2 mai de l'an 5

Cela faisait maintenant quelques jours ou quelques semaines, qu'est-ce qu'elle en savait, la vampire s'en moquait bien après tout, qu'elle avait revu la petite elfe, fille Terendul, et adepte des pièges en tout genre. Elle l'aimait bien, enfin du moins de ce que Norwen pouvait aimer. Elle appréciait sa façon de détester les gens. Vampire, elle aurait été une créature fantastique. Elfe, elle en perdait un peu son éclat. Dommage, mais Norwen avait vu le potentiel de la petite elfe et avait décidé de la prendre sous son aile. De façon un peu étrange, mais qu'importe, le résultat était là. Enetari devenait comme sa pupille. Après tout, elle devait bien cela au général elfique. Elle prenait soin de sa fille, à sa manière.

Norwen n'avait plus eu de nouvelles de la petite depuis leur seule rencontre à Aigue Royal. La vie avait suivit son cours et Vraorg était arrivé. Norwen était devenue une chasseuse de prime, puis un espion au service de Firion. Ce dernier avait retrouvé un cadavre dans son bureau ainsi qu'un humain. Étrange affaire. Enfin en soit Norwen s'en moquait bien. Mais cela lui avait ouvert les portes du palais et d'un amusement bien nouveau. De voir toutes ces petites fourmis s'affairer autour de leur reine. Et elle cherchant à taper dans la fourmilière pour les faire sortir. Ce fut bien difficile de trouver le coupable. Car il n'était pas là où on pouvait le penser, mais en venant terminer son travail en faisant taire le haut juge, il avait fait un erreur. Norwen trouva le coupable en la présence d'une sombre larme, fils d'un homme qui avait été jugé, à tort suivant ses dires, et condamné à mort. Norwen le fit rejoindre son père plus vite qu'il ne devait le penser. Un coup dans la justice mais aussi dans la sécurité du palais. Norwen, quand à elle, s'en amusa.

Mais l'amusement était fini. Et le haut juge qui avait pu lui redonner un peu plus de travail s'en était aller. La vampire devrait bientôt s'en retirer dans son ancienne demeure, dans la ville plus basse. Il fallait avouer la chasseuse était un peu déçue de quitter son jeu du moment et ces petites fourmis. Mais sa présence n'était plus nécessaire, sauf si un autre cadavre se retrouvait chez le nouveau haut juge. Dont on ne savait rien pour le moment. D'ailleurs Vraorg s'embêterait-il d'un autre haut juge ?

Quoiqu'il en soit une de ses dernières excursion l'amena à retrouver la petite. Elle était page, moins vive que lors de leur dernière rencontre. Mais vivante. En même temps, une elfe, domestique, ici, elle avait dû en voir des vertes et des biens mûres. Elle fut au service de l'ancienne gourgandine princesse et le renégat serpillière vampirique. Il y avait de quoi déprimer.

Mais Norwen avait d'autres projets pour elle. Comme celle de la tirer des griffes de sa fonction, où un vieux noble venait de la malmener devant ses yeux. Chose qu'il ne fera plus désormais ni à elle ni à d'autres. Enetari semblait ravie de cette idée, du moins pas contre. Difficile de savoir, Norwen s'en souciait juste assez car elle voyait en l'elfe son reflet, ce qu'elle pourrait être. Une extension de sa main et de son envie de se voir bien au delà de tous ces moribonds qui se traînaient aux pieds de Vraorg.

Et c'est un soir que Norwen vint voir Enetari dans sa chambre, enfin la pièce lugubre qui lui servait de lieu de repos. Elle entra sans frapper et sans détour, annonça à la petite.

« -Je pars de ce lieu, j'ai plus rien à faire ici. Soit tu viens, soit tu restes, soit tu joues les fouines tout ici. A toi de voir ce que tu veux devenir : une chasseuse de prime, un larbin, un espion. Je te ferai pas d'autres propositions. »

Rien de plus que ses grands yeux clairs plongés dans le regard de la gamine.

Tranquillement assise sur son lit, battant des jambes à un rythme régulier tout en lisant tranquillement, Enetari profitait de ce repos bien mérité. Travailler toute la journée était harassant mais une fois que le rythme était pris, tout allait beaucoup mieux. Et c’était même ainsi que l’on découvrait des coussins tout à fait insoupçonnés, comme… un mur, par exemple. Ah si, un bon mur pouvait faire un formidable dossier. Il fallait dire que le moral allant beaucoup mieux, l’elfette était moins difficile à satisfaire. En fait, le passage de Norwen, la vampiresse, dans sa vie avait suffi à illuminer cette dernière de façon notoire. En tant que pas-grand-chose, Enetari n’était pas autorisée à faire grand-chose. Ce qui l’un dans l’autre ne faisait vraiment pas beaucoup, il fallait bien le reconnaitre. A cause de cela, elle n’avait pas pu faire grand-chose quand, une fois encore, un très aimable noble avait eu la bonne idée de poser ses pattes sales sur elle. C’était d’ailleurs incroyable, cette manie qu’ils avaient de vouloir toucher, frapper, humilier tout ceux qu’ils voyaient. Certes la jeune fille aurait chose semblable au vu de leur tête de rat moisi, mais elle s’estimait suffisamment jolie et délicate pour s’octroyer pareille décision. Ce qui n’était pas le cas des autres. Mais… Mais tout c’était finalement merveilleusement terminé. Une rigole de sang, une magnifique chasseuse aux crocs acérés, et l’histoire était terminée. Telle une héroïne venant sauver sa bien-aimée (chose qu’elle n’était pas, Enetari préférait rétablir les choses que les beaux contes de son for intérieur avait tendance à enjoliver) la vampiresse s’était imposée et dressée face à l’injustice. Certes, d’aucuns auraient pu dire qu’il s’agissait là d’une manière bien violente de régler un conflit mais après tout, du moment que ce dernier était réglé et que ce n’était pas la Terendul qui en faisait les frais, cette dernière s’estimait tout à fait satisfaite.

