----------Trois longues années étaient passées, et pourtant, malgré tout ce qui avait pu survenir durant celles-ci, l'ancestrale avait l'impression que cela n'avait été que quelques jours, d'une longueur interminable, mais aussi des plus épuisantes. Soumise à l'autorité incontestable de Vraorg, le Dragon Blanc, elle n'avait pas eu d'autre choix que d'obéir à ses ordres. La bataille commença alors... Avec d'une part ce dragon, qui n'en était plus vraiment un et même qui bafouait et humiliait sa race, de part son arrogance sans borne, ses ambitions malfaisantes et son tempérament incontrôlable. Tandis que de l'autre part se dressait les Esprits supérieurs, tout sept réunis en une seule et même puissance, luttant alors vainement contre leur unique ennemi. Leur sœur Aînée n'étant pas à même de les soutenir à cause de la présence du traître, ce Voleur de cœur qui avait osé tromper sa confiance !
----------En simple et frêle créature peu douée de magie qu'elle l'était, la millénaire n'avait pas d'autre choix que de continuer à se plier à la volonté du Grand Blanc. Il l'avait marqué, lui assignant du même fait un rôle. Inquisitrice. D'originaire elfique et alors porteuse de l'étiquette d'une diplomate, elle avait évolué, ou du moins s'était faite mordre, devenant une vampire. De part ce fait, elle avait recommencé une nouvelle vie, et gravissant les échelons par la force de l'esprit et de la parole, de même que de sa lame ou ses flèches, elle était parvenue, tant bien que mal, à se hisser au poste respectable de conseillère. Elle n'était pourtant pas réellement puissante. Comparée au Prince Noir, elle était même bien en deçà de ce que l'on pouvait espérer d'une ancestrale conseillère. Et pourtant, ses belles paroles de même que son habilité à s'entourer de personnes de poids lui avait permis de se faire une place. Sauf que maintenant, au sein de ce nouvel Empire, prônant la suprématie de l'Unique, du Puissant, elle n'était plus qu'une figure parmi tant d'autres.
----------Son nouveau poste l'avait blessée, car elle s'était sentie rabaissée, alors contrainte a exécuter les tâches qu'elle même distribuait jadis. Devoir appliquer la loi au sein du peuple, autant parmi les plus répugnantes et misérables créatures qui le composait qu'au sein des puissants. Enfin, des puissants... Non, pas tout à fait, certains restaient en tout temps inatteignables, ayant gagnés grâce à la puissance qu'ils recelaient quelques faveurs de Vraorg. Lorenz en faisait partie d'ailleurs, ce qui était source d'une certaine satisfaction en dépit de son poste de soi-disant général. Lui qui avait toujours aspiré à la puissance, à l'autorité, qui se targuait tant d'être le prince des vampires... Le voilà qui se soumettait à Vraorg, emportant alors avec lui son peuple, ou du moins ce qu'il en restait. L'autre partie, celle qui avait choisie de conserver leur place au sein de la rébellion, avaient finis pour une grande partie à grossir aussi les rangs de l'armée de Vraorg, porteuse de la suprématie Blanche, ainsi que certains fanatiques s'amusaient à le dire...
----------Malgré les différences frappantes entre les milieux de vies qu'il existait désormais, ceux-ci s'étant considérablement creusés depuis le début de cette régence, la vampire constatait que son peuple semblait avoir eu une place plutôt valorisante. La grande majorité d'entre eux bénéficiait de postes plus ou moins importants, mais au moins en avaient-ils un. Du point de vue de Vanaël, ce n'était pas une mauvaise vie. Après tout... N'était-ce pas là ce qu'elle avait cherché à construire ? Un peuple constitué de toute les races, dans lequel tous vivent ensemble, mais où chacun connaît sa place ? Si, ça l'était. Seulement, l'inquisitrice ne s'en rendait pas réellement compte, ou plutôt, elle ne souhaitait l'accepter.
----------Un point qui l'avait considérablement refroidie a accepter de se soumettre sans effort, c'était la manière dont Vraorg avait soumis les dragons. Créatures libres de part leur même existence, les voilà qui devaient obéir aux ordre de Vraorg. Qui était-il donc pour se permettre ainsi d'ordonner aux dragons ? Cette chimère étrange aux pouvoirs incommensurables, modelant le monde comme il lui chantait.

