë se redressa avec délicatesse et grâce.

« -Puis-je m'entretenir avec vous un instant mon jeune prince ? »

La jeune femme lui proposa de la suivre en reprenant marche et quittant ainsi un peu le sanctuaire et le nid de guêpe du conseil.

« -Je dois vous faire part de mon inquiétude suite à une rencontre in fortuite dans nos forets. »

La jeune femme se stoppa alors qu'ils se trouvait dans un étroit couloir en bois, passerelle solide et discrète, dont les alcôves permettaient confidence.

« -En revenant du domaine baptisral, j'ai eut la malchance de rencontre l'infanticide. Une peur indescriptible, une angoisse folle. Celle de toutes mères de cet empire. Comment cela puisse-t-il être possible ? »

Non, il ne pouvait être sérieux. Celui qui descendait d'une si grande famille de politicien, dont le simple nom imposait le respect ne pouvait lui demander de faire une telle chose. Accepter. Accepter quoi ? D'avoir un meurtrier qui vive près de ses enfants, de ceux de ses amis, des siens. D'accepter que la loi et la justice soit bafouée au principe moral de quoi ? La guerre chez leur voisins. Pourquoi ne pas accepter des vampires blessés, des déserteurs humains tant qu'on y était. Le monde se mettait à courir à l'envers et pour une elfe ce n'était pas acceptable. Surtout quand cela touchait sa famille, ses enfants et la justice dont elle et son époux étaient épris.

Se redressant et ses yeux laissant paraître son état choqué, Lisaë répondit en oubliant presque à qui elle s'adressait. La mère devenait louve auprès de ses petits et elle mordrait quiconque s'en approchait.

« -D'accepter ? Eh bien, non je n'accepte pas et je ne connais aucune mère qui en ces lieux acceptera sa présence. Qu'elle soit tolérée par votre tante et notre empereur. Il ne s'agit pas là de complaisance de vieilles relations de familles. Nous parlons de justice. Et je croyais qu'elle avait encore une place d'honneur chez les elfes. Je m'aperçois que notre peuple suit une décadence morale des plus intolérable. Si le conseil et notre empereur ne sont pas capables de faire respecter les lois peut être devons-nous en référer en plus haut lieux ? »

Car voilà le principal soucis du conseil. L'immobilisme et la complaisance de vieux noms qui parfois n'étaient synonymes de décadence plus que de renouveau ou de maintien de l'ordre. Jamais elle en avait voulu à Artaher d'avoir claqué la porte dans un fracas. Certes une perte d'avoir la présence d'un homme de valeur, mais il mettait là en relief un conseil vieillit et immobile.

« -Et ne me demander pas de tolérer une telle chose ! J'en serai incapable. Et il serait temps que ceux qui nous gouverne ou ceux qui devraient le faire prennent enfin leur rôle au sérieux au lieu de juste se complaire dans leur nouveaux postes ou le poste qui devrait être le leur. »

A peine un sous entendu pour glisser la position que devrait avoir le jeune homme face à elle.

« -Et l'excuse de la guerre en dehors de nos bois est celle d'un froussard qui se trouve un excuse pour ne pas s'imposer comme vous devriez le faire. A moins que vous vous moquez réellement autant de ce poste de conseiller que de celui qui devrait être le votre. »

Oui, Lisaë n'y allait pas par le dos de la cuillère mais qu'importe, la jeune femme n'était pas là pour lui passer de la pommade et lui donner la complaisance de croire que ce qu'il disait était juste.

« -Donc comme ces alayens envahissent l'empire des humains, nous ne devons plus nous préoccuper des affaires internes des nôtres. Est-ce pour cela que le conseil se réunit ? Pour se soucier des affaires des autres et plus de celles des elfes !! Eh bien je comprends mieux pourquoi notre empire sombre aussi fortement que les anciens navires des ancêtres. »

Même si le soucis ne datait pas d'hier. Mais la guerre présente le soucis était bien plus mis en relief.

« -Alors comme la guerre est à l'extérieur de nos frontières nous devons accepter tous les parias de notre peuple, les laisser libre comme si leurs crimes n'étaient rien. La mort de cette femme et cet enfant n'est donc rien à vos yeux. Si demain, un des nôtres meurt de la même façon, le meurtrier est donc un homme libre et serein de se voir presque féliciter par le conseil. Alors voilà qui nous gouverne : des lâches, des soutiens aux assassins. Quand à être cruel, il l'a été bien plus que nous. Il a conscience de ses actes et on lui donne notre accord, l'autorisation de revenir et passons l'éponge sur ses meurtres. C'est intolérable.»

