Royal affrontement [PV Havard]TERMINE

La journée touchait à sa fin, et il était plus que temps ! Encore quelques heures et il pourrait regagner ses appartements, s'écrouler dans son lit et oublier pour quelques heures les tonnes et les tonnes de problèmes divers et variés que connaissaient la rébellion. Enfin non... Il n'oublierait pas en fait. Il ne les oubliait jamais tout à fait quelque soit son désir. Il leur arrivait même de venir lui rendre visite pendant son sommeil sous forme de rêves bizarres ou de cauchemars terrifiants, c'était sans doute le lot de tout empereur... Satanée charge insupportable.

Il revint à l'instant présent pile au moment où son interlocuteur du moment finissait sa phrase. Zut... Qu'avait-il dit exactement ? Surement rien d'intéressant vu la teneur de ses paroles précédentes. Il s'agissait d'un espion plutôt mauvais qui était de retour après une longue mission à Aldaria et dont le seul mérite était d'avoir réussi à se faire capturer. D'informations intéressantes par contre nada, il ne fallait pas trop compter là dessus pour savoir ce que devenaient ses enfants... Il avait décroché après une petite demi heure de rapport, ayant depuis longtemps compris qu'il n'apprendrait rien d'utile. Sale journée décidément... Sale semaine même. En fait il pouvait même aller jusqu'à sale année. Tout allait de travers depuis cet instant fatidique où l'usurpateur avait fait irruption dans son bureau. Ah... Revenir en arrière et tout recommencer.. Zut, son esprit vagabondait encore.

Par chance l'autre n'avait pas l'air de s'être vraiment aperçu qu'il avait endormit la moitié de la salle avec son interminable monologue. Un poil papillon de totem ce gars là ? C'était fort probable... En tout cas il était temps d'intervenir, l'un des conseillers de Korentin commençait à ronfler distinctement et même les gardes de la porte vacillaient de plus en plus. Bon il fallait arrêter les frais là... Il leva la main pour couper le mauvais orateur d'un seul trait :

"Cela nous suffit. Nous allons nous arrêter là."

L'homme sembla contrarier, sans doute avait-il encore un tas d'autres détails inutiles à leur faire parvenir, mais il ne protesta pas. Ce n'était pas comme si il était facile de faire éclater son mécontentement face à un tel auditoire... Il salua malgré son air un peu renfrogné et quitta la pièce lorsqu'on lui donna son congé. Ouf, sauvé !

Korentin cueillit du coin de l'oeil le mouvement de quelques conseillers et courtisans qui voulaient se précipiter dans la brèche et obtenir à leur tour un entretien. Il n'en était pas question, il venait déjà de passer les sept dernières heures les fesses collées sur ce satané siège, pas question de remettre ça. Il ordonna à ses Lames :

"Faites évacuer la salle, c'est terminé pour aujourd'hui."

Les gardes obéirent avec ce qui ressemblait bien à un certain soulagement. Eux aussi en avait assez, et leur service était pourtant loin d'être terminé... Korentin avait presque pitié d'eux, mais il avait apprit depuis longtemps qu'un Kohan n'était à l'abri nul part et que la présence de protecteurs de ce type était donc indispensable. Là encore, il n'avait aucun choix. Mais il avait toujours vécu ainsi, c'était donc une vieille habitude.

La salle devint enfin silencieuse et il poussa un soupir de soulagement en étirant ses muscles fatigués. Il avait encore quelques heures de jour devant lui, si il l'osait il aurait été mettre le nez dehors rien que pour voir cet astre qui lui manquait... Sauf qu'il se ferait forcément alpaguer en chemin par quelques affaires urgentissimes, et que cette idée le rendait tout simplement malade. Alors quoi ? Retourner à ses appartements ? Cela ne lui disait pas grand chose... Lorsqu'il sortit de la pièce, il ignorait encore où ses pieds allaient le mener. Il était tout simplement trop fatigué mentalement pour penser.

Finalement c'est son instinct qui prit le dessus, ou ses désirs peut-être... Il y avait une petite éternité qu'il n'avait pas prit le temps de simplement prendre soin de lui et de se lancer dans ces entraînements physiques qui lui plaisaient tant avant tout cela. Son corps réclamait son dû d'efforts même si il avait au moins la satisfaction de ne pas grossir vu qu'il n'avait tout simplement pas toujours le temps de manger. C'est donc dans les cavernes des héros qu'il se retrouva, au grand étonnement de ses gardes qui ne s'étaient sans doute pas attendu à le voir sortir de Fort Espérance. On ne l'alpagua même pas sur la route, sans doute était-il trop plongé dans ses pensées pour seulement s'apercevoir qu'on l'appelait !

Pensées qui finirent d'ailleurs par le ramener à la réalité puisqu'il en vint à évoquer Havard Svenn et l'honorable prisonnier qu'il leur avait ramené. Aaron Dessay, l'Ombre du Roi, rien que cela ! Korentin avait rêvé plus d'une fois du moment où il jugerait cet homme qui l'avait tant déçu, il n'avait pas cru que cela pourrait arriver si vite... Le seul problème à présent étant de trouver le temps de le faire car le garde royal en question dormait dans les cellules d'Aigue depuis plusieurs jours sans que le roi rebelle n'ai pu trouver le temps de seulement aller le voir. A moins qu'il ne redoute simplement cette rencontre. Il n'avait pas peur d'Aaron, très loin de là même puisqu'il le connaissait depuis sa naissance. Il craignait plutôt ses propres réactions. Il avait été si persuadé que le vieil homme prendrait les armes pour sa cause... Encore une désillusion.. Et têtu comme il le connaissait il serait très difficile de le persuader qu'il faisait fausse route. D'ailleurs le mal était fait, n'est-ce pas ?

Bref, tout cela était bien ennuyeux mais ce n'était certainement pas la faute de Svenn. Celui-ci avait réussi un coup de maître en capturant celui qui était apparemment devenu l'homme de confiance de Fabius. Il méritait quelques éloges même si il les recevrait sans doute avec la froideur qui le caractérisait. Et puisque Korentil était là, il allait peut-être pouvoir s'occuper de cette tâche là. Un nordiste qui n'était pas au combat avait toutes les chances d'être localisable sur un terrain d'entrainement à ce qu'il lui semblait... Il ne fut pas long à s'apercevoir qu'il avait vu juste. Havard Sveen était là, en plein duel.

L'empereur s'immobilisa. Son arrivée n'avait pas encore été remarquée malgré la présence de ses gardes et il en était heureux. Au moins pouvait-il observer les différents combats sans que tous les regards se tournent vers lui. Celui de Svenn étant sans contexte le plus spectaculaire... Diantre. Cet homme avait la force d'un cheval où il n'y connaissait rien. Et c'était très loin d'être son seul talent. Tout à son observation, il ne pu s'empêcher de froncer les sourcils lorsque l'une de ses lames s'éclaircit la voix pour annoncer d'un ton réprobateur :

"Sa majesté le roi Korentin Kohan !"

On repasserait pour la discrétion, mais cela faisait aussi parti du boulot des gardes... Il grinça des dents lorsque la plupart des combats s'interrompirent afin que les duellistes puissent le saluer. Havard Svenn et son ennemi du moment n'avaient apparemment même pas remarqué la scène, ou étaient bien trop concentrés sur leur petite affaire. Il renvoya les autres à leurs occupations et apaia le garde outré d'un geste :

"Continuez."

On lui avait déjà retiré bien assez de plaisirs sans qu'il ne puisse plus non plus regarder un duel tranquillement ! Le sourire au lèvre, il admira la maîtrise du nordiste qui désarma rapidement son adversaire et hocha la tête lorsqu'il vint enfin à lui :

"Félicitations. C'était un beau combat. Même si je dois avouer que j'aurais donné cher pour voir plutôt celui qui vous opposa à Aaron Dessay... Le bougre m'a flanqué quelques dérouillées dont je me souviens encore. Je l'ai longtemps cru invincible. C'est idiot n'est-ce pas ?"

Et c'était pourtant vrai. Le gamin qu'il avait été avait toujours vu la perfection en ce garde rassurant qui veillait sur ses jours et plus particulièrement sur ceux de son cousin. Il avait apprit quelques bottes et parades de lui, mais il n'avait jamais nourrit l'espoir de seulement lui arriver à la cheville. Dans son art, Aaron était une légende. Alors qu'est-ce qu'était Havard à présent ? Un solide espoir de la rébellion, ça c'était certain.

Cela faisait un moment qu’il n’était pas repartit en mission. Notamment parce qu’il avait également des obligations à l’intérieur même d’Aigue-Royale mais également parce que la dernière fois qu’il était sortis, ça n’avait pas été pour de la simple routine contrairement à ce qu’il avait annoncé au préalable en compagnie du reste des têtes pensantes stratégiques de la rébellion. Une simple mission de routine donc, qui s’était transformé en retour relativement triomphant accompagné d’un prisonnier de premier choix. Ne pas le tuer avait été un très bon choix. Mort, il ne servait pas à grand-chose, au pire un nom de plus sur une longue liste de décédés… peut-être simplement une figure de martyr que l’usurpateur porterait en bannière si tant est qu’ils se soient vantés ouvertement de son trépas. Si non ? Bah… sans doute rien de plus qu’une disparition quelconque. Il doutait que l’homme assit sur le trône de Gloria puisse croire un seul instant à une possible défection de son ombre. Ça ne laissait pas l’embarras du choix sur son sort. Le garder en vie, d’un autre côté, pouvait s’avérer une bonne solution. Prisonnier, et si quiconque parvenait à le faire parler, il pourrait s’avérer une bonne source de renseignements. Quelqu’un pouvait-il y parvenir, avec cette tête de mule bornée et fanatique ? Bonne question. Si quiconque s’y était essayé il n’était pas lui-même au courant… Pas qu’il ne s’intéressa pas à son sort, car après tout il était son prisonnier à lui, et qu’il n’avait jamais maltraité un prisonnier juste parce qu’il l’était, mais tout simplement parce qu’il n’avait aucune raison de s’informer là-dessus dans l’immédiat, ou d’aller lui-même visiter l’homme. Il n’était pas tortionnaire pour l’amour de tout ce qui existait sur cette terre et certainement pas geôlier. Certains en faisaient leurs vies et il leur laissait cela sans regret, ne voyant pas quelle glorification ou réalisation on pouvait en tirer. Dès l’instant où il avait remis le prisonnier celui-ci avait été à la charge de l’autorité Kohan… qui lui non plus n’était pas allé voir Dessay, d’après ce qu’il savait. Lui-même n’avait rien à dire à la lame noire, il n’était déjà pas causant avec ses alliés alors avec un ennemi même vaincu… Lui parler, à quoi est-ce que ça aurait servis ? Ça n’aurait rien changé. Korentin Kohan, en revanche, ainsi qu’Esmelda, avaient sans doute quelques petites choses à discuter avec cet individu-là en particulier.

