Il avait apprit la nouvelle par un de ses amis et au début il n'avait pas cru cela possible. Il avait suspecté une erreur, une blague ou tout simplement une rumeur infondée, ce ne serait pas la première fois que l'on disait une chose pareille dans cette ville souterraine. Mais là c'était vrai ! Il avait vérifié les informations auprès de diverses sources, et toutes lui avaient confirmées ce qu'il savait déjà. Et pourtant.... Et pourtant même en sachant que la vérité était bien là, que cet homme faisait maintenant parti des résidents de la ville, il avait du mal à croire cela possible. Heureusement pour lui il arriverait assez vite à se faire à cette idée toute simple. Aaron Dessay, Grand Maître des Lames Noires était chez les rebelles. Non pas en tant qu'activiste, mais bel et bien en temps que prisonnier.

Qui avait donc pu réussir ce tour de force ? Il avait envie de le savoir, d'aller le féliciter et de savoir tous les détails de la traque à la capture. Mais en réfléchissant un instant il se rendit compte que cet homme devait sans doute être complètement harcelé de toute pars. Alors pourquoi ajouter des questions en plus ? Il allait peut être l'envoyer bouler ou pire qui sait. En tout cas cela n'avait plus grand intérêt dès à présent, quelque chose de beaucoup plus important était à faire maintenant. Entrer en contact avec cet homme. Cet homme qui était puissant et très respectable mais qui servait la mauvaise personne. Il était sûr qu'en lui parlant, en lui montrant ce que son empereur avait fait... Peut être allait il changer d'avis. Ou pas. Du peu qu'il connaissait du personnage il avait peur qu'il ne soit pas simple à convaincre, et quand bien même il y arrivait, personne au sein de la rébellion ne l'accepterais ainsi. Matis craignait clairement que le maître des lames essaye quelque chose pour s'en sortir à bon compte. Ce serait de bonne guerre en tout cas. Quoi qu'il en soit il fallait aller le voir.

Au bout de quelques jours de tractation, quelques services rendu et une ou deux explications il arriva à obtenir ce qu'il voulait, pénétrer dans la prison l'espace d'un instant pour s'entretenir avec le maître déchu. Il n'avait jamais vu ce bâtiment car il s'en éloignait le plus possible, pour le coup il ne savait même pas combien de prisonnier la rébellion avait faite. Matis n'en faisant jamais, il était étonné que d'autre en fasse, mais après tout c'était le droit de chacun dans ce cas non ? Ceux qu'il avait eu à affronter ne s'était jamais rendu, du coup il n'avait jamais eu à se poser la question, idiot non ? En tout cas le "bâtiment" n'en menait pas large, qui savait vraiment dans quelle condition l'homme était gardé ? Il avait peur de ce qu'il allait voir car cela n'était pas dans son habitude de voir les prisonniers, mais quoi qu'il en soit il serait toujours mieux gardé que lui même lorsqu'il était entre les mains des vampires. Alors pourquoi les plaindre ?

Alors qu'il passait la porte tout un ensemble de question l'assaillirent, comment allait il réagir, comment allait il l’accueillir. Surement allait il l'envoyer paître, sans doute ne lui porterait il aucune attention. Ou alors allait il être heureux d'avoir de la compagnie... Après on parlait du maître des lames habitué aux ors des palais de l'Empire pas d'un coupe gorge alors... Finalement il arriva non loin de sa cellule auquel il ne porta pas grand intérêt et observa l'ombre qui semblait errer sans but dans cette si petite et sombre pièce. En l'observant il se demanda clairement comment lui aurait réagit, aurait il fait de même ? Observerait il avait méfiance la moindre arrivée ? Porterait il la moindre attention à ce qui pouvait l'entourer ? Sans doute de nombreuses personnes étaient venu le narguer, lui l'un des êtres les plus puissant de l'ancien empire était ici comme le plus insignifiant des brigands.

Matis resta là un court instant à l'observer, dans l'ombre il savait qu'il avait été détecté par le prisonnier, l'observait il en se demandant de qui il pouvait s'agir ? S'attendait il à être encore une fois rabaisser par un garde un peu trop sous alcool ? Sans doute. mais ce ne serait pas le cas aujourd'hui. Alors il s'avança doucement, la lumière porta au jour son visage marqué par la fatigue. Les traits tirés par la guerre et ses treize années de service, il observait le prisonnier, et d'une voix neutre il entama la discussion.

Monsieur Dessay. Si on m'avait dit plus tôt que vous étiez ici, je serais venu bien plus tôt vous saluer. Je suis content de savoir que vous alliez bien depuis notre dernier échange lors du couronnement. Enfin, bien... Si l'on peut dire n'est ce pas ?

Il n'y avait aucune animosité dans la voix car cela ne servait à rien, même pas la peine d'être blessant ou vexant, ici ce n'était pas la peine de la rabaisser. Il était déjà au fond du trou, au propre comme au figuré. Alors pourquoi en rajouter une couche ?

Il déprimait, voilà. Il lui était difficile de faire autrement remarquez dans la situation où il se trouvait... Comment les choses avaient-elle pu en arriver là ? Quelques semaines plus tôt il se trouvait au palais, à sa place dans l'ombre du roi. Et voilà qu'il avait atterri dans ce lieu sordide, au beau milieu du quartier général rebelle qu'il n'avait même pas pu localiser étant donné qu'on lui avait bandé les yeux ! Belle déconfiture que celle-ci, d'autant plus qu'il avait perdu de nombreux hommes dans l'aventure et que le Dracos seul savait comment il allait bien pouvoir se tirer de là. Des jours entiers qu'il ruminait, mais aucune idée lumineuse ne lui était venu. Il fallait croire que Korentin Kohan était plus doué que lui pour les évasions spectaculaires...

Il grogna en se retournant sur sa couche inconfortable. On ne pouvait pas dire qu'il était particulièrement gâté par les rebelles au niveau mobilier. Mais au moins les lieux étaient propres et il ne pouvait pas se plaindre d'avoir été particulièrement maltraité. On l'avait chahuté bien sur, ce n'était pas tous les jours qu'on capturait l'Ombre du roi, mais son amour propre avait eu plus à souffrir que son corps jusque là. Les seuls bleus et contusions qu'il arborait étaient le fruit de son affrontement avec Havard Svenn. Un duel d'anthologie d'ailleurs, dommage qu'il se soit mal terminé pour le gentil... Mauvaise histoire que celle-ci, où c'était le mauvais camps qui gagnait !

