Elle avait eut assez d'émotions pour le siècle à venir, et pour le moment la seule chose dont elle avait réellement besoin c'était certainement un peu de compagnie, de préférence agréable et surtout qui n'essayerait ni de jouer avec, ni de l'éventrer, ni de la dévorer ni quoi que ce soit d'autre qui puisse lui nuire ! Et surtout loin de toute cette magie incompréhensible contre laquelle elle ne pouvait pas faire grand chose ! De toute manière quand elle y regardait, son épée n'avait pas non plus été très utile, un peu comme s'il s'était agit d'un bibelot que l'on trimballe à sa ceinture comme une simple décoration... Par quel miracle était-elle encore en vie ? Et bien... Sa capacité à fuir et à se planquer aussi vite que possible pour éviter tous les ennuis quels qu'ils soient.

Le temps était pour elle, le recouvert d'un mince manteau blanc offrant une sorte de lumière tamisée reposante pour cette belle journée qui avait laissé un peu de temps à l'Alayienne en fuite pour se poser quelques instants, panser ses plaies et se sustenter quelque peu avec ce qu'elle avait pu trouver au fur et à mesure de son voyage, et même si ce n'était pas grand chose, autant dire que c'était mieux que rien.

Une ombre passa, une ombre gigantesque qui ne manqua pas de se poser devant elle créant ainsi une sorte de bourrasque à l'aide de ses ailes puissantes et gigantesques forçant l'alayienne à se protéger les yeux et le visage des débris végétaux et de la poussière qu'elle se reçut sans autre forme de procès. Il ne lui fallut cependant pas beaucoup de temps pour comprendre ce qui venait littéralement d'apparaitre devant elle quand les écailles rougeoyantes vinrent à luire sur un timide rayon de soleil qui s'était essayé à traverser le ciel laiteux. Cette immense masse monstrueuse faite de muscles, de crocs, de cornes et autres dents toutes aussi dangereuses les unes que les autres venait de se poser devant elle comme l'aurait fait un simple oiseau qu'il était difficile de ne pas reconnaitre. C'était cette créature qu'elle avait eut le malheur de voir à l'action lors de la bataille des bois sombres, cette même créature qui l'avait séparée de Kaelan et qui l'avait certainement tué, mais c'était également une créature qu'il ne valait mieux pas combattre et ce, même avec une arme et une armure de verre noir qui absorbe sa magie. Non, dans ce genre de situations il vaut mieux parfois écouter son instinct et ce qu'essayent de vous dire vos jambes, ce qu'elle fit sans se faire prier.

L'humaine n'hésita donc pas un seul instant à se carapater en quatrième vitesse dans le sens opposé ou s'était posée la dite créature, les chances de survie était proches du zéro absolu, mais qui sait, peut-être qu'une souris voudrait bien lui prêter son trou l'espace de quelques heures pour y disparaitre à l'intérieur à attendre que le mauvais temps finisse par partir ! Mais elle n'eut pas vraiment le temps de se poser cette question, qu'une force inconnue vint l’immobiliser avant même qu'elle ne put prendre un quelconque élan pour courir jusqu'à tomber à bout de souffle ou de force. De la magie.... Encore et toujours cette même magie... Si a un moment elle s'était posée la question de comment ça pouvait fonctionner, son avis avait bien changé : moins elle en voyait et mieux elle se portait !

Un être humain, ou quelque chose y ressemblant finit par apparaitre devant elle, visiblement transporté par la créature, qui à l'allure peu engageante de cette dernière semblait beaucoup plus motivée à la faire bruler vive sur place plutôt que de discuter paisiblement si bien qu'elle n'était pas vraiment dupe au fait que les deux être en face d'elle ne lui veuillent pas de mal. Dans tous les cas maintenant qu'elle était entre leurs griffes, qu'il lui en veuillent ou pas le résultat serait strictement le même : elle y passerait sans autre forme de procès.
L'homme se présenta, et fit plus ou moins de même pour la créature qui l'accompagnait - il ne manquait d'ailleurs plus que ce genre de bestiole sache parler - mettant directement les choses au clair sur ce qu'il savait sur elle... Ou plutôt le dernière évènement important de sa vie, c'est à dire sa désertion et le fait qu'elle cherche à découvrir ce continent et peut-être à y faire sa vie plutôt que de le remodeler à son image comme le faisaient ses compatriotes.