Mais ça non plus ça ne le regardait pas vraiment. Il avait eu ce qu’il voulait avec son duel et il était bien rare qu’il trouve adversaire à sa portée. Même si son fils s’était échiné à aigrir la passion du combat avec ses erreurs et ses choix déplaisant, il y avait tout de même trouvé plus que son compte. Cependant, depuis cela, il ressentait le besoin pressant de se défouler et de s’améliorer encore, ou tout au moins de ne pas rouiller. Il était fort possible qu’il affronte à nouveau Dessay… oui bien un autre épéiste de talent bien qu’aucun nom ne lui vienne à l’esprit pour le moment. Déchargé des devoirs de la cour, n’étant ni conseiller politique ni courtisant, il s’était donc permit de goûter en ses rares heures libres à l’entraînement de la caverne des héros, où des soldats d’origines différentes s’échinaient à améliorer leurs capacités et à se garder en forme. Loin d’être le genre d’individu à rester oisif et inactif, il préférait à cela une bonne sueur et le maniement des armes, d’autant que la perspective de devoir encore supporter l’entourage de l’empereur le fatiguait déjà affreusement. Un jour, il n’allait pas pouvoir se retenir et en étranglerait un… ou deux… ou trois… Bref, un homicide n’étant pas à l’ordre du jour et pas recommandé, il lui fallait trouver comment dépenser utilement son agacement et sa frustration. C’est ainsi qu’il avait défié l’un de ses capitaines en un duel qui durait à présent en longueur. Il n’usait, comme son adversaire, que d’une épée à une main, unique et sans le moindre enchantement, et il se trouvait, prit dans le combat, à s’aveugler du reste du monde qui n’avait plus la moindre importance en pareil instant. Ici, dans les cavernes de la rébellion, il ne craignait pas que quiconque l’interrompt ou tente de l’attaquer. Son adversaire était doué et il se prenait à apprécier l’échange, la chaleur de l’exercice tandis que tout le reste se transformait en une vague bariolée et floue sans attrait, éclipsé par la danse des deux lames et l’éclat qu’elles projetaient, le tintement produit… Rien n’était plus beau en cet instant et rien d’autre n’avait d’intérêt, tandis que les muscles travaillaient, accompagnés d’un souffle puissant et rapide. Si ils se jouaient de maîtrise et d’expertise, c’était avant tout un duel d’endurance qu’ils se livraient tous deux. Un duel de volonté. A qui ploierait le premier.

Cependant, dans le flou, il entendit vaguement une voix extérieure, qui ne vint pourtant pas plus interrompre son duel. Celui qui s’exprimait pouvait parfaitement attendre encore un peu, il n’en avait pas tout à fait finit avec son adversaire qui redoublait de violence et d’assaut dans ses coups. Parfait, il ployait enfin. Avec une parfaite coordination, il plongea dans la faille révélée et désarma enfin l’autre, lui vidant les mains de sa lame et l’envoyant s’écraser dans la poussière du terrain d’entraînement, un peu plus loin. Ramenant lentement son souffle à un rythme plus lent, il se redressa, quittant la crispation du combat et le jeu des nerfs, laissant les muscles se détendre, déployant sa haute silhouette tandis que l’autre faisait de même. Avec un lourd soupire, il remit sa lame au fourreau et se passa une main sur la nuque en se détournant après un salut et un remerciement, vers l’origine du son qu’il avait entendu un peu plus tôt mais n’avait pas daigné reconnaître. Sa nuque était bouillante et la sueur coulait le long de son dos, sous le tissu de sa chemise ample. L’exercice, évidemment, mais également l’atmosphère de la caverne… Son regard pâle se posa sur la tête couronnée qui se tenait là, et le laissa entamer le silence, ne se sentant absolument pas de le faire lui-même. Il n’était pas doué pour parler et ne savait pas ce que le Kohan pouvait bien lui vouloir. Oui à lui, c’était bien lui qu’il regardait, non ? Il accueillit les paroles offertes par l’autre d’un clignement des yeux, une mèche blanche lui tombant sur l’œil. « Oui » lâcha-t-il au risque de vexer les gardes de l’Empereur mais s’en fichant parfaitement. Oui c’était idiot de penser cela. Personne n’était invincible. Il se détourna et reposa son épée sur le râtelier le plus proche avant de faire l’effort de reprendre la parole, se doutant bien qu’il ne serait tout de même pas intelligent de fermer immédiatement une conversation avec l’homme qu’il considérait comme son souverain, d’autant qu’il essayait d’être agréable. Comme un sudiste pouvait l’être. Mais tout le monde faisait des efforts et Korentin Kohan était l’un des rares pour qui il devait faire un effort. Et puis il y avait plus repoussant comme interlocuteur.

« Merci… » Lâcha-t-il tout d’abord, de ses manières brusques et peu à l’aise. « Dessay est un bretteur de grand talent, ce fut un honneur que de croiser le fer avec lui. Et une chance que de le ramener en vie. Sa mort aurait été un gaspillage » Il s’interrompit dans ses phrases lapidaires en notant un peu à retardement que cela pouvait sonner étrangement. Il reporta son regard sur lui. « Personne n’est invincible, mais il a le mérite d’être un adversaire appréciable…j’espère à nouveau combattre contre lui, d’une manière ou d’une autre. Vous n’êtes toujours pas allé le voir, n’est-ce pas ? »

La réponse sans concession du nordiste aurait pu le désarçonner mais il commençait doucement à s'habituer à leurs manières. Non sans mal tout de même pour certains points, et ce n'était rien du tout à côté des difficultés de la plupart des autres nobles à les voir autrement que comme des sauvages mal dégrossis. Ils étaient pourtant l'un de leurs plus solides atouts et plus important encore ils avaient été parmi les premiers à refuser leurs épées à Fabius pour plutôt les lui offrir. Il ne se faisait pas vraiment d'illusions sur ce que la plupart devait penser de lui, n'ignorant pas que son propre peuple lui reprochait parfois de ne pas être assez ferme et qu'un peuple aussi dur que celui là s'en offusquerait sans doute. Mais les faits étaient là, ils étaient de son côté. Il se devait donc de faire l'effort d'aller vers eux et de tenter de les comprendre, en espérant qu'ils feraient de même de leur côté. C'est donc avec un sourire contraint qu'il souligna l'évidence :

"Vous ne mâchez pas vos mots hein ?"

Son ton aussi réprobateur qu'amusé sembla calmer quelque peu les gardes effarouchés par un tel comportement. Il fallait bien qu'ils se mettent dans la tête qu'il n'avait pas le caractère de Gregorist et encore moins celui de Rodrick ou même de son propre père. Il était plus du genre à éclater d'un rire joyeux devant une grosse boulette qu'à condamner instantanément le coupable, de là lui venait peut-être ses problèmes de réputation d'ailleurs... Mais il n'avait pas l'intention de changer de ce qu'il était simplement pour faire plaisir à la foule. Si il ne pouvait même plus rire, alors il deviendrait fou d'ici peu . Ce qui n'arrangerait certainement pas les affaires de l'empire.

Le silence sembla vouloir s'éterniser entre eux et il commença à se demander si son interlocuteur n'allait pas simplement le planter là et retourner à ses affaires. Dans le genre sauvage il n'y avait pas pire qu'Havard Svenn... Peut-être avait-il fait une erreur de venir à lui. Il aimait peut-être rigoler mais si l'autre lui faisait un coup pareil alors là il n'aurait plus d'autre choix que de prendre la mouche. Il y avait des limites quand même... Il ne pu s'empêcher de se sentir soulagé lorsque le remerciement vint quand même rompre le silence. Bon, ils échappaient à un incident diplomatique des plus déplorables. Restait à espérer qu'ils n'en provoqueraient pas un autre d'ici la fin de la journée... Tant pis, il préférait encore ça aux intrigues politiques et aux conseils interminables qu'il devait subir chaque jour. Il acquiesça devant les paroles suivantes, il aurait été le dernier à ne pas reconnaître les talents du maître d'arme.

"C'est un fait. Et c'est fort préjudiciable pour nous qu'il ai choisit le mauvais camps. A ce que je sais, il croit dur comme fer à la version de mon cousin. Autant dire qu'il le défendra bec et ongles pour l'éternité. Nous avons hérité là d'un adversaire implacable..."

Qu'il soit sous les verrous était donc une excellente chose, il était un soutien trop précieux pour Fabius. Le plus judicieux serait d'ailleurs de l'y garder, il avait amplement de quoi le faire enfermer à vie, voir pire, suite à un jugement. Mais il pouvait aussi servir de monnaie d'échange et Dracos savait que la rébellion avait cruellement besoin de moyens de pression sur l'empire. Tout ceci était complexe... Encore un soucis à gérer. Mais il ne pouvait pas en vouloir au nordiste de leur avoir offert un tel avantage sur un plateau d'argent. Il secoua la tête devant la question :

"Non, je n'ai pas encore eu le temps de m'y rendre. Et j'ai besoin de réfléchir à son sort. Ainsi qu'à ce que je vais lui dire... J'ai été trahis par pas mal de gens, mais j'espérais de lui un peu plus de jugeote. Il me connait bien et il sait à quel point j'aimais Gregorist. Il aurait dû se poser plus de questions avant d'offrir sa lame à n'importe qui."

Un éclat dur s'était allumé dans son regard à ces mots, il n'était pas près de pardonner ses erreurs à Aaron. Car il savait parfaitement qu'erreur il y avait, le vieux garde était trop loyal pour soutenir un roi qu'il savait félon. Mais cela n'excusait rien, pas lorsqu'on connaissait Korentin depuis l'enfance. Non mais quoi ? Avait-il pu donner à un seul moment dans sa vie l'impression à Aaron qu'il deviendrait un meurtrier ? Il en doutait sérieusement. Fabius par contre...

Repenser à tout ceci l'agaçait, et il n'avait pas envie de finir sa journée en se mettant en rogne. Cela ne pourrait que lui promettre une mauvaise nuit, ce dont il n'avait absolument pas besoin. En fait ce qu'il lui fallait c'était un peu de temps pour lui. Un repas pantagruelique par exemple, et considérablement arrosé. Finissant par une héroïque et terrible bagarre qui lui vaudrait d'être convoqué chez le roi et... Attendez... C'était lui le roi. Cette constatation douce amère ne pouvait que mettre un terme à ses rêves éveillés et le forcer à changer de plans pour sa soirée. Il ne pouvait pas non plus passer du temps avec ses enfants comme il l'aurait fait à Aldaria tout en essayant de mettre la main sur sa femme, ce temps là était révolu. Alors quoi ? Une virée avec Ashy ? Elle serait très heureuse qu'il l'emmène voler, mais on lui reprocherait encore d'aller se promener tout seul en oubliant les obligations liées à son statut. Quoique le premier à oser lui dire qu'il se promenait seul alors qu'il était avec Ashy finirait sans doute dévoré... Ceci dit cela ne lui disait toujours pas ce qu'il allait faire de son temps libre si chèrement acquis. Peut-être que... Non. Là encore, ce n'était pas séant.

Son regard d'envie vers le cercle d'entrainement n'avait sans doute pas échappé à grand monde. C'était un autre domaine dans lequel il passait son temps non utilisé dans son travail et ses banquets par le passé. Mais à présent... Un roi ne pouvait pas perdre son temps ainsi, Gregorist lui-même ne le faisait que rarement et uniquement lorsque Korentin le houspillait jusqu'à ce qu'il cède. N'ayant lui-même pas de Korentin sous la main pour lui donner une bonne excuse et ainsi assouvir son besoin d'exercice, il n'avait d'autre choix que de se montrer raisonnable. Non sans réticence, il reprit à l'intention de Svenn :

"Et bien, je vais vous laisser à vos joutes... Un jour ou l'autre il faudra bien que je débarrasse mon bureau de ces liasses de documents urgents. Ou je risque fort de ne plus jamais le retrouver..."

Ce qui ne le dérangerait pas plus que ça pour tout dire, bon débarras ! Le sens du devoir des Kohan était un sacré handicap tout de même, ne l'aurait-il pas eu qu'il aurait brûlé tout ceci depuis longtemps. Au lieu de cela il allait retourner bien sagement dans ses apparements et passer ce temps libre à essayer de rattraper un peu de son retard. Joyeuse perspective... Mais indispensable. Il salua son interlocuteur d'un signe de tête :

"Bonne soirée messire. Gagnez quelques autres duels pour moi voulez-vous ?"