Pas un instant, le visage de ses parents ne vient perturber cet état d’esprit. Trois ans, trois ans loin d’eux, comment pouvait-elle seulement songer à ce qu’ils étaient encore en vie ? Parfois, Luna revenait hanter son esprit tandis que son anneau qui la rattachait à la demoiselle attirait doucement son attention. Son amie était en vie, que demander de plus… En revanche, celle qui se manifestait plus régulièrement était une autre femme qui avait, également, prit soin d’elle. Avec douceur, avec amour et amitié, la traitant comme une fille, une amie, une confidente, une semblable. Celle qui lui avait montré du doigt la misère et la douleur des autres, qui avait tenté de lui enseigner la compassion et la pitié. Celle qui trouvait sa force dans celle des autres et puisait son courage dans la lumière du petit jour. Bien différente de la vampiresse, et pourtant… Les deux l’avaient sauvé pour la prendre sous leurs ailes de velours et d’acier. Deux opposés, mais les opposés ne se rejoignaient-ils pas ? Ne devenaient-ils pas ressemblances ?

En parlant du vampire, le voilà qui sortait les crocs. La porte s’ouvrit sans que quiconque n’ait frappé, et une silhouette féline se profila pour pénétrer dans la pièce sans ni autorisation ni courtoisie. Mais de courtoisie nul besoin, après tout seul comptait l’efficacité et Enetari avait depuis longtemps décidé que les règles qui régentaient la société n’étaient guère pour elle. Si sa nouvelle protectrice pensait de même, les choses n’en étaient que plus belles.
Sautant en bas de son lit sans la moindre hésitation et rejetant son bouquin dans un coin, la jeune fille se campa sur ses jambes, fixant Norwen sans être le moindre du moins du monde impressionnée. En revanche elle reconnaissait bien volontiers que cette femme l’inspirait et lui donnait envie de croquer la vie à pleines dents… et plus que la vie, même.

-Hum, et si je décide de venir en faisant la fouine ? Cela dit, autant être une araignée, c’est plus petit, plus rapide et plus pratique pour espionner… Où allez-vous ?

Intéressée par le brusque départ de son interlocutrice, elle jeta un regard au lit vide et bien fait de son frère. Si elle partait subitement, sans rien dire, il lui manquerait sûrement et inversement, mais ce n’était cet attachement fraternel ‒et même un peu plus que cela…‒ qui l’empêcherait de voguer à sa guise. Pas plus que la destination de la vampiresse d’ailleurs, à moins qu’elle n’ait l’intention de rejoindre les protégés, ce qui serait aussi surprenant qu’un chou-fleur à antennes.

-Qu’allez-vous chasser à présent ?

Si elle partait, la jeune fille estimait qu’être informée de la prochaine chasse qu’elle accompagnerait était plus que necessaire. Après tout, peut-être allait-elle apprendre de la vampiresse à partir de ce moment d’adrénaline…

Toujours dans l’embrasure de la porte, le bras droit coller contre le bois, Norwen souffla du nez de mépris ou bien juste pour lui permettre de croire que rien n'était acquis. Sa voix tonna sèchement.

« -Décide ce que tu veux gamine, je n'ai pas pour habitude de tendre la main. Mais tu as du potentiel mal exploiter et je n'aime pas le gâchis. Quoiqu'on en dise. Si tu choisis cette voie, fait le bien, sinon, je t’écraserai comme on peut bien le faire sur les araignées. »

que se soit dit à elle ensuite de voir si elle se sentait capable de suivre la chasseuse de prime et d'en prendre les risques. Si elle désirait la façonner à son image du moins, tenter de mettre en avant cette chose qu'elle avait vu dans ses yeux, la gamine serait seule à faire ses preuves et à suivre. Norwen ne l'aiderait pas, elle venait déjà d'en faire beaucoup. Bien trop selon elle. Mais elle vieillissait elle devait commencer à se sentir sentimental... La bonne blague. Non, c'était assez amusant de savoir qu'elle pouvait avoir une autre main pour déployer la mort et la justice sur Armanda.

« -Je vais chasser un gibier très particulier. Dans notre société vampirique, même si elle est éteinte aujourd'hui, il a deux poids deux mesures, la force du plus fort et les anciens. S'ils sont là tu sais pourquoi. Les avoir dans ta poche permet d'avoir ce qu'ils fondent parfois, des petites familles bien utiles. Car la force ne fait pas tout. Il faut aussi celle de l'intelligence. Sinon tu n'es rien. »

Première leçon et qu'elle en prenne bonne note. Norwen serait sûrement déjà morte, si elle n'avait pas fait preuve d'une once d'intelligence.

« -Écoute bien gamine : ce que je te propose, je ne le fais jamais. Mais comme je t'ai dit t'as un quelque chose qui doit être mis en avant. Alors met le, si j'ai la moindre insatisfaction venant de ta part, cela prouvera que j'ai raison quand à prendre sous son aile une charge. Tu as bien compris ? »

Norwen quitta la pièce et n'attendit pas qu'Enetari la suive, elle le ferait elle le savait. Si elle en avait vraiment dans le ventre, elle viendrait.
La duo traversa en silence, leurs pas claquant sur le sol de pierre du palais. Dans le dédale des couloirs, les deux femmes arrivèrent enfin devant une large et belle porte en bois avec devant un garde. Norwen s'adressa à lui.

