La fin de la conversation avait été houleuse, le silence de l’après avait été pesant. Une fois le vieil elfe partit, ils furent quelques peu hébétés, sortit de cette conversation douloureuse, ils peinaient sévèrement à reprendre le pas sur leurs émotions, à revenir dans le réel. Prenant une inspiration tremblotante, Gabriel se passa une main sur le visage pour se débarrasser de cet air crispé qui lui faisait mal, pour se réveiller pour de bon. Regardant autour de lui, perdu et perplexe, il finit par se souvenir et comprendre que tout était fini, en voyant le visage de l’elfe, tout aussi perdu que le sien. Se mordant les lèvres d’un air hésitant, l’elfe finit par prendre une mèche couleur de nuit entre ses doigts, jouant distraitement avec, l’espace de quelques secondes, avant de se reprendre totalement et de la glisser derrière l’oreille pointu de son compagnon.

Un enfant. C’était ce qu’il avait l’impression de voir. Jamais il n’avait vu un elfe aussi délicat et fragile, une aura aussi pure que le cristal mais bouillonnante comme un volcan. C’était la première fois et cela l’attirait comme un papillon de nuit vers une bougie, petit être évanescent qui pouvait se consumer à toute instant à force de voleter autour de la petite flamme. Restait à savoir, si comme cet animal éphémère, Gabriel se consumerait à ses côtés. Seulement, pour l’instant, le silence s’adoucissait peu à peu, apaisant leur esprit et leur conscience, les faisant revenir. Le chasseur de prime regarda un instant son frère de race avant de s’approcher de lui et de faire une chose qu’il ne croyait jamais faire, encore moins à un elfe : il le prit dans ses bras et le serra étroitement contre son cœur.

Gabriel faisait cela pour les rassurer tous deux, pour les tranquilliser de cette situation, gardant à l’esprit à quel point le baptistrel s’était accroché à lui durant toute la conversation, fermement et avec presque désespoir, son chant contenant tellement de larme et de douleur. Une main dans son dos pour le plaquer étroitement contre lui, l’autre dans sa nuque et ses cheveux pour le masser tendrement, il se mit à chanter tout bas la berceuse de son enfance, faisant fi de l’amertume de son passé pour rassurer cet être sensible et épuisé, le câlinant et l’enfermant étroitement contre son corps pour qu’il puisse se reposer un peu et reprendre des forces.

Cela lui ressemblait tellement peu, mais le chant de Merithyn et la vue d’Eliwyr, toute cette conversation dont il n’avait pas à être mêlé, l’avait fragilisé, avait percé ses défenses, fragilisant son masque, permettant ainsi d’être durant l’espace d’un bref instant, le roc qui protégeait et soutenait le baptistrel. Une fois à peu près détendu, Gabriel rompit l’étreinte et lui baisa délicatement le front avant de retourner près de son cheval pour y grimper, le talonnant pour lui faire prendre la bonne direction, celle lui permettant de se promener tranquillement dans les bois de son enfance, tournant la tête pour voir l’autre elfe.

- Maintenant que vous allez mieux, je vais vous laisser, vous avez sûrement beaucoup de chemin à faire, que ce soit pour rentrer chez vous, dans votre vie ou pour vous retrouver vous-même, déclara-t-il calmement. Au revoir, ajouta-t-il tout bas avant de se redresser, prêt à décamper et le laisser seul de nouveau.