¤ L'herbe écarlate ¤

An II Obsidienne, 8 Juillet

Aigue-Royal, théâtre de la barbarie des bipèdes et de leur folie. Une fois de plus, une preuve de plus que nombres des convictions et idées du grand rouge étaient fondées. Au fond, dans sa pensée, il n'était pas en tort. Mais il n'avait pas raison pour autant. Les bipèdes avaient commis des horreurs, des horreurs impardonnables, des horreurs inexcusables. Mais ils avaient aussi fait preuve de beauté, de bonté. Leurs horreurs étaient contrebalancées par leurs bienfaits. Tout cela pesait dans le coeur du dragon dont sa colère servait de balance. Penchant et repenchant dans un sens ou dans l'autre. Et pourtant, malgré cela, l'ire du dragon rouge était toujours aussi féroce contre les bipèdes. Toujours profonde et enraciner dans son coeur, la balance refusant de pencher dans l'autre sens. Bloquer dans un immobilisme fatidique. Pourquoi ? Il accordait plus de poids aux horreurs, son coeur était plus dur, plus sévère, ou plus simplement sensible à ce genre de choses. Tandis qu'à leurs bienfaits ... il n'y apportait qu'une importance moindre. Était-ce justement son coeur pétrifié par son ire qui le rendait insensible à cela ? Était-ce le résultat des influences ayant pesé sur lui lorsqu'il était dragonnet ? Où était-ce une fatalité ? Le rouge ... n'en savait rien. Toutefois, certaines choses étaient venues faire pencher la balance en faveur des bipèdes. Mais ces mêmes choses avaient un impact négatif qui minimisait les réels impacts positifs. Reflet d'une obstination aveugle ? Possible.

Edwyn et ces fautes apportaient un argument de poids aux Armandéens. Ce n'était pas leur faute, ils n'avaient pas choisi, on leur avaient retiré cela, la folie d'un seul les a projetés dans le précipice. Sa rencontre avec le Corbeau venait aussi avoir un impact dans la balance. Un bipède bien plus honorable que ceux qu'il avait pu rencontrer. Il avait vu de par sa malédiction le bien fonder de l'estime que ce bipède portait envers la race draconique. Même si ce dernier était un assassin, un meurtrier d'autres bipèdes, preuve de leur folie. Mais tout cela était effacé par la foi que celui-ci avait placée en acceptant Verith comme guide. Néanmoins, tout cela était mis à mal. Mis à mal par la confiance trahie du dragon. Confiance trahie par le Tarenth qui par sa faute, par ses mensonges, par sa manipulation s'est retrouvé maudit. Il l'a aidé, il l'a même défendu devant Vie, malgré nombreuses de ces fautes. Mais il lui avait caché la plus impardonnable, celle de la création du lien, source de tant d'horreurs aux yeux du dragon de par les évènements passés. Confiance trahie qui n'était autre qu'une plaie béante, celle de sa malédiction. Une confiance qu'il ne pourrait sans doute jamais replacer en un bipède.

Le rouge battait des ailes en direction de la ville souterraine, déjà les effluves du sang lui parvenaient, portées par le vent, et montait jusqu'aux cieux. Plus d'une semaine s'était écoulée et pourtant l'odeur du sang tombé au combat envahissait toujours l'air. Non pas qu'il n'appréciait pas cette odeur, loin de la d'ailleurs. C'est juste que la provenance de celle-ci était disgracieuse aux yeux du colosse de flammes. Le soleil était haut dans le ciel, midi approchait et Verith entamait sa descente, le vent sifflant contre ses ailes. Il approchait de l'entrée de l'une des artères qui avaient été le théâtre d'une des plus sanglantes batailles qu'ait connu Armanda. Un océan de verdure se trouvait sous les pieds du dragon, et au milieu de celle-ci se trouvait une tache rouge, l'herbe toujours rouge du sang versé, la pluie n'étant pas tombée pour venir nettoyer cela. Cette tache ressemblait à une plaie, une plaie du continent. La preuve une fois de plus que les bipèdes apportaient le mal.

Verith atterrit, faisant trembler la terre alertant les quelques bipèdes dehors, certains retournèrent dans la tanière qu'était Aigue. Le rouge regarda le paysage, il regarda l'herbe rouge. En dépit de la raison de sa formation, il trouvait cette dernière plutôt agréable à regarder. Peut-être devait-il utiliser sa magie, ou du moins essayer pour cette dernière converse cette couleur, que la folie de cet instant ne soit pas oubliée. Au moins le sol ne regorgeait plus de ce même sang, il avait fini par être aspiré par la terre. Sinon l'arrivée du rouge et la pression que pourrait exercer son poids contre le sol auraient fait rejaillir ce dernier.

Ouvrant son esprit il l’étendit autour de cette tâche sanglante. Si la magie qui émanait des dragons faisait prospérer la nature, il allait pour la première fois s’amuser à s’en servir de cette façon. Même si c’était dans le but de marquer Armanda d’une marque indélébile incarnant les nombreux reproches qu’il faisait aux bipèdes. Verith laissa sa magie glisser hors de lui pour se répandre au sol et entourer chaque brin d’herbe autour de lui. Lentement ceux-ci se mirent à s’agiter comme sous l’effet d’une brise bien que le vent ne souffle point. L’herbe couverte de sang sécher devint écarlate, s'illuminant légèrement par la magie qui était à l'œuvre. Concentrer, le rouge ne remarqua pas à la présence draconique qui approchait.

¤ La vie et la mort. La fin et le commencement. La construction et la destruction ¤

L’esprit du dragon rouge s’étendait petit à petit sur cette tache pourpre, l’entourant, l’écrasant, l’air se faisant plus dense, se viciant de sa colère. Bientôt il expulsa la magie qui émanait de lui. Au flot de sa colère se mêla un flot magique. Lentement, tel un millier de mains délicates, ce flux vint enserrer chaque brin d’herbes qui s’agitèrent comme secouer par une brise inexistante. Verith vint chercher le sang, le sang sécher, le sang absorbé par la terre. Il le saisit de toute sa colère et lui vola sa couleur avant de le rejeter. La couleur de ce sang pourpre il la frappa de son esprit et de sa magie tel un forgeron battant le fer de son marteau. Il la martela encore et encore le faisant devenir plus clair, la faisant devenir écarlate. L’avatar de la l’ire laissa finalement éclater sa magie sur cette tache, sur cette herbe dont chaque brin d’herbe se mirent à briller. La magie opéra martelant les brins de la couleur qu’il venait d’entèrent, l’ancrant de force, chassant le vert naturel de ceux-ci. L’enfant de l’orage concentrait toute son attention sur la tâche qu’il opérait. S’il n’en avait pas été de sa malédiction, il n’aurait peut-être pas remarqué la jeune verte. Son flair l’aurait sans doute remarqué, néanmoins l’odeur du sang était bien forte.

Son esprit occupé ailleurs et ses défenses mentales contre sa malédiction réduite il sentit le tourment de la jeune émeraude. S’il était suffisamment protégé pour limiter les effets des émotions de bipèdes situés sous terre, la dragonne était trop proche pour que les siennes puissent être bloquées. Elle n’appréciait guère ce qu’il faisait. De toute manière, même sans malédiction il aurait pu le sentir. Tant pis, il n’arrêtera pas sa tâche pour autant. Il continua et finit, la tache entière devenant écarlate. La couleur agressive du sang n’était plus là. Simplement une douce et chaude couleur semblable au feu. Oui, comme si l’herbe sous les dragons s’était soudainement embrasée. Lentement Verith se tourna vers la dragonne, redressant ses défenses mentales.

« Tu sais, si tu veux emporter quelque corps en souvenir, il doit certainement en rester dans les alentours qui n'ont pas été brûlés... Dommage que ta création soit faite avec ces centaines de vies gâchées, j'aurais autrement pu prendre plaisir à l'observer... Mais je suppose que pour toi c'est au contraire un spectacle délectable qui prouve que tu a raison concernant les bipèdes... »

Voilà des paroles et un timbre de voix qui ne ressemblaient pas à Ashy, la jeune et idiote Ashy qu'il connaissait. Délicatement, le colosse grenât abaissa le rempart qu'opérait son esprit contre la malédiction de Vie. Une légère moue se dessina sur les lèvres du maudit avant que ses sourcils ne se froncent. La conscience colérique et agressive du Verith se leva brutalement avant qu'il ne l'abatte sur Ashy. Cependant, il ne lui fit pas de mal. Cependant, il ne l'attaqua pas. Le fils de l'orage s'attaqua aux sentiments de la dragonne, aux sentiments qui la minaient. Sa rage s'abattit sur eux tandis qu'à ce torrent se mêlait en son coeur une tout autre force, que le sauvage espérait qu'Ashy ne remarque pas, faisait son apparition. Sa malédiction opérait pour absorber les sombres émotions qui lui embrumaient l'esprit. Lorsqu'il eut fini, Verith rompit la connexion aussi soudainement qu'il ne l'avait formé avant de balayer Ashy d'une dernière vague. Une vague magique, une vague vital issue directement du mâle pour venir combler la faiblesse de la dragonne d'émeraude.

Le colérique serra les dents alors qu'il s'appropriait ce qui minait la jeune dragonne. Il commença déjà à broyer ses sombres pensées contre sa colère même si celles-ci parvenaient tout de même à l'atteindre.

« La vie n'existe pas sans la mort, Ashy. C'est parce qu'il y a destruction qu'il peut y avoir construction. Mais trop nombreux sont ceux qui méprisent cette destruction. Néanmoins, la destruction sans but constructif est semblable à la construction sans but destructif. Elle est viciée. Tu devrais plutôt t'estimer heureuses dragonnes. Ces vies que tu estimais gâchées ont aujourd'hui par mon oeuvre participée à une création. Elles n'ont donc pas été vaines. »

Oui beaucoup de créatures méprisaient la destruction. Vie lui-même semblait la mépriser alors qu'il est jumeau de la Mort. La preuve il avait maudit Verith qui ne pouvait plus que construire et non détruire. Le rouge ne répondit pas aux paroles cyniques de la verte et pourtant il aurait pu, mais en y répondant une remarque cinglante et criante de sa haine contre les bipèdes : « non, moi je n'utilise pas les cadavres d'autre créature pour en faire des armes ou des armures. ». Mais il n'en fit rien, la petite émeraude ne semblait pas avoir besoin de cela. Après tout, elle avait vu l'horreur des bipèdes en face.

« Néanmoins si tu n'estimes pas mon oeuvre à sa juste valeur. »

Le rouge posa doucement sa patte avant gauche contre le sol, face à Ashy. Il fit à nouveau sortir la magie de son être l'envoyant contre la terre qui s'en gorgea. Rapidement une fleur poussa juste devant l'une des griffes d'ébène du rouge. Une fleur unique, une fleur qui n'avait jamais été vue ni même exister sur Armanda. Une fleur qui naissait en lisière des forêts du continent des dragons. Celle-ci naquit avec ses couleurs d'origine. Ses pétales étaient d'un grenat zébrer de blanc. Lentement, les pétales perdirent leurs couleurs d'origine. Le grenat vint être remplacé par l'émeraude semblable aux écailles d'Ashy. Et les zébrures prirent la teinte de l'ébène des griffes du dragon de l'ire.

Verith expulsa quelques flammes par ses naseaux avant de faire un pas en arrière pour se reculer et s'asseoir.

« Je ne te dirais pas que je t'ai prévenu. Ni même que j'ai raison et que ce qui s'est passé ici en est une preuve de plus. Je ne le dirais pas, car tu le sais déjà. Et je sais que tu le sais déjà. Et je pense que tu n'as pas besoin de m'entendre me vanter. C'est toutefois dommage, moi qui avais une situation en or. Sans doute ne se représentera-t-elle pas de si tôt. Du moins on ne peut que l'espérer. »

Le colosse de grenat tourna légèrement la tête faisant mine de regarder autour de lui.

¤ La blessure ¤

Le dragon de l'ire ressentit l'incompréhension de la jeune émeraude face à ce qui lui arrivait. Après tout, elle n'avait jamais dû ressentir cela. Se faire absorber ses sentiments négatifs comme l'on absorbe le venin d'une plaie. Verith ne s'attendait pas à grand-chose, mise à part de la surprise et des interrogations de la part d'Ashy. Sans doute lui demanderait-il ce qu'il venait de faire. Dans le pire des cas, elle s'offusquerait pour cette soudaine intrusion et du remue-ménage, ou plutôt le ménage, qu'il avait occasionné. Au contraire, la jeune dragonne ne dit rien, absolument rien, et un contentement transparaissait d'elle. L'impression de s'être débarrassé d'un fardeau. Pouvoir enfin respirer paisiblement en toute liberté. Une vague étrange de contentement traversa également le rouge. Non, elle ne provenait pas de son ressentit d'Ashy, mais plutôt de sa malédiction, une sorte de récompense pour avoir accompli quelque chose de ... bien ? Constructif ? D'avoir aidé. Enfin bref, cela ne donna qu'un haut de coeur au rouge. Comme s'il avait besoin de pareille chose.

La fleur que Verith venait de faire naître finit par éclore. Verte et rayer de noir. Elle était moins belle que sa version originale, mais le colérique espérait que cela plairait à Ashy. Les doux effluves ressemblant légèrement à l'odeur de cendre parfumer d'une autre odeur commencèrent à s'échapper de la nouveau-née. Tandis que la verte observait cette dernière avec un certain intérêt. Elle n'avait jamais dû voir cette plante, après tout, elle n'avait jamais grandi sur son continent.

« Je me rappelle de ces fleurs... Elles sont... Il y en avait beaucoup vers... Vers où tu as grandi... Là où allait parfois s'installer Estelen... »

Verith fit les gros yeux sous la surprise, du moins, il l’aurait fait si ses yeux n’étaient pas masqués par ses paupières. Levant un sourcil le rouge était surpris et intrigué. Comment savait-elle cela ? Était-ce Estelen qui lui avait raconté cela ? Avait-elle rencontré sa sœur ? Verith ne l’avait pas croisé depuis très longtemps maintenant et commençait à se faire du souci pour elle. La suite arriva bientôt. Elle l’avait donc appris comme cela. C’était Skade, sa mère qui lui avait dévoilé cela. Que lui avait-elle montréd'autres ? Sans doute beaucoup plus que ce simple souvenir d’une plante. Elle le confirma ensuite. Intégralement. Pourquoi sa mère avait-elle fait une telle chose ? Les souvenirs de son fils avaient-ils si peu d’importance pour qu’elle les partage à tout va ? Après tout elle lui avait tourné le dos en choisissant un bipède, en choisissant un vampire, en choisissant de se lier.

« Verith... ? Ta patte ! »

Le grand rouge sortit de ses pensées face à l'exclamation et la surprise de la jeune dragonne. Le mâle tourna légèrement le museau en direction de sa patte blessée et se souvint. Verith fit deux trois pas en arrière, boitant légèrement avant de reculer sa patte droite et venir la masquer avec son aile.

« Ne te préoccupe pas de cela Ashy !! »

Le dragon d'ire rugit presque ses mots avec méchanceté et violence contre la jeune émeraude avant de se lui tourner le dos, grommelant. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser comment il avait traité la pauvre Ashy. Dodelinant de la tête il réfléchit avant de tourner le museau pour regarder en coin la petite. Fronçant les sourcils draconiques un instant, il cracha quelques flammes par ses narines avant de se tourner à nouveau, pour être en face d'Ashy. Replaçant son aile dans son dos, il dévoila sa blessure. Sa blessure faite par Feu.

« Je n’aurais pas dû te crier dessus. Malgré deux décennies je n’ai pas changé. »

Verith envoya son esprit à Ashy, le liant à elle pour lui faire parvenir des images. Elle les avait sans doute déjà, mais uniquement du point de vue de sa mère. Un Verith jeune, très jeune, ayant la vingtaine lui apparut. Plus petit et moins costaux que maintenant. Il faisait face à un dragon oscillant entre l’orange et le violet, une couleur très particulière. Il était plus vieux et plus fort que le fils de Skade. L’entêtement du dragon rouge le poussa à le provoquer en duel malgré la différence importante existant entre eux. Verith fut balayé rapidement et ses écailles furent blessées. La vision disparut pour montrer ensuite celle de Skade et Verith. La mère des tempêtes s’était rendu compte de la blessure de son fils, et Verith l’avait repoussé comme il venait de le faire avec la jeune émeraude. La vision se ternit peu à peu et le grenat retira son esprit de celui d’Ashy.

« Je suis un fier combattant Ashy. Je peux difficilement accepter de perdre et de me faire blesser. »

Le colosse de flammes leva sa patte pour faire mine de la regarder, il ne l'a voyais pas parfaitement bien du fait de sa cécité, et son esprit n'était pas encore discipliné pour lui permettre de voir correctement, comme avec de vrais yeux.

« C'est ce qui arrive généralement quand je me bas avec plus fort que moi. J'ai toujours aimé provoquer ceux qui me sont supérieurs. Si j'arrive à les défaire, cela signifie que je suis aussi, voire plus fort qu'eux. Je m'éloigne ainsi de la vision du dragonnet chétif que j'étais lorsque j'étais un nouveau-né. Sauf que là, j'ai mis la barre bien trop haute. Méfies-toi des Esprits Ashy. Ne t'amuse pas à les provoquer. On ne gagne jamais contre eux. »

Même si on les blesse, ils nous blessent aussi. Vraorg en était la preuve, il avait blessé Väsà et aujourd'hui il croupit dans une prison sans pouvoir rien faire... Du moins, c'était le cas jusqu'à il y a peu.

« Vie ne semble pas avoir suffi, il a fallu que je contrarie Feu également. Comme si une malédiction ne suffisait pas, il a fallu que je sois blessé également. Ashy, montre-moi de quoi elle a l'air. Je ne peux la voir convenablement avec mon esprit. Je sais uniquement le handicap qu'elle me confère. »

¤ La blessure II ¤

C'est sans retenue qu'il avait rejeté la pauvre verte qui n'y était pour rien dans la condition de Verith. Elle avait simplement fait l'erreur de soulever un point humiliant que la cuirasse du rouge. Cette petite idiote, pourquoi avait-il fallu qu'elle remarque cela ? Il n'avait pas besoin que quelqu'un vient fourrer son nez ou son museau dans ses affaires. Ce n'est qu'après quelques secondes, quand son feu redescendit, que le rouge se rendit compte qu'il n'aurait peut-être pas dû traiter ainsi la petite émeraude. Après tout n'avait-elle pas été la seule à être mh... compréhensive avec lui ? Oui, elle méritait sans doute mieux que cela. Verith n'y était jamais allé de main morte dans ses rencontres avec Ashy. Certes, elle avait eu l'habilité de ne jamais le mettre hors de lui comme l'avait fait Silarae. Sans doute était-il aussi dur avec elle parce que cette dernière était une liée. Était-il ainsi sur le contient ? Oui, un peu, mais dans son souvenir, il restait moins irascible qu'aujourd'hui. Il faut dire que tout sur Armanda était là pour le mettre hors de lui. Finalement le fils de l'orage s'était retourné vers la liée. Lui offrant même des excuses. Étaist-elles sincères au moins ? Verith n'était pas du genre à s'excuser, il faut même dire que celle-ci était rare, en particulier lorsqu'il reconnaissait une erreur. Alors il s'appliquait à ce que celles-ci soient sincères et réelles. N'hésitant pas à s'ouvrir un peu, partageant sa mémoire avec l'émeraude sur patte. Sans s'ouvrit-il un peu trop. Sans doute parla-t-il un peu trop. Allant même jusqu'à lui livrer sa condition. Le rouge s'en mordit la langue alors qu'il finissait de parler, ressentant aisément la surprise et les nouvelles interrogations naissant dans l'esprit de son interlocutrice. Celle-ci ne sembla toutefois rien dire, les gardant pour elle, surprenant un peu le plus vieux.

« Les écailles semblent avoir... Fondues... Je ne sais pas si cette blessure te gêne beaucoup, mais ce n'est pas très beau à voire... Au moins, ça paraît impressionnant, je pense que les bipèdes seront plus impressionnés qu'autre chose. »

Verith rit intérieurement à la remarque d'Ashy. Une marque pour impressionner les bipèdes, comme s'il avait besoin de ça. Il ne fit toutefois pas partager son amusement avec cette dernière, se contenant de pointer son museau en direction de la verte. Bientôt des images virent à son esprit. Celles de sa blessure. Le rouge fit une grimace, ce n'était pas à beau à voir. Ses pauvres écailles. Lorsque l'idée de guérir sa patte vint dans les propos de la verte, Verith répliqua sans attendre, s'alarmant.

« Non Ashy, il ne faut surtout pas y toucher, personne ne doit y toucher. »

Verith n'avait pas envie de voir Ashy subir une blessure identique en représailles des esprits. Qu'ils pouvaient être détestables. Lui-même avait voulu venir en aide à Alford et avait été blessé. Reprenant la file des paroles de son interlocutrice, Verith ne put s'empêcher de retenir un grondement de colère à l'évocation du Tarenth. Le monde se porterait bien mieux s'il n'avait existé.