« -Dit à l'inquisitrice que je souhaite la voir. Norwen, chasseuse de prime. Elle ne m'attend pas, du moins pas encore. »

Le garde les dévisagea et hésita avant d'entrer dans le bureau de celle qui l'employait. Norwen murmure entre ses dents à Enetari, sans la regarder, ses yeux posées sur la porte finement travaillée.

« -La mort de ton compatriote Firion ouvre la voie à de nombreuses spéculations et craintes des hauts dirigeants. Ils se savent sur un siège mouvant mais entre le savoir et le voir enfin. Même si le coupable est mort, par mes soins, il reste la crainte et l'opportunité à d'autres qui ont les dents longues. »

Le garde revint et les fit entrer. Il en semblait presque étonné. Dans une salle richement mais sobrement décoré, une vampire aux cheveux aussi rouge que le soleil couchant trônait derrière un large bureau de bois.

« -Dame Aerin. »

Norwen la salua avec exagération, mais politesse. Cela ne faisait pas naturelle. Mais après tout ne fallait-il pas ce genre de chose pour obtenir parfois ce qu'on voulait ? Et Norwen voulait aussi surtout que la gamine suive en ce sens pour pas mourir bêtement dès la première journée de sa fonction d'araignée. Pour une fois qu'elle mettait un peu de temps et de matière à façonner quelque chose d'autres que ses griffes.

« -Ma venue semble peut être vous surprendre. Qu'est ce que l'ancienne générale vampirique, chasseuse de tête peut bien vous vouloir. La même aide que feu le haut juge avait besoin. En espérant que vous finissiez bien mieux que lui. »

Mettre les formes, certes, mais à un certain point tout de même. Lisser dans le sens du poil pour garder un pied dans la palais mais jamais elle ne serait une des sbires de l'ancienne conseillère de son ancien prince. Ne l'avait-elle pas abandonnée ? Quoique rien que pour cela, Norwen devrait la tolérer, mais non, elle se méfiait des anciens comme de Vraorg ou de la peste.

-Ah, mais je suis trop grosse, vous ne pourrez jamais m’écraser. En revanche, je peux vous mordre comme elles le font. Si seulement j’avais vos dents… Peut-être devrais-je les limer…

Un éclatant sourire ponctua cette constatation, Enetari n’étant pas du tout perturbée par la froideur de la vampire. Elle n’était pas perturbée par grand-chose, d’ailleurs. Quant à la choquer… il en fallait beaucoup. Mais vraiment. Elle ne se souvenait même pas avoir été réellement choquée n’était-ce qu’une seule fois dans sa vie. Il fallait dire que les elfes n’étaient pas vraiment des petits fous excentriques. Au contraire, ils avaient une fâcheuse tendance à rester imperturbablement ennuyeux. Au moins Norwen mettrait-elle un peu plus d’animations. A commencer par cette chasse visiblement très particulière… De la politique ? Hum, ce n’était guère intéressant, la jeune fille s’était particulièrement ennuyée lorsqu’elle avait été au service de Firion, mais peut-être cela serait-il différent cette fois-ci ? Après tout, l’elfe et la chasseresse n’avaient pas grand-chose en commun. Et la seconde avait visiblement une manière bien à elle de voir les choses et de changer ce qui ne lui plaisait pas.

-Promis ! Je rendrais votre vol plus léger alors !

Elle avait déjà bu ses paroles avec enthousiasme et n’hésita pas pour suivre la vampiresse avec intérêt, la suivant tout en détaillant sa démarche féline. Une vraie vipère, mais plus les choses étaient dangereuses et plus la Terendul les aimait. Cette chose-là semblait donc en faire partie, conclut-elle en observant Norwen interpeller le garde d’une autre vampiresse.

-Oh, il y aura peut-être d’autres morts pour la place d’ailleurs, rit-elle doucement, tout aussi bas que son nouveau maitresse. Un accident, c’est si vite arrivé…

Bien sûr, la perspective d’avoir une vampiresse aux fesses pour avoir empoisonné son rival n’était pas une perspective spécialement sympathique, et ce d’autant plus que sa propre durée de vie risquait d’être sérieusement comprise si cela se savait, mais après tout il fallait savoir prendre des risques dans la vie ! Et nul doute qu’un empoisonneur expérimenté saurait laisser croire à une mort naturelle… D’ailleurs il n’y avait pas que l’assassinat pour évincer un rival, les choix étaient finalement plutôt variés. Néanmoins ceci ferait l’objet d’une autre réflexion puisque Dame Vanaël arriva rapidement, superbe et élégante, sa beauté toute vampirique pas même froissée par l’expression préoccupée qu’arborait son visage. Elle ne resta d’ailleurs pas longtemps, visiblement occupée, et préférait les recevoir plus tard si ce n’était pas urgent. Certes les deux (magnifiques et merveilleuses également) jeunes femmes qu’étaient Norwen et Enetari pouvaient fort bien revenir ultérieurement, mais le voulaient-elles ? Visiblement, la première n’en avait pas grand-chose à faire, quant à la seconde… et bien c’était la même chose. Après tout, elles avaient largement le temps. Après tout et comme le disait le poète « A qui sait attendre le temps ouvre ses portes ». Elles quittèrent donc l’entrée des appartements, laissant les portes se refermer derrière elles avec un bruit sourd. Norwen avait d’autres missions après tout, et Enetari avait bien des choses à apprendre. Ce qu’elle ne pouvait maintenant viendrait en son temps, elle ne s’en faisait pas, comme toujours. Après tout, cela la changerait largement de la vie qu’elle menait depuis trois ans ! En silence d’abord, elles traversent les couloirs, Norwen semblant parfaitement certaine de l’endroit où elle se rendait, jusqu’à ce qu’Enetari ne l’interpelle avec une moue pensive.