Son regar naviguait de l'homme à la créature, observant les deux êtres comme pour tenter de déterminer quelles seraient leurs actions et les possibilités qu'elle pouvait avoir. Ou voulait-il en venir ? Si elle aimait ce continent ? Il était certainement encore trop tôt pour le dire mais pour sûr, il était fascinant même s'il n'avait pas le charme et le calme de ses îles refuges qui l'avaient vues grandir et dont elle avait quitté la sécurité relative quelques mois auparavant. Au fur et à mesure qu'il parlait, la fugitive sentait la pression déployée sur ses membres disparaitre peu à peu pour lui laisser de nouveau sa liberté de mouvement. Son premier geste ? Faire immédiatement deux pas en arrière l'histoire de mettre un peu plus de distance entre elle et cet homme, une réaction certes inutile mais instinctive qui avait au final une sorte de pouvoir calmant. Plus on était loin de la menace et moins elle ne pouvait vous faire souffrir n'est-ce pas ? Son regard finit par se fixer sur l'homme, visiblement il était celui qui tenait les rênes de la créature derrière. Que voulait-il entendre ? Que cherchait-il exactement ? Dans la position ou elle était elle n'avait pas vraiment le droit à l'erreur. Aller dans son sens ? Répondre par une autre question ? Ou alors répondre à côté de la plaque ?

"Pour le moment, sans vouloir être irrespectueuse, j'ai plutôt l'impression que c'est lui qui ne m'aime pas." finit-elle par répondre, assez mal assurée. Après tout dans un sens elle n'avait pas vraiment tort. Avait-elle fait le bon choix dans sa réponse ? Son regard avait quitté quelques instants l'homme pour se poser sur la créature monstrueuse, et même s'il lui était impossible de savoir ce que la grosse bête pouvait penser, son allure n'avait rien de très engageante et n'était pas vraiment des plus amicales qu'il soit. "Tout est nouveau pour moi ici et j'aimerai découvrir ce que je peux avant de me faire tuer. Mais ça vous semblez déjà le savoir."

Il connaissait son nom, il savait qu'elle était déserteuse et n'avait pas eut beaucoup de mal à deviner qu'elle allait essayer de s'enfuir dès les premières secondes ou elle avait vu la créature se poser devant elle. Il avait tellement prédit le mouvement à venir qu'elle n'avait même pas eut le temps de le commencer, juste de le penser. Mais l'homme et la créature n'étaient pas devant elle juste pour s'inquiéter de savoir si elle aimait l'endroit ou elle était, même si à ce moment précis elle aurait aimé être partout sauf ici.

"Je suppose que vous n'êtes pas devant moi par hasard..." finit-elle par reprendre avec hésitation.

Au final elle allait plus au moins directement au but, c'était peut-être le meilleurs moyen de s'en sortir, mais également celui de se faire faire rôtir encore plus vite. Mais qui ne tentait rien...

Quelle créature hideuse, vraiment. Elle se demandait comment et pourquoi certains réussissaient à considérer les dragons comme des créatures magnifiques. Non, elles étaient hideuses autant de l'intérieur que de l'extérieur, des animaux brutaux et sanguinaires qui ne méritaient certainement pas la considération qu'avait le peuple Armandéen pour elles. Elle n'était pas vraiment du genre à se faire une opinion sur un seul individu, mais à force certainement qu'elle finirait par y croire, après ce genre de pensées était tout ce qu'il y avait de plus simple et réglaient pas mal de questions qui finissaient comme des gouffres sans fond. Et plus les choses avançaient et plus elle risquait d'y plonger... La créature s'invita dans sa tête avec sa voix transportée par sa magie immonde et souillée par le sang qu'elle avait fait versé, la menaçant des pires sévices et d'une mort des plus atroces ! La menacer de torture et de mort... Rien que ça ?

