Une dangereuse partie de cache-cache [PV Lindo, Arta, Dawan]

An 2 d'Obsidienne : le 11 août

Deux voyageurs amoureux avançant main dans la main vers le soleil couchant... Une bien belle histoire que celle là mais qui n'était pas tout à fait juste. Oh certes il était amoureux et il était à peu près certain que sa belle l'était aussi, mais où elle se trouvait ça c'était une toute autre histoire. En fait d'Elfette, Tomyn se demandait parfois si il n'avait pas plutôt épousé un courant d'air. Non pas que ça le dérange vraiment, il comprenait très bien qu'elle en avait parfois marre de suivre son pas régulier et exercé de messager, mais elle pourrait au moins rester à portée de vue...

Pas vraiment agacé, il secoua la tête doucement en la cherchant du regard. Ils se déplaçaient à l'instinct, vers l'Est d'un commun accord mais sans en avoir vraiment discuté. La rumeur courait bien que le quartier général rebelle se trouvait dans ce coin là mais ils n'avaient pas vraiment décidé de rejoindre la rébellion. S'en rapprocher n'était malgré tout pas une mauvaise idée, et il fallait bien qu'ils aillent quelque part... En plus c'était des régions que Tomyn connaissait mal, Elenéen de naissance il avait plutôt écumé les parties nord et ouest de l'empire même si il lui était arrivé de faire un petit crochet par d'autres régions. Pourquoi pas visiter l'Est après tout, au moins il y faisait sec !

Peu habitué à ce climat, il avait relevé ses manches afin de laisser l'air plus frais caresser ses bras mais n'avait pu se résoudre à renoncer à son éternelle capuche. Au moins lui empêchait-elle une insolation, vu comme Lindorië avait l'air d'être partie loin devant il n'était même pas sur qu'elle lui viendrait en aide si cela devait lui arriver. Le temps qu'elle le retrouve il serait certainement plus desséché que le plus vieil elfe de la forêt. Comment s'appelait-il déjà ? Mathu... Mathusa quelque chose ? Non, il se trompait.

Il chassa cette idée de son esprit, pas vraiment motivé pour y réfléchir. La route continuait à s'étendre devant lui, un bien beau chemin construit et entretenu par l'empire et qui, si il en croyait les cartes, devrait le mener en ligne droite quasiment jusqu'à Althaïa. A cheval, ils auraient pu galoper à bride abattue là dessus mais il y avait bien longtemps qu'ils les avaient revendus, ou relâché dans le cas de Lindorië qui n'aurait sans doute pas supporté de confier une monture elfique à un humain qui n'aurait pas su lui accorder le respect nécessaire. Après tout ils n'étaient jamais pressés et n'étaient pas encombrés de beaucoup d'équipement, leurs jambes pouvaient donc les porter.

Son regard s'égara sur la végétation dense du côté droit de la route. Sa Lindwë était là dedans ou bien il la connaissait très mal. Son côté elfique, ou peut-être tout simplement Lindorië, n'avait jamais très bien compris à quoi pouvait bien servir une route et elle préférait le plus souvent se frayer un chemin dans les végétations les plus luxuriantes. Elle le faisait avec le naturel nonchalant propre à son peuple tandis que lui s'acharnait à la suivre en s'écorchant la peau sur les épines. Vous comprenez à présent pourquoi il marchait sur la route !

Une trace tomba bientôt sous ses yeux, lui tirant un sourire. Une trace d'elfe c'était infime, voir invisible même pour les yeux d'un baroudeur de son genre. Mais il avait passé des années parmi eux, il savait donc que Lindorië était passée par là. L'envie lui prit soudainement de la rejoindre, au Dracos les épines ! Il en avait assez de marcher seul. Et puis peut-être serait-elle d'humeur pour un câlin, ou plus si affinité... Ils n'étaient pas pressés, il l'avait déjà dit.

Plus adroit tout de même qu'on aurait pu le penser, il se fraya à son tour un chemin après avoir quitté la route et ne fut pas loin à pister sa trace. Avec patience et méthode, il remonta jusqu'à elle et fini par apercevoir sa silhouette immobile un peu plus loin. Qu'observait-elle ? Il n'y avait strictement rien à voir... Bon d'accord il se sentait un peu bizarre, comme si cet endroit avait décidé de les engluer... Mais vraiment, il ne voyait rien. Conscient toutefois que ses sens étaient plus aiguisés que les siens, il vint à elle en silence, la main sur la poignée de son épée et interrogea dans un murmure :

« Qu'y a-t-il ? »

Le tigre en lui était en éveil, son instinct lui disait que quelque chose n'allait pas même si il ne voyait pas quoi. Un bruissement soudain plus loin dans les herbes hautes lui fit tourner la tête et il tira doucement le bras de Lindorië pour la pousser à s'accroupir. Des elfes sortaient des fourrés, ce qui ne l'aurait pas étonné ni gêné en un autre temps mais qui n'avait rien de naturel ici. D'autant plus qu'il n'était plus vraiment en bons termes avec ce peuple désormais... Son étonnement se fit plus vif et la situation lui sembla tout à coup si cocasse qu'il dû réprimer un rire :

« Oh oh Lindwë... Regarde qui voilà ! »

Il lui désignait d'un index discret la large carrure d'un ours bien connu. Chatouillant involontairement le cou de son elfette, il souffla :

« Il veut un câlin aussi tu crois ? »

Tapie dans les fourrées, l'ombre des longues feuilles de fougères venant protéger son avancée, le prédateur s'approchait sans un bruit de sa proie, prête à lui sauter dessus et à la mettre en pièce ! … Ou pas, d'ailleurs. De prédateur, il y avait surtout une elfette tapie dans les broussailles et observant attentivement devant elle. Elle ne pensait pas s'arrêter lorsqu'elle était entrée dans cet univers à part qu'était les amas de végétations sauvages, mais elle l'avait finalement fait lorsqu'elle avait capté la présence de quelque chose d'intéressant. Et au final ce n'était sans doute pas plus mal, comme ça Tomyn ne traînerait pas trop à l'arrière, loin derrière elle. Rapidement cependant, elle avait sentit que quelque chose n'allait pas totalement droit, avec cet endroit… Elle ne savait pas ce que c'était, mais ça titillait bien assez sa curiosité pour qu'elle se tienne à l’affût. Accroupie et tassée sur elle-même, une fougère lui formant un chapeau improvisé, elle attendait, observant fixement devant elle et écoutant. Cependant, l'approche de son époux la fit cligner des yeux, et elle dévia son regard durant un bref battement de coeur, le temps simplement de s'assurer de lui. Un moment, elle se releva, prenant un peu de hauteur dans son observation sans pour autant répondre à son humain. Pas qu'elle l'ignora, mais pour l'instant elle était très occupée….

Elle ne manqua pas s'accroupir de nouveau, pourtant. Observant les elfes qui apparaissaient soudain, elle pencha la tête et fronça des sourcils, avec une mimique contrariée. Mais qu'est-ce que c'était que ça exactement ? En voyant finalement apparaître Artaher Terendul, elle eut un bref sourire instinctif. La chatouille la fit rire tout bas, sensible, et elle souffla à son tour. « On devrait le lui demander » Pourtant, elle ne parvenait pas à s'empêcher de continuer d'être aux aguets. Ce n'étaient pas ces elfes-là, qu'elle avait sentie plus tôt alors qu'elle gambadait dans la verdure luxuriante de ce bout de campagne. C'était autre chose. D'Artaher et de ses hommes, elle pouvait rire, mais ce qu'elle avait ressentie ne lui donnait pas forcément envie de rire. Enfin, elle tourna la tête vers Tomyn et lui fit un sourire de connivence. « Allons, il serait impoli de ne pas saluer tu ne crois pas ? » Et Là-dessus, elle se mit à avancer lentement mais sûrement, discrète, derrière le groupe, pour se rapprocher davantage. Mais les autres finiraient fatalement par entendre Tomyn, alors lorsqu'elle fut assez proche, elle se redressa d'un seul coup en agitant une main avec énergie.

« Artaher, coucouuuuuuu ! » Cependant, alors qu'elle savourait l'expression de surprise du groupe, autre chose attira son attention et elle eut une exclamation victorieuse en désignant, plus loin, une clairière où une masse repoussante et sombre se découpait. « Ah et bien voilààààà ! Je savais que j'avais sentit quelque chose de pas joli dans les parages. Vous êtes là pour la détruire ? Chouette, je vous aide alors ! Tomyn ? Tu nous donne un coup de main ? »

« Sywel fera l'affaire. »

Ce fut sur ces mots n'invitant à aucune réplique qu'Artaher désigna volontaire l'apprenti baptistrel qui l'accompagnerait pour cette prochaine campagne. En effet, quelques jours auparavant seulement, une perle du Néant avait été signalée dans l'est par un groupe de chasseurs dont le gibier s'était brutalement raréfié dans la région, et décision avait été prise par les généraux de la rébellion de procéder à la destruction du ténébreux artefact. Toutefois, les récents événements qui avaient secoué la ville côtière de Lyssa mobilisaient une part non négligeable des effectifs rebelles, aussi la proposition de confier cette nouvelle mission aux elfes avait-elle rapidement été approuvée. Conformément aux plans établis par l'état-major rebelle, l'expédition serait menée par nul autre que le chef des armées elfiques en personne et compterait une trentaine de mages et guerriers expérimentés. Des elfes uniquement, et pour cause, Artaher s'était montré plus que catégorique sur la question de la composition de son effectif : il serait seul à choisir les hommes et femmes qu'il commanderait, l'offre n'était pas plus négociable par l'empereur humain qu'elle ne l'aurait été par l'Evanealle lui-même. Ainsi, lorsqu'on proposa d'adjoindre au détachement les services d'un baptistrel pour la prise en charge des blessés éventuels, les visages s'étaient tournés vers celui du colosse pour en guetter la réponse. Celle-ci n'avait d'ailleurs pas manqué surprendre, pourquoi donc opter pour un Enwr lorsqu'on avait la possibilité de réclamer un Cawr ? Premièrement, et c'était la principale motivation du général, les Cawr étaient d'ores et déjà mobilisés sur d'autres tâches. Deuxièmement, le général elfique avait toujours été partisan d'une formation active et quand bien même il ne lui appartenait pas de gérer l'enseignement des apprentis chanteurs, pourquoi ne pas offrir de les emmener sur le terrain lorsque l'occasion lui était donnée ? Troisièmement, l'Enwr en question avait déjà eu l'opportunité d'approcher une perle et pourrait faire profiter le groupe de son expérience. Enfin, sur un plan plus personnel, Artaher avait déjà eu l'occasion de brièvement rencontrer le jeune Sywel et avait à coeur de faire plus ample connaissance avec les amis de ses enfants, et plus particulièrement encore avec les jeunes elfes mâles qui gravitaient dans l'entourage de sa fille adorée. Or, quel meilleur moyen pour cela qu'une expédition militaire de quelques jours, entre hommes, dans les campagnes de l'Empire ?

Le lendemain, les troupes étaient rassemblées, équipées et prêtes à se mettre en marche. Après une dernière étreinte, Artaher laissa derrière lui une épouse inquiète et vint prendre la place qui était la sienne à la tête de ses troupes, s'amusant du geste d'agacement qu'avait eue sa monture à la vue de son cavalier dans les bras d'une femme. Eäril était bien le premier de ses destriers à se révéler aussi possessif, et le premier également qui fut aussi exceptionnel : en l'observant, on eut pu le penser la monture de l'Esprit Vegetal lui-même, et Artaher n'en était que d'autant plus fier d'avoir été choisi par le robuste coursier. Glissant une caresse admirative le long de l'encolure de la bête, le général grimpa en selle, si tant est qu'on put user d'une telle expression lorsqu'aucune selle ne venait ceindre un destrier, et donna le signal du départ. Au cours des minutes suivantes, le lent défilé des cavaliers traversa les galeries qui menaient à la surface et se réunit dans un bosquet, avant de s'élancer sur les routes.

Le voyage dura trois jours, lesquels s'écoulèrent sans incident notable à l'exception des quelques égarements d'un jeune baptistrel peu habitué à évoluer dans une formation militaire. Le concerné ne manquait toutefois pas faire oublier ses maladresses en agrémentant la monotonie du voyage des sons de sa vièle ou de son tambourin. Lorsqu'ils arrivèrent finalement dans la région où avait été signalée la perle, Artaher ordonna au musicien de faire silence tandis que, tous les sens en éveil, les cavaliers recherchaient la trace maléfique de l'artefact du Néant. Toutefois, en lieu et place d'une monstruosité tentaculaire, ce fut une toute autre silhouette qui surgit brutalement des fourrés pour apostropher l'équipée avec une véhémence remarquablement peu... protocolaire.