Mais il ne s'estimait pas encore tout à fait vaincu. Il n'était pas mort sacrebleu, même si il craignait fort de se faire raccourcir d'une tête dès lors que Korentin aurait trouvé le temps de le juger. A moins qu'il ne s'en serve comme monnaie d'échange afin de négocier avec l'empire, et là Aaron préférait encore mourir. Non décidément, il fallait absolument qu'il s'évade. Il en revenait donc à son point de départ, c'était terrible comme il pouvait tourner en rond ces derniers temps... Autant joindre le geste à ses pensées donc songea-t-il en se levant pour se mettre à faire les cents pas.

Mais il s'immobilisa assez rapidement, se calant instinctivement dans un coin plus sombre de son antre. On l'observait, il le sentait. Et il eut vite fait de remarquer la silhouette immobile qui semblait l'observer sans qu'il sache très bien si c'était un bon ou un mauvais signe. De qui s'agissait-il ? Et plus important encore, que lui voulait-on ? Si c'était une visite officielle alors la personne se serait déjà présentée à lui, plus ou moins autoritairement d'ailleurs. Non c'était autre chose... Un sale curieux qui voulait sans doute voir l'Ombre du Roi de ses yeux... La jubilation non cachée de ces rebelles commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs, mais il ne leur ferait pas la joie de le leur montrer. De toutes façons, l'inconnu sortait de l'ombre.

Son visage fit immédiatement tiquer le commandant des Lames Noires. Il n'oubliait jamais un ennemi et d'autant plus quand celui-ci était doublé d'un traitre et d'un assassin. C'est donc d'une voix chargé d'un parfait mépris qu'il prit acte de sa présence :

"Falkire..."

Les paroles de l'ancien soldat de l'empire résonnèrent entre eux. Il semblait fatigué et pas spécialement heureux ou malheureux de voir son ennemi dans cette situation. La réponse du vieux garde ne se fit pas attendre, cinglante :

"Et moi j'espérais que tu gisais quelque part, le nez dans la boue et la gorge tranchée par je ne sais quel truand qui t'aurait rendu la monnaie de ta pièce. Boucher."

Car si Aaron pouvait facilement respecter les guerriers, il n'avait jamais apprécié les meurtriers qui plantaient leurs épées dans le dos de leurs adversaires. D'autant plus si ces adversaires avait cru pouvoir être considérés comme des alliés l'instant d'avant... Ce qu'avait fait Matis Falkire, le garde royal ne le pardonnerait sans doute jamais. Et la lueur meurtière qui brillait dans son regard pâle le démontrait assez bien. Il s'était approché des barreaux, silencieux comme un fauve. Aucune chance de pouvoir saisir son tendre ami par son non moins tendre cou même en étendant tout son bras en travers. Dommage... Il se serait fait un plaisir de le lui briser. Agressif, il menaça :

"Approche donc ta sale trogne. Que je te montre à quel point je vais bien..."

Aucune chance que l'autre ne prenne ce risque évidemment, ce serait complétement idiot. Il reprit donc après quelques secondes de silence :

"Que veux-tu ?"

Il le tutoyait sans vergogne. L'autre avait perdu tout droit au respect depuis qu'il avait trahit son roi légitime et tué ses compagnons d'arme.

Décidément le vieux garde l'avait mauvaise. Mais en même temps il comprenait pourquoi, n'avait il pas été à sa place il y a quelques années ? Non il ne l'avait jamais été, cela avait été bien pire à vivre, bien pire que tout ce qu'il aurait été capable de subir ici. En comparaison, c'était un véritable palace, la comparaison était si stupide qu'il en eu le sourire aux lèvres. C'était léger et ne dura qu'un instant, mais il ne devait plus comparer la situation du garde à celle qu'il avait lui même vécu. Plus jamais.

Il écouta le garde parler, et il reconnu immédiatement de la haine, de la rancœur et tout un ensemble de sentiment confus et pourtant si clair. Cet homme le voulait mort, grand bien lui fasse, qu'il prenne un ticket et attende son tour comme tous les autres. Matis n'avait pas que cela à faire. Mais ce qui le fit tiquer ce fut cette remarque. Boucher. Sérieusement ? Et pour qu'elle raison ? Il resta là un instant à essayer de comprendre avant de s'en souvenir enfin. Oui, le palais. La manière dont il avait lancé les hostilités n'avait pas été conforme à ce que la grande Garde de l'Empereur Fabius Premier était habituée. Non, avec eux il fallait les prévenir deux semaines à l'avance. Cela lui faisait pitié, cet homme était resté vraiment trop loin du front car sur le front l'honneur n'avait plus cour. Il fallait uniquement rester en vie, et il ne se fit pas prier pour lui expliquer.

Mon cher commandant de la garde... Avoir autant de haine et de dégoût pour une seule et même personne me semblait bien au delà de vos capacités émotionnelle. Car après tout, vous n'avez pas sourciller lorsque votre empereur chérie nous a vendu à l'ennemi. Ce même ennemi que mes frères et moi avons combattu, en sous effectif, sous armée, abandonné de la noblesse et du commandement. Ce même ennemi qui à raser des villages entiers, décimé des centaines voire des milliers de personnes. Des civils, des familles, des femmes et des enfants. Brûlant les maisons, rasant les villes qui ne se rendait pas.

Votre empereur s'est jeté à leurs pieds pour leur cirer les pompes. Vous avez suivi. La noblesse dont je fais parti à suivi le mouvement. Et vous vous êtes couvert de honte. Vous cautionnez les massacres qui ont encore cour à l'heure où nous parlons. Vous soutenez un régime qui exécute ses opposants pour la simple raison qu'ils n'ont payés les impôts utilisés soit pour les bains de votre empereur, soit les églises des envahisseurs.

Matis prit un instant pour réfléchir. Il avait dit tout cela sur un ton si neutre et naturel qu'il aurait pu parler de poulet rôti que cela n'aurait rien changer. Cet homme ne comprendrait jamais... Il soupira, il avait de la peine pour cet homme qui avait l'esprit obscurci par la haine.

Vous nous avez abandonné, vous nous avez laissé seul face à la tempête. Vous avez fait tuer des centaines de soldats, des gens que j'ai connu, formé et avec qui je me suis battu pendant treize ans. Treize années données à cet Empire qui n'en avait rien à faire au final.

Et c'est moi que vous nommez boucher ? Sérieusement, ne me faite pas rire je n'ai pas le coeur à ça.