« Je ne pourrais probablement plus voler à l'heure actuelle, sans parler de la blessure à la poitrine qui m'aurait grandement handicapée, si j'y avais survécu... Cette douleur... J'aimerais pouvoir protéger tout le monde, mais je ne peux même pas me protéger moi même... »

La peine de la dragonne vint frapper le rouge qui serra les dents, l'espace d'un instant, il eut du mal à respirer. Levant sa queue, il vint poser l'extrémité sur le sommet du crâne de la verte, entre ses cornes, la caressant légèrement. Semblant tenter de la réconforter, du moins il essayait. Verith était plus doué pour user de son appendice comme un fouet, un lien ou une lance pour blesser ses adversaires.

« Ashy, tu te sous-estimes. Les dragons ont de grands pouvoirs régénérateurs. Certes, nous ne pouvons tout guérir, mais suffisamment pour continuer à vivre. Le handicape en revanche. »

Verith leva sa patte brûlée, l'observant.

« C'est une chose que j'ai toujours crainte. En particulier lorsque je vois celui de Skade. Elle s'est prise un projectile en plein poitrail lorsqu'elle a attaqué Gloria pour récupérer l'oeuf de mon frère. Mais regarde aujourd'hui, elle est forte... même si elle s'est acoquinée avec ce vampire. »

Le rouge gronda alors qu’il fit deux pas en arrière, marchant un peu, boitant toujours, s’évertuant à boiter le moins possible pour que cela ne se remarquât pas. Ce Kylian, il lui ferait la peau dès qu’il en aurait l’occasion. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle se lie avec un bipède. Décidément elle est devenue folle elle aussi. Des petites flammes s’échappèrent des naseaux du rouge alors qu’il tourna à nouveau son museau en direction de la petite verte. Il sembla la regarder un moment, s’interrogeant, réfléchissant.

« Ashy, je comprends ton sentiment. Celui de vouloir protéger. Moi-même je protégeais lorsque j’étais parmi les miens. J’ai placé certains dragons sous ma protection. Des dragons que j’appréciais, des dragons que j’avais battus, des dragons plus faibles qui ne pouvaient pas se défendre quand d’autres venaient leur chercher des noises. Cela t’étonnera peut-être Ashy, mais dernièrement j’ai placé deux bipèdes sous ma protection. Si tu t’en sens la force, je peux t’entrainer. Et peut-être pourras-tu en profiter pour me poser les questions qui assaillent ton esprit. »

¤ Ce que je pense ¤

Le rouge ruminait sa colère. Le fait que sa mère se soit acoquinée d'un vampire lui restait en travers de la gorge. Jamais il ne l'accepterait. Jamais il ne l'accepterait. Sans doute aurait-il pu mieux le prendre s'il avait s'agit d'un elfe, ou d'un humain. Quoiqu'il aurait sans doute réagi de la même façon pour un elfe, après la mort de Cymbor avait été provoquée par des membres de ces deux races. La dragonnière et le meurtrier. Oui, il l'aurait mieux pris s'il avait s'agit d'un humain. Mieux ne voulait pas dire qu'il s'en serait réjoui, non loin de là, mais n'aurait peut-être pas essayé de chercher à se jeter sur le bipède pour le tuer. Quoique ça aussi ce n'était pas sur à cent pour cent. Mais avec un humain il aurait pu se consoler en ce disant que cela n'aurait duré que l'espace d'un clignement d'oeil. En effet les humains ont une longévité si pitoyable en comparaison des deux autres races. Mais un vampire cela durerait jusqu'à ce que ce cadavre soit nouveau tuer ! Il ne pouvait même pas compter sur le temps pour lui régler son compte. Verith gronda quelque peu, expulsant à nouveau des flammèches dans ses narines. Tic qu'il commençait à avoir de plus en plus lorsqu'il était agacé.

Le mâle espionna les sentiments de la dragonne verte, sentant une pointe d'inquiétude la traverser. Après tout ce Kylian était amoureux de la princesse Esmelda, encore cette idiote elle était décidément partout, et celle-ci était chère à la dragonne d'émeraude. Elle devait donc connaitre le vampire auquel c'était lié sa mère. Le sort semblait s'amuser vouloir mettre le rouge véritablement hors de lui. Et Verith n'appréciait guère que l'on joue avec lui de cette façon. L'étonnement de la dragonne verte n'était pas une surprise pour le sauvage. Savoir que deux bipèdes étaient sous sa protection voila de quoi surprendre. Mais quel bipède. Le premier était un assassin, le second était accusé d'avoir poignardé le bipède d'Ashy. Voilà encore une situation bien ennuyeuse, mais le maudit allait devoir en parler avec la verte. En particulier d'Alford Gorder. Après tout, il avait une promesse à tenir. Promesse qui avait encore plus d'importance maintenant que le bourreau royal était sa propriété. Propriété, protection, cela était du pareil au même pour le rouge, en particulier avec les bipèdes.

Et enfin l’espoir. Ce sentiment traversa la dragonne pour finalement atteindre le rouge au travers de sa malédiction. Un faux espoir pour colérique. Un espoir de fou. Ou peut-être un véritable espoir ? Aller savoir. Pour le fils de l’orage, la réponse était non.

« Je serais honorée de m’entraîner avec toi bien entendu ! Je dois avouer être un peu surprise d'une proposition comme celle-là étant donné que je suis une dragonne liée, et ça me touche que tu considères malgré ça la possibilité de m’entraîner. J'aimerais juste savoir... Penses-tu toujours la même chose de... et bien, des dragons comme moi, des dragons liés ? »

Verith marcha légèrement, tournant sur lui-même afin de se placer face à la verte tout en s’étant quelque peu reculé. Il gronda légèrement en dodelinant de la tête.

« Le lien, fourberie d'Edwyn, la fourberie de Vie et ... ma colère sont les premiers responsables de la malédiction qui m'accable. C'est parce qu'on m'a révélé la vérité et que je n'ai pu la supporter que j'ai été maudit. Vie a forcé Edwyn a révélé le mensonge qu'il me cachait depuis le début de notre rencontre, tout en sachant qu'elle serait ma réaction. Edwyn m'a caché la vérité pour se servir de moi, tout en sachant quelle réaction j'aurais en apprenant la vérité. J'ai interrogé le Tarenth sur le lien. Il m'a dit qu'il n'en savait rien, il m'a dit que les esprits l'avaient créé. Mais la vérité c'est que c'est lui qui l'a créé. J'ignore qu'elles étaient ces raisons, mais connaissant le personnage elles ne peuvent être que mauvaises. Et c'est par la faute de sa création que les dragons ont souffert. Que penses-tu que je pense du lien Ashy ? Que penses-tu que je pense de tout ce qui s'y rattache ? »

Le rouge serra les dents, alors que la colère à nouveau s’échappait de lui. Ashy avait posé la question qui fâche. Néanmoins.

« Néanmoins, malgré ma colère je te propose de t’entrainer Ashy. Malgré le fait que tu sois une liée. Cela signifie que mon opinion de toi n’est pas suffisamment mauvaise pour que je fasse prévaloir ma haine. »

De bien belles paroles, mais pourtant dit avec des mots et une tournure sombre pour ne pas révéler la vérité. Oui Verith appréciait la dragonne, et ce malgré le fait qu’elle soit une dragonne liée. Si le rouge parlait ainsi, c’est bien parce que sa rage l’étouffait, c’est bien parce qu’il continuait à se voiler la face. Après tout il était irascible de nature, il n’allait pas changer du jour au lendemain, même face à la seule dragonne liée d’Armanda avec laquelle il pouvait avoir de réelles discussions, qui écoutait ce qu’il avait à dire et inversement. Ce n’était pas comme Isyndar et Silarae, deux dragonnes à l’arrogance et à la cervelle aussi creuse que la tête d’un bipède.

« À vrai dire, je pense que je ne te considère pas comme les autres dragons liés. Tout comme je ne considère pas les humains que j’ai placés sous ma protection comme les autres bipèdes. »

Verith soupira, les berges du lac d'espoir qu'était devenue la dragonne verte venaient envahir les terres de colères qu'était le rouge.

« Tu sembles te sentir bien mieux qu'à mon arrivée. Je peux le sentir aussi distinctement que l'odeur du sang qui imprègne la terre. Ashy, si j'ai mené de nombreux combats par-delà l'océan, sur la terre où sont aujourd'hui les dragons. Depuis mon arrivée ici, j'ai appris que l'art que je maniais là-bas est imparfait. J'ai privilégié mon corps. J'ai privilégié ma tactique de combat, mes crocs, mes cornes, mes griffes. Mais il est une chose que j'ai mise de côté durant tout ce temps et qui me fait aujourd'hui cruellement défaut. Si de par ma condition physique, je peux facilement écraser la majorité des ennemis que je peux me faire ici. Ceux contre lesquels je me suis battu dernièrement sont d'un niveau bien différent, si bien que tout ce que sait a été inefficace. Le Tarenth, les Esprits et les chimères et autres. »

L’avatar de l’ire dodelina de la tête se rappelant le mauvais souvenir lors de la destruction de la dague et la venue de Vraorg de son esprit. Mais seulement, la volonté d’Edwyn qui venait s’imposer à la sienne pour l’empêcher d’agir comme il le souhaitait.

« Je t’ai donné une astuce pour utiliser tes flammes. Je t’ai montré comment te servir adroitement de ta queue. Mais ce qu’il faut que tu entraines aujourd’hui est ton esprit Ashy. Il est le bouclier primordial si tu veux te protéger. Mais il peut également devenir une arme redoutable si tu apprends à t’en servir. Il te sera utile face aux bipèdes. Leurs esprits sont faibles en comparaison du nôtre. Tu peux facilement les briser si tu en as envie sans te servir de tes griffes. Mais s’il reste faible, tu seras vulnérable, même à tes propres émotions. Et pire encore, les créatures que j’ai affrontées viendront te ravir ta liberté en t’imposant leur volonté. »

Un grondement s’échappa du rouge qui serra les dents. Il avait toujours considéré les dragons blancs comme misérables, car ils privilégiaient leur esprit plutôt que leur art du combat, mais aujourd’hui il comprenait.

« Cela te convient dragonne d’émeraude ? »

¤ Garde toi de moi ¤

Le cœur du rouge ressentait pleinement les émotions de la dragonne et son esprit en déduisait facilement les pensées. Le doute, le doute concernant Edwyn Ruddy, mais également la peur. Peur de cet individu, de ces pouvoirs, de ce qu'il pourrait en faire, de ce qu'il en a fait. La méfiance, méfiance de voir cet individu autant cru aveuglément par d'autres. Si seulement elle savait, si seulement ils savaient ce qu'Edwyn Ruddy avait fait par le passé et par le présent. Qu'il était responsable de cette situation. De la guerre, de la souffrance. Oui, son acte ce jour fatidique avait eu des répercussions sur le futur. S'il n'avait pas trahi les esprits, les Tarenths seraient là, avec les dragons à guider les trois races. Les esprits eux aussi seraient là et la tragédie qui s'était passée entre Väsà et Vraorg ne se serait sans doute jamais produite. Et cette ignoble créature n'aurait pas de prise sur l'esprit du rouge en ce moment même. Il était certes facile d'accuser une personne de tous les maux de la terre, mais c'est bien la décision de cet individu qui avait entrainé tout cela. C'est ainsi que le voyait le rouge. Certes, eux non plus n'étaient pas exempts de fautes. Mais comment auraient-ils pu le savoir ? Ils avaient été des enfants lâchés sans surveillance d'adulte. Ils avaient évolué. Ils avaient mal évolué.

Les sentiments de la dragonne quant à son lié. Révoltant pour le dragon d’ire, qui ne pouvait toujours pas accepter cela. Surtout après ce qui s’était passé avec Edwyn. Surtout avec en raison de la confusion de ses sentiments. Il avait ou appréciait encore le Tarenth en dépit de ce qu’il avait fait. Et pourtant il le haïssait aussi férocement et ne désirait qu’une chose, pouvoir le tuer de ses propres griffes. Verith lui avait déjà dit. Dans d’autres circonstances, ils auraient pu faire de grande chose. Dans d’autres circonstances, ils auraient pu être amis. Malheureusement, le Tarenth avait définitivement entériné ces possibilités en mentant au rouge. Certes, s’il lui avait dit dès le début, il aurait réagit pareille, mais sans doute lui en aurait-il moins voulu que maintenant. Sans doute n’aurait-il pas cherché à l’atteindre en détruisant la dague du passeur. Tant de mauvaises décisions entrainant tant de mauvais choix à leur tour. C’était un cercle vicieux.

La compréhension de la dragonne vis-à-vis du rouge. Se mettre à sa place. C’est sans doute pour cette raison qu’il ne considérait pas Ashy comme les autres dragons liés. C’est sans doute pour cette raison qu’il l’appréciait en dépit de tout. Mais aussi l’espoir, l’espoir fou de faire changer le rouge, de croire qu’il a pu changer. Il considérait la verte comme stupide d’avoir de pareilles croyances, mais il appréciait cette stupidité.

Puis la peine, la peine de ne pas avoir été suffisamment forte le jour de la bataille. Et cette volonté de le devenir pour pouvoir protéger ceux qui lui sont chers. Cela, Verith pouvait le comprendre. Même s’il n’appréciait pas réellement ce à pourquoi elle mettrait au service sa force. Mais c’est parce qu’elle désirait protéger. Parce qu’elle lui ressemblait dans ce point, que le rouge venait à la sortir encore plus du lot des dragons liés et acceptait de lui venir en aide.

Et enfin la soudaine inquiétude. Autre chose. Une chose qu’elle ne connaissait pas. Une chose avec une force mentale si puissante qu’elle pouvait écraser la volonté. Verith souhaitait lui dire la vérité, dire de qui il s’agissait. Mais malheureusement il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas lui en dire trop sinon il viendrait atteindre les limites fixées par Vraorg dans son esprit il n’avait pas envie d’alarmer celui-ci et peut-être mettre en danger la verte.

Le fils de l’orage sourit lorsqu’elle traita les bipèdes de fou avant de se raviser. Oui les bipèdes étaient fous. Elle avait pu voir leur folie. Et en grandissant, elle la verrait encore. Alors le point de vue du colérique lui paraîtrait sans doute encore plus compréhensible.

« Du moins une partie des bipèdes sont fous. Il est dommage que ce soit ces quelques bipèdes qui parviennent à faire bouger les choses, et bien entendu en mal... Mais, j'ai une petite question sur ce que tu as dit plus tôt. Tu parles des Tarenth, ceux-là je connais... Les Esprits aussi, et j'ai entendu parler des chimères bien sûr... mais qu’entes-tu par les "autres" ? Il y a autre chose qui puisse avoir un impact sur nous ? Une autre puissance supérieure à prendre en compte ? »

Verith resta silencieux un moment, un long moment, cherchant ses mots, cherchant à prendre la bonne décision.

« Ce n'est pas une puissance supérieure Ashy. C'est simplement ... une monstruosité. Une monstruosité qui était autrefois l'un des nôtres. Un dragon dont Väsà est tombé amoureuse. Une monstruosité qui a pu exister grâce à la malveillance et le lien. Une monstruosité qui a bien failli détruire l'esprit du néant. Je ne peux t'en dire plus Ashy. Quand je partirai après ton entrainement tu ne devras plus me faire plus confiance. Je ne peux te dire pourquoi. Un jour tu connaîtras la vérité, un jour je serais en mesure de regagner cette confiance. Je ne sais pas encore quel acte je devrais accomplir pour cela. »

En dépit de sa malédiction, avec Vraorg dans son esprit il était dangereux. Il n'avait pas envie de faire de mal à la dragonne verte, la seule avec qui il s'entendait bien. La seule des dragons liés qu'il appréciait.

« J'ai chassé Möebius alors qu'il me demandait de l'aide pour sa mémoire. J'ai attaqué Isyndar lorsque j'ai appris qu'elle était liée à un vampire. J'ai manqué de tuer Silarae quand elle a insulté les dragons libres. J'ai battu Atalos quand celui-ci m'a provoqué souhaitant mettre fin à mon règne de destruction. Toi Ashy tu es la seule sur laquelle je n'ai pas levé la patte. Tu es la seule que je n'ai pas attaquée. Et tu es sans doute la seule sur laquelle je ne désire pas le faire, en dépit que tu sois une liée. Il est même probable qu'un jour je veuille te placer sous ma protection comme je l'ai fait avec ces deux bipèdes. Mais à l'heure actuelle je ne peux plus l'assurer. »

Étranges paroles venant du mâle. Sans doute que la dragonne ne comprendrait pas, serait surprise, ou alors choquer. Peut-être se dirait-elle que le rouge avait perdu l'esprit. Malheureusement, il ne pourrait lui répondre, même si en vérité il aimerait pouvoir le faire. Surtout que Verith ne souhaitait pas s’en prendre à un autre sur ordre d’une créature qui aliénait sa liberté. Reculant de quelques pas sur le cercle d'herbe rouge, il leva sa patte blessée, dressant une griffe d'ébène.

« Ne me pose plus de questions à ce sujet Ashy. Je ne pourrais y répondre. Tout ce que je peux faire sur l'heure c'est te préparer à affronter les choses dont je t'ai parlé. Et peut-être à m'affronter moi un jour. L'avenir est sombre et incertain. »

Le fils de l'orage reposa une patte au sol avant de dodeliner de la tête. Respirant lentement.

« Tu pourras continuer à m'interroger sur d'autres sujet Ashy. Il y en auxquels je pourrais apporter une réponse. Mais avant cela, nous allons pratiquer un premier exercice. »

Le rouge s'assit au sol, griffant légèrement le sol de ses griffes d'ébènes.

« Les chimères, ou ombres. Ce sont les habitants du plan des Esprits. Elles n'ont pas de corps, pas d'enveloppe physique. Et elles en désirent un ardemment. La puissance de l'esprit des chimères varie selon les individus. Celles que j'ai rencontrées lorsqu'Edwyn et moi étions dans le plan spirituel étaient faibles. Plus tard, alors que nous marchions en direction du domaine de Vie, de plus puissantes sont apparues. Il en existe sans doute avec une puissance phénoménale, mais nous n'en avons pas rencontré. Fort heureusement. Les chimères souhaitent posséder ce qu'elles n'ont pas. Une enveloppe physique. Et pour cela, elles les volent. Elles les volent en chassant l'esprit qui l'habite, le tuant dès lors. Pour cela, elles cherchent à faire perdre connaissance à leur victime. Dès lors qu'il n'y a plus de résistance, elles peuvent facilement s'approprier un corps. Il est intéressant de noter que les chimères sont attirées par la magie, mais surtout par les émotions. Néanmoins, elles sont attirées par celle-ci comme un papillon par une flamme. Ainsi une puissante magie et des sentiments virulents permettent de les repousser. Là-bas, Edwyn utilisa sa magie, moi j'avais mon ire. Nous ne pouvons utiliser la magie comme le font les bipèdes, alors tu utiliseras tes émotions Ashy. Tu en gorgeras ton esprit. Mais celle-ci devra être puissante, aussi puissante que l'est la colère pour moi. »

Verith secoua la tête avant de pointer son museau en direction de la dragonne.

« Ashy, je pense que t’apprendre à te défendre contre les chimères sera primordial. Quand Edwyn et moi avons vu l’avenir, quand nous avons la fin, le monde est dévasté, en proie aux flammes et aux ténèbres. Coucher au sol, mort, se trouvait les huit esprits. Et debout face à eux se trouvaient des chimères. Si elles ne quittent pas le plan astral, c’est parce que la trame de la magie les en empêche. C’est un poison pour elles. Mais si cette vision du futur se révèle juste, alors il y aura des chimères sur ce plan. Mieux vaut apprendre à les combattre aujourd’hui pour mieux les repousser demain. »

Lame d’ébène commença à étendre son esprit et le faire rôder autour de la dragonne.

« Je vais t’attaquer Ashy, je vais m’en prendre à ton esprit, à ta conscience et essayer de t’endormir comme le ferait une chimère. Repousse-moi si tu y parviens. Recouvre ton esprit du plus puissant sentiment qui t’habite et laisse-le éclater. Je saurais lorsque celui-ci est suffisamment puissant. Au fait, tu sais si une chimère t’attaque quand tu entends ce son. »

Verith débuta son attaque, venant faire raisonner dans l’esprit de la dragonne d’émeraude le sifflement hypnotique des ombres. Lentement il vint faire pression sur la conscience de la verte, y allant doucement dans un premier temps pour laisser la dragonne se préparer et s’adapter, avant de rendre sa présence plus pesante, essayant d’attendre sa conscience pour la stranguler et l’endormir.

¤ Alford Gorder ¤

Elle comprendrait, en temps voulu, la vérité lui serait révélée. Elle pourrait saisir le sens des paroles du grand rouge. Verith s’inquiétait surtout de la façon dont elle apprendrait la vérité. Le colérique espérait se libérer de Vraorg entre-temps et pouvoir lui expliquer le pourquoi. Plutôt qu’elle ne l’apprenne de quelqu’un d’autre, ou pire encore, qu’elle se retrouve soudainement face à lui en train d’attaquer à tout va en suivant les ordres du dragon blanc. L’enfant de l’orage ignorait toujours ce que souhaitait Vraorg. Oh certes il pouvait en avoir une vague idée, s’échapper de sa prison, déjouer la prophétie et de régner sur les mondes. Le rouge n’avait aucunement l’intention de le laisser faire, il finirait par se libérer et de lui-même. Il attendrait le bon moment avant d’agir pour récupérer sa liberté. Il n’avait de toute manière plus rien d’autre à perdre maintenant. Ou peut-être si, encore un ou deux humiliations pouvaient encore lui être infligées pour qu’il perde vraiment toute dignité. Mais il ne laisserait pas cela arrive.