Non pas qu'il souhaite vivre par procuration, mais ce n'était pas parce que lui ne s'amusait pas que personne ne devait le faire... Même si il n'était pas certain que l'autre prenne ce genre de choses comme un amusement. Trop sérieux ce nordiste, vraiment...

Non il ne mâchait pas ses mots, mais il était vrai qu’il n’avait jamais eu à le faire auparavant. Il n’était pas un bon diplomate, n’appréciait pas de parler pendant de longues heures et ne faisait pas de concessions. Il n’avait jamais eu à en faire, de concessions… Ils ne fonctionnaient pas ainsi au nord, n’avaient pas ce genre de préoccupation. Si il savait mettre Korentin mal à l’aise avec eux, lui-même l’était tout autant à devoir jongler avec des considérations complètement étrangères… comme gérer les prérogatives de respect qu’il devait à un empereur ou tout simplement ne pas étrangler un conseiller sur place simplement pour un sarcasme. Cela dit, s’il ne mâchait pas ses mots il tentait au moins de ne pas simplement le planter sur place en repartant à l’entraînement. Il n’était pas bon diplomate mais il n’était pas stupide non plus, établir un dialogue avec Korentin servirait dans les deux sens d’autant que, si le souverain était un peu mollasson, il n’était pas mauvais pour autant. C’était même un bon bougre et il avait ses propres qualités, aussi difficile s’était de le reconnaître. Ils avaient même quelques idées en communs, ce qui l’avait franchement surpris. Bon, au moins, l’autre lui répondait, comme quoi il ne s’en sortait pas trop mal… ce n’était pas si catastrophique que cela, il avait finis par se décoincer un peu. Certes, Dessay était un ennemi implacable et particulièrement dangereux. Un ennemi que l’on pouvait craindre, moins par son impact militaire pourtant important, que par l’impact symbolique qu’il pouvait avoir dans tous les sens du terme. Il hocha simplement la tête, ne se voyant rien ajouter à cela. L’homme était désormais en prison et certainement pour un moment, autant parce que la décision serait dure à prendre que parce son vis-à-vis actuel aurait sans doute des envies divergentes à son sujet. Bah il avait le temps après tout, Dessay n’allait nulle part. « Sans doute l’a-t-il fait » posa le nordique à la suite, d’une voix un peu plus facile. Il n’imaginait pas la lame noire fonçant tête baissée, du moins pas à ce point. Il avait bien dû se questionner, mais il avait choisis Fabius et c’était peut-être d’autant plus révoltant. Mais ce n’était que des suppositions, il n’était pas devin ou télépathe pour connaître le détail des pensées des autres.

Un nouveau blanc prit place entre eux, alors que Korentin semblait s’appesantir pendant un moment sur le sujet sans qu’il puisse véritablement lui donner un avis. Ce n’était pas son genre de s’introduire dans ce genre d’histoires. Et pourtant, il avait dans l’idée que Dessay n’était pas si hermétique que cela. Il lui ressemblait, au moins pour le côté têtu… alors si lui-même était capable d’ouvrir les yeux, l’autre pourrait certainement, le souci était de trouver le déclic, de trouver ce qui pourrait enrayer le mécanisme de sa loyauté aveugle. Qu’est-ce qui pouvait avoir un tel effet sur un homme comme celui-là ? Peut-être quelqu’un, sa princesse par exemple, Esmelda était tellement douée avec les autres… si quelqu’un pouvait manier Dessay c’était elle, très certainement. Il garda cela dans un coin de son esprit et se mit à chercher ses mots pour faire passer l’idée auprès de Korentin, l’observant avec attention alors que la tête couronnée… reluquait le terrain d’entraînement. Ah tient, des envies d’exercices de la part du souverain ? Voilà qui le remplissait d’aise, il préférait le savoir là qu’avec les conseillers. Voilà un sujet sur lequel il pouvait échanger avec lui sans trop de soucis, c’était presque un soulagement de savoir qu’il y avait quelques passerelles au travers du gouffre qui les séparaient. Il en était à caresser l’idée de l’inviter quand l’autre sembla se raviser et lui tourner le dos. Ah non. Il n’allait certainement pas le laisser retourner faire corps avec sa paperasse comme ça et surtout pas après quelques mots échangés. Aller, autant faire des efforts jusqu’au bout ! Hors de question qu’il le laisse partir comme cela, alors même qu’il avait l’air de n’avoir qu’une envie : participer aux joutes actuelles. Et qui pourrait l’en blâmer ? Personne n’aurait eut envie de s’enfermer en permanence pour penser à tous ces papiers et supporter les nobles. Parfois, le bien du royaume passait également par le bien de celui qui veillait sur lui, un Empereur dépressif et déprimé n’était d’aucune utilité aux autres. Il grogna avant même de s’ne rendre compte et décocha en retour, avec un peu de rudesse. « Gagnez les vous-même » Il ne l’avait pas voulu mais ça lui avait échappé. Chassez le naturel il revient au galop, non ?

Pour éviter que ses paroles ne provoquent une esclandre indignée de qui que ce soit, il alla au bout de son idée et lui colla son épée entre les mains, l’obligeant à la prendre d’une bourrade avant de l’attraper pour le traîner manu militari vers l’espace qu’il utilisait pour ses combats, laissant tomber le cérémonial et les règles tacites voulant qu’on ne touche pas à une personne royale. Korentin n’attendait que ça. Ses gardes n’apprécièrent pas, évidement, et il leur lança un regard mauvais en décochant à leur encontre. « Si ça vous gêne tant vous n’avez qu’à participer aussi » Il relâcha Korentin lorsqu’il fut certain que le souverain n’allait pas essayer de fuir, il n’avait pas envie de lui courir après. Lui tournant un instant le dos, il récupéra une autre épée d’entraînement et revint vers lui, l’observant de son une mèche revenue tomber sur son visage. Il joua de la mâchoire un instant avant de reprendre la parole, semblant plus détendu maintenant qu’il avait un sujet qu’il maîtrisait mieux entre les mains. « Je ne promets pas de ne pas vous dérouiller, mais je peux vous servir de partenaire de duel et vous donner quelques leçons » Il repoussa ses cheveux d’une main et fit jouer son arme entre ses mains. « Vous garder en forme est aussi important que ces documents, prendre une pause ne vous fera pas de mal…. Et si quiconque a un problème avec ça je serais ravi d’aller m’expliquer avec lui. En garde ! »

HJ : pas beaucoup de dialogues mais j'ai voulu te laisser la possibilité de réagir et de continuer le combat ^^ si ça te bloque, j'irai un peu plus loin en partant du principe que ton perso esquive et je les ferais parler. Tiens moi au courant.

Ou pas assez sérieux... Voir carrément insouciant vu la façon dont il avait jeté son défi sans le moindre intérêt pour toutes les règles de politesse et de protocole du royaume. Du coin de l'oeil, il aperçu la mine scandalisée de sa suite et le rictus de rage de certaines Lames mais avant que quiconque, lui le premier, n'ai eu le temps de réagir, voilà qu'il se retrouvait avec une épée entre les mains et qu'on l'attrapait par le bras pour l'embarquer précisément là où il aurait aimé se trouver ! Désir qui n'excusait en rien le geste du nordiste par ailleurs et le bruit caractéristiques des épées qui sortaient à demi de leur fourreau vint aussitôt caresser les oreilles de l'assistance. Ses gardes cherchaient son regard, prêts à exécuter la loi et fort désireux de le faire d'ailleurs... La provocation de l'homme du nord ne fit qu'attiser leur colère et le souverain fronça les sourcils en le voyant revenir vers lui avec une autre épée. Sa voix résonna avec froideur :

"Je serais en droit de vous faire exécuter messire. Ou tout au moins de vous faire trancher la main. Ne me touchez plus jamais."

Le ton était sans réplique, un ordre royal qui ne souffrirait aucune remise en question. Et voilà pour le protocole. Son entourage s'apaisa, satisfait de la réprimande même si la soif de sang se lisait encore dans certains regards. Mais Korentin ne leur portait plus aucune attention, un sourire détendait ses traits habituellement soucieux tandis qu'il observait son adversaire se mettre en place et une lueur fugitive de plaisir anticipé fit pétiller ses prunelles de ces éclats d'or qui les caractérisaient. D'un ton nettement plus chaleureux, pour ne pas dire espiègle, il précisa :

"Sauf dans les minutes qui viennent évidemment. Si vous y parvenez."

Il fanfaronnait consciemment, parfaitement au courant du niveau technique de son adversaire qui lui promettait d'ailleurs une probable derrouillée. Voilà qui n'allait pas plaire à sa suite encore... Mais ils ne pourraient plus rien dire puisqu'il avait accepté de lui-même le défi. L'autre n'avait pas tout à fait tort quand à son besoin de prendre une pause, il atteignait parfois un tel niveau de tension au fil de ses journées qu'il lui arrivait de se demander comment il parvenait à garder son calme. Il avait besoin de cet intermède, et tant pis pour le reste.

La voix de son instructeur du moment tonna entre eux et il obtempéra sans tarder, adaptant cette garde efficace et adaptée à sa morphologie qui lui avait été soufflée par Aaron bien des années plus tôt. Il n'avait pas le niveau du nordiste, c'était clair et net, mais il avait tout de même quelques tours dans son sac qu'il comptait bien utiliser pour tenter de le surprendre. Aaron avait toujours eu cet avantage sur lui qu'il le connaissait par coeur, l'autre par contre ignorait sans doute son niveau réel. Peut-être avait-il entendu parler des talents bien connu de l'ancien duc pour les arts à mains nues, mais il y avait un gouffre entre ce qu'on entendait dire d'un homme et ce qu'on savait vraiment de lui. Gouffre qui les handicapaient autant l'un que l'autre d'ailleurs, lui-même ne connaissait rien au style du nordiste et savait simplement qu'il avait suffit à vaincre son maître d'arme. Un peu mince comme information... Foncer dans le tas n'était sans doute pas une bonne idée du coup.

Sa vision s'étrécit tandis qu'il oubliait tout le reste pour se focaliser uniquement sur son partenaire de duel. Il l'attendait, jouant de son arme entre ses mains. Soit... A lui l'ouverture donc. Il attaqua sans plus de sentiment, testant la garde adverse en plusieurs points en recherchant une ouverture qui ne se produirait sans doute pas de sitôt connaissant l'animal. Ou bien si, mais ce serait pour mieux se refermer sur lui. Ils se tournèrent autour ainsi pendant de longues minutes, entrechoquant leurs armes sans la moindre retenue. L'exercice était inédit pour Korentin qui était en règle générale celui qui avait l'avantage de la carrure et de la force pure et qui devait donc s'adapter à une situation bien différente de ce dont il avait l'habitude. Il refusait de se laisser décontenancer mais chaque minute qui passait laissait entrevoir un peu plus la différence de niveau et il était à peu près certain désormais que l'autre aurait pu le toucher dès l'instant où il l'aurait véritablement souhaité. Cette perspective lui fit froncer les sourcils et il changea de tactique à l'instant où l'autre s'effaça habilement devant lui suite à une parade. Brutalement et sans préavis, le roi rebelle brisa la distance minimale indispensable à l'utilisation des épées et les deux combattants se retrouvèrent tout proches l'un de l'autre, assez proche pour que Korentin puisse tenter de balayer d'un geste ample les jambes du nordiste. Là il était dans son domaine de compétence et de confort, l'autre ne pouvait que difficilement utiliser son arme et pour peu qu'il se laisse surprendre par le balayage et il serait à sa merci. C'était peut-être un peu trop facile pour fonctionner ainsi évidemment, mais cela valait le coup d'essayer...

