Le clair rayonnement lunaire venait frapper contre l'intérieur de son œil en un chatoiement argenté qui le lassait déjà. Ce n'était guère une belle nuit, une nuit commune, sans autre luminescence que celle d'un croissant à peine levé, et qui n'irait pas bien haut, drapé dans le coton délité des nuages glaciaux, très haut au dessus de leurs têtes à tout deux. Un vent frais, qu'il ne sentait qu'à peine, nimbait l'ouverture où ils s'étaient arrêtés. Se tenant là, le seigneur vampire millénaire observait les alentours endormit avec une profonde lassitude, souvenir des derniers événements, et qui le laissait d'une froideur extrême. Tout était silencieux, mort autours d'eux... la nature ressemblait à un tombeaux à ciel ouvert, qui les contiendrait tous... fosse commune sans dignité ni espoir. Il n'aimait pas cette sensation, n'aimait d'ailleurs pas ce qui se dégageait du continent en ce moment.... il en avait presque peur. Presque. La peur n'était pas chose commune pour lui, et il n'y était pas aisément sujet... pourtant, avec ce songe récurent qui l'assaillait lors de ses méditations, il ne pouvait qu'avouer qu'il craignait l'avenir et même la présence réconfortante de Silarae ne lui permettait pas de rejeter ses doutes et ses angoisses, ce sentiment de destin imminent qui planait dans l'air... comme un prédateur attendant sa proie.

L'air, légèrement humide, venait coller à sa forme lumineuse, douce phalène sous la clarté, mais en son cœur l'ombre siégeait en maître. Pourquoi avait-il fait venir Zaphirel jusqu'ici ? A vrai dire il n'en savait pas grand chose... toute la journée durant, et toute la nuit précédente, il avait fuit la présence des autres, refusant catégoriquement que l'on lui tienne compagnie alors qu'il broyait du noir. Alors pourquoi lui avait-il demandé de venir ? Certainement parce qu'il pouvait également le renvoyer quand bon lui semblait, aussi cruel soit cela... Se tournant, il observa la forme frêle du petit être qui était désormais son fils par venin et prit à chercher dans sa mémoire millénaire l'instant où lui-même avait subit la morsure. L'instant où deux pairs de crocs s'étaient plongées dans la chaire tendre de son cou pour en aspirer la force vitale, le vidant complètement de son sang.... et le transformant en ce qu'il était à présent. Un vampire. Il n'avait ressentit guère de douleur en vérité, ou peut-être était-ce son esprit qui l'avait alors occultée pour ne lui laisser qu'une extase folle... démente, alors que son corps se transformait par magie. Un venin puissant courrait en lui, affermissant son corps. Un venin qui valait bien la bénédiction de sa cité originelle, cet écrin de glace oublié dans les montagnes et dont il se souvenait avec une étonnante clarté.

Mais ce n'était pas vraiment le sujet de leurs rencontre nocturne. Est-ce qu'il avait même un sujet ? Peu importait, il en trouverait un. A moins que ce ne soit Zaphirel qui prenne la parole sans qu'il n'ai à le faire ? L'observant de son regard d'eau calme, il jugea ses paroles en silence, lèvres scellées sur d'impossibles paroles. Voilà se qui tracassait l'enfant à ce point ? Savoir pourquoi il avait été transformé ? La question était légitime.... lui-même l'avait posé, et la réponse qu'il avait obtenue ne lui avait tout d'abord pas plus. On l'avait transformé en forme d'union de deux êtres incapables de fusionner, on l'avait transformer pour être le réceptacle et le receveur d'un amour interdit, et d'une passion, d'une volonté sans pareille.... celle de deux êtres terriblement étranges, et terriblement puissants. Si il avait eut cette chance, c'était simplement par le caprice de ces deux êtres, et parce qu'il avait les qualités nécessaires. Cela ne l'avait pas empêché d’honorer ses parents. SES parents, puisqu'il avait, chose stupéfiante, un père et une mère vampirique... les jumeaux Vaenya. Les êtres à qui il devait son éternité, sa gloire et sa sagesse... et qui pourtant l'avait prit sur un coup de tête. D'une action égoïste pouvait jaillir bien des choses, bonnes ou mauvaises.

« Parce que je l'ai décidé ainsi. Je pense savoir ce que tu imagines. Ton immortalité n'est ni une farce, ni une joie, ni une punition ni une malédiction. Ne te méprend pas, ta vie humaine n'avait aucune valeur, tu n'étais rien, et ne serait rien devenu. Je t'ai offert une autre voie, une autre chance... de prouver à ce monde ta valeur. Tu es encore trop proche de ton humanité, mais le temps viendras bien assez tôt où tu la surmontera dans ton esprit. Parfois la valeur ne vient ni de la force physique, ni de la force magique. Il y a d'innombrables chemins à parcourir, et nous avons le temps de trouver le tient  »

Il se détourna un moment, observant l'astre lunaire à demi dissimulé.

« Si je t'ai choisit, c'est pour prouver au monde que les vampires ne sont pas de simples bêtes sauvages. Est-ce une réponse suffisante pour toi ? Elle ne le sera certainement pas pour d'autres  »

Non, il ne faisait absolument pas référence à Lorenz, pas du tout. Mais à vrai dire, ce n'était pas tout à fait ça. Il y avait bien davantage au fait qu'il ai transformé ce petit rat en un membre du peuple vampire, et encore plus qu'il l'ai fait avec son venin, le premier depuis.... longtemps. Même Adryne n'avait pas été transformé par son venin. Ils ne s'étaient rencontrés qu'ensuite, une centaine d'année ensuite....

