Sortir des profondeurs de la forêt avait quelque chose de rafraichissant, de surprenant et surtout d'excitant ... être ainsi officiellement nommé pour partir à la recherche d'un œuf avait de quoi enthousiasmer n'importe qui, surtout lorsqu'on était un elfe ... surtout lorsqu'on était un elfe voyageur ... et par dessus tout surtout lorsqu'on était un Baptistrel en quête de nouveautés.
Que la nature hors du royaume Sylvestre était belle, qu'elle était glorieuse et sans pareille ! Et ses pairs qui prenaient orgueil dans les œuvre de leur peuple ... qu'ils étaient obtus ! Ils se bornaient à perpétrer des rites et des codes qui n'était bon qu'a limiter leur visions et leur libertés ... La vérité était ailleurs, dans le sang de ses être que son peuple immémorial avait abandonnés, dans le souffle des milliers de créatures qui fourmillait dans leur monde et dans l'étincelle de vie en tout être. Il avait une nouvelle chance en ces jours sombres, une chance comme ils n'en auraient surement plus jamais, il ne fallait pas continuer à porter le deuil du passé ... ou leurs futur leur échapperait comme la lueur fugitive d'une étoile filante dans la voute nocturne pour ne plus jamais revenir.

La nature elle même semblait s'être réveiller sous le torrent de l'espoir et du renouveau, chaque plante semblait plus verts, chaque fleur plus colorée, chaque ruisseau plus cristallin et chaque trille d'oiseau plus magnifique ... c'était un concert de couleur et de son dont même le Dracos Honoris devait se réjouir, il en était certain. L'herbe verte et lustrée comme une chevelure de nymphe s'étendait à perte de vue des deux coté de la route, l'air doux faisait voler sa chevelure comme une vague éthérée autour de son visage et lui procurait une sensation de paix et de sérénité qu'il n'avait jamais ressentit auparavant, le ciel magnifique l'appelait comme un chant et le soleil de midi rayonnait comme un joyau inestimable au dessus de lui ...

Tout au fond de son cœur il sentit un élan d'affection pour cette terre qui restait si belle malgré les épreuves et les sévices, si fière dans sa chute et si forte malgré sa fragilité et la seule pensée que son voyage avait pour but de la rendre encore plus envoutante l'emplit d'une force et d'une détermination qu'il n'aurait jamais put imaginer ... et il se rappela avec amusement sa propre réaction lorsque la reine l'avait choisit, ainsi que d'autre elfes, pour partir à la recherche d'un œuf de dragon. Un dragon ! Il avait été si surprit et si décontenancé qu'il avait faillit affirmer à haute de voix que s'était impossible ... avant de se mordre profondément les lèvres et de se taire tout en fixant sa souveraine avec des yeux rond digne d'un enfant à qui on aurais présenté sa première arme ... Lui qui était si fasciné par ces créatures de légendes, lui entre tous était choisit pour tenter de trouver l'un de leurs œuf ? Il n'aurait vraiment pas été capable d'imaginer pareil honneur ...

Merithyn secoua soudainement la tête, chassant ses pensées et focalisant son attention sur le moment présent ... La journée magnifique qui s'offrait à lui avait eu un effet plus que bénéfique sur son inspiration et il décida de prendre position à quelques distances de la route, près d'une rivière qui serpentait paresseusement comme un animal assoupit et heureux. Ses réflexions au sujet de sa mission lui avait rappeler un ancien poème qu'il appréciait et l'elfe était bien décidé à le dédier à la terre qu'il parcourait. Il s'installa confortablement et déposa ses effets personnel près de lui sur une petite pierre, il décrocha son épée de son flanc et la posa sur l'herbe au coté de sa crosse avant de s'adosser à la pierre et de sortir son luth, un instrument ancien et chargé d'histoire et de magie, mais également de nombreux souhait de ses porteurs successifs et de son créateur, de leurs rêves et de leurs histoires ... un objet inestimable et plus puissant, sans doute, que ses armes de batailles. Il fit le vide dans son esprit et quand il fut certain d'être prêt entonna le chant ancien qui pulsait dans tout son corps comme un second cœur ...

Il se tu enfin, sa voix brisée par l'émotion et le visage un masque impénétrable de pensées contradictoires ... il n'avait jamais réussit à la chanter en entier, elle était trop longue et la plus grande partie était perdue à jamais, mais la puissance qui s'en dégageait été bien présente même dans une si courte partie et il sentait la nature autour de lui figée comme si le temps lui même avait cesser de couler pour écouter. Le silence qui régnait près du court d'eau n'était pas naturel, plus profond et plus palpable qu'un silence naturel ... Merithyn soupira et gouta se moment de paix si spécial qui suivait ses chants, sachant qu'il ne durerait pas longtemps lorsque la vie reprendrait ses droits sur cette parcelle du monde.

Ce ne fut qu'alors qu'il remarqua la forme humanoïde qui se dessinait comme une ombre en haut de la bute herbeuse, immobile et silencieuse ... Son intérêt se réveilla et il se tint aux aguets, près à toute les situations possibles mais espérant que la rencontre serait amicale ...

Comme le monde était grand !
Depuis qu'il était sorti de son œuf, Shaynar ouvrait de grands yeux sur tout. D'autorité, il s'était installé sur les épaules de celui qui était à présent son dragonnier, et du haut de son perchoir ; il ne ratait rien.
Pendant plusieurs jours, il avait cru que le monde n'était qu'obscurité mais ce n'était pas le cas. La lumière revenait régulièrement et alors Eliow insistait toujours pour aller se mettre à l'abri. Le dragonnet s'en était fait une raison, trouvant d'ailleurs normal de vivre dans le noir puisque c'était la seule chose qu'il avait connu mais cette fois...
Et bien cette fois il avait été plus curieux que d'habitude, pour peu que ce soit possible et avait tout simplement refusé d'entrer dans la caverne que le vampire avait déniché. Pour une fois ne pouvait-il pas découvrir le monde sous l'astre du jour ? Sans doute l'occasion ne se représenterait-elle jamais, il fallait qu'il le fasse une fois et il y avait tellement de choses à voir !

Il avait obtenu gain de cause, refusant de toute façon tout net de suivre Eliow dans la caverne. Un drôle d'être que ce deux-pattes... Il était la bonne personne bien entendu puisque Shaynar l'avait choisit, mais il semblait continuellement mécontent... Etait-il heureux du lien que lui offrait le dragon ? Il semblait bien que non... Leur relation était pour le moment un peu timide, pas de rejet d'un coté ni de l'autre mais pas de grande amitié non plus... Il fallait dire que les choses étaient encore fraiches, Shaynar sortait à peine de l'œuf et n'était pas encore capable de communiquer autrement que par des échanges de sensations, de brève images mais pas de mots. Les choses viendraient sans doute et il s'appliquait déjà à surprendre le sens des différentes expression utilisée par son dragonnier, mais il fallait dire qu'il n'était pas très loquace...
Les choses ne seraient pas faciles sans doute, mais son instinct lui disait de patienter. Leur relation ne se construirait pas en un jour, il savait cela même si il ne savait pas très bien d'où lui venait cette sagesse. Patience Shaynar, mais il lui semblait bien aussi qu'il n'était pas un dragon très patient !

Là n'était pas la question pour le moment, et il était bien loin d'y penser. Perché sur l'épaule d'un dragonnier qu'il sentait mécontent mais qu'il était tout de même parvenu à faire céder, il se chauffait avec delectation au soleil. Non pas qu'un dragon, créature au sang bouillant, n'ai besoin de se chauffer comme un vulgaire reptile mais il fallait bien avouer que c'était agréable !
Le soleil brillait fort en plus, ses écailles d'un noir ténébreux semblaient en absorber les rayons. Ses yeux rubis brillant de curiosité, il humait l'air avec délice, captant mille et unes effluves délicieuse et s'amusant de la moindre brindille. Quiconque l'aurait vu là, créature légendaire et sensée être disparue aurait ouvert des yeux ébahis et charmés, mais ils étaient seuls n'est-ce pas ?

Une effluve différente des autres l'alerta. Qu'était-ce ? Il était encore un peu jeune pour connaître les parfum de toutes les créatures du continent et il n'avait pas un gros stock de connaissance pour faire des comparaison, mais ce qu'il savait c'est qu'il ne connaissait pas ce parfum là. Jusque là détendu et presque nonchalant, il changea aussitôt d'attitude pour se redresser sur l'épaule de son dragonnier en une posture rigide et attentive. Ses écailles s'étaient dressées sur son dos, ses yeux s'étaient fait plus brillants encore, un grondement d'avertissement monta de sa gorge tandis qu'il cherchait l'origine de cette drôle d'odeur.

A l'odeur vint presque aussitôt s'ajouter le bruit. Quelle réaction auriez vous si vous aviez passé des centaines d'années dans un oeuf et qu'on vous faisait tout à coup découvrir la musique ? Il demeura en position attentive, presque comique à force d'être tendu. La musique venait charmer son ouïe fine et ne se lassait pas de l'étonner. Ce monde recelait décidément de bien des mystères...

Ils étaient arrivés sur une butte, Eliow s'était immobilisé. Le dragonnet tendit le cou et pu enfin apercevoir l'objet de sa curiosité : un deux-pattes ! Il en aurait presque gambadé de joie à l'idée de découvrir tant de choses en une seule journée mais la tension qu'il sentait dans l'esprit de son dragonnier le ramena sur terre. Ce n'était apparemment pas le moment de jouer, à tout hasard il gronda à nouveau sans grande conviction, souhaitant par là exprimer son soutien à un dragonnier qu'il sentait inquiet... Mais comment aurait-il pu savoir lui que la personne en face était un elfe, de cette race qui était l'ennemie juré des vampires et que pour ne rien arranger, le soleil limitait les forces de son vampire de dragonnier ?

Et voilà. Cela faisait quelque temps à peine que son dragonneau était sorti de son oeuf et déjà il le menait par le bout du nez. Non, non, et non. Cela n'allait pas. Mais vraiment pas. Il allait falloir qu'il redresse la situation et vite ! Non mais, vous imaginez, vous, un vampire mené comme un pantin par son petit dragon ? Lui ne se l'imaginait pas du tout. Du moins préférait-il ne pas se l'imaginer... Mais de quoi parlait-il, demandez-vous ? Hum... Vous avez raison. Peut-être faudrait-il prendre depuis le début si nous voulons nous faire comprendre.

Tout avait commencé il y a peu, quand il avait trouvé un oeuf. Et attention, pas n'importe quel oeuf ! Mais un oeuf de dragon ! Ni plus ni moins que l'oeuf qu'on lui avait tant demandé d'aller quérir. Riez donc de l'ironie du sort : on le nommait « élu » pour aller chercher un oeuf il ne savait où et qu'il n'avait nulle envie d'aller chercher. Il s'était fait tirer les oreilles à maintes reprises (heureusement pour lui qu'elles n'avaient pas la longueur exorbitante de celles des elfes, sinon il ne donnait pas cher d'elles à l'heure actuelle) et était finalement sorti de son antre, plus ou moins poussé/chassé par ses congénères, en traînant les pieds. Mais ce n'était pas pour autant qu'il était parti de suite. Au contraire, il s'était mis à traînasser et rêvasser près des rives du lac noir... pour finalement, au bout d'une mésaventure qu'il ne préférait pas conter, trouver l'oeuf tant cherché par ses paires au fond du lac. Au fond du lac noir. A quelques mètres à peine de l'antre des vampires. Eux qui le cherchaient tant, et l'oeuf qui les narguait si près ! Eux qui avaient tant forcé Eliow à partir dans des contrées lointaines et dangereuses pour que finalement il le trouve tout bêtement, lui qui ne voulait pourtant pas le trouver... et tout ça pour le trouver à leurs pieds ! Ironique non ?

Très ironique, oui. Mais étonnamment, Eliow n'aimait pas cette ironie-là, lui qui pourtant était si friand de ce genre d'humour. Non il n’aimait pas, pas quand c'était à ses dépends. Oui, à ses dépends. Mais bon, il n'avait pas le choix hein ? Toutefois, il n'allait pas non plus rapporter cette victoire si facilement à son peuple, qui l'avait presque chassé vers le danger pour qu'il leur rapporte la gloire et un possible soulagement. Non, non et non. Il ne leur rapporterait pas l'oeuf comme ça, non mais ! Ils n'avaient qu'à pas le forcer à partir. Ah ils voulaient qu'il parte ? Et bien il partirait. Et il partirait un petit bout de temps, nah !

Et c'est ainsi, que l'oeuf en poche, il s'en était allé, il ne savait où. Quelques jours plus tard à peine, il s'était réveillé avec comme magnifique spectacle un oeuf éclos. Et une étrange créature aux yeux tout aussi étrange le fixait alors. Un dragon dirait-on. Un bébé dragon. C'était d'un... hum... ridicule... Bon c'était mignon aussi. Mais ridicule. Mignon et ridicule quoi.

En d'autres temps, Eliow aurait peut-être abandonné la créature à son triste sort. Ou lui aurait fait lui-même un triste sort. Après tout, qu'est-ce qui l'en aurait empêché ? Rien ni personne. Si ce n'est... C'était étrange ce truc qui lui tiraillait les entrailles et lui torturait l'esprit quand il plantait ses orbes sombres dans ceux du petit dragon. C'était étrange comment, finalement, il se résolut à garder ce poids avec lui. Oui, il préférait parler de poids. C'était plus facile comme ça.

