¤ Satané dragonnet ¤

Satané dragon, il se croyait malin, intelligent, sage. Mais il n'en restait pas moins aussi faillible que les mortels avec les mêmes défauts. Égoïste et têtu, les tares de Möebius qui l'avaient poussé à quitter son lié pour aller se réfugier quelque part dans la forêt pour y bouder et faire sa crise d'adolescence. Il était un dragon certes, mais ce n'était pas une raison pour se croire supérieure à l'elfe ! Voilà maintenant quelques jours que la fugue du petit bleu avait eu lieu. Une farce, une comédie, qui au goût de l'elfe avait assez duré. Peut importe qu'il soit un dragon, peut importe qu'il ait une mémoire ancestrale, peut importe qu'il soit un don pour son peuple, peut importe qu'il assure sa survie et la magie dans Armanda, se dragonnet n'était encore qu'un dragonnet ! Enfermer dans son oeuf pendant longtemps, sa mémoire ancestrale n'était plus d'actualité, le monde évolue, lentement, mais il évolue. Il se devait donc d'apprendre. La jeunesse restait encore la seule trace d'idiotie à cette magnifique créature. Et pour la faire disparaitre, il se devait d'être patient, prudent et d'écouter ce que son lié lui disait. Non pas de lui obéir, mais de prendre en considération et ne pas en faire à sa tête à la moindre contrariété ! Prendre sur soit il fallait. D'autant plus que sa longévité lui permettait de prendre bon nombre de choses par-dessus la jambe. Il n'avait pas pu manger à lui seul cette biche ? Tant pis, un million d'autres allaient lui servir de repas plus tard.

Le bleuté lui avait faussé compagnie pendant le dépeçage de la bête, il fut idiot de croire que le jeune dragonnier allait le laisser disparaitre sans garder un oeil sur lui. Son inexpérience montrait à quel point il lui restait à apprendre. Elrond n'aurait eu qu'à tendre la main pour le rattraper s'il s'en était donné la peine. Non, préférant le laisser bouder le rouge n'en fit rien. Espéré échapper à un elfe sur son territoire était pure folie. Oiseau, mammifère, tous étaient yeux, bouche et oreille pour lui. A travers les mirettes dorées de la chouette blanche, il l'avait surveillé. A travers les bois du cerf le plus proche, il l'avait défendu contre les dangers qui l'approchaient.

Néanmoins, l'excursion de l'écailleux lui avait permis d'être seul dans son ermitage. Depuis que Möebius était apparu, Elrond n'avait pas eu cette chance. La solitude de ces quelques jours lui avaient fait du bien. Loin de là que la présence de son lié le dérangeait, il n'était pas un animal de compagnie qui malgré sa présence nous laisse mentalement seul, le bleuté était une personne à part entière, l'archer avait comme lors de la chasse besoin de silence, de calme et de solitude. Toutefois, la plaisanterie avait assez duré.


Battant des ailes, survolant la forêt, le rapace suivait à la trace les deux formes de vie qui arpentaient lentement le chemin invisible dans toute cette végétation, mais clair pour les yeux d'un elfe, qui menait au royaume elfique. A la teinte pure comme la neige l'oiseau de proie vint se poser sur une branche au moment où le petit groupe décida de faire une pause.

Galopant, ses fiers sabots frappant l'humus, soulevant la terre et les feuilles tombées des arbres, le cerf tournait loin autour du dragonnet décrivant de grands cercles, chassant toutes créatures jugées dangereuses. Gardien nommer il finit par s'arrêter en sentant celui qui le possédait approcher et lentement il vint à la rencontre de la femme du beau peuple ainsi que du bleuté, se postant au milieu du chemin. Ces bois, grandiose et magnifique trônant au-dessus de sa tête vinrent bientôt accueillir l'Effraie qui rôdait dans le ciel il y a quelques secondes encore. Tête haute, le ruminant s'approchant frappait le sol de ses sabots avec fracas.

Vêtu de sa cape en guenille rouge, esprit fermer, magie dissimuler, l’elfe qui était parti à leur rencontre depuis un moment déjà. Arrivant à revers, lui aussi vivant en marge de la société elfique, arpentait le chemin. Le pas léger, silencieux ne venant perturber la tranquillité, ni le sommeil des arbres centenaires. L’odeur fraiche du matin emplissant ses poumons, la faible morsure du froid faisant frissonner sa peau avec délice. Et dans sa main une pomme à laquelle il manquait un bout. Croquer, empreinte des dents du blond qui mâchonnait avant d’avaler le morceau de ce fruit qui le sustentait.