----------Les trois années écoulées avaient eus raison d'Armanda, laquelle ne ressemblait plus en rien à ce qu'elle avait pu être. Plus de montagnes enneigées, plus de plaines verdoyantes et même les plaines pourtant sèches et désertiques de l'Est avaient changées. Laissant alors place à un paysage de désolation, éclairé des flammes de la terre, empoisonné par les vapeurs toxique émanant des roches, laissé à nue par une absence de plus en plus flagrante de végétation, et infesté par des meutes de loup, qui n'avaient décidément plus rien de vivant. La mort habitait Armanda... Certes, pour un vampire, l'on aurait pu dire que cette terre était à son image, néanmoins, ce qui faisait des vampires des créatures supérieures n'était-il pas qu'elle se trouvaient dans un univers qui par sa forme et ce qui l'habitait lui était différent ? Si tout semblait se rapporter à sa race, jusqu'aux loups vampires dotés d'une intelligence peu commune, les vampires ne deviendraient-ils pas au final une espèce parmi tant d'autres ? Vu les expériences qui avaient été faites dans les galeries, et ce que certains des marcheurs en avaient racontés, les loups qui s'était appropriés les plaines alors renommées en Sombreval étaient de loin les pires des créatures...
----------Des rumeurs courraient, narrant des hommes terrifiés, rendus fous par les bruits qui provenaient désormais des galeries vampiriques et même des alentours. Certains inconscients auraient osés s'y aventurer, mais bien sûr, aucun n'étaient jamais revenus. Ou du moins, ne l'étaient-ils pas entier. Que ce soit leur corps, ou leur âme, lorsqu'ils revenaient, dans les rares cas où ce fut en effet le cas, ils étaient changés à jamais. Personnes n'étaient alors à même de les reconnaître, tant leur aventure les avait traumatisé et changés. Le monde n'était décidément plus le même...

----------En tant qu'inquisitrice, Vanaël avait été marqué, la magie qu'utilisait Vraorg semblant lui permettre de réaliser ce que bon lui semblait. D'ordinaire prompt à la discussion, aux interrogatoires dans les cas où cela aurait pu le nécessiter, usant alors aussi bien de son charisme que de son éloquence ou des facultés que lui prodiguait son totem, la conseillère parvenait à obtenir par la parole ce qu'elle désirait. En un temps plus ou moins long, après plus ou moins de tentatives, mais elle l'obtenait la plupart du temps. Tout le temps même. Les cas pour lesquels elle n'y était pas parvenue signifiait qu'elle n'en avait tout simplement pas encore terminée. Alors que désormais, à cause de la marque qui pesait sur elle, d'une manière qu'elle ne comprenait même pas, la voilà qui était contrainte à obtenir ses réponses par le biais de torture, pour la plupart du temps, même si quelquefois, elle parvenait à ne se cantonner qu'à une inspection. Le besoin intense de trouver la vérité, dans des délais court donc, était pesant. Vanaël n'avait jamais apprécié bousculer les choses plus que nécessaires. Certes, le changement était une bonne chose, et l'on se devait de ne pas rester inactif, mais ce n'était pas pour autant que l'on ne devait pas prendre le temps de poser les choses et d'analyser chaque éléments, de le comprendre et d'essayer, de la meilleure manière possible, aussi bien pour nous que pour les autres de faire ce qui se devait d'être fait.

----------Son rôle ne lui plaisait ainsi donc pas, et chaque jour passé à parcourir la ville de Gloria afin de répondre de ses actes de missions était une sorte de torture qu'elle même s'infligeait sans rien pouvoir y faire. Gloria n'était d'ailleurs pas la seule ville dont l'inquisitrice s'occupait, et même les villes n'étaient pas le seul de ses soucis. Certains de ses ordres l'amenait à devoir se déplacer dans des zones peu habitées, où des renégats s'étaient abrités espérant échapper à la loi dure et implacable qui régnait, au dépriment des autres danger habitant les contrées sauvages. C'était souvent ceux qui n'avaient pas eu le courage ou le désespoir de s'aventurer dans le désert. Dans tout les cas, elle leur faisaient subir un interrogatoire, afin de savoir s'ils étaient seuls, s'ils avaient des complices, s'ils avaient des contacts au sein du protectorat. Quelquefois, sa capacité à détecter chez la personnes les mensonges ou omissions lui suffisait pour obtenir la vérité. Mais bien souvent, ce n'était point le cas, et la sentence tombait. Une torture physique et mentale pour l'un, mais uniquement mentale pour l'autre. C'était tout de même bien suffisant à sa souffrance...

