Mon vampire, je te présente mon elfe [PV Eli + Kyl]TERMINE

--- 20 Mars ---

Elle attendait que Kylian revienne. Il était avec l'empereur dragonnier pour l'une de ces fameuses petites leçons qui devraient servir pour qu'il s'infiltre à la cour de l'empereur non dragonnier, pour aller s'assurer que sa princesse était en bonne santé. Pour elle, ça ne faisait aucun doute, et il était même complètement idiot de croire le contraire… mais en même temps elle savait à quel point Kylian tenait à elle et comprenait que cela puisse être important pour lui de la voir. Elle avait de toute façon déjà fait par de ses pensées à l'égare de l'humaine et ne jugeait pas nécessaire de réitérer l'acte, sachant qu'ils l'auraient de toute façon gardé en tête. Tout ce qu'elle pouvait faire maintenant c'était attendre et soutenir son lié dans ces leçons accélérées. Elle n'allait pas pouvoir l'accompagner jusqu'à Gloria de toute façon et devait déjà faire le deuil du temps qu'il passerait là-bas puisqu'elle allait certainement s'ennuyer à mourir entre temps. Auparavant, être seule ne l'avait jamais dérangé mais… le problème c'était qu'elle n'était plus complètement seule et que cela faisait peu de temps qu'elle avait établit leur lien. Il était naturel qu'elle veuille passer du temps avec lui et se contrariait un peu que les événements actuels ne le permettent pas. A quelque distance de la ville d'Althaïa et de l'entrée des grottes de la rébellion, elle s'était installée et ne bougeait pas, observant la nature alentour comme elle avait l'habitude de le faire. Elle n'avait pas envie de chasser ou de voler pour le moment, et il n'y avait aucun dragonnet à l'horizon pour la tirer de sa torpeur.

… Pas de dragonnet non, mais à bien humer le parfum alentours, il y avait très certainement un elfe. Elle ré ouvrit les yeux et releva le museau en étendant son esprit. Cette fougère-là, elle la connaissait. Ils avaient déjà discutés ensembles. Et elle en fut très satisfaite. Finalement, elle allait peut-être moins s'ennuyer que ce qu'elle avait pensé. < Bonjour à toi, Eliowir à la langue courtoise > Fit-elle dans l'esprit de l'elfe qui approchait indubitablement d'elle. Étrange quand même, les coïncidences parfois. Elle qui pensait s'ennuyer, on lui donnait quelqu'un pour lui tenir compagnie un moment. Enfin… peut-être était-il là pour autre chose mais en tout cas il avait l'air de vouloir quand même la saluer. Du moins c'était ce qu'elle s'imaginait à le voir approcher et d'ailleurs ele préférait penser ainsi, au moins cela prouvait qu'il était toujours aussi agréable qu'elle se le rappelait du domaine Baptistrale. < Allez-vous une fois de plus me tenir compagnie pendant mes heures perdues ou bien êtes-vous venu chercher quelque chose par ici que j'aurais occulté ? > S'il cherchait quelque chose, elle pouvait peut-être l'aider à le trouver, non ? Enfin elle le saurait bien assez tôt après tout, puisqu'il allait bien finir par lui répondre. Elle rajouta d'ailleurs une question supplémentaire. < Avez-vous trouvé ma fleur ? > C'était qu'elle la voulait toujours, sa fleur ! C'était très important pour elle ce souhait, bien plus que beaucoup auraient pu le croire…

[Au vu du début de mon rp je propose donc qu'Eli rep avant Kyl ^^ ]

Les vents de mauvaise nouvelle striaient le lac agité de son esprit de ridules d'inquiétudes. La missive reçue par les elfes à Aigue de la part de leur Empereur et de leur Prince avait fait ricochet jusqu'au vieil elfe paria, qui, à sa grande surprise, s'était vu confier une mission par le prince elfe via cette missive, à la grande jalousie des autres elfes. Mais peu importait alors jalousie et autres mesquineries, peu importait les honneurs et la fierté qu'il avait effectivement pu ressentir à l'idée que le prince Aegnor ne l'avait pas oublié et lui confiait une autre mission, à lui, son lancier. La bouffée de chaleur et de reconnaissance, la bouffée d'arrogance aussi devait-il avouer, qu'il avait ressentie alors, avait bien vite été balayée par les orages qu'annonçait la missive. Des orages, ouragans même, d'un terrible pouvoir dévastateur, au point de chasser les elfes de leur forêt. Eux qui, en tout temps, depuis qu'ils étaient arrivés sur Armanda, avaient vécu dans leur magnifique royaume, se voyaient soudain contraints de les quitter, sous peine de mort. De mort atroce. De mort honnie même.

Agité alors par tous ses sentiments violents, Eliowir s'était empressé de se préparer à ce long et périlleux voyage, rassemblant rapidement le peu d'affaires qu'il avait et récupérant son faucon et son destrier. Il n'avait pas réussi à voir Achroma, et lui avait donc laissé une missive, lui répétant les chaleureux sentiments qu'il éprouvait pour lui, se désespérant de ne pouvoir le voir mais que le devoir l'appelait, et lui murmurant l'espoir qu'il avait de le voir comprendre l'urgence désespérée qui l'appelait au loin, en lui expliquant succinctement la situation. L'arrivée prochaine de tout le peuple elfe, et le pourquoi du comment ils fuyaient ainsi les vicissitudes de Néant, n'était de toute façon un secret pour aucun rebelle, ou ne le serait plus pour très bientôt. Il n'y avait donc aucun risque à révéler cette information au millénaire. A peine sorti d'Aigue, l'elfe aperçut son serval le rejoindre au pas de course, même s'il resta à quelques mètres plus loin du trio.

Et c'est ainsi que le petit groupe étrange se mit en route. Route bien vite détournée toutefois quand Eliowir aperçut ce qui lui sembla être une montagne au loin. Une montagne qui n'était pas censée être là. Et pour cause, sourit-il, alors que d'heureux souvenirs s'imposaient à lui. Et pour cause, oui... Pas une montagne non, mais une dragonne. Belle et noble dragonne, toute de grises écailles. Non, décemment, il se devait au moins d'aller la saluer. Ce serait là bien vil de sa part d'ignorer son amie, du moins celle qu'il considérait ainsi au fond de son coeur. Une noble et digne amie, dont il était sans doute bien indigne lui-même, mais qu'il devait honorer comme il se devait. Quand bien même il était pressé, il ne pouvait passer son chemin ainsi, tel un malandrin sans aucune once d'éducation.

< Bonjour à toi, Eliowir à la langue courtoise >

Dire qu'il fut flatté, une fois encore, de cette appellation, était un doux euphémisme. Et le sourire qui s'étira plus encore sur ses lèvres dut le trahir. Mais qu'importait alors la bienséance qui en temps ordinaire lui aurait fait revêtir son masque impassible d'elfe dédaigneux de tout et de rien. Il lui était de toute façon impossible de cacher quoique ce soit à cette force mentale qui menaçait toujours de le noyer par sa puissance pulsante.

- Que le soleil vous illumine aussi, noble Mère des Tempêtes, répondit-il alors tout en s'empressant de descendre de son destrier qui s'écartait déjà de quelques pas.

Dès qu'il mit pieds à terre d'un saut souple et étonnamment sûr, il s'empressa d'offrir le salut cérémonial des elfes à la majestueuse dragonne.

< Allez-vous une fois de plus me tenir compagnie pendant mes heures perdues ou bien êtes-vous venu chercher quelque chose par ici que j'aurais occulté ? >

- Non, j'étais effectivement venu saluer une noble et majestueuse amie. Si je puis pousser l'audace à penser à vous ainsi, toutefois, fit-il, se relevant humblement.

Aussi humblement qu'un lion le pouvait toutefois. Son maintien droit et son port hautain n'avaient su totalement s'effacer. Mais les étoiles qui constellaient soudain la nuit de ses yeux quand il les leva sur la dragonne montraient clairement toute l'admiration et tout le respect qui irradiaient de son coeur et de son âme en cet instant.

- Une quête m'attend ailleurs, une quête bien sombre et bien cruelle, mais je pense pouvoir vous tenir quelque peu compagnie, si vous le désirez. Ce serait pour moi en tout cas un grand honneur, offrit-il, tout en plaçant une main sur le coeur et en courbant légèrement le torse.

Ses longs cheveux détachés vinrent à ce geste glisser de ses épaules et recouvrir en un fugitif voile ses balafres, avant qu'il ne se relève tout aussi souplement.

- Et oui, en effet, j'ai trouvé votre fleur éternelle, reprit-il, un large sourire revenant chasser les ombres qui avaient pu ternir ses traits abruptes. Si vous me permettez...

Et se disant, il s'empressa de rappeler son destrier un brin effrayé de la présence montagneuse et farfouilla rapidement dans ses sacoches... pour en sortir un grand écrin oblongue.

- J'espère qu'elle vous plaira, murmura-t-il son sourire toujours présent, alors qu'il ouvrait l'écrin devant la dragonne, tout près de son museau. Je vous prie de me pardonner toutefois, je n'ai pas su réaliser cette oeuvre seul. J'ai été aidé par un certain baptistrel, et pour la trouver, et pour créer le sort qui la rendrait aussi éternelle que vous, afin qu'elle puisse émerveiller à jamais vos yeux millénaires. Sans doute le connaissez-vous, il s'agit de Sire Shadowsong. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir dû faire appel à un de mes paires pour cette rose que vous désiriez tant. J'espère que cette indélicatesse n'en ternira pas la beauté à vos yeux ni à votre âme.

Et devant le lourd silence qui s'installait, l'elfe commença à s'inquiéter, son sourire le quittant soudain, tandis qu'il fronçait les sourcils d'appréhension.