Comment ça, il exagérait ? Comment ça, c'était trop sympa d'être dragonnier et d'avoir son dragon à lui tout seul ? Vous trouvez ça vraiment drôle vous, de vous coltiner un marmot lézard tout juste capable de manger tout seul, pas capable de parler ni de voler et encore moins de cracher du feu ? Il était où le dragon dont tout le monde avait peur, fort et majestueux qui en imposait par ses grandes ailes magnifiques et ses vols de toute beauté ? Lui ne voyait pas là. Mais alors pas du tout du tout. Pour lui, là, maintenant, un dragon c'était ennuyant. Et capricieux !

Non mais vous vous rendez compte ? Cette stupide créature voulait ab-so-lu-ment voir le jour. Voir le jour, entendez-vous bien ! Tout ce qu'Eliow ne pouvait pas voir justement. Non mais vraiment, c'était quoi ce truc qu'on lui avait collé entre les pattes et qui lui imposait presque des choses ? Bon d'accord il aurait pu refuser. Mais l'autre avait su se faire si insistant. Et je vous jure qu'un dragon, même à l'état de mioche incapable de quoique ce soit, sait se faire insistant. Comme quand il refuse de rentrer dans la caverne par exemple. Et Eliow n'avait pas pu le laisser dehors tout seul... Allez savoir ce qui aurait pu lui arriver ? On aurait pu le lui voler (non, non, ce n'était pas de l'attachement, mais il détestait simplement qu'on lui vole quelque chose...), ou pire encore (non, non, il n'aurait pas pleuré cette perte, mais il n'était pas bien sûr de pouvoir rentrer ensuite en expliquant qu'il avait délaissé l'oeuf, éclos, à l'entrée d'une caverne parce que l'oeuf en question n'avait pas voulu le suivre : ça aurait fait mauvais genre, avouez-le).

Eliow avait donc cédé. Et nous voilà maintenant sur les routes, un vampire pas très fiéraud, avec son petit dragon qui ne ressemblait pas à grand-chose, du moins à ses yeux, sur les épaules, priant le Dracos Honoris de ne rencontrer personne. Et pestant contre son dragon si capricieux qui lui en faisait si durement baver alors qu'il n'avait pas encore fait ses premières dents. Quoique... il n'avait pas vérifié... pour les dents.

A croire toutefois que ce maudit Dracos Honoris n'était avec lui que quand il le désirait. Ou quand il attendait quelque chose de lui. Mais quand lui demandait quelque chose, tintin, il pouvait toujours attendre ! Et c'est en maudissant tous les dieux existant, que le vampire, soudain plus que mal à l'aise et des plus tendus, s'immobilisa sur une butte, observant de loin ce qui ressemblait à un elfe. Ce ne pouvait de toute façon qu'être un elfe. Ce chant... cette magie... et ils étaient si proches du domaine elfique, qu'il ne pouvait en être autrement. Mais pourquoi donc s'était-il aventuré si près de leurs anciens ennemis ancestraux ? Vraiment, il n'aurait pas dû être aussi imprudent. Surtout de jour. Surtout... Surtout avec ce que tout le monde souhaitait tant ardemment posséder, réalisa-t-il abruptement, dans un éclair de lucidité. Oui, tout le monde était avide de voir, voire de posséder, un dragon ? Ce qu'il avait présentement sur l'épaule, au passage. Mais détail que cela, n'est-ce pas ?

Détail... Tout comme l'elfe qu'il voyait maintenant clairement se dessiner sur les routes... et qui semblaient s'approcher vers eux...

Le temps semblait s'être ralentit, une langueur et une paresse semblait l'envahir comme un froid intense et qui engourdissait tout son corps ... le monde semblait avoir cesser de tourner, cesser de vivre et d'exister, il avait à peine conscience de lui même et de ses gestes alors qu'il s'équipait de ses armes et rangeait son précieux instrument dans son sac ... Un sourd bourdonnement résonnait dans ses oreilles et il avait l'impression désagréable du savoir qui se dessinait cher l'homme en face ... Cette sensation étrange qui le faisait toujours frissonnait lorsqu'il sentait une vérité importante apparaitre chez un être proche de sa location ... un fourmillement, une froideur et un souffle comme un vent plein de murmures ... et s'était encore pire lorsque l'information avait un rapport avec lui.
Était ce vraiment un homme ? L'elfe avait un doute, un doute qui se voyait confirmé par la réaction de la terre sous les pas de la silhouette ... Elle chuchotait frénétiquement, son chant si doux et si ancien, si plein de souvenirs et d'espoir, changeait et fluctuait comme un fleuve en crue ... Les chants du vents aussi changeaient, ceux des herbes se taisaient lorsqu'il les foulaient du pied et les animaux étaient aussi aux aguets que lui quelques instants plus tôt ...
Il n'avait jamais vu une réaction aussi violente et cela troublait son cœur plus que la vision de l'être en lui même … Il écoutait attentivement la terre et se ne fut que lorsqu'il se retrouva sur le chemin de terre qu'il avait quittait quelques minutes auparavant qu'il retrouva ses esprits et son bon sens.
Il avait enfin réussit à avoir un bon aperçut de l'homme, qui n'en était pas un, et sa curiosité prit le dessus sur son trouble … il avait reconnu le chant étrange et lancinant des vampire, un chant ressemblant fortement à un requiem ou à une hymne funèbre, ancienne, entêtante et exotique aux oreilles de l'elfe qui n'avait plus qu'une seule idée en tête, étudiait cette chanson et l'apprendre. Peut lui importait que les vampires étaient les ennemis immémoriaux de son peuples, peut lui importait que celui en face de lui soit plus fort que lui, tout ce qu'il souhaitait c'était pouvoir être suffisamment longtemps en sa compagnie pour apprendre son hymne … Et peut être plus qui sait, son histoire, sa vie, les raisons pour lesquelles il voyageait ainsi de jour alors qu'il devait souffrir …

Alors qu'il s'approchait de son objectif ses yeux d'aigles aperçurent enfin la bosse étrange sur l'épaule du vampire … Une bosse avec des ailes, des yeux et une queue … Un dragon. La découverte l'obligea à stopper son avancée quelques secondes, son souffle coincé dans sa poitrine lui faisait mal et son esprit se mit à bouillir de questions, d'hypothèses et de probabilités … La pression presque palpable du monceaux de pensées qui l'assaillaient comme des vautours fit bouillir son esprit comme un volcan sur le point d'entré en éruption … Puis soudain tout fut étrangement calme, comme si sa tête s'était vidé de toute pensées et il retrouva le son claire et pur de la paix et du calme. La vue du dragon était vraiment magnifique … comme il était beau avec ses écailles noir et brillantes comme des joyaux, plus polis qu'une arme et bien plus coupante, ses yeux ressemblant à des gemmes merveilleuses et oubliées par tous ou luisait à la fois la jeunesse et la sagesse de sa race malgré son jeune age, les ailes qui dépassaient de son dos étaient minuscules et pourtant gracieuses et ses petites griffes semblaient faites d'ivoires précieux … Cet étrange couple semblait étrangement bien assortit et Merithyn en sourit, imaginant l'expression de la reine et de ses conseillers lorsqu'il leur raconteraient … si il le faisait un jour cela était dit. Il ressentait le besoin malicieux de garder cette rencontre pour lui seul, son trésor personnel.

Il hâta le pas et fredonna doucement un chant élémentaire pour lui même tendit qu'il arrivait paisiblement à la hauteur du vampire et de son petit compagnon... Il s'arrêta, ne les regardant pas tout de suite, leur laissant le temps d'agir si ils le désiraient et s'imprégnant dans le même temps de leurs signatures vibratoires à tout deux. Le vampire était étonnement vivant dans les trames musicales naturelles, un pulsar au caractère changeant, le dragon était plus étrange encore, mélange de la musique du temps lui même et de sa vie naissante; chose étonnante le petit être avait pour note dominante Ela, l'étoile aux cinq vents symbole de liberté et d'énergie … l'elfe se promit de trouver un air qui aille avec la note pour le chanter plus tard devant les autres maitres.
Il soupira et se tourna enfin complètement vers le couple, un air joyeux peint sur son visage comme si leur rencontre n'avait rien d'extraordinaire, et adressa un salut en langue commune aux deux être, usant de son ton Baptistral pour les convaincre de ses paroles.

« Salutation Dragonnier et Salutation à toi Dragon … »

Il sourit doucement, examinant d'un air calme le duo et tentant d'apparaitre le plus pacifique possible … pas par peur, il n'avait pas peur … mais pour éviter que ses vis à vis n'ai une réaction impromptu et rapide. Ils n'étaient pas dans la meilleur des situations possibles ainsi exposés au soleil, sur une simple route de campagne et avec un fardeau si précieux …

« Si je peut me permettre … Vous courrez un danger en restant si près des terres de mes pairs et vous n'êtes pas au mieux de votre forme. Puis je vous aidez ? »

Merithyn resta un instant interdit devant sa propre bêtise, le vampire ne lui ferait certainement pas confiance après tout … Il ne pouvait qu'espérer que son art de vérité soit suffisant pour le convaincre …
Comme il semblait tarder à répondre l'elfe recommanda doucement à chanter sa chanson élémentaire et examinant un peu le petit dragon perché sur l'épaule de son vis à vis, la chaleur du feu contenue dans les paroles de sa chanson lui donnaient du courage et raffermissaient sa décision de rester un peu avec le duo.

Quelle tension mes amis quelle tension ! Étonné, le dragonnet effleura doucement l'esprit de son dragonnier. Pourquoi était-il si inquiet ? Est-ce que ce deux-pattes était mauvais ? Peut être mordait-il ?
Les yeux rubis transpercèrent l'elfe, cherchant à lire dans ce nouvel esprit. Mais ça ne semblait pas être possible, ça ne marchait qu'avec Eliow... Dommage...
Se pourrait-il qu'il soit maléfique ? Qu'il veuille du mal au jeune vampire ? Si c'était le cas, il n'allait pas être bien reçu ! Le dragonnet était haut comme trois pommes mais se sentait tout à fait capable de planter ses crocs dans la chair du nouveau venu, petit mais combatif !
Et pourtant... Cette façon de fredonner... La voix du Basistrel l'enchantait, il sentait la magie dans son chant et nulle créature n'était plus liée à la magie qu'un dragon. Il en soupira d'aise, il était impossible qu'une telle voix soit capable de mentir, impossible qu'elle soit maléfique. Sa magie était bonne, le dragonnet le sentait.

« Salutation Dragonnier et Salutation à toi Dragon … »

Il ne comprenait pas encore bien les mots mais apprenait très vite et le ton de l'elfe était tout sauf agressif. Ses écailles un instant dressées sur son dos reprirent leur place initiale et il cligna paresseusement des paupières pour rendre son salut au deux-pattes. Comme il était étrange cet être... Il n'avait rien à voir avec Eliow avec ses oreilles pointue et son odeur boisée ! Curieux, il tendit le nez pour mieux humer ce parfum étrange. Il serait bien descendu des épaules de son dragonnier pour aller le voir de plus près mais celui-ci ne semblait pas spécialement d'accord. Dommage...

Il écouta avec attention la tirade de l'autre, sans y comprendre grand chose si ce n'était qu'il ne cherchait pas la bagarre. Parfait, il allait pouvoir être amis alors peut être ? Hum... A sentir le bouillonnement de l'esprit de Eliow, c'était tout sauf sur ! Shaynar ne comprenait pas, ils ne connaissaient pas cet être alors pourquoi le haïr et s'en méfier au premier abord ? Qu'ils tentent d'abord de faire connaissance, ils auraient tout le temps de le haïr ensuite si besoin était ! Non ? Hum... Impossible de dire tout ça pour le moment... Décidément il allait falloir qu'il se concentre très fort pour apprendre le langage et commencer à discuter avec son dragonnier, il avait pas mal de choses à lui apprendre ! Comment ça c'était lui le plus jeune ? Et alors ? Il était un dragon donc l'âge n'avait rien à y voir na.
Pour le moment il se contenta d'envoyer son sentiment à son dragonnier sous le forme d'un gigantesque point d'interrogation. Il ne comprenait pas très bien le problème, et puis d'abord il voulait descendre na ! Il s'agita sur l'épaule, pressé de mettre pied à terre.

Tiens et voilà que l'autre se remettait à chanter ! Cette fois il était clair qu'il n'était pas mauvais, le dragonnet le savait d'instinct. Sans plus de cérémonie il sauta de l'épaule de son dragonnier, atterrissant souplement à terre. Et c'est sans lui demander son avis qu'il fila ventre à terre, sachant très bien que l'autre ne le laisserait pas faire si il avait le temps de le rattraper ! Et hop ! Trop tard, il était déjà hors d'atteinte et à trois pas du chanteur !
Un regard rapide vers son dragonnier qui est de toute façon bien trop loin pour l'en empêcher et il s'approche doucement de l'objet de sa curiosité. Tendu et concentré, il avance pas à pas, tout les muscles en action et prêt à déguerpir au moindre geste suspect.

L'autre ne bougeait pas néanmoins. Le dragonnet leva le nez vers lui, le fixant de ses yeux rouges et brillants. Quel drôle d'être vraiment ! De plus prêt, il lui semblait immense mais pas beaucoup plus grand que Eliow. Son regard était calme et il émanait de lui une certaine bonté et une sagesse étrange. Est-ce que cela venait de ses chants ? Peut être bien... Le dragonnet souffla avec une certaine impatience, souhaitant en entendre plus. Sa curiosité n'avait pas de bornes et il n'avait absolument pas peur de ce deux-pattes bizarre. L'inquiétude qu'il ressentait toutefois dans l'esprit d'Eliow le rappela à l'ordre et il se décida enfin à repartir dans l'autre sens, gambadant vers lui avec l'exubérance de son jeune âge. Viens donc ! Semblait-il lui dire, il te fait peur ce deux pattes ? Il n'y a vraiment pas de quoi !