----------Le fait qu'elle ait à se déplacer de villes en villes, de même qu'à passer du temps à Gloria, afin de jouer son rôle de juge, lui permettais tout de même de profiter d'un certain confort de vie. Il n'atténuait que très peu son état moral, et même ne faisait que l'aggraver par moment. à se ressasser ses actions, à réfléchir à la voie qu'elle se voyait prendre, tout cela la poussait à se remettre en question, et la chose était pour le moins douloureuse. D'une certaine manière, elle parvenait à obtenir compagnie et même parfois réconfort auprès de certaines personnes qu'elle connaissait, mais bien souvent, elle s'isolait, se perdant dans des dédales de pages et de reliures, errant au travers des rayons entre vers et prose. D'autres fois aussi s'isolait-elle à l'extérieur, se perchant en un lieu plus ou moins silencieux et dépourvu de risques d'être dérangée, en profitant pour s'apaiser l'âme, trouvant ainsi en la musique un baume à appliquer sur soi.

----------La bibliothèque demeurait tout de même le lieux dans lequel elle passait le plus de temps, aussi n'était-il point étonnant d'y rencontrer du monde, même si souvent, elle ne s'en réjouissait pas. Les habitants devenaient de plus en plus cyniques et imbuvables. Cette fois-ci, ce fut un membre de ce qu'autrefois on aurait surement nommé la bourgeoisie qui vint la trouver à sa table, alors qu'elle lisait seule et le silence un ouvrage traitant de la manière de travailler le bois. Vanaël ne s'était jamais vraiment intéressée aux travaux d'artisanats, mais depuis sa rencontre avec cet elfe, elle avait fini par s'y mettre, chaque jour avançant plus sérieusement das ses études. Il était là lui aussi, sous le joug du Grand Blanc. Son rôle était de lui créer des armes, ou du moins de l'équipement, qui au vu des faveurs dont profitait l'elfe devaient se révéler efficaces dur le terrain.

"Faites donc, après tout, je ne puis en aucun cas vous interdire l'usage de ce lieu. Cette place ou une autre, c'est votre choix, votre responsabilité."

----------Un fugace regard fut jeté en direction de l'humain de la part de l'ancestrale, mettant ainsi un visage à cette voix trahissant son âge de même qu'à son odeur. Elle ne lui accorda pas plus d'importance, concentrée dans son ouvrage et peu désireuse en cette période, sombre à ses yeux, de discuter avec un inconnu. Ou peut-être le connaissait-elle ? Son visage n'était pas inconnu... Surement l'avait-elle déjà croisé depuis sa venue à Gloria. Mais après tout, c'était un humain, pas loin d'appartenir à la vieillesse à en juger les apparences et le rythme cardiaque, il ne devait pas être d'une très grande importance. Si ce n'est finir desséché aux loups tandis que son sang remplirait des coupes, ou même aiderait à remplir un bain. En tout cas, si elle n'avait pas son nom, elle ne pourrait pas l'identifier...

"Je ne suis pas certaine que mes actions puissent-elle être jugées d'honorables.... Mais si c'est ainsi que vous le voyez.... Soit, Humain."

----------La millénaire ne l'ignorait pas à proprement dit, toutefois, surement était-ce qu'il paraissait pour cet individu dépourvu de toute sensibilité sensuelle. Elle était consciente de sa présence, la supportait, et même était attentive à ses gestes. Seulement, elle avait décidé de se plonger dans ce livre et de l'étudier en détail autant que possible jusqu'à son prochain départ, chose qui ne lui laissait ainsi pas vraiment de temps à d'autres loisirs futiles. Cela lui convenait à vrai dire, elle n'avait pas non plus l'envie de se livrer à d'autres occupations. Ces trois ans l'avait poussé à souffrir en silence à chaque fois qu'elle faisait souffrir les autres de par le lien qui la liait à Vraorg, et de par ce fait, elle s'était chaque jour un peu plus isolée. La guerre changeait les hommes, mais elle, elle ne changeait jamais...

----------Les mots se suivaient les uns après les autres, défilant telle une lente mélodie devant les yeux avides de la vampiresse. Elle dévorait les lignes, s'imprégnant de ce savoir, apprenant ce que les hommes avaient pu en conserver. Autant le sujet de ses recherche s'obtenait probablement plus aisément en côtoyant un maître artisan, autant, il semblait exister quelques mentions à cet art. La manière de choisir le bois, selon les besoins, que ce soit pour un bâtiment, des armes, des outils, des objets de décoration, ou bien des engins, toute étaient détaillées. L'on y apprenait les propriétés exigées selon le type d'utilisation, de même que celles que disposait les différentes espèces de bois. Un inventaire donc, classifié soigneusement, même si incomplet. En effet, il n'y avait point là toute les espèces de bois. Seuls ceux existants dans l'Empire humain étaient mentionnés, puisque c'étaient en effet les seuls disponibles et utilisables. Certains, certes, existaient aussi bien dans l'Empire humain que dans les anciennes forêts elfique désormais submergées, ou que dans les landes vampiriques. Ce n'était toutefois pas le cas de tous.