-Comment parvenez-vous à attirer les vilains moucherons dans votre toile ? Ils se savent guettés, ils se cachent sous d’autres apparences… Et comment procéder ? Arracher les ailes pour instiller la peur ou croquer d'un coup sans prévenir ?

Certes, elle avait des relations mais ici, relation ne voulait rien dire. Chacun pouvait fort bien jouer double jeu, Enetari en était consciente, et elle se demandait même si ce n’était pas le cas de la vampiresse. Après tout, elle se servait des autres mais n’hésiterait pas à leur trancher la gorge l’instant suivant. C'était une chasseresse sans vergogne qui traquait toujours avec efficacité. Mais... comment faisait-elle donc ?


HJ : piètre réponse, je m'en excuse. Je ne savais pas trop comment repartir du coup, j'espère que ca t'ira malgré tout ^^'

Au moins la gamine avait de la répartie et n'était pas du genre à ce taire aux grondements de la vampire. Un bon point pour elle. Une chance pour la vampire. Elle lui répondit cependant, détachée malgré l'appréciation de sa réponse.

« -La taille ne fait rien gamine. Pour les crocs, même limés ils ne seront jamais aussi puissants que les miens. Mais si cela te tente... »

La rencontre avec la haute inquisitrice fut de courte durée. Le temps lui était tout aussi précieux qu'à la chasseuse de tête. Qu'importe, elles auraient bien le temps de parler affaire par la suite. Norwen savait bien que les affaires ne pouvaient attendre et son respect mi voilé pour la dame aux cheveux de sang lui permettait de ne pas tenter de la rabrouer de lui avoir fait perde son temps. L'ancestrale avait toujours été une femme de poigne, de force, de respect, même si Norwen préférait quand même rester bien loin de ces vieux vampires, qui pour Norwen n'était que synonyme d'ennuis et de soucis.

Quelques minutes plus tard, de nouveaux dans les couloirs, Norwen et Enetari se dirigeait vers un autre bâtiments, elles traversèrent une cours intérieure, allant vers le nord, et le grenier du palais. Là où les stocks se trouvaient. Norwen continua à répondre aux questions de la gamine. Certes, la vampire n'aimait guère parler pour ne rien dire et perdre son temps. Mais après tout, c'est elle qui l'avait cherché pour le coup, alors autant le faire.

« -Tu n'as pas à attirer. Ils viennent d'eux même à toi. De bien des façons et c'est à toi d'aller chercher et de voir comment tu veux les accrocher. »

Norwen se stoppa au centre de la cour froide et sombre. Plantant son regard clair et perçant dans celui de la petite elfe. Après tout si elle devait façonner son avenir et ainsi prouver que les elfes pourraient être des pions bien plus que morts, l'utilité servirait sa cause, et devant elle se dressait sa réussite. Au dessus des autres.

« -Ils se cachent mais il est bien facile d'observer et de voir les indices des failles qu'ils nous laissent. N'as-tu rien appris en restant dans ce palais ces dernières années ? N'as-tu rien vu de ce qui pouvait se tramer, les apparats mis en avant ? Tu étais bien un page ? Une elfe, une esclave impie aux yeux de Vraorg et donc encore plus de ceux qui lui cirent les bottes ? Sert toi de ça. »

Si elle pouvait comprendre ça, un pas en avant serait fait. Pour elle mais aussi pour Norwen.

« -Et ensuite observe ne doutant jamais d'une chose. Tu n'as rien à perdre, eux si. Alors amuse toi, joue, écrit toi une histoire avec cette personne et ensuite quand le jeu te lasse, finit le de la façon la plus brève possible. »

Ou pas, parfois la longue agonie de la mort pouvait être un doux et bon spectacle. Mais la gamine prendrait goût à cela peut à peu. Au départ, il lui fallait comprendre les points faibles et l'art de la mise en scène. Chaque chose en son temps.

« -Si tu as tout comprit à cette simple leçon, je vais donc voir si tu es capable de me suivre et maintenant. Je dois réduire au silence un haut commerçant du palais, un bon fournisseur mais qui fournit aussi en informations les protégés. Que se soit vrai ou faux, ce n'est pas à moi de le savoir et je m'en contre fiche. C'est toi qui va le faire taire. Tu toucheras la récompenses, mais avant, as-tu une arme digne de ce nom ? »

Car ce n'était pas avec ses mains malingres qu'elle parviendrait à quelque chose. Il fallait une lame digne de ce nom. Sinon, ce serait l'amener à la mort. Et ce serait un échec. Norwen n'avait pas le temps de trouver une autre elfe aussi.... pas elfique.