« Valasar... »

Un nom qu'il n'avait plus eu l'occasion de prononcer depuis que la demoiselle avait décidé de tourner le dos à son peuple pour se déshonorer dans les bras de son humain. D'ailleurs, où se cachait-il, celui-là ? Là où l'on trouvait l'un, on était à peu près certain de pouvoir trouver l'autre, et la confirmation lui fut rapidement donnée par l'exilée elfique elle-même, celle-ci venant interpeller son compagnon pour lui offrir de se joindre à la fête. L'attention du général se porta cependant d'abord sur l'orbe ténébreuse qui venait de lui être désignée, trônant au centre d'une clairière à quelques centaines de mètres de là, avant de .... Un instant, un instant ! Avait-il bien entendu ? Elle prétendait aider ? Et son primate domestique aussi ? Non mais à quel jeu pensait-elle jouer, exactement ?

« Cavaliers, avec moi ! »

Talonnant sa monture, Artaher combla la distance qui le séparait de cette indésirable intrusion sur le théâtre de ses opérations, suivi de près par sa troupe. Lorsqu'il fut arrivé à la hauteur du couple, il baissa sur eux un regard froidement sévère avant d'édicter avec toute la rigueur dont pouvait se gonfler un militaire :

« Cette affaire est du ressort de l'armée elfique, dont je représente ici l'autorité. Si vous tenez tant que cela à vous faire tuer, toi et le scélérat qui t'accompagne, trouvez donc une souche où attendre que j'en aie terminé avec cette perle. Je me ferais alors un plaisir de m'occuper de vous comme il convient de le faire. »

Simple hasard ou véritable message de sa part, le colosse dégaina l'une de ses redoutables épées jumelles avant de détourner le regard pour reporter son attention sur la perle. S'ils avaient la moindre once d'intelligence, ou simplement d'instinct de survie, les deux parjures profiteraient de cette occasion pour mettre autant de distance que possible entre eux et le colérique général. Toutefois, ce dernier les connaissait suffisamment bien que pour pouvoir affirmer avec certitude qu'ils ne prendraient pas la fuite, pas aussi docilement du moins.

« Sywel ! Il est temps pour vous de justifier votre présence parmi nous : je crois savoir que vous avez déjà approché l'une de ces perles, si vous avez une suggestion à faire, l'instant me semble tout indiqué. »

Dans le même temps, les cavaliers qui accompagnaient le gradé dégainèrent leurs propres armes, des épées plus ou moins puissamment enchantées pour la plupart, ainsi que quelques bâtons pour ceux dont les uniformes arboraient l'insigne des mages de bataille. A présent, tous attendaient le signal de l'assaut contre ce très inhabituel adversaire.

La monture d'Artaher était vraiment exceptionnelle ! Dawan ne se lassait pas de l'observer, de murmurer des métaphores à son sujet, sans jamais parvenir à exprimer ce qu'elle lui inspirait véritablement. Fasciné, il laissait volontiers son regard glisser le long des herbes qui composaient la crinière de cette créature. Lui, il chevauchait une jument de robe sombre, qu'Aldaron lui avait confiée depuis environ un mois. Il se serait volontiers passé de selle, mais les quelques affaires qu'il devait transporter et le souci du confort de la bête l'avaient poussé à finalement l'harnacher. Son tambourin était dans une de ses sacoches, enveloppé dans un habit pour éviter des tintements à chaque pas de la jument. La vièle, dans son étui, était accrochée à la selle.
L'Enwr avait été pris plus ou moins au dépourvu, quelques jours plus tôt. Au coeur d'Aigue-Royale, un mois à peine après l'Aube Rouge, il ne s'était pas vraiment attendu à ce que le Général de l'armée elfique le choisisse, lui, petit apprenti parmi les apprentis, pour l'accompagner au-devant d'une perle de Néant. D'autant plus qu'il gardait la sensation que leur dernière rencontre n'avait pas été au goût d'Artaher. Double-surprise, donc. Il avait dû se préparer, la veille pour le lendemain. C'allait être son premier voyage avec Shi'Ry, ç'allait être une sorte de mise à l'épreuve pour lui. Pas de Cawr à ses côtés, pas le droit à l'erreur, il allait voir ce qu'il valait en tant que soigneur.

Dawan était nerveux, tant à cette idée qu'à l'idée de revoir une perle de Néant. Sa dernière expérience avait été pour le moins effrayante, ils ne s'en étaient sortis que parce qu'Aldaron s'était jeté sur la perle pour la poignarder. Il avait encore en mémoire la vision répugnante du tentacule se jetant vers lui, l'attrapant, quand bien même il était loin, aspirant son énergie, comme si sa vie l'abandonnait. Brr.
Nervosité, fascination, curiosité, faisaient son état d'esprit. La sensation principale variait, faisait varier son attitude, le poussant à jouer de la vièle, chanter, ou se défaire du groupe pour se rapprocher d'une feuille, par là, se taire…
Ce troisième jour, il se montrait silencieux, suite à l'ordre d'Artaher. Ce silence réveillait ses angoisses. Craintif, il s'attendait à voir les tentacules sortir de derrière les arbres, à tout moment. Un salut sorti de nulle part le fit sursauter, et son sursaut fit se redresser hâtivement la tête de sa monture. Enfin, au moins, c'était elfique. Elfique, et fort enjoué, et sans doute proche d'Artaher ! Une amie, sans doute ! Dawan suivit les pas d'Artaher, jusqu'au couple, qu'il dévisagea avec intérêt. Artaher avait une façon bien particulière de parler à ses amis, de les inciter à se protéger. Dawan n'eut néanmoins pas plus le temps de s'inquiéter de la relation entre ces trois-là, de la nature de cette jeune femme si spontanée et de l'humain qui l'accompagnait. Le son d'une arme dégainée récupéra son attention. Quand son regard se porta sur ladite arme, il glissa le long des lames, mais s'arrêta plutôt sur la mousse et l'écorce qui composaient la robe de la monture d'Artaher. Il fallut que son nom de famille soit prononcé pour le ramener par ici. La perle, oui… Son regard s'orienta dans la direction pointée par l'elfette. Inconsciemment, il demanda à sa monture de s'éloigner un peu. Les quelques pas que fit la jument pour cela l'amenèrent un peu plus près des nouveaux arrivants, mais tourné face à la perle, dont il ne parvenait à détacher son regard. Nul besoin de forcer sa mémoire: il croyait entendre encore la voix d'Aldaron, disant qu'il valait peut-être mieux attendre Korentin et ses troupes. Sa voix était blanchie par ses souvenirs lorsqu'il se prononça, sans regarder le Général, juste assez clair pour être entendu par le groupe:

"- À proximité de cette perle, la magie n'est plus utilisable. Pour l'atteindre il faut des armes. S'approcher, c'est prendre le risque d'être pris dans les tentacules. Mieux vaut tenter de l'atteindre grâce aux arcs."

Ses doigts s'agitaient dans la crinière de Shi'Ry. Il était tendu. Cela pouvait l'arranger si éventuellement tout le monde pouvait sortir vivant et indemne de cette excursion. S'il pouvait n'être venu que pour faire joli dans le décor, et pouvoir conter les exploits du Général et de ses Hommes...

« hé ! »

Quoi qu'elle fasse, Lindorië parvenait toujours à agir pile de la seule et unique façon qu'il n'avait pas imaginée. Il la connaissait mieux que personne pourtant désormais, mais elle le surprenait toujours, et ce n'était pas forcément à chaque fois aussi agréable qu'on pouvait le croire.

Il n'avait pas eu le temps de la rattraper, d'ailleurs il n'y serait sans doute pas parvenu même si il avait essayé. C'est donc un peu dépité qu'il l'observa faire de grands gestes vers le groupe elfique, hésitant entre son envie de soupirer désespérément et le début de fou rire qui menaçait de l'emporter. Non vraiment... Elle exagérait ! Elle avait encore moins conscience des dangers de ce monde que lui, ce qui n'était pas peu dire ! Une chance qu'ils n'aient ni la possibilité, ni l'envie d'avoir des enfants, parce que si ceux-ci héritaient ne serait-ce que du tier de la témérité de leurs parents autant dire qu'ils seraient tous mal partis. Enfin, il avait d'autres chats à fouetter.

Son regard s'était posé quelques secondes sur le général elfique, se faisant plus froid à la vision de ce vieil ennemi mais il se détourna bien vite pour s'intéresser à ce qui avait attiré l'attention de Lindorië. Qu'est-ce que c'était que cette chose exactement ? Il n'aurait su le dire mais ça ne lui disait rien de bon, et il y avait de très fortes chances pour que ce soit ce qui avait attiré le groupe d'elfes ici... Qu'est-ce qu'ils voulaient en faire ? Le détruire comme le pensait son elfette ? C'était certainement la meilleure réaction à avoir vu l'aura menaçante qui entourait la chose.. Quand à s'en mêler, il ne s'y serait sans doute pas essayé de lui-même mais puisqu'elle le désirait...

« Toujours à ton service... »

Le ton s'était fait un peu moqueur, ce n'était pas comme si elle lui laissait le choix après tout ! Mais il se devait bien de reconnaître que sa vie serait bien moins amusante sans les facéties de son elfette. Et puis zut, ce machin là ne lui disait décidément rien qui vaille et il en voulait pas s'en aller avant de l'avoir vue mis hors d'état de nuire. Ce n'est pas parce qu'il n'habitait pas dans le coin, ni nul part d'ailleurs, qu'il avait envie de laisser un tel immondice derrière lui.

Il revint alors à l'officier et à ses prétentions, une moue moqueuse sur le visage :

« Pas capable de faire deux choses à la fois général ? Sauf ton respect, tu m'excusera, mais je préfère m'occuper de ce truc moi-même. Ça détonne vraiment trop dans le paysage pour risquer que ce soit mal fait. »

Quand à leurs petits désaccords, ils verraient ça un peu plus tard. Enfin, il laisserait sans doute l'elfe voir ça tout seul parce que jusqu'à preuve du contraire ils étaient deux contre beaucoup et aussi téméraire qu'il soit il n'avait jamais été trop porté sur l'art du suicide.

Son attention se détourna de l'objet ennemi lorsque Artaher s'adressa à l'un des elfes qui l'accompagnaient et il ne pu s'empêcher de hausser un sourcil en observant cette jeune créature gracile et fort éloignée des standards que le général Terendul choisissaient en général pour les missions d'importances. Une lueur ironique dansa dans son regard tandis qu'il remarquait doucement :

« Je ne savais pas que tu t'étais remarié... »

Ceci dit, l'elfinet n'avait pas tout à fait tort. Il serait difficile d'atteindre cette chose, et si en plus elle résistait à la magie alors ça allait leur compliquer encore la tâche. Il ne pu néanmoins s'empêcher de secouer la tête en voyant les elfes sortir leurs arcs :

« ça ne fonctionnera pas. »

Trop facile. Beaucoup trop facile ! Un combat ça ne tournait jamais si bien et le pressentiment qu'il avait vis à vis de cette horreur lui soufflait qu'elle ne se laisserait pas détruire par une simple attaque à distance. Il soupira donc lorsque les flèches commencèrent à siffler, pas vraiment surprit de voir que les tentacules protégeraient la sphère et venaient claquer contre les projectiles pour les bloquer. Chou blanc... Mais il s'y était attendu et pour tout dire il aurait même été déçu que ça se passe ainsi, sans son intervention. Car maintenant qu'il avait tiré l'épée, il entendait bien s'en servir...

Un clin d'oeil vers Lindorië. Il savait que ce serait suffisant pour qu'elle comprenne son attention et comptait sur elle pour qu'elle le couvre pendant son attaque. Les elfes quand à eux n'eurent pas vraiment le temps de réagir, il s'élançaient déjà, lame au clair et une provocation sur les lèvres ;

« Allez les filles, il faut se mouiller un peu si vous ne voulez pas y passer la nuit. »

L'instant d'après, il dansait dans les tentacules. Son attaque avait semblé surprendre la créature qui se concentrait à présent à moitié sur lui tant en continuant de bloquer les flèches. Il manqua être attrapé une ou deux fois mais s'esquiva d'instinct, son épée taillant dans la chair écoeurante tandis qu'il tentait de se rapprocher de la sphère. Il s'aperçut néanmoins très vite que ce ne serait pas simple, il reculait plutôt que d'avancer et les dommages qu'il infligeait aux bras visqueux ne semblaient pas vraiment gêner son adversaire. Bloqué mais pas découragé, il redoubla d'ardeur et évita adroitement une tentacule qui voulait lui balayer les jambes avant de refaire un pas, vers l'arrière malheureusement. Eh bien... Vu l'énergie que la chose déployait pour protéger sa sphère ils n'avaient au moins aucun doute sur ce qui était son point faible !