Eliow sentit un léger effleurement de son esprit qui semblait tenter d'apaiser la tension qui l'agitait. Mais le vampire était bien trop inquiet, bien trop concentré sur ce qui l'entourait, pour prêter attention à son petit dragon. Et pour tout dire, s'il était dans cette situation, c'était aussi la faute dudit dragon, donc... Et non il ne boudait pas. Il était juste... juste anxieux. Un vampire en plein jour, apparemment très proche du domaine des elfes... S'il y en avait un là, en face de lui, qu’est-ce qui lui garantissait qu'il n'y en avait pas d'autres ? Et autant dire que s'il pouvait avoir une maigre chance de s'en sortir face à un seul, il était quasiment sûr de ne pas faire long feu face à plusieurs autres spécimens de cette race.

Ce qui l'interpellait toutefois, c'était cette... mélodie que l'autre chantait. Loin de l'agacer ou de le blesser comme le faisait souvent la magie des elfes, cette mélopée que l'elfe leur offrait était presque.... non pas apaisante, pas tout à fait, mais... comment dire... bienfaisante ? Du moins, elle ne lui semblait nullement encline à l’agresser ni à s'adresser contre lui. Que du contraire, même. On aurait pu croire que ce chant, car il s'agissait bien d'un chant, même si Eliow n'en comprenait pas vraiment la signification, tentait de les accueillir sereinement, de leur souhaiter la bienvenue en ces terres de manière aussi... neutre que possible. Ni agressive ni malfaisante donc. Voilà qui était bien étrange venant d'un elfe.

Et non, il n'en avait jamais rencontré. Il avait déjà ressenti la magie elfique en quelques rares occasions, mais n'avait jamais rencontré d’elfe directement lui-même. Il avait toutefois entendu maints récits sur eux, sur leurs coutumes, leurs magies aussi. Des récits qui bien évidemment ne mettaient pas en valeur un quelconque esprit pacifique chez ce peuple de la nature. Des récits qui avaient avivé la curiosité maladive d'Eliow, qui, dans son for intérieur, avait toujours rêvé en quelque sorte de rencontrer un de ces êtres.

D'ailleurs à cet instant, alors que sa raison lui criait de rebrousser chemin aussitôt et de regagner l'ombre sécurisante d'une caverne non loin, sa curiosité exacerbée, qui voyait là une occasion unique de s'assouvir, le cloua sur place.

« Salutation Dragonnier et Salutation à toi Dragon … »

Ces quelques mots eurent soudain l'effet d'une douche glacée. Alors que l'harmonie du chant l'avait presque envoûté au point de lui faire commettre l'irréparable risque de rester, ces quelques mots, dans ce langage commun parfois si barbare, le happèrent dans le monde réel aussi vite qu'il semblait en être parti. Mais Eliow ne répondit pas à cette salutation, encore trop sceptique sur la démarche à suivre. Il était trop tard pour fuir. Et inutile d'attaquer, il n'aurait pas l'avantage, certainement pas dans de telles conditions. Sans compter qu'il n'était toujours pas assuré que l'elfe était bien seul.

"Vraiment quelle fâcheuse posture soudain !" grogna-t-il en lui-même, en voulant encore quelque peu à son dragon de l'avoir quasiment contraint à cette irraison.

D'ailleurs en parlant d'irraison... Qu'est-ce qui prenait soudain à ce rejeton de dragon de descendre et d'aller courir vers l'elfe ? Le vampire, soudain plus qu'inquiet, n'eut pas le temps de réagir que déjà le petit monstre était à quelques pas à peine de l'inopportun qui venait de gâcher leur ballade. Le jeune dragonnier porta la main à la garde de la belle épée, qu'il avait trouvée en même temps que l'oeuf, montrant ainsi clairement qu'il valait mieux ne pas toucher à SON dragon, sous peine de mordre la poussière. Pure fanfaronnade que tout cela, bien entendu, surtout si l'on comptait qu'il n'était pas épéiste mais magicien, qu'il ne savait donc pas manier cette arme, et surtout qu'il n'était pas dans des conditions mirobolantes pour un magicien de son acabit. A savoir un vampire fort affaibli en plein jour...

« Si je peux me permettre … Vous courrez un danger en restant si près des terres de mes pairs et vous n'êtes pas au mieux de votre forme. Puis je vous aidez ? »

S'il pouvait l'aider ? Euh... Bonne question. Depuis quand un elfe aidait un vampire ? Sans doute, était-ce un piège, ne put-il s'empêcher de penser en fronçant les sourcils. Et son dragon qui restait là, planté devant l'autre, comme s'il était la première merveille du monde. Jaloux, lui ? Pffff. Foutaises. Non, c'était juste que cet imprudent allait encore leur attirer des ennuis sans nom ! Et ça ne se faisait pas de dévisager un elfe, n'est-ce pas ? Enfin, c'était ce qu'on lui avait dit.

Mais on lui avait aussi raconté que les elfes étaient un peuple souvent sanguinaire qui n'hésitait pas à pourfendre du vampire dès qu'ils en voyaient un. Or, pour le moment, il n'avait pas encore été pourfendu, n'est-ce pas ? Arf... que tout était confus soudain. Ah voilà enfin son dragon qui revenait vers lui. Finalement il préférait les ténèbres à la sagesse elfique ! Comme quoi, les vampires valaient peut-être bien tout autant que les autres peuples non ? Pour qu'un dragon les choisisse eux et non les autres...

Bon, qu'est-ce qu'il attendait pour regrimper sur son épaule afin qu'ils puissent repartir d'où ils venaient, et si possible sans encombres ? Etait-il stupide ou le faisait -il exprès ? Et qu'est-ce qu'il avait à le regarder comme ça ? Quoi ? Il voulait qu'il vienne ? Et qu'il s'approche de l'elfe ? Non, vraiment il venait d'hériter d'un dragon fou ! Impossible autrement. Qu'est-ce qu'il ne comprenait pas dans les mots « elfes et vampires sont ennemis mortels » ? Ah, oui, c'est vrai, il ne comprenait pas les mots... Vivement qu’il les apprenne alors.

Eliow lança à son dragon un regard agacé. Non, non et non, il ne s'avancerait pas. Il avait déjà commis une imprudence sans nom à rester sur cette maudite butte, si près de ces tout aussi maudits domaines elfiques. Il n'allait pas en outre aller serrer la paluche d'un de ces êtres... Voyant que son dragon s'entêtait encore toutefois, mais renonçant aussi à laisser en plan SON dragonneau, le vampire leva un regard plus qu'agacé à l'elfe et se décida enfin à rompre le silence presque gênant, aussi lourd que la mélodie avait été légère, qui s'était installé :

- M'aider ? Parce que vous croyez qu'avec cette créature-là, j'ai besoin d'aide ? Rétorqua-t-il faussement fanfaron, une ironie presque amère dans ces accents graves.

Oui, ironie, une de ses armes favorites, qu'il avait si souvent utilisée dans les moments les plus délicats. Car il savait pertinemment bien que déjà en temps normal, dans pareille situation, il aurait effectivement possiblement eu besoin d'aide, mais encore plus avec un être si convoité à ses côtés. Non, Eliow n'était pas totalement inconscient, même s'il en avait parfois l'air et malgré son bien jeune âge : il savait l'importance que les dragons revêtaient aux yeux de beaucoup et dans le monde d'Armanda. Il savait que ces créatures étaient objets de convoitise et qu'avec un de ces spécimens à ses côtés, il pourrait lui arriver bien des mésaventures. Du moins jusqu'à ce que son dragon atteigne l'âge adulte...

Il sentait avec une acuité étrange le regard du dragon sur lui, la curiosité qui émanait du petit être et, plus que tout, il était certain qu'il appréciait son chant, honneur sans prix pour un artiste tel que lui … Le jeune dragon semblait très protecteur envers son compagnon, pouvait il comprendre l'inimité entre elfe et vampire ? Il ne savait pas mais il était certain que le dragonnier était tendu et à l'affut, près à se battre ou à fuir si il avait le malheur de faire un geste déplacé. Il devait se montrer le plus doux possible si il souhaitait en apprendre plus sur eux …
Il sourit avec bienveillance lorsqu'il vit le dragonet cligner des yeux pour le saluer et il jeta un coup d'œil au vampire qui semblait un peu perdu et indécis, rien d'étonnant après tout il devait penser que les elfes étaient tous des tueurs de vampire qui n'écoutaient que leur épées en présence de l'un des siens et voilà qu'il rencontrait l'un d'entre eux et qu'il ne lui arrivait rien … il y avait certainement du quoi être déstabilisé, et pourtant il savait d'instinct que son chant avait trouvé une oreille attentive et il s'en voulut intérieurement d'avoir préféré la langue commun à une forme de dialogue plus évoluée …

Il ne fut toutefois pas déçut lorsqu'il vit le petit dragon sauter au bas de son perchoir et se diriger vers lui, s'arrêtant à quelques pas, le regard curieux et prêt à retourner en sécurité auprès de son dragonnier. Merithyn ne bougea pas,immobile et attentif il prit le temps d'examiner la petite créature plus attentivement, s'émerveillant devant la beauté et la grâce d'un si jeune être et il le regarda l'étudier quelques instants avant qu'il ne reparte dans l'autre sens comme attiré par le trouble de son compagnon. Celui ci avait la main posée sur la garde de son épée, une épée magnifique à la courbure élégante et au dessin soigné, une œuvre remarquable et certainement une arme de grande qualité, et la main qui la tenait tremblait de manière presque invisible et cependant dans la trame de son chant de nom son trouble apparaissait clairement, note discordante et maladive qui agressait ses oreilles et lui fendait le cœur comme un coup de hache cruel. Il ne semblait pas être d'accord avec son dragon et répugnait à s'approcher de lui malgré l'insistance du petit être, le silence devenait gênant, entre le vampire sur ses gardes et lui, embarrasser par la situation et ne sachant si il devait parler ou laisser le temps à son vis à vis de se décider. Le silence … aussi lourd qu'un bloc de métal et aussi dense que celui ci, presque étouffant … il blessait les oreilles sensibles du chanteur … Il pria intérieurement pour que quelque chose le rompe.

"M'aider ? Parce que vous croyez qu'avec cette créature-là, j'ai besoin d'aide ? "

Merithyn grimaça, une expression à la fois triste et dégouté … La voix en elle même était très belle, grave et aux accents de velours était surement la malédiction de la gente féminine, mais son ironie et sa bravade lui donnaient la nausée, il était un maitre de la vérité et la voir ainsi bafouée lui était insoutenable et plus que douloureux, il avait l'impression que ses oreilles étaient en feu, son sang bouillonnait comme de la lave, un frisson glacé lui parcourut le corps et il porta involontairement la main à son épée, Clarion, dans le but de se rassurer … Le vampire ne l'avait pas fait exprès, il n'était pas tenu par un engagement comme lui et de toute manière il ne pouvait savoir l'effet que provoquait un mensonge sur lui. Et pourtant il ne pouvait pas se calmer, ses dents claquaient et il sentait les cheveux sur sa nuque se dressaient, ses yeux devinrent froid et brillants et ses oreilles bourdonnaient, comme envahient d'insectes … ses mains devinrent moites et tremblantes et il recula instinctivement avec une expression blessée. Son cœur battait la chamade et il eu peur de mourir tant les battements étaient rapides et saccadés, la peur l'emplit, plantant rageusement ses griffes froides et sans merci dans son corps, il n'avait jamais ressentit cette sensation, jamais auparavant il n'avait été confronté au mensonge parmi son peuple … eux le connaissait, ils savaient que les mensonges le blessait et s'abstenaient d'en faire … Mensonges, jeux de mots, demi-vérité, bravade … Son maitre lui avait apprit à distinguer ce qu'il devait éviter à tout prix, elle lui avait décrit les sensations qu'ils provoqueraient en lui, lui qui pouvait sentir les mensonges mais pas forcer la vérité …

Au bout de plusieurs minutes il réussit à reprendre confiance en lui et à calmer les battements de son cœur, la douleur s'estompant peu à peu et laissant place à la stupéfaction et à l'embarra … que devait il dire à l'autre ? Sa réaction avait été si violente et si brutale, si imprévisible pour lui comme pour le duo … Il se devait de leur expliquer et de faire comprendre au dragonnier qu'il ne pouvait pas refaire cela, à moins de vouloir le torturer … Il s'avança de nouveau et eu un piteux sourire d'excuse, il soupira longuement et dit une voix aussi légère et fine que l'air :

« Ne me mentez pas je vous en prie … La parole est une arme plus efficace qu'on ne le croit, elle possède plus de pouvoir que vous ne pouvez le voir, vous me causez des grands maux en mentant et vous vous causez du tord à vous même … »

Il fit une pause et sa main lâcha la garde de son épée tandis qu'il soufflait doucement et tentait de reprendre contenance.

