La vie pouvait prendre un tour bien étrange, en particulier lorsque l’on voguait au travers des eaux sombres de la guerre. Lorsque le malheur s’abattait, il était bien rare qu’il ne soit pas suivit par la peine et le deuil, sans compter l’injustice et ses maîtresses innombrables… Hors il lui semblait, à elle, pauvre petite fleur délicate, que c’était précisément dans ce genre de période qu’ils vivaient présentement, et quand elle tentait de s’interroger, se demandant pourquoi, et pourquoi eux, maintenant, elle finissait invariablement par se trouver au bord des larmes, tremblante et effondrée. Hors, elle ne désirait pas qu’on la voit pleurer. D’une part parce qu’elle était une Kohan et devait faire honneur non seulement à son père, resté à Elena pour la défense, mais également ses cousins Gregorist et Korentin qui défendaient le royaume de leurs mieux. Quant à ses enfants, il était évident qu’elle ne désirait pas qu’ils la voient ainsi, les pauvres amours étaient bien assez perturbés et conscient des réalités comme cela. Et comment ne pouvaient-ils pas l’être ? Certes, Valen était encore bien jeune, et ne comprenait pas aussi bien que son aîné ce qui advenait autours de lui, mais il sentait naturellement la tension, l’angoisse et tout ce qui imbibait l’atmosphère de la ville entre chaque attaque… Ce n’était vraiment pas bon pour lui. Quel destin était-ce que de passer sa prime jeunesse ainsi ? En mère inquiète, elle imaginait déjà que cela se répercuterait sur le reste de sa vie future, si vie il y avait… et elle aurait volontiers donné tout ce qu’elle possédait, sa vie même, pour mettre en sécurité ses fils. Hakon, le plus âgé, avait encore l’innocence de la jeunesse, croyant dur comme fer à la victoire de l’Empire sur ces envahisseurs venus d’ailleurs, d’un ailleurs qu’il semblait se représenter comme quelque purgatoire pour âmes fautives. Pourtant la menace n’était pas impalpable comme quelques âmes errantes revenues parmi eux, elle était réelle et toute proche, et si son trésor désirait devenir un chevalier, elle s’en angoissait d’autant plus. Hakon… haut roi, dans la langue du nord. Il était un sujet d’angoisse à lui tout seul, dans un certain sens, indépendamment des Alayiens dont l’ombre maléfique s’étirait sur eux tous comme une épée de Damoclès. Elle n’avait certes pas choisit ce nom par hasard, mais parce qu’il était souvenance d’un autre, connu des années plus tôt et jamais oublié.

Elle l’avait revu, son Emeril. Et la surprise de le voir près du souverain était sans fin bien que cela releva là d’un autre temps. Il était en poste depuis plusieurs années. Elle semblait pourtant découvrir ce fait à chaque fois qu’elle posait les yeux sur lui, n’osant guère lui parler. Il avait changé, mais malgré les blessures, elle le trouvait toujours égal à lui-même… et d’une certaine façon, encore plus charismatique. Si seulement ses fils pouvaient lui ressembler ! Hélas, même si elle le désirait ardemment, il n’y avait guère de chance qu’ils deviennent pareil à ce guerrier endurcit, vétéran d’innombrables combats, dont les hauts faits n’étaient guère égalés en ces terres. Son mari faisait pâle figure en comparaison. Mais hélas, il était son mari, et elle priait les esprits sans discontinuer qu’il ne se rende jamais compte de l’attachement qu’elle avait pour le bouclier du roi, ou elle était certaine qu’il tenterait de le lui enlever. Oui elle priait, presque autant qu’elle priait pour qu’aucun de ceux qui lui étaient chers ne tombent en combattant les envahisseurs, là sur les murailles. La blessure de Gregorist l’avait alarmé, bien qu’elle ne l’ai pas énormément côtoyé. Que se passerait-il si Korentin était également blessé ? Et Son père ? Ses frères ? Emeril lui-même ? Elle ne savait pas. Elle ne voulait pas qu’une telle catastrophe advienne. S’en serait beaucoup trop pour elle qui devait déjà se faire violence pour parvenir à sourire aux siens. D’un pâle et hâve sourire qui ne devait certes tromper personne, mais qui préservait les apparences. Il y en avait d’ailleurs un autre qu’elle redoutait de voir blessé, un ami qui lui était cher et qu’elle savait bientôt revoir, sur sa propre demande. Hanz… dès qu’elle avait su qu’il avait manqué son affectation en raison du siège, et qu’il était en attente de mission, elle avait expressément demandé à pouvoir bénéficier de son épée. De toutes les lames noires, et en dehors d’Emeril en personne, c’était en lui qu’elle avait le plus confiance, celui qu’elle connaissait le mieux pour avoir brisé le simple vantail séparant le protégé du protecteur. Plus qu’un bouclier lige il était un ami dont elle connaissait la vie et les sentiments et pour qui elle avait une grande tendresse. En ces temps troubles, il n’y avait pas meilleur que lui pour veiller à sa sécurité ainsi qu’à celle de ses enfants. Points à celle de son mari, qui pouvait très bien réclamer sa propre suite de lames noires bien à lui. Hanz était de toutes façons au courant du fait qu’il valait mieux se méfier de Logan, et elle devinait que devoir lui être attaché ne serait franchement pas une partie de plaisir pour le soldat épris de justice.