C’est enfin avec discrétion qu’il apparut au détour d’un arbre rejoignant le chemin principal ou se trouvait la rousse et le bleu. Entendant le craquement des guetteurs peu délicats et les paroles de la femme du beau peuple. Un léger sourire amuser aux lèvres, des yeux mi-clos qui vinrent s’ouvrir et faire disparaitre presque totalement toute délicatesse, gentillesse et autre bienfaisance du rouge pour ne laisser transparaitre dans les mirettes azurées que froideur et colère. Tête haute, retirant son capuchon, il se présentant à eux dans le dos, laissant soudainement paraitre sa présence, son esprit et sa magie, bâtissant tout de même un mur de glace dans certains recoins de son esprit si jamais Möebius venait s’y mêler pour lui montrer son mécontentement.

« Je serais un bien piètre dragonnier, plus que je ne le suis déjà, si je laissais se balader sans surveillance ni protection quel qu’elle soit mon si jeune lié. »

Le cerf s’ébroua faisant fuir la chouette qui disparut dans la canopée. Levant la main, d’un signe, il libéra le cerf qui partit lui aussi en lâchant un bramement. Faisant glisser sa bandoulière l’archer elfique sortit une autre pomme le croquant.

« La récréation est terminée Möebius, j’espère que tu t’es bien amusé, je ne peux te laisser seul plus longtemps. »

Les deux saphirs du blond vinrent par la suite se poser sur la nymphe qui l’accompagnait. Un voile d’amertume, de colère, de jalousie surement et froid les couvraient de leurs habituelles arrogances, malices, espiègleries et j’en passe. La jugeant du regard il vit son maigre déjeuner et la branche que le bleuté venait de lui rapporter. Il roula les yeux, un souffle, pouvant, s’apparenter à un maigre soupire, traversa ses lèvres.

« J’ai de quoi grignoter si vous voulez. »

¤ Dragonnier ¤

Il était venu à leur rencontrer pour récupérer son dragonnet en cavale. Il avait plus tôt l’impression qu’il s’agissait d’un enfant qu’on avait laissé à la crèche et maintenant il venait le récupérer. Cette comparaison amusant un tantinet le dragonnier sans pour autant laisser transparaitre cet amusement sur son visage qu’il voulait maintenir sévère, froid et amér. Bien qu’il avait du mal. Ce n’était pas son genre d’être ainsi énerver, de jouer le rôle du « parent ». Étant plus tôt un gamin remplit d’une fierté et surtout d’une arrogance souvent maladive. Autant dire que sa personnalité ne facilitait pas les choses lors de conflit avec Möebius. Mais il n’était pas le seul à être fautif, jamais !

C’est à l’aide d’animaux et qu’il avait surveillé son lié et qu’il l’avait rattrapé. Néanmoins, il n’était pas seul. C’est en compagnie d’une elfe qu’Elrond le retrouva. Une rouquine aux traits élégants des elfes, mais pour autant dotée d’un teint pâle comme un linge. Offrant une impression de fragilité qui était du point de vue de l’elfe très réaliste, si bien qu’il doutait que cela ne soit qu’une simple impression, mais bien quelque chose de véridique. Sceptique, l’elfe ne savait pas ce dont il devait réellement penser de cette femme. Si bien qu’il l’ignora presque ne présentant aucune priorité à ses yeux, faisant passer le bleuté avant tout. Oubliant même de se présenter. Sans doute la sous-estimait-elle, l’elfe n’allait pas tarder à l’apprendre à ses dépens. Lui faisant face sa congénère lui parla franchement.

