¤ Le cadeau de Verith ¤

Ashy l’avait amené, cette bipède, cette ignoble créature. Celle-ci était venue lui parler de paix, d’entente mutuelle et de compréhension. Mais à peine ses mots parvenus aux oreilles du rouge, la Kohan avait proféré des insultes à l’égard de sa race. Comment osait-elle ?! Comment osait-elle faire des reproches à l’ancestrale race draconique. Eux des maîtres incontestés du ciel et de la terre, eux qui merveilleuses créatures de légende, eux puits de magie, ponts lumineux qui faisaient jaillir sur ce monde la trame et qui permettent à de pathétiques créatures de vivre, de respirer et d’user des bien faits de la magie. Hypocrite et ingrate créature qui se tenait face à lui. Elle ne valait pas mieux que les Alayiens. Elle était même sans aucun doute pire qu’eux. Car eux n’avaient pas la fourberie de se prétendre allier pour ensuite l’insulter. Non voilà encore une preuve de plus pour le dragon rouge, que les bipèdes ne méritaient rien d’autre que la destruction et l’anéantissement. Qu’on le traite de sourd ou d’aveugle. Mais c’est eux qui avaient l’esprit fermé. La l’ire du rouge était une balance. Et la coupelle de la culpabilité des bipèdes était bien plus fournie que celle de leur pardon.

Des paroles, rien que des paroles et toujours des paroles. Du vent aux oreilles du rouge. Aucun acte ne venait dans ce que lui présentait Esmelda. Comment pouvait-elle prétendre à quoi que se soit en retour. Celle-ci avait même l’audace de lui dire qu’elle ne faisait qu’observer les actes. Ignorante créatures. Elle ne savait rien, absolument rien. Mais bientôt elle verrait, elle pourrait ajouter à sa liste de nouveaux faits à prendre en considération. Elle osait annoncer qu’elle ne jugeait pas et pourtant elle jugeait ! Hypocrite bipède ! La rage du dragon fulminait de plus belle.

« Tu me demandes de ne pas oublier ! Tu me demandes de ne pas mélanger les accusés et ceux qui subissent ! Pourtant tous ceux qui ont commis les méfiaient, tous vos ancêtres sont morts depuis bien longtemps ! Dans ce cas que devrais-je faire ? Pardonner, glisser tout cela sous un rocher, car il est à présent trop tard pour demander justice puisque les criminels sont tous morts sans subir la moindre punition ? Dois-je demander des excuses publiques de vos dirigeants et me contenter de cela ? JAMAIS ! Cela ne sera jamais possible ! Car vous avez gâché votre chance, car un dragon est mort, car mon frère Cymbor laisser ici par mère comme espoir pour vous les bipèdes, laisser ici comme une dernière chance, laisser ici comme une marque de confiance, est MORT ! Et par la main d’un bipède ! Par la main d’un vampire et par la faute de sa dragonnière !! Je ne suis pas aveugle, ni sourd bien au contraire ! L’on ne peut me reprocher de ne pas vous écoutez, on ne peut me reprocher cela au vu du mode de vie des dragons !!! »

La voix du dragon résonna comme un tonnerre dans la trame et les esprits des bipèdes en présence. Non, non, NON ! On ne pouvait lui reprocher cela ! Il autorisait la parole à de pitoyables créatures alors qu’il pourrait les balayer comme il l’aurait fait chez lui ! Non, on ne pouvait lui reprocher cela ! Non, on ne pouvait l’insulter ! Le rouge déchaina son esprit contre celui de la bipède, la noyant sous des images et des sentiments. Il lui faisait un présent. Elle qui voulait comprendre, elle qui disait observer des actes. Voilà de quoi la contenter. Si à nouveau elle osait lui adresser la parole, Verith espérait qu’elle fasse preuve d’un peu moins de stupidité avec le cadeau qu’il lui faisait.

La bipède à présent tomba au sol l’esprit ébranlé, sans aucun doute, elle avait perdu connaissance. Faible que tout ca. Et Ashy bravait la queue du rouge pour venir se placer au-dessus de la Kohan et la protéger tenant tête à Verith. Il l’avait mit en colère, mais la colère de la verte était insignifiante face à Verith.