Assise sur un banc de pierre, dans le jardin du palais impérial, elle s’occupait d’une plante bien singulière qui la suivait depuis Elena, cadeau de son père avant son départ, et attendait la venue du guerrier, seule. Sa suite de dames n’étaient pas restée, sur sa demande d’ailleurs car elle désirait des instants privés, au moins pour quelques heures. Entre ses mains, le pot de céramique était froid et lisse, et la plante, un lys solitaire couleur de poudre de perle grise argenté, semblait luire par instant, en une manifestation fugace qu’elle ne savait expliquer. Darius non plus, d’ailleurs, mais comme il l’avait pensé, elle lui plaisait beaucoup. Avec ses pouvoirs totémiques, elle nourrissait la fleur de magie, comme un symbole d’espoir, et une résistance muette au dogme profane qui semblait se propager là, au dehors, comme une peste d’un nouveau genre. Et alors qu’elle reposait le pot de coter, la femme qu’elle avait envoyé chercher Hanz revint enfin, l’homme la suivant de près. « Tu peux y aller, je te remercie » Saluant la dame de compagnie, elle attendit que celle-ci s’éclipse et acheva de préparer sa compagne végétale à un repos bien mérité, avant de se lever, et de venir se camper devant la forteresse en armure, lui souriant doucement. Même si elle ne pouvait voir son visage, elle le devinait bien assez, le connaissant par cœur. Un instant passé, éphémère comme une aile de papillon, puis elle soupira, ouvrit les bras et vint le serrer avec douceur, ne prenant nullement en compte l’armure ou la silhouette imposante de la lame noire. C’était un profond soulagement qui l’envahissait chaque fois qu’elle le voyait, comme si il pouvait la protéger de tout et en toutes circonstances. Et avec ce soulagement venait la vulnérabilité…


Ses épaules tressautèrent un bref instant, tandis que des larmes comme des perles lactescentes roulaient sur ses joues. Elle recula, souriant toujours malgré le flot doux qui s’épanchait enfin. « Je…. Je suis heureuse de te revoir. J’espère que tu ne m’en veux pas de mon caprice, mais j’ai pensé… » Qu’il voudrait bien la protéger de nouveau. « J’ai eu vraiment peur pour toi, Hanz.. En réalité…. Je crois que j’ai peur pour tout le monde en ce moment »

Il était étrange de ressentir tant de sentiments contraires, l’envie de sourire et de pleurer tout à la fois, alors que le soulagement, comme un bris de la digue de paraître dont elle se faisait une bien frêle armure, apportait égale-ment la faiblesse d’un affect tremblant qui ne demandait qu’à s’écouler, s’épancher, tel le sang d’une plaie au cœur, ouverte… Depuis des jours elle s’empêchait de pleurer, ne pouvant même compter sur son époux pour lui prodiguer le réconfort qu’elle nécessitait. Logan se fichait bien d’elle et de ce qu’elle ressentait, et en aurait cer-tainement profité pour lui faire mal plus qu’autre chose. Korentin était déjà préoccupé par le siège et ses devoirs de régent, Esmelda était éloignée, perdue chez les elfes, Gregorist l’intimidait et avait bien autre chose à faire, son père et ses frères n’étaient pas là et il était hors de question de déranger Emeril qui l’accompagnait partout. Elle était seule, ou presque, si l’on comptait son seul fidèle ami encore présent dans la capitale et qu’elle avait fait appeler auprès d’elle dès qu’elle l’avait pu. Il était la seule personne ayant des bonnes intentions envers elle à qui elle pouvait s’ouvrir. Sa lame noire, son épée lige, son bouclier, depuis sa première affectation et elle n’aurait pu vouloir qui que ce soit d’autre quand bien même les plus grands virtuoses de l’épée se seraient proposés pour la servir. C’était Hanz qu’elle avait voulu et qu’elle avait eu et elle était fort heureuse de le voir, tant et tant d’ailleurs qu’elle en pleurait, des larmes qui regroupaient absolument tout ce qu’elle pouvait retenir dans l’écrin palpitant de son petit cœur d’oiselle fragile. Blessée oui, de tant de choses. Mais sa venue était un baume qui améliorait quelque peu le quotidien assombrit des nuages de guerre.

