Les furieuses eaux qui avaient engloutit la ville de Lyssa avaient en partie reflué. En partie seulement. La partie inférieur de la ville était sans doute définitivement immergée. Les dégâts auraient été de toute façon beaucoup trop importants pour être réparés. Le reste de la ville était dans un état pitoyable et certainement inutilisable. Des quartiers entiers étaient encore envahit par des eaux bloquées, et le palais du seigneur des mers lui-même était ravagé… une bien triste image que celle-ci, mais au moins une majorité de la population était sauve. Pour le moment du moins. En l'apparence, ils avaient gagnés. Mais pour les humains, cette catastrophe sans précédent était loin de se terminer. Ils n'avaient plus rien, leurs terres étaient inutilisables, leurs biens disparus pour la majorité, et il serait bien difficile pour eux de retrouver une place en ce monde. Il pouvait sans doute les conduire sains et saufs jusqu'à Aldaria, mais de là ? De là ce ne serait plus de son ressors. Il ne pouvait pas faire de miracle, simplement permettre un possible futur en agissant au mieux, et en les remettant entre les mains de ceux habilités à nourrir ce futur potentiel. Rien d'autre. Et puis, la perle avait effectivement été détruite. Il fallait espérer que tout cela ait servit à Armanda.

En attendant Il fallait organiser le départ de la population. Beaucoup voulait tout de même offrir un dernier adieux au lieu qu'ils avaient aimés, qui, pour beaucoup, était leur passé et le lieu qui devait les voir mourir. Tout comme les glacernois, les lyssiens étaient extrêmement attachés à leurs racines et avaient du mal à encaisser. Il ne pouvait pas leur refuser de se recueillir même s'il aurait préféré qu'ils partent tous tout de suite. Lui-même en profitait à la fois pour organiser la marche et pour étudier les eaux. Le phénomène provoqué par Océan était tout à fait exceptionnel. Aucune vague de cette ampleur ne pouvait être naturelle. La fureur de l'esprit seule avait conçu cette merveille titanesque… et il avait envie de savoir si il pourrait en tirer quelque chose. De nouveaux sorts, par exemple. C'était en se promenant près d'une zone inondée que la créature était venue à lui. Discrète, un humain presque comme les autres, s'il ne portait pas une infime trace de feuille sanglante, le signe de reconnaissance qu'Aegle avait demandé, il ne l'aurait pas laissé approché. Mais les nouvelles avaient valu la chandelle. Et il avait donc fait appelé Norwen. Il était largement temps qu'elle et lui ait une petite discussion.

Lui-même reprit le chemin des collines après l'avoir envoyé fait quérir. Il était de bonne, de très bonne humeur. Lorsqu'elle arriva, et en réponse à sa suffisance, il sourit plus encore. Même le tutoiement détestable ne lui gâcha pas sa belle humeur. Ses yeux céladons se moquaient ouvertement. Avec elle, il n'avait pas tout à fait besoin de se cacher, et laissait, un tant soit peu, glisser le masque sur sa véritable personnalité. Même avec l'âge et la sagesse, il restait que son caractère originel était ce qu'il était. Et dans les orbes poisons croupissait une joie délicatement cruelle et désolée tout à la fois. Une contradiction volontaire de ce qui constituait sa personne. « Oh effectivement j'ai d'autres perles qui m'attendent. Et ta dague serait un précieux atout mais je crains de devoir m'en passer, bien que cela me peine énormément... » Se redressant de son assise, l'armure cliquetant sur son corps, il s'approcha d'elle, venant l'observer de côté. Elle était attractive d'une façon que les autres ne l'étaient pas. Elle le détestait et voulait le tuer… et il adorait ça, il avait finit par se l'avouer.