----------Son intérêt quand à sa lecture allait en décroissant cependant, la cause étant que cet humain lui exposait de but en blanc ses intérêts ainsi que ses possessions, sans raisons apparentes. Soit il était sénile, et le faisait par envie de discuter avec quelqu'un, seul qu'il était dans cet univers froid et glacial alimenté par l'autorité de Vraorg. Soit, il avait un but. Cela aurait pu être le premier cas, à vrai dire, surement Vraorg se serait-il amusé d'un tel personnage, de ce fait bien dérisoire. Mais vu le comportement calme et réfléchit, ainsi que l'attitude sereine, confirmé par un battement de cœur stable, l'homme ne semblait aucunement souffrir de lésions mentales.

----------Vanaël ignora son commentaire quant au fait du choix de nos actions. Pour son cas, elle n'avait pas vraiment le choix. Aucunement désireuse de le préciser, parce que cet aspect la répugnait et lui donnait honte de sa condition. Se savoir soumise aux ordres et aux envies d'un tyran n'avait rien pour plaire... De plus, se rendre compte, que plus le temps s'écoulait, plus elle se satisfaisait de sa situation, et finalement allait même parfois à ne plus se sentir comme manipulée, mais plutôt comme désireuse d'agir ainsi, c'était particulièrement dégoutant. Elle qui s'était toujours jurée de ne jamais ressembler au maître des esclaves, lequel prenait plaisir à faire souffrir ses victimes pour en obtenir des renseignements, là voilà que devenait au fil du temps de plus en plus semblable à cet être répugnant. Cette simple pensée lui donnait envie de vomir. Chose que d'ailleurs, elle s'était permise de faire à quelques reprises, allant alors jusqu'à manger de la nourriture d'humain à cette fin. Le gout était tout aussi répugnant que l'état dans lequel elle avait l'impression d'être, et la sensation nauséabonde qui lui imprégnait les sens, la contraignant dans l'instant à régurgiter ce qu'elle avait vainement essayé de manger donnait l'impression d'expulser ce dégout d'elle même qui l'habitait. Une sorte d'exutoire, aux apparences bien étranges. Les effets n'en étaient toutefois pas certains...

----------Relevant alors le regard de son livre, Vanaël posa ses coudes sur la table, joignant alors ses mains en un repose-tête. Elle fixait froidement l'humain, le sondant de ses prunelles de jade afin d'observer au mieux ses réactions, autant faciales que par la parole ou les autres gestes.

"Pourquoi me faire un tel étalage de vos intérêts ? De vos possessions ? Je risquerais de me les octroyer de force... Acquérir des connaissances est bien rarement une perte de temps je trouve. Même si parfois nous avons des choses plus urgentes à faire." Marquant alors une légère pause, Vanaël repris d'un ton tranchant, méfiante d'une telle initiative. "Qu'espérez-vous donc de moi ?"

----------Perspicace ? Il aurait fallu être d'une crédulité sans borne pour croire qu'un tel personnage allait vouloir partager ses sciences ainsi. Qu'il veuille discuter ainsi quant à ce qu'il avait lu, c'était concevable, mais dans tout les cas, il y trouverait un intérêt particulier. Que ce soit pour nourrir de commentaires ou d'anecdotes ce qu'il avait bien pu lire, ou pour croiser ses connaissances avec celles d'un autre, dans tout les cas, la vampire ne voyait pas pour quelle raisons i aurait pu être amené à vouloir faire ainsi l'étalage de ses connaissances sans chercher à demander quelque chose en retour. il y avait anguille sous roche, c'était certain, et elle comptait bien en découvrir la teneur. Elle ignora ainsi le commentaire, peu désireuse de le reprendre sur ses manières de parler et d'user des mots. Peut-être avait-il aussi fait une faute de prononciation, puisqu'il parlait l'elfique... Après tout, cela n'aurait pas été étonnant qu'il ne maîtrise pas parfaitement la langue. Il était capable de s'exprimer correctement toutefois, et d'une manière générale, l'ancestrale avait compris ce qu'il voulait dire.
----------Qu'il puisse nourrir un intérêt quand à l'héritage culturel et historique dont bénéficiait la millénaire était compréhensible, et pour le moins satisfaisant. Au moins avait-elle une certaine réputation, elle n'allait pas s'en plaindre ! Il lui était bien rare d'être reconnue, et même si depuis ces trois dernières années, elle commençait à l'être, ce n'était pas pour des raisons qu'elle appréciait. L'incarcération de hors-la-loi, au moyen de traques violentes et alimentées de tortures impitoyables ne lui semblait pas réellement une raison valable de satisfaction. Après tout, ce n'était pas vraiment des actions qui étaient de son faîte, initialement. De ce fait, Vanaël n'estimait pas pouvoir s'en attribuer le mérite, et le dégout qu'elle avait pour l'instant à être ainsi soumise à Vraorg ne lui donnait nullement envie de revendiquer ces actions. Sa réputation s'était faite, certes, mais à ses dépends, et sans qu'elle-même n'y fasse rien. Elle obéissait, parce qu'elle y était contrainte, là s'arrêtait son unique choix.
----------Que quelqu'un la reconnaisse alors de par son ancienneté et le savoir qu'elle pouvait partager était ainsi source de fierté ! Et de par ce fait, il avait surement réussi à sa manœuvre, la vampire se faisait quelque peu plus encline à l'écouter. Couper avec le présent était un bon moyen de l'oublier après tout...