Une membrane visqueuse effleura soudainement la peau de son bras et il poussa un sifflement dégoûté en taillant devant lui, fort heureusement aidé par une flèche qui vint se planter dans la chair indélicate non sans lui avoir avant tout effleuré l'oreille. Allons bon...

Toujours à son service ? Elle en roucoula joyeusement, parfaitement satisfaite et, en voyant les cavaliers s'approcher, elle leur fit un grand sourire. « Vous aussi vous vous mettez à mon service ? C'est magnifique ! J'adore!On va bien s'amuser ! » Comment ça elle avait mal comprit leur zèle ? Mais non voyons elle avait très bien compris au contraire ! Cela dit, la suite lui tira un sourire un peu ironique et elle croisa les bras. Roooh toute cette… mâlerie ? Mâlitude ? Il avait toujours eu l'air profondément godiche et gauche, quand il se mettait à ouvrir la bouche. Certains étaient fait pour agir et pas parler même si usuellement on disait aux femmes soit belle et tait toi, et bien chez Artaher, ça serait plutôt obéit et tait toit. Chacun son truc ! « Et vous avez pissé dessus pour bien montrer qu'elle est à vous aussi ? Ou gravé votre nom dessus ? Non ? Bon alors tout va bien, je vais gentiment mais profondément ignorer ce que vous venez de dire et on en reparle après, hein ? Ou alors j'en parlerais avec votre nez, lui et nous c'est une longue histoire d'amour après tout » Elle poussa même le vice jusqu'à mimer une légère caresse sur ledit nez. En même temps elle ne résistait pas dès qu'il s'agissait de le titiller. Parce que bon, le mettre en colère c'était aussi lui retirer la foutue masse d'arme qu'on lui avait enfoncé à la naissance, c'était faire une bonne action pour ce monde ! On devrait même lui offrir un titre de noblesse pour ça ! Enfin elle s'en serait bien guignée, de ce titre, mais par principe !

Néanmoins, en voyant un petit elfinet s'avancer, elle eut un rictus moqueur. Oh il avait l'air d'une brindille prête à se briser ! Rien qu'à le voir, on imaginait que parler un peu fort aller le tuer. « Non c'est vrai ? C'est votre femme ? Je l'ai prise pour un homme ! Enfin euh je vous ai prise pour un homme, désolé madame ! » Mais son regard laissait à penser qu'elle jouait et n'y croyait pas réellement. « Toutes mes condoléances, vraiment, je ne sais pas comment vous faites pour le supporter ! Vraiment vous êtes digne des esprits… enfin, on dit souvent que l'amour a ses raisons que la raison ignore, c'est sans doute un parfait exemple ! » Bon l'un dans l'autre ça lui passait aussi sa frustration de ne pas pouvoir tirer à l'arc en faisant mouche. Elle l'aimait bien son arc pourtant ! C'était bien dommage… Elle ferait avec, pourtant. Pas le choix alors ça ne servait à rien de pleurer sur quelque chose qu'elle ne pouvait pas changer. Elle regarda donc les flèches passer comme elle aurait regardé un changement météorologique peu intéressant. Pfff vraiment, cette 'perle' n'avait pas d'humour. Le clin d'oeil de son humain la fit sourire, et elle secoua la tête en le voyant se lancer à l'assaut de la perle. Bon et bien voilà, autant y aller aussi ! Elle devait le couvrir après tout ! Bondissant donc derrière lui, elle prit le parti de surtout protéger Tomyn, esquivant encore aisément les tentacules, même si rester près de la perle la mettait dans un profond inconfort….

Néanmoins, quand elle fut repoussée vers l'arrière par une des tentacules, elle fit la moue et sortit son arc, pour continuer de soutenir son époux d'un peu plus loin. Tout en recherchant entre deux tirs quelque chose qui pourrait les aider. Après un instant, elle lança, légère "Dites monsieur l'ours, vous voulez pas lui envoyer un arbre, à cette saleté ?"

Faire usage des armes plutôt que de la magie, voila un postulat qui n'était certainement pas pour déplaire au général elfique et pour cause, ce dernier avait depuis toujours démontré une nette préférence pour l'acier des lames et le bois des arcs par rapport au feu et à la glace des sorts. D'un geste du menton, le colosse donna son approbation et laissa à ses cavaliers le soin de préparer leurs arcs et carquois. Toutefois, une voix malheureusement bien connue se fit entendre un peu plus loin, arrachant un nouveau froncement aux sourcils clairs qui surplombaient le regard agacé du colosse. Une voix aux accents d'insolence, outrageusement fière et arrogante, saupoudrée d'une familiarité d'autant plus déplacée lorsqu'on savait la médiocrité de celui qui en faisait usage. Un misérable coq, voila ce qu'était ce ''tigre'' , un coq dont Artaher se ferait bientôt un plaisir de tordre le cou. Peut-être même plus tôt qu'il ne l'avait prévu de prime abord d'ailleurs, car les humains avaient cela de fascinant qu'on ne pouvait jamais être totalement sûr qu'ils avaient réellement atteint les limites de leur infériorité. Et celui-là plus encore que les autres, un véritable champion dans le domaine à en juger par le caractère puéril de son... humour ? Pouvait-on vraiment qualifier cela de cette manière ? Il n'en était pas vraiment sûr, après tout c'eut encore été faire un affront aux enfants mais d'un autre côté, que pouvait-on attendre de la part d'une créature qui n'était qu'à peine plus âgée qu'un nourrisson ? Rien, tout simplement rien, et le plus triste était encore de constater que son influence était parvenue à pervertir une elfe autrefois bien sous tout rapport, ou presque du moins. Mais aujourd'hui, écoutez un peu la quantité d'imbécillités au paragraphe carré qui pouvait jaillir de ces deux bouches réunies, c'en devenait presque inquiétant. Figé sur son destrier, Artaher éprouva ainsi toutes les difficultés du monde à se retenir de charger purement et simplement les deux comiques, préférant se concentrer sur sa tâche et les ordres que ses hommes attendaient de lui. Plus tard, lorsque la perle aurait été détruite, il aurait tout loisir de leur faire goûter à son propre humour, un humour autrement plus... frappant, cela allait sans dire.

Toutefois, les premières volées de flèches ne rencontrèrent qu'un succès limité et il devint rapidement évident qu'il faudrait s'attaquer à la monstruosité tentaculaire l'épée à la main. Même l'humain parvint à cette conclusion, à cette différence près que lui ne s'accorda pas même une seconde de réflexion avant de se jeter dans la mêlée. Voila ! Là, il était vraiment drôle ! Ridicule comme tous ceux de sa race, bien sûr, mais drôle. Espérait-il vraiment mener la charge ? Avait-il cru ne serait-ce qu'une seconde pouvoir rivaliser avec l'autorité du gradé sur ses troupes ? Un sourire qui n'avait absolument rien d'amical vint effleurer les lèvres du colosse, un sourire mauvais chargé d'une ironie suintante et d'une morbide satisfaction, tandis que le petit bout d'homme qui se prétendait un guerrier se lançait à l'assaut des tentacules, rapidement imité par sa compagne elfique. Presque aussitôt, Artaher leva un bras et ferma le poing en un muet signal pour faire cesser les tirs de flèches. En un parfait ensemble, les cavaliers de la troupe troquèrent leurs arcs pour leurs épées et leurs lances, puis attendirent le signal qui annoncerait la charge. Ils attendirent. Attendirent encore. Et encore. A mesure que toujours plus de secondes s'écoulaient, un premier, puis un second, puis un troisième regards quittèrent la silhouette de l'humain dansant entre les tentacules pour venir se poser sur le visage fermé du gradé elfique. L'un d'eux finit d'ailleurs par laisser échapper un commentaire interrogateur :

« Général ? Les hommes sont prêts et attendent votre signal. »

« Je sais. »

Ce fut la seule réaction qu'il daigna y accorder, aucun ordre, aucun geste, juste un lugubre silence et son attention entièrement tournée sur l'imbécile qui se trémoussait devant eux. Il s'accorda même de se fendre d'un sourire plus large encore lorsque la voix de Valasar vint quérir son intervention. Envoyer un arbre à cette saleté ? Intéressante proposition que celle-là, vraiment. Soit. Dommage, il aurait été curieux de voir combien de temps aurait pu tenir l'humain face à la vigueur des tentacules qui cherchaient à l'écarteler. Avec un hochement de tête entendu, Artaher se retourna vers le cavalier qui se tenait juste à sa droite et ordonna sèchement :

« Tenez la position, je ne veux voir personne engager le combat avant que je n'en donne l'ordre. »

L'interpellé acquiesça sans risquer le moindre commentaire et fit passer le mot à ses compagnons tandis que le général affermissait sa prise sur la crinière de verdure de sa monture et se lançait à l'assaut de la perle tentaculaire. Eäril combla en quelques instants la distance qui le séparait de l'artéfact du Néant, évitant adroitement un premier tentacule puis un second, Artaher s'occupant d'en trancher un troisième qui avait manqué de peu le désarçonner. Ainsi lancé à pleine vitesse, le général elfique arriva rapidement à proximité de la saleté dont l'élimination semblait finalement devoir requérir sa participation. Toutefois, ce n'était pas à la chair tentaculaire qu'il pensait alors, que du contraire d'ailleurs puisque ce fut sans la moindre hésitation qu'il dirigea un premier coup d'épée vers la silhouette de l'humain qui à n'en pas douter éprouverait rapidement les plus vives difficultés à éviter les assauts conjugués des tentacules et de l'acier elfique.

« Je te savais incroyablement stupide, Alaïs, mais pas au point de penser que je pourrais ne serait-ce qu'envisager l'idée de joindre mes efforts aux tiens. »

Un étrange ballet débuta alors, sorte de danse mortelle dans laquelle se mêlaient les desseins des trois protagonistes de ce duel incertain. La perle s'attaquait pour sa part indifféremment à l'humain autant qu'à l'elfe, mais ce dernier concentrait plus que visiblement ses efforts à sceller le destin de celui qui avait l'outrecuidance de se proclamer son allié. Et il y parviendrait forcément, car non seulement était-il naturellement plus robuste et plus rapide que l'humain, mais en plus pouvait-il au contraire de ce dernier compter sur l'aide de son destrier dont les lianes mouvantes aidaient à détourner les tentacules qui s'efforçaient de faire perdre son équilibre au colosse.

« Eh bien, ce duel ne serait-il pas à ton goût ? N'as-tu donc plus envie de rire ? C'est bien dommage, car les choses vont seulement devenir intéressantes pour toi, vermine. »

Un nouveau coup d'épée fendit l'air non loin de l'un des bras du jeune homme, mais le véritable danger auquel celui-ci se trouva bientôt confronté ne fut autre qu'un jet de spores paralysant émis par l'une des fleurs dont s'ornait la toison d'écorces d'Eäryl : échapper à l'étreinte de la perle lorsqu'il ne serait plus en mesure de bouger promettait quelques difficultés à ce petit imbécile.
A présent curieux de pouvoir admirer les œuvres de sa monture, Artaher trancha un nouveau tentacule qui lui barrait le passage et s'éloigna rapidement, rompant le combat pour laisser à la perle tout loisir de s'occuper de la petite saleté humaine qui prétendait la défier. Sitôt qu'il fut hors de portée, il dirigea son regard et le pas de son destrier vers Valasar qui n'avait, l'espérait-il, pas manqué une miette du spectacle qui venait de lui être offert. Parfaitement satisfait de ce qu'il venait de faire, son visage se drapa d'une expression mauvaise tandis qu'il proclamait funestement :

« On dit souvent que l'amour a ses raisons que la raison ignore, si tu espères encore pouvoir mourir avec lui, tu ferais mieux de te dépêcher de le rejoindre. Oh, et j'oubliais presque... Toutes mes condoléances. »

Et d'une bonne chose de faite : lorsque la perle aurait fini de démembrer ces deux ignominies contre-nature, ses hommes et lui pourraient s'occuper de ce pour quoi ils étaient venus.

Ça ne fonctionnerait pas ? Il avait l'air bien sûr de lui, cet humain. Ce n'était pas pour rassurer Dawan. Y avait-il tant de perles pour que les humains aient désormais leurs propres experts en la matière ? La situation était plus alarmante que ce qu'il imaginait. Il fallait détruire ces perles, ils n'avaient plus de temps à perdre ! C'était en tout cas la détermination qui habitait l'esprit de Dawan juste avant que Lindorië parle de lui, et attire son attention. Il tourna son regard vers elle, répondit par un grand sourire ravi. Les mots lui manquèrent.