« Vous avez besoin d'aide ne serais ce que parce que vous êtes en pleine lumière .. avec un fardeau que beaucoup seraient heureux de vous arracher en plus de votre cœur … »

Son sourire était las mais ses yeux brillaient d'une lueur nouvelle alors qu'il retrouvait la pleine mesure de son harmonie intérieur et que le chant de la terre emplissait son âme pour soulager la souffrance de ses muscles et de son esprit. Le chant si puissant et ancien finit de lui rendre sa force et son assurance et il se jura de lui dédier une ode lorsqu'il le pourrait, mais pour l'instant il avait un petit quelque chose à faire pour amélioré ses relations avec le couple devant lui …
Il sortit une petite flute d'alouette, minuscule et fragile comme une esquif et en tira une mélodie claire et pure comme le chant de l'oiseau qui avait donné son nom à l'instrument, une mélodie rapide et allègre comme les trilles d'un oiseau et dont les notes se mirent à résonner autour d'eux … Le chant élémentaire du froid sous une forme corporelle et ancré dans le monde aussi surement que les glaces du nord et l'eau des rivières et des lacs profonds au cœur du monde et l'air fut soudain beaucoup plus frais, la musique chassant la chaleur et protégeant le groupe de la plupart des rayons du soleil, mettant le vampire et son compagnon à l'abri d'une inanition. Il cessa soudain de jouer et rangea la flute minuscule dans son sac, il se tourna ensuite vers le vampire et dit en riant :

« je peut en jouer d'autre si vous me promettez de ne plus m'attaquer et surtout, par pitié, suivez moi je vais vous conduire dans un endroit plus sain … vous allez finir par cuir si vous restez la. »

Étrange, plus qu'étrange...
La détresse soudaine qu'il ressentit dans l'esprit du deux pattes stoppa net ses bonds joyeux. Il pivota à toute vitesse, plantant ses orbes incandescentes dans les yeux pâles de l'elfe. Que se passait-il ? On lisait une telle douleur tout à coup sur son visage grimaçant, une telle peine ! Pas d'agression physique, il ne pouvait qu'en conclure que l'étranger avait été touché par une attaque verbale de Eliow. Désapprobateur, le dragonnet couina vers le vampire d'un air de reproche, lui envoyant au passage son sentiment d'agacement de voir son nouveau jouet se renfrogner de la sorte. Allons quoi, c'était la première personne qu'il rencontrait et Eliow trouvait le moyen de s'en faire un ennemi ? Ridicule vraiment...
Il était resté immobile, fixant tour à tour les deux protagonistes d'un air quelque peu perdu. Il ne comprenait pas cette tension, comment aurait-il pu savoir ?
Enfin, l'elfe sembla reprendre contenance et parti dans une grande tirade à laquelle le dragon ne comprit pas grand chose, et pour tout dire il s'en fichait pas mal. Ce qui l'intéressait, lui, c'était le petit instrument que le deux pattes avait sorti de son sac et surtout le mélodie qui sorti de l'instrument en question. Complétement sous le charme, il resta parfaitement immobile, frémissant à chaque note et soupirant à chaque silence. Cette découverte était décidément l'une des plus capitale de sa vie, il aimait la musique...

Hélas le charme ne dura pas et le petit dragon sursauta presque lorsqu'il se brisa. Son regard suivi l'instrument qui disparaissait dans le sac, à peu de chose près il aurait certainement plongé à sa suite pour le renifler tout à son aise. Mais quelque chose lui souffla que ce serait impoli. Il se contenta donc d'envahir joyeusement l'esprit de son dragonnier, pressé de lui communiquer toute sa surprise et tout le bonheur qu'il éprouvait à l'écoute de la musique. Il était difficile de partager de telles choses mais le lien des dragons à leur dragonniers leur permettait cette prouesse et il ne s'en priva pas.
Le deux patte parlait à nouveau, et ses dires semblaient faire hésiter Eliow. Difficile de comprendre cette langue étrange mais le geste d'invitation ne trompait pas. Il voulait qu'on le suive ? Pourquoi donc ? Peut être souhaitait-il en endroit plus tranquille pour continuer ses mélodies ? Heureux à cette pensée il détala sans réfléchir à la poursuite de l'elfe, freinant des quatre fers en s'apercevant que son dragonnier ne le suivait pas. Allons bon, il n'allait pas encore faire des histoires ? Non mais vraiment... Ne pouvait-il pas lui faire confiance deux minutes ? Il n'avait que quelques semaines certes mais il était un dragon et il pouvait sentir lorsqu'une personne était digne de confiance, c'était le cas cette fois. Mais comment le faire comprendre à Eliow ?
En désespoir de cause, il lui envoya une vague de réconfort, souhaitant le rassurer et l'exhorter à la confiance. Ses yeux rubis étaient plantés dans le regard du vampire, cherchant à lui faire passer un message ;

*Confiance... *

La force de sa pensée le surprit lui même et il cligna des yeux. Venait-il de parvenir à faire passer un mot à son dragonnier ? Parviendrait-il à le refaire ?? Enthousiasmé, il tenta de réitérer son exploit sans succès. Allons bon, ce n'était pas encore pour tout de suite... Mais il progressait ! Heureux, il recula de quelques pas, s'avançant à nouveau jusqu'à se frotter contre les jambes du vampire pour repartir vers l'elfe. Le message n'aurait pu être plus clair... Eliow le comprendrait-il ? Avait-il capté le message télépathique ? Certainement que oui car enfin, le visage fermé, il marcha à la suite du dragon. Shaynar en aurait presque sauté en l'air de joie mais il jugea bon de se tenir à carreau, supputant que ses exploits de la journée n'allaient peut être pas être tous du goût de son dragonnier. Il lui jeta un regard angélique, penchant la tête comiquement et sachant parfaitement qu'il serait aussitôt pardonné. Ou comment cerner rapidement une personnalité...

L'elfe les mena dans une grotte, encore une grotte ? Shaynar n'avait pas encore très bien compris l'importance de l'obscurité pour son dragonnier mais le soulagement qui filtra de l'esprit de celui-ci lorsqu'il entra dans l'antre fut rapidement analysé et classé dans l'esprit ancestral : grotte égale plaisir pour Eliow. Jour égale déplaisir mais aussi rencontres amusantes. Aucune notion de danger là dedans encore mais ça allait peut être venir...
En effet, à peine passer le seuil le dragon s'était immobilisé : complétement aux aguets. Il n'avait senti aucune odeur lorsqu'il était dehors, n'étant pas dans le sens du vent mais le léger bruit de pas qu'il entendait maintenant ne prêtait pas à confusion : quelqu'un venait !
Les écailles dressées, le regard vif, il ouvrit la gueule pour dévoiler des crocs minuscules. Il n'aimait pas beaucoup se sentir coincé dans cette grotte en sachant qu'un ou plusieurs êtres inconnus se trouvaient entre lui et la sortie. L'inquiétude dans son esprit ne pouvait pas être ignorée par son dragonnier, il n'émit donc aucun son et resta immobile et tendu, en mode attente. Il n'avait pas encore fait le rapport entre le fait qu'ils aient été attirés ici par l'elfe et le fait qu'ils s'y trouvent peut être en danger, encore trop jeune pour connaître la notion de piège. D'ailleurs il avait d'hors et déjà classé le magicien parmi les êtres non dangereux et potentiellement amusants, pas de raison de changer donc. Et l'idée ne l'effleura même pas que Eliow pourrait peut être ne pas avoir la même vision des choses...

Il savait avoir usé d'ironie mordante comme souvent, mais de là à obtenir une telle réaction. L'elfe semblait soudain prêt à le pourfendre alors qu’il avait montré jusque-là une étonnante bienveillance envers lui, et lui avait quasiment offert un chant magnifique de douceur. Comme lui souhaitant par sa musique la bienvenue en ces terres où ceux de sa race avait pourtant dû être durement chassés et... tués. Et, sans explication aucune, l'elfe avait changé d'attitude du tout au tout. La main sur la garde de son arme, qu'il semblait alors prêt à dégainer en un clin d'oeil, cet air sombre qu'il arborait alors et la colère qui émanait de ce regard qui avait pourtant, un instant plus tôt, été plutôt accueillant...

Dire qu'Eliow fut plus que déstabilisé par cette attitude était un doux euphémisme. Perdu, complètement perdu. Ne sachant plus sur quel pied danser, lui qui avait presque abaissé ses défenses, il agrippa plus fermement sa propre épée, qu'il avait bien failli lâcher en un signe d'apaisement, et s'apprêtait à devoir chèrement défendre sa vie et celle du dragonneau. Il entendait, même à quelques mètres de distance, le coeur de l'autre battre une danse endiablée à un rythme effréné, lui donnant presque le tournis, lui qui n'avait pas goûté un tel sang depuis si longtemps... Il pouvait presque sentir son propre instinct s'éveiller à cette invitation bien trop tentante. Eliow sentait ses pupilles se dilater d'un soudain désir, d'une soudaine soif, et ses sens aux aguets se focaliser sur une unique chose : ce sang qui pulsait si bruyamment et qui semblait l'appeler plus fort encore que la douce litanie qu'on lui avait chantée auparavant.

Encore quelques instants, et il aurait probablement sauté au cou de l'elfe, jour ou pas jour, magie ou pas magie, folie ou pas folie. Ce ne fut en fait que la voix redevenue douce et rassurante de l'elfe qui le sortit de sa soudaine transe.

La parole, une arme... Oui, cela il le savait pertinemment bien, l'utilisant lui-même si souvent. Lui causer de grands maux ? Serait-ce ces simples paroles qui avaient causé tant d'émoi à l'elfe ? Etrange. Comment son ironie, somme toute modeste, avait-elle pu provoquer de tels troubles chez l'elfe ? Et comment pouvait-elle lu causer plus de tord à lui-même d'ailleurs ?

Non, vraiment, Eliow était plus que perplexe. Songeur. Et complètement désemparé. C'était dans de tels moments qu'il reconnaissait sa cruelle inexpérience en ce monde. L'elfe avait l'air bien jeune lui aussi, mais la sagesse qui se dégageait de lui laissait à penser qu'il était tout de même plus expérimenté et un peu plus âgé qu'Eliow. Avait-il déjà vu des vampires ?

« Vous avez besoin d'aide ne serais ce que parce que vous êtes en pleine lumière .. avec un fardeau que beaucoup seraient heureux de vous arracher en plus de votre cœur … »

Rajouta l'elfe, tout en lâchant son épée. Un geste qui rasséréna quelque peu le jeune vampire. Si l'elfe n'en avait pas vu, du moins les connaissait-il. Et connaissait aussi leurs faiblesses, ce qui n'était pas forcément des plus avantageux pour Eliow. Doute, suspicion, peur, se mêlèrent encore une fois en lui à cette invitation qui le laissait dubitatif. Devait-il y aller ? Devait-il céder à son instinct qui lui disait de fuir cet endroit et de s'en retourner là d’où il venait ? Ou devait-il suivre sa curiosité qui avait envie d’accompagner l'elfe ? Ce qu'il lui proposait n'avait nullement l'air dangereux pour tout dire. Il n'avait encore senti aucune présence. Si l'autre avait été accompagné, ses amis se seraient déjà manifestés, non ? Sans doute serait-il déjà mort d'ailleurs...

Mais en même temps, cela pouvait très bien se révéler un piège... Un piège cruel : le faire croire en sécurité, l'amener en un autre lieu pour mieux l'affaiblir encore, lui ravir son dragonneau et le tuer ? Ou peut-être l'elfe ne mentait pas et son imagination n'était que trop fertile... Arf, que penser ?

De nouveau la douce musique s'éleva, calmant quelque peu son esprit bouillonnant et les pensées houleuses qui frappaient la falaise de son esprit. Son dragonneau avait d'ailleurs l'air ravi de cette mélopée, au vu de ce qu'il reçut de suite dans son esprit : joie, surprise, admiration, envie. Voilà qu'il avait hérité d'un dragon mélomane ! Charmant. Lui qui ne savait pas chanter.

« je peux en jouer d'autre si vous me promettez de ne plus m'attaquer et surtout, par pitié, suivez moi je vais vous conduire dans un endroit plus sain … vous allez finir par cuir si vous restez la. »

L'invitation était réellement tentante. Et non, il ne parlait pas de l'invitation à entendre une autre mélodie, même si celle-ci ne l'irritait pas comme il aurait pu le penser. Mais de celle d'aller en un autre lieu. Un lieu plus sombre si possible... comme le laissait sous-entendre les paroles de l'elfe. Et avant même qu'il ne puisse se décider, il aperçut son dragonneau qui déjà suivait les pas de l'autre. Heyyyy, pas si viteeeee, lui cria-t-il presque en pensée. Et comme en réponse, il reçut une autre pensée de plein fouet.

*Confiance... *

Une pensée si forte, si apaisante, qu'elle le traversa de plein fouet. Confiance... Son dragon lui demandait d'avoir confiance. Mais confiance en qui ? En lui ? Ou en l'elfe ? C'était déjà un mot dont le sens lui était difficile, alors l'appliquer en outre à l'ennemi juré de sa race ! Non, confiance en un elfe lui semblait relever de l'impossible. Mais...

Mais... Confiance en son dragon. SON dragon. Si ce qu'il avait lu et appris sur les dragonniers d'antan était vrai, les dragons protégeaient toujours leur dragonnier jusqu'à la mort. Confiance. Oui, si cela était vrai, il pouvait bien tenter de lui faire confiance, n'est-ce pas ? Et cet elfe l'intriguait. Attisait sa curiosité. Lui qui avait toujours désiré ardemment rencontrer un être de ce peuple pour mieux les comprendre et pour mieux les étudier aussi...

Enfin, il se décida. Et c'est d’un air plus que tendu et renfrogné qu'il suivit l'autre, sans un mot ni de remerciement ni de mise en garde. Il se contenta d’observer son dragonneau qui lui jetait alors un regard des plus angéliques... et des plus craquants qui acheva de convaincre Eliow qu'eux deux étaient liés et qu'eux deux pouvaient se faire confiance. C’était la première fois qu’il ressentait un tel attachement pour un autre être. Etait-ce bon ou mauvais ? Il n’en avait aucune idée. Mais c’était une sensation qu’il avait envie de goûter un peu… même s’il la reniait encore par moment, trop peu de sûr de comment devoir réagir à tout cela…

Ce fut avec un soulagement non feint qu'il entra à la suite de ces deux compagnons d'infortune dans la petite grotte. Il ne recouvrait pas encore ses forces, mais cela n'allait pas tarder. Il sentait déjà les effets néfastes de la lumière solaire quitter son enveloppe corporelle, et s'évaporer au loin. Ce soulagement fut toutefois de bien faible durée. A peine pensait-il s'installer dans un petit coin tranquille, qu'il sentit une présence arriver, la lumière de l'entrée soudain occultée par une silhouette qui ne lui disait rien qui vaille. Son dragon aussi avait senti cette présence et ne sentait guère l'apprécier au vu des crocs que soudain il montrait.