« Mon précédent enfant.... lorsque je l'ai vu, il n'était que sauvagerie, désir de sang, désir de mort.... je l'ai éduqué, et je l'ai élevé au rang de veilleur des profondeurs. Il aurait put prétendre suivre mes traces, en temps que voix des anciens, si il n'était pas décédé. Mais en son éducation, j'ai commit un grave erreur... et il en a payé le prix fort. Je ne réitérerais pas cette erreur avec toi  »

Il y avait tant à dire, tant à faire, des années en prévision, il n'en voyait absolument pas le bout hélas. Mais il l'avait choisit et il ne comptait pas revenir sur ses paroles, il accomplirait sa tâche. Et il y avait un autre sujet qu'il fallait prendre en compte, peut-être était-ce là la raison qui l'avait amené à l'appeler au final. Peut-être était cela.... Il n'en avait pas eut conscience, alors qu'il s'éloignait du camp, de s'être vêtu en guerrier et non en mage. Mais il ne maniait plus la lance depuis tant d'années. Ce n'était certainement pas pour ça, qu'il l'avait fait. Sortant l'écrin de l'épée des plis de sa cape il se tourna de nouveau vers le nouveau né et retira le verrou magique de l'écrin pour en retirer la lame encore au fourreau, sombre comme à son habitude. Stormbringer chuchotant haineusement à son adresse et lui l'ignorant. Il tira la lame, soulevant une violente bourrasque, et planta la lame dans le sol.

« Sait-tu ce que c'est ?  »

Cette épée, il n'aurait jamais pensé qu'elle se réveille un jour. Il en avait sentit les qualités exceptionnelle dès l'instant où Adryne l'avait dégainée contre lui la première fois, vestige prestigieux d'une vie de mortel qui aurait put être grandiose, mais qui n'était plus que froides cendres au vent. Lorsque son regard s'était posé sur l'épée, il avait sut par avance que cette lame extraordinaire le détestait pour avoir attiré l'oeil de son porteur, et qu'elle était entièrement attachée à ce jeune et sauvage vampire aux cheveux blanc et aux yeux d'une beauté irréel et malsaine. Les chuchotements meurtriers du métal runique avaient alors emplit son esprit, menaçants et sifflants des promesses de morts douloureuses si jamais il osait tenter quoi que ce soit contre son porteur... et pourtant, contre toutes attentes, Adryne l'avait écouté lui et non la lame, et était devenu son élève, au grand damn de Stormbringer. Et même à présent que l'épée lui était échue pour qu'il trouve son nouveau porteur, elle ne cessait de lui en vouloir pour la mort du précédent... Il avait toujours pensé que l’intelligence maléfique des épées légendaires ne laissait pas de place à l'affection, cela semblait pourtant être effectivement le cas. Exclusivement pour leurs porteurs certes, mais c'était déjà franchement étonnant. Elle pleurait Adryne autant que lui... plus même, car elle y était intimement liée. Mais cela passerait sans doute lorsqu'elle trouverait son prochain amour et qu'elle pendrait fièrement à sa hanche. En attendant cependant elle se trouvait là, plantée dans le sol plutôt que le cœur d'un ennemi, et elle chuchotait en faisant s'élever le vent autour d'eux, comme une brise venue de nul part et de partout à la fois.

« Ce sont des runes elfiques. Elle fut forgée en un autre temps, un temps mourant, dans l'angle de deux âges du monde. La magie qui l'anime est plus puissante que celles de toutes les armes que tu croiseras, à quelques exceptions près. C'est une lame légendaire, l'une des quatre forgées pour les grands seigneurs d'un passé lointain, quoi que celle-ci en soit la plus jeune et la moins expérimentée. Elle se nomme Stormbringer, la lame tempête. Le porteur qu'elle éli et le seul à pouvoir réellement user de son pouvoir »

Il sourit et palpa la lame « Elle est extrêmement lourde oui. Même moi j'ai du mal à la lever, mais c'est justement parce qu'elle ne m'appartient pas vraiment. Je suis sensé trouver son nouveau porteur. Un vampire, obligatoirement. Mais qui voilà bien un mystère. Elle a rejetée Lorenz, elle m'a rejetée moi, ainsi qu'Enael... apparemment les grands de notre race ne lui sont d'aucuns goût.... »

Il eut un demi sourire amusé à sa réflexion. C'était en effet étrange, mais également peu surprenant. La lame avait des critères inconnus de tous, et lui ne pouvait que transmettre un refus ou un accord, pas plus. Mais après tout, ce n'était pas plus mal qu'elle ai refusé de lui appartenir. Il était incapable d'user d'une épée même si il le voulait, il n'avait après tout pas la moindre notion d'escrime, une surprise quand on savait qu'il venait de Glacern, où l'épée était offerte dès l'âge de 5 ans. Et oui les tueurs de vampires commençaient jeunes... pas plus mal après tout non ? Pour compenser la faiblesse d'un corps mortel il fallait au moins cela. Ils n'allaient pas s'attarder là dessus cependant, et, attrapant la garde lourde de la lame alors qu'elle lançait des imprécations dans sa langue de chuchotis sournois, il l'éleva de nouveau hors de terre, provoquant une nouvelle bourrasque.