Son regard azuré posé sur lui, elle l’observa mettre un genou à terre, bien plus accessible à présent qu’il était presque à sa hauteur. C’était qu’hélas, elle était particulièrement petite même pour une femme et lui très grand, si grand en vérité qu’il semblait une montagne protectrice près d’elle. Cela ne l’intimidait pas, car elle savait, profondément, qu’il ne lui ferait jamais de mal. Bien au contraire. C’était un ami. Elle eut un doux sourire en l’observant, le couvant d’un regard emplie de tendresse. Ah qu’il était bon de le retrouver. Elle aurait toujours peur, bien évidemment mais au moins pouvait-elle le voir et cesser de laisser courir une imagination catastrophée qui l’imaginait dans les pires situations possibles et imaginables. Même la mention de Logan ne lui chassa pas ce sourire et lui abandonna sa main, l’écoutant pleinement, de cette attention tranquille qui était la sienne en pareil instant et ne dénotait pas de ce qu’elle pouvait nourrir d’impatience en son esprit. Car la présence d’Hanz était comme une assurance de paix pour un temps, une assurance qu’elle pouvait, un instant, se laisser aller à espérer de nouveau. Soupirant finalement avec douceur, elle vint caresser sa joue, profitant qu’il ait retiré son casque chose peu commune en ses heures de service. Il était heureux que le jardin soit désert en cette période, car il y avait fort à dire pour les amoureux de rumeurs, sur l’égard qu’ils avaient l’un envers l’autre.

« En réalité je n’ai pas pu’. L’on m’a dit qu’il valait mieux attendre que le commandant Dessay décide de vous réaffecter pour faire part de ma volonté. Je vous sais tous débordé, et je ne désirais point avoir l’air de mépriser vos priorité » Elle traça du bout des doigts la courbe d’une cicatrice, puis fit retomber sa main sur le col de l’armure. « Et cependant, à présent que vous voilà, vous êtes comme toujours une bénédiction. Je ne puis être totalement en paix sans votre présence à mes côtés Hanz. J’espère de tout cœur que vous pourrez me suivre désormais sans interruption. Car mes inquiétudes ne proviennent pas seulement de l’extérieur et des Alayiens… » Mais cela, il devait s’en douter. Il ne pouvait l’ignorer, il l’avait senti depuis longtemps et elle n’avait guère eut le cœur de le désavouer. « Surtout ici, à Gloria, où tout semble dénué de cœur. La cour est si… terrible, parfois. Ils jouent tous un rôle, en divisant les hommes, certains avec Fabius et d’autres avec Korentin. Je ne veux pas comprendre que l’on puisse faire passer ses ambitions personnelles avant son pays » Elle secoua la tête, attristée, comme toujours, de ce genre de comportements… tout en y pouvant strictement rien évidement. Elle l’aurait pourtant voulut. Souriant d’avantage, elle ajouta « Mais avec vous à mon coté je ne crains rien »