À son grand soulagement, la petite verte ne dit rien. Elle ne posa aucune question, même si en réalité elle en avait beaucoup. Verith pouvait le sentir. Mais c’était mieux ainsi, qu’elle les garde pour elle pour le moment. Le rouge n’avait pas envie de se sentir frustrer d’être assailli de questions dont il avait les réponses, mais ne peut malheureusement les divulguer. Cette situation, voire sa volonté écrasée par une autre, il ne la supportait plus du tout. Il avait l’impression d’avoir fait la rencontre d’un second Edwyn avec sa maudite voix de commandement. Il devrait trouver un moyen de briser cette dernière une bonne fois pour toutes. Et pour cela il fallait renforcer son esprit. Mais malheureusement pour lui l’esprit ne se taille pas comme le corps.

Ashy écoute sans rien, elle écouta le rouge avec attention. Et les sentiments sur ses impressions défilaient encore et toujours, et Verith les saisissait aussi clair que le cristal. Quand le nom de Möebius fut prononcé, le rouge fut plus ou moins surpris de l'émotion que cela suscitait chez la jeune dragonne. Humpf, non seulement elle pouvait trouver mieux, mais il n'y avait pas de temps pour penser à ça en ce moment. Le fils de la tempête ne souleva toutefois pas, le gardant pour plus tard, pour peut-être taquiner la petite émeraude. Bien rapidement, Verith tourna la discussion pour débuter l'entrainement. Cela lui permettait en outre de couper à d'éventuelles questions sur le sujet qu'il venait d'évoquer. Ashy était intelligente ... pour une dragonne liée bien sûr ... elle comprit rapidement les conseils que lui donnait le colosse de flamme, allant chercher dans ses souvenirs d'un puissant sentiment qu'elle pourrait lui opposer. Déjà l'esprit de Verith venait s'en prendre à elle, simulant l'attaque d'une chimère.

Le rouge s’attendait à ce que celle-ci vienne lui opposer son amour. Son amour pour son lié, pour les bipèdes qu’elle appréciait comme l’insolente Esmelda Kohan. Ce fut d’abord vers là que les premières pensées de la verte fusèrent. Néanmoins ce ne fut pas l’émotion que la petite dragonne utilisa contre lui. Verith en resta surpris. Certes il savait que de pareils sentiments demeuraient en Ashy, mais il ne s’attendait pas à ce que la jeune émeraude les utilise … déjà du moins. La colère, une jeune colère, mais déjà en passe de devenir puissante. Il ne fallait pas être devin pour deviner de qui elle tirait ressentiment. Fabius Kohan, celui qui avait osé utiliser Dévoreuse. Une preuve vivante de l’arrogance, mais aussi de la folie et du danger que représentent les bipèdes. Verith avait fait une promesse à la jeune verte par ailleurs. Si jamais il le capturait, c’est à elle qui le remettrait. Il ne disposait pas de sa vie. C’est Ashy qui en disposait. Tss, dire qu’il allait peut-être avoir besoin de ce nuisible pour se libérer de l’emprise de Vraorg, cela le mettait en rage.

Mais la seconde personne qui transpira de la colère de la jeune liée ne vint pas faire naitre plus de ressentiment dans le cœur du rouge. Simplement … de la tristesse. Alford Gorder. Pauvre petit agneau sacrifié d’Edwyn Ruddy. Un pion sacrifiable sur l’échiquier du Tarenth. Misérable individu. Ce bipède n’avait pas eu de chance. Utiliser par Edwyn, puis ensuite utiliser par lui-même pour assouvir une vengeance qui s’est avéré être un flop. Mais au moins, il n’avait pas menti à Gorder contrairement à Ruddy. Il lui avait dit la vérité. Edwyn et ses mensonges, il causait décidément bien trop de dégâts rien qu’en ouvrant la bouche. Comme s’il n’en avait pas déjà fait assez. Les esprits auraient dû lui interdire de mentir. Ceux-là aussi n’étaient pas fameux.

L’attaque de Verith sembla faiblir, alors qu’il se laissa lentement dériver dans ses pensées. Si seulement Ashy savait la vérité à son sujet. Attend, cette vérité il pouvait la dire, il pouvait, non il devait la dire. Après tout, il l’avait promis à Alford, de plus, il s’agissait d’un des bipèdes que le rouge avait placé sous sa protection.

À la colère vint bientôt s’ajouter la haine. À la jumelle inséparable de l’ire. Celle d’Ashy était profonde et Verith pouvait la comprendre. Cette animosité était grande, la verte pourrait s’en servir pour repousser des faibles chimères à n’en pas douter. Mais peut-être pas les autres. Sa haine bien que forte restait toutefois fausse.

« Je suis surpris de te voir te servir de la colère et de la haine Ashy. Sans doute même ravi, mais tu es encore trop jeune pour comprendre la philosophie qui l’accompagne. Ta haine est puissante dragonne, pas autant que la mienne bien sûr. Malheureusement cette haine, Ashy, jamais elle ne grandira. Car elle est fausse. »

Verith déploya davantage son esprit et vint balayer la colère de la dragonne ainsi que sa haine comme si elle n’avait été qu’un simple fétu de paille au milieu d’un ouragan. Mettant dès lors temporairement fin à l’entrainement.

« L’ire … et l’animosité que tu voues à Fabius Kohan sont vraies. Elle est forte et pourra le devenir encore plus. Mais celles que tu voues à Alford Gorder… je suis au regret de t’apprendre qu’elles sont fausses. »

Le rouge garda un moment le silence.

« Je suis au courant de ce qu’a fait Alford Gorder, Ashy. Il est accusé d’avoir poignardé ton lié, il a trahi et vendit la rébellion à Fabius, ce qui a entrainé cette bataille et ce carnage. Mais Alford n’est coupable que d’une seule chose petite émeraude. Il a fait confiance à Edwyn Ruddy. Et c’est bien parce qu’il a fait confiance. C’est bien parce que Edwyn lui a menti et c’est servi de lui, que tous ces évènements ont eu lieu. »

Verith redressa le museau, venant dodeliner de la tête.

« J’ai accusé Edwyn Ruddy de beaucoup de maux Ashy, et apporter des preuves pour beaucoup. Je sais que je n’ai pas réussi à te convaincre à ce sujet, mais au moins je t’ai suffisamment mis en garde pour que tu ne lui fasses pas confiance aveuglément. Peut-être que cette fois-ci tu comprendras pleinement le danger que représente le créateur du lien. »

Le rouge fit un pas en arrière, se grandissant.

« Parce qu’il lui a menti tout comme à moi, je lui ai fait une promesse. Parce que tout comme moi Alford a souffert des agissements d’Edwyn, je l’ai placé sous ma protection. Ashy, tu voulais savoir qui sont les bipèdes que moi, Verith, qui les hait plus que toutes choses, a bien pu placer sous ma protection. Et bien le premier d’entre eux est Alford Gorder. Celui vers lequel ta haine est dirigée, celui duquel tu tires ta colère. »

Le mâle se tut, attendant la réaction de la verte qui serait peut-être sulfureuse. Elle aurait du mal à le croire à ne pas en douter, mais Verith pourrait sans difficulté prouver ses dires. On ne peut mentir face à lui désormais. On ne peut camoufler ses véritables émotions face à lui.

¤ La vérité ¤

La surprise provoquée par l’utilisation de la colère avait quelque peu fait reculer l’esprit du rouge lors de l’entrainement. Il en fut de même quand Alford apparut dans les sentiments de la jeune verte, provoquant la tristesse au sein du dragon. C’était toujours difficile à admettre pour lui qu’il était triste au sujet d’un bipède. Mais il avait placé celui-ci sous sa protection, cela paraissait donc un peu moins bizarre. Ce n’était plus la même logique qui fonctionnait ici. Les paroles de Verith créèrent une fois de plus l’incompréhension. Pauvre dragonne verte, il l’emmenait décidément d’ouragan en ouragan, il allait la perdre à force. Mais cette fois, il pouvait apporter pleinement des réponses.

Comment il s’y attendait, la réaction de la verte de fut pas fameuse. La colère, une virulente colère, mêler une certaine incompréhension. Une colère aussi dirigée contre lui, lui qui avait placé Alford Gorder sous sa protection. Bientôt elle saurait tout, bientôt elle comprendrait. Encore faut-il qu’elle accepte de se laisser convaincre. Fort heureusement pour lui, la jeune verte ne décida pas de partir sans rien dire, mettant fin à leur rencontre après cette révélation sans espoir de s’expliquer. Non la petite émeraude resta là, armée d’une placide colère.

« Je suppose que tu as donc sa vie sous ta protection et que cela me refuse le droit d'en disposer si je le croise ? Si tel est le cas, je respecterais ça, et je ne le tuerais pas... Je ne dis pas qu'il sortira indemne d'une rencontre avec moi, mais il en repartira en vie. »

Verith ne put s’empêcher de sourire. La petite était tenace. Mais au moins comprenait-elle qu’elle ne pouvait plus disposer de la vie d’Alford comme elle le souhaitait. Toutefois sa colère la poussait encore à pouvoir le blesser. C’était compréhensible, mais l’humain était sa protection, il ne pouvait laisser cela se produire. Cependant, mieux ne valait-il pas batailler sur ce point pour le moment.

« En revanche, ne me dis pas de ne pas poser plus de questions sur ce sujet là, il... Il faut que je comprenne pourquoi. Pourquoi parmi les innombrables bipèdes il a fallu que ça tombe sur ce... sur ce traître ! Tu accuses Edwyn, mais dis-moi une chose à ce sujet là. Edwyn l'a-t-il forcé et contraint d'attaquer mon lié ? L'a-t-il forcé contre sa volonté de vendre la position et les détails concernant Aigue à Fabius ? Ou n'a-t-il fait que lui demander une chose vague, et Alford a ensuite décidé seul de commettre ces actes ? »

Il ne manquerait plus que cela, qu’il lui lance cette bombe et lui dise qu’il ne peut lui donner plus d’informations. Quoique le fait qu’il place un bipède, lui qui pourtant les hait, sous sa protection et que celui-ci soit accusé d’avoir poignardé un dragonnier et trahit la rébellion pour rejoindre un homme ayant utilisé Dévoreuse, devrait pourtant déjà suffire pour fracasser les accusations que l’on portait à Alford. Non, il lui dirait ce qu’il sait, tout ce qu’il sait. Gorder avait bien sûr commis une faute en livrant l’endroit où se trouvaient les rebelles, mais il subissait une pression psychologique qui l’empêchait de faire autrement. Il paierait toute sa vie les crimes qu’il a commis, en s’étant laissé manipuler, en portant sur la conscience tous les morts qu’il avait pu causer. Mais l’on ne pouvait le punir autrement. Verith s’en assurerait.

« Ashy. Je répondrais à toutes ces questions sur ce sujet. Si je ne peux répondre à une question que tu me poses, sache que c’est bien parce que je ne le peux même si j’ai beau le souhaiter ardemment. Je sens ton ire à mon encontre Ashy. Pourquoi ai-je placé si détestable individu sous ma protection ? Crois-tu Ashy, que j’aurais placé sous ma protection un individu ayant attenté à la vie d’un dragon au travers de son dragonnier, et rejoins par la suite un homme ayant utilisé Dévoreuse à l’encontre de ce même dragon, s’il n’y avait quelque chose en d’autre de dissimuler ? »

Le rouge envoya son esprit auprès de la dragonne, lui transmettant le souvenir des sentiments d’Alford qu’il avait pu capter grâce à sa malédiction lors de leur dernière rencontre. Un profond désespoir, une immense tristesse, un important sentiment de culpabilité. Les sentiments de l’humain défilèrent rapidement dans l’esprit de la jeune verte jusqu’à ce que Verith rompe le contact.

« Les sentiments ne trompent jamais Ashy. Ils sont les seuls à ne jamais mentir. Jamais. »

Le rouge reprit contact avec l’esprit de la dragonne pour lui envoyer les paroles d’Alford cette fois.

« L'agneau sacrifié? Vous savez donc? Edwyn vous en a fait part? Je ne sais pas quoi dire, des fois il faut bien qu'un agneau se sacrifie pour le troupeau effectivement. Edwyn m'a dit qu'il fallait le faire pour sauver Armanda... J'avoue moi-même que je ne sais pas, ce genre de chose est dur à porter, et maintenant tout le monde m'a tourné le dos, et pourtant il faut continuer, car il le faut... Mes mains... Sont rouges de sang, elles sont souillées... Ils sont tous morts par ma faute, j'arrive à peine à appréhender le fait que je suis responsable de tant de morts. Je n'ai jamais voulu cela à l'origine... Il m'aurait menti? Edwyn m'aurait menti, mais pourquoi? Qu'a-t-il fait? je sais qu'il faisait partie du peuple Tarenth, et ce qu'ils ont fait aux esprits, et à ce que vous dîtes il m'a tenu dans l'ignorance? S'il vous plaît Aile de Mort dit moi ce que m'a caché Edwyn. Que j'y vois plus clair, cette vérité qu'il ne m'a pas dit pour me tromper, ou bien en croyant que cela ne valait pas la peine de m'en informer. Je vous en prie que je puisse ainsi déduire la vérité dans toute cette affaire... »

Le contact se rompit une fois de plus après que Verith y est adjoint le sentiment de regret de la part d’Alford d’avoir provoqué la haine d’Ashy à son encontre.

« Edwyn a menti à Alford, il lui a menti pour attirer sa sympathie afin de lui confier une mission. Il lui a remis une pierre, une pierre permettant de voir l’avenir, une pierre qui lui permit de lever le voile sur une prophétie. Et c’est cette pierre qui s’est transformée en dague venant poignarder ton bipède Ashy. Lorsque cela est arrivé, Alford s’en est trouvé accusé, mais il n’était nullement au courant de ce qui allait se produire. S’il est parti par la suite trouver Fabius, s’il lui a livré la position d’Aigue-Royal, c’est bien parce qu’Edwyn Ruddy lui a dit de le faire. Edwyn lui a dit que des sacrifices étaient nécessaires. Il s’est servi de lui en lui mentant … Il s’est servi de lui comme il s’est servi de moi lorsqu’il m’a caché qu’il était le créateur du lien. Oui Ashy, il ne lui a pas laissé d’autres choix ! »

Le rouge se tut un petit instant son ire faisant un soubresaut avant de reprendre pour conclure.

« Ashy, je t’ai dit ce qu’Edwyn a vu lorsqu’il s’est servi pour la toute première fois de la pierre forgée par le souffle des dragons et imprégner de la puissance des esprits. Il a vu les elfes, les vampires et les humains se faire la guerre, les a jugés barbares et les a dès lors condamnés. Il les juge toujours aussi pitoyables. Les méprises et les jalouses toujours autant. Edwyn est le seul responsable de la bataille qui s’est produite ici Ashy. Il est le seul et unique responsable. Il aurait pu ordonner à Alford Gorder de ne pas livrer Aigue, mais il ne l’a pas fait. Car il méprise toujours autant les Armandéens. Leur vie n’a pas la moindre importance pour lui. Il les utilisera puis les jettera comme de vieux fichons. Alford Gorder n’a pas la moindre importance pour Edwyn, il l’a utilisé et l’aurait utilisé jusqu’à ce que celui-ci en crève, déchirer en lambeaux par les bipèdes ou par tes griffes pour des actes pour lesquels il n’est pas responsable. Mais je refuse cela, alors j’ai fait une promesse à celui-ci lorsque je l’ai placée sous ma protection. »

Verith cracha des flammèches par des naseaux.

« Je ferai éclater la vérité. »

¤ L’importance de la parole ¤

Verith ressentait distinctement le chaos dans l'esprit et le coeur de la jeune dragonne d'émeraude. Cela commençait même à lui donner le tournis. Cette malédiction était décidément une véritable calamité. Le rouge avait pu lui trouver des avantages bien sûr, il fallait voir un peu de bon dans son malheur pour ne pas perdre la tête, mais face à Ashy il avait l'impression d'être ballotté de droit à gauche avec violence au point tel qu'il en aurait mal au coeur. Pendant un long moment, le rouge ne dit pas un mot. Ce n'était pas à lui de parler. Il avait dit ce qu'il avait à dire, maintenant devait survenir la réaction de la dragonne, savoir ce qu'elle allait penser et dire de tout cela. Allait-elle croire le rouge ? Allait-elle déplacer sa haine ? Non, ce serait trop facile, bien trop facile. Verith avait conscience que cela ne se ferait pas une discussion. Cela prendrait du temps. Mais elle était néanmoins la première que le colérique devait convaincre. Pourquoi ? Parce qu'elle était sans doute la seule dont l'avis avait une réelle importance. Si un bipède prétendait porter un jugement, il l'écraserait. Mais pas la petite émeraude amatrice de citrons.

La réponse de la verte tarda un peu, mais arriva. Mieux vaux tard que jamais comme on dit. Mais Verith préférait que celle-ci prenne son temps pour assimiler et partager de nouveaux propos. L'aveugle zyeutait toujours les émotions de dragonne, les voyant tanguer et se déplacer. La haine envers Edwyn augmentant tandis que celle envers Alford s'étiolait petit à petit. Cependant elle restait présente, et les paroles de la verte le confirmèrent. Ashy parla longuement et justement. Le rouge ne put s'empêcher de sourire. Un sourire toutefois peu avenant, après tout il n'y pouvait, il avait toujours l'air menaçant. Son amusement n'était néanmoins pas des plus lumineux, au contraire celui-ci était sombre. Le rouge ouvrait légèrement la gueule, dévoilant ses crocs aiguisés alors que ses lèvres draconiques semblaient légèrement s'étirer. Pas vraiment un sourire, mais un sourire draconique tout du moins. Après tout, les dragons n'avaient pas un faciès fait pour être expressif. Seules certaines émotions filtraient plus que d'autres. Pour Verith c'était la colère et le renfrognement, mais bon, il était la colère incarnée. Un petit rire s'échappa de lui.

« Tu me ressembles tellement ainsi Ashy. Intransigeante … impitoyable … mais pourtant tout autant juste à la fois. Tu ferais une merveilleuse dragonne d’ire jeune émeraude. Je n’ai absolument rien à dire de réellement justifiable face à ton jugement. Et ce, parce qu’il est exactement comme le mien. Et ce parce qu’il s’agit du même raisonnement que moi. Ce même raisonnement qui me conduit à désirer en mon cœur l’annihilation des bipèdes pour tous leurs crimes. Que ceux-ci soient bons ou mauvais. Et pourtant en contradiction même avec mon raisonnement. Et pourtant en contradiction même avec ce que je suis, je viens prendre la défense d’un bipède. Penser qu’un jour nos rôles seraient inversés. Le destin est décidément ironique. Terrible et cruelle ironie qui m’exaspère chaque jour un peu plus. »

Le rouge referma sa gueule, faisant disparaitre son soi-disant sourire.

« Rassure-toi Ashy, à aucun moment je n’ai prétendu prendre la défense de Fabius. Je t’ai fait une promesse. Si l’occasion m’est donnée et que celle-ci est parfaite, je te le livrerais sans la moindre hésitation. »

Verith soupira quelque peu.

« En effet certains crimes ne peuvent être pardonnés. Malheureusement je ne laisserais quiconque toucher à Alford Gorder, car il est placé sous ma protection. Il m’appartient. S’il appartient à quelqu’un de le juger pour ce qu’il a fait. C’est moi et moi seul. Il est indéniable qu’Alford a, par ses actions, mener à bien des désastres. Cependant je ne le reconnais pas coupable de ces dites actions. Si j’ai placé Alford Gorder sous ma protection, c’est parce qu’il a été trompé par Edwyn, parce qu’il lui a menti. Si j’ai placé Alford Gorder sous ma protection … Les esprits savent que je m’en arracherais la langue … c’est parce qu’il me ressemble. Parce que tout comme moi il a été trahi par Edwyn, trahi par ses mensonges, manipuler. Parce que tout comme moi son destin s’est vu brisé par le tueur de destins. »

L’avatar de l’ire expulsa quelques flammes par ses naseaux.

« Je comprends ta colère dragonne. Elle est juste. Et je ne devrais pas m'y opposer. Tes arguments sont véridiques Ashy. Et je n'ai rien de juste à leur opposer sachant que ton raisonnement est le même que les miens. Alors en toute logique, je ne devrais pas t'empêcher d'exercer ta justice. Je devrais même t'aider. Seulement voilà, j'ai fait une promesse dragonne d'émeraude. Que celle-ci soit faite à un bipède, nuisible créature, n'a pas la moindre espèce d'importance. J'ai donné ma parole. Et sur mon honneur je la tiendrais. Je suis un dragon de l'ire, mais même celle-ci ne saurait remettre en cause une parole donnée. Et je ne me délie pas d'une promesse aisément. Alors je m'opposerais à toi Ashy. Je m'opposerais à ta juste colère et ton désir de justice draconique. Et ce quand bien même ceci est en contradiction avec ce que je suis, avec ce que j'aspire à être et avec ce que je pense. Car il n'y aurait plus grande honte que de trahir une parole donnée. Car la trahison serait la plus grande faute que je pourrais commettre. »

Le rouge leva l'une de ses griffes d'ébènes en direction de la petite verte.