Fallait-il se comporter comme des animaux sauvages ou des vampires et oublier toutes valeurs morales sous couvert de la guerre. Et puis quoi encore, que les humains le fassent si cela leur chantent mais les elfes devaient garder un minimum de savoir vivre, par tous les Esprits.

« -Il s'est déjà condamné il y a des années. Par son acte odieux. Et je ne pensais qu'il y avait prescription. Dans ce cas allons-y conduisons-nous comme des vampires, tuons par plaisir, sortons de la civilité légendaire de notre peuple. Il n' y a plus de raisons de se conduire comme des êtres raisonnés, il y a la guerre chez les Hommes. » 

La belle excuse. Lisaë continua son discours, de plus en plus véhémente, en colère. L'immobilisme oui mais pas sur certaines choses, pas la justice, pas les enfants, leurs pousses.

« -Alors non, je ne tolérai ni ne patienterai. Je dois attendre quoi ??? Que les humains règlent leurs soucis pour que nous réglions les nôtres ? Je ne savais pas que les humains régnaient chez les elfes. Est-ce là la politique de notre nouvel empereur ?? Et tolérer quoi ?? Un assassin ? C'est ça que vous me demander ? Est-ce là aussi de cette façon que vous voyez la politique. J'ai toujours eu du respect pour votre famille. Mais là il est trop demandé. »

Pourquoi ne pas offrir ses enfants tant qu'à faire.

« -Alors oui, trouvez une solution, n'importe laquelle !! C'est de votre devoir de vous imposer au conseil pour palier à cette faute grave. Ou faut-il saisir les anciens ? »

Sinon, c'est elle qui trouverait une solution. Elle savait le jeune homme assez timide et effacé mais par le Dracos il allait se réveiller !

Le sage et timide Aegnor semblait enfin prendre la poigne qui lui manquait et d'un ton naturel il fit baisser celui de la jeune mère en colère. Mais elle n'en démordait pas pour autant et continua bien plus calmement (d'une moins pour une Lisaë en colère).

« -Oui, je sais à qui je m'adresse. Sinon, je ne serai pas venue vous voir. Et le soutien de mon mari n'a rien à voir avec le ton de mes mots. Car, je pourrai dans ce cas vous renvoyez le même constat : savez-vous qui je suis ? »

Car elle pouvait en dire tout autant. Outre son nom, celui de son époux, deux familles importantes dans l'empire des elfes, elle était la mère. Celle qui avait enfanté trois enfants. Déjà offrir au peuple sylvain une nouvelle pousse était un miracle. Mais trois. Lisaë était perçue et vue comme bénit des esprits, notamment de Vie qui lui confiait celle de trois jeunes branches en plein essor. Et Lisaë avait à cœur le bien être de sa famille, mais aussi de toutes les nouvelles générations.

« -Mais qu'importe le flot de l'importance de nos noms en cet instant et l'ascendance de l'un sur l'autre. Il y a un problème à régler et la légèreté que vous prenez avec cette affaire m'effraie. Et si vous désirez que je ne vous parle pas comme à un enfant cessez donc de vous comportez comme tel ! »

Et là c'était la mère qui parlait. Elle avait beau être plus jeune que lui, d'à peine quelques années, la jeune femme Terendul n'hésiterait pas à lui faire une leçon si besoin en était.

Surtout quand des mots lui tiquaient à l'oreille.

« -Le faire à votre façon ?? Alors dites moi comment ??? En attendant qu'il tue un autre enfant ? Qu'il assassine de nouveaux une mère ? D'accepter une fois de plus les inepties politiques du conseil ? Tout ce que je demande c'est que justice soit faites. Et oui, un elfe, en l’occurrence une mère et peut être plus qu'une peut et peuvent le pire quand il s'agit de défendre ses enfants. »

Lisaë prit juste le temps de déglutir pour continuer.

« -Et rien ne fausse mon jugement. Comme je vous l'ai dit une mère est prêt à tout pour ses enfants, même à balayer d'un revers de la main tout sens moral. Sans aucun regret. Alors rien de ce que vous pourrez me dire ne me fera changer d'avis sur cet homme ni sur la terrible erreur et l'abjection de voir le conseil revenir sur ses décisions passées. Ils prouvent encore une fois son inutilité et sa couardise et son manque de sérieux dans les décisions de l'empire. »

La justice venait de tomber, couper dans ce qu'elle avait de plus beau et de plus noble. Au nom de quoi, de la complaisance de certains vis à vis d'un nom passé.