"Ce que tu me montres est plus enviable que de servir une créature comme toi. Tu veux me tuer et me torturer ? Fait la queue, comme les autres."

Il voulait la forcer à faire quelque chose, s'en servir comme d'un objet, comme d'un esclave comme au final le faisait les prêcheurs avec son peuple fanatisé et aveuglé par la croyance envers Néant. Et si elle s'était libérée de ce joug, ce n'était pas pour en tomber sous un autre qui était vraisemblablement pire. Il y en avait d'autres qui voulaient ou qui voudraient la tuer. Elle avait déjà l'intégralité de l'armée Alayienne qui voulait sa tête, il en fallait certainement peu pour l'armée Impériale, la haine des Armandéens envers les Alayiens était encore assez forte pour les motiver à l'étriper également et encore tout ça c'était sans compter les Elfes ou encore les Vampires... Autant dire qu'y rajouter un dragon de plus... C'était quoi un dragon ? Au final l'assurance de mourir vite. Alors oui elle avait parlé avant de réfléchir réellement à la portée de ses mots, elle ne serait pas son esclave et si elle devait y passer pour sa liberté alors au moins ce serait une cause qu'elle aurait choisis et pas celle qu'on lui imposerait.

Elle lui aurait presque proposé d'aller jouer à la marelle au milieu d'une armée Alayienne armée jusqu'aux dents de lames de verre noir qui découperait ce monstre en rondelle, mais les mots préférèrent rester dans son esprit même si son regard qui avait tout de haineux avait cette signification. Si elle avait peur ? Seul un fou ou un menteur aurait pu dire qu'il n'avait pas peur. Son cœur menaçait de sortir de sa poitrine pour prendre ses "artères" à son cou.

Mais ses pensées folles et quasi-belliqueuses furent interrompue par l'échange silencieux entre les deux êtres en face d'elle, comme si le plus petit essayait de dominer l'autre et y arrivait avec un certain succès. Comme quoi il semblait que cette immense et immonde créature ait été forcée de plier l'échine devant un être plus petit qu'elle... Essayait-elle de faire prévaloir son complexe d'infériorité sur plus faible qu'elle ? Ou alors était-ce autre chose ? Non, elle était certainement mauvaise pour aimer torturer ainsi les gens, néanmoins elle pouvait toujours croire que certains pouvaient faire marche arrière, même après tant de cruauté. Elle y avait toujours quelque peu cru, même si au final cette croyance c'était révélée illusion... Mais pour revenir à leurs moutons !

Le dénommé Edwyn finit par expliquer pour quelle raison il avait besoin d'elle... Accéder au plan Astral, une sorte d'autre monde quel qu'il soit dont le moyen d'accès serait de la magie et la sale bête rouge. Bon il citait trois choses absolument nécessaires à ça, déjà les deux premières n'étaient pas bien engageantes : celle de devoir s'engager dans une sorte d'aventure avec le dragon était la première pour les faits s'étant produits quelques secondes auparavant. La seconde était visiblement la pire, celle de la voie de la magie, magie pour laquelle il n'y avait pas vraiment besoin de faire un dessin sur ce qu'elle en pensait après l'avoir vu à l'ouvrage, majoritairement contre elle ou contre d'autres personnes dans le but de nuire. Et le dernier point... Le courage ! Ca c'était la plus grande blague qui existait, elle, courageuse ?