« Cela signifie que si tu veux exercer ta colère sur Alford, je devrais être délié de ma promesse ou tu devras me faire face et m'écraser. Mais entend bien cela dragonne. Si ce moment venait à arriver. Je me tiendrais devant toi, mais ne braquerais aucune griffe face à toi. Je t'empêcherais uniquement à l'aide de mon esprit, parce que tu es la seule de tous les liés dont je n'éprouve pas le moindre désir de blesser. Alors si tu espères me battre si ce jour venait à arriver, il te faut t'entrainer. »

¤ Accord ¤

Verith laissa son regard, ou plutôt son esprit, glisser sur Ashy. Il regrettait de ne plus pouvoir voir. D'être plongé dans le noir. C'était dérangeant à la longue. Son esprit ne lui offrant pas une vision aussi claire que ses yeux. La petite verte était agitée. Autant mentalement que physiquement. Il la mettait en rage, ce n'était pas ce que souhaitait le grand rouge, mais il ne pouvait en être autrement. Lui aussi serait en colère. Sans doute se retiendrait-il même moins que la dragonne dont le seul geste agressif fut de trancher la fleur que Verith avait fait naître. Pauvre fleur. Dire qu'il s'était donné du mal.

La petite émeraude tentait de trouver un moyen de contourner la promesse que le mâle avait faite à Alford. Elle s’y prenait bien. Le fait que celui-ci soit coupable ou non ne changeait rien, Verith lui-même ne le considérant pas comme coupable quand bien même il l’était ou ne l’était. En revanche, que celui-ci rejette la protection du colérique en acceptant de faire face aux conséquences de ses fautes, le rouge pouvait l’accepter. Il n’appréciait pas vraiment, un protégé étant une chose lui appartenant et donc n’ayant pas réellement son mot à dire sur ses propres décisions, mais il pouvait faire sur l’heure une concession. Afin de ne pas enrager davantage Ashy. Surtout quand le sujet de Fabius allait revenir sur le tapis. Il se doutait bien que « le moment parfait » dont parlait Verith ne plairait pas à la petite émeraude.

Le colosse de flammes lui avait fait la promesse de lui apporter dès qu’il en aurait l’occasion. Et il aimerait sincèrement pouvoir le fait. Mais il ne pouvait prendre le risque de la dragonne le tue ou même que les rebelles ne l’emprisonnent. Fabius devait rester libre et en vie pendant encore un moment. Le temps que Vraorg soit défait … le temps que lui et Alford soient libérés.

« J’ai … »

Verith se coupa. Était-il utile de revenir sur le sujet de la Kohan ? De dire que ce qu’il avait fait était légitime ? Qu’il avait brutalisé cette dernière parce qu’elle avait insulté l’intégralité de la race draconique. Qu’il s’était montré clément en ne la tuant pas. Non, mieux valait ne pas en parler. Ashy encore plus le prendre en grippe.

« Si Alford accepte de faire face aux conséquences de ses actes. S’il rejette ma protection pour se livrer à TA justice. Alors je ne ferais rien. Je te laisserais le tuer de TA griffe. Mais si ton lié ou quelqu’un d’autre sous ses ordres tente de s’en prendre à lui, je serais dans l’obligation de le protéger. Bien entendu, je ne blesserais pas ton lié. Mais je n’hésiterais pas à tuer l’intégralité de ses hommes.»

Verith se tut à la suite de cela. Il n’avait plus rien à dire sur le sujet. Il avait été suffisamment clair. Seul Ashy pourrait prendre sa vie et seul elle en personne. À l’unique condition qu’Alford accepte et donc rejette sa protection. C’était étrange dit ainsi. Qui accepterait de se laisser tuer ? Mais Gorder était différent, il s’en voulait sincèrement pour ce que ses actes avaient causé. Il serait bien capable d’accepter de se laisser tuer.

À présent, il fallait traiter du cas Fabius.

« Je te livrerais Fabius, Ashy, je t’en fais la promesse. Je n’attendrais pas de lui tomber dessus. J’irais moi-même le chercher, cela sera aussi facile que de lui tomber dessus par hasard. Je ne laisserais personne d’autre que toi décider de son sort. Sa vie t’appartient et je défendrais ton droit si quelqu’un venait à attenter à sa vie. Néanmoins, te souviens-tu de ce que je t’ai dit en tout premier lieu ? Une fois que je serais parti, tu ne devras plus me faire confiance. Je tiendrais ma promesse. Mais je ne peux risquer de te mettre en danger en voulant la réaliser … trop tôt. C’est là ce que j’entends par ‘occasion parfaite’. »

Ce qui ressemblait vaguement à une moue se dessina sur les lèvres de Verith, tandis qu’il fronçait ses sourcils. Visiblement embêter.

« Crois bien que je n’ai aucune envie de te retirer l’espoir que tu as d’avoir Fabius. Ce qu’il a fait ne peut être pardonné. Mais il est des choses que tu ignores et que je ne peux te dire même si je le souhaite… »

Le rouge s’arrêta avant d’étendre son esprit, bougeant son museau lentement comme s’il cherchait quelque chose… attendait que quelque chose ne survienne de manière soudaine. Mais rien ne se passa. Verith se retint de lâcher un soupire de soulagement. Verith espérait que la verte comprendrait que quelque chose d’important s’était produit, non qu’il jouait la comédie pour se décharger d’une promesse. Cela serait étrange venant de lui, après tout Fabius avait usé de Dévoreuse. Il s’en était pris à un dragon. Deux crimes impardonnables à ses yeux. Mais cela Ashy devait le savoir.

¤ Proposition ¤

« Fort bien, comme je l'ai déjà dit, je ne poserais pas de questions sur ça... Même si j'espère bien qu'un jour j'en saurais plus. Et qu'en attendant mon imagination ne me trouve pas les pires explications possibles. Et que je me trompe sur mes déductions... En attendant, si je croise Alford, j'attendrai d'être également en ta présence pour... conclure notre arrangement, si tu souhaites qu'il en soit ainsi. Et j'attendrai Fabius avec impatience, en espérant l'avoir sous la griffe bientôt, que ce soit de ta part... Ou autrement. Même si par miracle il sauvait la vie de mon lié sur un élan de remords improbable, il n'échapperait pas à mes crocs... Non, à mes griffes. Je ne goûterais pas le sang d'un Kohan... Mais je rependrais le sien. Et personne ne pourra m'en dissuader. »

Les déductions d’Ashy, Verith ne les connaissait pas, mais en suivant le fil de ces émotions en suivant la peur qui naissait en elle et qu’il captait grâce à sa malédiction, le rouge était assuré que la petite verte comprenait la gravité de la situation. Car oui la situation était on ne peut plus sérieuse. Il était l’un des mieux placés pour le savoir. Toutefois, le rouge c’était suffisamment tourné vers l’avenir pour le moment. Ce qu’il avait fait là était plus que suffisant. La petite émeraude était intelligente et travailleuse. Elle serait prête si les choses devaient un jour déraper. Il n’en doutait pas.

« Ashy, j’ai entendu quelqu’un dire un jour que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Cette phrase … est d’une stupidité déconcertante, mais également d’une incroyable lâcheté. Car se maintenir sur sa voie. Choisir une voie et s’y maintenir, envers et contre tout, ne fais pas la personne un imbécile. Loin de là. Il faut beaucoup de courage pour suivre une voie jusqu’au bout. Ne laisse personne te dissuader de tes propres choix, de ta propre voie. Soit le seul maître de toi-même. Le seul. »

Le rouge se tût puis se retourna, déployant légèrement ses ailes comme pour être prêt à partir. Pouvait-il partir maintenant ? Oui, il le pouvait très bien, après tout pourquoi pas. Leur conversation terminerait très bien sur cette déclaration finale. Néanmoins, le rouge lui avait dit que, une fois partie, elle ne devrait plus lui faire confiance. Ne plus lui faire confiance jusqu’à ce qu’il soit en mesure de la regagner en accomplissant quelque chose. Mais quoi. Quel acte pourrait-il bien accomplir pour cela ? Le rouge n’en avait pas encore la réponse. Il ne devait pas encore y trouver de réponse. Il avait d’autres problèmes bien plus importants. Laissant un peu retomber ses ailes, il tourna le museau comme s’il regardait Ashy.

« Je t’ai dit que lorsque je serai parti, tu ne devras plus me faire confiance. Mais… mais je n’ai pas envie de la perdre immédiatement. Je ne suis pas obligé de partir avant que l’astre de lumière ne se couche. Tu es le premier dragon à qui je propose cela depuis longtemps... et le tout premier dragonnier lier, mais … »

L’enfant de l’orage s’arrêta à nouveau, détournant le museau pour regarder devant lui, avant de le lever pour faire mine de regarder le ciel. Ses paupières toujours closes, il étendit son esprit en direction des hauteurs célestes.

« Accepterais-tu de partager mon vol ? »

L'ire du dragon s'échappa peu après ses paroles, palpable et grande. Cette simple proposition suffisait à attiser la colère du rouge. Toutefois cette colère avait fuité d'instinct, venant couvrir la tristesse du colosse de flamme sans qu'il ne s'en rende lui-même réellement compte. Ressentant l'esprit de la dragonne, il crut bon de préciser pourquoi il était en colère.

« J’aurais aimé réserver ce privilège à mon frère. Mais il n’est plus là. Ce sera tout aussi bien avec toi, j’en suis sur. Tu le mérites amplement. »

Le rouge rappela son esprit à lui, avant de venir frôler celui de la dragonne. Non-ampli de sa colossale ire, mais de son infinie tristesse cette fois. Tristesse encore plus grande que la colère qu’il couvait. Tristesse qui était le premier four alimentant la colère qui est la sienne. Mais rapidement il la masqua à l’aide de cette dernière et éloigna son esprit de celui de la petite émeraude.

« Alors, qu’en dis-tu ? Promis, même si je suis aveugle, je ne te rentrerais pas dedans. »

¤ Jouons ¤

Voler avec son frère. Verith l’aurait apprécié… énormément apprécié. Beaucoup de dragons n’avaient pas la notion de lien du sang. Leurs enfants, une fois libre de voler de leurs propres ailes s’éloignaient de leurs parents. Idem pour les frères et sœurs. Mais le rouge lui, accordait une certaine importance à ce lien-là. Bien entendu, il avait un amour profond pour sa race un profond respect pour celle-ci et des sentiments encore plus compliqués à décrire. Par exemple, il désirait profondément défendre sa race, la voir devenir plus forte, qu’elle ne connaissait jamais le déclin, qu’elle poursuit toujours son apogée. Mais d’un autre côté, en apprenant l’existence de Vraorg, en apprenant ce qu’il avait fait, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine honte. Honte de ce que celui-ci avait fait. La sensation que celui-ci avait fauté et que c’était à un dragon de corriger cette faute en le tuant. Il avait un système de valeurs assez particulier. C’est notamment pour cela qu’il en voulait à la race vampirique et plus largement aux bipèdes qu’il voyait comme un tout, de ne pas avoir exécuté Lorenz Wintel pour ce qu’il avait fait. Bien entendu, ce n’était qu’un des fondements de sa colère envers eux. Mais il avait également une certaine fierté vis-à-vis de Vraorg. Parce que Väsà était tombée amoureuse de lui, parce que Väsà était tombée amoureuse d’un membre de la race draconique. Verith trouvait que l’on pouvait tirer une certaine fierté du fait qu’un esprit soit tombé amoureux d’un membre de sa race. Mais ce fait-là rendait l’acte de Vraorg encore plus impardonnable et la faute d’autant plus honteuse. Le colérique avait l’impression que le dragon blanc avait jeté l’opprobre sur l’ensemble des écailleux par cet acte de trahison.

Donc le rouge accordait de l’importance à la notion de lien du sang, c’est pour cette raison que, même s’il aimait voler en compagnie d’un dragon, il aurait encore plus apprécié de voler avec son frère. Malheureusement, cette possibilité n’était plus possible. Pouvoir profiter de la présence de son frère était désormais impossible. De façon irrémédiable d’ailleurs. C’était profondément regrettable d’ailleurs, car sans doute aurait-il pu apaiser la colère de Verith vis-à-vis des bipèdes, ou peut-être seulement des elfes, et le rendre moins critique au sujet du lien. Mais il n’était pas là et rien ne ferait changer d’avis Verith. Bien sûr, il y avait la malédiction de Vie… cependant la méthode employée par l’esprit, n’était pas ce qu’il y avait de plus diplomate. Il le forçait simplement, le contraignait. Or, il n’y avait rien de mieux pour renforcer la colère du rouge et le faire aller à l’opposer de ce qui était souhaité. Au final Vie n’était en rien différent d’Edwyn et de sa voix d’autorité, et même de Vraorg. Rien ne serait en mesure de faire changer le rouge. À part sa colère elle-même, après tout il avait bien pris deux humains sous sa protection. Alford en étant poussé par la colère envers Edwyn. Et Saemon parce que… ah oui, il l’avait intéressé. En quelque sorte. Venant se faire maudire par Vie, et l’humain en question blasphémant contre Mort. La colère encore une fois. D’un côté celle de Verith contre Vie et de l’autre côté celle de Saemon contre Mort. Mais ce n’était pas l’unique raison. Il y en avait beaucoup d’autres. Par exemple le fait que le bipède masqué soit un tueur.

Non, il existait deux raisons principales qui avaient poussé Verith à faire cela. Premièrement la colère. Mais même celle-ci n’aurait pas été suffisante au rouge pour le pousser à prendre deux bipèdes sous sa protection. Cette idée aurait suffi à donner des boutons au rouge l’année dernière encore. C’est la seconde raison qui ne l’avait non pas poussé, mais aidé à accepter … ou plutôt concevoir une telle chose. Placer quelque chose sa protection n’est pas ce qui refrène Verith… mais que la chose en question soit un bipède était une tout autre histoire. Qu’est-ce qui avait donc pu pousser le colérique à agir de la sorte ? Et bien, elle se tenait là, juste à côté de lui. Cette petite dragonne aux écailles semblables de l’émeraude. Si ces derniers temps Verith regrettait de ne pas avoir tué des individus à la première fois qu’il les avait rencontrés, cette dragonne n’était pas concernée.

Même si le rouge avait conscience de l’envie d’Ashy de le faire changer d’avis au sujet des bipèdes et du lien et que cela était totalement en contradiction avec les désirs et convictions du dragon de l’ire. Il laissait faire. En effet, c’est sans mentir que l’on pouvait dire que la petite émeraude avait réussi à gagner le respect du colérique. Comme il l’avait dit à Edwyn, même des ennemis peuvent se respecter. Bien que la liée ne soit pas son ennemi, il l’était pas les idées. Il pourrait donc dire que même des opposés peuvent se respecter. Oui, la force de caractère de la dragonne verte, sa propre colère. Et aussi cette sotte volonté de faire changer le rouge avait réussi à conquérir le respect de ce dernier. Bien qu’il ne l’envisage pas encore, au risque d’admettre sa défaite, Ashy était peut-être celle qui parviendrait à faire changer Verith, ou du moins le rendre moins obtus. À défaut de la malédiction.

C’est sans conteste que cela allait plus loin que le respect. En effet, le rouge appréciait Ashy en dépit de leurs profondes différences. Les extrêmes s’attirent après tout. Elle avait gagné son respect, ainsi que sa sympathie. La verte était habile, bien plus habile que les autres dragons et savait naviguer dans les eaux tumultueuses de l’océan de rage qu’était Verith. Or, elle avait encore beaucoup à apprendre sur lui. Haine, colère, tristesse et bien d’autres. Si elle était parvenue à franchir la première étape en domptant la haine de Verith au regard de ce qu’elle était, permettant ainsi au rouge de la voir d’un œil différent, la colère de l’enfant de l’orage serait une étape autrement plus complexe à franchir. D’autant plus que les évènements actuel et futur ne l’aideraient en rien. Mais le colosse de flamme ne doutait pas des capacités de la jeune verte. Elle devrait y parvenir. Cependant, Verith restait confiant. Lui aussi désirait faire changer Ashy. À défaut de vouloir la tuer comme il avait tenté de le faire avec les autres liés, il voulait la faire changer. Et plus elle avançait vers lui, plus il faisait un pas vers la victoire. La compréhension, là était la clé, à ’était l’épée… mais c’était à double tranchant. Et l’avatar de la colère comptait bien se servir de cette compréhension pour imprégner sa vision à Ashy. Mais pour cela, il devait lui aussi comprendre Ashy, et sa vision. C’était un jeu dangereux, il était soumis au même risque. Un combat autrement plus compliqué qu’un simple affrontement physique.

Mais dans tout combat, une trêve... un entre-deux-guerres existait. Et c'était justement ce que proposait le colérique à la dragonne d'émeraude. C'était un moyen de la récompenser en quelque sorte, même si une telle vision était un peu offensante. Après tout, elle avait amplement mérité ce que Verith lui offrait. Il aurait aimé attendre plus longtemps avant de lui offrir pareil honneur, mais l'avenir était incertain. Aussi préférait-il le faire maintenant que le regretter plus tard.

Un honneur de partager son vol ? C'est un peu présomptueux de la part de Verith. C'était pourtant bel et bien un honneur. Un privilège. Mais ce n'était pas voler à ses côtés qui étaient un cadeau. C'était la place qu'il offrait. Et au travers de sa malédiction, le maudit ressentait les sentiments de la dragonne et était plus que satisfait. La jeune verte avait parfaitement compris ce qu'il lui offrait. Elle était le premier dragon lié à partager son vol. Cette place, Verith l'avait réservé à son frère. Néanmoins, ce dernier n'était plus. Verith offrait cette place à Ashy. La place qui aurait normalement dû revenir de pleins droits à son frère. Si Cymbor l'avait mérité sans n'avoir rien fait, la verte elle avait tenu tête au rouge dans un débat d'opinion plus qu'acharné jusqu'à présent. Elle le méritait largement le cadeau que lui offrait le colérique. Et le fait qu'elle comprenait que cela le touchait.

« Ce sera un honneur que de partager un vol avec toi Verith. Je sais que nous n'avons pas toujours le même point de vue sur le monde... Rarement même, bien que nous discutions de façon acharnée sur nos convictions. Je ne crois pas qu'un jour tu verras les bipèdes comme je les vois, et je ne crois pas que je les verrais un jour comme tu les vois... Je sais ce que tu penses du lien, aussi... Mais te suis profondément reconnaissante que tu ne laisses pas ça se placer entre nous, et que tu... Qu'en un sens tu me traites comme une dragonne, et non comme une liée. »

« Tu as su gagner mon respect Ashy. Même les opposés peuvent se respecter. Tu te donnes beaucoup de mal envers moi. J’en ai conscience et c’est ce qui a contribué à gagner mon respect. Tu es peut-être une dragonne liée, mais ce respect que j’ai pour toi me permet de passer outre cela. Ce ne fut pas facile au début. Ça l’est encore moins aujourd’hui avec ce que j’ai pu apprendre d’Edwyn. Ma haine du lien est forte. Mais je n’accorde pas mon respect à n’importe qui et seule une faute grave permet de le perdre. Vois un peu cela comme mes promesses. Tu as largement mérité le mien. J’espère gagner ton respect également. Nous sommes ennemis par les idées et par nos conditions respectives, à la seule vue de mes valeurs. Mais en dépit de tout cela Ashy, plus que te respecter, j’ai appris à t’apprécier. Et je suis d’autant plus heureux de cela, que je sens que tu as compris le présent que je t’offre aujourd’hui. Plus qu’un vol, c’est la place qui aurait dû revenir à mon frère que je t’offre aujourd’hui. Tu l’as … plus que mérité. »

La tristesse de la dragonne parvint à Verith. Il est vrai qu’ils ne seraient jamais autant éloignés qu’à l’avenir. D’habitude, le rouge n’allait peut-être pas régulièrement, mais souvent. Or là, une longue période les séparerait. Et le colérique ne prendrait pas le risque d’aller la voir. Le colosse baissa un peu la tête regardant le sol. Son air d’habitude renfrogner et irascible sembla disparaitre de son museau, ses sourcils draconique se baissant un peu, semblant prendre une mine triste.

« Je ne sais qu’une seule chose. Ce ne sera pas l’unique fois que nous parcourons le ciel ensemble. »

Le colérique aurait pu parfaitement ne rien dire. Ne pas répondre à l'émeraude, car la question de celle-ci était purement rhétorique. Oui il partirait pour longtemps et elle aussi en avait conscience. Cependant le rouge avait préféré parler. Placer une goutte d'espoir pour aider Ashy à combattre la tristesse. Accompagnant cela, le rouge redressa le museau, se grossissant un peu. Il se fit fier, il se fit fort pour que la dragonne garde en tête cette image. Il ferait tout pour chasser Vraorg de son esprit et revenir auprès d'elle pour regagner sa confiance qu'il perdait aujourd'hui.