(pour l'arme, tu me diras, Norwen te l'offre )

Oui bon évidemment, elle trichait avec son venin, la Norwen ! Enetari pouvait toujours attendre pour en avoir à son tour ! A moins qu’elle ne trouve un système qui lui permette de s’en injecter dans les dents et qui ressorte lorsqu’elle mordait, mais elle n’avait pas réellement envie de se perforer les deux dents de devants. En revanche, les tailler ne la déranger pas outre mesure. Au contraire, l’idée était plutôt fascinante. Elle adorait mordre en plus ! Ah, quel malheur qu’elle ne puisse être vampire à son. La vampiresse aurait sans doute fait une mère formidable… Ah, que la vie pouvait être cruelle ! Elle devrait se contenter d’être elfe ! Bon, au moins était-elle remarquablement belle, encore plus même que sa nouvelle maitre. Oh, et elle pouvait… se téléporter ! Ce n’était pas super, ça ? Rha, que c’était agaçant de ne pas avoir davantage d’armes naturelles !

-[..] N'as-tu rien appris en restant dans ce palais ces dernières années ? […]

Oh si, elle en avait appris des choses. Rien que pour satisfaire Esmelda et tenter de lui offrir un peu d’occupation, mais également pour ses propres intérêts, l’ennui et la curiosité en faisant parti. L’elfette avait joué les espionnes polissonnes pendant un long moment, il fallait dire après tout qu’être page donnait un certain avantage. Les nobles avaient l’habitude de faire comme s’ils n’existaient, et pourtant… Quelle naïveté. Depuis toujours les serviteurs savaient aussi bien être loyaux jusqu’à la mort que les aides précieuses des rivaux de leur maitre. Mais pas que. Ceux qui n’étaient souvent considérés que comme des instruments parlaient entre eux aussi, s’échangeaient des anecdotes, parfois totalement sans intérêts, parfois très intéressantes. Sur tout le monde ; sinon, ce ne serait pas drôle après tout.

-Hum, très bien. Je dois donc le tuer ou juste lui faire peur ? Lui couper un morceau ?

Un peu perplexe, Enetari hésitait. Norwen semblait très bien se comprendre, ce qui était une bonne nouvelle, mais en revanche ses explications ne satisfaisaient pas tout à fait son apprentie. Pour faire taire, il y avait sans nul doute plusieurs méthodes. Et perdre un bon fournisseur, c’était dommage quand même, juste à cause d’une petite rumeur. Mais il était vrai que prendre le risque de garder un traitre dans ses rangs n’était pas tout à fait une bonne idée. Une simple « mise en garde » ne pouvait-elle pas suffire ? Une fois qu’il aurait eu la langue coupée, ou une main à la rigueur, ou n’importe quoi d’ailleurs, il pourrait sans doute se montrer sage tout en restant efficace… non ? Bah, elle était encore inexpérimentée et n’avait pas même réellement commencé sa première leçon. Norwen saurait bien la guider, d’autant que la Terendul trépignait à l’idée de passer à la pratique et avait fortement envie de ne pas rater son coup ; c’était le cas de le dire. Ce n’était pas donné à tout le monde d’être guidé de la sorte dans son travail…

-Si vous comptez mes yeux doux comme tels, oui, sinon non.

Et pour ponctuer sa phrase, elle lui jeta un regard à faire fondre un Vraorg tandis que son visage prenait un air innocent, qu’elle perdit toutefois bien vite pour terminer sans même laisser le temps de répliquer.

-J’utilise ma magie, d’ordinaire, je ne sais me battre qu’avec mes poings.

Elle haussa un sourcil en se revoyant tenir une épée. Moui, son niveau en ce domaine n’était pas spécialement élevé, au contraire même. Quant au reste, ce n’était pas bien mieux. Elle n’avait jamais revu le vampire qui savait manier le fouet, hélas, et n’avait donc pas de maitre pour lui enseigner. Quel dommage, cette arme lui plaisait beaucoup… Il faudrait qu’elle se débrouille seule, tant pis ! Quant au pugilat, elle avait eu une enfance d’entrainement à chahuter avec son aîné, mais si elle était capable de se débrouiller correctement contre un humain, elle doutait fortement de s’en tirer contre un vampire plus expérimenté ou un groupe d’ennemis. Sa plus grande alliée restait sans conteste la magie. Et une bonne dose de chance. Toutefois, elle savait parfaitement ce qu’elle voulait. Croisant les mains dans le dos, elle fronça le nez avant de s’arrêter brusquement devant Norwen, la prenant de court par sa vitesse. Plongeant son regard de brume dans celui de la belle vampire, elle la fixa avec détermination tandis que sa voix se faisait résolue, inébranlable. Sans la moindre peur. Mais avec, peut-être, une lueur de folie.

-Vos griffes. Montrez-moi où je peux en acheter. Je veux les mêmes. Je ne peux gouter la puissance des crocs, mais je veux m’enivrer de celle des griffes. Je veux goûter le contact intimement sauvage qu'elles apportent.

Norwen laissa la gamine réfléchir un instant dans la cour et revint en portant un paquet ficelé. La vampire dans sa vie d'éclaireuse avait pour habitude de semer un peu partout les composants de sa vie qui avait un minimum d’intérêt. Ou du moins qui pourrait lui servir. Quelques armes de service au cœur du palais, au cas où. Après tout il était devenu son nouveau terrain de jeu.
La chasseuse de prime lui jeta dans les bras le paquet de tissu. Après tout, elle lui avait donné une grande satisfaction en répondant qu'elle préférait une arme comme les siennes. Au moins, elle avançait sur la même longueur d'onde et il est vrai qu'elle ne voyait pas la gamine avec l'arc elfique ou encore une épée. Trop banal.