Troublé par la menace ? Hm non pas le moins du monde. Quand on tirait le vin, mieux valait le boire. Il avait commencé, il était allé jusqu’au bout et quoi ? Si ça pouvait faire plaisir à ses gardes, tant mieux, ainsi il n’aurait pas à les étaler par terre. Ces hommes ne trouvaient pas plus grâce à ses yeux que leurs compères et leur fracasser le crâne ne le dérangeait pas vraiment, surtout si c’était pour leur apprendre à lever les armes contre la mauvaise personne. Cette règle de ne jamais toucher les personnes royales était proprement ridicule à ses yeux, Empereur ou pas, il restait une personne comme une autre, d’autant qu’il n’était pas en train de le frapper, ça viendrait après, mais simplement de l’entraîner ailleurs…. Enfin, il était tout aussi impossible de faire entendre raison à ces carnes que de convaincre un nordique d’apprécier un vampire. Chacun sa façon d’être borné. Pour lui ça ne changeait pas grand-chose, il s’en agaçait simplement et les regards qu’ils lui lançaient, si ils étaient parfaitement motivés et mérités à leurs yeux de fanatiques, lui donnait envie de relever le défi. Ce qui n’arrangerait personne à commencer par lui-même au final. Pour une fois qu’il faisait des efforts pour se sociabiliser, voilà qu’on le prenait à rebrousser poils, enfin… La meilleure solution était tout simplement de les ignorer et de ne se concentrer que sur la seule personne véritablement d’importance dont la boutade lui arracha un rictus de loup. S’il y arrivait hein ? Et bien il allait le prendre au mot alors !

S’amusant déjà relativement de la situation, il resta en place, offrant tacitement la main au souverain. Pas par gentillesse cependant, c’était clair. Il observait avant tout son adversaire, comptant garder son meilleur jeu pour les instants où il aurait pu le cerner davantage. La garde était bonne, c’était déjà un bon début. Comme quoi il était moins mauvais avec une lame qu’il ne l’avait imaginé. Le voyant enfin saisir la perche tendue, il encaissa l’assaut sans broncher, maniant sa lame d’une main et jouant autant des pieds que de l’acier, préférant détourner les coups que de les encaisser, testant ainsi la force et l’élan qu’il mettait dans ses assauts ainsi que la précision de la trajectoire. Pendant de longues minutes dont il ne perdait pourtant pas la saveur, ils tournèrent autour du pot… enfin, ils se tournèrent autour, échangeant des coups sans retenu et sans faire semblant, exactement comme il en avait l’habitude, n’aimant pas du tout édulcorer un duel pour quelque raison que ce soit. Il n’avait pas eu l’intention de le laisser calmer, tout Empereur qu’il fut, ça ne servirait à rien après tout. Un duel était fait pour permettre de s’améliorer ou de se tester, si l’on prenait l’ego en compte cela changeait tout. Quoi que, ça allait, Korentin n’était pas le pire concernant l’ego… Heureusement sans doute, il n’aurait pas aimé se faire appeler régicide. Il pressa lentement le jeu, usant de sa force comme d’un boutoir, si bien qu’à chaque coup, l’acier produisait un son singulier et quelque peu préoccupant. Cela dit, ce n’était-là que des armes d’entrainement, faites pour cela. Il n’avait pas l’intention de couper Korentin en cubes non plus.

Au profit d’une parade et alors qu’il s’effaçait pour venir l’estoquer par le flanc. La manœuvre le surpris, sans nul doute, car il ne s’attendait pas du tout à le voir se rapprocher aussi près d’un seul coup. Il eut le réflexe, juste à temps, de se soustraire à cette proximité et au balayage que voulait lui infliger son adversaire. A un cheveu cependant, ce qui confirmait que, si il n’était pas très doué à l’épée, il avait d’autres compétences. Des compétences qu’il serait bon de ne pas négliger mais surtout de mettre à profit. Se promettant d’être plus vigilant, il envoya le pommeau de son épée sur le retour du bras dans la ferme intention de l’assommer avec, une formule qui avait fort bien marché avec Dessay, mais vit l’ancien duc l’éviter… en lui laissant cependant de nouveau de l’espace pour l’usage de sa lame, ce dont il ne se priva pas le moins du monde. Il attaqua à nouveau, orientant Korentin vers le bord de la lice en enchaînant les coups avec l’intention cette fois de le toucher réellement. Fort heureusement, ce n’était qu’une lame banale et non son organix, il ne voulait pas handicaper le pauvre homme sans le faire exprès. Pour le coup, il n’aurait pas besoin de l’aide des lames noires pour se repentir et s’en vouloir, il le ferait tout seul comme un grand. Mais puisqu’il n’avait qu’un bout de ferraille dans la main, il s’en donnait à cœur joie et enchaînait les coups de taille en changeant son flanc d’attaque sur un rythme brisé qu’il changeait selon les réactions de son adversaire.

A l’occasion d’un échange particulièrement hargneux de coups, il s’effaça plutôt que d’arrêter l’attaque adverse et vint lui cingler les jambes du plat de la lame avant de prendre ses distances, rompant légèrement la proximité du combat et leur accordant une pause momentanée sans pour autant quitter son adversaire des yeux l’ombre d’un sourire jouant sur ses lèvres. C’était qu’il s’amusait bien. L’autre avait du répondant malgré la différence de niveau à l’épée. Il commençait même à entrevoir, par la façon dont Korentin pouvait amener des bottes de pugilat dans leur échange, qu’il serait peut-être fructueux d’avoir un enseignement dans les deux sens. Néanmoins, il taisait encore cette possibilité, prenant cette fois la main pour débuter l’échanger et, se montrant plus prolixe, prodigua dans les creux du combat quelques conseils concis tout en continuant de marteler et de surveiller les gestes du souverain pour ne pas se retrouver de nouveau incapable d’user de son arme.

Le sourire presque gourmand de son adversaire ne lui avait pas échappé, il prenait un plaisir fou à l'idée de ce combat... Mais après tout, Korentin ne pouvait lui en vouloir, il était dans le même cas. Peut-être même pire d'ailleurs étant donné le sevrage d'actions concrètes qui avait dû subir depuis son couronnement. C'était bien beau de mener des armées, mais tenir soit-même une épée dans sa main de temps à autre c'était quand même quelque chose. En sentir le poids dans son bras suffisait à le rasséréner et à lui faire oublier les tracas de sa vie quotidienne. C'était idiot tout de même de penser qu'il avait passé une bonne partie de son existence à houspiller Gregorist pour qu'il prenne un peu de temps pour lui et de s'apercevoir qu'il faisait exactement la même chose maintenant qu'il était roi... Vraiment, il lui fallait quelqu'un pour le tirer de ses papiers et de ses protocoles de temps en temps. Avant que ça ne le rende fou pour de bon.

Les premières minutes de combat avaient été intenses mais il était facile de voir qu'il ne s'agissait que de se jauger pour le moment. Les deux adversaires s'observaient avec attention, cherchant mutuellement à cerner le style de l'autre. Peu à peu pourtant, l'affrontement s'était fait plus dur et le dragonnier avait eut la surprise quelque peu désagréable de constater que l'autre ne faisait pas qu'égaler sa force physique, il la surpassait même largement. Des gouttes de sueur s'étaient lentement mise à couler sur son visage pendant qu'il raffermissait son bras pour résister à la violence de leurs échanges. Les épées d'entrainement seraient certainement bonnes à jeter après ça... Mais qu'importait. Cette situation inédite l'obligeait à se surpasser et à changer ses tactiques qui s'appuyaient souvent en premier lieu sur sa forme physique et sur sa carrure. Cela n'en était que plus enrichissant.

Son balayage n'avait pas réussit mais il s'en était fallu de peu. L'autre avait apparemment de bons réflexes, sans cela il n'aurait pas pu l'éviter et manquer de l'assommer par dessus le marché. Peu désireux de finir au pays des rêves avec un crâne en marmelade, Korentin s'était reculé promptement. Cela ne l'arrangeait pas pour tout dire mais l'autre semblait avoir parfaitement compris qu'il avait tout à gagner à le tenir à distance et à ne plus lui laisser l'occasion d'utiliser ses talents. Une série d'attaques de plus en plus rapides suivit et il se retrouva rapidement en difficulté. Le jeu était terminé apparemment, les coups se faisaient plus vicieux et décidés, la forçant à battre en retraite de façon continue si il ne voulait pas finir par être touché. Il n'y avait plus d'illusions à se faire à présent, si l'autre avait eut une véritable épée dans les mains pour combat alors il y aurait fort à parier que l'empire se serait retrouvé privé d'un roi. Conscient de ce fait, le dragonnier ne jeta pas l'éponge pour autant et résista de son mieux à l'assaut, une lueur féroce dans le regard. Ah mais c'était qu'il avait son caractère aussi lorsqu'on le poussait...

Refusant de se retrouver bloqué contre le bord de la lice, il redoubla d'ardeur à son tour et parvint à faire quelques pas avant qu'une de ses attaques ne touche le vide, le déséquilibrant assez pour que son adversaire puisse venir lui cingler les jambes. Touché... Mais pas coulé puisque les armes étaient factices. Un pli buté s'afficha sur son front tandis qu'il absorbait hargneusement la douleur et ce ne fut que lorsque l'autre rompit légèrement la distance entre eux deux qu'il s'aperçut qu'il était en train d'effleurer les limites de sa résistance physique. Il était épuisé, trempé de sueur et certain d'être perclus de courbatures d'ici le lendemain. Pourtant il n'avait rien ressentit de tout cela jusque là, la passion du combat avait suffit à masquer tous ces petits désagréments.

Il inspira une goulée d'air, se forçant à la savourer avec lenteur. Ce n'était pas ses maîtres d'armes à l'épée qui lui avait apprit à bien respirer mais bien ses formateurs en mains nues. Il ne s'en apercevait pas réellement, mais cette particularité avait énormément orienté son style. Les deux arts se mêlaient harmonieusement en lui, ses talents de pugilistes étant devenus si instinctifs qu'il les intégraient dans tout le reste sans même en être totalement conscient. Ses adversaires eux-mêmes se demandaient parfois comment ils avaient pu se retrouver les quatre fers en l'air alors même qu'ils étaient debout et sur le point de le toucher l'instant d'avant. Néanmoins, tout ceci ne lui était pas suffisamment utile dans ce combat là. L'autre était tout simplement trop fort. Et bien plus expérimenté que lui. Mais au moins pouvait-il profiter de cette expérience, ce n'était pas tous les jours qu'un guerrier de cette trempe acceptait de vous dispenser ses conseils.

Le combat reprit sur ce thème, plus lentement et avec des pauses légères qui permettaient au nordiste de corriger les erreurs de son souverain. Son souffle s'était calmé lentement et il ne quittait pas son instructeur des yeux, concentré sur chaque geste et sur chaque mot. Il cherchait encore l'ouverture qui lui permettrait de briser cette distance de sécurité que l'autre lui imposait, le privant du contact qui lui était nécessaire pour entrer dans sa zone de confort. Korentin avait pourtant plus d'un tour dans son sac à ce niveau là, il avait l'habitude de voir ses adversaires s'échiner à le tenir à distance afin de ne pas lui donner de prise et il tenait toujours à surprendre son adversaire. Il était moins bon que lui à l'épée et sans doute dans foules d'autres domaines physiques, mais il pressentait qu'il était capable de le mettre en grave difficulté pour peu qu'il arrive à l'approcher. Et il ne s'en priva pas.