Déployant ensuite ses larges ailes, le colosse grenat poussa sur ses pattes avant de battre des ailes pour prendre son envol. Bientôt suivi de la dragonne. Il continua son ascension pour prendre de l’altitude avant de se maintenir, battant lentement l’air pour éviter de descendre. Usant de son esprit il s’assura de l’emplacement de la dragonne, ralentissant si nécessaire. Gardant le silence, profitant de cet instant, il se perdit peu à peu dans ces pensées. Ce qu’il faisait là, c’était en quelque sorte une défaite de sa part sur Ashy. Étrangement, cela ne le rendait pas malade. Soit, il laissait cette victoire à Ashy. Mais elle ne gagnerait pas encore la guerre loin de là. Profitant donc de cette défaite, le rouge vint se repenser aux paroles de Vie. Était-il bouffi d’arrogance et de colère maintenant ? Oui il était arrogant, il en avait conscience en certaines occasions, mais il ne trouvait pas cela mal. Cela faisait partie de sa personnalité et cela lui convenait ainsi. Quant à sa colère. Oui il était en colère, mais il avait ses raisons. On ne pouvait lui reprocher. Alors pourquoi Vie l’avait-il fait ? Ah oui, car elle l’aveuglait. Peut-être, oui peut-être, seulement peut-être qu’il avait raison. Après tout n’était-ce pas en raison de sa colère que la dague avait été détruite et Vraorg libéré ? Non, ce n’était pas de sa faute. Il n’avait pas voulu la libération de Vraorg ou la destruction de la dague. Par ailleurs, ce n’était pas lui qu’il l’avait détruite, il n’en avait pas la capacité. C’était les esprits qui l’avaient fait. Il voulait simplement s’en prendre à Edwyn. Il en avait parfaitement le droit ! Vie lui-même avait reconnu que son désir de vengeance était compréhensible et il ne l’avait pas condamné, seulement qu’il cherche à l’appliquer en sa présence, dans son palais. Non, il n’était pas en tort sur le coup. Certes sa colère était l’un des responsables de la libération de Vraorg. Mais Edwyn l’était tout autant. Il avait menti, depuis le début et à tout le monde. Alford ne se serait pas détourné de sa mission si celui-ci ne lui avait pas menti.

Aujourd’hui, cherchait-il encore à imposer plutôt qu’à voir autour de lui ? Pas totalement et pour preuve, il volait en ce moment même avec Ashy. Il l’écoutait et prenait en considération ses arguments alors qu’elle était une dragonne liée. Il avait même placé sous sa protection deux bipèdes. Ce n’était pas rien. Même un pas phénoménal au vu de ce qu’était le rouge.

Qu’elle était donc la réponse qu’il devait apporter à ce maudit esprit ? Qu’il avait tort et que lui avait raison ? Plutôt mourir ! Son honneur ne s’en relèverait pas. Quoi dans ce cas ? Que les bipèdes ne sont pas pareils comme le disait Ashy et que donc, le fait que certains dragons aient décidé de se lier avec ces « saints » soit acceptable ? Foutaises ! Jusqu’à présent aucun bipède n’est venu corroborer cette version. Même en l’ayant demandé, aucun n’est parvenu à lui montrer ce ou ces bipèdes. Et quand bien même, comment pourrait-il accepter ces bipèdes comme acceptables alors que par le passé les lier ont poussé leurs dragons à s’entre-tuer aussi bien entre lier qu’entre libre et lier. Le rouge fit trembler son poitrail par un léger grondement avant de quitter ses pensés pour revenir sur l’instant présent en profiter. Il devait se changer les idées.

« Ashy ? »

Le ton du dragon se fit presque méconnaissable. Il était doux, joueur, enjoué et dépourvu de toute colère. La petite verte avait été déroutée tout du long de leur conversation, et cela aller continuer jusqu’à son départ.

« Ma sœur et moi jouons à un jeu lorsque j’étais petit. Cela te dirait ? »

Verith connecta son esprit à celui de la dragonne pour lui envoyer des images. Estelen et lui étaient seuls dans les cieux. La grande bleue était au-dessus de lui à quelques mètres et crachait de petits nuages de fumée qui venaient prendre la forme de cercle. Le rouge venait passer dedans, suivant le parcours créé par sa sœur, sans devoir en manquer un seul. Le colérique attendit la réponse de la douceur verte, se préparant si elle acceptait.

¤ On ne peut me reprocher de ne pas avoir essayé ¤

Le rouge avait décollé, faisant aussi bien trembler la terre où il se trouvait que les cieux sont les vibrations provoquées par son envol. Il espérait simplement ne pas avoir créé trop de turbulences qui compliqueraient le propre départ de la petite émeraude. Elle n’était encore qu’un dragonnet il ne fallait pas l’oublier. Lui aussi l’était peut-être encore dans un sens quand il se comparait à certains des siens qu’il connaissait. Mais sur ce continent il était de loin le seul dragon adulte. Sa mère étant une autre histoire. Bien plus vieille et puissante que lui, elle n’était rien d’autre qu’une entité ancestrale. Verith avait espéré que les quelques mots qu’il avait pu lancer avant de prendre son envol avaient suffi à rassurer un peu Ashy, à calmer l’inquiétude et apporter une réponse à son interrogation. Cela eut vaguement l’effet escompté d’après ce que pouvait en suivre le colérique au travers de sa malédiction. Ressentir les émotions comme si elles étaient les siennes. Il n’aimait pas cela pour de très nombreuses raisons. Tout d’abord, car ces sentiments qui n’étaient pas les siennes venaient souiller sa douce colère, faisait entrer son cœur dans une situation de bipolarité. D’un côté ses propres émotions et de l’autre côté celles qui lui étaient extérieures. Son cœur auparavant dans une condition unipolaire n’appréciait guère cela. Son esprit non plus d’ailleurs. Mais plus encore, il avait l’impression de jouer les indiscrets, d’espionner ce que les autres pouvaient ressentir et l’aider à prévoir ce que ceux-ci pensaient ou comment ils allaient pouvoir réagir. Il n’aimait pas cela. Oh certes, cela avait un avantage lorsqu’il souhaitait se montrer désagréable envers quelqu’un ou obtenir des réponses … mais cette malédiction de pouvoir ressentir les sentiments des autres comme les siens … de pouvoir déterminer à partir de ces informations ce qu’ils pensent, ce qu’ils pourraient faire ou ne pas faire … cette sorte de prescience en quelque sorte. Oui il ne l’aimait pas, car cela lui rappelait vaguement Edwyn et sa possibilité de voir l’avenir. Et savoir qu’une parcelle de lui pouvait lui ressembler le rendait malade. La corrélation était mince et sans doute abusive, mais Verith avait toujours été penché dans l’extrémisme et cela lui suffisait largement.

Une fois de plus, le colérique sembla créer la déroute dans l’esprit de la jeune dragonne. Il allait finir par s’en vouloir d’ainsi la malmener. Mais la vérité était que la petite le connaissait très mal et ne savait pratiquement rien sur lui à vrai dire. En même le rouge n’avait rien fait pour éviter cela. Ne lui montrant que ce que les autres pourraient qualifier de « mauvais côté », ou du moins les moins agréables. Il ne se comportait pas sur Armanda comme il se comportait sur le continent des dragons. Enfin, pas totalement de la même façon. En particulier au niveau de ses rapports avec les autres dragons. Mais ceux-ci étaient liés et lui était libre.

« Je... Je serais... Oui, oui bien sûr... ce serait un plaisir de partager un moment comme celui-ci avec toi ! Ce serait un souvenir que je garderais aussi précieusement en moi que tu ne sembles l'avoir fait avec ta sœur. Et... Merci, Verith. »

Le colosse grenat ne répondit pas tout de suite. Oh il aurait bien pu répondre à cela, au sujet des souvenirs, mais il le ferait sans doute avec des mots durs qui relanceraient la polémique et les débats, estimant que ses souvenirs comme ceux-ci qu’elle devrait avoir, des souvenirs passés auprès des siens plutôt que ceux passer en compagnie de bipèdes. Toutefois le rouge se retint essayant de trouver une formulation plus agréable … plus compréhensive … moins agressive pour exposer son point de vue et déterminer un des points qui le dérangeait sur les conséquences du lien. Pendant qu’il tâchait d’y réfléchir, le rouge accéléra légèrement son vol pour être un peu en avance sur la petite émeraude. Volant un peu plus haut qu’elle, il le commença à cracher charger sa gueule de quelques flammes avant de venir expulser des ronds de fumée. Ainsi le rouge créa un parcours qu’Ashy devrait suivre. Étant plus ou moins difficile à certains endroits, demandant de faire preuve de plus d’agilité. Il fit tout cela en laissant l’esprit de la dragonne danser autour du sien, n’y faisant pas encore participer le sien.

« Te souviens-tu de notre première rencontre Ashy ? Tu m’avais montré cela. »

Dans la même seconde, le rouge renvoya à la dragonne verte les images et sensations qu’elle lui avait envoyées avant de prendre la poudre d’escampette suite à ce que Verith avait pu qualifier de vile souillure.

Citation :

Ashy, plus jeune de quelque mois, marche paisiblement dans une épaisse forêt qui borde la cité d'Aldaria, le soleil de midi tache le sol d'un jeu d'ombre et de lumière, à cotés d'elle se trouve Korentin ; elle se sent apaisée et épanouie, l'instant est parfait...
Changement de scène ; Ashy est dans les airs, son Lié est sur son dos, il discute paisiblement, loin des bas soucis de ceux qui sont cloués au sol...
Cette fois Ashy n'est qu'une dragonnette, elle est parvenue à échapper à la vigilance de son dragonnier, et à s'introduire dans les cuisines du palais, et elle se délecte de ces petits fruits acides que l'on nomme citron ...

« J’ai été révolté de voir cela. De voir l’un de miens, si petits, se promener l’air de rien à côté de ses êtres mauvais que sont les bipèdes. Je le fus encore plus en te voyant le transporter sur ton dos. Mais plus encore que tu considères cela comme des souvenirs heureux. »

Verith renâcla un peu avant de cracher une nouvelle série de cercle de fumée, complexifiant un peu le parcours.

« Pour moi des joyeux souvenirs c’est plutôt ce que nous sommes en train de faire là. Je ne pense pas pouvoir considérer ce que tu m’avais montré comme des souvenirs acceptables pour un dragonnet. Se sentir épanouis et apaisés auprès des bipèdes m’est inconcevable … en transporter un sur son dos est … insultant. Être réduit à l’état de simple monture … mais aussi le fait d’aller dans un garde-manger pour aller … justement y manger. Un dragon est censé chasser sa nourriture. Pas la collecter et la prendre après. Je ne trouve pas cela … sain ni même normal. J’aurais pu balayer ses souvenirs de ma mémoire. Les effacer à jamais. Mais je les ai conservés afin de pouvoir les mettre en balance. Afin de probablement essayer de comprendre, pour qu’ainsi on ne puisse me faire le reproche de ne pas avoir tenté.»

¤ Merci ¤

Le dragon grenat planait paisiblement dans les hauteurs célestes. Porter par le vent et par quelques coups d'ailes lorsqu'il perdait en vitesse ou en altitude, pour s'assurer d'avoir toujours de l'avance sur la dragonne de jade. Celle-ci passait sans grandes difficultés, faisant montre d'une grande agilité, entre les anneaux de fumée que le colérique créait sur son chemin. Parcours destiner à amuser et divertir la petite verte. Néanmoins les propos du plus vieux virent la troubler si bien qu'elle traversa la fumée d'un des anneaux, le faisant éclater sur son passage, dissipant les cendres flottantes en un petit nuage. Si le rouge pouvait voir, nul doute qu'il aurait ri un peu. Mais étant aveugle, il n'avait pu assister à cette scène comique. Une fois de plus, le colérique sembla jeter le trouble dans l'esprit de la dragonne. Cela n'en finirait donc jamais, pensa-t-il amuser.

Alors que l'enfant de l'orage aurait pu s'attendre à une certaine part de virulence de la part de la liée, quand bien même il s'était assuré d'adoucir ses propos pour ne pas se montrer trop agressif ou même catégorique. Ne doutant pas qu'il pouvait s'avérer blessant pour un dragon lié. Il n'en fut rien. Ashy au contraire conserva son calme et fit montre de sagesse. Une sans doute plus de sagesse que Verith qui n'était pas encore parvenu à ce stade à comprendre les liés. Non sans doute ne manquait-il pas de sagesse. C'était plus inconcevable pour lui en raison de ce qu'il avait pu vivre. Il ne manquait pas de sagesse sur le coup… ou peut-être un peu.

Cette fois-ci, ce fut au tour du dragon rouge d'être désarçonné par les paroles de la petite d'émeraude. Des paroles qui ne purent s'empêcher de faire naitre un certain contentement chez le dragon de l'ire. En dépit qu'elle soit en accord avec son mode de pensée, bien qu'elle ne puisse l'accepter. Ashy le comprenait. Elle comprenait ses pensées, le cheminement qui avait pu le mener à cela, pourquoi il pouvait ressentir ce qu'il ressentait. Elle pensait comprendre son point de vue. Certes le rouge ne doutait pas qu'il lui reste encore du chemin avant de comprendre la totalité le point de vue du dragon rouge, mais au moins avait-elle fait un premier pas.

Verith aussi aurait apprécié que la petite d'émeraude naisse libre. Il aurait aimé que tous les dragons naissent libres et non lier. Obliger de vivre avec un ou des bipèdes. Le colérique ne trouvait pas cela normal. Il ne trouvait pas cela sain ou même sécuritaire. Il ne parvenait pas à concevoir la chose comme quelque chose de bon ou même de profitable. Un dragon pour grandir et évoluer convenablement devait rester auprès des siens. Ce n'est pas là un protectionnisme à outrance, même s'il y en avait une pointe. Mais plutôt que les bipèdes sont fondamentalement différents des dragons. En rien ils ne ressemblent au dragon. Même si les sentiments se retrouvent chez que chaque créature vivante, ceux des dragons sont infiniment plus puissants. Aucun bipède ne pourrait ressentir une colère aussi grande que celle de Verith sans en perdre l'esprit. Ils n'avaient pas de point commun au regard du colosse de flammes.

Effectivement le rouge ne pouvait pas comprendre. Elle n'aurait sacrifié pour rien au monde son lien avec se dénommer Korentin. Peut-être devrait-il songer un jour à rencontrer ce bipède, espérant que cela se passe mieux qu'avec cette insolente Esmelda. Mais étant tous deux des Kohan, le rouge ne s'attendait pas à grand-chose. Mais peut-être qu'il pourrait se permettre d'être plus ouvert d'esprit du fait qu'il soit le lié d'Ashy. Il se permettait une relative ouverture d'esprit avec cette dragonne, peut-être y parviendrait-il avec ce bipède. Verith ne savait pas encore. La trahison d'Edwyn était encore trop fraiche dans son esprit. Sans doute le serait-elle toujours d'ailleurs.

« Tu peux penser que c'est ce lien qui... Qui a corrompu ma façon de percevoir tout ça », ah pour une fois que ce n'était pas lui qui le disait. Mais le colérique ne pouvait que s'en tenir à cette version. Le lien était une source de corruption. Verith se remémora l'instant où avec Edwyn, ils avaient observé le passé et le futur. Oui, à ce moment, le rouge était sûr qu'il avait expérimenté ce qu'était le lien. Ou du moins, Edwyn avait tenté de le faire. Néanmoins, même s'il gardait de vagues souvenirs, il ne conservait rien qui pourrait être rattaché à Edwyn. Aucune penser de celui-ci, aucun sentiment ou même fragment d'histoire. Rien du tout. Il l'avait rejeté à n'en pas douter. Même inconscient il l'aurait fait. Sa haine du lien était trop profonde, ancrée dans chaque fibre de son être. Quoi qu'il en soit que se serait-il passé s'il avait accepté ? Rien de bon, ça Verith n'en était sûr. Il aurait simplement encore plus souffert de cela du fait de la trahison du Tarenth.

« J'en suis venu à la conclusion que le lien m'apporte plus qu'il ne me coûte malgré tout », le colérique dodelina de la tête, s'échinant à comprendre. Le lien lui apportait plus qu'il ne lui coûtait. Verith fronça les sourcils. Non, il ne comprenait pas, il n'arrivait pas à trouver ce qui pourrait autant faire pencher la balance. Après il est vrai que le grenat et l'émeraude n'avaient pas la même conception des choses et n'accordaient pas la même valeur à tout. Mais pour l'avatar de la l'ire, le simple fait que lien empiète sur la liberté suffisait à la condamner. Ne parlons pas non plus du fait qu'il mettait en danger le dragon si on s'en prenait au lié. Non, non, le lien coûtait définitivement trop cher. Il y avait moins à y gagner … non … il n'y avait absolument rien à y gagner même. En finir avec la soi-disant solitude dont avait parlé Edwyn ?Pfeu, rien que le fait que cela soit ce traitre qui en ait parlé lui enlevait presque la totalité de sa valeur. Et encore, le rouge ne s'était jamais senti seul.

« Korentin me rend heureuse ». Non, l’enfant de l’orage secoua à la tête. Un bipède ne peut rendre heureux un dragon. Il ne peut lui apporter que du malheur, comme Edwyn. Un dragon se devait d’être heureux avec les siens, et rien d’autre. Verith avait ressenti du bonheur à être avec les seins sur le continent sauvage. Et il n’avait jamais rencontré les bipèdes. C’est la foutaise. Ce que le lien apporte, on peut facilement le trouver autre part. Le lien était dépourvu de toute utilité.

Un long grondement intérieur et agressif vint faire vibrer l’esprit de Verith lorsque la petite chlorophylle parla de confiance en un bipède. Ouai, lui aussi avait placé un soupçon de confiance en un bipède. Pour cela il avait récolté trahison et malédiction. La confiance en un bipède était presque l’équivalent à un blasphème dans l’esprit du rouge. Jamais plus, il n’accorderait sa confiance à un bipède. Jamais plus.

« Je crois... Je crois que pour moi... Tu vas me manquer Verith, aussi grognon que tu puisses parfois être... J'espère que tu reviendras bientôt, que je puisse t'exacerber un peu plus avec mes pensées idiotes de dragonnet tout juste sortie de l’œuf. »

Tournant lentement la tête en direction de la dragonne, passant l'éponge sur le fait de c'être fait traiter de monstre, même si pour lui les monstres étaient les bipèdes, il s'intéressa au sentiment qu'éprouvait la petite et au mal-être naissant en elle. Délicatement il passa son esprit sur sien, dépourvu de colère, en une caresse réconfortante. Alors qu'il ressentait lui-même le nœud dans la gorge que pouvait éprouver la petite dragonne. Certes, il n'en faisait pas tout un plat, confiant en ses capacités pour se sortir de toutes les situations, faisant sans doute preuve d'un peu d'arrogance. Mais c'était dans son caractère de se montrer fort en toute situation et peu importe l'ennemi.

« Allons ne tant fait pas Ashy. Je vais être un véritable monstre si je fais pleurer une dragonne aussi gentille. »

Dis le colérique avec une légère pointe d’humour dans la voix pour détendre l’atmosphère.

« Je te considère aussi comme une amie Ashy. Aussi idiote que tu peux me considérer grognon certes, mais tu as réussi à conquérir mon respect et mon amitié. Plus encore. En dépit de nos divergences d’opinions, tu as su comprendre mon point de vue. Tu ne peux certes pas l’accepter, mais tu le comprends et sais que je n’ai pas tort, du moins pas totalement. Et même si je doute être capable de faire un jour ce que tu viens de faire pour te rendre la pareille… Je te remerci et t’en suis reconnaissant noble dragonne. »

Oui, cela prouvait qu’il n’avait pas tort et qu’il n’était pas fou de penser cela en dépit de ce que tous les autres dragons liés avaient pu dire. En dépit même de ce que Vie avait pu dire.

« Tu me manqueras aussi Ashy. J’aurais aimé te donner le nom du continent des dragons, mais il n’y en a pas. Aucun ne lui fut donné. Les dragons n’accordent pas la même importance au nom que les bipèdes. Le nommer est donc apparu vide de sens. »

Le rouge continua à former des cercles de fumée pour que la verte progresse dans le parcours, le faisant toutefois plus aisé au vu du tumulte des émotions présentent.