L'homme voulait en découdre, mais il ne lui laisserait pas cette chance. Il avait été à la place de prisonnier, il savait ce qu'on subissait et ce qu'on subissait. Il ne lui laisserait donc aucune ouverture, il ne le maltraiterait pas car cela n'avait aucune utilité à part le rendre encore plus fous et vindicatif. Mais il sourit tristement à sa bravade, et d'autant plus quand il lui demanda ce qu'il voulait. Il voyait là un homme qui s'ennuyait ferme et qui était à bout... Il devait ronger son frein et ne penser qu'à une chose, s’échapper d'ici...

Vous me prenez pour une bille monsieur ? J'ai été à votre place chez les vampires. Des mois dans leurs camps de prisonnier à passer entre les mains des conseillers de leur prince alors si vous croyez que je vais tomber dans votre piège.... En tout cas je peux vous dire que vous êtes bien traité ici, même si vous êtes entre les mains de boucher comme vous dite. j'espère juste pour vous que jamais vous n'aurez à subir les affres de boucher justement....


Quant à savoir ce que je veux c'est très simple. Je veux juste discuter, je ne suis pas venu vous tourmenter, j'ai bien d'autres choses à faire.... Sans parler que cela n'a aucun intérêt n'est ce pas ? Et puis vous étiez dehors vous, vous savez comment va la population.. Vous êtes, que vous le vouliez ou non, une mine précieuse d'information...

L'insulte concernant ses capacités émotionnelles le laissèrent de marbre. Il était en effet de notoriété publique qu'il était un homme dur ne faisant que rarement preuve de sentimentalisme. Son caractère était ainsi fait, et cela lui avait toujours été utile dans son travail donc il n'avait aucune raison de s'en plaindre ou de se sentir insulté. Malgré tout le meurtre pur et simple des hommes qu'il avait eu sous ses ordres par la main de Falkire et des siens l'avait bel et bien meurtrie, peu importait que l'autre juge cela possible ou non. Quand aux accusations restantes, il les refuta d'un haussement d'épaule :

"Ce n'est pas à Fabius Kohan qu'il faut vous en prendre si vous avez combattu seuls. Il a justement cherché à sauvegarder le plus de vie possible et à nous faire sortir d'une guerre sans espoir. Toutes les horreurs dont tu parle auraient continué sans l'intervention du roi. Et les seuls massacres qui ont encore lieu sont le fait de tes amis rebelles. L'empire serait actuellement en paix si toute une bande d'imbéciles n'avait pas décidé de soutenir un traître et un régicide."

Car oui, ce qui lui faisait le plus mal dans cette histoire c'était bel et bien le fait que Korentin Kohan soit encore en liberté. Que l'assassin de Gregorist, de son protégé, du fils de Rachèle, puisse encore se promener en toute impunité sur le continent le rendait malade. Falkire faisait bien la paire avec tiens... Poison et lame dans le dos, ils pouvaient renverser des empires à eux deux. Jusqu'au jour où ils trouveraient l'épée du commandant sur leur route, et là rira bien qui rira le dernier... Même si l'autre lui disait justement qu'il n'avait pas le coeur à rire. Aaron lui répondit sèchement :

"La guerre est la guerre. Je ne suis qu'un garde, je n'y ai jamais envoyé personne. Mais c'est le devoir des empereurs que de les mener lorsque c'est nécessaire, et de savoir les arrêter au bon moment. Et quelque soit le nombre de massacres auxquels tu as pu assister, cela n'excuse en rien le fait d'avoir assassiné lâchement des hommes qui te tournaient le dos en toute confiance. Je me fiche des codes d'honneur, je ne reconnais que la loi de mon souverain. Mais il y a des choses que je ne ferais pas sans remords, et je n'en vois aucun dans tes yeux. Alors oui je persiste. Boucher."

Il s'arrêta, à bout de souffle. Il n'avait pas l'habitude de parler autant, étant plutôt du genre silencieux. Mais le sujet lui tenait à coeur pour cette fois. Il avait retourné des centaines de fois dans sa tête la scène du couronnement, et il n'était jamais parvenu à comprendre et moins encore à pardonner l'acte de Falkire. Pouvoir lui cracher enfin son mépris en plein visage était plutôt réconfortant, même si cela ne l'avançait pas tellement.

Les révélations suivantes allumèrent une lueur de surprise dans ses prunelles pâles, il n'aurait jamais imaginé une chose pareille... Comment avait-il pu survivre sans être transformé ? Etait-il immunisé ? Il ne pu s'empêcher de s'imaginer ce que cela pouvait bien faire que de servir de casse croûte à répétition à un groupe de vampires affamés et sortit de ces réflexions quelque peu nauséeux. Mais cela ne l'empêcha pas de répondre sans détours :

"Je n'ai pas parlé de bille, et je ne me suis pas plaint. Le seul que j'accuse de boucherie pour le moment c'est toi, je crois connaître encore assez bien Korentin malgré tout ce qu'il a pu faire pour ne pas m'inquiéter de mes conditions de détention."

Au moins une chose dont il était certain. Sa colère était retombée peu à peu, fatiguée sans doute de ne pas trouver d'exutoire. De plus ce que l'autre disait était assez intéressant, non pas qu'il ai l'intention de servir de mine d'information mais peut-être pouvait-il pêcher des informations lui aussi. En attendant il préféra mettre les choses au clair très rapidement :

"Je ne suis une mine de rien du tout, aucun rebelle ne tirera la moindre information utile de moi même en me creusant jusqu'à l'os. Je m'arracherai plutôt la langue à moi-même si cela s'avère nécessaire."

Et il ne plaisantait absolument pas. Il avait élevé le fanatisme jusqu'au rang d'art, si il devait en arriver là pour le bien de son roi il n'y essayerait très certainement. Ce sujet éclaircit, il poussa le culot jusqu'à plutôt interroger l'autre lui-même. Il n'avait aucune raison de lui répondre, mais aucune raison de le laisser dans l'ignorance non plus...

"J'ai entendu d'étranges bruits au sujet de la princesse Esmelda. Elle va bien ?"

Il n'avait pas trop comprit de quoi il retournait du fin fond de sa cellule, mais il en avait entendu assez pour être inquiet. Même si elle faisait fausse route, Esmelda restait la fille de Rachèle, la soeur de Gregorist. Elle était sans doute la personne à laquelle il pouvait tenir le plus au sein de la rébellion et il ne désespérait pas de la voir retourner sur le droit chemin un jour ou l'autre. Fabius lui pardonnerait, il le fallait. Et il aurait le bonheur de ramener sa fille à Rachèle Kohan. Enfin... Si elle allait bien, ce qui n'était pas certain et n'avait de cesse de l'inquiéter...