Piège ! Lui hurla soudain son esprit. Trahison ! L'elfe les avait dupé ! Il les avait conduit dans une caverne, leur faisant croire à une fausse sécurité, pour mieux leur bloquer toute retraite possible ! Le coeur qu'Eliow n'avait pas se serra à cette pensée tandis qu'il lançait un regard des plus sombres à celui qu'il avait cru pouvoir suivre.

- Vous nous avez piégé, cracha-t-il avec un dédain feignant une assurance qu'il était loin de ressentir. Les elfes sont donc bel et bien comme on me les avait contés, ne put-il s'empêcher de rajouter, une nuance troublée et déçue teintant alors sa voix coléreuse.

Et sans attendre, il dégaina son épée, quand bien même il ne savait pas s'en servir. Le tout était que les autres croient qu'il était un bon épéiste... Et avec un peu de chance il pourrait éviter le combat. Car pour tout dire, il n'aimait pas les combats et était loin d'être un combattant hors paire. Bien loin même. Surtout face à minimum deux elfes qui étaient certainement en bien meilleure forme que lui....

Cela faisait bien maintenant plusieurs heures que Lyroë marchait à travers bois. L'elfe surveillait les bois et clairière qui juxtaposaient les terres de l'empire humain. Certains osaient parfois se perdre sur les terres elfiques. Parfois par inadvertance, souvent par folie de vouloir voir les elfes et de quérir auprès d'eux leurs trésors. Quelle pure folie!!
Mais Lyroë ne pouvait que les comprendre. Cette foret et ses étendues vertes n'étaient que pure beauté enchanteresse de tous les sens. Le doux gazouillis des oiseaux, la senteur des plantes, la magnificence des hauts arbres aussi vieux qu'Armanda elle-même, la douceur de ses baies. Un tableau que tout être voudrait s'octroyer. Et Lyroë en bonne gardienne protégeait avec une jalousie féroce son trésor. Elle ne laisserait pas cette terre sacrée à ses yeux, comme à tout ceux de son peuple, se faire piétiner, souiller par des êtres peu scrupuleux et ignares de ces choses dont seuls les elfes peuvent percevoir de leur Mère.

A l'affut des mots de celle-ci, Lyroë foulait chaque pas l'oreille aux aguets. Et depuis ce matin, celle-ci lui berçait une comptine dont elle n'arrivait à saisir le sens. Cela faisait quelques jours, qu'elle sentait dans le bruissement des arbres, un vent différent. L'elfe s'agaçait de ne pouvoir saisir le sens. Son père lui avait maintes fois répéter que lire en la Mère nature prenait des années. Les anciens disaient toujours ça, qu'il fallait des années pour ça ou pour autre chose. Mais la jeune elfe, elle, voulait savoir tout et maintenant. Connaitre les choses dans leur moindre recoin et ainsi saisir chaque mot, chaque nuance, et ne pas rester parfois dans l'interrogation face aux anciens.

Au détour de ses pensées, elle trouva une piste. Un de ses semblables était passé par ici quelques temps avant elle. L'elfe se baissa et regarda la terre affaissée, ainsi que plus loin quelques feuilles à la forme plus aplatis. Qu'allait-il donc faire vers les limites de leur terre pour allers vers l'empire des humains. Elle se redressa et décida d'aller suivre. Une impression étrange sonnait en elle. Un malaise mal perçu dont elle ne comprenait le sens. Mais elle était sûr d'une chose, elle devait s'y rendre. son instinct ne l'avait que rarement trompé alors pourquoi s'en méfier.

Elle continua le petit chemin des bois qui la mena à des sous bois avant d'arriver à une clairière. Rien, mis à part quelques animaux sauvages en quête de nourriture. Lyroë traversa celle-ci pour arriver aux chemins des hommes. Rien de plus.
Mais les traces étaient toujours présentes et devenait double. Mais pas un pas d'elfe. Ca elle en était sûr. Qu'est-ce qu'un elfe irait trafiquer avec ces bons à rien? Et si...et s'il était tombé dans un guet apens? Voilà pourquoi elle devait suivre son instinct. Après tout n'était-ce pas aussi son rôle de veiller aux siens? Elle continua sa route en se hâtant d'un pas plus rapide.

Après avoir suivi le chemin de terre, elle vit au loin une grotte dessinée dans la roche qui jalonnait le paysage. Elle se stoppa un instant. Une odeur étrange venait jusqu'à ses narines. Une odeur qu'elle n'apprécia guère. Avec méfiance, elle s'y rendit et le spectacle qu'elle y vit ne fit qu'accentuer son angoisse.

A pas de loup, elle s'était avancée jusqu'à l'embrasure. Elle y vit Merithyn Shadowsong, l'apprenti de son père, et face à lui un dent pointu brandissant son épée. Qu'est-ce qu'un suceur de sang venait faire en ce lieu à part chercher de la nourriture. Mais ça ne sera pas un des siens, et en un rien de temps, Lyroë sortit son arc ainsi qu'une flèche et visa la créature de la nuit.

- Vous nous avez piégé. Les elfes sont donc bel et bien comme on me les avait contés."


Lyroë eut un instant de doute, et elle le laissa clairement affiché sur son visage. Son attitude ne changea pas pour autant, mais elle détourna ses yeux vers son semblable, questionneuse:

"-Une explication?"

C'est à cet instant qu'elle vit se mouvoir l'étrange créature qui se trouvait près du vampire. Elle n'en n'avait jamais vu de semblable. Hormis peut être dans les vieux livres. Elle baissa à peine son arc, toujours sur le pied de guerre. Elle ne pouvait détourner ses yeux de la créature, comme fasciner.

Toujours sous les effets de son chant de fraicheur il avait fait traverser un bosquet aux deux compagnons, essayant de garder une allure régulière mais pressé de mettre le vampire à l'abri du soleil qui devait avoir sérieusement attaquer son système depuis le temps qu'il se baladait en plein jour … Il devait reconnaitre qu'il était vraiment heureux, et honoré, de l'avoir rencontré même si les circonstances étaient plus qu'étrange, après tout il était rare qu'une créature de la nuit soit sortie de jour, et plus étrange encore qu'elle transporte un dragonet avec elle et sa curiosité n'avait de cesse de grimper et chaque geste et expression qu'il pouvait apercevoir chez le duo était une source d'émerveillement et de joie sans borne. Il avait beau avoir à l'esprit la mission de la reine, il espérait secrètement pouvoir voyager un peu avec eux et en apprendre plus sur les vampires, sur leur vie et surtout sur la façon dont lui était devenu dragonnier … Un espoir de fou mais un espoir tout de même, l'espoir fait vivre non ?
Entre temps ils étaient enfin parvenu à la caverne que Merithyn avait repéré à son passage par le bosquet et ils entrèrent tout trois pour se protéger de la chaleur étouffante qui régnait au dehors et qui causait même à l'elfe un certain malaise. L'intérieur de la caverne était noir et humide, et très profonde, il prit confortablement place sur une grande formation rocheuse contre la paroi et dont la forme rappelait un ours endormit, il posa son sac et sa crosse et poussa un long soupire de bien être avant de jeter un œil à ses compagnons … Pour découvrir qu'ils étaient tout les deux tendus et aux aguets, armes et crocs dévoilés, prêt à se battre. Quelque chose avait du lui échapper, quelque chose qu'il n'avait pas prévu dans ses calculs … y avait il des hommes par ici ? Ou peut être que la grotte était occupée ? Non de tout évidence cette dernière option était peu vraisemblable puisqu'ils étaient tout deux tournés vers l'entrée …

C'est alors qu'il la sentie, ou plutôt qu'il l'entendit au travers du tissu soyeux du chant de la terre, une mélopée profonde, aux échos innombrables et ou il pouvait presque percevoir le parfum des fruits et des fleurs de la forêt … Un membre de la race elfique de tout évidence et probablement féminin si il suivait sa connaissance des chants-nom … voilà qui était fâcheux … très fâcheux, il devait absolument trouver un moyen d'empêcher la rencontre. Une minute plus tard il découvrit avec stupéfaction que « fâcheux » était un terme qui rendait difficilement justice à l'improbabilité de la situation, L'elfe qui se tenait présentement devant l'entrée de la caverne n'était autre que la fille de son ancien mentor Heiles, et une tueuse de vampire si ce qu'il avait entendu dire était vrai … Il devait absolument trouver un moyen d'éloigner le vampire d'elle et la convaincre qu'ils n'étaient pas méchant, ni lui ni le dragon qui l'accompagnait … Plus facile à dire qu'à faire comme toujours …
Il vit presque au ralentit le vampire se tourné vers lui, les yeux pleins de reproches et de colère, l'image même du juge de pierre posant le regard sur un pécheur, l'elfe se sentit tomber en morceaux sous ce regard, perdant tout ses moyens et cherchant vainement sa voix et sentant les larmes montés à ses yeux, brouillant sa vision …

Vous nous avez piégé. Les elfes sont donc bel et bien comme on me les avait contés.

Ces simples mots firent l'effet d'un couperet sur son cœur et achevèrent de le blesser, les larmes qu'il avait retenu coulèrent sur son visage et il trembla de tout son corps, serrant les dents contre la douleur rugissante que les paroles du vampire lui infligeaient pour la seconde fois de la journée et cette fois ci Merithyn fut contraint de la laisser agir … si il tirait son épée, si il faisait un geste brusque le dragonnier risquait d'être définitivement convaincu de sa culpabilité et ne lui ferait plus confiance … Même si il savait qu'il était innocent la simple idée que le vampire le pense capable de ce genre de perfidie le rendait malade et faible … et Lyroe n'arrangeait pas les choses. Son regard interrogateur et sa question sèche et sans détour effacèrent les doutes de Merithyn quand à son habilité à pourfendre le vampire … Cette pensée expédiât une décharge d'énergie dans tout son être et chassa la douleur et la faiblesse, et l'elfe fut de nouveau stupéfait de constater qu'il devait ce regain d'énergie à la terre et à son chant … encore une fois la mère de tous lui prouvait qu'il n'était pas à son service pour rien. Il agit rapidement et sa plaça entre la jeune femme et sa cible et planta son regard dans celui du vampire, une prière muette dans les yeux et une lueur de détermination brillant comme une chandelle dans les ténèbres. Il prit son courage à deux main et prit la parole, utilisant son autorité de vérité pour ne pas laisser à son vis à vis de doute quand à sa sincérité …

« Je ne vous ai pas piégé … Je ne savait pas qu'elle était ici et je n'avait aucunement l'intention de vous faire du mal »

Puis, sans attendre et au mépris des précautions les plus élémentaires il tourna le dos au dragonnier et s'approcha de Lyroe jusqu'à être à un mètre d'elle. Il sourit doucement, comme en excuse, et soupira avant de secouer la tête.

« J'étais sur le point de quitter le royaume, la reine m'a confié la mission de tenter de trouver un des œuf de dragon …. Lyroe cet … homme … est dragonnier, il est l'un des elus. Je l'ai rencontré sur la route et je l'ai conduit ici pour lui éviter trop de désagrément, il n'est pas un ennemi ... »

Merithyn sentait son cœur battre la chamade, il avait peur … peur que Lyroe ne l'écoute pas et tire, peur qu'elle ne le vende aux conseillés de la reine et ne le fasse bannir, peur pour le vampire qu'il appréciait et pour qui, à son plus grand étonnement, il avait déjà de l'affection même si il le connaissait à peine, il ne voulait pas qu'il meure, il ne voulait pas qu'il souffre, et le dragonet, le pauvre petit qui devait avoir passé des siècles dans son œuf, attendant le moment ou son âme sœur le trouverait , lui qui avait à peine commençait sa vie en se monde et dont l'existence signifiait le renouveau … Il avait peur, plus peur que jamais depuis qu'il était devenu adulte … Et cette peur était suspendue à une flèche, une seul flèche, un objet si fragile, si fin et insignifiant et qui soudain avait plus d'importance que tout les souverains de ce monde, un objet qui déciderait probablement de l'avenir de plus d'un être et qui avait le pouvoir de créé le bonheur comme la plus noire des tristesses … un océan de larme éternel et inépuisable ...