«-Je ne mordrai que ceux qui se mettent en travers de la justice des elfes. Ceux qui bafouent le droit à la vie sous complaisance d'excuses qui n'en sont pas. Un crime reste un crime et celui d'une mère et d'un enfant encore plus. Mais il faut croire que le grondement alayen nous donne le droit de vivre dans la barbarie comme eux. »

Comme si l'arrivée d'étranger pouvait tout changer dans le fondement même de la société elfique.

« -La justice qui agit en offrant à notre peuple la grâce de tuer les siens, de fuir quelques années l'empire et de revenir en expiant ses fautes. Pourquoi ne pas se priver de tuer alors ? Après tout, voyager un peu et revenir ne semble pas si compliquer. En plus on appelle cela justice. Pourquoi garder son sens moral quand la facilité prédomine. »

Lisaë feignit la surprise. Un brin ironique. Si peu. Mais elle en avait besoin pour lâcher un peu la pression qui s'accumulait en elle.

« -Ahhhh et comme les barbares venus de loin peuvent faire pire à mes enfants, je dois me taire contre cette justice ignoble qui permet à des assassins de combattre à nos côtés. C'est ça faire de la politique, faire des concessions, oublier tout ce qui fait de nous un peuple pacifique. La guerre donne le droit à un homme fou de revenir sous prétexte que ce qu'il a fait aux siens est moins pires que la mort donnée par ces alayens. Je m'excuse je n'avais pas compris cette importance. »

Elle plongea son regard sombre en cet instant dans les yeux de celui qui était pour elle son souverain. Et déterminée, elle déclama.

« -Je me moque qu'il existe des personnes pire que cet être abject. Il y a toujours pire et toujours mieux. Ce qui me peine et me révolte c'est comment ceux qui sont censés nous diriger, nous protéger bafouent la justice en son sein, se moquant bien des répercutions sur les leurs, ne vivant que dans la complaisance de leurs petits arrangements entre eux. Un nom, une famille ne fait pas tout. Surtout quand on a assez de courage ou bien de folie pour la tuer. »

«-Les sens moraux ? Bafoués ? Mais qui a bafoué quoi ici ?? Moi ou le conseil ? Qui a permis à un assassin de revenir ? Qui revient sur ses décisions ouvrant la porte à l'anarchie et la barbarie ? Moi ? Bien au contraire, je respecte les lois de nos anciens et les suit. Je ne change pas d'avis, car je veux me complaire dans l'illusion de satisfaire des noms, des envies et des magouilles politiciennes. »

Borné, sûrement un peu, Mais Lisaë s'estimait dans son bon droit. Ne touchait-on pas au fondement même de la vie elfique. En plein cœur.

« -Eh bien elle est belle la justice. Laisser revenir un criminel car il veut expier ses fautes. Ne vous étonnez donc pas si par la suite le taux de criminalité augmente. Vu qu'on est pardonné. Je peux donc le devenir tout autant que lui. Je le regretterai, je viendrai me faire pardonner en pleurant et en cherchant à expier mes fautes. Après tout on me pardonnera par la suite. »

Elle avait planté son regard dans celui du jeune souverain, un brin défiante mais après tout, n'est-ce pas vrai ?

« -Et le laisser protéger des jeunes pousses. Mais vous êtes inconscient ou vous n'avez compris ses erreurs. Il a assassiné sa famille, son fils. Tuer. Et il veillera sur les jeunes jeunes pousses ? Je peux être animé par mon désir de mère mais il y a des limites au bon entendement et à la logique. »

Mais l'empereur légitime était jeune, et surtout il n'avait aucun enfant et son envie de liberté semblait parfois l'amener bien loin des réalités.

« -Il veillera juste sur lui même. Du moment qu'il parte et loin et que le conseil fasse enfin son travail et ce qu'on attend de lui. Et je prierai les esprits et l'esprit de la mort particulièrement. »

Et dans ses yeux luisaient la lueur de détermination, tout comme dans sa voix.

« -Je ne demande pas la violence mais la justice. Il a été banni à vie, qu'il le reste. Si le monde extérieur est trop rude pour lui, nous en sommes en rien responsable. »

Dans un salut très protocolaire et respectueux, Lisaë conclut dans un ton très solanel.

« -Mais merci messire Evanealle. »