« C'est parfait pour un entraînement alors.... essaye de me toucher ! »

Quoi qu'il fasse, qu'il use de son agilité, de ses réflexes, de sa force ou de son arc, cela lui serait amplement bénéfique. Et puis il devrait bien apprendre un jour à tenir en selle avec lui lorsqu'ils iraient combattre tout les deux. Il éleva difficilement la lame au dessus du sol, manquant de déraciner un arbre alors qu'une lame de vent tentait de le faucher. Sa longue chevelure virevoltait, et il fut bine content de s'être vêtu en guerrier. Cette satanée lame n'était franchement pas décidée à se laisser faire, et l'entraînement pour lui tiendrait certainement davantage du rodéo que de l'éducation, à condition que l'on puisse effectivement faire du rodéo avec une épée. La maintenant fermement dans l'axe, il parvint à tailler dans l'air pour récréer la lame venteuse qui fila droit sur Zaphirel. Il espérait juste que son fils allait effectivement l'éviter et pas rester planter sur place comme il le craignait.... Ou alors il se retrouverait avec deux morceaux de Zap, ou alors un Zap assommé et incrusté dans un arbre... Bref rien de très joyeux....

Ah il ne s'y attendait pas hein ? Passer d'un sujet à un autre sans prévenir, encore qu'il avait prévenu qu'il s'agissait d'un entraînement... Si ses souvenirs étaient exactes il avait complètement prit Adryne par surprise, au point de le voir s'écrouler dans une fosse d'un seul coup. Il y avait du mieux donc, et puis il devait avouer qu'il s'amusait bien en voyant l'expression qu'arborait Zaphirel sur l'instant.... autant que de tenter de manier une épée voulant expressément faire l'inverse de ce qu'il désirait. Plus mauvaise que jamais, la lame manqua bien de se retourner contre lui une ou deux fois, avant de juger que sa poigne était trop forte pour qu'elle y parvienne, et dès lors elle se rabattit sur Zaphirel qui avait évité le coup de justesse. Il avait l'avantage d'être un jeune vampire plein d'énergie, parce que si ça n'avait été que lui du mauvais coté de l'arme, sans doute n'aurait-il pas réussit à s'en sortir en esquivant. En invoquant sa magie peut-être, et encore, mais certainement pas en esquivant. Chacun avait ses forces et ses faiblesses, lui était un puissant mage, doté d'une force titanesque sans même savoir pourquoi, présent de la nature ou moquerie de la vampirisation... et il avait été un très bon lancier dans le passé. Rien qui le prédestinait à être un grand guerrier... un guerrier devait avoir d'autres qualités que la force, l'agilité, la dextérité, l'endurance, la capacité... bref il y avait là des choses qu'il ne pouvait améliorer. Il était trop vieux pour changer subitement de classe de combattant. Et il aimait trop la magie pour cela. Adryne et lui avaient été complémentaires, lui combattait à distance et son fils au corps à corps... Mais il doutait de retrouver cet équilibre avec son nouveau fils. Il ne l'avait pas transformé pour ça Il devrait trouver celui qui porterait cette épée de légende, car il aurait également trouvé l'être qui lui manquait à ses cotés et dont il pourrait valoriser les fait d'armes afin d'en faire.... bien des choses.

Il le regarda s'éloigner de lui, alors que la bête farouche entre ses mains continuait de se débattre. Se dissimuler dans la masse des arbres de la forêt était en soit une bonne idée, cela lui éviterait sans doute d'être coupé en deux par un mouvement désordonné de la lame. D'un autre coté, si il ne le voyait plus il risquait de le couper en deux avec la magie de l'arme, ce qui ne serait pas plus enviable. Et même beaucoup moins quand on y pensait... ce n'était plus seulement la douleur de la chair traversée par le métal, c'était l'esprit, l'harmonie de la vie ou de la non vie, la magie même du corps. Il ne tenait pas à lui infliger pareil sort. Il évita d'une simple impulsion du buste la première flèche, dévia la seconde en usant de la magie du vent qui saturait l'atmosphère. Il allait devoir se montrer plus adroit que ça si il voulait parvenir à le toucher.... Avec un petit sourire en coin, il leva la lame. Ce qu'il allait faire tenait plus d'un geste que l'ancien propriétaire aurait put accepter, plutôt que lui, mais il fallait bien faire bouger un peu les choses, il n'allait pas simplement se tenir là comme un épouvantail alors qu'il avait de quoi faire. Aussi, il fendit l'air de la lame et fit sauter les arbres alentours dans la direction de Zaphirel, histoire de l'obliger à sortir de là, puis il plongea la lame dans le sol histoire de secouer le sol....

Puis ? Il invoqua un sortilège d'invisibilité et, tenant fermement la lame, se mit à approcher lentement, attendant de voir sortir pour l'attaquer de près et l'obliger à donner plus de lui même.

Autrefois la lame avait été forgée pour un jeune seigneur de très bonne lignée, un humain, aux cheveux aussi rouges et sanglant qu'une lune pourpre d'automne dans les plaines de l'ouest. Un bon guerrier, et un bon mage... un bon seigneur aussi. Un bon chef de famille. Il n'avait pas eut de chance, d'être trahit, d'être jeté en pâture pour les bêtes assoiffée de sang qu'étaient les vampires. Une lame faite pour un homme à qui la vie souriait et qui avait un avenir glorieux devant lui... Un humain, et la fierté de sa race. Adryne.... une lame forgée pour son fils étant humain, et qui l'avait suivit après la mort. Quoi qu'il eut de superbe, d'admirable, il n'avait pas eut son souffle... la raison pour laquelle sa transformation à lui n'avait réellement aucune importance, il était un homme comme un autre malgré sa puissance énorme, tandis que son fils avait véritablement était un être à part, singulier, dans tout les sens du terme. Il l'avait toujours sut, et c'était pour cela qu'il lui avait offert la meilleur éducation possible, dévoilant toutes ses connaissances, tout les secrets dont il avait la garde. Il avait prit de son temps pour lui, avait peiné des années durant. Et il ne le regrettait absolument pas. Il n'avait jamais crut que la valeur passait uniquement par le potentiel guerrier, et n'en démordait pas.... aussi, il comptait exploiter les qualités de son nouveau rejetons au maximum pour le munir des meilleurs arguments pour survivre dans la vie.