« -Tient prends ses griffes*. Elles seront à toi. A toi de savoir comment t'en servir mais fait le bien. Elles ne sont que l'extension de tes mains, elles font parties de toi. Entraîne toi à les accepter, à te mouvoir avec elles. A ne plus penser qu'elles sont une arme mais un ornement de ta main, qui peut faire beaucoup. »

Norwen la laissa un instant prendre acte de ses nouvelles griffes. Mais si l'elfe désirait réellement faire comme elle, se jouer de ses griffes, de leur force et puissance et du plaisir de s'en servir, il lui fallait un coup d'essai. Et Norwen justement devait se diriger vers un. Elle n'avait accordé que quelques minutes de répit à ses futures victimes.
D'un regard et signe de tête, elle indiqua à la gamine de la suivre et elles quittèrent la demeure de la vampire pour traverser les quartiers et rues sales de la capitale. En descendants vers les bas fond, la crasse et la misère, on aurait pu s'attendre à de mauvaises rencontres, surtout pour deux jeunes femmes se promenant sans grande sécurité. Mais rien. Un silence de mort régnait dans la chaleur moite de la ville. Quelques murmures, cris, claquement de portes. Mais aucun brouhaha d'une ville qui vit et respire. La nuit qui approchait à grand pas devait être une des raisons, mais comme elle ne l'était pas pour Norwen celle-ci n'y prêta pas la moindre attention. Et une vingtaine de minutes plus tard, les deux femmes se trouvèrent devant une masure délabrée à l'abri des regards.

« -Alors es-tu prête à jouer les grande et à faire tes preuves ? Ou bien préfères-tu rester dans la pâle copie de ce que tu pourrais être ? Dans l'ombre de ta destinée ? Si enfin tu veux cesser d'être la pauvre gamine elfique page, esclave et devenir enfin quelqu'un franchit cette porte et embrasse ton destin. »

Dans un fracas, Norwen ouvrit la pauvre porte en bois qui laissa paraître un homme d'une cinquantaine d'années avec un autre bien plus jeune. Sur la table en bois au milieu d'eux, des papiers, peut être des plans, ou bien tout autre chose dont Norwen se moquait bien. On les avait dit protégés donc traîtres, elle avait reçu un ordre de les éliminer, eh bien ce serait la gamine qui le ferait. La chasseuse de prime ne devait pas faillir à sa réputation : ou la gamine réussissait ou bien elle rejoindrait les deux hommes. Elle ne s'encombrerait pas d'un colis pas capable de suivre cette délicate et noble voie.



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*Arme de pugilat. Gants de cuir équipés de griffes d'ébène lustré, plus longues que la moyenne et en demies lunes gravées à l'argent. Les plaies provoquées par cette arme s'infectent immédiatement.
Reforgée avec de la ciselure à l'iridium : apposition de ciselures d'iridium sur une arme, faite obligatoirement d'un métal ou alliage non magique. Cette arme gagne en résistance aux chocs et vibrations, et est plus résistante à la magie, de sorte que l'arme puisse en partie supporter les sorts qui l'agressent. Extrêmement rare en raison du métal utilisé. Très cher donc. 
+ Résistance aux chocs et vibrations augmentée
+ Résistance à la magie augmentée

Un cadeau ? Pour elle ? Wouhaaaa, elle était trop gentille cette vampire ! Attrapant le paquet que Norwen lui présenta, Enetari eut une exclamation de contentement en découvrant ce qui s’y cachait. Elle l’en aurait presque embrassée. Presque. Etrangement, son instinct de survie lui soufflait que ce n’était pas une bonne idée d’essayer si elle ne voulait pas finir en cadavre non-vivant ou rester sur place en bonne domestique. Ah, être raisonnable, cette affreuse torture qu’elle était forcée d’apprendre depuis qu’elle était au palais… La remerciant en ronronnant de plaisir, elle enfila les gants, pliant et dépliant les doigts pour s’habituer à cette sensation étrange et assouplir le cuir. Elle qui n’avait jamais supporté d’avoir les mains enfermées ainsi, elle se trouvait soudainement à être armée de la sorte. Les mettant à la lumière, elle admira les gravures d’argent qui étincelaient et le lustre des griffes. Voilà qui faisait naitre une certaine excitation au creux de son ventre. Elle se sentait soudainement beaucoup plus puissante…

Suivant son nouveau maitre, Enetari traversa la ville délabrée avec grand intérêt. Elle n’y était plus guère revenue depuis qu’Esmelda était morte, et lorsqu’elle l’avait cela n’avait jamais été dans ce quartier. Cela dit, tous les quartiers pauvres de la ville se ressemblaient. Silencieux, crasseux, dangereux et puants. Pas de quoi avoir envie d’y passer sa vie, mais il y avait également mieux comme cercueil. Enfin, pour ceux que les deux jeunes femmes allaient voir, cela convenait sans doute parfaitement.