- Noble Grises Ecailles, cette rose d'Eon ne vous sied-t-elle pas ? N'est-elle point à votre goût ? s'enquit-il, une réelle tristesse envahissant ses accents chantants sans qu'il ne parvienne à les masquer.

Et baissant les yeux, frissonnant quelque peu de honte et d'embarras d'ainsi décevoir la millénaire.

En le voyant approcher, elle abaissa encore le museau et l'observa attentivement, ses grands yeux luminescents braqués sur lui avec insistance. C'était qu'elle ne l'avait pas revu depuis un moment, son elfe, tout de même. Elle était bien en droit de l'inspecter pour s'assurer qu'il soit entier ! Enfin même si elle n'avait pas eu le droit elle l'aurait prit, mais ça personne n'avait besoin qu'on le lui spécifie. Sa réponse la fit doucement ronronner de satisfaction, comblée d'aises de savoir qu'il était précisément venu là pour la voir elle. Certes, elle était bien plus intéressante et plus rare à regarder qu'une vulgaire forêt ou plaine, mais les elfes étaient des créatures bien étranges et parfois totalement incompréhensibles dans leur logique toute...elfique, justement. < Je vous accorde cette audace > fit-elle, grand seigneur, parce qu'elle le pouvait, tout simplement et qu'elle le voulait. Définitivement, elle l'aimait bien cet elfe, alors le considérer comme un ami ne la dérangeait absolument pas. Elle étreignit brièvement son esprit pour accompagner cette autorisation.

< Et bien oui, je le désire. Et si vous chevauchez au devant d'une si sombre quête, j'y tiens plus encore. Je pourrais ainsi vous accompagner en pensées > C'était que, lorsqu'elle s'entichait d'un mortel, elle tenait à ce qu'il aille bien et ne souffre de rien. Ce qui, encore une fois, lui semblait tout à fait naturel. Être l'ami d'un dragon n'était pas chose commune, c'était un statut oui ! Et il fallait le respecter ! On le respecterait en tout cas tant qu'elle serait là. A nouveau, elle fut emplie de satisfaction quand il annonça qu'il avait effectivement trouvé sa fleur. Sa rose. Voilà une bien bonne nouvelle. Elle acquiesça à la demande d'un signe d l'esprit, l'observant de plus près encore si seulement c'était possible. Soudain impatiente, elle eut du mal à tenir en place le temps qu'il récupère le précieux bien qu'elle lui avait demandé et qui lui tenait tant à coeur sur tous les plans. C'était un souhait de très longue date qu'il réalisait là après tout, quelque chose d'inestimable pour l'ancestrale qu'elle était.

L'écrin s'ouvrit pour elle et son énorme coeur fut traversé d'un spasme d'affection et d'admiration émerveillée devant la beauté de la fleur. Longtemps, elle resta là, à l'observer, comme si rien d'autre n'existait au monde en dehors de cette magnificence. Finalement, elle sembla revenir à la réalité, et entoura l'esprit elfique du sien avant de répondre avec une douceur sincère. < Elle est plus magnifique que toute autre fleur, Eliowir Mellon… > Et qu'elle use du langage elfique prouvait à quel point elle était touchée. <Et vous ne pouvez prendre la mesure réelle de ce que vous venez de m'offrir… Je vous remercie, de tout mon coeur de dragonne…. > Elle vint souffler sur lui sans inimité, un simple souffle chaud comme une brise d'été. Mais son esprit recherchait cependant quelque chose. Et elle annonça. < Vous m'avez comblé par ce présent, et j'aimerais beaucoup vous en offrir également un… >

Éloignant son museau, elle vint fourrager contre son épaule et parvint à déloger une petite écaille. Petite… pour elle, évidemment. La tenant dans le bout de son museau, elle revint vers l'elfe et lui tendit son présent. Mais au même moment, elle sentit Kylian revenir vers elle par l'esprit et bondit vers lui, son appel mental retentissant dans tous les esprits alentours. < Kylian ! As-tu enfin finit avec ces fichues leçons ?!>

L'étreinte puissante mais chaleureuse qui enveloppa son esprit, son âme même, le revigora bien plus que tous les mots, d'autant plus face à ce qui l'attendait dans sa quête au devant des elfes. Il sentit sa volonté, sa force mentale, rassembler ses miettes éparpillées et se raffermir sous cet étau de force brute, pour devenir pierre inébranlable. Il ne sut comment remercier la dragonne de ce don précieux, de ce don de courage, de force, de volonté, de puissance d'âme aussi... alors il ne dit rien, et laissa son coeur battant parler pour lui, son esprit agité exprimer toute sa profonde reconnaissance.

Il ne pouvait refuser la requête de la dragonne de l'accompagner en pensées, mais quand bien même l'aurait-il pu... il ne l'aurait voulu. Savoir qu'une telle puissance, une telle majesté, une telle noblesse d'âme, serait avec lui en pensées lui réchauffait étrangement le coeur et il sentit réellement une bouffée de chaleur lui monter au visage, tandis qu'il rougissait légèrement tout en souriant presque béatement à la Mère des Tempêtes. Toujours muet, incapable d'exprimer oralement l'ampleur de ce qu'il ressentait alors. Mais les mots étaient bien inutiles avec la belle écailleuse, n'est-il pas ?

Heureusement, il put reprendre contenance quand il fut question de la rose. La contemplation de la dragonne dura, dura, dura encore, tant et si bien que l'elfe commençait à penser avoir fauté, avoir manqué à cette mission, ce petit plaisir draconique que la belle dragonne lui avait confié. Il commençait déjà à se morfondre dans une culpabilité coutumière, quand un chaud étau revint l'envelopper de tout son feu ardent.

< Elle est plus magnifique que toute autre fleur, Eliowir Mellon… >

Le vieux lion se sentit soudain consumer sous le plaisir que ce compliment insuffla. Ce compliment, et surtout ce petit mot, Mellon, prononcé par cette dragonne entre tous, elle qui disait détester les elfes... Lui donner le titre d'ami, et le lui donner en langue elfique. C'était là un immense honneur. Un honneur dont il n'était pas sûr d'être digne. Mais il n'osa pas contrarier la dragonne et au lieu de cela, ne put que s'incliner révérencieusement devant cette majesté, en lui offrant le salut cérémonial elfique. Espérant ne pas la vexer par ce geste... mais après tout, il était elfe, et elle lui offrait le titre de Mellon, en langue elfique... cela devait se conclure par un salut à la mode elfe, n'est-il pas ? Comme si tous deux scellaient une sorte de pacte, d'alliance. Il ne serait certes pas lié à cette dragonne comme on l'entendait entre dragonnier et dragon, mais il l'était tout de même d'une certaine façon. Une façon bien... skadilienne. Il sentit la brise chaude lui caresser le visage, manquant toutefois lui faire perdre l'équilibre, mais loin de s'en offusquer il s'en sentit honoré, et ce fut un autre sourire radieux qui orna les balafres de son visage anguleux.

< Vous m'avez comblé par ce présent, et j'aimerais beaucoup vous en offrir également un… >

Lui offrir quelque chose ? A lui ? En échange de son présent ? Mais pourtant son cadeau était un cadeau justement, qui ne demandait aucune contrepartie... Il allait ainsi protester, quand, il la vit lui tendre, à lui alors petit elfe muet de stupeur et d'admiration, une magnifique et splendide écaille aux irisures grises chantant de mille nuances sous les rayons du soleil ardent. Il n'osait encore le prendre, trop ému pour faire le moindre geste, ou prononcer le moindre mot. L'écaille trônait ainsi au bout du museau de la dragonne, et lui, une main à peine tendue, osait à peine toucher ce noble présent dont il se sentait pourtant indigne.

Il n'eut d'ailleurs guère le temps d'offusquer la dragonne par son hésitation ou autre, qu'un puissant rugissement retentit dans son esprit et le sonna, le faisant chavirer sous la force de cette impulsion mentale, à tel point qu'il en tomba à la renverse, les fesses à terre.

Kylian avait-elle dit ? réalisa-t-il entre deux battements féroces de coeur affolé. Kylian ? Comme Kylian Wallam ?

Et se pensant, il releva un regard, vite horrifié, devant le sombre et sinistre personnage qui s'approchait d'eux. Oui, Wallam, ce maudit renégat possessif et jaloux, imbécile et idiot. Par le Dracos, que faisait-il là ? Et quel était son lien avec la dragonne, pour qu'elle se permette une telle familiarité avec lui ? Pour qu'elle semble si inquiète ?

- Vous, souffla-t-il en guise de salut au vampire, mortifié de se retrouver dans cette position humiliante, ainsi assis par terre de façon bien peu élégante, devant ce renégat dont le mépris était évident et qui ne lui avait apporté que des ennuis.

Dont un certain défi du Prince.

Le vieil elfe s'empressa donc de se relever, faisant taire ses muscles endoloris, et releva un regard étonné et inquiet, oui, réellement inquiet, vers la dragonne. Il n'avait toujours pas pris l'écaille, et n'osait plus un geste pour se faire.

- Vous le connaissez, noble Mère des Tempêtes ?

Dans sa voix vibrait une réelle appréhension. Après tout si elle le connaissait, si le renégat et elle étaient proches, assurément elle ne l'apprécierait plus de même. Déjà qu'il était elfe, alors si en plus le renégat faisait part de tout le bien qu'il pensait du lion à la majestueuse écailleuse, nul doute qu'elle réviserait son jugement le concernant. Et cette pensée lui vrilla le coeur de douleur, comme si déjà il s'émiettait à cette perte énorme. A la perte de la considération que cette noble puissance avait ressentie, alors, un jour, pour lui, le banni, l'infanticide, le paria, le... le renégat.