« Mais si vous me permettez, jeune elfe, la vie d'un dragon, son choix de se lier à vous est un don du Dracos que trop prennent comme un cadeau, alors qu'il est un don. À vous de voir si vous voulez laisser ce don partir ou rester auprès de vous. »

Plissant les yeux, fronçant les sourcils l’elfe n’apprécia pas le ton de la jeune femme qui apparemment était plus âgée que lui, difficile de distinguer en même temps chez les elfes, d’autant plus qu’il avait perdu la main. Quoi qu’il en soit, la jeune femme lui donnait l’impression de replonger dans le passé et de se retrouver face à son précepteur. Serrant les dents et grondant intérieurement il avait toujours détesté les personnes ainsi, lui donnant l’impression de le rabaisser, de tout savoir et lui rappeler qu’il n’était qu’un gamin. Sans doute était-il troublé du fait que son interlocutrice soit une femme et qu’il n’avait jamais rien connu d’autre venant de ces créatures que l’amour de sa mère ? La jalousie venant sans doute lui piquer au nez, cette dernière étant resté quelque temps avec Möebius alors que lui non.

Fermant les yeux l’elfe se reprit, inspirant profondément ne laissant transparaitre ses émotions et voulant se prouver à lui-même qu’il avait grandit.

« Vous semblez aimer donner des leçons et juger les gens, mais peut-être que je me trompe. Je sais que c’est difficile, même moi je n’y arrive pas, mais il ne faut pas juger les gens lorsqu’on ne les connait pas, encore moins lorsque l’on est du même peuple. Je pensais ma vie terminée après que tous mes amis soient morts et j’attendais impatiemment de pouvoir les rejoindre dans les plaines éternelles de l’esprit de la mort lorsque je suis tombé sur ma destinée. Ne pensez pas que je ne sais ce que représentent les dragons pour notre peuple ! Je suis Elrond Amarië le seul dragonnier Elfique que nous ai donné le Dracos de cette nouvelle génération et je ne compte pas prendre à la légère la tâche de garantir à notre peuple une source de magie qui nous est si vitale. »

Elrond fusillait la rousse du regard, pour qui se prenait elle pour lui faire ainsi la morale ? Que savait-elle ? Rien. Elle avait réussi à l’énerver, était-elle contente ? Pointant ensuite Möebius du doigt il ajouta.

« Et toi il ne faut ne pas confondre un dragon et son dragonnier qui peuvent devenir des alliés et amis importants avec des resquilleurs. »

Les sourcils froncés il fixait le dragonnet espérant qu’il comprenne l’importance de se faire des relations, mais surtout pardonner alors qu’ils avaient manqué de toucher les dragonniers humains avec une flèche. Croisant les bras il vint à nouveau fixer la jeune elfe de ses yeux azurés semblant la défier.

« Ma réponse vous sied-t-elle où comptez vous laisser fuser d’autres remarques ? »

L’arrogance était de retour il ne pouvait s’en empêcher néanmoins il semblait afficher un air froisser sur le visage ayant peu apprécié les dires de la demoiselle qui avait touché sa fierté. Il n’était pas le meilleur dragonnier qui existait d’ailleurs il doutait franchement que l’idéal d’un meilleur existe dans ce…. Mode vie ? Car cela ne peut être qualifié de métier ou autre. Se calmant il afficha une moue sur le visage avant de se mettre en marche peut après suivit du bleuté et de la rouquine. La conversation continue néanmoins alors qu’il s’approchait de la Clairière du grand chêne. L’écailleux trottinait derrière eux. Toujours bougonnant vis-à-vis de la femme du beau peuple, se demandant bien pour qui elle pouvait se prendre, son lié vint lui apporter la réponse à se mêlant à son esprit. Möebius y déposa les souvenirs de sa conversation avec Lyroë, notamment celle concernant la partie avec Cymbor. L’elfe rouge fut troublé d’apprendre cela. Si bien qu’il eut du mal à le cacher, l’expression de son visage ayant brusquement changé. Il hésita à parler et au final se retenu de dire quoi que se soit.

Finalement ils arrivèrent sur place au l’agitation était importante, que pouvait il bien se passer ? Möebius vint rejoindre son épaule pour fuir toute cette agitation. Regardant à droite à gauche Elrond cherchait la cause de tout cela.