« Tu ne la juges peut-être pas digne de te parler, mais ses paroles n'en sont pas fausses pour autant ! Toi qui défends tant les dragons, NOTRE propre peuple comme tu l'a si bien souligné, alors ose prétendre qu'ils n'ont pas leurs propres reproches à se faire sur la situation ! »

« Prend garde Ashy ! J’ai bien failli tuer Silarae parce qu’elle à insulter ma race, nous dragon libre qui sommes parti sur le nouveau continent. J’ai toléré en ce jour un affront de plus de la part de cette bipède alors que j’aurais pu tapisser de son royal sang cette caverne ! Je ne tolèrerais pas une insulte de plus je te préviens ! Ose insulter les miens et je te tuerais sur le champ Ashy !! »

Le rouge cogna l’esprit de la verte avec le sien afin que son avertissement se fasse bien comprendre, car il n’hésiterait pas. Verith avait ses limites, il y avait des choses qu’il pouvait tolérer à jusqu’à un certain point. Avec silence le rouge écouta les paroles d’Ashy, attendant patiemment qu’elle termine.

« Ta mère a fait un choix Ashy. Elle a fait son choix comme tous les dragons l’ont fait le jour de leur départ. Tu ne peux imputer cela à personne. Je vais te dire ce que ta mère a ressenti. Elle a ressenti de la tristesse. De la tristesse, car les dragons sont partis, car ils ne partageaient pas le même point de vue qu’elle. De la tristesse, car la race draconique abandonnait une terre qui est la sienne. Elle ressentait de l’amour, de l’amour pour toi, car elle refusait de t’abandonner comme l’on fait beaucoup de dragonnes. Ashy ! Tu ne peux faire aucun reproche aux dragons ni à ton père. Car chacun à fait son choix et chacun en a assumé les conséquences. Ma mère, Skade a abandonné Cymbor alors qu’il était encore dans son œuf. Elle l’a laissé en Armanda comme un symbole d’espoir. Espoir pour les bipèdes, mais aussi pour elle, pour la confiance qu’elle accordait encore aux bipèdes. Et bien d’autres mères ont fait comme elle. »

Le dragon de l’ire marqua une pause alors qu’il fit un pas en direction de la verte, se grandissant.

« Ta mère ne voulait pas que tu grandisses seule. Sans doute attendait-elle que tu écloses pour ensuite t’amener jusqu’à notre continent. Sans doute n’a-t-elle pas voulu prendre le risque de te transporter durant ce long exode comme l’ont fait certaines mères. Elles y ont laissé leurs œufs dans cette traversée, elles y ont laissé leur vie. Et sans doute très peu ont réussi à faire venir leur œuf sur le nouveau continent. Peut-être avait-elle confiance dans les bipèdes et c’est pour cela qu’elle a décidé que tu te lierais. Ashy tu veux savoir ce que ta mère a ressenti ? Tristesse, amour, trahison. Tristesse de voir son peuple partir. L’amour infini qu’elle te portait. Et trahison de voir les bipèdes l’attaquer et lui voler son œuf. Et pourtant, malgré cela, il restait une parcelle d’espoir et de confiance, car elle a décidé que tu te lierais. »

Verith lui aurait sans le moindre doute préférer tuer son enfant, détruire son œuf que l’abandonner à se triste destin. Il aurait préféré l’emporter avec lui, dans un lieu sûr, auprès de l’esprit de la mort que de le confier à des bipèdes.

« Contrairement à ce qu’a dit la bipède que tu protèges, j’écoute et je vois. Ces choses que tu me montres et qui révulsent mon cœur, je les prends en considération. Tu es la seul en cet instant à m’apporter des actes, et cette bipède ne m’a apporté que des paroles. Sur l’heur rien ne fera pencher la balance de ma l’ire. »

Le rouge leva une griffe en direction d’Ashy.