Il ne put alors soutenir plus longuement le regard profond de la dragonne et baissa les yeux, mortifié encore et se sentant blessé, sans qu'il ne parvienne à se raisonner.

L'idée qu'avait eue l'empereur rebelle lui apparaissait de plus en plus incertaine, et Kylian n'avait pas eu besoin de plus d'une leçon pour en prendre conscience : parvenir à imiter un noble pour s'inviter à la cour de Gloria ne serait pas aussi facile qu'il avait pu le penser de prime abord. De son ancienne vie, le renégat vampirique n'avait conservé que quelques bribes de souvenirs bien inconsistants, et à cette pauvreté fallait-il ajouter le fait que les moeurs en vigueur avaient quelque peu évolué depuis deux cents ans. Pourtant, vu de l'extérieur, cela semblait relativement simple : quelques courbettes face aux bonnes personnes, quelques bons mots distribués adroitement, rien d'inaccessible en somme. Hélas, la réalité s'était rapidement révélée un tant soit peu plus complexe et la rancoeur qu'éprouvaient encore les deux hommes l'un envers l'autre ne facilitait pas leurs rapports, loin de là. Mais pas l'un plus que l'autre ne renoncerait, c'était bien là la seule certitude que le vampire avait pu retirer de ce premier cours : tous deux voulaient venir en aide à Esmelda alors s'ils devaient apprendre à se supporter pour ce faire, ils apprendraient. Du moins était-ce à espérer, car pour l'instant, humain comme vampire avaient accueilli volontiers ces quelques heures de pause qu'ils venaient de s'accorder. Jusqu'au lendemain en effet, le premier retournerait probablement à ses préoccupations de souverain, tandis que le second... et bien le second en profiterait pour passer un peu de temps avec sa dragonne fraîchement liée. Cela faisait quelques jours à présent qu'il pouvait légitimement se présenter comme un dragonnier, et pas n'importe quel dragonnier encore bien, mais il n'appréhendait encore que difficilement toutes les implications et la profondeur de ce que ce lien pouvait représenter. Cette présence, lointaine de corps mais toujours agréablement proche d'esprit, inébranlable pilier auquel il savait pouvoir se raccrocher en toutes circonstances, l'intriguait, le rassurait autant qu'elle l'effrayait, dans une certaine mesure.

Impatient à l'idée de retrouver sa liée en chair et en écailles, Kylian quitta discrètement et rapidement les galeries d'Aigue-Royale pour se diriger vers les plaines qui s'étendaient à perte de vue dans l'est de l'Empire et en particuliers vers la colossale silhouette qui dominait de sa présence les alentours et que l'on pouvait apercevoir jusqu'à de nombreuses lieues à la ronde. Une montagne, il n'y avait guère de représentation plus exacte de ce que pouvait incarner la dragonne mère des tempêtes : elle était si grande qu'il devenait difficile d'estimer la distance qui vous séparait d'elle, et l'on pouvait sans difficulté marcher des heures durant dans sa direction sans avoir l'impression de s'en approcher. Heureusement, le vampire avançait vite, d'autant plus vite d'ailleurs qu'il venait de remarquer une autre silhouette aux côtés de sa liée, celle d'un bipède jusqu'à présent dissimulé par les impressionnantes dimensions de l'écailleuse qui lui tenait compagnie. Il n'en fallait guère plus pour titiller la curiosité et l'instinct possessif du vampire qui allongea rapidement la foulée, chassant rapidement ses inquiétudes lorsque l'esprit de sa liée se précipita vers lui pour enlacer le sien. Concentrant son esprit sur celui de la dragonne, le vampire essaya de formuler des mots intelligibles pour s'adresser à elle dans cette inaudible langue qu'était la télépathie mais n'y parvint pas, pas encore du moins, et découvrit plus rapide et surtout plus facile pour lui de transmettre des émotions et des images diffuses, certes moins riches qu'un discours en bonne et due forme, mais suffisantes pour que la dragonne puisse comprendre les aléas de son début d'apprentissage. Le vampire s'interrompit cependant rapidement pour ramener son attention sur le mystérieux compagnon de la dragonne, lequel venait de bien maladroitement tomber à la renverse. En d'autres circonstances, sans doute Kylian aurait-il pu sourire de cette innocente chute, mais toute envie de ce genre s'estompa aussitôt que son regard clair put parcourir les traits balafrés d'un elfe qu'il eut préféré ne plus revoir.

« Moi... »

Le timbre de voix sur lequel avait répondu le vampire n'avait rien à envier à celui sur lequel s'était exprimé l'elfe. Il venait à peine de se porter à hauteur du balafré et dardait sur lui un regard froidement interrogateur que déjà ce dernier se relevait. Son regard glissa ensuite sur l'écaille avant de remonter vers le museau de la dragonne millénaire pour finalement revenir sur le sylvain qui s'inquiétait assez lisiblement de ce que pouvaient être vampire et dragonne l'un pour l'autre. En dépit des efforts qu'il déployait pour demeurer neutre, Kylian ne parvint pas à domestiquer son côté prédateur aussi sûrement qu'il l'aurait souhaité et laissa bientôt un rictus carnassier dévoiler ses crocs. C'était mal, un peu méchant même, mais le seul souvenir de ce qu'avait été leur précédente rencontre suffisait à faire taire les scrupules du vampire qui n'en savourait que davantage cette inquiétude vibrante qu'il pouvait lire dans le regard du balafré.

« Elle me connaît, en effet. Plus que vous ne pourriez le souhaiter d'ailleurs... »

Mais cela, il laisserait le soin à sa liée de le lui expliquer, après tout, il avait toutes les raisons de penser que l'elfe refuserait de le croire s'il lui faisait part des détails lui-même. Peut-être l'écailleuse serait-elle plus convaincante ?

Son esprit enlaça étroitement le sien et le serra, son contentement de le savoir de nouveau près d'elle irradiant de son esprit comme un soleil sans qu'elle s'en cache un seul instant. Bien sûr, qu'elle était contente ! Après tout elle n'aimait pas ces longues leçons ennuyantes sur l'étiquette, même si elle savait que cela lui serait utile. Attentive, elle s'amusa un peu de le voir s'essayer à la télépathie et l'encouragea cependant, ravie qu'il se montre si prompte à développer leur lien. C'était bien. Très bien même. Et elle accueillit les images et les sensations avec curiosité, désireuse de savoir ce qu'il avait vécu, s'intéressant à lui et étudiant ce qu'elle recevait pensivement. Sa réponse n'aurait pas tardé, mais elle fut ramenée au moment présent lors de l'échange des deux bipèdes et la dragonne baissa les yeux vers eux…. Elle n'aimait pas le ton qu'ils prenaient tous deux, ça elle en fut presque immédiatement certaine, et sa bonne humeur se mua en quelque chose de plus lourd. Pas encore de la réprobation, très loin de la colère qu'elle avait pu montrer par le passé, mais définitivement autre chose que de la joie ou de la satisfaction. Parce qu'elle n'était pas satisfaite de voir ses deux bipèdes parler ainsi. Enfin, en quel honneur ! Mais certes, elle savait déjà que Kylian connaissait Eliowir, elle l'avait vu quand elle avait partagé ses souvenirs. Mais c'était passé et les choses avaient été éclaircies non ? Pourquoi poursuivre dans l'inimité alors ?

Elle savait que Kylian essayait, mais il n'essayait pas entièrement assez à son goût, tout de même. C'était inutile de se complaire ainsi face à l'émoi de son sylvain préféré. Elle gronda légèrement, mais expliqua effectivement, se tournant vers Eliowir pour se faire. < Je le connais oui, il est mon lié > Malgré tout les faux pas et les façons parfois horripilantes de son vampire, elle était très fière du lien qu'elle partageait avec lui. Une fierté qui se ressentait dans la façon dont elle en parlait. C'était plus fort qu'elle, un instinct simple qui ne la troublait absolument pas. C'était simplement la vérité. Mais en même temps, l'elfe ne devait pas s'en sentir menacé et c'était avec cette pensée qu'elle reprit, continuant sur la liberté qu'on lui laissait. < Vous vous êtes déjà rencontré, je le sais, mais j'y accorde pas beaucoup d'importance. Ce que vous avez vécu par le passé n'importe plus. Tous deux m'êtes importants, j'espère que vous voudrez bien faire l'effort d'établir de meilleurs relations… > Sous-entendu, sans qu'elle ait à forcer la chose. Ce serait vraiment dommage après tout. Elle pouvait toujours rugir et gronder contre Kylian, et l'obliger peu ou prou à obéir, mais ça n'aurait pas de valeur, alors. Elle voulait qu'il accepte, qu'ils acceptent de le faire d'eux-même. Qu'ils veuillent bien faire un pas l'un envers l'autre. Oh elle ne leur demandait pas d'être les meilleurs amis du monde ! Mais simplement de se comporter en individus intelligents ayant des choses en commun. Elle par exemple. Et puis c'était aussi travailler leur lien de dragon et dragonnier que de lui laisser confiance et liberté.

Mais puisqu'il ne saurait sans doute pas vraiment comment commencer, elle décida tout de même de lui offrir une porte d'entrée. < Kylian, Eliowir m'a offert quelque chose de très précieux. J'aimerais que tu le porte pour moi, j'aurais trop de craintes de le perdre dans mes écailles. Et j'ai décidé de le remercier en lui faisant également un cadeau. Voudrais-tu bien lui donner cette écaille pour moi ? > Elle avança le museau, en montrant bien l'écaille luisante qu'elle tenait, parlant dans leurs deux esprits. Il ne restait plus qu'à voir comment ils allaient réagir à cela maintenant.