Néanmoins cette proposition aussi absurde soit-elle de sauver le monde -rien que ça!- avait quelque chose de certainement attirant... De quoi se racheter quelque peu après avoir participé à tant d'horreurs commises sous les couleurs de l'armée Alayienne... Même si elle avait évité autant que faire ce peut, elle était tout autant responsable que ceux qui avaient tout fait. Mais fallait-il encore passer outre les trois soucis que celà posait. Elle soupira profondément après avoir laissé le silence s'installer, comme cherchant ses mots pour ne pas empirer la situation ou quelque chose comme ça...

"Je veux bien essayer de vous aider." Elle insista sur le "vous", le désignant lui et non pas le duo en entier, comme si elle excluait le dragon de l'aide qu'elle apporterait. Après ce qu'elle avait vu elle n'avait pas vraiment l'envie de rendre service à une telle créature. "Mais je ne pense pas être celle qui vous conviendra."

S'ils cherchaient une Alayienne adoratrice du Néant, c'était clairement loupé, elle n'avait plus sa marque depuis quelques temps déjà cette dernière ayant laissé sa place à rien d'autre que sa peau sur sa main droite, il en était de même pour le courage, elle qui avait été traitée de lâche toute sa vie pour ne pas avoir assumé le rôle et fait les choses que l'on attendait d'elle. On ne pouvait pas vraiment affirmer qu'elle était l'archétype du courage que le dénommé Edwyn attendait.

"Il y a bien d'autres Alayiens qui pourraient vous convenir et qui ont encore leur marque." Elle avait déjà assez de mal à s'aider elle même, alors aider les autres... Dernièrement elle avait passé plus de temps à les fuir qu'à les aider ! "Vous avez encore le temps de changer d'avis."

S'engager dans quelque chose ? C'était déjà la première chose qui pouvait lui faire peur, et en essayant de les faire hésiter alors peut-être qu'ils changeraient d'avis malgré son avis de potentiellement aider et d'être utile pour peut-être réellement sauver quelques vies si elle le pouvait. C'était peut-être sa première peur à vaincre, elle avait déjà été enrôlée de force une fois et ceci ressemblait trait pour trait à la seconde !

Spoiler:

Cette créature avait visiblement un problème, ce fut la première chose qui lui vint à l'esprit car cette dernière semblait toujours... En colère ? Les mouvements de son corps ne trompaient pas, il y avait toujours quelque chose pour l’enrager. Enrageait-elle contre les humains ? Contre les elfes ? Contre les vampires ? Contre sa famille ? Ou encore contre elle même ? A moins que simplement elle aimait enrager et qu'elle n'avait pas besoin d'autre raison. Celà semblait être presque la meilleure hypothèse. Cette bête était juste dangereusement timbrée.
D'ailleurs, les mots de réponse de Maude permirent de tester cette rage qui brulait dans la créature, lorsque les griffes de cette dernière s'enfoncèrent profondément dans le sol, comme si cette dernière tentait de contenir sa rage fermement tenue en laisse par le dénommé Edwyn qui faisait comme une sorte de rempart entre les deux êtres. Sans conteste, s'il n'avait pas été là, elle serait déjà morte, il n'y aurait même pas eut le même échange qui lui avait prouvé ce jour que ces créatures hideuses étaient capables de communiquer intelligiblement même si cette méthode magique était des plus horribles. Elle prendrait même la créature en pitié si elle ne tenait pas ces discours si immondes.

L'homme lui expliqua son sens du mot "courage" et que ce dernier lui serait salutaire... En parler ainsi ne lui permettrait pas vraiment d'avoir ce qu'il cherchait... A la limite pourrait-il induire du courage "étendard" qui n'était pas le plus pur, mais certainement pas quelque chose de spontané comme il en aurait besoin. C'était pour sûr une méthode étrange qu'il employait là pour tenter de la convaincre ou quoi que ce soit d'autre. Peut-être était-il trop sûr de lui et de ce qu'il pensait savoir sur l'avenir ? Ce dernier ne pouvait pas être écrit à l'avance, il s'écrivait au fur et à mesure en fonction des choix et n'était pas linéaire.