De ce qui couvait au sein de son protecteur, elle était innocente, et totalement naïve, incapable de concevoir ce fanatisme dont elle était l’objet. Non qu’elle en fut incapable d’un manque de psyché quelconque, mais, douce dame à la raison simple, elle ne pouvait y voir autre chose que la dévotion du preux chevalier envers elle. Et sans doute, si elle avait été mise au courant, se serait-elle trouvée fort gênée, trop dépourvue d’orgueil pour se magnifier d’une telle loyauté et d’une telle admiration, poussée à l’extrême, au-delà même des limites de la décence. Elle avait la fierté de son nom, mais non l’audace de se penser supérieur à quiconque, encore moins des individus détenteur d’une plus grande valeur que la sienne, non tirée du simple bon goût d’être né dans la bonne famille, mais bien par le travail personnel le plus respectable. Fort heureusement cependant, elle ne pouvait nullement comprendre ce qui animait Hanz, et grand bien lui en faisait, car elle prenait courage et force dans ce regard qu’elle pensait simplement amical, simplement accessible… Mais alors qu’elle l’écoutait, son sourire s’attrista, se fanant quelque peu, et ce en une expression bien plus digne, et plus profonde, plus mature, que la joie enfantine qu’elle transportait souvent. Si c’était aussi simple qu’il l’imaginait… Elle ne voulait pas faire de politique, elle, s’en passant fort bien, elle n’avait pas la mentalité adéquate pour le jeu des trônes. Elle avait beau avoir tout appris auprès de son père elle restait quelqu’un de fort bienveillant, comme il l’exprimait, et ainsi, l’idée même de devoir écarter et combattre politiquement parlant un autre individu la hérissait et l’attristait. Faible ? Peut-être pas, mais délicate et sensible oui elle se savait fort bien l’être, elle l’avait expérimenté et on le lui avait dit et répété… Ils avaient tous des soutiens oui, parce qu’ils s’investissaient dans ce jeu dangereux, elle-même ne le désirait nullement. Que son peuple l’apprécie, qu’elle puisse tenir son rang et rester une fierté pour sa famille étaient les seules choses qu’elle désirait. Le pouvoir ne l’avait jamais intéressé.

Se laissant prendre par les mains, elle plongea son regard dans le sien, tête légèrement penchée, l’écoutant tou-jours, et toujours patiente, dissimulant derrière un voile de silence, les sentiments et considérations que le franc parlé d’Hanz apportait. Elle ne voulait pas se battre. Quel esprit supérieur, emplit de barbarie, avait donc décidé qu’il fallait se battre pour la justice, alors qu’il s’agissait d’un bienfait naturel… Elle ne comprenait pas que l’on puisse en arriver à vouloir faire le mal pour le bien. C’était au-delà de ses moyens que de penser le monde assez dément pour créer pareilles choses. Elle était heureuse d’avoir un protecteur aussi dévoué et efficace, mais elle ne voulait cependant pas qu’il se souille par sa faute. Lui aussi était quelqu’un de précieux après tout. « Hanz… Non. Je ne désire pas vous voir attenter à la vie de mon époux. Cela ne serait pas respecter ce que je pense. Je ne veux pas que vous vous dégradiez par sa faute ou la mienne, parce que je ne peux lui faire face. Si véritablement il doit un jour répondre de ses exactions, ce sera devant un tribunal conduit par ma famille, officiellement, aux yeux de tous. Pas autrement. Je suis apaisée de vous savoir à mes côtés. Mais je me morfondrais de vous voir abattu pour… pour quelque chose, quelqu’un qui n’en vaut pas la peine » Il sourit doucement « Il y a bien plus important que mon époux. Vous le savez bien » Si elle avait à cœur de pouvoir agir, non en combattant qui que ce soit mais en venant en aide aux autres, à son peuple, elle devait également faire voix de ses volontés sans craindre de froisser quelqu’un. Y compris lorsqu’elle était en désaccord, comme en cet instant. Hanz était un premier pas, il était à son service, et un ami, et elle était certaine qu’il comprendrait le fond de sa pensée. Il était touchant, infiniment touchant, et elle espérait pouvoir réussit à faire vivre les idéaux que sa sincérité véhiculait. Avec douceur, elle chassa les larmes de ses yeux, lui caressant le visage.

« Votre foi en moi.. c’est une bénédiction, et je vous en remercie. Et j’espère pouvoir, avec vous à mes côtés, oui j’espère pouvoir prendre une part, aussi humble soit-elle, dans la vie de mon pays. Je ne suis qu’une princesse, mais j’aimerais tant pouvoir aider les miens. Ne serait-ce que sortir et me confronter aux habitants de Gloria, leur apporter un peu de soulagement en ces temps troublés. Au moins cela. Je ne prétends à nul trône, nul grand titre, nul riche triomphe, mon seul désir et de vivre en paix avec la certitude que les miens, les hommes, sont traités correctement »