Qu'il n'aimait pas cette voix. Et qu'il n'aimait pas ce sourire, songea l'elfe, tentant de réprimer le frisson que la proie au fond de lui ressentit face à l'aura prédatrice du vampire. Il n'en recula pas pour autant, et au contraire affronta la vue des crocs en redressant son maintien et en offrant un port altier des plus hautains au vampire, le toisant de toute sa hauteur. Oui, il sentait vibrer en lui les affres de l'appréhension, si ce n'est de la peur, oui, il n'aimait pas ce vampire-là, mais il fit appel à toute sa volonté pour taire tous ses sentiments parasites malvenus. Mieux valait rester sur ses gardes, au cas où que finalement danger n'éclate, mais qu'il ne soit pas dit qu'il serait le premier à attaquer.

D'ailleurs, il n'avait jamais attaqué le vampire actuellement devant lui, ne l'avait jamais voulu ni fomenté, et ne le voulait pas plus alors. Il ne l'aimait pas, même s'il ne pouvait dire non plus le détester, l'autre l'agaçant plus qu'autre chose, mais il ne lui voulait pas non plus de mal. Tant que le vampire en question ne lui en faisait aucun, toutefois... un certain grimoire lui avait suffi, il ne serait pas dit qu'il se laisserait encore atteindre sans riposter. Dragonne ou pas dragonne. Même si, il devait l'avouer, blesser la dragonne par un comportement éhonté, ou en perdre le peu d'estime qu'elle pouvait avoir pour lui, lui ferait mal et le peinerait grandement...

Le vieil elfe était ainsi focalisé sur ses pensées, tout en tentant de se maitriser, sans même songer que la dragonne en question pourrait lire en lui bien facilement. Il ne sut toutefois que répondre aux assertions du vampire, qu'il sentait pleines d'allusions sous-entendues et préféra donc garder le silence. Un silence un brin méprisant, peut-être, qui ne faisait en fait que cacher sa profonde circonspection. Quand une voix résonna en lui, en eux...

< Je le connais oui, il est mon lié >

Son lié ? L'elfe relâcha son attention du vampire pour regarder la belle dragonne, et, perdant soudain toute fière contenance, manqua s'étrangler. Il se mit à crachoter, tousser fortement, sentit son visage virer au rouge, et d'avoir failli s'asphyxier et de honte mêlée, avant de finalement parvenir à croasser d'une voix rauque, un brin trop aiguë à son goût léonique :

- Votre lié ?

La montée dans les octaves montraient clairement son incrédulité.

- Ce... ce...

Nombre d'adjectifs et nominatifs peu valorisants lui vinrent à l'esprit, mais par égard pour la dragonne, qui en avait fait son lié, et qu'il ne voulait alors insulter, il retint sa langue acérée. Prit une inspiration, avant de reprendre :

- Ce vampire votre lié ?

Cette fois sa voix sembla reprendre ses accents premiers, graves, et profonds, et son maintien parvint à reprendre de sa dignité. Même s'il se sentait mortifié par une telle réaction.

Une sueur froide manqua de le submerger quand il réalisa, soudain, tout ce que cela impliquait. Mère des Tempêtes liée à un vampire qui visiblement le détestait et semblait vouloir en faire son repas de la nuit... Hum, cela sentait le roussi pour lui.

Mais heureusement la dragonne le détrompa rapidement, le rassurant, du moins en partie, sur ce point-là. Tous deux lui étaient importants, disait-elle ? Si l'elfe ne put que s'en sentir flatté et eut une bouffée d'affection pour cette millénaire dragonne (à croire qu'il ne s'attachait qu'aux millénaires en tout genre, songea-t-il subrepticement), il ne pouvait se départir du sentiment que l'importance d'un lié devait être, tout de même, plus marquée, n'est-il pas ? Et si le lié en question décidait de le happer, s'y opposerait-elle réellement ?

<J'espère que vous voudrez bien faire l'effort d'établir de meilleurs relations… >

Peut-être oui. Peut-être bien, songea l'elfe. Se sentant un peu plus rassuré encore, et sentant la tension de ses épaules soudain se relâcher.

Toutefois... Toutefois... Non pas qu'il ne veuille pas conclure une trêve ou quoique ce soit d'autres, mais on n'allait quand même pas lui demander de faire le premier pas ? Ce n'était pas lui qui avait attaqué ce mécréant de vampire ? Ce n'était pas lui qui l'avait accusé de tous les maux ? D'accord il l'avait giflé. Tout comme il avait giflé Wintel, pour tenter de les ramener tous deux à la raison et éviter un massacre inutile. Certes, ses manières avaient laissé à désirer et pouvaient prêter à confusion... Mais tout de même ! On n'allait pas lui demander de réclamer pardon ? Son lion à cette idée se révulsait plus que jamais...

Et n'y tenant plus, il s'exclama :

- Mais je n'ai jamais rien eu contre ce stupide vampire suicidaire et téméraire à souhait, personnellement. Je ne lui ai jamais souhaité le moindre mal, ni ne l'ai attaqué en aucune façon. Ce n'est pas moi qui lui ai balancé un grimoire sur la tête sous le prétexte fallacieux qu'il discourait, de questions importantes qui plus est, avec sa princesse bien aimée. Ce n'est pas moi qui l'ai accusé de tous les maux quand cette princesse a couru aux pieds du mage noir pour lui crier sa façon de penser quant aux précédentes questions ! Ce n'est pas moi... Bon d'accord, je l'ai giflé, mais là encore c'était pour lui éviter un sort funeste face au Prince Noir. M'attirant d'ailleurs les foudres de ce dernier...

"et me retrouvant affligé d'un défi du prince en devenir, qui plus est", compléta-t-il en lui-même. Grimaçant à cette idée.

- Noble Ecailleuse, Majestueuse Mère des Tempêtes, je vous suis redevable de m'avoir accordé tant d'attention, et je suis honoré de votre...

Affection ? Il aurait aimé pouvoir l'affirmer, mais... Dire qu'elle avait choisi ce satané vampire comme lié. Et Jalousie vint soudain le griffer de ses serres acérées, manquant de lui arracher le coeur.

- de l'importance que vous m'accordez. Je serais heureux de réaliser le moindre de vos souhaits. Réellement. Mais me demander de... demander pardon à ce...

"mécréant de vampire possessif, jaloux, suicidaire et idiot ?"

- votre lié... Cela est au dessus de mes capacités.

Le tolérer... Oui, peut-être. Cesser de lui chercher querelle... Peut-être aussi. Mais lui accorder plus encore ? Lui présenter excuses ? Non, il en était incapable.

Et, il ne sut si ce fut de honte, de peine ou de terreur, peut-être un étrange mélange des trois, il baissa la tête, offrant de nouveau le salut elfique à la dragonne. Réalisant, un peu tard, qu'il venait de rappeler là son appartenance à un peuple que la Mère des Dragonnes n'appréciait pourtant pas. Il ne voulait pas la peiner, aurait aimé garder son amitié. Mais... Mais il ne savait comment réaliser ce qu'elle lui demandait.

[HJ : Oui je sais Skade n'a pas demandé qu'ils se demandent pardon, mais Eliowir l'a pris ainsi... Va falloir lui expliquer au vieux lion ]

Il avait immédiatement ressenti l'irritation de sa liée d'âme, avant même que ne résonne le grondement de contrariété avec lequel elle était venue saluer la tension qui existait entre l'elfe et le vampire. Il comprenait et acceptait la réaction de la dragonne, aussi simplement que s'il s'était agis de ses propres sentiments, de la même façon qu'il avait eu l'immédiate certitude qu'elle comprendrait et accepterait son propre comportement. Mais comprendre et accepter ne signifiait pas pour autant approuver, et l'ancestrale écailleuse ne se fit guère prier pour faire savoir ce qu'elle attendait de la part des bipèdes qui se tenaient devant elle. Pourtant, les précédents qui existaient entre les deux hommes ne favoriseraient pas des rapports amicaux, il n'était pas nécessaire d'avoir vécu trois millénaires pour le comprendre. Quoique... si le sylvain continuait à s'étouffer tout seul, peut-être Kylian pourrait-il reconsidérer la question. Peut-être.

« Vous avez bien entendu, Serillëiel, mais peut-être faut-il vous le dire en elfique ? »

Après tout, il semblait tellement apprécier la nouvelle, il serait mesquin de la part du vampire que de lui refuser le plaisir de l'entendre une fois encore. Sarcastique, lui ? Un peu, beaucoup même, mais était-ce sa faute à lui si cet elfe semblait un maître dans l'art d'exacerber ses mauvais côtés ? Et d'apprendre qu'il avait offert un cadeau à l'écailleuse ne fit qu'attiser un peu plus encore la méfiance du vampire. Décidément, ce maudit balafré devait mettre un point d'honneur à s'attirer les faveurs des proches du renégat, et c'était précisément de le voir y parvenir qui agaçait prodigieusement la possessivité instinctive de ce dernier. S'il ne répondit rien aux paroles de la dragonne, le regard qu'il dirigea vers les énormes iris de sa liée n'en fut que plus expressif encore : il comprenait parfaitement les intentions de la millénaire, et d'une certaine façon, il la remerciait de ses encouragements, mais il n'en demeurait pas moins vrai que ce qu'elle exigeait de lui à cet instant serait difficile. Très difficile. Trop peut-être. Après tout, dragonnier ou non, il n'avait rien d'un surhomme - ou plutôt d'un survampire - et possédait comme tout autre bipède des limites dont il ne pourrait jamais s'affranchir. Mais parce qu'elle était sa liée et qu'il n'était rien qu'il ne tenterait pour elle, il se devait au moins d'essayer, ne serait-ce que par respect envers la confiance qu'elle plaçait en lui pour y parvenir. Ainsi, avec une profonde inspiration, le vampire leva la main pour se saisir de l'écaille que souhaitait offrir la dragonne au sylvain, à l'instant précis où ce dernier décida de se rappeler à eux.