¤ Empathie ¤

Il l'avait détesté, haï pour ce qu'elle était, mais aussi pour ce qu'elle avait fait à leur première rencontre. Puis il l'avait toléré, il avait toléré sa présence à ses côtés et il avait toléré que celle-ci lui adresse la parole. Puis en dépit de ce qu'elle était, en dépit de son dégout pour ce qu'elle représentait, le dragon rouge avait commencé à l'apprécier. Et maintenant, il lui accordait son respect et son amitié. C'était étrange, une telle évolution dans la mentalité de l'être qu'il était. Au moins cela prouvait aux autres qu'il n'était pas que haine et colère. Oh non, il était plein d'autres choses, mais son ire et son animosité prédominaient en raison de ce qu'était le monde actuellement, en raison des folles actions et des bipèdes, en raison des horreurs passées, présentes et à avenir. Il montrait de « bonnes » facettes de lui à Ashy. Il en avait plein d'autres bien entendu, mais elle restait encore dissimuler à la vue de tous. Le dragon rouge pouvait passer pour ambigu, ce qui n'était pas totalement faux. Néanmoins, en comprenant son comportement, en connaissant ses valeurs, son mode de pensée, il apparaissait très simple. Il suffit juste de le comprendre et d'apprendre à connaitre ce qui faisait de lui le dragon qu'il est aujourd'hui. Connaitre le pourquoi pour savoir le comment. Mais irascible et hermétique comme il était, mieux valait s'armer de patience et d'une forte volonté. Verith n'avait aucune envie de changer, en tout cas pas tant que tout ce qui n'était pas lui changeait également. Forte tête ? Têtu ? Ou alors déterminé ? Difficile à dire, un peu des trois sans doute.

Celui que les peuples de la paysannerie humaine avaient surnommé Aile-de-Mort volait avec tranquillité. Accompagner de la dragonne d’émeraude, jouant paisiblement. Créant des anneaux de fumée dans lesquels la plus petite passait. Souvenir d’enfance, doux souvenir qui deviendraient bientôt des souvenirs de jours tranquilles et paisibles. Des journées que l’on regretterait, des journées que l’on aimerait revivre, des journées qui aideraient à tenir le coup pendant les sombres moments qui se profilaient, des journées qui donneraient une raison supplémentaire de combattre. Un réconfort pendant les heures sombres.

« … »

Le colérique ouvrit légèrement la gueule, prenant une inspiration, alors s’apprêtait à parler. Mais quelque chose vint l’en empêcher. Une douleur le traversa, en même temps d’impurs sentiments touchèrent à son ire.

« Quelqu’un pleure… »

Le rouge serra les dents alors qu'il laissa échapper un grondement de colère et de frustration, luttant en son for intérieur contre cette malédiction de malheur que lui avait infligé Vie. Lui qui pensait être hors d'atteinte. Ils étaient pourtant hauts dans le ciel, aucune conscience ne devrait parvenir à l'atteindre. À moins qu'ils aient perdu de l'altitude à force de bavasser. Oui c'était ça. Le rouge gronda à nouveau alors qu'il battit des ailes plus furieusement pour reprendre de l'altitude, mais il n'y parvint pas. Une aile battait plus fort que l'autre, commençant à la faire virer sur la gauche. Rugissant puissamment, le rouge fit claquer sa queue dans l'air alors qu'il se stabilisa. Des flammes s'échappèrent de ses narines.

« Reste ici Ashy, je vais devoir faire quelque chose, j’en ai pour quelques instants. »

Oh oui, il allait faire quelque chose. Quelque chose qui ne lui plaisait pas du tout. Mais plus encore, une chose qu’il n’avait pas la moindre envie de faire. Une chose qu’on l’obligeait à faire. Venir en aide. Venir en aide à un bipède. Venir en aide à la vermine qu’il souhaitait exterminer. Il ne voulait pas qu’Ashy le voir faire cela. Elle savait déjà qu’il était maudit. Bien sûr, il ne lui avait pas tout dit, il ne lui avait pas parlé de son empathie, de son devoir d’apaiser les souffrances d’autrui, de son devoir de faire œuvre de vie, de son impossibilité à tuer. À vrai dire, elle n’avait pas besoin de savoir cela, Verith ne voulait qu’on sache cela. Il y avait certes plus honteux, mais il était Verith de l’ire. Qu’était donc la colère si elle était exempte de destruction ? Rien de plus qu’une bombe à retardement.

Verith battit à nouveau des ailes rapidement pour descendre en piquer, le vent se mettant à siffler bruyamment au contact de ses écailles et sa vitesse. Le dragon ralentit en approchant du sol avant de se redresser pour remonter. Profitant de la vitesse gagnée lors de la chute pour se rendre plus rapidement sur ce qui faisait résonner sa malédiction. Le rouge ne savait pas si Ashy le suivait. Il espérait que non, il espérait qu’elle ait fait ce qui lui ait demandé de faire. Même si cela serait étonnant. Et si jamais elle le suivait, il espérait en avoir fini avant qu’elle ne débarque. Ce qui n’était pas encore gagné.

Ce qui se passait apparaissait clairement dans l'esprit du dragon rouge. Un bipède ... un gamin bipède humain semblait s'être blessé, un cheval hors de contrôle lui avait foncé dessus et depuis il ne régissait plus. Les pleurs étaient ceux d'une femme, sans doute sa génitrice. Bah, tout cela apparaissait comme pitoyable aux yeux du dragon. Mais à son plus grand malheur, il n'avait pas le choix. Le village ou plutôt ... une sorte de ferme plantée au milieu des champs apparut à l'esprit du colérique qui freina violemment avant d'atterrir, faisant trembler le sol et soulevant un nuage de poussière.

Le nuage disparut rapidement après un nouveau battement d’ailes du colosse de flammes qui provoqua une bourrasque. L’étonnement, mais également la frayeur était lisible autant sur le visage que dans l’esprit des humains. Le père du gamin blessé semblait avoir rejoint la mère et l’enfant. Verith apparaissait comme menaçant, sa posture laissant présager celle du combat, vieille habitude qu’il avait prise en apprenant à atterrir, celle d’avoir toujours l’air agressif. Un nouveau rugissement retentit alors qu’il ouvrit la gueule, inspirant l’air et concentrant sa magie.

¤ Empathie ¤

Verith rugissait intérieurement contre sa malédiction qui lui ordonnait de venir en aide à la personne qu'elle lui faisait entendre. Des pleurs, des pleurs qui semblaient le transpercer de part en part. Il était haut pourtant, très haut dans le ciel là où rien ne devrait l'atteindre. Et pourtant les misérables limaces que sont les bipèdes parvenaient à l'atteindre. Maudite malédiction et maudit Vie. S'il devait trouver un moyen de se débarrasser de cette première, il devait également trouver un moyen de se venger du second. Simplement se venger ? Le rouge doutait que cela soit suffisant pour rassasier son ire. Néanmoins, avant de pouvoir rêver atteindre ce dernier, il devait se débarrasser d'un autre qui lui barrait la route. Les années qui allaient suivre ne seraient pas de tout repos. Le colérique avait intimé à Ashy l'ordre de rester ici, de ne pas bouger, d'attendre patiemment son retour. L'enfant de l'orage ne voulait pas qu'elle le voit faire ce qu'il allait faire. Il ne voulait pas parler de ce sujet, il estimait que personne ne devait le savoir, personne de plus en tout cas. Une seule était déjà bien de trop. Il est dangereux de dévoiler ses faiblesses, sauf quand on sait les utiliser, or le dragon libre ne savait pas encore comment il pourrait exploiter celle-ci. La malédiction de Vie était plus un poids mort d'autre chose. C'est rapidement que le colosse de flamme se rendit vers la source des pleurs. Il y découvrit une femelle bipède proche d'un autre bipède plus petit. Probablement son enfant. Celle-ci pleurait à chaudes larmes alors que son rejeton ne répondait pas. Lors de son arrivée, le père du blessé avait rejoint la scène. Tous deux, le père comme la mère étaient effrayés par cette apparition soudaine qui ressemblait plus comme un malheur de plus qu'une véritable salvation. Le père dans un élan de courage, ou probablement de folie. Oui ce ne pouvait être que de la folie aux yeux du dragon rouge. Se plaçant entre les deux membres de sa famille, sa fourche à la main et la pointa en direction du rouge. Les sourcils de celui-ci étaient froncés, semblant vouloir montrer une certaine forme de détermination. Pourtant tout son être était branlant, tremblant comme une feuille au gré d'un vent hivernal. Tout chez lui puait la peur, et l'éclat du désespoir luisant dans ses yeux. Folie que cela, simple folie. L'esprit du dragon rouge éclata soudainement dans la zone, la couvrant de toute la grandeur de sa colère. Les pleurs de la mère cessèrent et l'homme se raidit, comme stupéfier, alors que son arme de fortune tomba au sol. Verith rugit ensuite mentalement et les deux bipèdes perdirent connaissance, s'écroulant au sol. Il était hors de question qu'ils gardent des souvenirs de ce qui allait se passer. Il n'était pas un gentil dragon auprès des bipèdes. Il voulait leur mort, leur extinction !

La gueule du mâle s’ouvrit ensuite alors que de la magie s’y concentrait et il souffla violemment sur la scène. Rien ne bougea pourtant. Ni les cheveux des bipèdes, ni leur vêtement. Même pas la poussière et la terre du sol se soulevèrent pour former un nuage de fumée. Non rien ne se passa physiquement. En revanche la trame sembla se gonfler à l’endroit viser sous l’excès de magie qui s’échappa du colérique. Ce même excès qui bientôt fut injecté dans le corps du garçon inconscient et blesser. Les plaies de celui-ci venant se refermer et les lésions guérir. Verith expulsa quelques flammes par ses narines avant de lever légèrement le bout du museau en direction des cieux. Voilà Vie ? Tu es content ? Pensa-t-il. Puis il se retourna, déployant ses ailes prêtes à partir pour retourner auprès d’Ashy. Soudainement son esprit qui se concentrait dans la zone vers laquelle où il s’apprêtait, remarqua la présence de l’émeraude. Les sourcils draconique du rouge se froncèrent, alors qu’un grondement de mécontentement secoua son poitrail.

« Ne t’avais-je pas dit de rester là-bas ? Tu n'étais pas censé voir cela! Qu’as-tu vu ?! »

¤ Empathie II ¤

« Ne t’avais-je pas dit de rester là-bas ? Tu n'étais pas censé voir cela! Qu’as-tu vu ?! »

Les sourcils froncés, à défaut de l'observer avec un regard rempli d'éclairs de colère, le museau en direction de la petite émeraude, Verith toisait Ashy. Il était mécontent et il avait de quoi. Cette petite n'avait pas fait ce qu'il lui avait dit de faire et de ce fait, elle avait assisté à une scène que le rouge aurait préférée sans spectateurs. Être pris en flagrant délit d'une opération contre sa nature profonde le révulsait. C'était déjà assez humiliant comme ça, il n'y avait pas besoin que plus de personnes soient au courant de sa condition actuelle. Suivant le cours des sentiments de la petite émeraude, le rouge se rendit compte que cette dernière était chamboulée, un peu perdu avec la question qui venait de lui être posée et ce qu'elle venait de voir. Verith n'échapperait sans doute pas au devoir d'expliquer son action.

« J'espérais que tu pourrais justement me dire ce que j'ai vu, mais je suppose que même si je le demandais tu ne répondrais pas... J'ai sentis que tu as utilisé la magie, mais je doute que ce soit pour utiliser d'une magie que je connaisse... A moins que tu aies soigné les personnes que tu viennes d'attaquer ou que tu sois venu pour réparer un de leurs objets... Ce serait étrange de ta part je suppose... »

La mine renfrognée du rouge se dissipa légèrement. Quoi, elle ne savait pas ce qu’il venait de faire ? La verte ignoraient donc autant les capacités que les dragons pouvaient bien posséder. En même temps, ce n’était pas bien étrange. Elle n’avait pas grandi auprès d’autres dragons. Elle n’avait pas été élevée par ses parents. Elle avait grandi auprès des bipèdes. Rien d’étonnant que son savoir soit brimé à ce point, même si elle bénéficie de la mémoire draconnique comme chaque individu de sa race. Les bipèdes étaient une nuisance dans le développement des dragons, Verith en était plus que persuader maintenant. Dans d’autres conditions, il aurait sans doute menti à Ashy, où il l’aurait même royalement ignoré. Mais cette ignorance apparaissait comme bien plus grave aux yeux du colosse de flammes. À la suite des paroles de la petite chlorophylle, le mâle laissa échapper un petit grondement agacé. Lui venir en aide aux bipèdes. De son plein gré ? Et puis quoi encore ? Autant se briser une corne sur une montagne.

« Je n’ai pas le pouvoir de voler leur mémoire de manière précise. Je me suis contenté de les assommer. D’assommer leur esprit en les brutalisant. L’esprit des bipèdes est faible en comparaison du notre. Je pourrais aisément les torturer en faisant s’embraser leurs esprits. Les rendre fou … Plus qu’ils ne le sont déjà en tout cas. »

Verith expulsa un peu de fumée noirâtre par ses narines avant de tourner légèrement le museau pour donner l’impression d’observer les bipèdes. Le plus jeune en particulier. Son esprit venant de concentrer dessus. La magie opérait lentement en lui, venant le guérir de ses blessures.

« Si cela peut te ravir. Alors oui. Oui je suis venu en aide à ces bipèdes, oui j'ai soigné la plus jeune de ces vermines. J'ai ensuite choqué l'esprit des deux autres afin de les faire s'évanouir et qu'ils ne gardent aucun souvenir de ce qui vient de se passer. Le dragon grenât, qui a dévasté les plaines humaines en brulant les villages et les fermes de l'est, restera à leurs yeux un destructeur et non le sauveur de leur progéniture. Si je n'ai que faire du titre que les bipèdes ont bien pu me donner du fait de mes exactions, je ne saurais tolérer qu'ils se surnomment en rapport des soins que j'ai bien pu donner. »

La queue du rouge fouetta l’air, produisant un claquement sonore traduisant le feu colérique qui brûlait en lui à cet instant. Il décrocha son museau de la direction des bipèdes pour venir le poser en direction d’Ashy.

« Je vais te donner des explications sur ce qui s'est passé, Ashy. Uniquement pour cette fois. Les dragons sont capables de se soigner eux-mêmes. Cela prend du temps, mais ils sont aussi capables de soigner les autres créatures en insufflant la magie en eux. Celle-ci se mettra alors à réparer les dommages qu'ils peuvent avoir en eux. Cela prendra du temps, cependant le petit bipède vivra une fois ses lésions guéri par la magie. »

Le colérique leva ensuite sa patte blesser par l’esprit du feu, pointant ses yeux clos sur la vilaine blessure qui avait fait fondre ses écailles.

« Du moins, presque toutes … »

Les mâchoires de Verith claquèrent bruyamment et il reporta son attention en direction de la dragonne d’émeraude.

« Ne te méprend pas Ashy. Je n’ai pas soigné ce bipède de mon propre fait. S’il n’avait été que de moi. Je l’aurais laissé mourir. Une vermine de moins sur Armanda aurait égaillé un peu plus ma journée. Je vais t’avouer quelque chose. Cela pourra peut-être s’avérer utile pour ce qui va suivre, lorsque tu ne devras plus me faire confiance. Cependant ce que je te dévoile, tu devras le garder pour toi. Me prendre la vue n’est pas la seule chose que Vie a fait. »

¤ Les Esprits ¤

Il n'était pas un pion. Il n'était pas une créature docile et soumise. Il était l'ouragan indomptable qui ravage ciel, terre et mer. Il était le feu tempétueux qui brûle les forêts qu'il pleuve ou qu'il neige. Le rouge n'était pas un être que l'on pouvait commander. Jamais il n'en serait ainsi. Verith n'avait qu'un seul maitre, sa colère. Sois lui-même. S'il ne faisait pas quelque chose de lui-même, alors rien de ce qu'il ferait apporterait du bon. Si on le forçait à faire quelque chose, à l'instant même où cette obligation lui serait levée, il ravagerait ladite chose et ce qui avait bien pu le forcer. La liberté, Verith n'aspirait qu'à cela. Et rien ni personne n'était en droit de lui retirer. Pas même les esprits n'en avaient le droit. Cependant Vie, rempli de son arrogance, ce l'était octroyé. Le sang du supérieur coulerait, le rouge s'en était fait la promesse. Et il tenait ses promesses. Peu importe ce que cela pourrait bien provoquer. Il le ferait. Vie avait voulu lui donner une leçon, alors il lui en donnerait une également. Il n'était pas son jouet. Il n'avait aucun droit sur lui. Doucement, le colérique reporta son attention sur la dragonne d'émeraude.

« Vie t'oblige à soigner les bipèdes ? Tu es descendu pour l'aider, car tu sentais sa douleur, n'est-ce pas ? Et je suppose que si tu n'en a tué aucun, c'est que tu ne... »

Ashy était une dragonne intelligente. Certes stupide et idiote comme il avait pu souvent le dire en raison de son comportement et de ses pensées. Mais il n'en demeurait pas moins que la petite dragonne avait une bonne capacité de réflexion. Tôt ou tard, elle aurait découvert ce que le rouge était en train de lui avouer. Il en était certain. Alors il ne servait à rien de lutter dans le cas présent. D'autant plus que cela pourrait s'avérer utile un jour pour l'arrêter si Vraorg l'utilisait à des fins peu recommandables. Ressentir la douleur et l'obligation de soigner. Deux informations qui pourraient lui être utiles, même si elles n'étaient pas complètes. Verith ne ressentait pas uniquement la douleur, mais de ressentir tout ce que les autres pouvaient bien ressentir au plus profond d'eux-même. Il n'était d'ailleurs pas obligé de soigner, mais obligé de faire œuvre de vie. Obliger d'empêcher la destruction, obliger de construire. Ashy avait néanmoins connaissance du nécessaire au goût du dragon. Il pensait que pour le moment, il était inutile de lui révéler toute l'étendue de son mal.

« Tes espoirs Ashy, ont été balayés par Vie à l'instant même où il s'est arrogé le droit de me priver de ma totale liberté. Tout esprit supérieur qu'il peut être, il ne possède pas ce droit. Je ne suis pas le jouet de cette créature infâme. J'aurais préféré encore mourir que subir pareille humiliation. N'est-ce pas une ironique contradiction ? Vie qui oblige à empêcher la mort d'arriver, alors qu'il est le frère jumeau de la mort elle-même ? »

Le colérique eut un petit rire sarcastique et forcer.

« Tu es un dragon comme moi. Nous sommes synonymes de liberté. Il est normal que tu ne puisses te réjouir de cette privation que je subis. Ton espoir force le respect Ashy, mais avant que je ne soigne un bipède de ma propre volonté, beaucoup de sang aura coulé. Et celui de Vie également. »

Oui, Vie avait braqué Verith. De manière définitive. Il n’apprendrait rien, absolument rien. Le rouge trouverait un moyen de se libérer de celle par un autre chemin que celui proposer par l’esprit. Et une fois que cela sera fait, il cherchera à se venger. Le dragon comptait faire tomber Vie de son piédestal. Il n’était pas un jouet, il n’avait aucun droit sur lui.

« Méfie-toi des esprits Ashy. Leur supériorité leur fait penser qu’ils ont tout droit sur nous. Ils pensent que parce que nous sommes leurs créations, nous leur appartenons et leur devons tous. C’est absolument faux. Ils se plaignent. Ils se plaignent de ce qu’ils ont créé. Ils se plaignent de la guerre des bipèdes, ils se plaignent de la trahison qu’ils ont pu subir. L’on ne peut créer une chose et se plaindre par la suite qu’elle détruise tout. Ils sont hypocrites. La création implique une responsabilité. Ils ont abandonné Armanda, abandonné leurs créations. Et ils se plaignent de l’état actuel des choses. Ils sont pitoyables. Arranger ou détruire, ce sont les deux seules options qu’ils ont. Mais ils se contentent de rester immobiles et de se plaindre. »

¤ Les Esprits II ¤

Tout arranger ou tout détruire. C'est les deux seuls choix qui existaient dans l'esprit du grand rouge. À l'instant où les esprits étaient intervenus dans l'existence de leurs créations, c'est l'unique solution qui leur restait. Leur intervention avait semé le désordre dans leur monde, et ensuite ils en étaient partis. Ils n'avaient pas le droit. Pas le droit d'agir, de semer le trouble puis de repartir sans rien arranger. Ils étaient venus auprès des Tarenth. Ces derniers par la faute d'Edwyn les ont trahis. Par la suite, les sept frères ont banni les Tarenth d'Armanda. Or, les Tarenth avaient une mission : permettre aux elfes, aux vampires et aux hommes de coexister en paix. En bannissant les Tarenth, en effaçant la mémoire des dragons, ils n'ont rien prévu pour assurer le bon déroulement de cette mission. Ils n'ont rien tenté pour corriger le changement de trajectoire qu'avait pris le destin par les actions de Ruddy. Ils n'avaient rien fait. Absolument rien fait. Voilà pourquoi Verith les jugeait hypocrites, voilà pourquoi il n'y avait que deux choix selon lui : arranger ou détruire. Mais les Esprits ont décidé de rester passifs. Alors, un être comme Vraorg a pu existé. Alors, la guerre a pu existé. Alors, les dragons se sont entre-tués. Alors, son frère est mort … Alors, sa haine est née. Le colérique tentait-il de donner une justification à sa colère ? À ses actes ? Et à ses actes futurs ? Non absolument pas. Il s'en moquait bien. Il cherchait juste à comprendre comment ils en étaient arrivés là.