Bon, pour cette fois c'était un peu délicat, mais il finirait bien par en tirer profit, d'une manière ou d'une autre. C'était plus un entraînement de réactivité et de survie qu'autre chose. Il n'avait lui même pas la moindre tactique, ne cherchait même pas en avoir une, il envoyait simplement tout ce qui lui passait par la tête pour voir ce qui allait se passer, comment il allait réagir... Pour le moment, ça se passait plutôt bien, il était rapide, et si ses idées étaient assez simples, en pratique cela n'enlevait rien à l'efficacité de ce qu'il faisait. Alors il prit tout son temps pour approcher, tentant de contenir les vents de l'arme afin de ne pas être trop repérable. En voyant Zaphirel bondir, épée en main, droit vers lui, il eut un sourire et se fendit sur la droite en évitant la lame. Redevenant visible, il se fendit à son tour et attaqua, la lourde lame sifflant dans l'air et les ébouriffant.... le choc des deux lames tintant, blessant les oreilles, et l'épée de pauvre facture vola littéralement en éclat sous l'impact de la lame légendaire, les échardes valsant dans tout les sens et ouvrant sa peau en plusieurs endroits. Il ne sembla cependant pas s'en rendre compte, et n'arrêta pas le geste pour autant... après tout ce n'était pas un coup de Zaphirel qui venait de le toucher. Il frappa du plat de la lame contre le jeune vampire pour le faire décoller, s'assurant par la même qu'il n'aurait qu'un beau bleu et pas un trou béant.

Appelant la magie pour renforcer Stormbringer il appela le sortilège de la lame lunaire et fendit le sol, tandis que le vent redoutablement rageur expédiait les îlots intacts un peu partout, dans les airs, sur les cadavres des arbres, dans le lac un peu plus loin.... Oups ? Où était donc passé Zaphirel dans tout ça ? De toutes évidences il avait volé avec le reste oui, mais il ne le voyait plus à l'heure actuelle. Dans le plus probable des cas, il avait été expédié dans l'eau.... et le conteur espérait réellement qu'il se souvienne comment nager, où il risquait de devoir le récupérer au fond du lac.

Quelques longues minutes s'écoulèrent sans qu'il ne bouge, observant les environs. Il y était allé un peu fort, sans aucun doute, l'état dans lequel était la clairière, ou ce qui avait été une clairière autrefois, avant qu'il n'ai l'idée d'y provoquer un typhon. Il n'avait aucun doute sur le fait que Zaphirel était vivant et en bonne santé, quelque part au milieu du champ de ruine cataclysmique que la lame caractérielle lui avait créé sans qu'il le veuille vraiment. C'était le genre de destruction mieux venue sur un champ de bataille qu'en entraînement, mais si il ne lui faisait pas faire un peu d'exercice, il risquait fort de se retrouver avoir un épineux problème sur les bras : trouver un lieu assez paisible et isolé pour relâcher la pression de la magie et éviter de voir disparaître un pan de l'armée vampirique pour rien. Oui mais voilà, voyager jusque dans les montagnes juste pour cela, tout seul avec cette lame qui le détestait.... il n'y tenait vraiment pas, préférant rester dans des lieux peuplés, histoire d'obtenir de l'aide au cas où elle déciderait de se débarrasser de lui définitivement. C'était peut-être la seule chose au monde dont il avait vraiment une peur irraisonnée, tant elle était puissante et mauvaise. Indépendante... elle n'avait qu'un seul maître. Enfin à l'heure actuelle elle n'en avait pas du tout, d'où sa colère, mais il n'y pouvait pas grand chose si elle faisait la fine bouche, elle aurait put choisir n'importe qui, mais personne ne lui plaisait, semblait-il.... le nouvel élu était-il seulement naît et vampirisé ? Il n'en avait pas la moindre idée, mais l'espérait. Si il ne l'avait tout simplement pas encore trouvé tout allait bien, ce n'était alors qu'une question de temps, mais si il était encore en conception, ou pire, mort, ça risquait d'être invivable pour les cent prochaines années. Avec la chance qu'il avait, le porteur était sans doute mort.... Il n'aurait plus qu'à lancer l'épée au fond de l'océan pour ne plus avoir à subir sa présence.