Ses paroles le rassuraient grandement. Elle n’aimait pas l’idée de tensions supplémentaires autour d’elle, surtout en présence de ses enfants. Il y avait déjà suffisamment à supporter avec la guerre et son époux, d’autant que cela lui fendrait le cœur de voir Hanz abattu par le rat, ou même l’inverse. Esmelda ne cessait de lui dire qu’elle était bien trop gentille et qu’elle ne devrait nullement tolérer que Logan se comporta si mal avec elle… mais c’était tout de même son mari, et par cela elle se devait de lui témoigner un minimum de délicatesse, chose qu’elle avait toujours fait jusque-là. Jamais elle ne l’avait trompé et jamais elle ne s’était comporté de mauvaise façon en sa présence, elle tenait son rang parfaitement et il était vrai qu’en publique ils donnaient l’image d’un couple calme si il n’était pas un couple heureux. C’était tout ce qu’il était possible de faire en vérité, elle ne désirait nullement jeter l’opprobre sur Logan quoi qu’il la mérita grandement… cela rejaillirait certainement sur leurs enfants, entre autres choses. Et sur sa famille également. Non la situation ne nécessitait nullement d’intervention de ce coté-là, d’autant qu’elle restait persuadée que Korentin et ses frères prendraient les armes contre Logan si ils apprenaient quelque chose… Quant à son père… elle préférait ne pas y penser. Elle imaginait qu’il s’en voudrait de l’avoir liée à un tel homme et elle, en bonne fille, ne désirait nullement que son dernier parent en vie se morfonde de chagrin pour cela. Elle parvenait à vivre avec depuis assez longtemps pour savoir en faire abstraction. Il ne restait pas souvent près d’elle, ce qui améliorait encore les choses. Le moins elle le voyait le mieux elle se portait après tout, dans l’infinie.

C’était une belle occasion de s’échapper un peu cependant, sans tomber dans l’ingérence. Elle pouvait faire confiance à Hanz pour cela. Ce ne serait l’affaire que de quelques heures à l’extérieur non ? Rien de plus. Que pouvait-elle risquer avec son bouclier lige pour veiller au grain ? Elle pouvait peut-être enfin prétendre aller en ville et rencontrer les habitants sans craindre quoi que ce soit. Bien évidemment les résidents n’avaient absolument rien contre elle mais en ces temps troublés il fallait être prudent. La peur, la tension et la famine menaçaient, et les nobles n’étaient pas toujours bien vu puisque disposant de plus de confort que les basses castes. Elle comprenait parfaitement cette tension, ce ressentiment qu’ils pouvaient avoir et elle aurait volontiers partagé avec eux tout ce qu’elle possédait, si seulement on l’avait laissée faire. Elle ne les craignait pas vraiment, n’ayant strictement rien pour attiser cette haine si ce n’était son nom, mais sa famille ne semblait pas de cet avis. Et évidement elle les comprenait également. Ils ne tenaient qu’à sa sécurité, à son bienêtre et c’était un bienfait que de le savoir, mais parfois ils en faisaient un peu trop… ou bien était-ce simplement elle qui trouvait cela quelque peu étouffant ? Peut-être y avait-il un peu des deux, en fin de compte. Cela lui faisait souvenance de ses années d’enfances, quand elle courrait dans les jardins et s’évadait vers les champs fleurit sans la garde de ses soldats et nourrices… on la surprotégeait souvent, du fait de sa délicatesse, en oubliant qu’elle était avant tout une femme de grand air. Elle adorait être à l’extérieur, proche des autres et de la population… hors à Gloria et surtout sans sa cousine, elle se trouvait complètement enfermée.

Elle le laissa se relever, s’écartant légèrement afin de lui donner de la place. A nouveau, il semblait immense en comparaison de sa frêle carrure d’oiselle en détresse. Un miroir qui aurait pu en faire sourire plus d’un. Souriante, elle hocha la tête. « Oui, je pense que je peux… du moins en prendrais-je le risque. Je n’ai plus de raison de rester, oisive, en ces lieux, et il y a certainement des choses que je peux faire. Je ne suis nulle bâtisseuse, mais je peux soigner les blesser avec mes herbes et aider à de menues tâches… je pourrais apporter quelques vivres également, il y en a encore plus qu’assez au palais après tout » Elle soupira, rassénée, puis se redressa « Nous pourrions sans doute y aller tout de suite, la journée n’est pas si avancée et je pourrais déjà me rendre compte de ce qu’il se passe par moi-même, là en bas. En votre compagnie c’est plus que faisable » Lui faisant signe de la suivre, elle ramassa ses jupons et se dirigea d’un pas allègre vers la sortie des jardins. Elle espérait récupérer des habits moins riches et voyants et de quoi aider les pauvres malheureux des bas quartiers avant de sortir du palais, en faisant fi de tout le reste…