Profitant d'une nouvelle parade, il laissa son épée glisser le long de celle de son adversaire. Le geste fut trop rapide pour que l'autre puisse deviner ce qu'il avait en tête et lorsque sa main libre entra en contact avec celle du nordiste, il était trop tard. Il referma les doigts sur le poignet offert, compressant les points nerveux avant que l'autre ne puisse utiliser sa force brute pour s'en sortir. Une torsion et une poussée plus tard, le seigneur de l'hiver allait faire connaissance avec le sol un peu plus bas. Korentin avait accompagné le mouvement avec une intense satisfaction, cherchant à utiliser l'effet de surprise pour mettre fin au combat mais c'était faire preuve d'un peu trop d'optimisme et il en fut quitte pour poursuivre un guerrier vif qui roula hors de sa portée avant de sauter sur ses jambes... Pas assez fou pour le poursuivre à portée d'épée, le dragonnier se rembrunit quelque peu. Hmm.. Un coup pour rien. Mais il lui avait au moins montré de quel bois il se chauffait. Sauf qu'à présent, il sentait vraiment que son énergie atteignait son plus bas niveau.

Il recula de quelques pas en le voyant revenir vers lui, lucide sur le fait que la riposte serait certainement des plus douloureuses mais pas capable pour autant d'effacer le sourire enchanté qui fleurissait sur ses lèvres. Un pas de plus, et un autre. Il jaugea ses propres forces et sentit son bras trembler lorsqu'il souleva à nouveau son épée. Autant être honnête, il avait déjà perdu avant même que l'affrontement ne recommence. Il n'était pas en mauvaise forme physique mais l'autre était de toutes évidences plus résistant que lui. Il croisa son regard indéchiffrable, le soutenant un moment sans faillir avant qu'un tressaillement ne vienne agiter ses lèvres et qu'il n'éclate finalement de rire :

"Ah ça suffit. Vous êtes terrible Svenn. Faisons un marché voulez vous ? Je vous enseigne ce petit tour qui va a expédié à terre si vous m'accordez le temps de prendre une pause."

Il lui fallait quelque chose à boire absolument, avant qu'il ne finisse complétement desséché. Il pouvait exiger l'arrêt du combat bien entendu mais d'une il n'était pas tout à fait certain que l'autre aurait obtempéré et de deux ils étaient plus dans la position de l'élève et de son instructeur que dans celui du roi et de son sujet. Immobile face à lui, une lueur joyeuse dans l'oeil il désigna la lame de l'autre :

"Si je me retourne pour aller me désaltérer, vous ne me la briserait pas sur la tête. N'est-ce pas ?"

Si il en doutait ? A peine...

Il devait le reconnaître, son adversaire avait de bonnes capacités, tout de même. Il était bon joueur, et reconnaissait aisément avoir sous-estimé Korentin… Mais, d’un autre côté, attendre moins et rien de quelqu’un permettait également d’avoir de bonnes surprises. Il rendait donc hommage à l’endurance et au mordant qu’avait le souverain dans ce combat, lui montrant qu’il savait se montrer tenace quand il le voulait. Il avait effectivement son caractère, et n’était pas si moue qu’il le semblait parfois dans d’autres circonstances… une bonne chose donc et pas simplement parce qu’un adversaire avec du répondant était bien meilleur à savourer qu’un mollasson. Quoi que sur l’instant il était vrai qu’il ne faisait qu’apprécier ce duel, à sa juste valeur, espérait-il par ailleurs. Car croiser le fer lui plaisait. Bon il fallait l’avouer, à s’accrocher comme ça, Korentin l’apprivoisait également, probablement sans s’en rendre compte. En règle générale il ne donnait pas de cours, à qui que ce soit si ce n’était les jeunes de Glacern, dont le cas était un peu particulier…Mais cette fois-ci, il se sentait d’humeur à donner un ou deux conseils, et à servir d’entraîneur véritable. Non seulement c’était un honneur mais ça arrangeait tout le monde. Enfin sauf les gardes mais eux il s’en fichait comme d’une guigne. Cela dit, ça ne l’empêchait pas non plus de tenir le souverain à distance, pour s’éviter un rapprochement peu confortable pour lui… S’il n’avait pas encore une grande idée de ses capacités au combat au corps à corps, il voulait bien croire qu’il était meilleur que lui, qui s’était surtout entraîné avec des armes. L’épée, la hache, la faux, un peu d’arc également, il était plus à l’aise avec une arme que sans… Sans, il se sentait à nu, dépourvu de moyen de se défendre. On lui avait appris à se battre avec une arme avant toute autre chose, ça jouait aussi. Ce n’était que plus tard qu’il avait commencé à y ajouter un peu de pugilat, sans pour autant se sentir aussi à l’aise avec cette discipline.

Ça tenait également au style de vie sans doute. Dans tous les cas, ils avaient deux disciplines personnelles différentes, mais qui prenaient place sur une lice telle que celle-ci. Malheureusement, son adversaire le prit par surprise alors qu’il ne s’y attendait pas et passa au travers de la distance de sécurité qu’il lui avait imposée. Il n’eut pas le temps d’user de sa force pour se dégager et eut un léger tic alors qu’il s’en allait embrasser le sol. Impossible d’éviter la poussée bien appliquée, mais heureusement, il put user de ses réflexes pour se rattraper par une roulade avant de finir étaler de tout son long et ainsi échapper dans le même mouvement à son adversaire avant de se remettre sur ses pieds, avec un peu de lourdeur. C’était qu’il n’était pas particulièrement agile non plus, comme bestiau. Néanmoins, il reconnaissait qu’il s’était bien fait avoir… heureusement, il s’était dégagé et avait son épée en main, ou il aurait été quitte pour devoir se défendre à mains nues, sur le terrain de choix de son adversaire. Il allait devoir être d’autant plus vigilant pour ne pas lui permettre de recommencer une blague de ce genre. Il n’avait vraiment rien d’aérodynamique ! C’était même tout le contraire. Les nordiques n’étaient vraiment pas fait pour voler, avec de l’aide ou sans d’ailleurs. Reprenant correctement son arme, il avança sensiblement, et d’autant plus que l’autre semblait reculer dans le même temps. Allons bon ! Mais il allait où comme ça exactement ? Ce duel devait se transformer en jeu de chat et la souris, qu’il doive lui courir après ainsi ? C’est qu’il avait une rossée à lui mettre, lui ! Il accrocha son regard, le soutint, attendit… et effectivement, il n’allait pas pouvoir lui taper dessus immédiatement.

Mais… au final ce n’était pas si dérangeant que ça. Lui aussi méritait bien un instant pour souffler, même si il n’était pas aussi éprouvé que semblait l’être Korentin, il l’était tout de même un peu. Coriace l’Empereur quand il voulait ! La proposition lui plut, mais, oh miracle, la plaisanterie lui arracha même un rire bref. Oh il n’était pas si violent que ça tout de même ! Bon peut-être un brin en fait, juste un brin, une larmichette… « Mieux. Je vous accompagne » répliqua-t-il en rengainant et en se détournant pour aller déposer l’objet avec précaution sur le râtelier. Les cavernes étaient fraiches mais pas autant que sa région d’origine, et avec l’exercice en plus, autant dire qu’il cuisait rapidement. En combat réel, impossible de faire baisser sa température comme il l’aurait voulu, alors ici il en avait au moins l’occasion alors pourquoi s’en priver ? Être capable de supporter l’inconfort ne signifiait pas qu’il fallait le vivre en chaque occasion. Un peu plus loin, au milieu des lices, l’on avait monté un petit coin où les soldats à l’entraînement pouvaient se reposer, boire ou grignoter… ou d’autres choses, comme bander une blessure. Il se dirigea donc vers ce point de mire pour y récupérer de quoi boire un peu de l’eau, simple, fraîche mais qui faisait un bien fou, tout en ajoutant. « Aussi efficace que soit l’idée de vous briser une épée sur le crâne je crains que ça ne soit pas bon, ni pour l’entraînement ni pour la rébellion. Et puis ça commencerait à devenir redondant. J’ai failli fendre le crâne de mon fils et celui de Dessay il y a peu, j’aimerais éviter que ça devienne ma marque de fabrique » Voyant qu’on trimbalait également un tonneau pas loin, il en prit possession et se le renversa sur la tête, laissant le flot froid lui couler dessus avec plaisir et soulagement. Retirant quelques gouttes coulant le long de son arcade avant de passer une main sur sa nuque et de s’attacher les cheveux loin des yeux, histoire d’y voir quelque chose.

Profitant de la pause, il se tourna vers lui. « Spécialisé dans le combat à mains nues, hein ? » Il avait remarqué ça assez rapidement, à sa façon de se mouvoir et à ses prises de risques. « Ce n’est pas mon point le plus fort, mais si vous consentiez à partager votre savoir-faire en la matière, je serais preneur » Toute occasion était bonne pour s’améliorer après tout, et on avait jamais fini d’apprendre, il n’y avait pas de mal à ça. Au contraire, se borner à se contenter de ses acquis, voilà qui était véritablement criminel. « Ainsi, l’entraînement irait dans les deux sens » Il avait à y gagner après tout. « Régulièrement, j’entends. Si vous ne voyez pas d’inconvénient à me faire l’honneur de votre présence sur la lice » Un brin de protocole dans les paroles, mais la demande n’en était pas moins sincère pour autant.

Il l'avait fait rire... Si ça ce n'était pas un petit miracle alors il n'y connaissait rien ! Oh ce n'était qu'un rire bref bien sur, rien à voir avec ses propres éclats bruyants et joyeux mais c'était déjà une grande avancée. Havard Svenn pouvait donc rire... Comme quoi on apprenait à tout âge ! C'était toujours ça.

Ils rengainèrent ensembles et allèrent déposer leurs armes avant de se diriger vers une zone qui permettait aux soldats de se reposer, se restaurer voir même de se faire soigner le cas échéant. La présence de l'empereur sur les lices n'était évidemment pas passée inaperçue et les regards se tournaient régulièrent vers lui et son compagnon nordiste même si personne n'osait vraiment s'approcher sans y avoir été invité. Ce qui ne risquait pas d'arriver d'ailleurs, Korentin ne se préocupant pas de ces présences si habituelles qu'elles en devenaient presque invisibles à ses yeux. Ses gardes seuls promenaient leurs regards méfiants de visage en visage, prêts à déjouer toute approche non autorisée à supposer que l'opportun n'ai pas d'abord été assommé par Svenn. C'était un style de combat qui lui correspondait plutôt bien après tout, et d'ailleurs il avouait lui-même avoir agit ainsi contre Dessay et contre... Son fils ? Une lueur perplexe s'alluma dans les prunelles sombres du dragonnier à cette évocation. Sans doute qu'il plaisantait, et pourtant il avait l'air si sérieux.. Oui, vraiment trop sérieux. Dracos, il avait vraiment fait cela ?

"Votre fils ? Un accident ?"

Quoi, il ne l'avait quand même pas assommé volontairement non ? C'était totalement impensable aux yeux du père aimant qu'il était, mais les nordistes étaient si étranges... Durs jusqu'à l'extrême le plus souvent, durs jusque là ? Peut-être... Bien sur les fils de Sveen n'avaient pas l'âge de Nolan mais une fois celui-ci adulte Korentin ne pouvait s'imaginer levant la main sur lui. Et qu'importaient ces histoires de sudistes et de nordistes, c'était du simple bon sens sacrebleu ! On pouvait se montrer autoritaire sans recourir à de tels moyens. Vraiment, c'était une chose qu'il ne pouvait pas comprendre et son regard réprobateur le prouvait assez bien. Néanmoins tout empereur qu'il était il n'avait pas à intervenir dans l'éducation du fils de tel ou tel seigneur à moins d'être confronté à quelques cas extrêmes. Il n'insista donc pas plus, pressentant qu'ils effleuraient sans doute un sujet sur lequel ils ne pourraient jamais se mettre d'accords quoi qu'ils fassent.