"Si c'est là votre seule demande, je n'y voit pas d'inconvénients."

----------L'ancestrale retourna alors à la lecture de son ouvrage, reprenant celle-ci là où elle l'avait laissé. Si il ne souhaitait que parler d'histoire, elle n'avait pas de quoi se torturer l'esprit, elle pouvait très bien vaquer à ses occupations. Quelque chose lui disait qu'il n'avait pas tout dis, son totem entre-autre, aussi lisait-elle quelque peu distraitement. Si il ne lui posait que des questions d'histoire, elle n'aurait pas besoin de réfléchir beaucoup. Après tout, ses connaissances quant à l'histoire lui était claires, et elle n'avait aucun mal à se souvenir des éléments qui la constituait. C'était une partie de ce qui la définissait, de ce fait, cela lui paraissait naturel de pouvoir en parler spontanément. Vanaël continuait donc son chapitre sur la manière de choisir le bois au sein d'un tronc. Entre l'écorce, l'aubier, le cœur et la partie dite 'parfaite', il y avait de quoi en apprendre beaucoup.

----------Attentive aux questions de cet homme en quête de connaissances, la lectrice l'écoutait patiemment. L'intérêt qu'elle portait à son ouvrage la poussa à attendre qu'il ait finit de parler, de même qu'à finir le chapitre qu'elle avait commencé. Elle comptait se donner la peine de lui répondre, si il avait envie d'avoir des réponses, il les attendrait. Dans le cas contraire, c'est qu'il ne devait pas être bien envieux d'obtenir ses réponses. Le regard parcourant les lignes manuscrites, Vanaël s'imprégnait finalement autant du savoir que renfermait l'œuvre que du talent du scribe qui les avait écrit. Avoir pris le temps de récolter tant d'informations était louable, les heures qu'il avait du y consacrer se comptaient alors surement en centaines... La vue inondée d'informations donc, de même que l'ouïe, Vanaël avait de quoi occuper son esprit, enfin, son cerveau, mais peut-être n'était-elle pas consciente d'une telle subtilité. Après tout, quelqu'un l'était-il en ce bas monde ?

"Mon âge vénérable ? Pourtant, de ce qu'en révèlent les apparences, rien ne laisse à croire que je sois plus âgée que vous. Mais peut-être me connaissez-vous, surement, après tout, puisque vous avez décidé de venir me voir. Vous savez ce que je suis, et à quel point je peux servir vos intérêts. Mais êtes vous seulement aussi connu de moi même que je ne le suis de vous ?"

----------Ce n'était pas une réponse, certes, mais elle n'avait aucunement l'intention de lui faciliter la tâche. Et puisqu'il semblait vouloir obtenir des informations, autant s'enquérir de son ardeur à vouloir les apprendre. Était-il digne de ce savoir ? C'était là la question que se posait l'ancestrale, peu enthousiaste à faire part de son passé à un inconnu, encore moins alors de son histoire.

"Quant à l'histoire de mon peuple... Il est bien présomptueux de votre part de vouloir en connaître le contenu depuis la bouche de l'un de ses membres. Si il n'existe point de documents officiels, c'est bien par ce que nous ne l'avons jamais désiré. N'essayez pas de mordre plus que vous ne pouvez mâcher, le temps passe vite, bientôt vous n'en serez plus capable..."