Presque. Kylian était presque parvenu à accepter l'idée d'ignorer la potentielle amitié qui existait entre sa liée et le balafré. Mais quelque part dans le plan astral, le Dracos ou l'un des Esprits devaient avoir décidé que le sylvain et lui ne pourraient jamais s'entendre, comme le confirma rapidement le regard que dirigea le vampire vers le misérable geignard qui se lamentait là.

« Dites donc, au cas où vous l'ignoreriez, vous êtes au moins aussi stupide, suicidaire et téméraire à souhait, si ce n'est plus. »

Il fallait bien l'être pour se comporter comme il le faisait, que ce soit ici, en insultant copieusement le dragonnier d'une créature qui l'eut gobé sans même s'en rendre compte, ou lors de leur précédente rencontre, celle-là même dont il se décriait en cet instant précis.

« Et pour votre gouverne, ce livre ne visait pas votre crâne : quand bien même je ne peux nier avoir pris un certain plaisir à le voir y atterrir, mon geste n'avait pour seul objectif que d'interrompre le cheminement de vos présomptueuses pensées. Mais puisque vous semblez avoir à coeur de vous dédouaner, ne vous arrêtez donc pas en si bon chemin, osez donc me dire en face que vous ne caressiez nul désir lubrique tandis que vous discouriez si innocemment avec Esmelda. Osez donc prétendre que vous n'êtes en rien responsable de sa visite à Lorenz. Osez donc affirmer devant moi que ce n'est pas à votre rencontre que je dois de savoir mon pire ennemi informé des sentiments qui me lient à elle ! Osez seulement ! »

Joignant le geste à la parole, le vampire avait instinctivement posé un pas vers l'avant et porté la main à la garde de son épée, visiblement bien décidé à en faire usage si cela devait s'avérer nécessaire. Toutefois, parce qu'il devinait sans mal que Skade ne pourrait tolérer très longtemps le voir ainsi se laisser porter par une colère qui ne lui avait déjà attiré que trop d'ennuis, Kylian laissa son épée sagement logée dans son fourreau et tempéra au moins ses pulsions prédatrices, à défaut de parvenir à tempérer ses mots :

« Depuis l'instant où vous êtes entré dans la vie d'Esmelda, et par conséquence dans la mienne, vous n'avez été qu'une source de problèmes ! Pour elle, pour moi, pour nous. Alors rassurez vous, personne n'attend de vous que vous me demandiez mon pardon, pour la bonne et simple raison qu'il ne vous serait pas accordé ! »

Il y avait trop, beaucoup trop entre eux que pour ne serait-ce qu'espérer pouvoir en faire abstraction si facilement. Car l'animosité du vampire n'était pas motivée par la seule jalousie d'avoir surpris le sylvain à déshabiller la princesse du regard : en poussant le raisonnement, Kylian pouvait rendre Serillëiel sinon totalement, au moins en partie responsable de sa décision de s'en remettre au diamant de pureté pour vaincre Lorenz, avec toutes les conséquences que l'on connaissait sur ce qui avait été le couple du renégat. Non pas qu'il chercha de la sorte à se disculper des actes qu'il avait commis et des paroles qu'il avait prononcées, certainement pas, mais il ne pouvait pour autant ignorer les événements qui, en amont, avaient mené à la lente déchéance qui avait été la sienne. Et l'intervention de Serillëiel auprès d'Esmelda faisait sans l'ombre d'un doute partie de ces événements.
Ramenant son attention sur l'écailleuse qu'il devinait peinée et contrariée par son échec, il s'excusa :

« Puisqu'il t'est précieux, je porterais et prendrais soin du cadeau qu'il t'a fait, ma liée, mais tu m'as surestimé en pensant que je pourrais... le supporter. Je suis désolé. »

Et il l'était, sincèrement.

Pour cette fois, la surprise et la déception, quoique légère, ne virent pas comme elle s'y attendait de son vampire qui, pour sa satisfaction, essayait vraiment de faire un effort, même si cela lui coûtait atrocement, ce qu'elle avait parfaitement compris. Elle avait bien compris qu'elle lui demandait quelque chose de difficile. Elle savait aussi que ce serait bon pour lui que de parvenir à passer outre ses a priori et l'image négative qu'il avait de l'elfe. D'abord parce que cela le grandirait de comprendre que l'on pouvait dépasser un premier mauvais contact, mais également que la démarche permettait de s'ouvrir davantage et même de trouver des alliés là où, de prime abord, il n'y en avait pas. Eliowir pouvait devenir un allié, s'ils arrivaient à s'entendre enfin. Surtout quand on savait que leur brouille était vraiment ridicule. Elle savait les bipèdes vains, parfois, mais là ça dépassait de très loin tout le reste. C'était parfaitement stupide, de se grogner dessus pour ce genre de choses. Mais pour eux, ce n'était pas rien, aussi difficile que ce soit à comprendre pour un esprit draconique. Néanmoins, elle comptait bien le soutenir et se montrer patiente s'il le fallait, parce qu'elle était certaine qu'il pouvait y arriver. < C'est parce que tu n'es pas un surhomme que tu peux y arriver. Tu n'en aurais pas besoin autrement et cela ne t'apporterait rien. Mais ce n'est pas le cas > Et pourtant, contrairement à ce qu'elle pensait, ce n'était pas lui qui fit défaut. Son museau se tourna légèrement vers l'elfe et elle l'écouta pourtant attentivement.

Elle resta silencieuse durant leur échange, son esprit ne montrant rien de ce qu'elle pouvait ressentir, mis à part une brève tension, appuyant contre l'esprit de son lié en le voyant esquisser le geste de se saisir de son épée. Elle tolérait leur échange, faisant elle-même un effort, mais elle n'irait pas jusqu'à accepter de le voir tirer les armes pour s'en prendre à son elfe. Lorsqu'elle se tourna plus pleinement vers Kylian, elle approcha son museau de lui jusqu'à toucher son torse de ses écailles. < Non, je ne t'ai pas surestimé. Rappel toi que je suis dans ton esprit et dans ton âme, je vois plus que la finalité d'une action, je vois aussi ce qui te pousse en avant et te décide. J'ai bien vu que tu as sincèrement essayé et je sais aussi que tu aurais pu éventuellement y parvenir. Ceci étant, cela ne veut pas dire que tu ne trouveras pas le moyen d'y parvenir sur le long terme. Je n'abandonne pas. Pour le moment, ton effort me satisfait déjà > Elle lui caressa l'esprit et vint souffler un air chaud sur son visage, lui faisant voler capuche et cheveux. < Mais tu sais, tu devrais également chérir ce présent, Kylian. Ce que j'ai demandé à Eliowir est unique en son genre, c'est une rose d'Eon, le symbole des baptistrels pour l'amour éternel… C'est peut-être une des ultimes roses de ce genre, elle est très précieuse. > Oui, et sans doute son humaine saurait-elle également apprécier la beauté de sa fleur. Et elle avait bien l'intention d'essayer de la rependre quelque part, où elle pourrait vivre sans crainte de qui que ce soit, comme avant…

Se tournant à nouveau vers Eliowir, elle s'adressa à lui avec douceur. < Tu n'en sais rien. Malgré ton orgueil tu as meilleur coeur que beaucoup des tiens, et tu n'es pas aussi fermé. Si, tu le pourrais…. Si c'était ce que je te demandais. Mais ce n'est pas le cas. Je ne t'ai pas demandé de lui demander pardon. Pour moi, le pardon n'a aucun sens véritable. Ce n'est qu'une invention bipède. Que quelqu'un demande pardon ou non ne change pas ce qu'il a pu faire, ce qui est advenu. C'est le geste en lui-même que je te demandais, celui de tendre la main à ton interlocuteur et de passer outre votre expérience pour aller de l'avant. D'essayer de dépasser ce que tu peux penser de lui. C'est vrai, il est stupide et téméraire, et parfois ne prend-t-il pas assez de précautions, je ne peux le nier. Mais un conflit ne provient jamais d'une seule personne. Si vous ne vous entendez pas, c'est aussi que tu as une part de responsabilité dans cette affaire. Il a réagit comme il a réagit, avec ce qu'il est, et tu as fait de même. Je ne blâme ni l'un ni l'autre, mais je pense qu'il est idiot de se cantonner à cela simplement pour une question de confort. Ce n'est jamais vraiment confortable, de faire le premier pas… mais parfois c'est nécessaire. Sache simplement qu'il était prêt à cet effort. > Elle lui toucha le front du bout de son museau, puis s'adressa à tous deux.

< Et bien messieurs ? Que comptez-vous faire ? Parce que moi, je ne bouge pas d'ici et j'apprécierais de passer du temps avec vous deux. Si vous ne voulez effectivement pas vous concilier alors très bien, je ne vous y force pas, mais je ne renonce ni à l'un ni à l'autre pour autant >

Ce vampire l'horripilait. Oui. Plus même si cela eut été possible. Cette suffisance, ces airs de prédateur incarné, ces fanfaronnades, qui semblaient se décupler maintenant qu'il était dragonnier... Non, vraiment, ce vampire l'horripilait plus que tout et, rien qu'à sa vue, le vieil elfe sentait ressurgir en lui une vieille haine, de cette haine raciale qui avait si profondément implantée en lui des siècles plus tôt, de cette haine ancestrale qui avait nourri son peuple et le peuple honni les entrainant dans une guerre immortelle et inconditionnelle. Une haine qu'il avait pourtant mis au pilori, ou du moins qu'il s'y était efforcé, depuis une millénaire rencontre.

