Voici plusieurs jours qu'il avait quitté Aldaria avec comme seul objectif de survivre et de chercher un but à atteindre. Il ne se sentait pas perdu au milieu de ce monde qui évoluait avec ou sans son aide mais il n'avait pas vraiment d'objectif précis et que le reste de la Horde lui manquait. La Louve et ses précieux conseils, son attitude protectrice et toutes ses histoires puis il y avait les autres... Les voleurs qui avaient tous leur spécialité et qui considérait le jeune garçon comme le petit dernier, le petit louveteau alors qu'il avait intégré ce groupe bien avant certains d'entre eux. Il avait suivi son évolution de l'intérieur et avait appris des autres autant qu'il avait pu. Il se sentait Loup, il était un voleur de la Horde, il trouverait toujours un but à atteindre et à dépasser.
Le voyage se déroulait sans grande difficulté si bien que les jours finissaient par se ressembler et que tout commençait à se ressembler dans la tête de Gabriel. La monotonie était quelque chose de fatiguant pour lui qui avait toujours besoin de nouveauté et d'action. Il prit alors sa balle et s'amusa à la lancer au dessus de sa tête tout en prenant soin d'éviter de frapper contre une racine dans son excitation. Belvedel finit par oublier le monde qui l'entourait jusqu'au moment où il rata la balle et la vit tomber au pied d'un vieil homme qui semblait transporter des écrits. Pourtant, ce dernier semblait en piteux état... Il avait été victime de l'attaque de bandits et tout ce qui restait de lui était un corps étendu sans connaissance sur le sol herbeux de la campagne impériale. Soucieux, la jeune voleur entreprit de le réveiller ce qui fut assez difficile car il avait pris un sacré coup sur la tête. En effet, un joli hématome de couleur bleu marquait la partie supérieure de son front.
Les assaillants n'y étaient pas allés de main-morte... Voyant la personne ouvrir les yeux, il fut soulagé de le voir respirer avec difficulté et il lui tendit une gourde d'eau pour qu'il puisse étancher sa soif. Il essaya de redresser la personne qui se révélait être un scribe itinérant mais ce dernier serra les dents et posa ses deux mains sur sa jambe gauche avec un rictus significatif. Apparemment, ses agresseurs lui avaient cassé la jambe... Cela éveilla une étincelle de colère au fond du jeune voleur qui avait compris que les bandits avaient pris du plaisir à torturer leur proie... Quelle conduité indigne... Il déchira une partie de son pantalon en toile et sacrifia une de lanières en cuir qui retenait un des sacoches de sa ceinture pour créer une atelle avec deux morceaux de bois souples qu'il avait coupé d'un arbre qui se trouvait à quelques mètres de là. Ce n'était pas un travail de qualité mais c'est l'intention qui compte. Le scribe lui souria faiblement avant de lui demander s'il avait quelque chose à manger.
Dans un sourire, il posa la sacoche qu'il avait détaché tout à l'heure face à l'homme blessé et le laissa s'emparer des gâteaux au miel et aux amandes qu'il dévora avec plaisir. Devant un tel spectacle, le jeune garçon laissa sa part volontiers au convalescent qui finit par faire disparaître toute trace des biscuits.
Vous pouvez gardez la sacoche ! Elle vous sera plus utile qu'à moi maintenant !
Devant une telle générosité, le scribe lui permit de lire l'un des ouvrages les plus anciens et le plus cher de la collection qu'il transportait et qu'il avait réussi à protéger des bandits en le cachant entre ses vêtements.
Dépliant l'oeuvre qui sentait la parchemin vieux et poussiéreux, il réussit à lire facilement ce qu'il contenait. Il racontait avec minutie que certaines personnes seraient liés par un esprit-animal qui leur donnerait des pouvoirs fantastiques. Il existait toutes sortes d'esprit-totem comme la tortue, le hibou, le renard et le Loup... Après la description générale des esprits, il aperçut une explication sur chacun d'entre eux et leur capacité à chacun. Le Renard était tout à son image, discret et avec une ruse étonnante. Après avoir relu le parchemin une deuxième fois puis une troisième, il comprit clairement qu'un esprit s'était lié à lui ou du moyen, il le croyait fermement. Enfin, il lut que pour obtenir les pouvoirs de son esprit protecteur, il fallait se lier à lui lors d'un rituel qui s'effectuait généralement durant le début de l'adolescence.
Repliant le parchemin, il fut surpris de recevoir une copie de l'oeuvre par le scribe lui-même et lorsque Gabriel voulut l'aider pour la suite de son voyage, il refusa en prétendant que le jeune garçon en avait déjà assez fait. Il faut dire qu'il avait lui-même autre chose à faire.
Est-ce qu'il était trop tard pour se lier à son esprit ? On dit bien qui ne tente rien n'a rien.
Gabriel réunit des conditions particulières pour son rituel... Il avait attendu la nuit, le moment privilégié des voleurs, puis avec un mélange pateux de terre pigmenté, il s'était barbouillé le visage de noir sous les yeux comme lorsqu'il avait effectué un vol difficile de nuit. Pour finir, il avait sorti la petite statuette en marbre qu'il avait dérobé à Aldaria comme pour l'offrir à l'esprit. Un voleur aime toujours les cadeaux...
Le jeune garçon regrettait de ne pas être lié à son animal préféré qui était le Loup mais il sentait un peu au fond de lui qu'il était un renard. Un être rusé, espiègle et surtout voleur. Un Loup était un chasseur, un tueur....
Il s'assit alors en tailleur sur le sol, face à un feu qu'il avait allumé avec la statuette posé devant lui et il inspira profondément.
Esprit Renard, si tu es celui qui me guide, je t'en prie, apparais... chuchota-t-il comme pour ne pas attirer l'attention.
Le seul bruit qu'il entendait autour de lui pour le moment était celui des grillons qui chantaient leur chant nocturne. Il se sentait prêt malgré la légère appréhension et une pointe de crédulité mais il n'avait rien à perdre et puis il voulait accomplir ce rituel comme si une partie en lui lui dictait de le faire. Alors il était là, à attendre un signe de son totem ou bien il s'était trompé.