« Retient bien cela dragonne liée ! J’aurais pu la tuer. J’aurais pu te tuer. J’aurais également pu tuer Silarae. J’aurais pu réduire cet endroit en cendre. J’aurai pu à peine après avoir pris connaissance de la mort de frère faire flamber chaque ville des bipèdes, tuer chaque dragons liés que j’ai croisé. J’aurai pu raser la forêt des elfes. J’aurai pu faire tout cela. J’en ai la force … Mais je ne l’ai point fait. J’aurai pu te tuer à notre première rencontre pour avoir souillé mon esprit avec les images de toi et ton bipède. Mais je n’ai rien fait de tout cela. Garde tout cela en tête Ashy, je suis la colère, je suis la destruction, je suis un dragon, mais je ne suis pas le mal. En ce jour j’ai fait un cadeau à ta protégée. A elle de l’utiliser correctement si elle ne veut pas que ma l’ire ravage ce à quoi elle tient. Oui, prenez conscience de la chance que je vous offre. De la parcelle confiance que je place comme ma mère avant moi, comme beaucoup de dragons avant moi. »

¤ Le cadeau de Verith II ¤

« Tu dis que ma mère a fait un choix, comme tous les dragons. Et effectivement, c'est le cas... Elle a choisi de protéger le fruit de sa relation avec mon père, le fruit de leur amour... Ou du moins de son amour. Mon père n'en avait-il pas pour s'enfuir ainsi en la laissant seule et affaiblie ? Est-ce là la façon dont les dragons traitent leur descendance et leurs compagnes ? Ils les abandonnent au premier revers ? Ne te méprends pas sur ce que je viens de dire, je ne cherche pas à insulter qui que ce soir... Je veux juste comprendre pourquoi... Pour moi, sa fuite est un acte de lâcheté qui a tué ma mère et qui a provoqué le lien que tu hais tant entre Korentin et moi... Mais comme tu l'as dit plusieurs fois, je ne connais rien de la société des... Dragons "libres", comme tu le dis. Alors, toi qui sais, dis-moi... Montre-moi... Qu'est-ce qui pouvait justifier son abandon ? Voulait-il juste se sauver, ou y avait-il une raison sérieuse qui ait pu le pousser à partir contre sa volonté ? »

Verith toisa un instant la jeune Émeraude, tachant de trouver une réponse à sa demande, à l’interrogation profonde de la jeune écaille qui pourtant restait cruciale. Le rouge souhaitait y répondre et en même temps, il ne le souhaitait pas. Du moins pas totalement. Ashy lui avait amené une écervelée, il fallait lui faire payer cela. Les pupilles du rouge se posèrent sur la jeune bipède et sur la jeune dragonne successivement. Elle s’inquiétait réellement pour cette folle ? Cela révulsait le fils de l’orage au plus haut point.

« Ashy, tu ne connais vraiment rien à la société des dragons. Et tu m’en vois profondément désoler. Cependant, pourquoi penses-tu que ton père soit en tord ? Qu’est-ce qui te laisse penser que la société des dragons est semblable à celle des humains. Que la famille d’un dragon soit comme celle des hommes ? »

Verith baissa légèrement sa tête en direction de la jeune émeraude, ses pupilles se dilatant, reflétant le reflet de la verte protégeant la princesse.

« Je ne connais point l'histoire de tes parents. Mais je peux te dire cela. Je ne pense pas que ton père soit un lâche. Je vois mal un dragon abandonné sa compagne à pareil sort. En tout cas, ce n'est pas ce que je ferais. À moins d'une profonde mésentente. Voilà ce qui me parait le plus probable. Ta mère a chassé ton père, ou alors ils se sont séparés bien avant le départ des dragons. Il ne s'agit pas de mes ancêtres directes, je ne risque donc pas d'avoir accès à leurs mémoires. »

Le rouge leva une griffe pour pointer Ashy.

« Mais toi, tu pourras y avoir accès. Sois patiente jeune dragonne, et tu découvriras ce que tu veux savoir. La mémoire de nos parents est celle qui nous vient le plus facilement. »

Verith finit par se redresser et faire volte-face.

« Ce n'est pas aujourd'hui que je te révélerais le fonctionnement de la société des dragons libres. À notre prochaine rencontre peut-être, si prochaine il y a. »

La queue du rouge fouetta l'air et il commença à partir.