----------Du sarcasme ? Non, elle n'aurait pas osé ! Si ? Peut-être bien... L'expression n'était peut-être pas très humaine cela dit, mais qu'importe, il comprendrait surement. Et sinon, eh bien qu'il s'instruise, c'était bien son but après tout. Elle-même avait passée de longues années à essayer de constituer de telles archives, parce que, comme l'avait souligné l'humain, il n'en existait pas. Elle les conservait jalousement, les complétant au fil des ans, au fil de l'histoire. Elle faisait de son mieux pour laisser une marque de leur passage, racontée par un œil qui était à même de l'interpréter de la bonne manière, selon ce qu'elle en pensait. Si cet énergumène espérait vraiment pouvoir obtenir de telles informations, qu'il cherche, qu'il passe le reste de sa misérable vie à chercher ! Peut-être l'aiguillerait-elle, si il posait les bonnes questions, mais il lui faudrait tout de même chercher ailleurs. Elle n'était pas prête à lui céder le fruit de son labeur, pas encore, et probablement pas à cet inconnu....

----------Les propos d'une personne suffisent parfois à se faire une idée de sa race, son milieu, et cet homme en était un exemple des plus prononcés. S'il estimait qu'une elfe, même âgée de plusieurs siècles était considérée comme vénérable, il faisait une belle erreur de jugement. Une esquisse de sourire se dessina sur le visage de la millénaire, laquelle songeait au fait, qu'en effet, elle ne paraissait pas très âgée si l'on en jugeait par les apparences. Quand bien même il aurait pu déterminer son âge d'elfe, il lui était impossible de connaître celui de vampire. Non vraiment, l'ignorance et les prédictions des personnes avait de quoi faire naître plus d'une moquerie. Ne restait plus qu'à les exploiter utilement...
----------De la même manière qu'il connaissait son statut d'inquisitrice, et donc possiblement son nom, le voilà qui se désignait. Crissolorio Ostiz... Le nom était vaguement familier. La vampire en avait entendu parler, surement, à une ou deux reprises, peut-être plus. Le fait qu'il ne cesse de parler de trésor, de prix et ainsi de manifester son intérêt pour ces pièces dorées si étranges qui régulaient leurs acquisition de bien permit à l'ancestral de faire le lien avec son nom. L'ancien trésorier des Kohan, un homme avare de la monnaie, et qui... apparemment, ne se plaisait pas dans son nouveau rôle, de moindre importance. C'était compréhensible. Qui acceptait de se retrouver rétrograder ? Elle-même était passée de conseillère du prince à celui de conseillère au sein de la rébellion, et voilà qu'aujourd'hui, elle était reléguée à celui d'inquisitrice. Oh certes, elle avait une certaine autorité, et un certain pouvoir, oui, bien sur, mais c'était un métier de moindre importance, qui n'avait rien pour la valoriser...
----------Le fait qu'il parle de sa réputation avait toutefois de quoi faire lever le regard de la millénaire. Ainsi, il en savait plus d'elle que son simple et rabaissant poste. Que savait-il ? Qu'elle était efficace dans l'exécution de ses fonctions ? Pourtant, elle n'essayait pas d'en faire le maximum non plus. À défaut de certains, elle était libre de ses pensées et de ses actions, aussi parvenait-elle a garder la tête plus ou moins froide malgré les circonstances, et d'attendre son heure. Les années qu'elle portait y aidait d'une certaine manière, puisque ainsi, elle avait un recul différent de ses cadets.

"Les siècles qui façonnent ne signifient rien, vous ne pouvez savoir à l'œil combien d'années ais-je vécue en tant que vampire. Par comparaison à votre peuple, je pourrais très bien avoir une trentaine ou une quarantaine d'année seulement. Au vu de votre âge, je n'ai alors rien de vénérable. Mais de ce que vous en dites, vous semblez vous reposer sur d'autres critères..." proposa Vanaël d'un ton neutre, bien que son regard et son visage en disent long sur son interrogation...

----------Il avait parlé d'histoire, de connaissances, avait affirmé vouloir en apprendre plus sur les vampires tout comme sur les dragons. Ses intentions paraissaient alors louables, toutefois, il paraissait improbable que ce soit là sa seule motivation pour être venu la rencontrer. Tel un chien accroché à son os, l'humain ne semblait pas vouloir abandonner son désir de connaître le passé. Un trésor que l'on pouvait vendre ou échanger disait-il ? Bah ! Comme si la connaissance pouvait s'acheter !