Cette dame l'avait déstabilisé, en quelques mots. Il eut l'impression de reprendre l'histoire en cours de route lorsque son attention revint sur la perle. L'humain et l'elfette s'y précipitaient. Seuls. L'Enwr ignorait ce qu'ils ajoutaient à leur tisane pour avoir autant de témérité, mais par Dracos, c'était puissant ! Ils allaient se faire attraper, ainsi. Le regard de l'apprenti parcourut l'assemblée, les hommes d'Artaher et Artaher lui-même. Qu'attendaient-ils ? Il fallait les aider ! Le combat face à la perle avait été entamé. S'ils n'agissaient pas bientôt, ils allaient essuyer leurs premières pertes.
La position de Dawan était des plus inconfortables. Sa magie ne parviendrait à atteindre ni la perle, ni les combattants, de là où ils étaient. Il n'était pas armé. Même s'il l'avait été, il aurait été plus dangereux pour ses alliés que pour la perle. Concrètement, il ne pouvait rien faire. Oh, il aurait pu, suivant les indications de Lindorië, s'offrir un arbre mort et le lancer avec l'aide de sa magie vers la perle. Mais d'une part, il n'avait pas le matériel à sa disposition. D'autre part il risquait de blesser l'humain, en chemin.

Ses petits doigts étaient crispés sur la crinière de sa monture, laquelle était désormais aussi nerveuse que lui. Spectateur anxieux d'un spectacle qui ne lui plaisait guerre. Il voyait les tentacule s'agiter, craignait à chaque mouvement que les combattants subissent l'horrible étreinte qu'il avait lui-même connue.
Enfin un elfe questionna Artaher, de cette question qui brûlait les lèvres de Dawan. La réponse ne l'aida pas plus à comprendre cette réaction vide de sens. En tout cas, vide de sens à ses yeux. Peut-être était-ce là une manoeuvre militaire très réfléchie. Dawan ne s'était jamais intéressé aux stratégies qui guidaient les combats, et devait admettre Artaher plus compétent que lui là-dessus (encore heureux !).
L'Enwr resta perplexe devant la manoeuvre du général, quand ce dernier se jeta vers la perle. Il voulait sauver l'humain à lui seul ? Cela paraissait louable,il épargnait ainsi ses Hommes. Mais n'était-ce pas d'avantage risqué ?

Lorsqu'il comprit la véritable stratégie d'Artaher et l'enjeu derrière ses gestes, quelque chose en Dawan s'insurgea. Il refusait de croire ce qu'il voyait, de croire que le général elfique pouvait être aussi mauvais. Au fur et à mesure, entre chaque temps du ballet, cette insurrection en lui s'amplifiait, se mêlait à une violente tristesse. C'était sans doute son équivalent de la colère. Si encore il avait pu agir… Il aurait réparé tout cela, rapidement, et n'aurait peut-être même pas porté de faute à Artaher. Il porta l'index de sa main droite à son cou, fit se rapprocher Shi'Ry de ce beau peuple, et hurla à Artaher, par-dessus sa voix, alors que ce dernier s'adressait à Lindorië:

"- Artaher Terendul ! Avez-vous perdu l'esprit ? Notre ennemi est cette perle, et non pas cet humain ! Perle que nous n'avons aucun intérêt à nourrir ! Il nous faut libérer cet humain, et porter un coup décisif à l'horreur qui le retient ! Voulez-vous voir le monde tomber pour vos petites querelles personnelles ?"

[Autre] Forte voix
Le lanceur du sort amplifie la force et la portée de sa voix afin qu'elle porte mieux
Geste clé : Porter l'index de la main droite à son cou

Il se sentait un peu... Seul. Oui, c'était le mot. C'était même le mot parfait pour décrire sa situation. Allons... Il n'aimait pas beaucoup le général Terendul mais il n'avait pas assez mauvaise opinion de lui pour le croire capable d'une telle bassesse. Erreur ? Il semblerait bien ! Et quand il parlait de bassesse, ce n'était même pas suffisant en vérité pour décrire le concerné.

Il n'avait pu que froncer les sourcils en comprenant que les elfes n'attaqueraient pas, trop occupé à défendre sa vie pour vraiment manifester son mécontentement. Mais lorsque finalement l'officier elfique ne s'avança que pour s'en prendre à lui, il réagit évidemment avec hargne :

« On montre son vrai visage ? Dracos, il est pire que je pensais... »

Il bloqua sa première attaque avec énormément de difficulté, gêné qu'il était par les tentacules et parfaitement conscient de la supériorité de son adversaire en ce domaine, d'autant plus qu'il était juché sur sa monture, lui. Mais il n'avait pas vraiment la possibilité de se dérober à l'échange, aussi fit-il de son mieux. Totalement concentré sur le combat, il gardait tout de même l'image de Lindorië présente dans un coin de sa tête. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle allait intervenir dans les secondes suivantes, et que ça la mettrait en danger. L'idée lui déplaisait beaucoup. Il en était à chercher plus ou moins désespérément un moyen de se tirer d'affaire lorsque son adversaire choisit de le titiller. Il eut juste le temps de renifler le piège mais pas celui de reculer, le jet de spore le toucha avant qu'il ne puisse réagir et il commença déjà à en sentir les effets. Sur désormais de ne plus s'en tirer, il n'offrit à l'elfe que le plus profond des mépris :

« Et c'est moi la vermine ? »

Il le vit s'éloigner, plus surprit de rien mais encore assez énergique malgré tout pour crier derrière lui :

« C'est ainsi que tu élèves tes fils Terendul ? C'est là tout l'exemple que tu leur donne ? Pauvres gosses ! »

Il avait grondé ces mots sans réfléchir, sans même savoir si il avait visé juste et sans but véritable. C'était la simple réaction instinctive d'un homme déçu par la bassesse d'un ennemi qui n'était pas encore totalement méprisé. Ses muscles ne lui répondaient déjà quasiment plus, il en oubliait l'elfe qui ne méritait de toutes façons pas son attention pour plutôt tenter d'imposer sa volonté à une elfette qui ne le prendrait sans doute pas si facilement :

« Lindorië, sauves toi ! »

Si la perle ne la tuait pas, Terendul le ferait. Et il ne voulait pas de ça quand bien même il ne serait plus là pour le voir. Bon le seul petit problème dans cette histoire c'était qu'elle ne lui avait jamais obéit jusque là, peu de chance qu'elle commence aujourd'hui donc, et pourtant c'était le bon moment pour s'y mettre... Entièrement tourné vers ses inquiétudes, il détourna les yeux de la perle qui semblait avoir tout à coup remarqué son immobilisme et dont une tentacule s'apprêtait à le saisir. Une voix ulcéré venait de s'élever mais il tournait le dos à la scène et ne pouvait donc pas savoir à qui il appartenait. Par un Lindorië ni au général en tout cas... Qui alors ? Le petit elfe ? Il n'allait pas pouvoir faire grand chose pour lui... Mais savoir qu'il prenait lui aussi si mal la chose plaisait bien à Tomyn. Mourir ça l'embêtait, mais mourir en sachant que son meurtrier s'en sortirait sans même que son honneur en soit écorné lui déplaisait beaucoup. Tant qu'à l'avoir tué de cette façon, autant que ça le desserve...

Se sauver ? Certainement pas ! Elle n'allait nul part, et de toute façon si elle n'avait pas encore agit, c'était simplement qu'elle attendait le bon moment et visé. Aveugle au reste du monde, il ne lui restait plus que sa rage. Une rage meurtrière et forcenée. Elle allait le tuer cette fois, elle aurait dû le faire dès le départ mais comme toujours, elle avait été trop optimiste. Ce n'était pas une erreur qu'elle reproduirait. Ce n'était pas une erreur qu'elle se pardonnerait. Si Tomyn devait mourir, elle le vengerait. Elle allait expédier son meurtrier avec lui… et certainement le rejoindre, mais qu'est-ce que cela lui faisait ? Enfin, sa flèche partit, quand elle vit son ouverture. Mais elle ne comptait pas s'arrêter là. Déjà, le reste des elfes réagissaient. Elle n'avait pas un temps infini devant elle. A peine celui de lancer un champignon ardent qui explosa sous la monture feuillue et dont les spores enflammés virent mettre le feu au destrier qui se cabra alors qu'elle même bondissait et profitait de la proximité du gosse pour avoir un tremplin vers Artaher Terendul. Elle n'était pas meurtrière en temps normal mais elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n'était plus un elfe à ses yeux, ce n'était plus un vivant, ce n'était qu'une chose affreuse et laide qui la dégoûtait et dont elle aurait voulu fracasser contre un tronc jusqu'à en voir la pulpe sanglante. Elle aurait voulu le déchirer avec les doigts tellement elle le haïssait.

Avec un cri, elle parvint à se jeter sur la monture enflammée et à le déséquilibrer elle ne savait trop comment. Cela n'importait pas vraiment, que ce soit fait par accident, tant que le résultat était là… Elle se sentit entrer en contact avec l'autre, et le déséquilibre dû à la soudaine furie du les envoya cheval d'herbe les envoya tous les deux directement dans les tentacules. La soudaine douleur dans son corps lui apprit qu'elle avait sans nul doute était touchée par une flèche, mais si elle pouvait encore bouger, c'était certainement que ce n'était pas un problème. Elle s'en fichait bien, elle allait mourir de toute façon, mais certainement pas avant de l'avoir tué lui. Elle se fichait de n'avoir réussit son coup qu'à la grâce d'un incroyable coup de… chance ? Qu'importait, sans doute n'était-ce même pas elle qui l'avait fait tomber, seulement son cheval, et alors ? « Je vais te tuer ! Je vais te tuer ! » Brandissant son poing ganté et enrobé de flammes, elle s'apprêta à frapper son visage de toutes ses forces mais n'en eut pas l'occasion. Son regard sauvage se fit surpris, puis ahuris alors que sa force vitale était aspirée par la tentacule qui venait de la saisir et qui ne tarderait pas à être rejointe par de nombreuses autres. Dans un bref sursaut, elle s'accrocha cependant à l'autre, refusant de mourir seule.

Le sort d'Alaïs ne l'inquiétait plus désormais : si cette perle était ne serait-ce qu'à moitié aussi dangereuse qu'on le lui avait annoncé, l'humain succomberait rapidement sous l'assaut des tentacules de Néant. Et celle qui s'était déshonorée en préférant ce vermisseau querelleur et insolent à ceux de sa race l'accompagnerait certainement bien plus vite qu'elle n'aurait pu le souhaiter. En était-il fier ? Pas spécialement, mais il n'en ressentait pas plus de honte pour autant, si ce n'était peut-être celle d'avoir mis si longtemps pour parvenir à régler cette affaire. Après tout, il ne faisait là qu'accomplir une sentence qui aurait dû être prononcée et exécutée depuis l'instant où ce qu'il se refusait encore à qualifier de couple avait décidé d'insulter tout ce que le général considérait comme les lois et la culture de son peuple. Et justement, peut-être ne serait-il pas inutile de le rappeler à l'apprenti baptistrel dont la voix rugissante de colère à son égard attira brièvement le regard du colosse. Non mais pour qui se prenait-il celui-là ? Il avait été convié à se joindre à cette expédition en qualité de conseiller et guérisseur éventuel, certainement pas pour remettre en question les décisions du général et ce encore moins devant ses propres troupes. Toutefois, aussi discret le mouvement de son regard azuré avait-il pu être, il n'échappa pas à une demoiselle elfique particulièrement courroucée, laquelle saisit sa chance pour décocher une flèche qui vint sinistrement siffler aux oreilles de sa cible. Artaher sentit d'ailleurs distinctement la pointe de métal effleurer sa joue de près, très près même, traçant dans la chair une estafilade sanglante à tout au plus un petit centimètre de son oeil gauche. Cette fois, il était passé bien près de commettre la dernière erreur de sa vie mais il n'eut pas même le temps de véritablement le comprendre : la seconde suivante, une explosion brûlante éclatait sous son destrier, dont la toison d'écorce et de végétaux s'embrasa aussitôt.