Il ne pouvait pas l'admettre, il n'en avait pas le droit … peut importait les guerres,les haines racial, les massacres et le dégout des autres elfes … Il les protégeraient tout les deux, c'était son devoir. Au service de la mère terre, au service de la vie et de la vérité et qu'y avait il de plus vivant, de plus vrai que ces deux êtres liés jusqu'au tréfonds les plus sombres de leur âmes. Ils étaient l'avenir, le souffle du monde, son futur .. un futur ou tous pourraient vivre comme ils l'entendaient, sans batailles, sans préjugés … libre.
Il se tourna de coté, regardant le vampire et le petit dragon une lueur étrange dans les yeux. Pas de peur, pas de souffrance, pas de malice … juste sa confiance et sa détermination, son calme et la paix que sa décision engendrait, et cette phrase muette …

* Tu ne doit pas mourir … Je préfère mourir à ta place mais toi, tu est trop important ...*

La colère, la peur, la déception. Cruels sentiments qui mordirent l'esprit du dragonnet d'un seul coup et qui le déstabilisèrent à un tel point qu'il lui fallu un instant pour comprendre que ça ne venait pas de lui même mais de son dragonnier. Le dragon s'attendit un instant à ce que le vampire saute droit à la gorge de la nouvelle venue, quoi de plus logique vu la colère qui l'habitait ? Mais sa rage n'atteignit pas la cible prévue. Pourquoi diable se disputait-il avec le musicien ? Ne voyait-il pas que le seul danger aux alentours était cette autre deux pattes ? Elle était tendue et prête à se battre, le visage fermé et plus que tout ce fut la moue méprisante qu'elle avait eu vers le vampire qui fit réagir le dragon. Un grondement sourd et continu s'échappa de sa gorge tandis qu'il hérissait de plus en plus ses écailles, le feu de ses yeux s'était dardé vers l'elfe, ses crocs étaient à découvert. Il n'était pas grand certes mais sachant de quoi était capables de telles créatures.. Il y avait de quoi s'inquiéter.
Le grondement qui montait de sa gorge était impressionnant de constance, une sorte de roulement sourd qui se déroulait encore et encore sans vouloir s'arrêter. Son cou était tendu vers l'intruse et ses ailes serrées contre son dos en un réflexe instinctif de défense. Sans s'être jamais battu, il connaissait les points faibles de son espèce et y palliait sans même s'en apercevoir. Les griffes solidement plantées dans le sol il était la démonstration même de ce que pouvait être la sauvagerie chez un dragon. Petit en effet mais hargneux aussi...
En une fraction de seconde, l'elfe avait sorti un arc et encoché une flèche. Shaynar n'avait jamais vu d'arc de sa vie mais la pointe mortelle qu'il voyait dirigé vers son dragonnier ne pouvait pas tromper sur les intentions de la nouvelle venue. Son grondement monta encore en intensité, devenant une véritable symphonie de rage et de frayeur tandis qu'il s'apprêtait à sauter carrément à la gorge de l'elfe, croyait-elle lui faire peur avec sa haute taille? Elle n'avait ni griffes ni dents, lui si.

Le son de la voix l'arrêta. Elle semblait rechercher le dialogue et s'adressait au musicien. Il se figea et ses prunelles rubis passèrent alternativement d'un elfe à l'autre avant de s'arrêter sur Eliow, une immense interrogation dans l'esprit. De son coté, le premier deux-pattes s'expliquait avec le vampire. Décidément les choses se compliquaient sérieusement...
Le musicien semblait blessé, son esprit souffrait tandis qu'il s'expliquait d'abord avec le vampire puis avec l'autre oreille pointues. Shaynar lui rendit son regard lorsque celui-ci l'observa, une lueur confiante dans les yeux. Le dragon avait lu l'esprit du musicien et avait été touché par sa musique, il lui faisait confiance. Son regard calme et énigmatique accrocha celui de son dragonnier tandis qu'il tentait de discipliner son esprit pour répéter encore :

« Confiance... »

Il attendit d'avoir l'attention du vampire pour jeter un regard appuyé sur le musicien, faisant ainsi comprendre à son dragonnier que lui croyait en la bonne foi du premier elfe. Le deuxième ça, il ne pouvait pas en dire autant. Il reporta son attention dessus, mécontent de voir qu'elle tenait toujours son arc. Décidément cette personne là ne lui plaisait pas beaucoup, oserait-elle blesser celui qui avait été élu par un dragon ? Osait-elle remettre en question son choix, ou peut être en était-elle tout simplement jalouse ? La haine qui liait les vampires et les elfes lui était toujours inconnue, il ne pouvait faire que des suppositions.

Une pensée puissante atteignit soudainement son esprit et il sursauta en ne reconnaissant pas la présence habituelle et rassurante de son dragonnier. Il comprit rapidement d'où venait cette pensée parasite, le musicien. Ainsi donc n'importe qui et pas seulement Eliow pouvait lui parler par la pensée ? Étrangement cette idée le gêna un peu et il ferma son esprit instinctivement. Il ne pouvait pas savoir que les anciens dragons avaient instauré comme code de conduite de ne jamais s'immiscer entre les pensées du dragon et de son dragonnier, mais sa mémoire ancestrale le savait, elle. C'était impoli, on ne le lui avait pas apprit mais il le savait. Toutefois les circonstances étaient particulières et même si il savait qu'il aurait du s'offusquer de cette intrusion il préféra garder toute son attention sur la femelle elfe.
Qui sait-ce qu'elle allait faire ? Incapable de comprendre le langage des deux pattes ni même de se faire véritablement comprendre il piaffa avec impatience, claquant de la mâchoire pour bien montrer qu'il ne tolèrerait pas qu'on menace plus longtemps son dragonnier. Non mais pour qui se prenait-elle celle-là ? Tendu et inquiet, il attendit la réaction du vampire.

Eliow était tendu. Plus même. Ses sens aiguisés à l'affût. Prêt à répliquer au moindre geste brusque ou un tant soit peu suspect, à la moindre attaque. Il savait ne pas faire le poids et ne pas être suffisamment remis de sa visite au soleil, pour pouvoir pleinement faire front à deux elfes en pleine possession de leur force et de leur moyen et surtout apparemment plus expériméntés que lui. Mais il ne serait pas dit qu'il rendrait les armes si facilement et qu'il se laisserait tuer sans répliquer.

Il n'était toutefois pas assez fou non plus pour attaquer le premier. Même si soudain l'envie ne lui manquait pas. Il se contentait de rester là, en positin de défense, arme brandie devant lui, même si arme inutile le concernant vu qu'il ne savait pas vraiment s'en servir. Il vit du coin de l'oeil son dragonnet hérisser ses écailles et montrer des crocs, visiblement prêt lui aussi à en découdre si nécessaire. Bon dragon, pensa-t-il pour lui-même, avec un étrange sentiment de chaleur s'insinuant en lui en considérant ce fait qu'il n'était pas seul. Plus seul. Ils étaient deux maintenant. Et seraient deux à jamais...

« Je ne vous ai pas piégé … Je ne savais pas qu'elle était ici et je n'avais aucunement l'intention de vous faire du mal »

Mouais. Difficile à croire pour tout dire. Mais mettez-vous donc à sa place : un elfe que vous croisez en plein jour et qui vous convainct de le suivre, qui vous mène à une carverne pour que finalement vous vous retrouviez avec deux elfes pour le prix d'un dont l'un deux qui vous menaçait directement de vous embrocher ? Non, vraiment, avouez qu'il y avait de quoi douter... n'est-ce pas ? Il en était là de ses pensées amères, maugréant tout ce qu'il savait contre ce maudit peuple qui était finalement exactement comme ce qu'on lui avait dit et promettant mille et une mort des plus douloureuses à tous les elfes d'Armanda, quand...

Quand il vit l'homme elfe se tourner. Dos à lui. Faisant donc face à sa semblable. Il lui tournait le dos ? Combien il aurait été facile alors à Eliow de pourfendre cette vile créature pour se débarasser de cet adversaire. Combien il aurait été facile alors de réduire le désastreux avantages qu'avaient les elfes à cet instant. La tentation était grande. Elle lui vrillait l'esprit si fort que le vampire aurait bien été capable d'y répondre. Mais...

« Confiance... »

Encore ce mot. Encore ce message, venant de son dragon. Son dragon.

Eliow tourna alors son regard vers Shaynar d'un air plus que dubitatif. Ce mot avait clairement raisonné en lui, dans son esprit mais aussi dans sa chair presque. Premier mot que Shaynar semblait avoir appris et s'évertuait à répéter avec assiduité. Mais cette assiduité en ce mot laissait plus que perpexe le jeune vampire. Confiance ? Il avait déjà peine à accorder sa confiance en qui que ce soit... alors en un elfe. Même si un elfe à la musique fort apaisante et étrangement agréable. Non, Eliow n'était pas vraiment capable de faire confiance. Du moins pas en cet être qui tentait de le défendre piteusement devant l'archère. Mais...

Mais s'il ne pouvait faire confiance en l'elfe, ou en un elfe quelqu'il soit, peut-être... peut-être pourrait-il faire confiance en son dragon ?

Un autre regard vers le dragon en question, dont toute l'attention était retournée à l'elfe qui les protégeait toujours de son corps, finit de le convaincre. Oui, il ne pouvait que faire confiance en cet être qui était lié à lui et lui à elle, il ne pouvait que faire confiance en cet être qui était, au final, comme sa motiié, un être dont les battements de coeur répondaient à l'unisson des vibrations de son âme, dont son esprit répondaient si bien à l'appel du sien...

Eliow se força alors à reporter les yeux sur la scène qui se jouait étrangement devant lui, comme s'il en était devenu plus spectateur que véritable acteur, tant il se sentait, et était réellement en fait, impuissant face à telle situation. Il pouvait presque entendre le coeur de l'elfe battre la chamade, juste devant lui. Autre appel à la tentation d'ailleuyrs, pour un vampire qui avait plutôt faim et qui était si affaibli et par le soleil et par un jeûn un peu trop prolongé à son goût. Un coeur qui bat, du sang qui pulse... hum... Il en avait déjà le goût en bouche. Il pouvait presque sentir ses crocs mordre cette chair tendre, sa force se revigorer alors à ce sang pulsant dans sa gorge en grande lapée salvatrice... Un délice. Un pur délice. Mais un délice interdit, se fustigea-t-il pour l'heure. Du moins interdit pour le moment...

Non, ce n'était pas le moment de penser à un possible festin. Pas alors qu'il était à deux doigts de jouer les festins des elfes...

Hum... Il devait se reprendre. Reprendre ses esprits. Reprendre son contrôle. Et vite...

- Non je ne suis pas venu en ennemi, intervint-il alors, touours de sa voix grave et suave, tout en abaissant légèrement sa lame. Je suis... je suis...

Hum... Il était quoi au juste ? Vampire ennemi mortel des elfes ? Protecteur des archives des vampires, lieu de ce précieux savoir que la décimation de ce peuple par les elfes avait bien failli anéantir ? Ou... Ou...

- Comme vous pouvez le voir, je suis... dragonnier, ajouta-t-il, ce mot raisonnant alors étrangement à ses oreilles.

Produisant en lui un écho auquel il ne s'était pas attendu. Presque frappé de ses propres mots. Car, s'il avait accepté, même si avec difficulté, le lien qui l'unissait à jamais au petit être, il n'avait pas encore tout à fait ni réalisé ni accepté, tout ce que ceci impliquait. Dragonnier. Ce mot rendait soudain les choses si... réelles. Si... troubles. Si... lourdes aussi.

Dragonnier. L'espoir d'Armanda. L'espoir de ma magie. L'espoir de bien des peuples... dont les elfes non ?

- Nous venions simplement... visiter. Et apprendre d'Armanda tout ce qu'un dragon doit savoir. Tout ce que nous devons savoir.

Et en savoir plus sur ce qu'ils étaient censés défendre aussi non ? Car après tout... comment défendre et se batre pour quelque chose que vous ne connaissiez pas ? Eliow espérait simplement être assez crédible par ces mots auxquels il n'était pas encore bien sûr de croire.

Lyroë avait les muscles aussi tendu que le fil de son arc. Outre son questionnement sur ce que Merythin pouvait bien faire dans une caverne avec un buveur de sang, venait des questions sur ce qu'un vampire affabulé d'un dragonet venait faire en ces terres. Ses yeux ne cessaient de faire le voyages entre les deux hommes, s'arrêtant parfois quelques instants sur l'étrange créatures aux écailles onyx.
Ce fut l'approche de son semblable qui la fit fixer un point. Mais que faisait-il? Il venait à elle se mettant dos visible à cette sombre créature surement assoiffé de son sang cristallin. Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez ce doux rêveur? Il allait vraiment falloir qu'un jour ils aient une discussion sérieuse sur les priorités de la vie. Enfin s'ils s'en sortent vivant. Ce qui ne serait pas gagné avec un elfe pacifique donnant presque l'autorisation de se faire mordre le cou. Elle, elle resterait sur le quai vif, prête à lui décoché une flèche si jamais il osait faire un pas en leur direction. Il n'avait jamais été bon de se trouver au même endroit qu'un vampire. Ces créatures n'étaient que fourberie, leur beauté et prestance une simple arme pour mieux vous apater entre leurs dents pointues.

« J'étais sur le point de quitter le royaume, la reine m'a confié la mission de tenter de trouver un des œuf de dragon …. Lyroë cet … homme … est dragonnier, il est l'un des élus. Je l'ai rencontré sur la route et je l'ai conduit ici pour lui éviter trop de désagrément, il n'est pas un ennemi ... »
La voix claire et douce de son ami n'arrivait cependant pas à la détendre. Mais elle fixait, le dévisageant presque. Pourquoi l'impératrice lui avait donné à lui et seul cette mission au combien dangereuse? Sans même un compagnon de route? Car voilà, du coup, il s'était trouvé un des plus douteux. Les elfes avaient parfois cette innocence et crédulité que Lyroë reprochait. La preuve...pas un ennemi...qu'est-ce qu'il en savait? Cette caverne était peut être l'endroit choisit pour que l'elfe serve de repas aux dents pointus. Le fait qu'il ne l'ait pas encore fait n'était nullement un gage de sa bonne conduite. Loin de là. Le moment propice n'était pas arrivé, voilà tout.