"Les savoirs de l'histoire se méritent, ils ne s'achètent pas. C'est un droit que l'on obtient, un privilège, non pas un produit que l'on va acquérir auprès d'un vulgaire marchand..." répondit froidement l'ancestrale avant de faire une pause, durant laquelle elle observait le visage marqué par le temps de son interlocuteur. Sa voix s'éleva de nouveau, plus conciliante. "Mais l'histoire qui concerne les dragons ne m'appartient pas, elle relève plus d'un patrimoine de notre continent, aussi je ne pourrais avoir de raison de vous la cacher."

----------Déliant ses mains, la vampire referma son ouvrage puis le posa devant elle, parfaitement aligné aux bordures de la table. Elle posa alors ses bras sur le bois de meuble, appuyant dessus le haut de son corps tandis que son visage et son buste s'avançait du milieu de la table. D'une voix calme, doucereuse, Vanaël commença alors, narrant la beauté dont était dotés les dragons d'antan. Elle vantait leur puissance, leur caractère noble et le mérite des dragonniers auxquels ils acceptaient de se lier. Lui faisant part du respect et de l'honneur que chacun ressentait à se voir ainsi protégé. L'on pouvait sentir aisément dans sa voix une passion envers ces créatures qui furent jusqu'à peu synonymes de légendes. D'un geste habile, alors qu'elle marquait une légère pause, l'ancestrale usa d'un sort de charme. Elle reprit alors de plus belle, lui faisant part de son ressenti, de la dévotion qu'elle avait pour les dragons. Les silences tout comme les variations de ton étaient maîtrisés, et lorsqu'elle s'arrêta, un calme étrange semblait emplir la pièce.
----------Vanaël ne laissant pas le temps au trésorier déchu de réfléchir, et elle s'avança un peu plus sur la table, lui tenant alors le menton du bout des doigts. "Acceptez d'être mes yeux, mes oreilles, et alors j'écouterais votre véritable requête." Le relâchant d'une délicate caresse, la millénaire cheveux de feu se recula lentement sur sa chaise, retrouvant une position plus stable et raisonnée. Ses prunelles d'émeraude ne lâchaient pas le regard de l'humain, et le bout de sa langue vint recouvrir durant un long instant ses lèvres rougies par le sang dont elle s'était abreuvée.

----------De la même manière que l'animal que représentait son totem protecteur l'aurait fait, l'homme qui lui faisait face, à elle, prédatrice nocturne, se repliait sur lui même, cherchant à justifier ses propos. Les épines dont était doté cet hérisson n'était pas piquantes, mais il les montrait rapidement. Le fait qu'il chercha à satisfaire son interlocutrice par ses paroles posées et polies sautait aux yeux, et l'envie de le faire durer un peu plus en ce sens était tentante. Enfin, il avait décidé d'exposer sa requête ! Cette fois-ci, il n'y avait pas de doutes, ce Crissolorio était venu pour ça, rien d'autre ne se cachait derrière ses paroles.
----------Nul besoin des dons que lui conféraient son esprit protecteur pour cela, le simple fait qu'il veuille préserver sa vie, qu'il vienne quémander l'aide de l'inquisitrice en se pliant en politesses abaissantes suffisait à cela. Il cherchait une protection, il avait peur du prédateur qui le traquait, et il comptait lui tendre un piège, soit. Mais qu'elle garantie avait-elle qu'il ne soit pas plus judicieux de le laisser sombrer lui, plutôt que ce fameux Cesser Tress ? Les faibles doivent périr après tout, c'est la dur loi de la vie chez les vampires. Il était ainsi contre nature d'aider cet humain qui cherchait une protection chez l'autorité et le pouvoir qu'avait l'inquisitrice. Elle aurait pu le faire enfermer lui, pour traitrise, lui qui par sa demande se révélait dangereux pour les autres courtisans, aussi bas puissent-ils être. Mais le fait qu'il puisse être utile dans le futur était notable. Autant en fournisseur d'ouvrages intéressant qu'en une sorte d'espion, il allait pouvoir se révéler pratique.

"Un humain donc. Connaissez vous les relations qu'il entretient avec les autres courtisans ? Sa... disparition, ou sa mise à l'écart, va susciter de l'intérêt, l'on va vous suspecter si l'on connait votre antipathie l'un envers l'autre. Mais j'imagine que vous en êtes conscients après tout. Ou peut-être espéreriez-vous que là aussi, je fasse mettre hors de nuire ceux qui pourront vous considérer comme coupable ? J'aurais dans ce cas plus vite fait de m'occuper de vous...