Les événements qui suivirent ne furent plus dès lors qu'un enchevêtrement de sensations indistinctes, et la panique d'Eäril ne fit qu'ajouter encore un peu plus à la totale confusion qui régnait. Une seule certitude néanmoins : le colosse avait quelque peu sous-estimé la virulence avec laquelle son adversaire répliquerait, et à présent, il devait en payer le prix. Déjà brouillée par la douleur qui émanait de son oeil blessé, sa vision lui renvoya l'image d'une silhouette aux contours imprécis qui se jetait vers lui avec agressivité, à la lueur des flammes qui l'entouraient. L'impact du corps venu percuter le sien lui fit perdre le peu d'équilibre qu'il était parvenu à maintenir sur sa monture endolorie, et les deux elfes ennemis s'effondrèrent lourdement sur le sol. L'atterrissage lui arracha un grognement douloureux tandis que ses jambes, sévèrement atteintes par l'étreinte langoureuse des flammes, venaient heurter le sol. Par réflexe, Artaher interposa un bras devant son visage lorsque la douce et haineuse promesse de sa mort prochaine vibra dans l'air, mais le coup qu'il avait pensé bloquer tarda à venir. A tel point qu'il ne vint pas du tout, finalement, mais cela n'en tirait pas pour autant le général du mauvais pas dans lequel il se retrouvait à présent jeté. Une lueur franchement effrayée traversa d'ailleurs le regard de son oeil encore valide sitôt qu'il aperçut les mains de Valasar plonger vers ses jambes avec l'intention évidente de s'y cramponner. Dans le même temps, la main du colosse gratta nerveusement le sol dans le vain espoir de trouver le contact rassurant de la poignée de son épée, mais il était alors déjà bien trop tard pour cela. Incapable de contenir la souffrance qui irradia de ses jambes blessées, Artaher fit entendre un hurlement terriblement douloureux avant de se retrouver traîné lui aussi vers l'amas tentaculaire.

« Lâche moi, espèce de petite ... »

Le dernier mot se perdit lorsqu'elle le lâcha effectivement, mais incapable de se mouvoir sur ses jambes, le colosse ne put que s'effondrer au sol et ramper quelques instants avant d'être à son tour rattrapé par un tentacule venu le saisir directement à la gorge.

Nul doute que s'il n'y avait pas eu autant de danger, la colère de Dawan se serait vite mue en une profonde lassitude. La flèche fusa, lui annonçant qu'Artaher n'était pas le seul mauvais de l'équipée. Mais qu'avaient-ils tous ? Etaient-ils amoureux pour en perdre ainsi leurs moyens ? À moins que… C'était bien probable. La présence de la perle pouvait bien influer sur leurs esprits, leur faire imaginer des choses. Se pouvait-il qu'ils aient des hallucinations ?
Cette pensée apaisa doucement l'insurrection en Dawan. Il s'était emporté. À tort, sans doute. De toutes façons, s'emporter était toujours un tort, il le savait. Mais le temps n'était pas à se fustiger, le temps était à trouver un moyen de défaire ses camarades de ce mauvais sort, pour les remettre sur le droit chemin (pour peu qu'un chemin menant à une perle du Néant puisse être nommé "droit"). Mais alors qu'il tournait un visage aux traits bien trop apaisés par rapport aux mots qu'il venait de prononcer vers Lindorië, sa jument émit un hennissement tant de stupeur que de peur. Un brusque écart. Dawan fut déstabilisé, projeté contre l'encolure de sa monture. Shi'Ry continuait à piétiner, à reculer… L'Enwr parvint, par des réflexes bienvenus et par un habile jeu d'équilibre qui ne tenait qu'à son expérience à cheval, à se maintenir en selle. Cela capta tant son attention que ses émotions. Tendu, il s'était focalisé sur sa jument. Quand il se tourna à nouveau vers l'endroit où la furie avait bondit, il comprit qu'il avait bien de meilleures raisons d'être tendu. Des flammèches étaient nées, qui avaient trouvé leur place en ces lieux, se répandant sur les herbes, mais aussi dans la toison de la magnifique monture d'Artaher. Oh non ! C'était véritable folie que cela: la monture n'avait rien demandé et, Dracos, elle était magnifique ! Qu'avait donc en tête celui ou celle qui avait commis tel crime ?

Les soucis esthétiques n'étaient néanmoins pas les plus primordiaux. Plus importants encore étaient les deux corps à terre. Le Général blessé qui allait l'être d'autant plus, leur nouvelle amie, blessée elle aussi, d'une flèche, et prête à asséner un coup enflammé au père Terendul. L'instant d'après, avant que qui que ce soit ait pu juste effleurer l'idée d'hypothétiquement s'interposer entre les deux "combattants", ces deux enfants-là étaient tentaculnappés. Dawan prit une brusque inspiration, surpris. Lui savait ce que cela faisait d'être prisonnier de ces immondices. Il savait qu'ils ne pouvaient désormais plus agir. Vidés de leurs forces, ils avaient sans doute l'impression désagréable de s'éloigner d'eux-mêmes, comme un endormissement rapide, mais involontaire. Impuissants, guidés vers un destin aussi connu que redouté. Le temps était compté, désormais, pour les trois compagnons d'infortune, mais également pour eux qui voulaient venir à bout de cette perle. Plus le temps passait, plus elle devenait puissante.

La chose grouillait, ses appendices remuaient. Les flammes crépitaient, et les montures s'agitaient. Celle de Dawan tout particulièrement. Il avait le coeur encore battant de la chute qu'il avait évité. Vite, vite, trouver quelque chose. Déjà les Hommes de Terendul avaient pris des initiatives, reprenant arc ou lames selon leurs préférences, s'élançant de concert vers la chose. Pour l'Enwr, attaquer n'était toujours pas possible. Pas même à l'arc. Il n'était pas bon, à l'arc, et ç'aurait été un comble de blesser, voire tuer qui que ce soit, en ayant cherché à sauver des vies.
Il resta en arrière, la lèvre blanchie par la morsure, guettant la fin des affrontements pour se jeter vers les blessés.

Mourir aujourd'hui ne lui disait rien. Il n'avait pas prévu ça en se levant ce matin, et puis l'idée de se faire digérer par ce machin là n'était pas franchement agréable. Mais apparemment les spores de l'espèce de poireau géant sur lequel était juché l'autre andouille de Terendul en avait décidé autrement...

Il ne pensait pas avoir été beaucoup touché pourtant. La preuve, il pouvait encore bouger légèrement certaines parties de son corps et entièrement ses doigts. Le bond en arrière qu'il avait fait par réflexe au moment de l'éjection des spores n'y avait sans doute pas été pour rien. Pouvait-il utiliser ça pour se tirer d'affaire ?Les cris de fureur de Lindorië ne l'aidait pas beaucoup à y réfléchir mais il lui était très reconnaissant de s'occuper de leur ennemi commun à sa place, même si ça l'embêtait qu'elle prenne le risque de subir le même sort. Il fallait qu'il intervienne, et vite... Une tentacule venait de s'enrouler à moitié sur lui, lui tirant une grimace de dégoût. Profitant de ce qu'il pouvait encore parler, il grogna à l'encontre de la chose visqueuse :

« Désolé ma jolie, je ne suis pas intéressé ! »

Son idée ne marcherait peut-être pas du tout, déjà parce qu'il n'avait jamais été un mage très efficace et ensuite parce qu'il ignorait le fonctionnement des spores paralysant, mais il tenta tout de même. Un petit miracle lui permit de réussir son sort de télékinésie,

Tout se passa en même temps. La gourde que sa magie avait subtilisé au petit elfe efféminé lui arriva dessus pile au moment où il voyait passer sa femme accrochée à une tentacule, et le général lui-même accroché à sa femme ! Ah non mais ça n'allait pas se passer comme ça du tout... Ruisselant et à moitié assommé par la force avec laquelle il avait fracassé la gourde contre son crâne, il manqua s'étaler par terre. Ouf, l'elfinet n'était pas un alcoolique... Après tout il aurait aussi bien pu se retrouver aspergé de vin si il n'avait pas eu de chance ! Et il n'était pas certain que ça aurait aussi bien rincé les spores que l'eau bienfaitrice... A moins que ce ne soit une potion quelconque ? Le petit n'avait pas l'air d'un soldat, peut-être était-il guérisseur... Enfin bref, qu'importait de toutes façons. Ce qui comptait c'était qu'il avait retrouvé une certaine liberté de mouvement et qu'un machin visqueux était en train de lui voler son elfette !

Son premier pas fut une véritable lutte, le second ne fut pas beaucoup mieux. Il se sentait lourd, presque nauséeux. Sa douche improvisée n'avait pas tout réglé mais chaque seconde qui passait lui rendait un peu plus de motricité. La main posée sur son front ensanglanté, l'autre serrant résolument son épée récupérée, il s'aventura jusqu'à la tentacule qui retenait Lindorië et la trancha d'un geste vif, affirmant d'un ton péremptoire :

« Elle n'est pas intéressée non plus ! »

L'autre par contre... Tomyn jeta un regard plus que dégoûté vers l'elfe qu'il avait libéré du même coup. Ses subalternes étaient encore à plusieurs pas et ils luttaient pour avancer, gênés par la résistance de la perle. Ils arriveraient trop tard... C'était donc assez tentant que de rendre la monnaie de sa pièce à cet énergumène... Un orage passa dans les yeux clairs du messager à cette pensée, mais s'éteignit très vite. Il ne mangeait pas de ce pain là...

« Lindwë.... Viens. »

Il la retenait contre lui d'un bras ferme, la connaissant assez bien pour savoir qu'elle n'aurait sans doute pas les mêmes scrupules vis à vis de celui qui avait voulu tuer son mari. Pressentant sa possible résistance, il ne lâcha pas prise :

« Non. On ne s'abaissera pas à son niveau. »

Il ne céderait pas sur ce point et aussi indisciplinée qu'elle puisse être, la jeune elfe devrait pour cette fois respecter son choix. Ensembles, ils tentèrent de se sortir du guêpier dans lequel ils étaient fourrés mais la perle ne l'entendait pas de la même oreille. Elle ne les laisserait pas battre en retraite comme cela... Une tentacule manqua les rattraper tous les deux et ils l'évitèrent de justesse, une autre frappa Tomyn en plein visage, il en dégringola jusqu'à une masse peu accueillante qui s'avéra être son ennemi elfique. Encore là lui aussi ? Eh bien ils n'étaient pas sortis de l'auberge tiens... Du regard, Tomyn chercha les renforts qui peinaient toujours à venir vers eux et il comprit qu'ils n'allaient pouvoir compter que sur eux même pour détruire la perle qui les retenaient sur place.... Un peu irrité de sentir la mort le frôler à chaque seconde, il piqua dans le vif :

« Vouloir me tuer c'est une chose Terendul, mais si tu ne te décide pas à mettre tes talents meurtriers au service de la cause commune au moins pendant les prochaines minutes tu va venir avec moi prendre le thé chez Mort... »

C'était désagréable de se le dire mais ils n'avaient pas d'autre choix que de faire équipe sur ce coup là, et les talents guerriers du général leurs seraient indispensables. Zut à la fin, il pouvait bien le tuer un autre jour non ?

Le lâcher ? Alors là il pouvait toujours crever ! Ah mais… oui effectivement c'était vers ça qu'ils se dirigeaient tous deux ! Parfait donc, elle ne l'en lâcherait que moins ! Il viendrait avec elle et il se ferait tentaculer aussi ! Malheureusement elle perdait si vite son énergie qu'elle fut effectivement contrainte de lâcher, quand bien même elle ne le voulait pas. Sa tête tourna et elle cru qu'elle allait s'évanouir au contact monstrueux de la tentacule qui la tenait. Ce fut à ce moment que Tomyn choisit de réapparaître dans son champ de vision, tranchant le tentacule qui la retenait avec une exclamation qui lui resta incompréhensible. Libérée de la poigne de la chose, mais surtout, abasourdie de le voir en vie alors qu'elle l'avait cru mort, elle ne pu s'empêcher de hoqueter, les yeux remplis de larmes. Tomyn était ce qu'elle avait de plus précieux, s'il n'était plus là… alors elle n'était plus vivante non plus. Elle avait bien faillit se tuer en pensant le rejoindre et elle s'apercevait soudain qu'elle l'aurait alors laissé tout seul, et elle s'en voulait beaucoup. Quelle idiote elle faisait !

Elle se secoua, se força à se remettre debout, se sentant mieux à chaque minute qui passait. Heureusement que cette horreur de l'avait pas entièrement vidée de son énergie… Soutenue par Tomyn à qui elle s'accrochait, l'elfette haletait légèrement, et jetait des regards mauvais au général qu'elle aurait fichtrement bien laissé en plan pour ce qu'il avait fait. Si son humain n'avait pas été là, elle serait retournée achever l'autre sans le moindre scrupule. A la place, elle lui décocha un regard meurtrier et se promis de revenir à leur affaire un jour prochain. Mais… pas maintenant. Ils avaient une perle à détruire après tout ! Hors de question de laisser pareille chose ici ! Ils essayèrent de sortir de la nasse, mais une tentacule les frôla de nouveau, manquant les attraper. Elle esquiva, mais ne parvint pas à empêcher Tomyn d'être de nouveau frappé et se précipita vers lui pour le récupérer de sur le Terendul. Son maris n'avait pas tord… mais ça lui était presque insupportable que de l'admettre.