Il avait même envie de la laisser lui faire un peu mal… C'était malsain, mais elle faisait ressortir une ancienne part de lui qu'il avait longtemps jugulé. C'était dangereux. Tout à ses pensées, la dévorant de son regard luminescent. « Je viens d'apprendre quelque chose de très intéressant, et dans ma grande bonté » ironique « Je me suis dis que je partagerais mes informations avec toi...mais avant ça... » D'un pan de sa longue tunique, il tira le bijoux magnifique qu'il avait prit pour elle. Un bijou à son image, pensait-il. Un bijou qui lui irait magnifiquement, et lui servirait. Il le fit passer à son cou, le nouant en un instant sur le flot d'encre de sa chevelure, laissant les pierres sans prix briller sur sa poitrine. Avec un sourire aussi fin qu'une lame de rasoir, il poursuivit. « Tes larmes, destructrice de perle, tes larmes que jamais tu ne versera… j'ai pensé qu'elles pourraient t'être d'une plus grande utilité lorsque tu rentreras auprès de ton prince. Pour les plonger dans le coeur palpitant de l'humaine qui réchauffe de nouveau son lit, par exemple... »

Si quiconque s'était attendue à la voir boire ses paroles, il l'aurait traité d'idiot. C'était donc sans surprise aucune mais avec une certaine satisfaction, qu'il écoutait la chauve-souris tenter de distiller son venin de ses petits crocs de lait. Mais à l'écouter lui chanter ces douceurs, son sourire ne faisait que s'élargir. Il était agréable de la voir s'entêter et résister, tout simplement parce que la chute serait plus délicieuse encore. Oh… comme il aurait aimé la voir quand elle rentrerait. Comme il aurait aimé savourer son expression désillusionnée et la voir déchantant de bout en bout. Hélas, certains plaisirs de l'existence ne pouvaient être savourés, il sacrifiait donc celui-là et se contenterait de son imagination, et des rapports des espions d'Aegle. Il ne pouvait pas non plus ne pas garder un œil sur elle après tout, ce serait tellement dommage de simplement l'oublier dans un coin. Elle était succulente. Dangereuse, Lorenz la trouvait dangereuse, pas à son égard évidemment mais c'était un fait… lui la trouvait délicieuse. Une autre variation sans le moindre doute.

« Oh mais je ne doute nullement que tu tentes de t'en servir contre moi. D'ailleurs je n'attends que ça. Essaye donc, délicieuse enfant… je me ferais un plaisir d'outrager ta chair à toi en retour » Le ton, sombre et sinistre, démentait son sourire et son regard pétillant, aussi vert que l'absinthe dans l'étrange luminosité de l'instant. Pourtant lorsqu'il reprit, ce n'était plus de ce ton viscéral, et prédateur, mais bien de sa voix habituelle, douce et posée, qui ne semblait pas devoir vibrer un octave plus haut ou plus bas quelles que soit la teneur des menaces et des insultes que l'on proférait à son encontre. « Ambre Orétoile n'est pas morte non. Il l'a accueillit de nouveau, lui a à nouveau juré de la prémunir de tout, il l'a renforcé dans ce qu'il lui avait offert… et elle en retour orne à nouveau son côté. Tu ne devineras jamais le plus désopilant d'ailleurs... » Non il était vrai, cette farce-là, même lui avait eut du mal à y croire. Pourtant il ne doutait pas de l'information.

« Elle lui a ramené un bébé. Un petit humain qu'elle a trouvé. Et il va être élevé parmi les vampires, pour lui faire plaisir très certainement » Quoi que plus probablement à cause de son appartenance à la famille Kohan. C'était tout de même très drôle d'imaginer Lorenz en père de famille… Le burlesque de la chose faisait perdre le peu de crédibilité qu'il restait au prince noir. « Mais tu fais erreur, je n'attendais pas spécialement de te le dire. Je l'ai appris il y a très peu de temps. Ma pauvre Norwen, il comptait déjà te remplacer voilà quelque semaines, mais on dirait qu'en plus de songer à ta place de général, il a également préféré les appâts de la vie aux tiens. Quel dommage…. Tu as fait ton temps… mais tu as raison sur un point, les mots ne te convaincront pas. Je n'ai d'ailleurs pas la prétention de te convaincre. Je me contenterais de profiter du spectacle lorsque tu seras arrivée à bon port… »

Il s'éloigna légèrement, prêt à se détourner d'elle. « Tu auras au moins un bon mois et quelque de voyage pour rejoindre ton prince adoré, tu devrais partir tout de suite. Je dois avouer que je suis impatient de voir ton arrivée... »