Après tout, rien que votre demande suffirait à justifier mon acte, et j'y gagnerais le merci de ce Cesser Tress. Il remplirait aussi bien le rôle que je vous demande, puisque vous dites qu'il est là depuis si longtemps. S'il souhaite vous nuire, et que vous soyez si inquiet de ses agissement, surement a-t'il d'excellents moyens de les mettre en œuvre.

Votre demande demeure curieuse, vous savez certainement que, chez nous autres vampires, les forts s'élèvent, les faibles ploient le genou. Ici, vous êtes la proie, qui tente de chasser son prédateur en demandant l'aide d'un prédateur plus capable. Ne trouvez-vous pas cela... contre-nature ?"

----------Si elle donnait l'impression d'être réticente à l'idée d'exécuter sa demande, sa décision elle, était toute faite. L'intérêt qu'elle portait à ces courtisans était des plus faible, alors que ce soit l'un ou l'autre qui doive quitter ce milieu très ... reluisant, elle n'en avait cure. La seule chose notable dans l'affaire, c'était qu'on lui proposa des services, et qu'en lui offrant celui qu'il demandait, elle pourrait en bénéficier. Un humain de plus ou de moins, quel qu'il soit, cela n'était pas très important... Dans tout les cas, l'un comme l'autre allait nuire son rival, autant en profiter pour en tirer son épingle du jeu.

----------Ce besoin de se justifier, de prouver qu'une décision était la bonne, ce besoin insatiable de montrer à l'autre qu'il devait l'écouter, qu'il devait le croire et agir en son sens, c'était... très amusant ! Le voir ainsi déblatérer, l'entendre vanter sa personne et se dire bien meilleur que sa cible, qu'il était drôle de contempler cette scène. L'inquisitrice l'écoutait, impassible, l'esprit souriant, tandis qu'elle attendait patiemment qu'il ait terminé de parler. Faisant le tri dans ce qu'il racontait, la vampire le regardait, plongée dans ses pensées.

*Impopulaire, cocu, en relation avec plus de vampires que d'humains ou d'elfes, jaloux, comploteur, moins important, ambitieux, qui se repose sur ses lauriers. Et bien, ce n'est pas si terrible que cela...*

----------À en entendre les paroles de cet humain, ce Cesser Tress semblait ressembler à un vampire de rang moyen, qui se servait des plus faibles pour conserver sa place et ne pas se faire dévorer. Ma foi, il y avait pire. Quant à ce Crissolorio, et bien... il ne semblait pas manquer d'estime de soi, à espérer qu'un jour il ne cherche pas à viser trop haut et s'en morde alors les doigts. Il pensait se débarrasser des encombrants ? Pourtant, à en croire les activités qu'il attribuait à son rival, ce dernier semblait exercer la même activité, de manière plus... expéditive. Et surement plus efficace aussi, au moins était-il sur de ne pas avoir de représailles de leur part. Quant à cet humain... il était, d'après ce que lui même en disait...

*Populaire, à qui l'on était fidèle, ayant beaucoup de relations, prudent, avisé, qui connaît les rouages politiques, ambitieux, et qui prend soin de ses alliés...*

----------De beaux portraits qu'il faisait là, cela avait de quoi rendre jaloux surement plus d'un courtisan. Toutefois, il était amusant de constater que, si l'homme qui lui faisait fasse concédait à son rival certaines qualités, il ne parlait en aucun cas de ses propres défauts. Uniquement la partie émergente de l'iceberg pour ainsi dire.
----------Quoiqu'il en soit, elle avait pris sa décision, et quel que puisse être cette future récompense promise de part cette collaboration, l'inquisitrice Aerin allait agir selon sa demande. Cesser Tress sera mis à l'écart, d'une manière ou d'une autre. Les humains et rares elfes en seraient satisfaits, quand aux vampires, surement n'y verraient-il là qu'un léger contretemps. Mais après tout, le milieu des courtisans n'étaient pas réellement son soucis, non, vraiment plus !
Ce n'était très certainement pas ces petits courtisans qui allaient la gêner, au mieux lui permettre d'accéder à ce qu'elle désirerait, mais c'était là tout. Que du bien donc !

"Nous sommes donc d'accord, ce Cesser Tress sera écarté de ses fonctions."

----------Se relevant alors souplement, repoussant alors d'un même mouvement son siège, Vanaël pris l'ouvrage en main, s'apprêtant à aller le ranger dans le rayon où il trônait il y a quelque minutes. Saluant poliment Crissolorio, l'inquisitrice prit congé de lui, pour allre marcher d'un pas feutré vers le rayon en question.

"Au plaisir de profiter de ces récompenses, vous serez mis au courant lorsque votre demande aura été satisfaite. Sur ce... Bonne continuation, et au revoir."