Il observa son compagnon en train de se rafraichir de la plus efficace des manières. Encore une preuve qu'il ne faisait jamais les choses dans la dentelle... Plus mesuré, lui préféra se passer une serviette humide sur le visage et but à long traits l'eau fraiche contenue dans une autre. Il aurait préféré un bon vin du sud pour tout dire afin d'allier l'utile à l'agréable, mais ce n'était pas une chose qu'il pourrait se procurer en ce lieu apparemment. Haussant les épaules à cette pensée, il vida totalement le récipient et prit le temps de reprendre son souffle avant de répondre d'un simple signe de tête à une question qui n'en était pas vraiment une et expliqua :

"J'ai été attiré par ce domaine dès mon plus jeune âge. L'enfant remuant que j'étais trouvais un exutoire dans cet art je suppose."

Cela lui occupait l'esprit et lui permettait surtout de dépenser son insatiable énergie. Le goût du défi, de très bons maîtres et quelques dispositions latentes avaient fait le reste. Ses talents dans ce domaine était à présent de notoriété publique mais c'était bien la première fois qu'on lui demandait de partager ses connaissances. La demande le désarçonna quelque peu et il hésita :

"Je ne suis pas certain d'être un très bon enseignant... Et puis... Régulièrement... "

Il ne compléta pas, la suite se devinait d'elle même. Il avait déjà eu un mal fou à arracher cette petite heure à son emploi du temps serré, alors pourrait-il le faire de façon régulière ? C'était très peu probable, et pourtant terriblement tentant. N'avait-il pas dit peu de temps auparavant que cela lui serait bénéfique de décompresser de temps à autre ? Cela valait bien l'effort de culpabiliser un peu non ? Tout à son hésitation, il se passa une main sur le front avant de se décider enfin :

"Je suppose que je dois pouvoir me libérer quelques heures chaque semaine... Mais je vous préviens, je ne suis pas du genre ponctuel."

Et c'était le moins que l'on pouvait dire. Lorsqu'il ne posait pas carrément un lapin à ses partenaires alors il trouvait toujours le moyen d'arriver avec au moins une heure de retard, si ce n'était plus. Il pouvait utiliser son emploi du temps surchargé comme excuse bien sur, mais il fallait quand même reconnaître que même sans cela il était tout simplement fâché avec les horaires. Tant pis, ils verraient bien ce que donnerait ce petit arrangement. En attendant, il avait retrouvé un peu de son énergie et ne voyait donc pas d'inconvénients à se remettre en selle. Avec un sourire, il proposa :

"Alors, je vous montre ? Vous avez sans doute été surprit de la facilité avec laquelle je vous ai obligé à me suivre et à finalement perdre votre équilibre. Ce n'est pourtant pas bien difficile."

Il tendit le bras vers lui, lui décochant un coup d'oeil interrogateur avant de le toucher pour de bon. Ce n'était pas un geste anodin aux yeux d'un Kohan et cela le mettait toujours mal à l'aise. Il chassa cette pensée en refermant la main sur son poignet comme fait précédément et lui montra la position exacte de ses doigts :

"Vous voyez ce point de compression ? Il en existe énormément sur tout le corps humain. Ils peuvent vous permettre de contrôler entièrement un homme, aussi fort qu'il soit. Voir de le tuer... Vous êtes un excellent bretteur, vous les visez donc sans doute instinctivement quand vous êtes armé. Il vous suffit d'apprendre à le faire aussi à mains nues. Et vous pouvez aussi agir plus simplement en bloquant l'articulation de votre adversaire. Il sera forcé de vous suivre afin d'éviter que son membre ne se brise net. Poussez le simplement dans le sens inverse, et vous obtiendrez un déséquilibre parfait sans aucun effort."

Mettant ses explications en application, il fit pression sur le coude du nordiste et exerça une pression infime sur son torse. C'était à peine si il le poussait du bout du doigt, mais bloqué comme il l'était dans l'étau de son adversaire il était tout proche de la chute. Le dragonnier l'aurait-il voulu, qu'il l'envoyait à nouveau les quatre fers en l'air. Voyant qu'il avait comprit, il le relâcha avant de claquer des doigts vers l'une de ses lames qui s'approcha aussitôt.

"Essayez. Mais soyez prévenus, si vous utilisez cela ensuite sur votre fils je le saurais..."

Le soldat fronça les sourcils, peu disposé à se laisser maîtriser par le grand guerrier mais satisfait que son empereur ne se soit pas désigné lui-même comme cobaye. Il y avait des limites tout de même à ce que Korentin pouvait supporter en terme de proximité avec un autre être, d'autant qu'il connaissait peu celui-ci. Et ainsi il pourrait voir parfaitement les possibles erreurs de son élève...

Un accident ? Non non, ce n’était absolument pas un accident, pourquoi voulait-il que ce soit un accident ? Il lui rendit un regard tout aussi perplexe… Pourquoi pensait-il qu’il s’agissait d’un accident ? Est-ce qu’il frappait souvent son fils par accident ? Il ne lui avait pas semblé aussi empoté, surtout après cette séance d’entraînement, c’était curieux tout de même… Enfin, lui-même n’interagissait pas assez souvent avec Aristarkh pour vraiment dire si lui-même pourrait l’assommer par accident. En général quand il frappait c’était en toute connaissance de cause. Il ne s’imaginait pas être capable de le faire sans le vouloir. Cela dit, il n’avait pas envie d’émettre l’hypothèse à voix haute. Il y avait beaucoup de choses sur lesquelles il s’exprimait sans détours et sans faire cas des vexations d’autrui et il y en avait d’autres où il se gardait bien de s’aventurer. La façon dont il éduquait son fils ne le regardait pas après tout. Il n’avait jamais eu la prétention d’être le père de l’année, le reste coulait donc de source. Ce fut donc sans s’exprimer là-dessus qu’il s’approcha de l’air de repos. Mieux valait laisser certaines choses de côtés, il n’était déjà pas doué pour discuter, alors si en plus il décidait de braver des pentes passablement glissantes, ça n’en finirait plus. Et puis il n’était pas très sûr de pouvoir garder son calme avec certaines choses. En revanche ? Discuter entraînement était déjà un bon départ pour essayer de s’apprivoiser.

Laissant l’eau couler le long de sa nuque et de ses épaules, il croisa les bras et écouta la réponse qu’on lui offrait, hochant simplement la tête pour marquer l’écoute. Bien mieux de se dépenser dans une discipline martiale que dans… et bien, dans la course aux jupons par exemple, comme s’ingéniait à le faire son fils. Et ça lui servirait certainement beaucoup, à un moment ou un autre. Et ça lui servirait à lui également, si il acceptait de s’entraîner avec lui comme il le proposait. Ça n’était pas la première fois qu’il désirait parfaire ses capacités avec d’autres experts… Anthelm l’avait formé à la hache, entre autres choses et sa sœur à l’arc, même si il n’avait été qu’une catastrophe ambulante pendant de nombreuses années. Il était capable de servir de professeur, aussi peu pédagogue soit-il, lorsqu’il s’agissait d’épées, mais pour les autres disciplines, il ne voyait absolument aucune raison de dédaigner l’aide que l’on pouvait lui fournir. C’était plus intéressant lorsqu’un échange avait lieu, vraiment. Sur beaucoup de points de vue. Enfin bon, il n’avait pas encore accepté, si ? L’observant avec attention il attendit justement de savoir si oui ou non il se laisserait tenter… Sans le presser, il attendit donc, le temps de savoir si la perspective d’échapper un peu à ses obligations serait suffisante pour le faire craquer.

Et effectivement, il sembla qu’il se laissait conquérir par l’idée. « Aucun problème » Il n’aurait qu’à prévoir des alternatives s’il était si en retard que cela. Lui-même était atrocement à cheval sur les horaires, mais ce n’était qu’un gouffre de plus entre leurs deux caractères. Un gouffre qui serait un défi à prendre d’assaut. Mais la perspective de cet entraînement aiderait certainement. La proposition fut accueillie avec un nouveau hochement de tête, l’expression sensiblement moins fermée que précédemment. Il avait sans nul doute était surpris par la prise qu’on lui avait infligé, c’était également pour cela qu’il désirait étudier d’un peu plus près le mouvement histoire de comprendre. Le pugilat n’était pas un domaine où il péchait mais n’excellait pas non plus. Il se laissa toucher sans tiquer, beaucoup moins répugné par les contacts à force de se placer au même niveau que ses hommes et s’entraîner avec eux. Il se laissa donc manipuler, observant les gestes et le placement de ces gestes, écoutant de même les explications qu’on lui donnait. Il ne bougea pas au déséquilibre qu’on menaçait de lui imposer avec le mouvement, son instinct acceptant mal de se voir ainsi contraint, même pour l’exemple. Néanmoins il ne fit rien pour se dégager avant d’être relâché.

« Même si je suis dur, votre altesse » affirma-t-il simplement « Je n’irais pas battre mon fils pour rien » Il se tourna vers la Lame qui semblait si peu disposée à se prêter à l’exercice. « Mais n’ayez crainte » finit-il par ajouter après un instant sans quitter l’homme du regard. Il s’amusait assez de voir la mauvaise grâce de l’autre. Si mauvaise grâce était vraiment le terme approprié. Il n’était pas en odeur de sainteté auprès d’eux, mais il s’en fichait et… il s’amusait à les voir obligé de le supporter en raison des ordres de leur souverain. Il ne se fit donc pas prier pour utiliser l’homme comme une poupée, histoire de tester ce que Korentin lui avait montré, prenant son temps. Il se laissa également reprendre par Korentin, quand celui-ci avait quelque chose à redire. Il réitéra le tout jusqu’à être lui-même satisfait, ainsi que son professeur du moment puis relâcha le soldat qui ne devait pas être mécontent de ne plus être manipulé comme une poupée, d’autant qu’il avait pris un malin plaisir à le faire. Reculant sensiblement, il tourna son regard pâle vers l’empereur. « Efficace » Et utile avec ça. Maintenant, il fallait qu’il parvienne à le placer dans un véritable duel. « On reprend ? Voyons si je trouve le moyen de placer ça dans un échange réel » Il avait encore pas mal d’énergie et Korentin semblait de nouveau d’attaque, autant en profiter.

Il fit mine de récupérer son arme, laissant la possibilité à Korentin de refuser tout de suite si il le décidait. « Dites-moi, que pensez-vous des actions récentes de vos soldats ? »

Pourquoi donc son instinct lui hurlait-il que son actuel interlocuteur avait des tendances différentes en ce qui concernait les horaires ? Peut-être parce qu'il avait un mal fou à s'imaginer un Havard Svenn en retard cavalant à travers tout Glacern, les cheveux non coiffés et la chemise sortant du pantalon... Si lui assumait avec beaucoup de constance ce genre de scène ce n'était sans doute pas le cas du nordiste, ou alors cela vaudrait vraiment le coup d'oeil justement parce qu'il était persuadé qu'il ne l'assumerait pas aussi bien. Ah oui vraiment, il voulait voir ça... Peut-être trouverait-il un moyen de le faire mettre en retard un jour... Ses idées divaguèrent ainsi quelques secondes avant qu'il ne les remette en place. Il était roi à présent, il avait encore moins le droit à ce genre de taquineries que lorsqu'il était duc. Dommage tout de même... Enfin...

La mauvaise volonté de son garde ne lui échappa évidemment pas, mais il l'ignora. Il avait déjà assez à gérer avec les animosités entre les humains et les vampires sans en plus devoir s'occuper de celles entre les nordistes et les sudistes ! Il faudrait qu'ils se tiennent tous tranquilles, et c'était tout. Il était leur roi oui ou non ? Ils avaient absolument tenu à le mettre sur le trône avec ou sans son accord, qu'ils assument donc à présent ! Le garde royal n'avait de toutes façons pas d'autres choix et ne chercha pas à se dérober lorsque le nordiste s'approcha pour mettre ce qu'il venait d'apprendre en pratique. Surveillant son placement, Korentin se fit plus attentif encore aux paroles de l'autre et ne pu que répondre :

"Je vous fait confiance sur ce point... Tout le problème étant de savoir ce que vous considérez comme assez répréhensible pour justifier un tel châtiment. Et de la force du châtiment en question d'ailleurs..."