Alors comme ça Fabius était un sauveur de vie ? Un Empereur digne de son nom qui se battait pour son peuple, pour son empire et la race humaine dans son ensemble ? Diantre, se serait il trompé depuis tout ces mois ? Se battait il pour la mauvaise cause ? Soutenait il un régicide, un traître et un tyran en devenir ? Par les esprits, mais oui c'était bien cela. L'homme était complètement endoctriné par des mois de service et sans doute par autre chose, il devait y avoir de la magie dans l'air. Car Matis ne pouvait pas concevoir qu'un être tel que Lui pouvait si facilement tomber dans l'escarcelle de ce tyran... Ou alors il était bien plus faible qu'il ne le pensait.

Des massacres ? Bon, oui j'avoue avoir tranchés la gorge de quelques traîtres de ma caste qui s'était rangé dans les rangs des envahisseurs. Mais quand même, de là à m'accuser de massacre à grande échelle ? Tout de même, j'ai beau être une machine de guerre je ne tue pas les civils... Contrairement à vos amis Alayien.

Matis prit un tabouret et s'assit. Il observa le prisonnier l'air peiné, il se tenait les mains et n'avait qu'une envie : lui répondre. Ce qu'il fit sans attendre.

Etes vous sortie de votre cocon de Gloria ne serait ce qu'une fois ? Avez vous visitez les villages de l'Empire ? Avez vous visiter ce petit village d'une centaine d'âme à quelques lieux d'Elena récemment ? Avez vous vu les massacres commis par vos amis Alayiens car les citoyens ne souhaitaient pas rejoindre le culte de Néant ? Tous massacrés, femme, enfant, vieillard, homme. A mais oui, je suis bête, là aussi ils sauvegardaient la vie et la civilisation. Par contre comment peut on sauvegarder la vie en tuant les gens... Hum. Ha mais oui, je ne peux pas le savoir puisque je suis un régicide et un traître. Mais c'est bien sûr logique.

Matis sourit tristement à cet homme qui, trop sûr de ses savoirs, était à des années lumières de la réalité. Il était vieux, il était diminué par la peine de la perte de l'Empereur. Il était sans doute altéré par la magie de Fabius ou pas il ne savait quoi d'autre. L'homme était dans un cocon de haine... Il ne pouvait rien en tirer pour le moment.

Vous voulez savoir pourquoi l'Empire est en guerre aujourd'hui ? Parce que votre super Fabius n'a qu'une seule envie, éradiquer tout les membres de sa famille pour que le pouvoir ne revienne qu'à lui même et à sa dynastie. Il a d'ailleurs commencé avec sa cousine Morgane. Oui, la dame D'Elena est tombée sous les coups de son cousin. Ce n'était peut être pas lui qui portait l'épée, mais c'est bel et bien lui qui la conduite à la mort. Que dites vous de cela ? Avez vous une réponse ? Ou allez vous vous contentez de l'éternel, elle ne suivait pas la bonne voie. ?

Matis jouait avec ses mains, il savait bien que la violence physique ne résoudrait rien... Par contre il pouvait le pousser à se poser des questions. Peut être cela ne marcherait il pas tout de suite, mais sur le long terme cela fonctionne à chaque fois... A moins qu'il ne soit trop endoctriné.

Vous me parlez de traitre et de boucher. Tout ça pour quoi ? Parce que je me comporte sur un champ de bataille lorsque je délivre l'ex- futur assassin de votre empereur ? Qu'aurais je du faire ? Il prit volontairement un ton satyrique. Heur pardon collegue, mais là je vais t'attaquer parce que tu vois je suis pas tout à fait d'accord avec la politique du patron. M'en veux pas mais cette épée va traverser ton bide. Il redevint normal pour finir sa phrase. Vous êtes resté trop loin de la vrai guerre cher maitre. Vous avez beau être un excellent bretteur et un maître d'arme, vous ne connaissez rien à la guerre et à ce qu'il faut faire pour rester en vie.

Vous et les votres n'avez jamais eu la moindre once de respect pour nous qui nous sommes littéralement arraché la peau d'en bas pour que vous restiez au chaud à dorloter la famille impériale. Alors votre leçon de morale à la noix vous pouvez vous la carrer où je pense.

Non mais sérieusement, il se prenait pour quoi cet énergumène. Qu'il crève donc la bouche ouvert ça lui fera des vacances. Mais il ne put retenir un rire quand l'autre parla de s'arracher la langue. Il le regarda l'air bête et le montra des deux mains. Il n'avait qu'une envie, qu'il le fasse. Juste pour voir s'il pensait sincèrement pourvoir réussir son coup. Et puis scientifiquement parlant cela pourrait être pas mal à voir.

Mais allez y grand maître. Essayez donc de vous ôter la langue, j'ai hâte de voir ce que cela pourrait donner. Surtout à main nue, cela pourrait donner lieu à une sacrée boucherie n'est ce pas ? Aller, je vous attend, montrez que vous en êtes capable.

Il attendit un instant de plus avant de le chambrer de nouveau. Comme il s'y attendait ce n'était que de l'esbroufe, l'autre n'allait pas risquer de ce mutiler uniquement pour cela... Rahalala, cela aurait au moins eu le mérite de lui clouer le bec... Pour une fois qu'il se montrait raisonnable. En tout cas il ne voulait rien dire, tant pis, il finirait bien par réussir à le faire parler, d'une manière ou d'une autre. Alors il prit le temps de lui répondre, sa question était logique, et il n'avait rien à perdre à lui répondre au sujet de la princesse.

La princesse va bien, je fais en sorte que cela dure malgré les tentatives d'assassina, tant des Alayiens que de votre cher souverain. Aurait il quelque chose à se reprocher auprès de la princesse pour qu'il veuille sa mort à ce point ? Je lui apprend le maniement des armes, et elle est une combattante émérite que fais tout ce qu'elle peut pour aider son peuple... Si ça ne tenait qu'à moi ce serait elle sur le trône... Elle au moins elle saurait nous conduire équitablement.. Pas comme Fabius qui est trop attiré par les femmes, l'argent et le pouvoir ou korentin qui est trop mou et qui prend le pouvoir que parce qu'il n' a pas le choix...