Elle avait toujours autant l'envie de transformer l'elfe en pulpe sanglante, quand bien même elle n'était pas amatrice de violence. Mais d'accord. « Personne n'ira prendre le thé chez Mort pour le moment » gronda-t-elle, de fort mauvaise humeur. Elle avait une idée, mais elle allait devoir se concentrer pour réussir. Elle esquiva un tentacule puis ajouta. « Vous allez devoir vous passer de moi pour un instant les garçons, je crois que j'ai une idée... » Et là-dessus, elle les planta sur place pour retourner danser avec les tentacules. La perle ne la laisserait peut-être pas repartir, mais elle avait surtout besoin d'une fenêtre de 'tir'. Dès qu'elle sembla l'avoir, elle s'échina à faire exploser des champignons sur un tronc d'arbre proche. Chaque explosion entamait le bois de l'arbre, qui finirait bien par tomber sur la perle. Puisque l'autre imbécile d'ours à deux sous ne semblait pas savoir ce qu'il fallait faire, elle, elle le ferait !

Il allait mourir ici, il semblait difficile d'envisager une quelconque autre possibilité et chaque instant qui passait voyait cette morbide prédiction se faire de plus en plus en concrète. Mètre après mètre, le visqueux appendice venu s'enrouler autour de son cou l'entraînait lentement mais sûrement vers la perle, absorbant toujours un peu plus de la magie qui faisait de lui l'elfe ce qu'il était. Privé de magie, privé d'oxygène, le colosse voyait ses forces s'amenuiser rapidement et sentait son esprit glisser lentement vers un sommeil dont il ne se réveillerait pas. Pourtant, Artaher s'était depuis longtemps préparé à la possibilité qu'il put un jour mourir au combat, il s'agissait d'une fin somme toute logique pour un guerrier de sa trempe et à ce titre, il l'acceptait. Mais de savoir que lui, prestigieux général d'armée et meilleur épéiste du royaume elfique, tombait aujourd'hui par la faute des deux misérables parasites qui le précéderaient de peu devant Mort avant de quoi le rendre malade. Mieux valait en fait ne pas même y songer car d'ici quelques instants, ses dernières pensées s'évanouiraient dans le néant. De fait, il n'avait probablement plus qu'une poignée de secondes devant lui pour se concentrer sur le souvenir qu'il conserverait du visage des siens, ses enfants et son épouse en particuliers, ou plutôt devrait-il à présent penser à eux comme ses orphelins et sa veuve.

La mortelle étreinte du tentacule se relâcha pourtant subitement, offrant au colosse l'opportunité d'aspirer une large goulée d'un air plus que bienvenu, véritable prise sur la vie dont il s'empressait de s'emparer. Abreuvé de ce précieux oxygène, son esprit revint en effet peu à peu vers le monde des vivants tandis que son regard percevait difficilement les contours de deux silhouettes proches, et notamment celle de l'humain dont la lame avait tranché le meurtrier tentacule. Dracos, mourir à cause d'eux représentait déjà une sévère humiliation, mais d'imaginer qu'il put leur devoir la vie rendait les tentacules presque attirants. Presque seulement, et le général elfique n'eut guère besoin d'encouragement pour se débarrasser du membre inanimé qui l'entourait.
A présent libéré du tentaculaire appendice, Artaher récupéra progressivement ses facultés et avec elles, la terrible sensation de douleur qui parcourait ses jambes sévèrement brûlées. Rampant à demi, mâchoires crispées sur les grognements de souffrance qui s'échappaient de ses lèvres à chacun de ses pas, le colosse suivit difficilement le couple dans leur tentative de retraite. De son côté, la perle ne ménageait évidemment pas ses efforts pour récupérer les fuyards, l'un de ses coups projetant même l'humain directement sur le dos d'un général elfique fort peu intéressé par l'idée de jouer les mulets.

« La cause commune, laisse moi rire. Si vous vous étiez mêlés de vos affaires plutôt que de n'en faire qu'à votre tête comme vous avez toujours été si prompts à le faire, rien de tout ceci ne serait arrivé ! »

Repoussant sans ménagement l'humain, Artaher retrouva le contact de la poignée de son épée et trancha d'un coup précis l'un des nombreux tentacules qui ondulaient tout autour d'eux.

« Mais je n'ai pas l'intention de mourir avec vous... »

Façon plus ou moins détournée d'accepter la proposition qui lui avait été faite de mettre au placard son ressentiment à leur égard et d'unir ses forces aux siennes, du moins jusqu'à ce que la perle eut trépassé. Réprimant un grognement agacé, le colosse suivit du regard la silhouette de Valasar tandis qu'elle s'esquivait pour, à l'en croire, appliquer l'une de ses miraculeuses idées. Laquelle ? Mystère, un mot d'explications quant à ses intentions semblant un effort trop difficile à consentir pour la demoiselle. Toutefois, pas l'un plus que l'autre des ''garçons'' n'eut l'occasion de lui en faire le reproche, préoccupés qu'ils étaient alors par les incessantes marques d'affection que souhaitait leur témoigner l'artefact du Néant.

Au bout d'un temps, alors que l'intervention du détachement elfique aidait finalement à détourner une part de l'attention de la perle et que résonnait dans l'air le fracas des explosions provoquées par l'indigne elfique, Artaher commença à ressentir l'engourdissement qui s'emparait de plus en plus profondément des muscles de ses jambes. Libérés par l'explosion du champignon qui avait enflammé sa monture, les spores paralysants étaient venus se fixer sur les chairs brûlées avant de fondre sous l'effet de la température des flammes, imprégnant les muscles meurtris par le feu. Déjà endolorie et gênée par ses blessures, la mobilité du colosse chuta rapidement, rendant le moindre de ses mouvements, la plus banale esquive, le plus simple débordement de plus en plus difficiles. Mais que Dracos le foudroie s'il s'abaissait à ne serait-ce qu'envisager la possibilité de réclamer l'aide de l'humain qui l'accompagnait, après tout, il avait amené sa propre trousse de secours ambulante.

« Sywel ! Vous allez vous décider à vous remuer ou faudra-t-il que je vienne vous chercher moi-même ? »

Vaine menace que celle-là, bien sûr, mais qu'attendait-il aussi pour intervenir et faire ce qu'on attendait de lui, celui-là ? Ne le disait-on pas guérisseur ? A moins que l'apprenti n'eut besoin de l'autorisation de la perle pour prodiguer ses soins à ceux qui en avaient besoin ?

Eh bien concrètement, oui, Dawan avait besoin de l'autorisation de la perle pour prodiguer ses soins. Il s'était rapproché un peu, afin d'aider il-ne-savait-qui qui faisait exploser des champignons sur un arbre. Dans cet environnement plein de mouvement et de tentacules, il n'avait que faire des identités. Chantant le Cell Interitum à l'intention du même arbre, il avait été ravi de voir ce dernier faire effet. C'était là un plan ingénieux et, s'il était correctement appliqué, l'arbre devait en effet s'effondrer sur la perle. Si, durant ce temps, les elfes accaparaient suffisamment la perle, cette dernière ne pourrait se protéger… Pertinent. Lui n'y aurait pas pensé, les arbres étant des éléments intouchables et inébranlables, dans son esprit.
Il s'était donc avancé, croyant demeurer hors de portée de tentacules. Manque de chance, il était tout juste rentré dans la limite à partir de laquelle les tentacules pouvaient le chatouiller. Concentré sur son chant, il n'en vit rien. Aussi eut-il du mal à comprendre cette étreinte sur sa jambe qui n'en était pas vraiment une. Il lui fallut reconnaitre cette sensation très caractéristique, son énergie qui paraissait se faire aspirer. L'Enwr jeta un coup d'oeil rapide sur sa cheville, essaya de se dépêtrer de la chose comme d'une simple ronce ou d'une tache de boue. Nan mais eh, oh ! N'avait-elle pas de fiers combattants à qui s'en prendre ? Des guerriers mille fois plus dangereux que lui ? Définitivement, ce monde ne savait pas mener les combats dans les règles !
Dawan en était là, à doucement commencer à paniquer et à tenter de se défaire de ce ligotage du Néant, remerciant son totem de pouvoir sautiller aussi bien grâce à lui. Cela fut insuffisant. La perle l'attirait peu à peu à elle. Il entendit la voix du général le houspiller. Croyait-il que c'était si facile que cela ?

"- Je veux bien !" marmonna l'apprenti entre ses dents, alors que lui même ne parvenait plus à bouger. Son regard passa tout autour de lui, à la recherche dudit Artaher. Là-bas ! Il peinait à bien le distinguer, mais déjà quelque chose le troublait, chez le général. Si seulement il avait pu… Il n'avait pas même de dague pour couper le tentacule. Et pas question de tenter de déchirer la chose à mains nues ! Sa seule proximité lui retournait l'estomac, il ne voulait pas envisager ne serait-ce que d'effleurer du bout des doigts ce monstrueux appendice.
Il n'eut pas le temps ni l'esprit à remercier celui qui coupa le tentacule qui le retenait. Déjà il se précipitait autant qu'il le pouvait pour se porter auprès d'Artaher. "Je suis là, je suis là !" Son regard vira vers les jambes d'Artaher où il avait cru constater une "anomalie". Immédiatement, l'Enwr entama ce chant de soin qu'il connaissait désormais si bien. Mais ils ne devaient pas rester là. D'une part parce que ce n'était pas le coin idéal pour se soigner, avec la perle qui gigotait et l'arbre qui n'allait pas tarder à tomber. Ensuite parce qu'il n'était pas certain que le sort seul suffise… Surtout s'il devait être entrecoupé d'esquives diverses et variées. Surtout auprès de cette chose qui rendait la magie difficile. Bref, Dawan devait rejoindre sa trousse de secours non-ambulante, celle qui se trouvait dans les sacoches de Shi'Ry. Il offrit son bras et son épaule à Artaher, pour l'aider à se déplacer.
Sa tête se tourna brusquement vers la perle. Il avait cru entendre le craquement du tronc de l'arbre qui se rompait enfin.

Son elfette n'avait pas l'air dans son assiette... Eh bien quoi ? L'avait-elle cru mort ? Allons... Si il avait dû mourir à chaque fois qu'une prétendante se montrait un peu trop entreprenante... Oui bon d'accord, celle là avait tapé très haut sur l'échelle de la gourmandise, à sa connaissance aucune créature féminine n'avait jamais essayé de s'emparer de sa force vitale... Enfin bref. Il n'était pas mort, point. Et il n'avait pas l'intention de mourir aujourd'hui, même si le général elfique semblait toujours aussi disposé à l'y aider vu la façon dont il l'avait repoussé... Héé !

Sans Lindorië, il serait certainement retourné se vautrer droit dans les tentacules. Non mais quel ingrat celui là tout de même ! Il aurait dû l'y laisser tiens... Surtout avec ce qu'il lui disait maintenant... La réponse de l'humain fusa, pleine d'innocence ironique :

« Vous seriez tous morts plus vite ? »

Il n'attendit pas la réponse, préférant s'éloigner de quelques pas autant pour trancher une tentacule qui lui déplaisait que pour s'écarter prudemment de la lame de son « allié » du moment. Par habitude, son regard chercha Lindorië, s'attendant à le voir tout près de lui, mais elle était déjà un peu plus loin en train d'esquiver une tentacule tout en leur parlant par dessus son épaule. Que quoi ? Se passer d'elle ? Mais il ne pouvait en aucun cas se passer d'elle voyons ! Voilà qui était absolument hors de question :

« Lindwë ! Attends moi ! »

Penses-y et bois de l'eau... Dracos qu'elle était têtue quand elle s'y mettait ! Qu'avait-elle en tête ? Une idée géniale très certainement, et terriblement dangereuse sinon elle ne serait pas Lindorië... Plus qu'effrayé d'un seul coup, il se démena furieusement afin d'avancer vers elle mais les tentacules semblaient s'ingénier à l'empêcher de la rejoindre. Un regard en arrière lui fit prendre conscience de la situation précaire du grand dadet qui l'accompagnait et il hésita, le regard posé sur sa Lindwë qui venait de s'arrêter près d'un arbre et de le... Frapper magiquement ? Il lui fallu quelques secondes pour comprendre ce qu'elle avait en tête et plusieurs autres encore pour qu'il renonce finalement à la rejoindre. Elle s'en sortait bien, d'ici qu'il arrive elle aurait sans doute déjà détruit l'illustre végétal et peut-être même qu'il se le serait prit sur la tête dans l'aventure. Mieux valait donc ne pas s'approcher...