Ne voyant pas réapparaître son enfant, il prit le partit de s'approcher du lac et de voir si il était habité par une nouvelle espèce : le vampire à branchie. Et une ponctualité parfaite, il arriva près de la berge au moment où un bras frêle émergeait de l'eau comme le tentacule d'un monstre marin. Il eut un léger rictus passager, et attrapa le bras fermement pour tirer Zaphirel hors de l'eau, le déposant sur la berge avec précaution. Il était couvert d'algues d'eaux douce, de vase, de terre, trempé.... Bref, il n'était pas très frais sur l'instant. Un bon bain s'annonçait très certainement, dès qu'il aurait récupéré de sa petite plongée dans les eaux troubles de ce lac de campagne. Il avait abandonné Stormbringer dans la clairière, ou ce qu'il en restait, histoire de ne pas avoir à la contenir. Et puis qui aurait eu l'idée d'aller la dérober, alors qu'elle embrocherait à coup sûr l'impudent qui tenterait une approche. Donc elle ne risquait absolument rien sur l'instant, même si il s'en voudrait certainement de causer une frayeur à celui qui voudrait s'en emparer, pauvre voleur ingénu n'ayant jamais vu de Lame Légendaire de son existence, béni soit-il. Reléguant cela loin de ses préoccupations actuelles il caressa les cheveux trempés du gamin.

«  Je crois que ce petit exercice était assez pour une seule nuit. Je ne désirerais pas te voir voler de point d'eau en point d'eau jusqu'à atterrir dans la mer »

Et en plus il lui serait affreusement difficile d'aller l'y repêcher. Il devrait probablement demander à Silarae de le faire pour lui, et elle risquait de ne pas apprécier de jouer les aigles pêcheurs....

«  Tu devrais aller te nettoyer. Ensuite nous verrons si je peux t'apprendre un peu plus de magie et d'histoire »

Il sourit en l'entendant, et lui fit signe d'approcher. L'espace de la tente était aussi habituel qu'à l'ordinaire. C'était une grande tente, riche, presque une véritable demeure nomade. Le sol était couvert d'un tapis riche ayant appartenu à un humain des tribus du désert, les broderies et les dessins magnifiques auraient fait pâlir de jalousie les dames humaines. Dans un coin, des râteliers d'armes offraient une vue des possessions militaires ayant appartenu à Adryne : des armures riches, des armes de toutes sortes, allant de la faux de bataille en argent à la masse et à l'épée, un arc riche en ivoire sombre veiné d'or et des flèches empennées de plumes de faucons. Des objets qu'il n'utilisait pas vraiment, n'étant pas un guerrier brutal, mais qu'il conservait par devers son premier fils. Ses propres armes et armures se trouvaient dans un coin, son bâton et son armure en os de dragon, accolées à un lourd coffre à verrou magique qui contenait de très précieux ouvrages et parchemins, ainsi que des substances dangereuses et rarissimes. Son bureau, ainsi qu'un lit simple et humble, se trouvaient dans le coin inverse, portant encre, plume et parchemins de ses derniers travaux, des pages entières couvertes de son écriture élégante, traitant de secrets magiques et mystiques.... Un peu à l'écart, son matériel de chevauché, la selle de son destrier, et la selle de Silarae, ainsi que la couche de sa dragonne, confortablement installée de tout son long, masse d'écailles blanches dont la queue ondulait vers le centre de l'espace de toile, près du conteur qui feuilletait alors un livre relié de rouge. Près de lui, dans son écrin, Stormbringer dormait en ronronnant, vidée de son énergie, il l'avait récupérée en revenant, ne désirant pas attendre les catastrophes qu'elle provoquerait en restant à portée de main de n'importe qui.

L'on aurait put méprendre son antre avec celle d'un marchand nomade et il le savait. Un réceptacle fait de sel gemme contenait une flamme dorée qui jetait de chauds rayonnement sur l'ensemble, comme des vagues de miel, et un encens délicat brûlait pour parfaire l'ambiance. Oui, Achroma vivait parfois comme un humain, et pourtant cette simple affirmation semblait contradictoire lorsqu'on savait que, de son vivant, il avait été le rejeton d'une cité de glace et de vents terribles, où le froid dominait tout les sens en une masse implacable. Fils du nord. Et justement, c'était aussi là une part de la leçon de ce soir là. En effet, plus que de simples contes, les histoires qu'il tissait aux oreilles de ceux qui le désiraient été aussi des témoignages romancés d'un passé véritable. Et Zaphirel devait apprendre à connaître le passé, pour juger de l'avenir et du présent plus justement. Tendant la main il attendit que son jeune fils y dépose la sienne, et il l'examina avec attention, n'ayant pas l'intention cependant de lui retirer ses légères blessures. Avoir des marques n'était que le cours naturel de l’existence et il n'y avait rien de honteux à les porter. Son système de régénération vampirique aurait de toute façon rapidement raison de ces marques là et il n'y paraîtrait plus. Il pouvait tout aussi bien les oublier dès à présent et se concentrer sur autre chose. D'ailleurs, n'était-ce pas ce qu'il allait faire en sa compagnie ? Il fallait après tout équilibrer. Il était rare que ce soit lui qui se charge de son éducation martiale, il n'était pas le meilleur pour cela, et le reconnaissait bien volontiers, Cyrène était une icône de combat au corps à corps, elle apprenait bien mieux que lui. Et en contrepartie lui était meilleur sur le plan intellectuel.

Il le fit asseoir sur un coussin au sol en sa compagnie, et ferma son livre pour le poser près de lui. « Bien. Tu as maîtrisé décemment les ultrasons, et j'en suis ravis. Je commencerais à t'enseigner la transe rituelle avant la fin de la nuit, bien que tu la connaisse déjà bien. C'est le sortilège que j'utilise pour te mettre au repos. Bientôt, tu pourras le faire toi-même et choisir tes instants de tranquillité. Auparavant cependant, je vais te parler un peu plus du monde d'Armanda. Je t'ai déjà conté certaines choses à son sujet, et je compte continuer sur cette voie. Installe toi à ton aise » Lui-même ne manqua pas de prendre ses aises avant de commencer son récit, pensif.