L'elfe dut alors faire un effort suprême sur lui-même, sur son esprit embrumé, son âme de haine altérée, pour se rappeler ce qu'il avait pu apprendre, voir, et tenter de comprendre : cette haine n'avait plus lieu d'être, ne se devait plus d'être surtout en ce monde menacé ; cette haine était devenue irrationnelle, nourrie de rancoeurs et de vieilles colères ; cette haine devait être enterrée. Il serra alors les poings, et ferma les yeux en même temps qu'il tenta de fermer son esprit à cette haine pulsante. La rejetant de toute sa force mentale, l'expulsant de lui, de son être même, l'enfouissant au plus profond de son âme pour qu'elle s'y perde à jamais dans les limbes des vieux souvenirs...

S'il sembla ainsi se fermer au monde extérieur, il n'en était rien en fait. Et chaque mot, chaque parole du jeune vampire lui parvenait, atteignait son esprit et sa raison. L'atteignait en plein coeur même... Vu sous l'angle du vampire, honni soit-il, effectivement... Certaines choses pouvaient peut-être, il disait bien peut-être... prêter à confusion. Certains actes, les siens et ceux du vampire combinés sans doute, avaient pu effectivement, peut-être, il disait bien peut-être, entrainer un tel revers pour la princesse. Oui, si on regardait du point de vue du jeune vampire, en effet, en un certain sens, le commencement n'était autre que les actes du vieux lion. Tel un jeu de domino, tout s'était ensuite irrémédiablement enchainé, sans qu'ils ne parviennent, ni les uns ni les autres, à en arrêter l'engrenage redoutable.

Et, s'il parvint à chasser enfin la haine viscérale, irraisonnée, qui semblait l'avoir happé l'espace d'un instant, il ne parvint à chasser pour autant cet éternel sentiment de culpabilité, de regrets, de remords même, qui le rongeait encore et encore. Pour tant d'actes, manqués ou meurtriés... et pour tant de chaines d'événements dont, soudain, il se voyait coupable.

Coupable.

Irrémédiablement coupable, sonnait soudain son esprit écrasé de tout ce poids.

Un poids qui se fit presque sentir physiquement, tant et si bien qu'il relâcha son maintien et sentit ses épaules s'affaisser, tandis qu'un lourd soupir lui échappait. Et les paroles de la dragonne, loin de l'apaiser, l'éreintèrent plus encore, l'écrasèrent de tout le poids de leur ancestrale, millénaire sagesse. Peut-être était-ce là ce qu'il cherchait à toujours s'attacher à des êtres ayant vécu mille éons ? A toucher, un peu, ne serait-ce qu'effleurer même, leur infinie sagesse ? Et elle disait que le vampire près d'eux aurait été prêt à pareil acte ? pareille... réconciliation ou du moins trêve ? Lui, à demi moins âgé que lui certainement, aurait été doté d'une telle sagesse, alors que lui vieux lion orgueilleux, avec tous ses ans séculaires, ses connaissances et expériences, n'aurait pas été prêt à comprendre cela ? Qu'était-il donc devenu ? Ou peut-être... que n'avait-il pas été capable de devenir ? Pourquoi n'avait-il pas réussi à acquérir un peu de cette sagesse-là ? Serait-ce son orgueil démesuré ? encore et encore ?

Tant et tant de questions encore le tourmentaient. Des questions toutefois qui cessèrent instantanément quand il sentit sur son front le contact de la dragonne. Un doux et chaud contact qui sembla lui redonner quelque peu une force qu'il lui manquait. Une vigueur, une volonté peut-être...

Et entendre la Mère des tempêtes affirmer ne pas vouloir abandonner l'un ou l'autre réchauffa étrangement le coeur glacé d'Eliowir. Doucement, avec précaution, comme s'il craignait ce qu'io allait voir ou avait peur de s'aveugler, il rouvrit les yeux. Et c'est d'une voix grave, profonde, quoiqu'un peu rauque peut-être, qu'il intervint enfin.

- Vous n'avez peut-être pas tout à fait tord, concéda-t-il au vampire, presque du bout des lèvres.

Regardant toutefois le concerné droit dans les yeux. Il était peut-être un arrogant prétentieux, orgueilleux, haineux et coupable de moult crimes, il n'était pas un lâche pour autant.

- D'un certain point de vue. Chaque acte entraine une chaine d'autres actes, d'autres événements. Chaque décision fait tourner le cours des choses dans une voie plutôt qu'une autre. Et ce en chaque instant, chaque sable du temps qui tombe. Ainsi est la vie.

Il soupira lourdement, sa tête se penchant de côté, soudain un brin songeur, tandis qu'il se remémorait rapidement lesdits événements. Et c'est en toute âme et conscience, qu'il répondit alors :

- Et oui je puis affirmer n'avoir eu aucune idée lubrique envers une digne princesse. Un désir certes, mais qui ne pourrait pas désirer une si belle femme ? Mais nul désir lubrique, déplacé ou éhonté. Un désir que j'ai pourtant réfreiné, chassant les affres de mon lion au loin, car sachant qu'une telle muse ne pouvait être la mienne. Une princesse humaine avec un elfe banni ?

Il eut un petit rire amer.

- Non, réellement, en toute honnêteté, si j'ai ressenti effectivement une certaine attirance, je n'ai eu aucune mauvaise intention sur ce sujet-là. Nous discutions réellement d'un problème important pour le peuple humain envers le peuple vampirique à la veille des négociations. Et je n'ai eu aucun geste, aucun mot, déplacé envers notre digne princesse. Je puis vous en faire le serment.

Et son ton grave et sérieux espérait convaincre alors ce forcené épris et jaloux.

- Pour le reste... Oui, effectivement, de mon rapport sur cette situation en a certainement découlé cette désastreuse visite de la princesse Esmelda au prince Noir. Je l'aurais su... Certainement aurais-je trouvé un autre moyen pour en informer le peuple humain... Ou aurais-je pris des précautions pour dissuader la princesse de ce geste dangereux. De ce point de vue là...

Il soupira une nouvelle fois, la chape de la culpabilité venant de nouveau l'ensevelir.

- Oui, de ce point de vue, je présume que je suis coupable. Coupable de tout ce qui s'est enchainé, en dépit de mes éfforts pour empêcher tout ce désastre.

Le vampire ne pourrait nier qu'il avait tenté de rattraper la princesse. En vain bien sûr... Et cette fois la faute ne lui incombait peut-être pas entièrement. Peut-être pas... Mais en partie coupable quand même.

- Je n'ai jamais eu l'intention de révéler ce que je n'avais que tout juste deviné d'ailleurs. Non, réellement ce n'était nullement mes intentions. Même si... ces révélations pourraient peut-être bien découler de mon intervention auprès de la princesse, je le conçois. Et soyez sûr que j'en suis le premier désolé. Pas forcément pour vous. Vous avez visiblement déjà affronté le prince noir et lui avez déjà échappé, vous auriez sans doute pu faire encore de même. Mais concernant la princesse... Oui, pour elle, vont toutes mes vives inquiétudes.

Et sa voix vibrait de sincérité.

Il dut toutefois prendre une profonde, et ample inspiration pour enchainer sur ce qu'il s'apprêtait à dire. Une première peut-être pour lui, fier et orgueilleux elfe sept fois centenaires.

- C'est pourquoi... C'est pourquoi, noble dragonnier...

Il préférait s'adresser alors au dragonnier et non au vampire. Préférant ne pas raviver une haine qu'il avait si bien enfouie.

- Je vous présente, là, maintenant, mes plus humbles excuses, aussi humbles qu'elles puissent être. Et quand bien même vous dîtes ne jamais pouvoir me l'accorder, je vous prie de pardonner le vieil elfe que je suis. Vous ne serez pas le premier, et peut-être pas le dernier, à ne pas pouvoir m'accorder pardon... Ce ne sera là alors qu'une charge de plus dans mon engrenage de vie jusqu'à ce que Mort daigne m'emporter.

IL offrit alors un salut elfique cérémonial, quand bien même il se releva bien rapidement. Si ses mots lui avaient été difficiles, ils avaient été sincères, relativement sincères du moins, quand bien même il sentait son orgueil se rebiffer vivement.

- Sachez, dragonnier, que je tente de ne pas garder les oeillères de mon peuple, et que je ne souhaite donc pas vous garder rancoeur pour votre possible haine.

Cette fois, il détourna son attention du vampire et reporta ses orbes nuit sur l'écailleuse grise.

- Noble Ecailleuse Grise, ô vous à la millénaire sagesse, je ne peux que vous remercier de m'avoir ouvert les yeux. De m'avoir aidé à chasser haine et colère. De m'aider à voir le monde sous un oeil nouveau, chose pourtant difficile pour moi être séculaire. Cela vous parait peut-être risible, que pareille chose demande tant d'efforts pour des êtres ayant vécu quelques siècles à peine quand vous en avez traversé mille, deux mille, trois mille même... Et puisque j'en suis au confession...

Il osa avancer une main tremblante vers la noble dragonne, avançant d'un pas incertain.

- J'avoue que...

Un autre pas, il pouvait presque la toucher.

- Oui, j'avoue, moi vieil elfe honni, que...

Un dernier pas, et sa main osa se poser, tremblante, sur les écailles du museau, redoutant ce que son audace, ce geste osé, ne provoque colère en la Mère des Tempêtes.

- Que j'envie votre dragonnier. Oui, vile jalousie m'a éprise. Je ne peux que me demander ce qui vous a fait le choisir lui, entre tous...