Et oui grand maitre, ici il n'est pas question de blanc ou de noir, on n'est pas bon ou méchant. On est tous des hommes avec des opinions, et vous, vous suivez un assassin et un tueur de masse. Car le meurtre de l'Empereur n'est pas du fait de korentin. Il aimait trop son cousin pour ça, par contre, y a t'il une seule chose que Fabius ne ferait pas pour le pouvoir ?

Il n'était pas sûr à cent pour cent de ce qu'il avançait, mais c'était la chose la plus logique quant on reconstituait le chemin parcouru par les deux hommes.

Il ne pu s'empêcher de hausser les sourcils devant le qualificatif que l'autre se donnait lui-même. Une machine de guerre hein ? En voilà un qui ne s'encombrait pas de modestie. Il ne releva pas toutefois, pressentant qu'ils pourraient tous deux discuter pendant des heures de ces histoires de massacres sans pour autant en venir à en accord. Lui resterait toujours persuadé que la rébellion était la cause de tous les malheurs de l'empire tandis que Falkire soutiendrait jusqu'à son dernier souffle que c'était l'Empire lui-même et le roi dont il ne voulait pas entendre parler autrement que comme un usurpateur. Tant qu'à rester sur leurs positions tous les deux, autant gagner du temps et abandonner l'idée de convaincre l'autre... Il haussa les épaules lorsque l'autre l'interrogea et répondit sans détours :

"Cela m'arrive. Qu'est-ce que tu crois ? Que je ne met jamais les pieds hors de Gloria ? Je suis le commandant de mon ordre, c'est mon devoir que d'aller inspecter les corps de Lames Noires affectées à d'autres villes. J'ai très bien vu les agissements des Alayiens avant la trêve. Je ne les porte pas plus dans mon coeur que toi, mais je suis satisfait de savoir que cette guerre atroce a prit fin. Et agacé de voir que les rebelles s'obstinent à brandir les armes."

Les accusations se poursuivirent, flot continu de venin qui n'écornerait jamais sa loyauté. Tout ceci le lassait mais ce n'était pas comme si il pouvait mettre fin à la conversation et quitter les lieux. A part se boucher les oreilles, il ne pouvait que répliquer sèchement :

"Fabius ne fait qu'appliquer la loi. Il ne peut laisser une assemblée de traîtres en liberté, et encore moins un régicide comme Korentin Kohan. Quand à Morgane Kohan, j'ignore ce qui a pu lui arriver. Je ne pense pas que Fabius soit responsable de sa mort, mais même si c'est le cas alors il a là encore la justice pour lui. Il est le roi."

Ce simple fait valait pour lui toutes les explications du monde. Le roi prenait les décisions et il ne lui serait jamais venu à l'esprit de simplement oser contester un ordre de sa part. Il était ainsi fait, trempé dans l'acier aveugle de son fanatisme et pas décidé à changer. Fabius Kohan aurait-il ordonné d'exécuter Morgane le jour de son couronnement qu'il aurait obéit sans broncher, même si sans enthousiasme. Toute sa vie avait tendue vers cela, la loyauté totale. C'était d'ailleurs le coeur même des doctrines de son ordre.

"Vous et les votres n'avez jamais eu la moindre once de respect pour nous qui nous sommes littéralement arraché la peau d'en bas pour que vous restiez au chaud à dorloter la famille impériale. Alors votre leçon de morale à la noix vous pouvez vous la carrer où je pense. "

Quel bavard que celui là... Il avait même du mal à en placer une dans son interminable discours et il ne pouvait que froncer les sourcils devant les insultes. Ce blanc bec venait-il vraiment de lui dire qu'il ne connaissait rien à la guerre ? Etait-il né seulement, quand Aaron avait mené les patrouilles contre les vampires ? Un rictus fit tressaillir son visage et il secoua la tête :

"Tu profères des insultes sans même savoir de quoi tu parles. Où sont recrutées les Lames à ton avis ? Crois-tu que je sélectionne mes hommes parmi la jeunesse dorée ou plutôt chez ceux qui, comme tu dis, s'arrachent la peau du bas ? Et crois-tu que moi, Aaron Dessay, je dorlote mes hommes ? Serions nous cette unité d'élite réputée parmi tout l'Empire si c'était le cas ? Tu parle de respect mon garçon, mais tu es le premier à mépriser aveuglement tout un corps d'armée simplement parce que tu ne le connais pas. Mes gars ne méritaient pas un coup d'épée dans le dos, c'est tout ce que j'ai à dire. Et je me fiche de savoir ce que tu peux bien penser d'eux."

Une lueur dure brillait dans son regard tandis qu'il le fixait sans ciller, plein d'une rancoeur farouche pour celui qui restait bien un assassin selon ses propres principes. Aussi inflexible et renfermé qu'il puisse se montrer, il aimait véritablement ses hommes et même si il considérait certaines pertes comme inévitables, il était très loin de s'en réjouir. Surtout lorsque la mort venait cueillir des jeunes hommes de cette façon... Les vengerait-il un jour ? Il doutait d'en avoir l'occasion au vu de sa situation, mais si cela devait être le cas alors il ne la raterait pas. C'était son devoir. Il subit la moquerie en silence, refusant d'entrer dans le jeu de l'autre. La suite par contre l'interessa beaucoup plus et il fronça les sourcils :

"J'avais entendu dire qu'elle avait été blessée... Par un vampire. C'est donc faux ? "

Si c'était le cas il en était heureux, mais tout de même cette rumeur devait bien venir de quelque part non ? Quand au désir de l'autre de voir une femme sur le trône, elle ne pouvait évidemment qu'entrer en conflit avec son profond respect pour les lois ancestrales.

"Une femme ne peut gouverner. Et les preuves qui accablent Korentin ne laissaient pas place au doute. Qu'est-ce que tu imagines, que j'ai pris parti pour l'un sans prendre le temps de vérifier les dires de l'autre ?"

Poursuivre dans cette voie ne mènerais à rien si ce n'est à épuiser inutilement les deux protagonistes, surtout Matis qui sentait le mal de tête grimper assez rapidement. Il n'était pas venu pour se prendre la tête avec le maitre des lames noires sur des sujets aussi triviaux que cela. Chacun avait son rôle et aurait dû le tenir, maintenant il estimait avoir largement tenu le sien, en était il de même pour le chef de la garde impériale ? A le voir il connaissait déjà la réponse, pour la simple et bonne raison qu'il était trop imbu ou trop impliqué pour voir la réalité. De toute façon aucun des deux n'étaient suffisamment objectif pour voir la réalité telle qu'elle était. Les deux partis, tant loyalistes que rebelles, menaient une guerre sale pour des raisons puériles. Mais est ce qu'ils pouvaient au moins l'assumer ? Matis ne pouvait pas tenir ce discours devant son ennemi, pour la simple et bonne raison qu'il s'en servirait à bon escient. Comme toujours.