« Autrefois, à l'ère des légendes et des grandes guerres, vivait un loup venu des mers. C'était un loup très brave, qui allait au devant de ses ennemis sans peur, qui se jetait corps et âme dans la bataille afin de sauver ses soldats, et qui ne tuait pourtant que lorsqu'il le fallait, et toujours de sa main. Ce loup était très apprécié des siens, il était toujours serviable et aimant, mais féroce quand on mettait en danger ce qu'il aimait. Il n'avait cependant pas de famille, car il craignait de se trouver alors doté d'une impardonnable faible qui l'empêcherait d'accomplir son devoir, protéger les siens. Toutes les belles filles, les femmes les mieux dotés, il les refusa courtoisement, avec beaucoup d'égard, ménageant leurs orgueil et leurs dignité, ne rechignant jamais à courber la nuque. Et on l'aimait encore pour cela. Car sa droiture et sa franchise semblait aussi illimité que ses capacités de combat. Pendant de nombreuses années, il combattit et repoussa les ennemis de son souverain, l'aigle. Et alors qu'une paix relative s'installait, ce brave loup revint vers les siens, las du champ de bataille, ne désirant que garder celui pour qui il avait versé son sang. Mais alors qu'il se trouvait dans les jardins du nid de l'aigle royal, il découvrit une colombe délicate, aux plumes d'un blanc merveilleux et qui respirait pureté et liberté. Et le loup au cœur las tomba finalement amoureux, de cette vision de sérénité, après toute la mort et le sang qu'il avait vu. Son cœur n'aspirait plus qu'à elle, à ses bras doux, à ses sourires. Et elle les lui donna de bon cœur, charmée et honorée d'avoir fait fondre la glace du cœur du loup. Ils s'aimèrent innocemment, sans jamais passer le pas terrible de l'étreinte de leurs deux corps. Amants bénis, ils vécurent trois ans d'une grâce parfaite avant que la guerre ne revienne, car le loup avait cessé sa veille immuable et ne désirait plus combattre. Mais la famille de la belle colombe était en danger, et elle supplia son tendre ami de reprendre les armes et de chasser les ténèbres, et il céda, la laissant seule. Il combattit bravement, noblement, l'image de la dame toujours en lui, n'aspirant qu'à ses doux baisés et son étreinte gracile. Il comptait l'épouser, lui donner de beaux enfants. Et il revint victorieux une fois de plus, avec un bel anneau arraché aux mains d'une enchanteresse sombre, qu'il comptait lui offrir. Il revint avec les honneurs, fut élevé au rang de seigneur par l'aigle royal, qui voulut, en un honneur supplémentaire, faire de lui le gardien de sa femme, qu'il avait épousé quelques semaines auparavant. L'aigle lui présenta l'heureuse élue, nulle autre que sa douce colombe, et le loup sentit son cœur se brisé. Il avait gagné un rang éternel, pour perdre le seul trésor qu'il désirait... cette femme à nul autre pareil. Et pourtant, diligent et loyal, il resta silencieux, plia l'échine devant l'aigle et s'en fut en sa demeure, loin dans les montagnes, pour y pleurer son amour perdu en paix.... »

Il sourit tristement des questions ingénues posées par Zaphirel. A peu de choses près, c'était exactement la réaction qu'il avait attendu de lui. Et c'était bien normal en un sens, car son histoire laissait beaucoup d'injustices. Mais la morale, elle était aussi réelle que les personnages... Pourquoi était une bonne question, et tout à la fois la seule à ne pas poser. Il y avait bien des façons de répondre à cela, et en même temps aucune qui ne satisferait le jeune vampire par sa simplicité puisque le cœur du problème était justement que tout cela n'était pas simple. « Non il n'était pas cruel , il était juste et droit. Mais il était humain, et l'amourette du seigneur loup n'était pas connue des grands. Non si le loup s'est retenu, c'est uniquement par sens du devoir. Parce que la prospérité et le bonheur de son souverain venaient avant les siens propres. Mais ne t'en fait pas. Il a trouvé une autre femme, une louve, qui lui a donné de beaux enfants, et sa lignée s'est perpétuée, descendant lentement depuis les hauts jours anciens, pour arriver jusqu'à nous. Ils vivent encore, les fils et filles du loup, dans une cité de glace, dans les montagnes, une cité magnifique et austère, et ils se sont fait les ennemis de la nuit et de ce qui y vit. Ils veillent là, comme ils l'ont toujours fait, affûtant leurs lames en attendant l'heure où leur force sera véritablement nécessaire. Et alors, nous devrons trembler. Car pour eux, le devoir est plus fort que tout, et il est toute leur force. Une force qui ne ploiera pas »

Il retomba dans le silence en imaginant le passé, les hauts murs de la ville de Glacern, imposants et gigantesques, une barrière infranchissable de métal et de pierres, bardés de runes et de sortilèges anciens, dans son écrin de glace... le bastion rude et imprenable au centre d'un système de bâtiments mis en place afin de soutenir un siège et une invasion progressive, les hauts tourelles de vigiles, les fanaux de clarté dans une nuit abyssale, hors du monde, des étoiles rougeoyantes qui appelait le regard comme les flammes de l'espoir.... La paix austère qui régnait là, et le silence surtout... les voyageurs venant à Glacern, le peu venant jusque là, le peu à se souvenir d'eux, étaient souvent frappés par ce silence profond d'une nuit longue et lente, angoissant pour eux qui avaient vécu dans un monde peuplé de bruits divers, et de vie en tout genre qui se manifestaient qu'on le veuille ou non. Mais pas en ces lieux. Il n'y avait que la longue attente, la vigile incessante.... au dehors tout du moins, bien qu'au cœur des habitations la joie régna. Une fois le sommeil venu, tout cela retombait comme le drapé de neige des bâtiments. Il se souvenait de chevauchées glaciales dans la neige, en un temps où il était encore le bienvenu dans les hautes salles de sa famille et de la maison du loup sombre. La découverte de cette nature sauvage et magnifiquement vraie et l'entraînement du corps, au travers des éléments meurtriers.