Et ça, connaissant le bougre, ça le laissait rêveur ! Voir inquiet. Mais encore une fois ce n'était pas son droit que de s'immiscer dans la vie familiale des Svenn, pas en l'état actuel des choses disons. Aussi n'insista-t-il pas plus avant. Il hocha la tête légèrement lorsque l'autre le rassura et haussa les épaules :

"Après il est vrai que votre espèce a la couenne épaisse... Je suppose que ce qui met au pas nos enfants n'a qu'un effet limité sur les votres. Et vice versa d'ailleurs. Nous devrions peut-être mettre aussi ces connaissances là en commun au final."

L'idée le fit rire. Il n'osait imaginer ce qui se serait passé si il avait eu le malheur d'avoir un formateur nordiste lorsqu'il était enfant. Il se serait braqué sans nul doute et l'aurait ensevelit d'encore plus de farces plus ou moins dangereuses juste pour le plaisir de l'enrager. Et si au contraire Havard avait été formé parmi eux, dans le sud ? Il aurait sans doute été pour le moins mal à l'aise... Ou alors cela aurait totalement changé son destin. Oui vraiment, tout cela était passionnant. Mais pas au point de lui faire relâcher son attention et il n'omit pas de relever les rares erreurs de son élève du moment et d'apprécier ses progrès. Il avait comprit le truc... Dès lors, il n'aurait plus qu'à le travailler, mais il voulait apparemment tenter d'abord de placer ça dans un duel. Une lueur amusée s'alluma dans les prunelles d'or à cette pensée, il risquait fort de s'apercevoir que ce genre d'enchaînement était plus complexe à réaliser en combat que dans le vide. Même si il le savait forcément déjà à propos de l'épée.

"Allons-y. J'ai moi aussi pas mal de nouvelles bottes à essayer..."

Et ce ne serait pas plus facile pour lui, même si il avait au moins retrouvé son énergie ! Leurs armes récupérés, ils se replacèrent l'un en face de l'autre et dans la seconde suivante le fracas de l'acier recommença à retentir sans plus de retenue qu'au début. Le dragonnier gardait en tête les recommandations reçues et tentait de les mettre en pratique tout en ignorant pas que son adversaire rechignerait désormais moins à briser la distance et tenterait sans doute même de retourner son élément de prédilection contre lui. De plus en plus émoustillé par ce duel, il redoubla d'ardeur afin de le tenir lui-même à distance. Les rôles étaient échangés et chacun d'entre eux tentait à présent d'utiliser les conseils reçus de l'autre afin de le vaincre. Ce faisant, la conversation continuait ;

"Ce que j'en pense en tant que roi, ou en tant qu'homme ? Vous voulez les deux réponses je suppose... Eh bien le roi est relativement satisfait. Nous progressons lentement mais surement. La rebellion s'étoffe de jour en jour, et nos actions ont un impact certain sur la stabilité de l'empire et donc sur la solidité du trône de l'usurpateur. Cela prendra le temps qu'il faudra, mais il ne tiendra pas."

Il feinta habilement avant de se casser les dents pour la énième fois sur la garde adverse et reprit plus sombrement :

"Quand à l'homme, il fulmine. Il s'impatiente. Il enrage. Son cousin l'a trahit, ses serviteurs l'ont trahit, sa femme l'a trahit. Et aucun n'a encore payé. Si je n'avais pas les responsabilités qui sont les miennes j'aurai déjà récupéré mon fils. Et rien au monde n'aurait pu protéger Fabius de ma lame et des crocs d'Ashy. Si je n'étais roi Havard, je serais simplement dragonnier. Et alors les choses seraient plus simples."

Il avait resserré le poing avec un telle force sur la poignée de son épée que ses jointures en étaient blanches. Il n'y avait plus d'or dans ses prunelles, simplement la colère légitime d'un homme que l'on avait dépossédé de trop de choses pour qu'il ne crie vengeance. Mais cela passa comme la tempête sur les campagnes et alors qu'il s'effaçait devant l'attaque de son adversaire il sourit avec lassitude :

"Mais je suis roi..."

Et cela changeait tout. Curieux, il interrogea :

"Cela ne vous est jamais arrivé de vous demander ce que vous seriez devenu si vous n'étiez un Svenn ?"

La couenne épaisse… Pas mal comme définition, ça, pensait-il avec un brin d’amusement. Ça correspondait bien. Il aurait presque ajouté que pour avoir farouchement résisté à toute forme d’éducation et tenue, son fils avait la tête particulièrement dure. Ce n’était pas avec un coup comme ça qu’il l’achèverait… ni qu’il le ferait rentrer dans le droit chemin. Mais à vrai dire, il avait un peu abandonné l’idée. Quelque part, sans doute savait-il que s’était impossible… et peut-être que d’une certaine façon s’était mieux ainsi, quoi que trouver exactement en quoi c’était mieux s’avérait particulièrement compliqué. Il n’en voyait pas la couleur. Et ce n’était certes pas Aris qui allait la lui montrer. Hélas. Mais ça n’avait rien à voir avec la situation présente puisque comme il l’avait dit, il n’utiliserait pas ce qu’on lui apprenait sur lui. « Peut-être, qui sait… » Il se faisait une étrange idée de ce que pourrait bien être l’élevage d’un enfant du sud dans les conditions rudes et cruelles de la vie Glaçernoise où le climat lui-même tentait plus ou moins de vous tuer. Hm… sans doute étaient-ils exactement là où ils devaient être. Après tout une éducation reflétait la société qui la mettait en pratique. Peut-être que cela servirait de partager des façons de faire venues d’autres peuplades… ou pas, au final mieux valait qu’il ne s’avance pas là-dessus il était très loin d’être un expert en ce genre de choses. En revanche il était doué pour apprendre, au moins lorsqu’il s’agissait de techniques martiales, aussi eut-il la satisfaction de constater que ses erreurs étaient minimes. Mais même minimes, elles existaient et il n’aimait pas cela. En combat, on n’avait pas souvent la possibilité de faire dans la demi-mesure, on réussissait ou on perdait, on exécutait sa passe d’arme avec brio ou on la ratait. Ça n’allait pas plus loin tout simplement parce qu’on mourrait souvent d’un mauvais calcule. Mais puisque voir les choses posément dans une démonstration comme celle-ci et les expérimenter en combat n’était pas la même chose, il préférait autant un nouveau duel.

Et nouveau duel il y aurait, pour son plus grand plaisir. Un autre bon point à donner à Korentin, il ne rechignait pas à l’exercice. C’était presque assez pour le faire rentrer dans ses petits papiers. En l’occurrence ça augmentait sensiblement son quota de sympathie. Et alors que le combat reprenait, il tenta donc de se trouver une ouverture permettant de mettre en pratique ce qu’il avait appris et se trouvant en but à un Korentin qui faisait de même et s’en sortait admirablement bien. Apparemment lui aussi apprenait plutôt bien. C’était plaisant à voir, mais frustrant pour le duelliste qui ne parvenait donc pas à ce qu’il désirait. Il fallait qu’il trouve le moyen de briser cette distance… Cela dit une partie de son esprit était occupé par la réponse que lui fournissait le souverain, et son regard pâle trouva bien vite le visage de son vis-à-vis, l’observant avec cette intensité statique tout le temps que dura sa tirade, continuant de bouger sans pour autant pousser une attaque violente. Si ce qu’il disait ne perturbait pas son jeu d’épée, son esprit, lui travaillait beaucoup plus. Beaucoup plus que d’habitude en tout cas. La dernière question, en particulier, éveilla une certaine douleur en lui, s’imprimant dans ses pensées avec force. Une force qui vint offrir l’impulsion qui manquait à son jeu. Il parvint à réduire la distance, attrapa Korentin comme il le lui avait montré, d’un même mouvement, et l’envoya au sol, lâchant son épée dans la manœuvre. Il était certes parvenu à faire son jeu, mais il s’était désarmé dans l’entreprise et recula plus loin pour la rattraper. L’observant toujours attentivement, pourtant, avec cette lueur singulière dans le regard, il consentit à répondre sur un ton plus pensif et posé, plus calme. « Pas tout à fait, à vrai dire » Il fronça un peu les sourcils, fit jouer son épée en s’éloignant encore un peu.

« Je suppose que, d’une certaine façon, n’importe qui se pose cette question à un moment ou un autre. Mais je n’y suis pas habitué… Depuis mon plus jeune âge, j’ai été formé à oublier l’être personnel pour incarner uniquement mon rôle et mon devoir. Pas un seul instant n’a été réellement le mien durant mon éducation, ni pendant mon règne comme seigneur de Glacern. Mais en ça, je crois que notre expérience se rejoint aisément. Cependant je ne suis jamais vraiment arrivé à m’imaginer autrement que comme je suis présentement. L’imagination ne doit pas être mon fort » Il détourna un instant les yeux pour observer son épée, puis se remit en garde pour reprendre le duel. « Je sais ce que j’aurais voulu être » Il n’en dit pas plus, n’ayant pas envie de s’étaler forcément là-dessus car son aspiration était hélas proprement impossible. Ça n’allait guère avec ses obligations hélas. Et puis Roëric était certainement loin à l’heure actuelle. Après quelques passes, il continua cependant. « Je sais aussi ce que je suis… » Son regard perçant vint mirer celui du souverain comme un crochet de glace. « Je suis un vieux seigneur Altesse, j’ai l’assurance que ma lignée se poursuivra, j’ai une héritière dont je suis extrêmement fier, un général officiant parfaitement et un fils pour me représenter ici… » Le métal crissa contre le métal lorsqu’il racla de la lame sur la sienne. « Ma mort serait de moindre importance, mes fonctions sont assurées avec pérennité. Je ne peux pas abattre Fabius seul… » Quoi que, en fait c’était bien possible, maintenant que Dessay n’était plus là mais il n’était pas un assassin et Fabius Kohan devrait être jugé. Même si beaucoup n’apprécierait peut-être pas qu’il le soit justement. « Mais il y a d’autres choses que je peux peut-être faire » Et lui rendre son fils en était peut-être une, justement.

Il expira lentement, sur une passe d’arme, avant de se figer de nouveau, en ayant pris un léger recul. « Même si je suis dur avec mon fils je préfère le savoir ici qu’au fond d’une geôle Glorienne. Nous avons peu de choses en commun sir mais je pense que s’en est une » Palais ou non, il imaginait bien qu’il s’agissait tout de même d’une prison, loin sans aucun doute de son seul parent pour qui il devait réellement importer. Il avait rencontré la duchesse, et n’imaginait guère cette vipère avoir de l’amour pour ses enfants…

Il avait pu voir l'amusement briller dans les yeux du nordique quand il lui avait dit que les siens avaient la couenne épaisse, n'était-ce pas vrai ? Apparemment oui puisqu'il ne cherchait même pas à dire le contraire, ce n'était pas un motif de honte de toutes façons. Dans un monde aussi dur il valait mieux ne pas être trop fragile. Néanmoins ce qui l'intéressait le plus à l'heure actuelle c'était plutôt la réponse à sa dernière question et elle ne tarda pas à arriver. Pas tout à fait ? Tiens donc... Il aurait plutôt pensé que tout le monde s'interrogeait sur ce point au moins une fois. Et l'autre lui confirma vite qu'il pensait la même chose d'ailleurs. Korentin ne pu s'empêcher de froncer les sourcils, compréhensif devant ce qu'on lui disait. Le devoir, encore et toujours... Voici bien une chose qu'il connaissait même si son naturel caractère optimiste et joyeux l'avait amené à le considérer autrement que Gregorist ou d'autres. Oh il n'avait pas moins d'importance à ses yeux bien sur, mais lui voulait aussi une vie. Il voulait être heureux à côté, pas uniquement roi. Et c'était peut-être là que cela pêchait, peut-être que ce n'était pas possible ? Qu'importait, il essayerait. Simplement parce qu'il ne s'imaginait pas vivre sans espoir, juste porté par le devoir. Une vie on en avait qu'une, même lorsqu'on s'appelait Kohan. Il profita du répit que lui accordait l'autre pour se replacer correctement et répondit fermement :

"Elle se rejoint effectivement, mais peu d'hommes ont la force de ne vivre que et uniquement que par le devoir."