Peut être que la guerre a prit fin, mais maintenant combien de temps leur donnez vous avant qu'ils ne répandent leur credo sur nos terres ? On aurait pu les vaincre, il n'y avait qu'à regarder la bataille des bois sombre.

Mais non, Fabius avait choisi de se rendre. Il avait choisi la facilité à l'honneur et au devoir, il s'en souviendrait lorsque l'heure des comptes arrivera. Et il priait pour que cela arrive rapidement car il ne se sentait pas à sa place en rebelle/bandit/conspirateur ou autre rôle pour le moins assez peu glorieux. Lui qui avait passé sa vie à protéger l'Empire voila qu'il voulait le mettre à bas. S'il avait eu le temps, il se serait penché sur une analyse de son conscient. Histoire de vérifier qu'il ne devenait pas complètement fou. Mais ça, c'était une toute autre histoire.

Quand il l'écoutait parler du roi et de sa justice, il savait au fond de lui qu'il avait raison, du moins dans la loi. Mais il ne sentait pas d'adapter la loi à la réalité ? Peut être que ce n'était pas lui qui avait tué Morgane, mais peut être que si. C'était arrivé dans des conditions si étranges et brutales qu'il ne savait pas tout. Celle qui aurait pu le renseigner n'était pas là et peut être n'aurait elle pas envie d'en parler... En tout cas c'est un point qu'il devra résoudre avant d'aller lui rendre hommage comme il se doit.

Il est peut être roi, mais il ne peut abuser de son pouvoir de la sorte. Si tout se passait relativement bien à l'époque c'était pour la simple et bonne raison que la famille impériale usait avec parcimonie de pouvoir tout en maintenant à flot l'Empire ainsi que l'unité de sa population. Croyez vous réellement que tout cela tien à coeur du nouveau locataire du palais impérial ? Permettez moi d'en douter.

Il avait en face de lui le chef de la garde impériale, pour l'avoir vu combattre il savait qu'il ne faisait pas la comparaison. Mais, par la chance et la grâce des esprits, il y avait entre eux une épaisse cage de fer. Le bretteur ne pouvait donc rien faire. Rien qu'à le voir parler de ce qu'il s'était passé dans la salle du trône, on voyait bien qu'il s'en voulait comme lui même s'en serait voulu si les rôles avaient été inversés. Mais ce n'était pas le cas ici, il n'avait que trop souvent vécu la mort des siens. Certes il ne jubilait pas, une mort est une mort et un aveu de faiblesse. Il savait bien qu'il serait juger un jour pour cela, mais pas par la justice impériale, du moins pas celle de Fabius. Cela ferait sans doute plaisir à Aaron, mais il ne lui laisserait pas cela. Pas question de lui laisser la moindre bonne nouvelle.

Il parla ensuite de la princesse, et pour le coup il ne savait pas réellement quoi répondre. Il savait que la reine avait faillit être blessée ou tout du moins qu'il y avait eu des attaques à son encontre. Mais il n'avait pas plus d'information que cela, néanmoins il ne pouvait laisser croire à Aaron qu'il n'était au courant de rien. Ne serait ce que par Orgueil qui, pour une fois, servirait sans doute à quelque chose.

Vous pensez qu'une femme ne peut commander ? Pourtant quand je la vois je me dis que je serais honoré de la servir, bien plus que ces deux Kohan qui se battent pour un trône. Le tout en apportant que plus de cadavres et de morts inutiles. Mais que voulez vous, c'est cela la politique de nos jours. Envoyer des gars se battre pour poser ces fesses sur un foutu trône.

Pour en revenir à ce qui vous intéresse, j'ai entendu parler de cela. Mais je ne pense pas être celui qui vous expliquera cela parfaitement. Après tout la princesse me semble être la meilleure pour vous expliquer ce qui lui est arrivée non ?

Et puis, vu ce que vous pensez de moi, qui vous dit que vous me croiriez ?

Voilà au moins un point sur lequel il n'avait pas tort. Aaron n'avait franchement pas besoin des rappels de Matis pour observer avec inquiétude les progrès des Alayiens dans l'art de la conversion. Leur avancée était lente bien sur, les Armandéens étaient particulièrement attachés à la magie et même si ils aimaient les Esprits on ne pouvait pas les dire religieux pour un sous. Ils comprenaient mal les précepts que l'on essayait de leur inculquer et d'après ce qu'Aaron en voyait la plupart d'entre eux avaient plutôt pris le parti d'en rire que de véritablement s'y intéresser. Mais il y avait tout de même des convertis, en particulier parmi la population la plus pauvre. Les gens qui n'avaient rien à perdre et qui voyaient en ce Dieu du vide un espoir de changement. De là à ce qu'une majoriét de population se convertisse, il y avait de la marge. Mais en effet, Aaron n'aimait pas cela. Sauf qu'interdire une religion et s'y fermer tout à fait était le meilleur moyen de la rendre plus populaire encore... En cela Fabius avait joué finement. Et il ne se gêna pas pour le dire :

"C'est un fait, la religion des Alayiens serait un problème si elle se propageait. Mais elle avance lentement, plus encore à présent qu'ils doivent se conformer aux lois de l'empire. Je pense qu'il est possible de la combattre sans entrer en guerre, même si je ne sais pas mener ce genre de combat je dois dire... Je laisse cela à d'autres mais je suis persuadé que même si nous avions gagné la guerre nous n'aurions pu effacer totalement la religion du Néant. Elle est entrée sur le continent, c'est ainsi. Nous devons faire avec maintenant qu'elle est là."

C'était le genre d'incendie qui ne s'éteignait pas comme cela mais qui pouvait se maîtriser. Du moins l'espérait-il... Il faisait confiance en Fabius en ce sens. Lui n'était qu'un exécutant, son roi saurait y faire avec ces difficultés. Il prouvait déjà chaque jour qu'il avait la tête sur les épaules. Il haussa les épaules en entendant parler de la bataille :

"Je n'étais pas à la bataille des Bois Sombres. Mais j'ai cru comprendre que les choses n'ont bien tourné que grace à l'intervention des Esprits et des dragons. D'ailleurs à ce moment à Gloria nous ignorions tout du déroulement de cette bataille. Nous savions seulement qu'une armée immense avait débordé les défenses des baptistrels. Le roi a agit au mieux avec les informations qu'il détenait à ce moment là. Je n'étais pas très convaincu au début, mais avec le recul je ne crois pas qu'il ai fait erreur. D'ailleurs même si c'était le cas, je le suivrais tout de même. Il est l'empereur."