"Et pas moi. Pourquoi personne ne m'a choisi moi ?" finit-il en lui-même, trop honteux d'avouer cela à haute voix.

Il n'avait pu s'empêcher de tourner un regard vaguement sceptique en direction de la silhouette du sylvain balafré lorsque sa liée était venue lui affirmer la confiance avec laquelle elle abordait la relation pourtant tendue qui existait entre les deux bipèdes. Après tout, elle avait pour elle une expérience et une sagesse ancestrale que ni l'un ni l'autre ne pourraient seulement espérer caresser, au mieux pouvaient-il souhaiter qu'elle daignerait leur en faire bénéficier, alors qui sait ? Peut-être parviendrait-elle à sinon les concilier, au moins les inciter à ne pas s'entre-déchirer. C'était de toute façon la seule qui put prétendre y parvenir tant l'ampleur de la tâche n'avait pour égale que la taille démesurée de la Mère des Tempêtes. Un sourire vint d'ailleurs instinctivement étirer les lèvres du vampire tandis qu'il sentait le souffle de l'écailleuse l'enrober d'un cocon d'une agréable chaleur. Il n'avait jamais entendu parler des roses d'Eon, mais la fleur était vraiment très belle et la symbolique que lui avait attribuée les baptistrels était plus belle encore, aussi ne lui fut-il pas difficile d'approuver la décision de sa liée d'en prendre le plus grand soin. Et ce d'autant plus que dans les semaines à venir, il aurait plus que régulièrement l'occasion d'éprouver le souvenir et la valeur d'un amour éternel, le sien bien sûr, mais aussi et surtout celui qu'il lui faudrait raviver dans le coeur de sa belle.

Le fil des pensées du vampire s'interrompit cependant brutalement lorsque la voix grave du balafré, qu'il était pourtant presque parvenu à oublier, résonna dans l'air. Mais plus encore que le simple souvenir de sa présence à ses côtés, ce furent le choix des mots et le timbre de sa voix qui attisèrent tout à la fois la curiosité et la stupeur du vampire. Oh, il ne se risquerait pas à évoquer le terme d'humilité, certainement pas, mais il ne pouvait nier un certain changement dans l'attitude du balafré. A vrai dire, Kylian aurait plus volontiers imaginé le sylvain se draper de son inséparable fierté pour s'outrager des critiques et répliquer avec un discours au moins aussi acerbe qu'avait pu l'être celui du vampire, aussi l'entendre admettre une certaine forme de raison au renégat ne manquait pas surprendre ce dernier. Et non seulement ça, mais en plus vint-il consentir l'effort de s'expliquer, prenant le risque de s'attirer une fois encore les foudres de la jalousie et de l'instinct de possession du prédateur. Ce dernier s'efforça cependant rapidement de domestiquer ses pulsions primaires et ce quand bien même il ne voyait pas très bien en quoi une princesse humaine avec un elfe banni pouvait sembler plus ridicule que cette même princesse humaine avec un renégat vampirique exilé. Toutefois, il aurait été difficile pour lui de nier le charme et la beauté de la demoiselle, alors... sans doute... peut-être... pouvait-il... envisager la possibilité de tolérer l'idée qu'elle puisse attirer d'autres hommes ou elfes sans pour autant sauter à la gorge de ces derniers. Peut-être. Peut-être aussi pourrait-il accorder au sylvain qu'il n'était pas entièrement responsable du caractère impétueux de la princesse, et qu'une fois la belle partie aux devants du prince noir, le balafré avait effectivement emboîté le pas du renégat pour intervenir et rattraper la fougueuse jeune femme, sans beaucoup s'inquiéter des conséquences sur sa propre personne.

Toutefois, si Kylian avait déjà été surpris par la démarche de son vis-à-vis, il demeura ensuite franchement abasourdi pendant une longue seconde. Avait-il bien entendu ? On passait brutalement du stupide vampire suicidaire au noble dragonnier ? C'en devenait parfaitement déstabilisant. A tel point qu'il ne réagit pas lorsque le sylvain s'approcha de sa liée jusqu'à venir poser la main sur elle, s'étonnant toujours un peu plus du jour nouveau sous lequel il découvrait le balafré. A quel point avait-il été sincère ? Difficile à dire, mais quelque chose en lui, peut-être simplement la perception qu'avait sa liée de ce même balafré elfique, l'incitait à lui accorder sinon sa pleine confiance, au moins le bénéfice du doute. Peut-être même un peu plus que ça encore, mais il devenait vraiment difficile de clarifier ce qui n'était qu'intuition et perception de sens parmi les plus éloignés de la conscience. Il n'eut même pas envie de s'énerver lorsque le balafré s'était aventuré à questionner les raisons qui avaient pu pousser la millénaire à se lier au vampire, et pour cause, lui-même n'était pas précisément très sûr d'avoir les réponses.

« Il vous sera peut-être plus simple de comprendre ses raisons ainsi : j'accepte vos excuses, et je vous présente les miennes en retour. Je me suis laissé aveugler par ma jalousie et je vous ai prêté de fausses intentions, je ne puis le nier. De plus, vous ne connaissiez pas Esmelda, vous ne pouviez donc savoir comment elle réagirait à vos paroles et je suis prêt à vous accorder que vous eussiez agi différemment si vous l'aviez su. Cela ne change rien à ce qui s'est passé, bien sûr, mais c'est une chose que je puis garder à l'esprit, je suppose. »

Lentement, le vampire récupéra l'écaille que sa liée l'avait chargé de remettre au balafré et s'approcha pour effectivement la tendre au concerné, poursuivant :

« Je ne vous accorderais donc pas mon pardon, pour la bonne et simple raison que je ne considère pas que vous ayez vraiment quelque chose à vous faire pardonner. Vous avez votre part de responsabilité et vous l'assumez, j'ai la mienne et je l'assume, nous sommes quittes. Cependant... »

Il s'interrompit quelques secondes, laissant le silence peser quelques instants sur les mots ainsi suspendus dans l'air avant de reprendre finalement avec une pointe d'amusement dans le timbre de sa voix :

« Cependant, je vous serais gré de ne plus m'appeler noble dragonnier, ces mots ne conviennent pas du tout à votre bouche lorsque vous vous adressez à moi. Un Kylian ou un Wallam si le premier vous semble trop familier encore suffiront amplement. »

Ses lèvres se fendirent d'une grimace qui tenait plus du rictus amer et un peu gauche que d'un franc sourire amical, mais au moins son regard avait-il perdu cet éclat prédateur avec lequel il considérait le sylvain auparavant. Certes, ils n'étaient pas encore les meilleurs amis, sans doute ne pourraient-ils jamais vraiment l'être d'ailleurs, mais la titanesque Mère des Tempêtes semblait bel et bien être parvenue à leur faire accepter l'idée d'une coexistence pacifique. En soi, un véritable exploit.

Elle était curieuse de savoir ce qu'ils allaient faire maintenant parce que, mine de rien, en observant la situation, elle ne les aidait pas vraiment. Aucun des deux ne voulait bouger, mais elle non plus et elle avait cela pour elle qu'il leur serait terriblement compliqué de la faire abandonner ses positions, quelles soient physiques ou idéologiques. Mais en même temps, elle avait effectivement affirmé son désir de les voir tous deux, à cet instant. Et elle ne savait pas bien si ce serait comique ou ridicule, de les voir tous deux lui offrir leur attentions en s'ignorant mutuellement. Sans doute serait-ce les deux. Alors quoi ? Qu'est-ce qu'ils allaient en faire ? Elle était honnête dans son désir de ne pas les forcer, quand bien même elle imposait une situation difficile. Parce que, si elle les forçait, ça n'aurait plus aucune valeur. Soit, mais dans ce cas qu'allait-être la suite ? Si l'un des deux devait bouger en premier, elle aurait parier sur Kylian, en bien ou en mal d'ailleurs. Ce fut donc avec surprise qu'elle entendit Eliowir prendre la parole, et l'examina avec attention alors qu'il prenait sur lui. Voilà un agréable retournement de situation. Inattendu, il fallait bien le dire, mais apprécié sans le moindre doute.

Et plus qu'un simple geste offert du bout des lèvres comme elle l'avait cru aux premiers mots, il allait beaucoup plus loin, démontrant sans détours qu'elle l'avait effectivement bien jugé, si ce n'était pour ce premier pas. Elle grogna néanmoins lorsque le sujet de sa Mellyn fut abordé. Mais enfin qu'est-ce qu'ils avaient tous, avec Esmelda. Pauvre enfant. Elle devait porter un grand poids, à devoir gérer ces grands idiots… Non mais réellement, comment pouvait-on se croire coupable des actions d'un autre ! Comme si l'humaine n'était pas assez grande et réfléchie pour savoir ce qu'elle faisait et en assumer les conséquences. Décidément… pourtant les elfes et les vampires étaient sensés être un peu plus proche de l'idéal d'équilibre entre femelles et mâles, mais ces deux-là avaient encore à lui montrer que c'était effectivement le cas. Même ce forcené et fou dangereux de Faëlin avait été plus porté qu'eux sur le sujet. Bon, cela avait sans doute aussi à voir avec sa dragonne, mais quand même, ça montrait le niveau atteint. Elle ne leur ferait, cela dit, pas l'outrage de la comparaison à haut esprit, ils étaient déjà en plein effort après tout.