C'était bien avant qu'on ne découvre son immense potentiel magique hélas, et par la suite il avait été envoyé à Gloria, loin de tout les siens. Les mages n'étaient pas les bienvenues dans la ville du loup, car la magie, donnée instable et dangereuse, n'était l'alliée de personne si non d'un chaos sans nom. Il avait été honteux de ses capacités, quand bien même les maîtres des arts magiques de Gloria et Aldaria s'émerveillaient de ce dont il était capable... car ses parents eux-même l'avait observé avec dégoût et déception. Puis, à l'aube de l'âge adulte, on l'avait mordu et transformé, et sa vie avait été complètement différente. Pendant longtemps il avait oublié, tout oublié de son passé d'humain, puis les neiges étaient venues, et avec elles l'empreinte de choses enfouies depuis bien longtemps, comme des fleurs éclosant après un long gel... Il avait retrouvé tout son passé, pour sa joie et son malheur, à jamais exilé loin de ce royaume entre terre et ciel qu'était Glacern. Les longues nuits lui manquaient, il se serait pourtant plut dans cet espace magnifié par temps de siècles.... Mais il n'y pouvait pas grand chose. La voix de Zaphirel le fit revenir au temps présent et il lui accorda de nouveau sa pleine attention. Soupirant, il regarda la flamme danser dans le bloc de sel gemme, pondérant une réponse plus que délicate en au moins un de ses aspects.

« Lorenz s'est adjugé le titre de prince parce qu'il était, est, le plus fort. Et parce qu'il avait des claires idées sur le futur des vampires. Vers quoi nous guide-t-il ? Vers la vengeance, la sienne et celle de nombre d'entre notre peuple. Je ne dis certes pas ' nous ' car je n'ai aucune vengeance à appliquer envers les humains. Ils m'ont payés leurs dette voilà bien longtemps, lorsque ma famille est morte. Lorenz veut donner à notre peuple la place qu'il mérite en Armanda, lui donner un royaume et la dignité qu'il a perdu en pourrissant dans les galeries. Il veut réduire les hommes en esclavages et éliminer les elfes, voilà ce qu'il veut. »

Il retourna son regard vers le jeune vampire et l'observa, attendant ses réactions là dessus. Comprenait-il seulement à quel point tout cela était... extrême. Il avait toujours pensé qu'une entente entre leurs peuples était possible quoi que très difficile et c'était bien normal. Mais il ne pouvait aller à l'encontre des souhaits de son peuple, n'étant que son serviteur et non son seigneur. La couronne ne lui irait jamais hélas.

En avaient-ils réellement besoin ? De tout cela ? De la vengeance ? D'un royaume ? De la mort de tout les autres ? Non certainement pas, du moins pas comme ça et pas dans cette optique... C'était ce qu'il pensait. Ils avaient un royaume, qui était perdu loin à l'est bien entendu, et un royaume bien plus magnifique qu'on ne voulait le croire. Certes les galeries étaient puantes et sombres, et sans confort, mais l'ancien royaume, le grand hall, étaient riches, autant en histoire qu'en matériel... Les statues portaient plus de joyaux que toutes les femmes de Gloria réunies. Alors oui, se trouver un royaume à la surface semblait stupide, inutile... même si être enfermé dans des galeries pendant toute son éternité n'était pas une bonne chose. Il y avait du vrai et du faux en chaque opinion. Quand à réduire les humains en esclavage ? C'était une solution extrême dont il comprenait cependant les tenants et aboutissants, on ne pouvait espérer que les humains acceptent de se laisser boire... Il fallait bien, en ce cas précis, trouver un moyen de nourrir leurs population correctement. Des contradictions, toujours, encore et toujours... Il n'y avait pas de solution miracle envisageable, uniquement des utopies ou des cauchemars et dans tout les cas il y aurait des perdants.... il fallait s'y faire. Il n'était pas apte à décider de ce genre de choses, ayant déjà bien assez à faire avec ses propres problèmes sans en plus débattre de la politique de son souverain.