Et encore une fois, cela se passait d'explications complémentaires. La seule mention d'abus de pouvoir n'avait pas le moindre sens aux yeux d'Aaron. Le roi était le pouvoir, il pouvait donc en user et en abuser comme bon lui semblait. D'ailleurs il ne lui semblait pas que Fabius en abusait plus que cela... Oh il profitait des bons côtés, cela c'était sur. Aaron avait passé trop d'heures à veiller sur la porte close de la chambre royale pour ne pas savoir que son roi vénéré s'en donnait à coeur joie avec toutes les jolies filles du palais à chaque fois qu'il en avait l'occasion. M'enfin quoi, c'était son droit après tout. Il était jeune et en bonne santé, mieux valait prendre ça comme un bien pour le royaume. Il y avait des vices plus ennuyeux que celui qui consistait à s'intéresser de trop près au décolleté de toutes les donzelles. L'ivrognerie par exemple, et il ne pouvait nier s'être parfois inquiété des penchants de Korentin pour l'alcool à l'époque où il ne voyait pas encore en lui un assassin. Décidément à présent qu'il y pensait, Fabius avait été plus qu'indiqué pour ce rôle que son cousin plus âgé...

La conversation s'orienta sur autre chose et il ne pu s'empêcher de sourire devant le respect presque passionné que le soldat semblait ressentir à l'égart d'Esmelda. En cela, la jeune femme ressemblait à sa mère. Elle savait cueillir le coeur des hommes et réveiller les meilleurs côtés en eux. Lui servait bien Rachèle depuis toujours, ce Matis aurait-il aussi trouvé qui servir ? Si c'était le cas, alors ils se ressemblaient plus qu'ils ne voulaient bien l'admettre... Il ne releva pas les accusations de l'homme vis à vis des deux Kohan mais ne pu s'empêcher de rebondir sur autre chose :

"Elle accepterait ? Je veux dire... Je ne l'ai pas revue depuis son départ pour les forêts Elfique..."

Et autant dire que l'envie de la rencontrer à nouveau et de voir par ses yeux ce qu'elle était devenue le démangeait. Suivait-elle Korentin par réelle conviction ou à défaut ? Pouvait-elle encore changer d'avis et revenir dans le droit chemin ? Voudrait-elle des nouvelles de sa mère ? Et par dessus tout, pourrait-il si il rentrait un jour à Gloria avoir la choix d'apporter d'heureuses nouvelles à Dame Rachèle ? Elle qui souffrait déjà de la mort de son fils, elle avait bien le droit d'avoir quelques nouvelles de sa fille... Il se leva brutalement et s'approcha aussi près que les barreaux le lui permettait afin de plonger un regard fievreux dans celui du soldat :

"Dis lui... Que j'aimerai lui parler. Avant de rencontrer Korentin et avant qu'il n'ai prit une décision à mon égart. Dis lui que j'ai des nouvelles de sa mère. Dis lui Falkire. Pas pour moi, pour toi, ou pour les deux Kohan qui se disputent le trône. Tu respecte la fille, moi je sers la mère depuis le premier instant où j'ai posé les yeux sur elle. Dis lui pour elles deux."

Il le fixait avec attention, sachant que l'entrevue touchait à sa fin mais ignorant encore si l'autre allait simplement partir en le plantant là ou si il allait accepter sa requête. Comment savoir avec un tel homme ?

En voila donc une surprise, le défenseur de l'empereur pensait comme lui en ce qui concernait la religion des Alayiens. Mais bien entendu la façon de la gérer n'était pas la même chez les deux soldats car Aaron était plutôt le genre à tenter de coexister avec eux en espérant que tous se passent bien. Matis, quant à lui, était plutôt un adepte de la manière forte avec ces fanatiques. Pas question de tergiverser avec des gens qui poussent aux massacres de masse pour la simple et bonne raison qu'ils ne prient pas le bon esprit. Les simples d'esprits peuvent croire ce qu'ils veulent, Matis ne laisserait jamais des gens pareils gouverner sur Armanda et le Royaume des Hommes. C'était tout bonnement hors de question.

Mais pour le reste, il était juste impossible de faire s'entendre le vieux soldat et le jeune rebelle. Chacun d'entre eux avait son histoire, son expérience du combat, sa famille à défendre et ses idéaux à mettre en avant. Et le moins que l'on puisse dire c'était que les deux points de vu étaient totalement différent, à un point tel qu'il était sans doute impossible de les faire s'entendre. La guerre pouvait changer tellement de gens, exacerber les idées et les comportements. Faire s'affronter les gens n'était pas suffisant pour la guerre, non. Il fallait en plus les forcer à se haïr par la pensée et tout faire pour que l'un gagne en anéantissant l'autre. Malheureusement cette guerre, voulue par les Alayiens, a réussie son office. Les combats avaient partager le puissant Empire en deux camps non seulement impuissant mais maintenant ennemi. Que pouvait il se passer maintenant ? Après tant d'années de guerre contre les vampires, après des boucheries, après la fuite devant l'avancée inexorable des Alayiens ? Que pouvait il se passer pour le commun des mortels et les habitants de l'Empire ? La mort ou la soumission à un pouvoir despotique ? Tu parle d'un choix. Mais pouvait il en être autrement à ce moment là de l'Histoire ? Matis savait bien que non, il avait beau être idéaliste parfois, il se savait trop réaliste pour croire et espérer que tout se termine rapidement et bien. C'était impossible. En face, comme dans son camps, les visions du monde étaient trop différentes, les tensions à leurs niveaux maximums. La guerre civile était bien présente et allait durer encore un bon moment.

Cela ne sert à rien de continuer, nos visions sont trop différentes et je n'arriverais pas à vous faire changer d'avis sur ce sujet. L'inverse étant vrai, il ne nous reste plus qu'à nous entre-tuer dans la joie et la bonne humeur. Pour le plus grand plaisir de vos amis Alayiens, après tout, quant on voit des gens comme Lyra du néant, on se demande si ce n'est pas ce qu'ils attendaient. Je ne sais si vous l'avez déjà affronter, mais c'est là l'archétype même des gens que nous nous devons d'affronter. Cette guerre fratricide ne mènera à rien si ce n'est la fin de l'Empire et de la richesse de sa culture.