Il n'avait pas dit personne car le souvenir vif de Gregorist l'aurait fait mentir. A ce qu'il en savait, feu le roi avait toujours fait passer l'empire avant tout autre chose et s'y serait même sans doute ruiné la santé si il n'avait pas eu un cousin quelque peu têtu et harceleur. Quand à son père Rodrick il était de la même souche, Korentin ne gardait de lui que le souvenir d'un homme invincible et sans la moindre faille mais à présent qu'il était adulte il lui était facile de deviner que derrière le figure royale s'était sans doute caché un homme avec ses propres faiblesses. Il n'en avait que plus de respect pour celui-ci d'ailleurs même si il ne comptait pas non plus suivre son exemple. Pas plus que celui de Gregorist, il voulait être lui uniquement même si ce n'était pas entièrement possible vu la nature de sa charge. Il reprit :

"Nous devrions tous être capables de trouver des compromis, même si cela complique les choses"

Il sourit à cette pensée, songeant à ses enfants, sa dragonne, son goût pour la fête et les bons moments. Ah ça oui il faisait un roi quelque peu différent des autres, d'où le mépris que beaucoup affichaient discrétement à son sujet d'ailleurs. Mais il n'en avait pas honte, il ne voulait pas n'être qu'une tête couronnée, il voulait être lui aussi. D'ailleurs il faisait déjà bien assez de sacrifices sur tout ceci. Depuis quand n'avait-il pas vu ses enfants ? Volé avec sa dragonne ? Prit une de ces cuites monumentales dont il avait le secret ? Bon sur ce dernier point il devrait sans doute faire un effort plus important car ça ne cadrait pas vraiment avec l'idée qu'il se faisait d'un roi mais tout de même... Depuis quand aussi ne s'était-il pas accordé quelques heures d'entraînement comme maintenant ? Il préférait ne pas y penser. Si il n'y prenait garde peut-être bien qu'il finirait comme les autres rois simplement parce qu'il n'avait pas le temps de faire autrement...

« Je sais ce que j’aurais voulu être »

Ah oui ? Une lueur curieuse s'alluma dans ses prunelles à ces mots mais l'autre ne continua pas et il préféra ne pas trop lui en demander. Chacun avait le droit à ses secrets après tout, dès lors qu'ils ne menaçaient pas l'empire ou la vie d'autres hommes. Il l'écouta gravement, acquiesant sur chaque point sauf un seul qui le fit rire :

"Oh allons, vous n'êtes pas si vieux que cela messire. Vous n'êtes pas loin de l'âge d'Aaron si je ne m'abuse, n'allez surtout pas lui chanter ces mots donc. Il vous truciderait avec ou sans son épée pour le simple fait de lui avoir rappelé le cours du temps..."

Peu de gens ignoraient à quel point le garde royal pouvait être chatouilleux à ce sujet, et cela l'avait toujours énormément amusé. Ce qu'il pouvait regretter le choix de Dessay tout de même... Celui-ci aurait été un appui formidable. Mais c'était ainsi et il le connaissait trop bien pour seulement caresser l'espoir de le faire changer d'avis. A moins que la vérité ne lui éclate en plein visage, et il ne voyait pas bien comment, l'ombre du roi ne plierait pas. C'était ainsi. Il secoua la tête à nouveau lorsque l'autre continua :

"Aucune mort rebelle n'est de moindre importance, ne dites pas de sottises."

Ils n'étaient jamais assez nombreux même si leur nombre grandissait chaque jour, et perdre un tel combattant serait une affliction terrible aussi bien pour le nord que pour le sud. Et même sans cela, il n'était jamais agréable de savoir qu'un homme était mort en servant la même cause que vous. Il se déplaça lentement autour de son adversaire et demanda :

"Beaucoup de choses oui sans doute, à quoi pensez vous ?"

Une passe d'arme les interrompit avant que leurs fils respectifs ne reviennent sur le tapis et il se rembrunit aussitôt :

"C'est un fait."

Rien au monde ne lui était plus douloureux que de savoir son fils, et même la gamine qu'il avait toujours vue comme sa fille, loin de lui. Oh il laisserait sans doute Victoria à Valentine bien sur, simplement parce qu'il savait qu'elle la traitait avec amour et douceur. Mais Nolan... Elle n'avait jamais aimé Nolan, elle ne lui ferait pas de mal puisqu'il était son sang, mais elle ne lui ferait aucun bien non plus. Elle il avait toujours été proche de son père, cette séparation devait lui être tout autant douloureuse. Une étincelle peinée passa dans son regard tandis qu'il reculait pour éviter une attaque :

"Quoi que j'en dise, vous avez été meilleur père que moi. Vous au moins avez réussi à récupérer votre fils avant qu'il ne soit mit hors de votre portée. J'aurai dû me rendre à Aldaria directement après ma fuite"

Il aurait eu quatre vingt dix pourcent de chance de se refaire capturer, mais le jeu en aurait valu la chandelle. Là aussi il avait fait passer le devoir avant le reste, et là encore ses différents visages entraient en conflit. Soudainement énervé par tout ceci, il profita des circonstances pour laisser sa hargne s'évacuer quelque peu et se lança dans une série d'attaques plus furieuses qu'entièrement maîtrisées. C'était aussi à cela que servait les combats après tout, d'entraînement du moins. Car se laisser aller à ce genre de choses dans un combat réel aurait sans doute pu lui coûter la vie comme le lui prouva la réplique immédiate du bretteur adverse. Englué dans ses filets, il lança son bras en avant d'un geste vif dans l'espoir d'attraper celui du nordique, le manqua, jura sans élégance et éclata finalement de rire lorsqu'ils se retrouvèrent quasiment nez à nez, lui sachant qu'il avait été touché au moins vingt fois et l'autre sachant qu'il n'avait plus aucune chance contre son pugiliste d'adversaire. Il suspendit son geste, conscient que ce duel ne ressemblait vraiment plus à rien et commenta une fois qu'ils furent séparés :

"Eh bien, voilà ce qu'on appelle un combat d'anthologie"

Il ironisait sans vergogne, n'ignorant pas qu'Aaron l'aurait proprement rossé pour avoir terminé l'affrontement dans un tel moment de folie mais ça lui avait fait un bien fou.

"Bon d'accord, ce n'était peut-être pas tout à fait conventionnel..."

Il le couva d'un regard joyeux, plus vraiment dupe du masque glacial que l'autre opposait à tous et s'offrit une rasade d'eau fraiche après avoir été déposer son épée.

"Je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps, mais nous remettrons ça. Et vous finirez par me dire ce que vous auriez aimé être, parce que cela m'intrigue. Quand à nos fils... Sans doute finiront-ils par s'entraîner ensembles comme nous le faisons. Le mien est bien plus jeune, mais tout aussi énergique que le votre je le crains..."

Bien sur cela passait par le délivrer avant tout, mais cela viendrait. Il ne pouvait en être autrement, il en mourrait dans le cas contraire. Sa famille avait toujours été son oxygène, il en avait déjà perdu une bonne partie et cela n'en rendait ceux qui restaient que plus précieux. Prêt à partir, il reporta son attention sur son partenaire, attendant de voir si il avait encore quelque chose à lui dire.

Vivait-il uniquement par son devoir et pour son devoir ? Il ne savait pas s’il avait atteint cet état-là mais en prenant l’exemple d’un certain Dessay, il ne pouvait qu’estimer avoir encore du chemin à faire de ce côté-là. Néanmoins, le devoir constituait le fondement de son éducation et en tant que tel il ne pouvait que lui accorder une place prépondérante… et ce de plus en plus malgré son désir personnel de s’en aller vivre au fin fond des terres sauvages et de se faire ermite. Hélas, on avait rarement ce que l’on voulait. Il avait donc dû faire le deuil très tôt de cette idée-là au profit de tout un pannel de responsabilités aussi prenantes que lourdes, comme tout seigneur humain. D’autant que se murer dans ses devoirs l’empêchait de se retrouver face à des pans particulièrement désagréables de sa vie. Mais il ne parlerait certainement pas de tout cela. Ça, il l’emporterait dans sa tombe, presque certain que ça le tuerait de toutes manières. Oui, ses secrets le tueraient certainement si un certain vampire ne le faisait pas avant. Parce qu’au rythme où ça allait c’était effectivement ainsi que ça allait se terminer : une attaque cardiaque de trop et hop, plus d’Havard. Mais si ça arrivait, il jurait d’envoyer paître l’esprit de la mort et de rester pour rendre la non-vie de cette créature impossible. Lui aussi pouvait faire le poison, non mais ! Et sur cette pensée particulièrement satisfaisante, il reporta son attention sur l’empereur juste à temps pour l’entendre dire qu’il n’était pas si vieux que cela. Comment ça pas si vieux ? Ah mais si si il était vieux ! Très vieux même ! Mais c’est qu’il allait le vexer ce corniaud ! Avait-on idée de dire qu’il n’était pas vieux ? Oui bon quand on combattait des vampires on ne vivait pas vieux certes mais justement il vivait encore donc il était vieux ! Et tant pis pour la logique. Ah c’était censé être un compliment de quelque sorte ? Bon alors il n’avait vraiment pas l’habitude des compliments. Pas de moindre importance ? Hm… Peut-être mais c’était tout de même un concept étrange pour lui dans l’absolu. Toutes ses fonctions assurées, il n’était plus du tout indispensable et pouvait partir tranquille. Il restait songeur… mais ce qui était certain c’est qu’il ne voulait pas partir pour rien. Si il devait partir prochainement, autant que cela soit pour une bonne raison, un dernier accomplissement pour la rébellion sans doute.

Observant le souverain, il se fit la réflexion qu’effectivement, une mission suicide à Aldaria serait peut-être ce dernier accomplissement. Il avait un cœur de pierre mais pas au point de ne pas être sensible à cette détresse-là. Il ne lui dit rien et se contenta de se défouler et de lui permettre de se défouler, autant qu’il le voulait. Chassant le reste il ne resta plus que le combat jusqu’à l’instant où ils furent nez à nez. Ils se séparèrent et à nouveau il eut l’ombre d’un sourire, quoi que redevenu sérieux. « Peut-être pas conventionnel mais tant pis » Pour une fois, ça ne lui faisait rien du tout. Il était parfaitement satisfait. Il alla déposer son arme et se passer de l’eau sur la nuque pour faire redescendre sa chaleur corporelle. On l’interpella de nouveau et il hocha la tête. « Me voilà impatient de voir ça. En attendant, je vous attendrais pour notre prochain duel » Promesse entre eux et il ne doutait guère que Korentin savait qu’il viendrait l’exhumer de sa pile de papier si il le fallait. Il s’inclina avec plus de courtoisie que la première fois, prouvant bien qu’il n’était plus aussi étranger aux comportements de cours, mais qu’il le gardait pour ceux qu’il estimait.

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