C'est donc vers le général qu'il revint, posant brièvement son regard vif sur les jambes brûlées et apparemment presque paralysée qui était certainement la cause de cet immobilisme. Allons bon... Il n'était pas guérisseur et ce n'était pas du tout l'endroit pour s'amuser à s'essayer à ce genre d'art malgré les quelques notions qu'il avait pu acquérir au fil de ses voyages. Que devait-il faire donc ? Le traîner un peu plus loin? C'est qu'il pesait son poids l'animal... Et les tentacules s'y opposeraient... En plus l'égo surdimensionné du concerné n'y résisterait sans doute pas... Alors quoi ? Le planter là ? C'était extrêmement tentant cette fois encore mais un peu trop inhumain à son goût, n'en déplaise aux elfes... Il fut donc plus que ravis de voir celui dont il avait volé la gourde un peu plus tôt débarquer et entonner un chant de soin. Ah ah ! Il avait eu raison !

Et paf, son instant d'inattention lui valu une nouvelle gifle de la part d'une tentacule et cette fois il pu bel et bien goûter au vol d'énergie auquel ces choses se livraient lorsqu'elles parvenaient à s'enrouler autour de quelqu'un... Fort heureusement cela ne dura que quelques secondes, un choc sourd s'élevant presque aussitôt, faisant vibrer la tête et sursauter convulsivement la tentacule qui le relâcha aussitôt. L'arbre ! Par les Esprits, ce qu'il l'aimait son Elfette !

Pas le temps néanmoins de lui sauter au cou. La perle avait prit tout le poids sur la tête, enfin ce qui lui servait de tête... De quoi la détruire définitivement mais on ne savait jamais... Ne voulant prendre aucun risque, il sauta par dessus les tentacules qui s'agitaient encore faiblement et empoignant fermement son épée à deux mains il l'abattit de toutes ses forces sur le morceau de perle qui dépassait de sous l'arbre. La lame Elfique siffla agressivement avant de trancher net dans cette masse gélatineuse, révélant une odeur atroce qui lui souleva aussitôt le cœur. Dracos... Quelle infection ! La main sur le nez, convaincu cette fois que la perle était bien détruite, il recula précipitamment hors de portée de ces effluves et se retrouva près de Lindorië qu'il cueillit dans ses bras sans même prendre le temps de lâcher son épée poisseuse :

« Tout va bien ? »

Simple formalité que cette question là, mais il voulait s'assurer qu'elle n'avait pas été blessée. Le combat avait été rude mine de rien, plus rude qu'aucun autre. Et la vérification ne fut pas inutile d'ailleurs car en promenant sa main libre sur son visage il la retira toute poisseuse. Son regard se troubla aussitôt, passant de calme à ombrageux. On avait versé le sang de son elfette !

« Viens. »

Il avait eu dans l'idée de filer à l'Alayienne (expression à la mode et qu'il affectionnait depuis la défaite des Alayiens au sanctuaire baptistral) avant que le détachement elfique ne se rappelle à leur bon souvenir mais l'entaille était profonde et située sur la tempe. Les elfes étaient costauds et sans doute faisait-il une montagne de pas grand chose mais il était hors de question qu'il prenne le moindre risque. C'est donc sans lui demander son avis qu'il la tira par la main vers le guérisseur qui devait sans doute encore s'occuper des jambes d'Artaher :

« Des soins sont nécessaires ici aussi. »

Bien sur il avait toutes les connaissances et l'expérience nécessaire pour lui faire un cataplasme, voir la recoudre si besoin était mais puisque un professionnel était sur place il ne voyait absolument pas pourquoi il devrait s'en passer. Enfin lui s'en serait passé certainement, à condition que Lindwë le permette ce qui était peu plausible... Mais elle, elle ne s'en passerait pas. Très calme, il fixa le petit elfe chanteur sans même accorder un regard aux militaires autour d'eux et moins encore à leur chef. Il tenait toujours son épée avec une décontraction qui lui était propre mais qui ne manquerait pas de s'envoler si on ne lui accordait pas satisfaction...

Elle s'échina encore quelque instant, houspillant le bébé elfe pour qu'il l'aide à faire tomber ce fichu arbre. Ça ne lui plaisait pas plus qu'à lui, elle était toujours aussi proche et affectueuse avec la nature que les autres elfes à de rares exceptions près, mais là tout de suite, c'était très important, alors l'arbre devrait bien les aider ! Et puis il laisserait place à un autre arbre, puis encore un… mais ça uniquement si la perle était détruite. Si elle ne l'était pas, alors il n'y aurait plus d'arbres ni plus rien d'autre aussi. Et ça elle était certaine que le végétal le comprenait, et qu'il ne lui en voudrait donc pas. Concentrée, elle ne voyait plus que son objectif et les tentacules de la chose qui essayait de la frapper ou de la saisir. Les éviter et utiliser la magie en même temps c'était dur, et plus d'une fois elle manqua se faire effectivement attraper, s'esquivant de justesse, à un cheveux d'y perdre de nouveau toute son énergie et très probablement la vie avec. C'était un véritable miracle qu'elle parvienne à s'en tirer et si elle s'en sortait, elle se jurait de dormir pendant toute une semaine pour compenser ce qu'elle infligeait à son corps.

Mais la fatigue ne fut plus qu'une préoccupation secondaire quand, enfin, l'arbre se mit à vaciller, puis à tomber, lourdement et rapidement, sur la sphère à tentacules. Celle-ci devait être trop occupée avec ses autres assaillants, et le vénérable végétal la frappa de tout son poids, s'effondrant sur elle dans sa chute et faisant vibrer le sol proche du point d'impact. Ses nombreuses branches virent bloquer une partie des tentacules mais d'autres gigotaient encore. Elle n'avait, cependant, plus vraiment le souffle pour bouger. En temps normal se battre ainsi ne l'aurait pas vraiment dérangé, mais avec la ponction énergétique due à son tentaculage, elle avait l'impression de redevenir une jeune elfe encore peu résistante à l'effort physique. Elle laissa donc à Tomyn le soin d'achever la chose, venant pour sa part poser une main sur le tronc outragé et flétrit par le contact de la perle, remerciant l'arbre pour son aide et lui souhaitant un bon repos auprès de l'esprit Végétal et de l'esprit de la Terre. Il serait certainement chouchouté pour son sacrifice et son aide.

En se redressant, elle observa finalement les alentours, et cligna des yeux lorsque son humain à elle lui revint. Un bref instant, elle l'observa, inquiète, puis sourit, rassurée, en voyant qu'il était bien là et en relative bonne santé. Sans doute en raison de ce soulagement, elle ne fut pas trop contrariante quand il lui demanda de le suivre. Avait-il même besoin de demander ? Elle le suivrait jusqu'au bout du monde pourvu qu'il reste en vie… la peur qu'elle avait eut tout de même ! A bien y réfléchir, elle se sentit même un peu penaude d'avoir réagit aussi violemment. Elle n'aurait jamais cru être capable de vouloir ôter la vie à quelqu'un avec autant de barbarie. Ce n'était pas son genre pourtant ! Si elle devait tuer, elle le faisait simplement et proprement. Elle n'aurait pas dû réagir ainsi… mais enfin, c'était fait et tant pis, ça lui apprendrait, à ce général de malheur ! Il était bien servit pour le coup, ça lui passerait sans doute l'envie de se prendre pour un vampire. Même elle, qui avait peu de considération pour lui, ne l'aurait pas imaginé capable d'une pareille chose.

Elle jeta d'ailleurs un regard vers l'objet de ses pensées. Un long regard dur et amer, profondément déçu. Oui, elle l'aurait cru au-dessus de ça. C'était tout juste bon pour les vampires, et encore. Mais les paroles de Tomyn la sortirent de ses pensées. Ouvrant grand les yeux, elle s'exclama. « Mais ça va ! Je vais bien ! » C'était un cri du cœur, mais exactement le genre de cri du cœur qui en réalité, signifie : je ne vais pas bien mais je n'ai pas envie que l'on s'apitoie sur moi. Puis elle réalisa le problème et soupira. Elle se fichait de ses blessures physique, ce n'étaient pas elles qui étaient importantes. « Je vais bien, je ne risque pas de mourir avec trois éraflures, elles guériront toutes seules avec le temps. » Et puis bon, ça ne lui disait rien d'être soignée par un guérisseur appartenant à Artaher. Tant pis pour ses éraflures. Parce qu'effectivement à bien y regarder, elle en avait, des éraflures. Pas mal même… et ça saignait. Ronchonnant contre cette idée de soin, elle trouva néanmoins un autre sujet auquel se consacrer.

L'un des soldats était tombé. Elle s'approcha de lui, tirant à moitié son humain avec elle, et vint l'examiner et s'assurer de son état. « Tient aide moi un peu par ici » L'autre elfette était coincée sous une lourde branche, qu'elle entreprit de fragiliser pour libérer le corps. Une fois que ce fut fait, elle soupira et revint l'observer. Grave, elle lui dit, quand bien même elle n'entendait pas. « Merci de ton aide, j'espère que tu te reposera bien auprès de Mort, toi aussi tu le mérite » Serrant la main, elle laissa son regard parcourir l'armure que la morte portait, puis coula un regard sombre vers l'attroupement des elfes autours de leur général. Ils n'avaient pas encore remarqué le corps sans doute mais cela ne tarderait pas. Revenant à la morte, elle ajouta donc. « J'espère que cela ne te dérange pas, mais je vais devoir t'emprunter ton armure. J'en aurais certainement plus l'utilité que toi de toute façon maintenant…. » Elle la remercia néanmoins et entreprit de défaire les sangles puis d'ôter la cotte.

Se tournant vers Tomyn, elle expliqua simplement « Mieux pour arrêter les coups... » Beaucoup mieux que son armure de cuir effectivement, et apparemment tout aussi léger. Du mithril… au moins elle en aurait effectivement l'usage.

Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Après tout, il avait décidé en son âme et conscience d'inclure à son expédition un jeune Enwr plutôt qu'un Cawr expérimenté, mais aurait-il pu prévoir que la situation dégénérerait de la sorte ? Peut-être bien que oui, mais il était encore trop tôt pour décider d'effectivement porter cette faute au chapitre des quelques erreurs de jugement qui émaillaient sa carrière militaire. L'essentiel demeurait qu'à cet instant, le colosse privé de l'usage de ses jambes se démenait pour ne pas laisser les audacieux tentacules de la perle se saisir de lui, laissant un soupir de soulagement s'échapper de ses lèvres lorsque le petit chanteur en herbe le rejoignit finalement. En dépit des vigoureuses protestations tentaculaires de la perle, les premiers soins lui furent finalement prodigués et Artaher put rapidement apprécier une nette diminution de la douleur. Toutefois et à son grand regret, il n'en fut pas pour autant capable de retrouver sa pleine mobilité. La muette question qui traversa son regard à cet instant trouva sa réponse lorsque le petit bout d'elfe venu à sa rescousse s'offrit de le porter, ou plutôt de l'aider à se traîner, à l'écart des combats. Heureusement, ces derniers ne se prolongèrent pas beaucoup plus longtemps et la perle connut ses derniers instants tandis que Valasar parvenait finalement à mettre à exécution sa mystérieuse idée. Lentement, l'arbre auquel elle s'était attaqué s'affaissa puis s'effondra directement sur l'artefact tentaculaire, assommant ce dernier et offrant aux attaquants l'opportunité de lui porter le coup de grâce. Mission accomplie donc, quand bien même le général elfique ne pouvait-il s'empêcher de ressentir le goût amer de l'échec lui caresser la langue. Difficile en effet de tirer un bilan positif de cette expédition, et il ne disait pas cela uniquement parce qu'une graine de chanteur affolée semblait quelque peu dépassée par l'ampleur de la blessure qu'on lui demandait de soigner.

Relevant son regard azuré vers les silhouettes qui approchaient, le colosse retint un grognement avant de détourner son attention, répondant fermement à la requête que venait de formuler l'impertinent humain auquel il devait de se trouver dans cet état, certes indirectement, mais cela ne suffirait pas à le disculper aux yeux du général estropié.