La porte s’ouvrit avec fracas, dévoilant deux hommes en pleine discussion, penchés sur une table recouverte de papier tandis que deux verres —d’eau sans doute, au vue de la couleur du liquide qui restait dedans— reposaient près d’un pichet. Ils sursautèrent lorsque les deux femmes entrèrent, le regard affolé, et tandis que l’un ramassait avec hâte ses documents, l’autre attrapa la poignée de l’épée courte pendue à sa ceinture. Bon et bien… c’était à elle ? Fort bien ! Le plus gros problème était qu’elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre, mais qui ne tente rien n’a rien !
Avant même que la pointe de la lame n’eut le temps de se dégager de son fourreau, l’elfette bondit sur la table, renversant les verres sans y prendre garde. A force de grimper aux arbres, elle avait acquis un certain sens de l’équilibre et aimait les cabrioles. Se projetant sur le plus près mais surtout le plus dangereux, soit le plus vieux qui possédait l’arme, elle le renversa d’un coup de pied circulaire derrière les jambes, le faisant chuter, avant de le frapper du coude sur la main cherchant à dégager l’arme de son entrave. Puis, sans plus de cérémonie, elle enfonça les griffes de son gant dans la gorge ainsi offerte de son adversaire, juste sous le menton. Le sang l’éclaboussa et elle s’écarta d’un bond avec surprise à son contact chaud avant de se pencher au-dessus du corps déjà mort, oubliant totalement le second personnage qui aurait déjà pris la fuite avec ses précieux papiers si Norwen ne barrait pas la porte de sa silhouette féline. Pris au piège, la seconde proie alluma un feu magique en catastrophe, et le temps qu’Enetari ne s’intéresse à lui, celui-ci enflamma les documents avant de sortir une fine lame de sa botte, la position fluide et empreinte de danger qu’il adopta aussitôt témoignant de sa confiance en la maitrise de sa lame. Hum, voilà qui n’était pas vraiment prévu. Encore hypnotisée par le premier mort qu’elle n’ait jamais provoqué, la Terendul cilla plusieurs fois pour récupérer ses esprits, esquivant de justesse le poignard qui cherchait à l’éventrer. Oups. Elle était mal. Sa propre maitrise dans son arme nouvelle était quasiment inexistante et cela faisait quelques temps déjà qu’elle n’avait pas eu l’occasion de pratiquer le corps à corps ; et même du temps où Aranël était un adversaire régulier, elle n’avait jamais été maitre en ce domaine. Toutefois, elle avait un avantage… Esquivant de nouveau et remerciant la nature de l’avoir faite elfe, plus rapide et agile que les humains, elle sortit son orbe de lumière et s’en servit pour entraver son adversaire qui, surpris et un instant hors d’état de nuire, fit une cible bien plus facile pour qu’elle lui écarte le poignard et lui fasse suivre le même chemin que son compagnon. Alors… c’était tout ? Baissant les yeux, elle observa le précieux liquide qui collait ses chaussures avant de reporter son attention sur un picotement qu’elle ressentait sur le bras, provenant d’une longue balafre tordue et sanglante. Elle ne l’avait pas même remarqué. Tournant de nouveau son regard vers les corps sans vie, elle les fixa en silence et avec une intense concentration, sans prêter la moindre attention à Norwen. Avait-elle aimé cela ? Elle se souvint de l’adrénaline qui avait traversé son corps, de son instinct qui lui avait imposé d’agir pour survivre. Oui, oui elle avait aimé ce sentiment de puissance et d’invincibilité, ce plaisir de dominer l’autre et de pouvoir imposer vie ou mort. Ce n’était pas tuer en soi qui lui avait plu, mais l’ensemble du combat plutôt. Elle voulait recommencer et se griser de cette énergie qui l’avait fait vibrer. Elle voulait profiter de sa vie en privant les autres de la leur. Relevant la tête, elle observa son maître avec une expression étrange, mélange de jubilation et d’interrogation, avant de pencher pour rattraper les restants de papier qui n’avaient pas brûlés, éteints par la poussière se promenant sur la pierre froide sur laquelle ils étaient tombés.

-Il est encore possible de lire dessus.

Pas grand-chose, mais ce n’était pas le plus important pour l’instant. Surtout, Enetari attendait de Norwen qu’elle lui montre ce qui n’avait pas été, qu’elle lui apprenne ses erreurs, qu’elle la guide dans cette nouvelle voie qu’elle escomptait arpenter. Et ses grands yeux gris, d'apparence si innocente, se faisaient insistants sur le visage de son maître.

L'ancienne générale des vampires laissa son apprenti faire. Elle n'interviendrait pas. Même si un des deux hommes la blessait, lui plantait sa lame ou bien lui balancerait un coup bien placé. Non, Norwen observerait d'un point de vue extérieur et neutre. Si elle voulait la suivre, tuer ces deux gugus serait un bon début, un bon test. Ils étaient faibles, patauds, humains, pas des soldats, des pauvres bougres qui tentaient de faire survivre une idée stupide. Mais la gamine s'en sortait. Parce qu'elle en avait dans le crâne. Une chance, car sinon elle serait morte. Elle avait des faiblesses, des failles mais au moins, elle y allait. Et c'était là le principal. Qu'elle voit le sang, le voir couler, en apprécier la saveur, la couleur, l'odeur. Et sentir le souffle de la mort s'envelopper du corps inerte.

La gamine resortit de la pièce, en vie, contrairement aux deux bougres. Tant mieux. Norwen toujours droite, plongea ses yeux clairs dans le regard de la petite. Après tout, elle avait besoin de savoir, pour rester debout la prochaine fois.

« -Tu as eu de la chance. Ces deux gars n'étaient pas des soldats. Au mieux des apprentis mercenaires qui pouvaient se faire tuer par n'importe quel enfant. La preuve. »

Enetari avait réussi, alors qu'elle était une novice. Une gamine qui tentait de rentrer dans la cours des grands.

« -Tu aurais pu mourir bien des fois. Car n'importe qui soit ton adversaire, le plus gros des porcs, le plus habiles des magiciens ou bien un maître lames, tous ont des points faibles mais aussi forts. Ne l'oublie jamais. C'est valable autant pour eux que toi. La preuve c'est ce qui t'as sauvé. »

Malgré la facilité, la gamine ne devait pas oublier ce détail primordial. Du moins pour sa vie. C'était là la règle numéro un de ce métier de chasseuse. Un adversaire est un adversaire, parfois rempli de surprise. La frêle créature peut être un vrai loup. Et la grosse brute un vieux lourdeau qui est incapable de lever une hache.