Et tout ça à cause de deux personnes trop attirés par le pouvoir que par les intérêts de leur propre peuple.... Si ce n'était pas aussi dramatique j'en rirais presque.

Puis, comme il s'y attendait, l'homme réagit vivement aux paroles du capitaine. Il voulait parler à la princesse, c'était là quelque chose qu'il demandait comme une faveur ou un service. Il lui parla d'honneur, de rendre service à la jeune femme et à la mère de celle ci. Mais cela ne changea en rien l'avis de Matis, avis qu'il avait déjà prit bien avant d'entrer dans la pièce. Il s'était attendu à ce qu'il lui parle d'elle, s'était d'ailleurs pour cela qu'il avait mit le sujet sur la table.

L'homme n'attendait qu'une chose, que le rebelle lui réponde, et lui réponde vite. Mais pourquoi se presser ? Matis ne le fit pas attendre pour le seul plaisir de le voir mal, bon si un peu quand même, mais aussi pour voir comment réaliser cela. Finalement, il trouva, il devra utiliser ses hommes pour cela, heureusement qu'il s'entend bien avec pas mal de gars et que ses opérations avec les nordiques on fait jaillir sur lui un peu de prestige. Première fois qu'il pourrait s'en servir d'ailleurs.

Calmez vous Aaron, effectivement je ne le ferais pas pour vous car je ne vous doit rien. Mais, quoi que nous en pensons, nous avons cela en commun. Vous servez une Kohan et je fais de même avec la princesse. Je pourrais mourir pour elle et je sais que vous aussi. Elle doit sans doute avoir besoin d'information sur sa famille, surtout depuis la mort de sa cousine....

Alors oui, je lui ferais passer le mot, je ne sais pas quand j'arriverais à la faire venir, attendez vous à la voir à n'importe quel moment à partir de moment. Avez vous un mots à lui faire passer ?

Hj : voilà, rp terminé pour ma part. Je pense qu'on a fait le tour ? Je te laisse conclure pour ton perso si tu veux ?


Au moins étaient-ils d'accords sur le fait que cela ne servait à rien de continuer et qu'ils ne seraient jamais sur la même longueur d'onde, c'était toujours ça... Quand on avait rien du tout, il fallait apprendre à se contenter de très peu. Il ne répondit pas à la remarque sur les deux rois, préférant hausser les épaules pour montrer qu'il n'était pas d'accord mais sans prendre le risque de retombre dans une nouvelle explication de texte interminable. Ils ne lâcheraient le morceau ni l'un ni l'autre alors à quoi bon encore une fois ?

Refusant d'y penser, il préféra se concentrer sur les traits de son interlocuteur. Il serrait les barreaux avec force, entièrement plongé dans son regard dans l'espoir d'y lire à l'avance la réponse qui tardait à venir. L'autre allait-il pousser le vice jusqu'à refuser sa demande pour le simple plaisir de le faire bisquer ? Peut-être bien qu'il en était capable... Aaron n'aurait pas trop su le dire, mais si c'était le cas alors ce serait fort réussi. Si il y avait une seule et unique personne qu'il crevait d'envie de voir depuis son arrivée à Aigue c'était bien Esmelda. Et si possible avant que l'autre régicide là ne lui fasse couper la tête. Il aurait assurement moins fière allure après ça...

Le tuerait-il d'ailleurs ? C'était probable. Il avait choisi le camp adverse et servait le cousin de Korentin avec férocité. Il était un adversaire dangereux, voir terrible dès lors qu'on l'affrontait une épée à la main. Mais d'un autre côté il était aussi une monnaie d'échange plus qu'intéressante. L'échangerait-on plutôt que de l'exécuter ? Il ne savait trop que penser de cette possibilité mais en y réfléchissant elle lui semblait plutôt déplaisante. Mourir était une chose, mais retourner auprès de son roi humilié et vaincu ? Avec la certitude quasi absolue de lui avoir déplu et de l'avoir possiblement forcé à échanger un atout pour le récupérer ? Non, il ne voulait pas de cela. Il ne pouvait qu'espérer que Fabius ne céderait pas. Ou au moins qu'il serait très dur en affaire, et là dessus il ne s'inquiétait pas vraiment. Son roi serait bien capable de trouver le moyen de l'échanger sans y perdre grand chose, mais de là à se réjouir de retourner à ses côtés dans ses conditions... Il serra la mâchoire avec frustration.

La réponse à sa demande tomba enfin, même si le conseil de se calmer l'hérissait quelque peu. De même que la certitude que l'autre l'avait fait attendre le plus possible simplement pour le rendre fou, mais qu'y pouvait-il ? Au moins avait-il enfin sa réponse :

"Alors oui, je lui ferais passer le mot, je ne sais pas quand j'arriverais à la faire venir, attendez vous à la voir à n'importe quel moment à partir de moment. Avez vous un mots à lui faire passer ?"

Un mot... Il chercha un instant ce qu'il pouvait bien vouloir lui dire. Des milliers de choses assurement, mais il n'avait pas le droit à un discours. Il se décida donc :

"Dis lui que Dame Rachèle va bien. Et que je requière respectueusement sa présence afin de lui en dire plus. Je ne la sers peut-être plus, mais elle a toujours toute mon estime."

En cela non plus il ne mentait pas, il aimait énormément Esmelda et si Korentin avait perdu la plus grande partie de son estime ce n'était pas le cas de la princesse. Il ne s'agenouillerait plus devant elle, puisque elle était désormais considérée comme traitresse à la couronne, mais elle resterait une Kohan à ses yeux. Ne lui restait qu'à espérer qu'elle accède à sa requête, mais ça ne l'inquiétait pas. Si elle n'avait pas changé alors elle n'aurait pas le coeur de l'ignorer, peut-être penserait-elle qu'il voulait lui demander sa grace d'ailleurs... Devait-il ajouter un mot en ce sens afin d'expliquer que ce n'était pas son intention ? Il renonça, craignant d'être trop long et d'ainsi diminuer ses chances que le message arrive bien à la bonne oreille. Pouvait-il faire confiance à cet homme ? Sans doute pas, mais il n'avait pas d'autre chose. Il recula de quelques pas derrière les barreaux de sa cellule, sachant que l'entrevue touchait à sa fin et concéda du bout des lèvres :

"Merci."