« Si la pyromane qui vous accompagne avait eu un peu plus de respect pour mon destrier, peut-être notre guérisseur aurait-il pu s'occuper d'elle plutôt que de mes jambes. »

Il ne préciserait cependant pas que si tel avait été le cas, l'humain et l'elfette qui lui tenait lieu de compagne ne seraient vraisemblablement plus des leurs. Cette pensée ne l'effleura même pas, car une autre préoccupation vint surgir dans son esprit : où était-il donc passé, son destrier ? La dernière fois qu'il l'avait vue, l'infortunée monture se roulait dans l'herbe pour éteindre les flammes qui ravageaient sa toison de verdure, mais dans la tourmente de l'affrontement, son cavalier n'avait pu s'assurer qu'elle y était parvenue. La reverrait-il seulement ? Impossible à dire pour l'instant, mais cette sinistre perspective n'en ravivait qu'un peu plus encore l'animosité qu'il ressentait à l'égard des deux enquiquineurs qui s'éloignaient prudemment. Réprimant un nouveau soupir agacé, Artaher ramena son attention sur le petit chanteur visiblement de plus en plus embarrassé :

« Et bien, ces jambes ? Je n'ai pas l'impression de voir beaucoup de progrès, si vous n'êtes pas capable de me soigner ici, peut-être vaudrait-il mieux en rester là pour l'instant ? »

Ils n'allaient tout de même pas y passer la nuit, ce d'autant plus qu'il n'appréciait que très moyennement l'idée d'apparaître diminué devant les deux responsables de ce désastre. A ce propos justement, le général avait bien l'intention de ne pas leur laisser l'opportunité de s'en tirer à si bon compte : d'un geste, le gradé désigna l'un de ses subalternes et profita de ce que les concernés s'étaient écartés pour donner ses consignes.

« Lieutenant ! Rassemblez les hommes, faites le décompte des morts et des blessés, je veux que nous soyons prêts à entamer le voyage retour dès ce soir. Procédez également à l'arrestation de ces deux-là, ils comparaîtront devant la justice des elfes pour répondre des crimes dont ils sont accusés. »

Une pure perte de temps, mais aussi désagréable cette constatation pouvait-elle lui être, il n'était pas à cet instant en mesure de régler comme il se devait, c'est à dire un peu plus expéditivement, le cas des concernés. Et puisqu'il évoquait justement sa vision toute personnelle de la justice, sans doute était-ce l'occasion de rappeler ses devoirs à un certain soigneur un peu trop... expressif.

« Quant à vous, Sywel, je vous prierais à l'avenir de me laisser le soin de décider qui est mon ennemi. Baptistrel ou non, lorsque vous accompagnez mon unité, vous êtes placé sous mon autorité et je vous déconseille de ne serait-ce qu'envisager la remettre en question. »

Occupé comme l'était Dawan, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il n'ait pas écouté la teneur des paroles et éclats de voix autour de lui. Sa concentration était vouée aux soins, aux réflexions sur les soins, aux émotions qui en découlaient et aux chants qu'ils murmuraient. Quelque chose n'allait pas. Bon, de base, face à une telle blessure, difficile de se dire que tout allait bien. Mais au-delà de cette blessure… Il avait réparé tout ce qu'il pouvait réparer les jambes du Général, lesquelles avaient été tout de même très amochées. Des blessures laides, profondes ou désastreuses, le petit Enwr en avait vu durant l'Aube Rouge. Il pouvait plus affirmer avoir soigné bien plus grave que celle-là. Alors… Où était le souci ? Il usait et abusait de l'inspicio, ses mains au-dessus des jambes d'Artaher, les yeux fermés, répétant lentement et inlassablement les mêmes mots. Ne trouvant rien, il se focalisa sur une minuscule parcelle. Ceux qui l'entouraient purent alors le voir tiquer, froncer le nez, puis hausser les sourcils. Il croyait avoir compris. Il vérifia…
La voix du Général parvint à le sortir de son espèce de bulle, brisant son chant, l'amenant à observer à nouveau partout autour de lui. Il émergeait de la surface lacustre d'un rêve, découvrait les alentours. Il ignorait depuis combien de temps il s'occupait du général elfique, et il n'avait pas prêté une once d'attention à ce qui l'entourait, son écoute focalisée sur sa propre voix. En rester là pour l'instant ? Comment lui dire…

Dawan observa le Général donner des ordres, à gauche et à droite. Il aurait aimé l'interrompre, mais il parlait fort… Et lui, il n'avait pas envie de hausser la voix. Pas après le sort de soin, pas après l'inspicio, et… Et il n'avait juste pas envie de forcer alors qu'il pouvait attendre sagement. Artaher ne devait pas, normalement, passer la fin de la journée à parler sans arrêt. Par contre, sa voix était désagréable. Il tourna la tête, fasciné par le mouvement des êtres autour de lui. Oh, tiens, celle-la, là-bas, elle était blessée ! Il chanta, sans plus se soucier de l'elfe qui donnait des ordres. Il ne s'arrêta que lorsque son nom fut évoqué. S'arrêta net, sans tourner son regard vers Artaher. Ledit regard était tellement lointain que, de toutes façons, tourner sa tête vers lui n'aurait pas plus aidé à paraitre lui offrir de l'attention.
L'Enwr eut un sourire. Un fin sourire. Un sourire et une petite étoile dans les yeux. Il n'allait pas rire, parce que ce n'était pas assez drôle pour cela, et parce que, quand même, la voix et la statue d'Artaher en imposaient juste assez pour lui faire passer cette envie ou, en tout cas, activer son instinct de survie. Mais il était adorable, ce général. À sa façon. Dawan lui trouvait quelque chose de très enfantin, dans sa façon de s'accrocher à son pouvoir décisionnel. Oh il aurait volontiers joué avec lui, s'il avait un peu mieux su jouer ! Enfin, il songea doucement en lui-même qu'un jour peut-être le général découvrirait que la pertinence valait mieux qu'une légitimité artificielle. Peut-être qu'un jour également il découvrirait combien il se moquait de son autorité comme d'une guigne. Il n'était pas Cawr.

"- Lac aux eaux claires… Reflets de l'aube." Il eut une sorte de frisson, comme revenant parmi tout ce beau monde, et se tourna enfin vers Artaher. Toujours souriant. Il le dévisagea avec insistance un instant. N'avait-il pas une chose à lui dire ? Ah, si ! "Des… Sortes de spores se sont mêlés à vous, Sire Terendul. Ils contraignent vos mouvements. Je ne saurais m'en charger, que ce soit maintenant, ou plus tard. Ils sont bien trop fusionnés… Un Cawr pourrait sans doute y parvenir, en usant de votre chant-nom." Il avait parlé si facilement ! Avec sa douceur habituelle, et sans plus d'anxiété qu'auparavant. Se rendait-il seulement compte de ce qu'il annonçait à Artaher ?

Il fit les gros yeux devant la réponse aussi cinglante qu'ahurissante du général elfique. Non mais il se fichait de qui là ? La moutarde lui montant rapidement au nez, il répliqua sèchement :

« Ce ne serait pas arrivé si le demeuré lui servant de cavalier ne s'était pas trompé de cible prioritaire. »

Oh bien sur il était tout à fait capable de reconnaître qu'il constituait bien une cible tout à fait légitime aux yeux du concerné mais de là à le faire passer avant cette abomination à tentacules... Sans doute Tomyn avait-il sous-estimé sa haine à son égard... Enfin quoi, il n'avait s'agit que d'un coup de poing sur le nez après tout ! Pas de quoi en faire tout un plat... Ou en tout cas pas au moment où la perle était sur le point de les tuer ! Pas logique cet elfe... Vraiment pas du tout. Et sacrément amoché au passage...

Son regard s'était égaré sur les jambes en question alors que le général apostrophait son pauvre guérisseur. La vision lui tira une grimace non dissimulée, il avait vu beaucoup de sales blessures dans sa vie mais celle-ci faisaient partie du palmarès... Et le fait que le baptistrel ne semblait pas capable de le soigner n'était pas rassurant du tout, la magie faisait des miracles habituellement, si ça ne marchait pas c'est qu'il y avait un problème quelque part. Pas particulièrement heureux de cette conclusion malgré qu'il ne porta pas l'ours dans son cœur, Tomyn consentit finalement à s'écarter de quelques pas tant pour laisser les soins se faire que pour garder un œil sur son elfette qui avait apparemment décidé de faire ses courses. Allons allons... Voilà qui risquait de ne pas trop plaire à leurs compagnons du moment... Finalement il valait mieux qu'ils filent d'ici. Il se chargerait de ses soins lui même une fois qu'ils seraient à l'abri et ils pourraient ensuite se mettre à la recherche du quartier général rebelle. A moins qu'ils ne filent le détachement elfique afin de s'y faire mener tout droit ? L'idée était intéressante même si très difficile à mettre en place, mais avant tout il fallait qu'ils s'éloignent :

« Viens Lindwë. Avant qu'ils ne nous fassent un autre coup... »

Tordu... Il n'eut même pas le temps de conclure sa phrase, le bruit caractéristiques des arcs en pleine tension lui fit tourner la tête et il leva les yeux au ciel. Et bien voilà... Merveilleux !

« Quoi ? J'ai une tentacule qui m'a poussé dans le dos ? »

Sa tentative pour détendre l'atmosphère n'eut évidemment aucun effet et on lui signifia fort durement son état d'arrestation. Eh quoi, encore ? Mais il devait bien y avoir moyen de s'arranger ! Mais arrangeants, les elfes ne l'étaient pas et lui n'était pas encore assez fou pour laisser éclater sa soudaine mauvaise humeur alors que pas loin de quatre flèches étaient pointées sur sa jolie tête. Lui et Lindorië échangèrent un regard, le sien demeurait moqueur. Fichu pour fichu, il n'allait quand même pas se mettre à pleurer ! Sa propension à toujours voir le verre à moitié plein, quand ce n'était au trois quart, lui susurrait même qu'il arriverait plus facilement que prévu à Aigue Royal... Il se laissa donc dépouiller de ses armes et lier les mains sans s'accorder plus qu'une réflexion acide :

« Si j'avais su que vous teniez tant à ma compagnie je serai revenu depuis longtemps... »

L'elfe qui lui liait les mains serra les liens plus que nécessaire et ne s'attira qu'un sourire en coin de la part de l'ancien messager. De situation inextricable en situation inextricable, ainsi roulait sa vie... On le poussa ensuite avec sa belle dans un coin où on les garda à l'oeil jusqu'à ce que les préparatifs soient terminés, un temps qu'il passa à susurrer des mots doux et blagueurs dans l'oreille pointue de Lindwë sans paraître vraiment se préoccuper de l'avenir. A chaque jour suffisait sa peine et il lui semblait bien que leur combat d'aujourd'hui avait suffisamment remplit leur journée. On se mit en route finalement et il sifflota un petit air tout en jetant quelques coups d'oeil au baptistrel qui semblait rêver de son côté. Quel drôle de personnage tout de même... En d'autres circonstances peut-être auraient-ils pu s'entendre, mais en attendant ils se contenteraient de marcher dans la même direction en espérant ne plus retrouver de perles sur leur chemin...

Heureusement que son humain n'était pas du genre contrariant. Elle savait d'ors et déjà que ce qu'elle faisait serait certainement mal prit par tous les imbéciles plein de sensiblerie des environs qui pousseraient des cris d'orfraie – pas la général, hein, l'oiseau, quoique… - et hurlerait à la malfaisance. Et sans doute aurait-elle envie de les assommer, et se contenterait d'un coup de griffe verbal. Mais Tomyn, lui, ne disait rien et c'était très bien. De toute façon, un mort n'avait pas besoin d'armure. Par définition un mort, c'était mort. Et la seule chose que nécessitait un mort, c'était un feu de j…. pardon, ça, c'était dans le cas de la mort d'Artaher, un feu crématoire suffirait le reste du temps. Relevant la tête vers l'humain qui s'adressait à elle, sortant de ses pensées, elle papillonna des yeux. « Hm hm » fit-elle simplement pour marquer son accord. Oui, ils n'avaient de toute façon plus rien à faire ici, alors autant y aller. Ils n'en eurent cependant pas le temps et elle se tendit de nouveau, sur la défensive. Dracos qu'elle détestait voir son humain menacé ainsi. Qu'ils étaient bêtes, ces elfes, pour s'en prendre à lui ainsi. « Non, To' mais ça n'ôterait rien à ton charme je te l'assure. Au pire ça te donnera un côté unique supplémentaire pour plaire à cette belle bande de morses analphabètes » Ben quoi ? C'était même faire une insulte aux morses !

En état d'arrestation… bah tiens. Pendant un bref instant elle songea à casser du nez une nouvelle fois, puis se rendit compte que ça lui importait peu, au final et elle haussa simplement les épaules. Elle échangea un regard avec Tomyn, lourd de sens. Elle réitera son haussement d'épaule, s'en fichant bien pour le coup. Dans le pire des cas, ils pourraient toujours trouver une solution à l'arrivée, et puis elle s'était assez énervée pour aujourd'hui, la colère c'était fatiguant. Là, elle n'avait vraiment plus envie que d'une chose, la compagnie de son mari et un coin pour dormir ou rêvasser. Alors qu'ils fassent ce qu'ils voulaient en attendant, ce n'était plus du tout son affaire à elle.

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