Mais un autre évènement troublait plus Lyroë et était surement la raison pour laquelle le vampire n'était pas encore étendu par terre à souffrir d'une flèche en plein cœur. Son dragon. La jeune elfe connaissait l'importance de la créature certes mais celle de son dragonnier aussi. Ils étaient liés l'un à l'autre par une magie invisible bien plus forte que celle qu'elle avait pu déjà rencontré. Et elle le savait. Elle osait à peine regarder l'animal comme s'il allait deviner des choses en elle ou bien le fixer donnerait une vérité plus ancrée quand à leur retour, chose qu'elle avait du mal à mesurer et à gérer. Entre son envie de voir la vampire subir ce qu'il mérite et les dires de son ami.
Le visage toujours fermé, elle jeta un regard mauvais sur le vampire lorsqu'il tenta en vain de plaider sa défense.
"-Non je ne suis pas venu en ennemi...Je suis... je suis... Comme vous pouvez le voir, je suis... dragonnier."
Pas en ennemi. Peut être sinon, ils seraient venus à plusieurs. Un bon point pour lui, mais son épée à la main n'aidait en rien. Que faire de lui. Lyroë ne pouvait pas lui dire de partir, il aurait ainsi tout à loisirs de tuer quelqu'un d'autre un peu plus loin.

Elle reposa ses yeux froids et rudes sur son semblable.
"-Que comptes tu faire de lui, un compagnon de route pour ta quête qui te sautera dessus à n'importe quel moment? On ne peut leur faire confiance. Même avec un dragon son instinct de se délecter de ton sang sera plus fort que son statut ô combien noble soit-il."
Elle se détourna un peu de Merythin pour s'approcher du buveur de sang et s'adressa à lui comme froide.
"- Que veux-tu savoir des elfes? Encore un qui cherche à voler leur magie et prendre leurs biens. Les tiens en ont déjà fait bien assez. Ici tu ne sèmeras que terreur et désolation.
Merythin ramenons le à l'impératrice, elle choisira elle même de son sort, elle est la seule à pouvoir en juger. "

Il avait vu la lueur de confiance dans les yeux du dragonet et en avait ressentit une grande joie, il savait que le petit être le croyait et le comptait comme un … comme quoi à vrai dire ? Il n'avait pas donner son nom, n'avait pas dit ce qui le poussait à quitter son domaine ou à parler avec des inconnus … alors que pouvait il être pour ce petit espoir vivant qui se tenait non loin de lui … Un ami ? Une présence agréable ? Il ne savait pas et tout à la fois craignait la réponse et brulait de la connaître, comme si il s'agissait de cette parcelle de savoir si particulière qu'il recherchait depuis longtemps et qui lui donnerait l'étincelle qui lui manquait pour réaliser son rêve, et cela même si son message mentale avait été arrêter, il savait qu'il n'aurait pas du faire ca mais la pulsion avait été plus forte que lui … au moins il 'était pas fâcher. Et pour le vampire ? Il devait être la créature la plus méprisable de l'univers, un traitre et un scélérat … L'idée le blessa plus que toute les flèches de Lyroe auraient pus le faire mais il se força au calme, qu'importait ce qu'il pensait, Merithyn le ferai changer d'avis dut il pour cela travailler le restant de ses jours ! Il y arriverait, tout ce dont il avait besoin s'était de calme et de paix pour pouvoir s'expliquer à son aise …
Il l'observait toujours, une expression sereine peint sur ses traits mais le cœur toujours battant d'un rythme intenable, et dans les yeux son vœu muet … Les yeux du vampire le vrillèrent, puis se posèrent sur son compagnon aux écailles d'abysse, et le doute s'en échappa comme une fumée dans le vent et il lui apparut clairement qu'il commençait à comprendre la profondeur du lien qui l'unissait au petit dragon, la lueur dans ses yeux le prouvait sans le moindre doute possible, pour lui s'était aussi claire que le chant dans lequel il baignait, ces deux la étaient vraiment bien assortit et il ferai un duo formidable une fois qu'ils auraient grandit. Mais pour l'heure, alors qu'il relevait les yeux vers lui, Merithyn sentit qu'un autre problèmes risquait de se présenter très rapidement … Il n'aimait soudain pas du tout le scintillement de faim dans les yeux du vampire et en son cœur il eu un instant de doute … un instant si rapide et pourtant si terrible, ou il se vit déjà devoir tailler le dragonnier en deux pour éviter d'être mordu … s'était un doute absurde, un doute complètement fou, et cet instant passé il rit intérieurement de sa bêtise. L'autre ne lui ferai rien il en était certain, aussi certain que de la réaction de Lyroe … du moins espérait il qu'elle réagirait ainsi qu'il l'avait prévu … Il se tourna vers elle avec lenteur, pas par peur mais plus parce qu'il ne voulait pas précipité une série d'actions en chaines qui leur serait regrettable par la suite, comme une flèche dans le corps du vampire ou une double rangées de crocs dans le cou de Lyroe ou pire … les deux.

A présent il observait la jeune femme elfe, son arc toujours bandé et prêt à faire volé le trait mortel comme un oiseau de mauvaise augure, un oiseau au bec de métal brillant et cruel qui savait si bien tuer, plus efficace que l'ours, plus rapide que le loup et plus précis qu'un faucon …
Les yeux de Lyroe le transpercèrent par leur froideur et leur dureté, elle avait un regard terrible qui lui envoyât des frissons le long de la nuque et du dos et lui firent jurer de ne plus jamais se trouver entre elle et une proie … ou du moins entre elle et toute autre proie que celle qu'elle visait en ce moment précis. Elle l'examinait avec suspicion, ne le croyait elle pas ? Pensait elle qu'il n'était pas à la hauteur ? Non il y avait autre chose, son calme, son ouverture d'esprit peut être, le fait qu'il soit en compagnie d'un vampire surement et de toute évidence il aurait beau essayer de la convaincre rien n'y ferai … il pesta intérieurement d'être si faible et si sensible aux vibrations, son ton de vérité semblait ne pas faire effet dans cette situation et il s'agissait d'un fâcheux inconvénient pour lui.
Entre temps il semblait que la tueuse de vampire avait trouver de quoi réfléchir … elle examinait avec une très grande attention le petit dragon et semblait être prise de troubles, ses yeux cherchaient ceux de la créatures, une demande silencieuse les emplissant comme une marée inéluctable, des réponses, quelque chose qu'elle puisse croire sans danger, une sagesse plus grande qui trancherait le sujet délicat … si délicat … un voile de soie arachnéen, si fin, si précieux et pourtant si problématique. Il la comprenait parfaitement, il était certain qu'il réagirait de la même manière si il avait été à sa place, et remercia muettement tout les esprits de ne pas l'être et soudain son regard s'envola, quittant le dragonet à la vitesse de l'éclaire et atterrissant sur le vampire avec au fond des yeux une lueur meurtrière …. et il l'entendit de nouveau, la voix du dragonnier.

Il n'était pas … Il n'était pas … Il était dragonnier, elle l'avait vu oui, elle le savait à l'instant même ou elle avait vu le dragon, elle l'avait sentit comme lui lorsqu'il l'avait vu de loin sur cette route ensoleillée qui quittait le royaume elfique alors qu'il marchait, il l'avait sentit dans son cœur en s'émerveillant de la couleur de ses écailles et de ses yeux devant la beauté et la grâce ancestrale et pourtant si jeune qui avait fait vibrer ses os et qui avait chamboulé les piliers d'adamants sur lesquels il avait bâtit son âme et son esprit, il l'avait comprit lorsqu'il avait chanter et que sa musique avait répondu aux vibrations si étrange du petit être … Elle devait aussi comprendre il en était certain, et il l'avait comprit lui même, lui le vampire, l'ennemi des elfes, la plaie des hommes, il avait été choisit comme porteur de vie et d'espoir … Un signe du destin que personne dans son bon sens ne se devait de renier … Non ? Et il voulait apprendre, ne l'avait il pas dit lui même ? Apprendre ce qu'il devait protéger et comment il devait protéger, apprendre qui il était peut être, qui il allait devenir … Les hypothèses étaient si nombreuses, comment une seule personne pouvait elle porter le poids d'un monde à l'agonie … une seule ou trois, cela n'importait pas aux yeux de Merithyn, tout ce qui importait s'était qu'il avait besoin d'aide et qu'il était prêt à offrir la sienne si tant est que le dragonnier l'accepte.

La voix de Lyroe le sortit de ses pensées avec l'effet d'un sceau d'eau glacée qu'on lui versait dans le dos, il sursauta légèrement et la regarda dans les yeux tandis qu'elle exprimait ses doutes … et ses blâmes, elle lui en voulait s'était certain et son inimitée avec les vampires était trop forte. Elle le considérait avant tout comme une menace et non comme un être avec sa personnalité, son caractère et son histoire et … et elle voulait le menait devant l'impératrice. A ces mots le Baptistrel grimaça et du ravaler la réplique cinglante et fort peu approprier qui lui brulait la langue comme un fer chauffée à blanc, ou une coulée de lave … Après quelques secondes à observait la jeune femme dans le blanc des yeux il répondit enfin, lâchant chaque mots comme si il s'était s'agit de plomb dont le goût désagréable lui donnait des haut le cœur.

« Tu sais ce que je pense de l'impératrice et de sa … cour. Mais je sais que je n'obtiendrais rien de plus de toi, que tu ne l'ai pas tué sur le champ est déjà un résultat suffisant et je m'en réjouit, je te suit donc pour le moment. Mais ne pense pas pouvoir me gagner à tes opinions, devant le siège de la reine je parlerais en son … en leur noms à tout deux, et tu sais que je serais écouté malgré la situation désavantageuse. Lyroe tu est une amie et je te respecte mais je l'affirme à haute voix et tu sais que je ne peut mentir … Il ne sera pas mit à mort, ni lui ni son dragon. »

Il manqua un battement de cœur, conscient que ce qu'il venait de dire ne pourrait que se réaliser ou lui faire perdre ses pouvoirs. Il jouait la vie du dragonnier et de son compagnon mais aussi la sienne, son avenir et son titre … il serait écouté il en était certain,il était un porteur de vérité … mais son statu serait il suffisant pour que la balance penche en faveur de son … ami. Au plus profond de lui il sentit une douce chaleur se répandre, envahissant toute les fibres de son être et le chant qui l'entourait, son nom … il avait changer, évoluer, cette rencontre entre lui même et le vampire … et le dragon, cette rencontre avait allongé son nom, et le son clair qui résonnait dans ses oreilles en pointes lui laissait penser qu'il s'agissait d'un changement majeur. Peut être avait il vraiment trouvé son chemin, celui qu'il cherchait depuis si longtemps … Il n'avait soudain plus peur et la curiosité l'emplit comme un flot nouveau, chassant la douleur et les inquiétudes qui parasitaient son esprit depuis l'arriver de Lyroe, il avait retrouver son chemin et voyait clairement se dessiner le futur devant lui, réconfortant et doux. Il se tourna vers le vampire et sourit doucement, avec tendresse et compréhension, avec dans ses yeux une lueur l'invitant à se détendre, une lueur qui disait « je sais », joyeuse et sans limites, sans fausseté et il posa la main sur le tranchant de l'épée, délicatement, doigts après doigts, centimètres par centimètres jusqu'à ce que sa paume repose contre l'acier froid de la lame et pèse légèrement dessus mais sans excès, sans tension et sans menace … un simple geste … un geste de confiance et d'invitation.

La tension, encore et encore. Le dragonnet la sentait de plus en plus, comme un élastique tendu à l'extrême et qu'on étirait encore centimètres par centimètre, millimètres par millimètre... Encore et encore jusqu'à ce qu'il cède avec d'autant plus de violence.
Si les choses continuaient ainsi, ils iraient droit à l'affrontement et donc à la catastrophe. Inquiet le dragon observa le vampire et fut soulagé de sentir un regain de calme dans son esprit. Le message était passé, il lui faisait confiance ! Le petit être en aurait presque ronronné, comme c'était bon de sentir ce lien déjà si fort entre eux deux ! Ils ne connaitraient jamais la solitude, ils étaient privilégiés...
Mais cet instant de grâce ne dura pas . La faim... Était-ce cela qu'il ressentait tout à coup dans l'esprit d'Eliow ? Le regard que celui-ci jeta sur le cou du musicien ne plut pas du tout, mais alors pas du tout à Shaynar. A quoi jouait-il ? Il envoya une onde apaisante à tout hasard, souhaitant l'aider à combattre ce soudain accès de sauvagerie qui étonnait et effrayait presque le petit être. Il avait encore beaucoup à apprendre sur sa moitié... Il l'avait déjà vu se nourrir certes et ne s'en offusquait pas, un prédateur doit bien tuer pour survivre non ? C'est ainsi qu'il avait classé le vampire, parmi les prédateurs. De la même classe que lui donc, mais la dépendance du vampire pour le sang lui échappait encore et lui causait bien des curiosités. Mais ce n'était pas vraiment le moment...

Il reprenait le contrôle. Le dragon couva le vampire d'un regard approbateur lorsque celui-ci tenta de parlementer. Il semblait bien défendre sa cause à en voir la tête des autres et le ton employé. Le grondement du dragonnet baissa en intensité, peut être n'aurait-il pas à se battre ? Toutefois ses yeux rougeoyants ne quittait pas la pointe de la flèche qui de son coté ne se baissait pas. A voir le danger qui menaçait à ce moment même son dragonnier il sentait une force étrange en lui même, une puissance à moitié endormie mais toutefois palpable et qui semblait fort ancienne. Nulle créature sur terre ne pourrait jamais blesser Eliow tant que lui serait en vie sans signer son propre arrêt de mort. La sauvagerie qui luisait dans ses yeux en était la preuve, on ne s'attaquait pas impunément au lien magique qui unissait le dragon et son dragonnier. Certains en avait fait les frais bien avant la naissance du dragon noir, il n'avait pu le voir mais il le savait, et il ne comptait pas faillir à la tradition...