«  Tout est une question de rapport de force hélas, il n'y a pas de véritable réponse. Chaque partie, chaque point de vue a raison et tord à la fois. On ne peut trouver de véritable solution à cela. Je dirais simplement que, si nous devions prendre par la force un bout de territoire aux humains, alors ils tenteraient par tout les moyens de le reprendre. Entraînant une guerre sans fin. Mais en l'état, nous ne pouvons espérer satisfaire les nôtres avec un compromis politique  »

C'était là tout ce qu'il consentait à dire. Cependant à la question suivante levait de nouveaux soucis, de nouvelles vérités qu'il fallait absolument qu'il saisisse tout en étant difficile à expliquer avec simplicité à un enfant sans lui ôter toute sa fraîcheur. Il resta pensif un moment. Pourquoi vraiment ? Mais c'était tellement évident qu'il n'arrivait pas à l'exprimer d'un seul coup, aisément, franchement.... Il eut un lourd soupire et sa dragonne, de loin, lui chuchota ses propres pensées. Il en aurait presque sourit, si ça n'avait pas été si grave et si important... parce que cela touchait à un passé et un avenir lointains. Il savait que Zaphirel était perdu et se sentait effrayé par Lorenz, après ce qui s'était passé entre eux trois c'était tout à fait normal... mais en même temps, il ne parvenait guère à se placer dans ses chausses, car c'était tout simplement impossible après tant de temps. Il ne pouvait que dire la vérité, ou dire ce qu'il pensait.... et laisser le petit se construire sa propre idée.

«  Les vampires sont des êtres belliqueux de nature. Des prédateurs. Il est naturel que tous participe à une guerre qui les concerne. Mais oui, il le fait également pour cela, parce qu'il est fort et en a le pouvoir. Parce que cette vengeance nous concerne tous d'une façon ou d'une autre. Du moins vous concerne  »

Une lueur sourde brilla un instant dans ses yeux, alors que la question fatidique tombait comme un couperet douloureux. Que se passerait-il quand ils auraient vaincu. Si ils vainquaient jamais. Il ne pouvait être certain de cela Hélas. Mais si effectivement ils parvenaient à mettre un terme à la guerre, à la remporter... alors il était clair qu'il y aurait un gros problème. Lorenz était le seul à avoir quoi que ce soit en tête, mais quelque chose lui disait que le seigneur vampirique n'avait pas pensé si loin. Que feraient-ils alors ? Sans doute qu'ils contrôleraient strictement la population, afin d'éviter un surplus de vampires et un manque d'humains. Ces derniers seraient peut-être parqués dans des fermes d'élevages où l'on s'arrangerait pour affiner la race afin de la rendre plus nourrissante. Il serait certainement trouvé un moyen de répartir équitablement le territoire, et un défouloir organisé afin de ne pas tomber en guerre civile. Du moins était-ce là ce que lui ferait, lorsqu'il aurait éliminé Lorenz. Parce qu'il comptait toujours pouvoir lui faire la peau, une fois Armanda aux mains de son peuple. Il n'aurait de toute façon pas d'autre option en dehors de la fuite. Il arriverait un moment où Lorenz ne tolérerait plus son existence, et il lui faudrait alors être prêt. Tout le reste n'allait que vers cette fin ultime. Ils n'y étaient pas encore cependant et c'était le principal. Il avait le temps de voir venir et ne restait pas inactif. Pas plus que les autres anciens semblait-il d'ailleurs...

Il ne répondit pas à Zaphirel. Ne voulant pas l'inquiéter, mais jugeant surtout qu'il n'était pas encore prêt à entendre tout cela. Les choses étaient trop fraîches pour lui. Il était à peine transformé, et encore moins éduqué, et il n'y avait aucun usage à lui parler d'une guerre entre lui et Lorenz maintenant. Il espérait d'ailleurs que son jeune fils n'y prendrait pas part... sans pour autant se violer la face. Il n'aurait guère le choix si cela en venait à ce qu'il imaginait. Alors à moins de s'assurer expressément que cette petite chose ne puisse choisir un camp, chose qu'il refusait de faire, il serait contraint de le voir assumer un choix pour le moins compliqué. Balayant cela d'une pensée cependant il revint au présent en le voyant s'agiter et se décida à répondre à sa seconde question, qui après tout était légitime, il avait dit vouloir lui apprendre le sortilège de transe et c'était exactement ce qu'il comptait faire. Il était clair que son jeune fils avait envie d'apprendre, la magie en particulier, et c'était très bien ainsi... Il pouvait le préparer à ce qui l'attendait au dehors sans s'inquiéter de le perdre en des explications ou de trop longues séances. Parfois, il n'y pouvait rien, il lui fallait du temps et de la patience afin d'expliquer correctement les choses... Le sortilège d'ultrason par exemple, était plus subtile qu'il n'y paraissait. Pour ce qui était de la transe, le véritable défi était de définir exactement ce qui était le meilleur moment pour en user, comme il semblait l'avoir comprit.

« Et bien tout d'abord il faut que tu sois certain de pouvoir te reposer sans risques. Dans ta tente par exemple, où ici. Ensuite, il faut bien que tu comprenne que cette transe n'est pas le sommeil des mortels, pour l'instant tu peux en user régulièrement, une fois par jour par exemple, lorsque le soleil vient et que je ne te demande pas de t'y habituer. Lorsque tu grandiras, il te faudra espacer ces instants de repos, de plus en plus, jusqu'à progressivement les oublier complètement. Tu dois absolument user de ce sortilège si tu es blessé, ou si tu as très faim et que tu ne peux chasser. Le reste du temps tu peux en user lorsque tu ne trouves aucun échappatoire à ton besoin d'exercice. Ce ne sont hélas que des conseils, car toi seul peut apprendre à connaître ton corps de façon suffisante pour décider de la fréquence exacte de l'usage que tu en feras »

Il posa une main sur sa joue après l'avoir attiré à lui, et acheva, avec le plus grand sérieux.

« Rappel toi cependant d'une chose. Et si je te le dis c'est que je le juge important. Ne te perd pas dans le monde de cette transe. Il ne peut être une échappatoire à la réalité »