« - C'est vrai, les Esprits pourraient tout détruire, ou tenter de tout arranger... C'est les deux choix qu'ils ont... Mais pas les seuls choix. Ne rien faire est également un choix possible, et au final rien ne les pousse à préférer un autre choix... Pourquoi se donner la peine d'agir s'ils peuvent se contenter de faire comme ils ont toujours fait ; observer sans vraiment intervenir ? Néant a bien prouvé ce qu'un Esprit qui intervient peut provoquer... »

L'inaction n'est pas un choix. Pas lorsque l'on a déjà agi. Il l'avait pourtant montré à Ashy, ce qui s'était passé avec les Tarenth. Que les esprits avaient côtoyé ces bipèdes sur Armanda et ce qui en avait résulté. Ils avaient déjà agi. Alors, ils ne pouvaient se permettre de ne plus agir. Néant … non, Väsà a également agi dans leur monde. Par le passé et récemment. L'intervention des esprits avait causé de profonds troubles à chaque fois et Néant en a payé le prix fort. Il était difficile pour Verith de se prononcer sur le cas de l'aînée des huit. Elle était tombée amoureuse d'un dragon et celui-ci l'avait trahi. Il ne pouvait décemment pas dire que l'arrogance et la supériorité de Väsà étaient à l'origine de son mal. Non, elle s'était laissée berner parce qu'elle était amoureuse. Ce n'était pas sa faute. Oh, on pouvait toujours dire qu'elle aurait dû être vigilante, mais ce n'était pas le cas. Pour Verith, Vraorg avait fait preuve d'une lâcheté sans pareil. D'une fourberie, d'une ruse déloyale. D'une force que le colérique ne reconnaissait pas. En revanche, en ce qui concernait les sept frères et leur accrochage avec Edwyn, ils en étaient responsables. Leurs arrogances, leurs supériorités. Ils avaient offert aux Tarenth un grand pouvoir, celui de voir l'avenir. Ce don seul est preuve de leur arrogance. Ils s'étaient laissé berner par Edwyn qui leur avait dérobé une partie de leur pouvoir avec la pierre des prophéties. Ils n'y avaient aucun sentiment positif, permettant d'expliquer leur absence de vigilance. L'arrogance, c'est tout bonnement l'arrogance qui était à l'origine de cet incident. La leur et celle d'Edwyn Ruddy. Au final, ils avaient bien fait leur création à leur image.

« - J'aimerais également te souligner un point... Tu détestes Edwyn, non ? »

Question purement rhétorique, Ashy connaissait déjà la réponse. Et la seule évocation de ce nom maudit suffisait à provoquer un sursaut de colère du rouge perceptible dans l’environnement. En revanche ce qui suivit manqua de faire s’étouffer l’enfant de l’orage. Si la condition de l’émeraude à son égard avait été différente, il l’aurait sans aucun doute tué à avant qu’elle ne finisse de parler. Cette insulte était sans doute l’une des pires que l’on pouvait faire au colosse de flamme. Lui ? Ressembler à Edwyn ? Autant se couper les deux ailes ! Par respect, il laissa la verte finir avant de prononcer dans une rage difficilement contrôler.

« Je ne ressemble pas à Edwyn Ruddy ! »

Verith frappa sa patte contre le sol, la terre éclata et se fissura autour d'eux sous cet accès de colère, matérialiser par sa force physique.

« Ruddy a dérobé aux esprits une partie de leur magie pour servir ses propres desseins égoïstes. Edwyn n’a pas cherché à défier les esprits. Il a fait preuve de ruse, de fourberie, de bassesse pour obtenir ce qu’il souhaitait. Et lorsqu’il l’a eu, il a accompli ce que son arrogance désirait. Quand il a observé l’avenir et a vu l’absence des siens, sa rancœur contre les esprits n’était rien d’autre que de la jalousie. Il est à l’image de ses créateurs. Un enfant gâté qui pensait que tout lui était dû. Ruddy a manipulé les siens afin qu’ils s’en prennent aux esprits. Ses actions ont eu des répercussions sur chacun de nous … sur la race des dragons. »

Le colérique serra les dents, le bruit de ses crocs s’entrechoquant étant parfaitement audible, sa mâchoire grinçant.

« La survie des miens. Des miens qui ont tant souffert par la faute des bipèdes est tout ce qui m'intéresse. Abattre la justice sur ceux qui ont blessé les miens est tout ce qui m'intéresse, c'est mon droit le plus légitime. J'ai voulu exercer cette dernière sur Edwyn. Et Vie m'en a empêché. Il m'a empêché de donner la mort à un individu qui a créé tant de souffrances aux miens. Il a pris sa défense et m'a maudit pour cela ! Il m'a maudit pour mes jugements ! Il a dit que moi, j'étais arrogant. Moi qui ne souhaite que libérer les miens des chaînes qu'Edwyn a créées ! Moi qui ne souhaite que rendre aux dragons leur liberté. Leur rendre ce qui leur appartient de plein droit ! »

Des flammes s’échappèrent des naseaux de l’avatar de la colère qui était furibond.

« Vie est devenu mon ennemi Ashy, son hypocrisie représente un danger pour les miens. Et je ne peux tolérer une chose qui représente un danger pour les dragons. Nous ne sommes pas ses jouets. Je ne le laisserais pas faire ce que bon lui semble comme il l'a fait avec moi. Si je suis prêt à faire courir un risque à ma race. Contrairement à Edwyn, je n'entraîne personne d'autre dans mon combat. Je combats seul, j'agis seul. Si je dois m'en prendre à Vie, je le ferais seul. Rien ne pourra être reproché aux miens si j'échoue. Avec LUI, ils ne nous ont rien reproché. Contrairement à moi, les esprits ne reprochent pas à l'ensemble d'une race les agissements d'un seul. Edwyn a mené tous les siens avec lui. Il n'a pas combattu seul. Et puis nous dragons sommes déjà parties d'Armanda, sans votre naissance, dragons liés, Armanda nous aurait également oubliés. »

Verith ouvrit la gueule, inspirant longuement, sa colère semblant revenir en lui, s’enfouissant doucement. Ashy ne comprendrait sans doute pas à qui il faisait allusion, mais d’ici quelques mois, elle aurait les réponses à toutes ses questions et tout deviendrait alors aussi clair que de l’eau de roche.

« Je ne supporterais pas une nouvelle humiliation, Ashy. Je ne me laisserais pas humilier à nouveau de la sorte par un esprit. Ils ne sont pas des êtres que je pourrais ignorer comme un lapin que je tuerais d’un simple revers de la patte. Ils sont puissants et peuvent m'obliger à leur donner de l’intérêt que je le veuille ou non. Je n’ignore pas la cause que tu défends, j’aurais même préféré que les esprits restent en dehors de cela. Mais vois-tu, Vie s’en moque bien. Il intervient dans notre propre combat d’idées et de volontés. »

L’esprit du plus vieux s’approcha de celui d’Ashy et vint le caresser. Une caresse amère et douce à la fois.

« Tu parles juste dragonne d’émeraude. Mais dans notre débat, si tu gagnes, Vie gagne également et sa malédiction est justifiée. Je n’aime pas que l’on m’impose des choses, que l’on attente à ma liberté. Je refuse donc de lui donner raison. Tu peux dire que je suis borné, ou que je manque de sagesse. Mais je te répondrais qu’à l’inverse je suis déterminé. À l’inverse des esprits, je ne reste pas passif, je n’ignore pas, je ne laisse pas les choses se dérouler. J’agis. »

¤ Parent ¤

Amitié, égoïsme, honneur, désir de protection, colère, lequel de ses sentiments prendrait le dessus le jour où il aurait l’occasion de détruire le lien. Le jour où il n’aurait qu’à tendre la griffe pour trancher cette magie infâme. La laisserait-elle vivre en raison de son amitié avec Ashy ? Déciderait-il égoïstement que le lien doit être détruit, car il représente l’un des moyens d’attendre Edwyn, un moyen de clore son conflit avec lui, un moyen de montrer que c’est lui qui avait gagné ? Ou alors l’honneur prévaudrait-il ? Il a dit qu’il détruirait le lien, tant de fois, il avait donc donné sa parole. Lui qui considérait que la parole donnée était une des choses les plus importantes. Serait-ce le désir de protéger sa race ? La protéger contre cette menace que représente le lien . Ou bien, sa colère prendrait-elle le pas sur lui ? La possèderait-il, l’obligeant à agir. Verith ne connaissait pas la réponse. Ou plutôt, il ne la connaissait que trop bien. L’amitié, les graines qu’Ashy avait plantées en lui germeraient-elles ? Non, l’amitié ne vaincrait pas en ce jour fatidique. Son désir de protection ? Son honneur ? Le grand rouge doutait. Oui, ce qui vaincrait probablement serait soit sa colère ou son égoïsme, bien que son égoïsme soit étroitement lié à sa colère et sa haine envers Edwyn. Finalement, c’est son ire qui serait le grand gagnant. C’est ce sentiment qui supplanterait Verith et le pousserait à agir pour détruire le lien lorsqu’il en aurait l’occasion. Peu importe les conséquences de son geste, peu importe qui peut être amené à le regretter après. C’était un triste de constat que faisait le colérique sur lui-même. Et pourtant … et pourtant cela semblait lui convenir. Il était un dragon de l’ire. Non un dragon de pardon. Il n’était rien d’autre que de la colère. Et c’est sa colère qui le sortirait des sombres heures dans lesquelles il se trouvait. Car si depuis le début il l’avait écouté. Il n’en serait pas là.

La secousse provoquée par le précédent coup de Verith au sol disparaissait, les dernières vibrations étaient absorbées par le sol. Les humains inconscients avaient bougé, au pied d’un pan de terre qui s’était soulevée. Ils n’avaient rien, c’était le plus important.

En silence, Verith suivit les mouvements de corps et de cœur de la dragonne. Allait-elle partir après cette dernière tirade en se rendant compte qu’aujourd’hui non plus elle ne pourrait pas faire entendre raison au grenât ? Y parviendrait-elle seulement un jour ? Le rouge avait toujours réponse à tout. Que se passerait-il le jour où il ne pourrait rien répondre ? S’avouerait-il vaincu ? Au contraire deviendrait-il violent ? Le rouge lâcha un petit grognement chassant ces pensées de son esprit. Il ne serait jamais vaincu, pas la peine de penser à cela pour le moment.

La petite verte sembla s’approcher de lui, l’odeur des bipèdes entourait Ashy, ainsi que celui d’un en particulier. Mais également une touche sucrée et fruitée. Verith ne saurait dire de quel fruit cela pouvait bien provenir. Son régime se composant plus de chair animale que végétale. L’émeraude vint se poser entre ses deux pattes. Elle était si petite en comparaison de lui. Combien de personnes avaient été positionnées entre ces deux membres avant munies de griffes d’ébènes semblant capables de trancher tous et n’importe quoi ? D’après son souvenir, il n’y avait eu qu’Edwyn, lorsqu’il avait fait face à Vie avant d’apprendre la vérité. Le colérique aimait à penser que tout ce qui pouvait se trouver entre ses deux lames d’ébènes n’avait rien à craindre … autre que la fureur qui pouvait les habiter. Le rouge sentit l’esprit calme de la dragonne d’émeraude glisser contre le sien, calmant un peu le feu qui bouillait en lui.

« - Ton arrogance et ta colère vont me manquer... J'espère qu'à notre prochaine rencontre je parviendrais à te faire partager quelques-uns de mes avis, de mes points de vue... Tu sembles... Tu ne sembles pas les rejeter... Au final, tu sembles même les comprendre mieux que ce que tu m'avais laissé penser... Mais je ne perds pas espoir, car... Et bien, c'est ce que font les amis entre eux après tout... Je crois que j'ai du temps pour y réfléchir... À ta façon de parler, il semblerait que nous ne puissions pas à nouveau expliquer mutuellement inutilement nos points de vue à l'autre avant un certain temps... »

Lui arrogant ? Bon, sans doute qu'il l'est. Mais pour de bonnes raisons. Il souhaitait protéger sa race, l'entièreté de sa race contre tout danger. Et seul qui plus est, puisqu'il ne combat que seul. En revanche dire que sa colère lui manquerait surprit quelque peu Verith. En même temps, cette colère faisait partie de son caractère, même si pour les autres ce n'est pas forcément ce qu'il y avait de plus beau. Il fallait donc forcément l'apprécier un minimum. Ashy ne perdait pas espoir, c'est sans nul doute ce qu'il y avait de plus beau chez elle. Et ce qui poussait Verith à ne pas la considérer comme les autres dragons liés avec qui il se serait déjà battu à mort depuis longtemps. Avant un certain temps, c'est vrai que tous deux ne se retrouveraient pas comme aujourd'hui avant très longtemps. Et le colérique espérait ne plus la revoir avant de pouvoir converser librement comme avant sa rencontre avec Vie. C'est-à-dire, pas avant de c'être libéré de sa malédiction et libérer de Vraorg.

« - Il est ironique qu'en voulant te pousser à œuvrer pour la vie... Vie te prise des merveilles de la nature... J'espère que je trouverais le moyen de t'éviter un affrontement avec Vie... Même si je ne doute pas de ta force, Vie... Est-il seulement possible de rivaliser avec les Esprits ? Je n’aimerais pas apprendre que tu t'en es pris à eux, et que tu... »

Le chagrin qui parcourut la dragonne d’émeraude, Verith le sentit au travers de sa malédiction. Oui, il est possible de combattre les esprits, mais ce n’est pas une chose facile, ni une chose dont on ressort sans les moindres séquelles. Après tout, ce sont les créatures les plus puissantes qui existent, non ? Le dragon rouge ne préféra pas lui répondre, il était inutile de partir dans ce genre de conversation, en particulier lorsqu’il ne pourrait pas révéler la totalité des détails. D’autant plus qu’il n’avait pas envie de chagriner la jeune dragonne. Il ne dit rien d’ailleurs à ce qui suivit. Il ne pouvait pas voir le lien comme elle le voyait. C’était impossible. C’était une faiblesse, pire une souillure, une chaine même, une entrave à la liberté et la grandeur des dragons. Une chose qu’il ne pourrait jamais comprendre.

« - Ce lien est plus fort que l'amour qui peut exister entre deux dragons... Il fait partie de nous, au plus profond de notre âme... Et si nous en mourons quand nous perdons ce lien, ce n'est pas parce que notre lié est mort. Ce n'est pas comme si au moment où il meurt, une flèche venait se planter dans notre cœur... Nous pouvons continuer de vivre après la perte de nos liés, d'un point de vue technique. Ce qui nous emporte... C'est le chagrin. Le vide affectif qui se créé à la perte de notre lié... »

« Et tu trouves que mourir de chagrin est enviable ? »

Que créerait le vide dont parlait Ashy chez le dragon d’ire ? Que provoquerait-il ? Une partie de sa colère se nourrissait de la tristesse qu’éprouvait le colosse de flamme d’avoir perdu son frère, d’avoir perdu sa sœur, de savoir que des membres de sa race étaient morts. Que provoquerait une telle déchirure chez lui ? Elle ne donnerait que plus de force à sa colère. Et serait-ce une bonne chose ? Non …

« - Tu sais, je ne croise pas... Pas beaucoup de membres de notre propre race... J'ai croisé Möebius voilà quelque temps... Tu... Tu l’as déjà croisé aussi si je me souviens bien, et... Il ne t'a pas vraiment fait bonne impression... Mais d'un autre coté il me semble qu'aucun dragon lié ne t'a laissé de bonne première impression. Je crois... Je crois que si les choses s’améliorent en Armanda... Je crois que je lui demanderais de m'aider... De m'aider à... repeupler cette terre... Repeupler Armanda... Il... Il accepterait... Je crois... »

Le fils de l’orage suivit les sentiments de la petite verte un peu étonnée. Elle se livrait à lui sur son amour ? Le rouge ne savait pas s’il était le mieux placé pour discuter de cela, en particulier en raison de son point de vue. Mais si elle en parlait, alors Verith ne se gênerait pas pour dire ce qu’il pensait.

« Sur le continent, les mâles se battent parfois pour une femelle. L’amour existe ne t’y trompe pas. Mais le conflit pour obtenir cet amour existe par-delà l’océan. Par exemple mon père a dû se battre pour avoir ma mère. Ces confrontations peuvent être assez violentes. Je ne critiquerais pas cette absence de confrontation chez vous, les dragons liés. À vrai dire, il n’y a pas toujours affrontement. Ça arrive, mais pas à chaque fois. Tout dépend des individus. Pour ma part, je pense que j’apprécierais de me battre pour l’obtention de la dragonne que j’aime. Ça me permettrait de lui prouver ma valeur. »

Verith s'arrêta un peu avant de reprendre.

« Je ne suis pas sûr que te puisse comprendre de quoi je parle. Tu trouverais peut-être ça un peu barbare. »

Le rouge dodelina un peu de la tête.

« Mais c’est comme ça que je le conçois, car le père et la mère doivent être suffisamment fort pour protéger leur progéniture jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de se protéger elle-même. Tous les dragons n’ont pas la même vision que moi, mais la façon dont Skade m’a élevé me pousse à voir la chose ainsi. C’est pour cette raison, en écartant le fait que vous êtes des dragons liés et que vos œufs à peine pondus sont déjà directement enchainer à des bipèdes à cause de lien me révolte et me révulse, que je considère que le fait d’avoir des enfants n’est pas une chose à prendre à la légère. »

Le rouge souffla un peu essayant de rester le plus objectif possible. Savoir que les dragons liés procréaient ne le mettait pas en joie, bien au contraire. Ça donnait naissance à d'autres dragons souillés par le lien. Des dragons qui ne connaîtront jamais la liberté. La vraie liberté. Voir cette branche malade de sa race proliférer le rendait malade.

« Par exemple, j'ai rencontré Isyndar dernièrement, elle était enceinte. Sa décision était irréfléchie, même terriblement stupide. Elle va offrir son enfant aux bipèdes, pour le bien des bipèdes alors qu'ils ne le méritent pas. Elle va offrir une vie terrible à sa descendance, une vie dictée par la folie des bipèdes. Elle va plonger son enfant dans la barbarie des bipèdes. Mais plus encore, elle ne réalise pas ce que c'est que d'avoir un dragonnet. Son enfant va lui être arraché par un bipède, elle ne le verra pas grandir, comment un instinct maternel va pouvoir naitre en lui ? Même si j'ai peu remarqué que cet instinct disparaissait totalement à l'instant même où l'on était lié. Le rôle d'un parent est d'élever, de faire grandir, de protéger son enfant. Or Isyndar n'en est pas capable. Elle est jeune et inexpérimentée. Beaucoup trop d'ailleurs. Elle ne pourra jamais protéger sa descendance. C'est une chose que je juge inacceptable. »

Des flammes sortirent des naseaux du colérique alors que son ire fit un soubresaut dans son cœur.

« Je ne dirais rien quant au choix éventuel de ton partenaire Ashy, tu fais ce que bon te semble. Mais je ne peux que te conseiller. Si tu envisages d’avoir un dragonnet. Fais-le pour toi et uniquement pour toi. Ne le fais pas pour repeupler Armanda, ne le fais pas pour offrir un meilleur avenir aux bipèdes. Ne le fais pas pour redonner de la puissance à la trame d’Armanda. Fais-le uniquement pour toi, pour être mère, pour élever ton enfant, pour développer un instant maternel, pour le voir grandir, devenir fort et respecter, qu’il te fasse honneur et t’emplisse de joie. Mais le plus important. Soit en mesure de protéger ta descendance avant d’en avoir une. Soit puissante, car les bipèdes tenteront de te voler ton œuf, comme l’ont été ma mère et mon frère … Soit plus puissante que ta mère pour ne pas subir le même triste sort qu’elle. »

Était-il judicieux de parler de Naoma, la mère d’Ashy qui avait été obligé de donner sa vie pour protéger son œuf ? Verith pensait que oui, avoir un dragonnet n’est pas une décision que l’on prend à la légère.

¤ Conflit ¤

C’était sans doute la toute première fois que le dragon rouge avait parlé avant de bonne foi, de bonne volonté depuis qu’il avait rencontré Ashy, depuis qu’ils avaient commencé à converser. C’est sans doute parce que le sujet de leur discussion était d’une importance capitale sur laquelle le colérique ne voudrait pas prendre le risque de déclencher un conflit ouvert avec la petite émeraude. La naissance, la naissance de nouveaux dragons. La naissance de dragonnet tout ce que cela impliquait et importait pour la dragonne mère et le dragon père. Verith avait été élevé d’une certaine manière par Skade. Même s’il en voulait énormément à cette dernière d’avoir choisi le camp des bipèdes, d’avoir choisi le camp du lien, d’avoir choisi de tourner le dos à sa propre colère, au dragon libre et à ses enfants. Il savait que tout ce que cette dernière lui avait appris n’était pas bon à jeter. Bien au contraire. Certains éléments de son éducation devaient être conservés. L’amour qu’elle avait porté à ses enfants, l’attachement particulier qu’elle avait eu à les élever. C’est une chose que le rouge aimerait voir se reproduire partout chez les siens, et même chez les dragons liés. Mais que cette éducation ne soit pas uniquement fournie par la mère. Son père, Verith l’avait côtoyé, mais très peu par rapport à ce qu’il estimait être correct. Après tout, ce dernier n’était même pas au fait qu’ils étaient ici. Il était parti de son côté peu de temps après sa naissance pour vaquer à il ne savait quoi. Verith concevait la cellule familiale plus étroitement lier qu’elle ne l’était en réalité. Sans doute que lorsqu’il pourrait procréer, donc seulement après s’être vengé de Vie, il serait un genre de père poule toujours à veiller au bien-être de sa progéniture. Après tout, si ça avait été le cas pour son frère, sans doute ne serait-il pas mort.