¤ Chacun sa vision ¤

Elrond fusillait du regard l’elfe en face de lui, la colère, l’irritation et l’indignation se lisaient sur son visage, jamais il n’avait eu autant envie de s’égosiller sur quelqu’un pour la faire taire. Comment osait-elle souillé la mémoire de ses anciens compagnons qu’il avait accompagnés jusqu’à leur mort, les voyant vieillir et mourir sous ces yeux impuissants face au destin, alors que lui souffrant de la condition de sa race ne dépérissait pas comme eux, mais au contraire devenait plu vigoureux, plus fort. Des faux semblants ? Alors devait-il balayer tout cela, tous ces souvenirs ? Nan, hors de question, c’était une question de respect même si Elrond n’en avait pas réellement conscience, pour lui cela s’agissant plus d’un devoir. Pour lui qui était resté, il devait veiller à ce que leurs mémoires ne s’éteignent pas comme leurs vies. L’homme du beau peuple bouillonnait de rage, son silence le laissant transparaitre, ruminant chaque mot que la rouquine qui ressemblait à des insultes. S’ils avaient été humains il y aurait longtemps qu’Elrond l’aurait giflé d’un gant et provoquer en duel pour demander réparation. Mais en tant qu’elfe il ne pouvait pas ce le permettre. Et pourtant ce n’était pas l’envie qui lui en manquait. Serrant le poing, la magie filtrant dans son être ne demandant qu’à sortir balayer magistralement l’ex-dragonnière et lui apprendre à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de sortir de tels propos. Néanmoins il n’en fit rien, laissant les dires de la jeune femme filer, lorsqu’une question lui traversa l’esprit, est-ce que le fait de devenir dragonnier aller l’amener à tourner comme elle ? Oublier son passé, ses proches, ses morts et tous ceux pour qui il avait du respect et les trainer ainsi dans la boue pour devenir égoïste et replier sur soi même. Et dédier dès lors sa vie à son unique dragon ainsi qu’au continent ? Laisser son cœur et les émotions qui étaient avec se faire arracher par le Darcos en payement du lien qu’il tissait. Et au premier caprice rompre le contrat, effectuer une rétroactivité, pour récupérer un cœur noirci devenu pierre et finir comme la femme en face de lui.

Si c’était cela, être dragonnier est une malédiction.

Peut-être ne devait-il pas prendre, interpréter les mots de l’elfe ainsi. Néanmoins il en fut ainsi.

« Je suis la première dragonnière elfique, et vois où mon arrogance et mon ignorance m'ont mené. Continue et je ne donne pas cher pour que tu suives le même chemin. »

Elle faisait erreur cette jeune demoiselle, l’arrogance n’y était pour rien, si dragonnier est une malédiction, les actions de ces derniers sont déjà toutes tracées par le Darcos, notre fin est déjà écrite avant même notre naissance. Si la tâche de dragonnier est une malédiction alors ce que disait l’elfe aux cheveux de feu n’aurait pas la moindre incidence ni maintenant, ni au moment ou l’inévitable se produira. Avant d’aller à contre-courant des grands projets du dragon esprit, le continent devrait connaitre des bouleversements tels, que les ficelles dont il se sert pour nous faire bouger, nous dragonnier, cèderaient comme habitations face à la colère de la terre.

Fixant la jeune elfe face à lui, son regard azuré à présent calme, mais pourtant semblable à une eau trouble, Elrond senti la gêne de Möebius, dès lors il refit plus attention à son environnement, une présence, colossale, se trouvait non loin, était cela qui indisposait le jeune écailleux ? Bien que son désir voulait le pousser à aller combler sa curiosité, il n’en fit rien.

« Veux-tu d'autres remarques ou préfères-tu encore jouer les jeunes elfes impertinents heureux d'avoir une fonction honorifique? »

Un léger sourire en coin se forma sur les lèvres du jeune elfe, et il laissa s’échapper un léger amusement avant de tourner les talons en direction de la forêt.

« Tu as probablement raison, ou probablement tort. Tu es certes mon aîné, j’ai beaucoup apprendre de toi. Cependant, j’ai ma propre vision de la voie du dragonnier. Mais tout comme toi, j’ai probablement raison, ou probablement tort… À moins que tout soit bon ou que nous fassions fausse route … »

L’elfe fit quelques pas s’éloignant de jeune rouquine.

« Nous allons te laisser, nous ne nous sentons pas à l’aise ici. Passe nous voir si le cœur t’en dit. »

L’elfe rouge s’éclipsa ensuite lentement pour retourner à sa clairière ou un calme sans pareil régnait, un calme dont il aurait bien besoin après toute cette agitation.