« -Et ne néglige jamais la valeur de ton adversaire même le pire des pouilleux, parfois les apparences sont trompeuses. Mais si tu y vas en gagnante tu en ressortiras ainsi. Tu es celle qui doit ressortir de la pièce. Tu n'es pas celle qui doit être étendue par terre. Une seconde d'inattention et tu perds. Tu maîtrises. Point. »

Même si la gamine le savait, il fallait que se soit dit. Ce n'était pas un jeu. Du moins, pas encore, pas pour elle. Plus tard, quand elle saura se battre.

« -Jette le document au feu. Il nous sera d'aucune utilité. Il les voulait morts, ils le sont. Notre mission est finie. Et elle servait bien plus à tester ton arme que d'en savoir au delà de ce qui nous est demandé. Le reste on s'en moque. »

La politique ce n'était pas leur affaire, bien loin de là. La paperasse pour les autres, juste le sang pour elles.

« -Vient, on va réclamer ton dû. Et tu pourras le garder pour toi. Ensuite, on ira voir pour une bonne armure. Sauf si tu en as une ?  Digne de ce nom, pas avec quelques feuilles. Et par la suite, tu iras voir un de mes vieilles connaissances... il te donnera quelques cours sur le combat à mains nues. J'aurai à faire. Un travail qui demande pas à amateurisme. Plus tard, tu viendras.»

Oui, elle devait s’entrainer, cela ne faisait aucun doute. Enetari s’était sentie comme manquant d’expérience devant ces deux-là, et malgré qu’ils aient été relativement inexpérimentés. Et encore, elle les avait pris par surprise, que cela aurait été sinon ! Cela dit, être comparée à « n’importe quel enfant » était franchement humiliant. Insultant même ! Est-ce qu’elle ressemblait vraiment à un enfant ? Bon, un peu peut-être, il était vrai qu’avec sa petite taille et ses traits fins, même pour une elfe, elle passait difficilement pour une adulte ; qu’elle n’était pas, d’ailleurs. Mais elle n’était plus une gamine non plus. La vraie question était donc plutôt : est-ce qu’elle ressemblait à N’IMPORTE QUEL enfant ? Non, non, mille fois non ! Elle était totalement à part, complètement extraordinaire et au-dessus de tous les autres, c’était tout ! Elle ne put s’empêcher de bougonner.

-Les autres sont morts de faim, comment voulez-vous qu’ils tuent qui que ce soit ?

Avec un froncement de sourcil mi-hautain mi-chagrin, elle écouta toutefois le reste de ce qui lui était annoncé. Aussi fière soit-elle, elle ne se priverait pas des conseils d’une experte en la matière. Et si elle voulait la suivre, il valait mieux qu’elle s’habitue à Norwen de suite. Hochant donc la tête, elle intégra chacun de ses mots, et particulièrement la fin. « Tu maitrises ». Cela s’annonçait plus facile à dire qu’à faire, mais elle réussirait. Après tout, pourquoi aurait-elle échoué ? Elle était une des meilleures dans tout ce qu’elle faisait, dans son intégrité même. Si une vampire le pouvait, alors une elfe aussi, de cela il n’y avait nul doute ! Roulant finalement le papier en boule, elle ôta ses griffes pour allumer à son tour quelques flammèches, de quoi achever de réduire en cendres fines ce qui ne l’était pas.

-J’en ai une, je voudrais simplement la renforcer.

Fronçant les sourcils, elle s’en alla donc récupérer rapidement ce dont elle avait besoin, son armure du chat en l’occurrence, dans sa chambre. La pièce était vide, bien sûr. Nomin n’était toujours pas rentré, sans doute encore enfermé dans ses ateliers. Il n’avait pas besoin, et elle n’avait pas besoin de lui, après tout, n’était-il pas ? Elle avait déjà décidé de tourner le dos à la vie qu’elle avait mené jusqu’à présent pour suivre la vampiresse, il n’était plus temps de changer d’avis. Et quand bien même le serait-ce qu’elle ne le ferait pas. Elle avait l’occasion, enfin, d’évoluer. De faire quelque chose qui l’intéressait. Attrapant ce dont elle avait besoin, elle s’éloigna sans rien de plus qu’une pensée un peu triste pour son jumeau avant de rejoindre la vampiresse chez un artisan digne de ce nom à qui elle donna ses instructions. Avec ça, elle était équipée de façon pratique, légère et efficace. Pendant ce temps, elles passèrent récupérer la récompense de la jeune fille avant de revenir chercher l’armure. Voilà, elle était équipée. Elle serait plus dangereuse ainsi. En fait, elle se sentait totalement neuve. Tout avait été rasé. Son passé, sa famille, et même son style vestimentaire ! Ne lui restait finalement qu’un anneau, unique, qui brillait encore à son doigt et qu’elle n’avait pas quitté depuis trois ans, et sa jument rayée, pour la relier à ce qu’elle venait d’abandonner. Bah… Haussant mentalement les épaules, la Terendul suivit son maitre jusqu’à celui qui devait entrainement, restant seule avec ce dernier pendant plus d’une heure. Elle retrouverait Norwen plus tard, pour l'heure elle devait forger son corps à ce qui l'attendait. Esquive, frappe, coup de pied, roulade, plat de la main, blocage… Elle se perdait dans le combat, la sueur glissant le long de son dos tandis que ses yeux gris restaient concentrés, l’éclat dur du diamant étincelant en eux. Elle apprenait à devenir une arme, tout simplement.