Le colérique ne s’employa pas à critiquer le choix d’un dragon amnésique comme géniteur, pas Ashy. Il aurait pu, mais il avait mieux à faire. Et puis, cela aurait voulu dire qu’il aurait eu une quelconque envie de prendre sa place. Verith, avec une dragonne liée ? Brrr, cette révulsant idée lui arracha un grondement qui fit trembler son armure d’écailles. Et puis dans sa situation, ce n’était pas sa première préoccupation, bien loin de loin. Son conflit avec Vie et Edwyn et le cas Vraorg l’obnubilaient. Il devait s’en occuper avant de passer à autre chose. Verith dispensa ses conseils à Ashy, se montrant peut-être particulièrement insistant, mais c’est sans doute parce que le message à faire passer revêtait une importance capitale.

« Je ne peux qu’espérer pour toi que Möebius sera toujours là pour toi. Mais la notion de famille, d’amour n’a pas forcément une importance capitale chez nous dragon. Après tout, mon père ne sait même pas que ma mère et moi, somme ici. Il était loin depuis longtemps avant notre départ. Et je doute fortement qu’il s’inquiète pour nous. Si sa décente meurt avec son ancienne conquête, il suffira qu’il aille en chercher une autre. Et ces notions sont d’autant plus susceptibles d’être dévalué chez vous dragons liés en raison de votre lien. Car votre lien passa avant tout le reste. Car votre bipède passe avant tout le reste. »

Verith en profitait une fois encore pour faire une critique ouverte au lien, même s’il soulevait un point qu’il jugeait important. Mais il ne pouvait qu’espérer pour la jeune verte que tout se passe bien et que ce Möebius soit bien là pour elle au moment où il en aura besoin et pas avec son lié. Cependant, c’était une fois encore une vision propre à l’enfant de l’orage. Par la suite, Ashy aborda un sujet que le rouge n’apporte pas pour une fois sur le devant de la scène. C’est elle-même qui le mit en avant.

« Je ne peux que t’encourager à faire tout ton possible pour qu’ils naissent sans lien Ashy. Qu’ils puissent naître eux-mêmes, sans être conditionnés à un bipède. C’est tout ce que je peux souhaiter. Qu’ils puissent naître libres et le rester. Que tu puisses les voir grandir et les éduquer plutôt que de les voir partir et être éduqué par un bipède. »

Ashy aussi avait été éduqué par un bipède, mais ce n’était pas la première fois que le rouge faisait une remarque pouvant venir froisser l’émeraude en critiquant ouverte les bipèdes, le lien, ce qu’ils apportaient et leurs conséquences. Et ce ne serait sans doute pas la dernière fois. Du moins il espérait.

« Edwyn, le créateur du lien, était un menteur. Un menteur invétéré. Du début jusqu’à la fin il n’a fait que me mentir. Ses créations sont donc forcément entachées de ses tares. Même si cela est triste à dire, il ne serait nullement étonnant que ta vie soit basée sur une tromperie, dragonne liée. Quand je me serai occupé de Vie, nous reprendrons notre débat, et je m’évertuerais à te le démontrer. Que le lien est néfaste. La vision qui prédomine parmi toutes les autres est celle des forts Ashy. Mais il ne tient qu’au faible de se battre pour imposer leur vision. Vie lui-même accorde encore un certain crédit au lien. Il ne tient donc qu’à moi de le battre puis de remporter notre débat pour que ma vision prédomine. Le monde entier est un conflit. L’océan contre la terre, la vie contre la mort, le néant contre la magie, le lien contre la liberté. »

Verith vivait dans le conflit, conversait dans le conflit, raisonnait dans le conflit. Edwyn et Vie en avaient déduit que le rouge cherchait à imposer sa vision à autrui, mais c’est totalement faux. Il laissait aux autres l’opportunité, la chance de se défendre, de se battre avec lui de quelque manière que se soit, pour donner raison à leur vision et défaire la sienne. Si ces derniers échouaient alors c’est qu’ils avaient tort, tout bonnement. Il voulait la fin du lien, faire comprendre aux dragons liés qu’ils avaient tort. Et en cet instant ne laissait-il pas la chance aux dragonniers liés de défendre leur point de vue ? De faire entrer en conflit leur vision avec la sienne ? Certes, peut-être pas autant qu’avant puisque l’intervention de Vie avait pipé le conflit, mais lorsque le rouge en serait libéré, ce conflit pourrait redevenir sain et constructif.

« As-tu d’autres interrogations dont tu aimerais me faire part, Ashy ? »

¤ Conflit II ¤

Un jour, un choix s'imposerait aux dragons liés. Ils devraient choisir, choisir entre leur race, entre leurs enfants et entre les bipèdes et leurs liés. Le grand rouge était persuadé qu'un jour cette question, ce choix serait à nouveau posé aux dragons liés. Il l'avait déjà été par le passer, avant que les dragons ne quittent ce continent. Et les membres de cette majestueuse race s'étaient déchirés et entre-tuer. Verith n'avait que très peu de doute à ce sujet. Tôt ou tard, la perversité du lien éclaterait au grand jour et contraindrait les dragons liés à faire un choix déchirant, à renier leur race pour choisir leur lié et choisir leur propre survie. Un bipède pour un dragon était semblable à un boulet qui restreignait ses mouvements. Oui, tôt ou tard, le choix devrait être fait. Il l'avait déjà dit à Isyndar et il le réitérait à Ashy. Un jour ou l'autre elle devrait choisir. Choisir entre ses descendants et son lié, choisir entre les bipèdes et les siens. Verith en était certain, parce qu'il avait assisté à cela. Il y avait assisté avec sa propre mère. Skade qui avait choisi un bipède, un vampire, son lié ! À la place de son propre fils, de son propre sang, de sa propre chair. Tous seront eux aussi confrontés à ce choix. Et tous choisiront leur bipède. Car au fond, prendre une décision inverse reviendrait à choisir de mourir. Et aucune créature saine d'esprit ne choisirait délibérément de mourir. L'enfant de l'orage attendait avec impatience ce jour aussi, funeste pourrait-il être, car il serait la consécration de ses paroles. La preuve qu'il avait raison.

« As-tu d’autres interrogations dont tu aimerais me faire part, Ashy ? »

Verith aurait peut-être dû ajouter le fait qu’elle ait des questions auxquelles il pourrait répondre. Le rouge savait pertinemment que la petite émeraude avait beaucoup d’interrogations, mais des interrogations auxquelles il ne pouvait malheureusement répondre. Parce que Vraorg lui avait interdit. Cela aurait pu être tellement plus simple s’il l’avait pu. Mais ce n’était pas le cas. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était la mettre en garde et lui dire de se préparer pour l’avenir. C’était déjà un geste considérable qu’il venait de faire. Il ne tenait qu’à elle de saisir cette chance qu’il lui offrait et de se tenir prête. Néanmoins, Verith savait qu’Ashy n’était pas idiote, du moins par moments, et saurait saisir l’opportunité.

« Tu ne renonceras pas à t'en prendre à Vie, n'est-ce pas ? »

Question purement rhétorique, l'émeraude connaissait déjà la réponse. Verith n'était pas le genre d'individu à revenir sur ses propos. Bien au contraire, il suivait un cap et s'y maintenait, peu importe les obstacles. En particulier dans le cadre de sa colère. Le jour où l'occasion de s'en prendre à Vie se présenterait, il n'hésiterait pas la moindre seconde. Après tout, Vie l'avait provoqué, tout esprit qu'il puisse être, le rouge ne pouvait laisser cela impuni. L'intention de faire tomber Vie de son piédestal était grande. Et sans doute balaierait-il toutes personnes qui oseraientl'en empêcher le moment venu. Consciemment ou inconsciemment d'ailleurs. De mettre en travers de son ire était sans doute l'une des choses les plus dangereusement dans ce bas monde.

Les paroles qui suivirent réconfortèrent l'enfant de l'orage. Ne pas laisser le choix aux bipèdes qui possiblement pourraient se lier avec ses enfants, pour leur éviter le fait de ne pas grandir avec ses parents, avec les siens. Voilà des paroles sages que le dragon aimait entendre. Il espérait seulement que la petite verte puisse les mettre en application. Néanmoins, son choix ne serait pas aisé à appliquer. Si ses enfants étaient liés à des vampires ou à des elfes, des membres différents de la propre race que son bipède, comment ferait-elle ? Verith avait hâte de voir cela. Peut-être cela aiderait Ashy à se rendre compte que les bipèdes sont d'avantage source de désordres et de troubles que d'apaisement et de joie comme elle aimait le lui montrer.

« Dis-moi, Verith... Si ce monde venait à voir le jour... Que ferais-tu ? Resterais-tu ici en paix ? Ne serait-il pas agréable de ne plus avoir à vivre dans le conflit ? Que ferais-tu si jamais je parvenais à te prouver qu'il y a du bon dans le lien ? Que les bipèdes méritent le respect, tout comme nous méritons le leur à tes yeux ? Que ferais-tu si toutes ces choses que tu veux me prouver se révèlent être fausses, et que j'ai raison ? Parviendrais-tu à l'accepter ? À changer ta façon d'être en fonction ? »

« Le conflit existera toujours, même dans un monde en paix Ashy. Car maintenir cette paix nécessitera forcément d'être en conflit avec ceux qui ne la désireront pas. Le conflit est ce qui permet d'évoluer, la stagnation équivaut à la mort. Contrairement à ce que je peux laisser croire, je n'ai pas que des désirs de destruction, dragonne liée. Je détruis, car c'est une étape nécessaire et même fondamentale à la construction. J'ai de profonds désirs de construction. Mais je refuse de bâtir quoi que ce soit sur des bases fragiles, vicièrent, corrompues. Je refuse que ce que je pourrais bâtir s'effondre à cause de bases remplies de fissures et de faiblesses. Si tu parvenais à me faire accepter ton poids de vue, rien ne changerait au fait que je devrais détruire tout ce qui pourrait menacer mes constructions futures. Donc si quelque chose s'avère représenter un danger, je le ferais disparaitre. Ce qui signifie que si certains bipèdes non dignes de respect représentent un danger, j'éliminerais ce danger. Mais encore faudrait-il que je puisse accepter ton point. »

Verith souffla légèrement. Le jour où il considèrerait que tous les bipèdes ne représentent pas un danger n’était pas près d’arriver. Il écouta la petite émeraude continuer.

« Si c'est toi qui avais raison... … … Je crois que j'en deviendrais folle... Ce n'est juste... Pas concevable... Tu ne peux pas avoir raison sur toute la ligne, n'est-ce pas ? »

Le rouge lâcha un léger grognement qui fit vibrer sa cuirasse d’écailles.

« Si tu deviens folle, je t’arrêterais. Je t’aurais révélé une vérité insupportable, il m’incombera donc de t’empêcher de perdre la raison. Mais je te déconseille de douter de toi et de tes opinons. Si tu doutes Ashy, cela signifie que j’ai déjà gagné. »

¤ Le tueur de dragon ¤

Comment arrêter un dragon qui était tombé dans la folie, Verith ne le savait pas encore ou peut-être que si. Cela devait être quelque part en lui, caché profondément dans sa mémoire. Oh non pas enseveli sous le poids et l'obscurité des âges. Mais sous la confusion des sens et de l'esprit provoquée par une grande colère. Le jour … la toute première fois … et uniquement fois d'ailleurs … où il était tombé dans la grande colère, dans le chaos mental, lors de ce combat où son ire avait pris le pas sur sa conscience et manipulant son corps. Un dragon l'avait arrêté, avec l'aide d'autres dragons, mais on était parvenu à le stopper et à le ramener à lui. Verith ne savait pas comment ce dernier avait fait, mais il l'avait fait. C'était la seule chose qui importait, que cela soit possible. Si une chose était possible, il n'en fallait pas plus pour le colérique. Car tôt ou tard il y parviendrait. Il suffisait qu'une chose soit possible, il suffisait que Verith le souhait ardemment, pour qu'irrémédiablement … indubitablement … il soit attiré par elle jusqu'à l'atteindre. C'était inévitable. Oui, arrêter un dragon pris de folie ou un dragon plongé dans la colère, la méthode devait être sensiblement la même. Et si un jour l'enfant de l'orage démontrait que le lien était une malédiction et que l'émeraude en perdait l'esprit, alors il serait là pour l'arrêter.

Mais loin des considérations actuelles, loin du lien. La petite verte approcha un sujet qui n’avait pas été abordé depuis longtemps. Le cas du meurtrier de son frère. Verith avait malheureusement été obligé de le mettre de côté avec tout ce qui s’était passé. Bien sûr il n’avait pas abandonné sa justice, loin de là. Mais il était obligé de prendre en considération les événements actuels. D’autant plus qu’actuellement, il ne serait peut-être pas capable de le tuer. Même en laissant sa colère l’envahir, la malédiction de vie l’en empêcherait. Le frère de Cymbor n’avait pas la moindre intention de laisser la vie de ce Lorenz Wintel à qui que ce soit d’autre. C’était à lui de le tuer, et il le ferait.

« Verith... Celui que tu m'as dit rechercher... Celui qui a pris la vie de ton frère de ses mains... Sais-tu... Sais-tu qui c'est ? Connais-tu son nom ? J'ai... J'ai croisé quelqu'un... L'un de ses surnoms est "tueur de dragon"... J'ai toujours pensé que ce n'était qu'un titre uniquement destiné à paraître plus fort, plus dangereux, et non une vérité... Je l'ai croisé à plusieurs reprises avant qu'il ne se retourne contre nous lors de la bataille de l'aube rouge, ce vampire... Le prince noir... Lorenz Wintel. »

Un petit grondement s’échappa de colosse de flamme, alors qu’il ouvrit légèrement sa gueule, révélant ses crocs et laissant son envie de tuer transpirer de ses écailles à la simple évocation de ce son nom, mais également la possibilité d’en apprendre plus sur lui.

« Lorenz Wintel. L’être à la tête de la race vampirique est bien celui qui a tué mon frère. Je considère que tous les vampires qui l’ont reconnu comme souverain ont dès lors approuvé son geste et se sont rendu complices de son crime. J’aurais pu pardonner aux vampires s’ils l’avaient tué sans attendre pour ce qu’il a fait. Mais au lieu de cela ces cadavres articulés l’ont laissé devenir leur chef. Je l’annihilerais, lui en même temps que tous ses subordonnés. »

Verith tourna le museau en direction de la petite verte.

« Je n’ai pu jusqu’ici récolter quelques informations à son sujet. Mais pas les plus capitales. À savoir son visage et son odeur afin de me permettre de le retrouver et de le juger. Ashy si tu l’as vu, tu connais son apparence. Montre-le-moi. Montre-moi à quoi ressemble le meurtrier de mon frère. Je ferais ainsi un pas de plus en sa direction et lui un de plus vers sa véritable mort. »

¤ A notre prochaine rencontre, nous serrons ennemi ¤

« Les revirements et trahisons postérieurs au fait ne m’intéressent pas Ashy, car elles sont bien trop tardives ! De plus, les raisons qu’ont eues ses subordonnées ne sont en rien en lien avec la mort de mon frère. Ce qui me met encore plus en rage ! Ces vermines se détournent de lui pour avoir trahi des bipèdes et non pour avoir tué un dragon ?! Cela laisse supposer que les bipèdes aient plus de valeur que nous et ça m’est insupportable !! »

La queue du dragon rouge fouetta l’air avec violence, provoquant un son qui résonna au travers des plaines. C’était inadmissible, impardonnable ! Ces sangsues immondes n’en étaient plus que détestables pour le dragon rouge. Il massacrerait cette race cadavérique, cette absurdité des esprits.

« Leurs sentiments m’indiffèrent. S’ils sont capables de faire le choix de ne pas s’opposer à cette immondice pour rester en vie, alors c’est qu’ils sont capables de faire de moi leur ennemi et de périr par mes griffes. Nous avons toujours le choix Ashy. Toujours. Il n’existe pas la moindre excuse à leur comportement. Ils se sont alliés à Lorenz, ils ont fait de moi leur ennemi … ils mourront consumer par mon ire. »

Tel était le destin, tel était le chemin des vampires. Il n’en existerait aucun autre, et le colérique ravagerait tout obstacle sur son chemin. Car dès lors, eux aussi choisiront de soutenir un tueur de dragon. Il était désormais temps pour Ashy de lui révéler l’apparence de l’être qui avait lâchement assassiné son frère. Bien qu’il soit aveugle et ne puisse le voir si jamais il le croisait, il apprécierait grandement de mettre un visage sur l’objet de sa haine. D’autant plus que le jour où il récupèrerait ses yeux, Verith serait en mesure de le reconnaitre et de se jeter sur lui pour le déchiqueter en lambeaux. Le Maudit ressentait clairement l’hésitation et l’inquiétude dans le cœur de la dragonne. Mais il s’en moquait bien, il voulait savoir, il devait savoir. Et si Ashy osait lui cacher le moindre renseignement après ce qu’elle venait de lui dire, alors elle aussi se rendrait complice de ce meurtrier. Et le colérique serait dans l’obligation de forcer la main à l’émeraude. Finalement, au bout de quelques instants, Ashy fit son choix. Et le bon choix. S’adossant contre la patte du dragon rouge qui avait toujours son museau en sa direction, elle envoya son esprit à la rencontre de sien pour lui transmettre une vague d’image, de sensation et de son.

Aigue Royal, Verith se retrouva projeter en plein dedans durant la bataille de l’Aube rouge qui c’était déroulé il y a quelques jours seulement. Bientôt, le son d’un instrument de bataille se fit entendre et les vampires se regroupèrent avant de se retirer. Offrant les flancs de ses alliés à l’attaque Alayienne. Au milieu du rassemblement vampirique se tient un être, un bipède. Les cheveux noirs comme le jais. Des yeux bleus acier, froids et emplis d’une volonté de régner. Des oreilles typiques des elfes, ainsi il avait été l’une de ses méprisables créatures avant d’être un vampire. Et finalement un faciès, le faciès disgracieux propre à tous les bipèdes, affichant un air méprisant et supérieur. L’esprit du dragon rouge s’empara de cette image et l’emporta profondément en lui. Dans un endroit où résonne la cacophonie de sa colère, de sa haine … et sa tristesse. En lieu dont le sol n’est qu’ossement. Un lieu où le ciel est rouge et sombre. Un lieu de mort et d’agonie. Un grondement sourd secoua les entrailles de Verith.

« Je te remercie de m’avoir montré cela Ashy. Je peux mettre un visage sur l’objet de ma colère maintenant. Je viens de faire un pas de plus en sa direction. Bientôt il sera à porter de griffe et je le tuerais. »

« J'ai peur de ne pas avoir beaucoup plus à t'offrir... J'espère juste que ce n'est pas un "cadeau" empoisonné... Comme tu l’as dit toi même, tu es arrogant, tu le reconnais toi même. C'est ce qui fait qui tu es et je ne vais pas te le reprocher... Ce serait idiot et ne servirait à rien. J'espère juste que tu ne laisseras personne se servir de ça contre toi, et que si un jour cela arrive, que tu arriveras à renoncer à cette arrogance suffisamment pour ne pas te faire avoir... Quitte à en donner double dose au fou qui tenterait de se servir de ça contre toi. »

Un ricanement s’échappa du poitrail de Verith sous les propres de la dragonne liée.

« Je suis arrogant, car je connais l’étendue de ma puissance, jeune dragonne. Je suis arrogant, car je sais qu’elle est ma force et parce que je la maitrise. L’arrogance ne me mènerait pas à la stupidité. Et on ne saurait l’utiliser contre moi. Et quand bien même … Je t’ai permis d’entrevoir ce qui peut faire ma force, même si elle peut me couter la vie. Mais il ne s’agit pas de l’unique carte à mon jeu, Ashy. Quand on a passé le plus clair de son temps à se battre … on en apprend beaucoup. Ce que tu m’as dévoilé est suffisamment. »

Son appendice caudal bougea et l’extrémité vint se poser entre les cornes de la dragonne verte, venant s’y frotter doucement comme une caresse amicale. Les deux dragons que tant oppose restèrent tous les deux là à parler jusqu’à ce que l’astre solaire ne commence à disparaitre à l’horizon dans un océan de feu. Doucement, le colérique se leva.

« Ashy, il est à présent temps pour moi de partir. N’oublie pas ce que je t’ai dit. J’espère que nous nous reverrons dans des conditions semblables à celles d’aujourd’hui, que je puisse regagner ta confiance. Et que nous puissions converser comme nous l’avons fait en ce jour. Fait attention à toi Ashy, car le danger est proche, plus que vous ne pensez. Au revoir dragonne liée.»

Sur ses dernières paroles, le dragon de l’ire déploya ses ailes et prit son envol.