Ce qui ne l'empêcha pas de re grogner et de souffler dans l'esprit de Kylian, avec mauvaise humeur < Heureusement que je lui ai dis que je n'attendais pas de lui des excuses… autant parler à une souche d'arbre… > Mais bon, au moins il ne s'était pas entêté sur sa voie, c'était déjà ça. Elle n'interrompit pourtant pas le discourt du vieil elfe, et en le voyant finalement venir vers elle, pressa avec une infinie délicatesse contre la main posée sur les écailles de son museau. Elle cligna des yeux, ne disant mot dans un premier temps, laissant ainsi à Kylian l'occasion de parler. Elle n'était pas vexée de ses paroles, au contraire, elle s'en amusait avec toute l'affection d'une mère pour ses enfants. C'était qu'elle avait parfaitement conscience des efforts fournis par ces deux petits bagarreurs. Et c'est avec taquinerie qu'elle se décida à rompre son silence passé. < Il faudrait déjà que tu puisses prétendre être un digne dragonnier, mon petit vampire de compagnie, c'est que tu en es encore très loin. Mais nous y travaillerons. Peut-être qu'un jours, de pareils mots ne paraîtrons plus si ridicules >

Il était sur la bonne voie pour que ce soit le cas, en tout cas, encore plus avec la réaction qu'il venait d'avoir, et elle lui transmit tout ce qu'elle en pensait, sous forme de sensations. < Mais Kylian a raison. Ses paroles et son geste illustrent parfaitement le pourquoi de mon choix, même si je ne juge pas moi-même avoir besoin d'une raison. Il m'était destiné et voilà tout. Toute autre raison ou hypothèse serait superflue. Quand à toi, ma souche d'arbre, tu n'es peut-être pas mon dragonnier, mais je t'apprécie tout de même, et tu es mon elfe. C'est déjà bien davantage que ce que la presque totalité des mortels recevrons de ma part. Souvient-toi que je ne suis pas un dragon domestique, je suis un dragon sauvage, même maintenant. Lorsque je m'intéresse à un bipède, c'est que j'estime qu'il mérite mon attention > Un silence vint prendre place, pendant un moment, puis, alors qu'elle relâchait une volute de fumée, elle reprit, avec bougonnerie. < Bon et si messieurs ont réglés leurs querelles, j'aimerais bien que l'on me tienne correctement compagnie ! Je n'ai pas prévu de passer mon temps à élucider tous les mystères des façons bipèdes pour cette journée ! >

Ou comment dire qu'elle voulait qu'on s'occupe un peu d'elle sans se taper dessus…

S'il fut étonné d'entendre le vampire s'excuser en son tour, il dut avouer s'en sentir content et soulagé également. Au moins il n'était pas seul à s'être abaissé ainsi. Car oui, pour lui, digne Serillëiel, vieil elfe parmi les elfes, noble lion en son coeur, s'excuser était s'abaisser.

Il préféra toutefois ne pas répondre aux paroles que l'autre lui offrait alors. Et se contenta de simplement hocher la tête en guise d'assentiment. Message reçu, excuses acceptées, pages de cette histoire tournées. Voilà ce que son simple geste espérait faire passer, comprendre. Il observa simplement l'autre, jugeant ses paroles longuement en son esprit, en un silence d'apparence calme, faussement nonchalant. Il ne put s'empêcher toutefois d'admirer l'écaille magnifique, de la Grise Ecailleuse, que le vampire tenait dès lors dans sa main. Une écaille de dragon. Et de quelle dragonne ! Pour lui, uniquement pour lui ! Et que le dragonnier, pourtant alors fort peu estimé, de cette dragonne, lui remettait en cet instant fatidique, ultime, étrange et déroutant !

Longuement le vieil elfe observa cette magnifique écaille toute de grise drapée, aux belles nuances irisées. Il eut peine à en détourner le regard et dut se forcer à retourner son attention au jeune dragonnier.

« Cependant, je vous serais gré de ne plus m'appeler noble dragonnier, ces mots ne conviennent pas du tout à votre bouche lorsque vous vous adressez à moi. Un Kylian ou un Wallam si le premier vous semble trop familier encore suffiront amplement. »

Là encore, il ne sut que répondre. Un Kylian ? Non, il s'en sentait tout simplement incapable. Ce n'était pas dans sa noble et digne éducation d'appeler ainsi les étrangers par leur petit prénom. Non, décidément non. Un Wallam ? Ce serait là grande impolitesse selon lui que d'appeler autrui par son simple nom, sans titre digne... Non, décidément non, là aussi, cela lui semblait impossible. Ou alors au plus fort de la colère peut-être...

Il ne sut que répondre, et se contenta d'une moue dubitative, et un brin écoeurée. Ne pouvant se résoudre d'ailleurs à lui proposer de même. Il ne concevait de toute façon nul doute que le vampire s'octroierait ce droit de lui-même, sans que l'elfe n'ait son mot à dire...

Au lieu de mots, ce fut geste qui répondit. Lentement, avec une réelle déférence, les yeux brillants d'une émotion mal contenue, le vieux lion caressa l'écaille ainsi tendue vers lui. Ce fut tout aussi lentement, frôlant presque l'écaille plus que la touchant, qu'il s'en empara. Comme s'il craignait qu'en la touchant, ce rêve ne s'évapore au lieu de devenir réalité. Comme s'il craignait de briser, ou pire de souiller, ce noble présent qui alors l'honorait.

Il fut interrompu dans sa méditation et son admiration respectueuse par l'esprit draconique qui leur insufflait ses pensées.

< Quand à toi, ma souche d'arbre, tu n'es peut-être pas mon dragonnier, mais je t'apprécie tout de même, et tu es mon elfe. C'est déjà bien davantage que ce que la presque totalité des mortels recevrons de ma part. Souvient-toi que je ne suis pas un dragon domestique, je suis un dragon sauvage, même maintenant. Lorsque je m'intéresse à un bipède, c'est que j'estime qu'il mérite mon attention >

L'elfe releva ses yeux nuit sur la grise Mère des Tempêtes. Si cette fois-ci il voulut répondre, l'émotion, vive, féroce, qui lui griffait son vieux coeur et menaçait de l'anéantir pour de bon, tant ces mots le touchaient en l'anoblissaient et lui rendant une dignité cent fois bafouée, le rendit muet. Il sentit sa gorge se nouer et un noeud barrer le passage à toute voix. Mais les pensées étaient là. Et il tenta de transmettre tout cela, tout ce qui l'agitait, et plus encore, à la belle Dragonne de gris orage.

< Bon et si messieurs ont réglés leurs querelles, j'aimerais bien que l'on me tienne correctement compagnie ! Je n'ai pas prévu de passer mon temps à élucider tous les mystères des façons bipèdes pour cette journée ! >

Ces mots enfin décrochèrent un sourire, discret mais bel et bien présent sur les lèvres balafrées du vieil elfe. Et ce fut d'une voix un peu rauque même si suffisamment forte pour être audible, qu'enfin il répondit, tout en serrant tendrement son écaille contre lui.

- Vous avez raison noble Mère des Tempêtes. Il serait temps d'enfin vous honorer comme nous aurions dû déjà le faire. Quand bien même...

Il se tourna alors vers le jeune vampire, son sourire se muant soudain en taquinerie mi dédaigneuse mi amusée.

- Quand bien même il va falloir entrainer mes sens aiguisés à supporter une certaine odeur d'ours mal léché ou de sanglier bouseux.

Il était jaloux, oui... Possessif également, et peut-être... ou même plutôt très certainement, un peu trop protecteur. Sa liste de défauts aurait d'ailleurs pu s'allonger encore, mais l'arrogance exacerbée et la suffisance maladive n'apparaissaient pas au nombre de ses imperfections, aussi nombreuses ces dernières pouvaient-elles être. En fait, il avait même plutôt l'habitude d'être mal considéré par les humains ou les elfes, aussi ne se formalisa-t-il pas du dernier commentaire que laissa échapper le sylvain quant à son odeur. Il n'emprunta cependant pas moins le caractère railleur du balafré pour répliquer :

« Finalement, noble dragonnier conviendra parfaitement... »

Et ce quand bien même sa liée semblait partager son avis quant au fait qu'il était encore prématuré de lui donner un tel titre, ce dernier vaudrait toujours mieux que celui d'ours mal léché ou de sanglier bouseux. Il poursuivit néanmoins rapidement, toujours sur un ton situé à mi-chemin entre la simple plaisanterie et le plus grand sérieux.

« Cependant, si mon odeur vous insupporte à ce point, ne vous sentez pas obligé de la supporter plus longtemps. »

Non, il ne le chassait pas, il lui proposait poliment de le laisser se retirer si le besoin s'en faisait sentir, nuance ! Car que cela plaise ou non au sylvain balafré, le vampire avait bien la ferme intention de passer les heures à venir auprès de sa liée, son prochain cours de noblesse humaine auprès de Korentin arriverait toujours bien assez tôt, trop tôt même, à son goût. Toutefois, parce qu'il ne voulait risquer paraître celui qui relancerait le feu de leurs querelles, il reprit cette fois beaucoup plus sérieusement :

« Mais si vous êtes capable de domestiquer les caprices de votre odorat si délicat, alors peut-être serez vous en mesure de m'aider à débarrasser ma liée des débris qui se coincent entre les écailles de ses doigts de patte. Vous n'imaginez pas l'étendue de ce qu'on peut y trouver. »

Pour l'essenteil, de la terre, des rochers et des branches, voire des troncs, mais parfois également des surprises plus étonnantes. Ainsi, la dernière fois qu'il s'était proposé d'accorder un brin de toilette aux pattes de la colossale créature, le vampire en avait carrément délogé un lapin encore parfaitement vivant. Le pauvre animal s'était simplement laissé emporter avec une massive motte de terre arrachée par les massives écailles de la dragonne et n'avait de toute évidence pas réussi, ou peut-être n'avait-il pas osé se risquer, à regagner la terre ferme par ses propres moyens.

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