Son regard était dur, et froid... Si froid... La fille elfe ne plaisait pas à Shaynar, il ne l'appréciait pas et n'aimait pas non plus son esprit sans concessions. Elle méprisait Eliow de toutes ses forces et le haïssait déjà sans même le connaître, rien que pour cela elle ne pouvait pas être dans le cœur de Shaynar. Il sentait la colère le faire frémir, la rage hérissait ses écailles. Elle n'avait pas fait preuve de la moindre agressivité envers lui et semblait plutôt fasciné par sa présence mais le jeune dragon ne lui avait rendu que regard méfiant et grondement coléreux. Nul doute que les rapports entre ces deux là commençaient fort mal. Que pensait-elle des dragons ? Il était toujours bien plus souhaitable d'avoir de bons rapports avec eux mais pour le coup, c'était plutôt mal parti. Autant le premier elfe lui plaisait par sa candeur et la franchise pur qui découlait de la moindre de ses inflexions, autant l'autre l'agaçait dans chacun de ses gestes. Ainsi donc le monde n'était pas uniquement beau et bon ? Nouvelle leçon pour le petit dragonnet qu'il était, il n'aurait pas que des amis... Il devrait aussi constituer une liste d'ennemi et la première personne qu'il y mettrait serait cette elfe arrogante et malfaisante. Sans doute devait-elle s'estimer heureuse qu'il ne soit qu'un dragonnet, à la taille adulte il l'aurait certainement déjà fait rôtir, elle, son arc, et son regard méprisant. Un nouveau grondement mauvais traduisit rapidement à l'intéressée l'état d'esprit actuel du dragonnet. Il était petit mais pas naïf, et à elle il n'accordait aucune confiance.

Mais voilà que le musicien parlait à son tour. Par tout les esprits comme c'était agaçant de ne pas comprendre ce qu'il pouvait bien dire ! Toutefois.. Toutefois.. Étonné le dragonnet pencha la tête en entendant la voix musicale de l'elfe. Elle était... Envoutante et berçante... Étrange et puissante. Shaynar mit un temps à comprendre qu'elle était appuyée par la magie. Tiens tiens... Cet elfe était décidément plus qu'étonnant... Voilà pourquoi il inspirait tellement confiance au jeune dragon, la magie l'empêchait de mentir ! Vraiment étonnant !
La sensibilité exacerbée du petit être envers la magie de Armanda lui permettait de ressentir le lien étrange qu'entretenait le musicien envers elle. Celle-ci résonna étrangement lorsque l'elfe termina sa phrase et le dragon se figea, conscient de l'importance du moment. Etait-il le seul à avoir ressentit cette puissance soudaine dans la voix du deux-pattes ? Peut être bien que oui... En tout cas sa phrase n'avait pas été anodine même si il n'avait pas non plus lancé de sort. Perplexe, le dragon jeta un regard curieux vers le musicien, un message muet dans le regard : toi mon garçon, je percerais tes mystères...
Il n'avait fait que penser pour lui même bien entendu, mais cela prouvait bien son état d'esprit. Il voulait en savoir plus sur cet être qui l'intriguait au plus haut point. Et voilà que maintenant il se mettait en tête de poser sa main sur l'acier froid de l'épée du dragonnier ! Etait-il fou ? Affolé, le dragon envoya une énième onde d'apaisement vers Eliow, bien sur celui-ci lui faisait confiance et avait compris que le dragonnet souhaitait garder une bonne entente avec le musicien, mais tout de même ! Qui sait ce qu'il allait faire ? Les yeux rubis se levèrent vers le vampire, lui transmettant ce calme énigmatique caractéristique de son espèce. Shaynar avait une confiance infinie en l'elfe musicien, la magie ne mentait pas et lui soufflait que celui-ci était un être pur. Quelque soit ce que celui-ci demandait à Eliow, il fallait le suivre car il n'agirait que dans leur intérêt. Voilà ce qu'il pensait à cet instant et ce qu'il tentait par tout les moyens de faire comprendre à Eliow, entre un dragon et son dragonnier un regard pouvait bien suffire non ?

Bon visiblement son plaidoyer ne semblait pas totalement la convaincre. Peut-être un peu, du moins l'espérait-il, et cet espoir ne lui semblait pas totalement vain quand on considérait qu'il n'avait pas encore été embroché. Mais pas suffisamment pour qu'elle retourne vaquer à ses occupations ou qu'elle aille chasser du vampire ailleurs, le laissant alors tranquille à se reposer dans sa caverne. Bon d'accord, ce n'était pas SA caverne, mais c'était un peu pareil non ? On la lui avait prêtée après tout. Ou alors les elfes étaient plus mesquins encore qu'il ne le pensait et reprenaient aussi ce qu'ils prêtaient ? Allez savoir. Tout était possible avec de tels êtres...

Et qu'il détestait qu'on parle de lui ainsi, comme s'il n'était pas présent. Oui, il était un buveur de sang et oui, il avait quelque petite soif. Oui il avait besoin de sang pour survivre, comme eux avaient besoin d'air pour vivre. Mais.. mais cela ne faisait pas de lui un monstre pour autant, n'est-ce pas ? Son mentor lui avait appris à contrôler ses pulsions et son instinct de tueur. Ce n'était pas toujours facile, il le leur accordait, mais il en était capable. La preuve, ne venait-il pas de réfréner sa soif pourtant inextinguible, juste devant eux ? Donc oui, il savait se contrôler. Il fallait juste éviter de le mettre à l'agonie ou en état de manque... ou de le mettre en colère. Les deux seules choses qui pourraient bien lui faire perdre raison de façon définitive. Donc pas des monstres. Non. De toute façon, le Dracos Honoris n'aurait pas permis à des monstres de vivre, n'est-ce pas ? Il n'aurait pas nommé un Elu parmi des monstres, avait-il soudain envie de hurler.

Hurler. Hurler sa soif, sa haine, sa colère, sa rage même... Hurler cette petite déception qu'il sentait poindre en lui, à chaque pique acérée que lui décochait la femme elfe à défaut de lui décocher des flèches réelles... Lui qui avait presque cru aux dires de Kylian. Lui qui avait laissé le doute s'insinuer en lui, et qui avait presque cru, avec cet autre elfe, cet étrange chanteur, que oui, peut-être Kylian avait raison, et que peut-être une vie avec les elfes et une paix avec le reste du monde aurait pu être possible. Aurait pu. Tout n'était que conditionnel. Malheureusement. Et à chaque parole froide et venimeuse de l'elfe archère, Eliow voyait peu à peu ce conditionnel s'endurcir loin de la vérité... Il en aurait presque pleurer, si sa fierté le lui avait permis. Hurler sa peine alors, hurler son présent désarroi...

Mais aucun hurlement ne franchit ses lèvres de plus en plus pâles. Ce hurlement resta en lui, en son for intérieur, ravageant le peu de raison et de force qu'il lui restait. Il lui semblait impossible de faire comprendre à cette elfe que non, il ne voulait rien voler. Il voulait... juste voir ? Voir si Kylian avait raison, si les espoirs que ce vampire hors du commun leur avait insufflé étaient possibles... Mais non, c'était impossible. Impossible... Pour les elfes, les vampires n'étaient visiblement que terreur et désolation. Tout comme pour les vampires, les elfes n'étaient que désolation et terreur. Jamais ces deux peuples ne pourraient donc se réunir. Encore moins vivre en paix ou en harmonie... Et son peuple serait à tout jamais condamné à une vie de souterrains et de sombres ténèbres...

Ce ne fut finalement que les ondes de réconfort, de confiance, d'affection même, et d'approbation que lui envoyait presque désespérément son dragonnet, qui calmèrent les vertigineuses émotions du vampire.

"Merythin ramenons le à l'impératrice, elle choisira elle même de son sort, elle est la seule à pouvoir en juger."

Ses mots sonnèrent un glas en lui, le ramenant durement à la réalité qui se déroulait sous ses yeux. L'impératrice ! Merlin, l'impératrice des elfes ! Mais ils voulaient sa mort ?! Car assurément, cette grande reine, dont la réputation n'était plus à faire, lui avait semblé redoutable de ce qu'il avait entendu raconter. Et ils voulaient le conduire à elle ? Eiow pouvait déjà voir son corps mutilé, et réduit en cendres, rien qu'à cette pensée. Il eut d'ailleurs bien du mal à réfréner un frisson de peur et de sourde appréhension.

Il n'eut toutefois guère le temps de répondre, que déjà l'autre elfe rétorquait à sa camarade. Etrangement, Merithyng, comme l'elfe archère semblait avoir appelé le chanteur, ne paraissait pas porter dans son coeur la haute cour des elfes et encore moins l'impératrice elle-même. Voilà qui était déroutant. Mais aussi quelque peu rassurant. Finalement... Finalement peut-être que Merithyng ne l'avait pas vraiment piégé ? Peut-être avait-il été tout aussi piégé que lui en fait ? Hum... Difficile à dire en fait avec ces maudits elfes ! Et celui-ci paraissait si différent, si.. si particulier...

Plus que particulier, corrigea-t-il mentalement, tandis qu'il voyait le chanteur elfe mettre la main sur la lame de son épée. Le fou ! Avait-il donc perdu la tête ? Eliow aurait alors pu facilement en finir avec lui à ce moment précis... Et imaginez un instant que la lame tranchante fasse une entaille à cette main pâle, que le sang coule doucement mais sûrement, même si en un goutte à goutte des plus appréciables, de la plaie qui aurait été faite... Si le sang coulait, inutile de dire que tous les efforts d'Eliow pour se contrôler pouvaient être réduits à néant.

Le vampire en désarroi releva le regard vers l'elfe, une lueur d'incompréhension valsant dans ses orbes, alors qu'il cherchait à déchiffrer ce que voulait vraiment cet être. Des mots lui revinrent alors, comme s'il ne les avait entendus qu'à retardement, tel un écho qui aurait dû frapper la paroi pour parvenir enfin à lui et à son esprit embrumé : « Il ne sera pas mit à mort, ni lui ni son dragon. » Cela sonnait si... si... vrai. Telle une promesse gravée dans leur coeur et dans leur âme. Une promesse qui liait, sans qu'Eliow ne comprenne vraiment comment, leurs deux destinées. Et la destinée du dragon, pensa-t-il tandis qu'il abaissait son regard vers Shaynar. Shaynar... Lui aussi avait entendu ses mots et semblait happé par eux. Par cette promesse.

Promesse. Confiance. Que de mots nouveaux pour le jeune vampire alors. Mais quelque chose, qu'il n'aurait su décrire, le poussait à tenter cette chance, à tenter de... non pas faire confiance, il n'était pas encore capable de faire confiance à un elfe... mais... à tenter de lui accorder le bénéfice du doute ? Oui, voilà le bénéfice du doute. Comme s'il avait d'autres choix de toute façon, grogna-t-il intérieurement, tout en abaissant doucement sa lame.

- Vous voulez ma mort, souffla-t-il d'une voix sourde presque inaudible, résigné.

Las et résigné. Affaibli aussi par toute cette tension, tous ces efforts que le contrôle de l'appel du sang lui avait demandé.

- Soit. Je vous suivrai.

Il adressa toutefois un rapide regard lourd de sous-entendus vers l'elfe qui l'avait si sauvagement accusé. Lourd de promesses aussi, même si beaucoup moins pacifiques : qu'elle touche à lui ou à son dragon, et elle mordrait la poussière. Peut-être qu'il n'en sortirait pas indemne, ni même encore de ce monde, mais qu'importe il ne se laisserait pas tuer impunément et encore moins son dragon.

Lyroë n’aimait pas quand Mery lui parlait ainsi. Sa voix douce et mélodieuse avaient tendance à venir à bout de plus coriaces qu’elle. Ses mots sages et sincères aussi. Il aurait fait un très bon conseiller, mais sa préférence allait à la magie de la musique.
De nombreuses fois, dans leur jeunesse, Lyroë lui avait dit qu’avoir trop grand cœur et une foi trop démesurée en l’autre pouvait être néfastes. Le monde avait changé, Armanda n’était plus celle de jadis, les êtres avaient changé.

L’elfe n’aimait guère qu’on parle ainsi de l’impératrice, surtout devant un ennemi, qui ne devait en rien connaitre des désaccords des elfes. Cela était personnel, une faille, une arme pour eux. Et Lyroë savait que ces buveurs de sang se délecterait d’une telle faiblesse.

Mais rien de ce que dit Merythin ne fit changer d’avis la guerrière. Il fallait emmener cette menace auprès de ceux qui saurait définir leur sort. Pourtant la jeune archère ne put se faire une idée fixe. Oh bien sûr, le vampire lui donnait horreur et en effet, elle avait fait preuve de retenue en ne lui décochant pas une flèche, mais la présence du dragon, de cette créature étrange, irréelle, la laissait comme en suspend. Elle lui jetait de temps à autre des regards curieux, inquiets.

« - Je ne suis pas juge, je défends simplement notre bien. Ils seront emmenés auprès de personnes compétentes pour ça. Si tu veux les défendre c’est ton droit. Mais tu t’exposes aux gourous de l’impératrice. »

Elle le vit alors se retourner vers les deux captifs, cherchant encore à jouer au héros et au brave en apposant sa main sur l’épée. Quel fou! Lyroë amorça un mouvement en avant, mais elle se reprit bien vite. Le vampire semblait tout aussi dépourvue qu’elle. Il prit parole, et Lyroë reprit son habit de guerrière froide et rude. A ses mots, elle ne répondit rien, lui faisant simplement signe de sortir de la caverne en premier. Elle les suivrait derrière. Ainsi, elle montrait qu’au moindre faux pas, elle n’hésiterait pas à user de son arme.


[hj: courte conclusion pour finir ce RP]