La créature s'essaya au final à la provocation, à défaut de le faire avec le physique, la traitant de lâche, de couarde et de tout ce qu'il pouvait y avoir de plus dégradant pour une personne tenant et défendant son honneur bec et ongles. Si seulement elle savait... Ah ça le dragon pouvait y aller avec ce genre de remarque, il n'était pas le premier et ne serait certainement pas le dernier à la traiter ainsi. Mais que pouvait-elle y répondre ? Rien. Strictement rien, c'était la vérité pour certains et il était difficile de les contredire sur certains points. Ainsi haussa-t-elle simplement les épaules en guise de réponse, comme si ce qu'il pouvait lui dire n'avait aucune importance. S'il désirait faire naitre l'indignation et la colère, c'était donc bel et bien raté !
Cependant dans les mots quelque chose vint la perturber... "Elle" comment ça "elle" ? Parlait-il de Néant ? Oui, il ne pouvait parler que de lui, mais pourquoi le faisait-il comme s'il s'agissait d'un esprit féminin ? L'avait-il rencontré en personne pour affirmer ce genre de chose ou simplement avait-il fait une supposition quelconque pour différencier Néant de ses esprits à lui ? Le regard de l'Alayienne s'était posé sur lui comme pour tenter de sonder la réponse dans l'attitude de ce dernier qui ne laissait transparaitre que sa rage habituelle.

Ce fut l'homme qui la tira de ses pensées. "Silence" ? Pourquoi Silence ? Elle n'avait rien répondu cette fois ! Elle le regarda d'un air curieux avant que ce dernier ne finisse par expliquer le fond de sa pensée, faisant prévaloir une sorte d'autorité quelconque sur le dragon, mais également sur elle-même, les menaçant de les rendre muets pour les 10 prochaines années ou de les lier pour les forcer à s'entendre. Savait-il qu'elle avait eut quelques soucis avec l'autorité ? Et que c'était justement cette autorité trop présente qui restreignait sa liberté qui avait été un des nombreux déclencheurs de sa désertion ?
Les menaces tombèrent comme dans l'oreille d'une sourde, être muet avait de quoi être frustrant mais certainement moins que d'avoir une voix et de risquer d'être tuée en l'utilisant - ce qu'elle avait vécu avec son père - quant au fait d'être lié à la créature... Mis à part y être attachée avec une corde ou un autre lien quelconque... Son esprit divagua donc vers un dragon en guimauve attaché au bout d'une laisse comme on le ferait avec un petit chien. L'image d'un dragon tout petit et ridicule s'imposa forcément à elle. Ses yeux semblèrent pétiller quelques instants et une ombre de sourire ne manqua pas de se dessiner sur ses lèvres, mais cette réaction fut bien vite étouffée sans autre forme de procès. Ce n'était pas vraiment le moment de se moquer ! Surtout avec l'avertissement de l'être en face d'elle. Ils risquaient de se faire tuer là bas... Ce qui ne changeait pas vraiment d'ici !

Le petit rituel "païen" commença sans autre forme de procès, non pas qu'elle ait vraiment encore beaucoup d'autres choix... L'obscurité laissa sa place à la lumière et la chaleur du soleil. La première chose qui l'accueillit fut un silence terrible manquant d'aller jusqu'à lui faire perdre l'équilibre. Un silence dans lequel ne perçait aucun bruit, aucun oiseau, pas le bruit du vent dans les arbres ou les herbes hautes, aucun insecte. Rien. Seul le "bruit" des respirations, sa respiration et celle du dragon monstrueux lui mirent la puce à l'oreille accompagné d'une sorte de sifflement à peine audible comme quand l'on monte en altitude sans se "déboucher les oreilles".

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle posa son regard sur l'immense créature puis passa sur...

"Qu'est-ce que ?!"

Sous la surprise sa première réaction fut de reculer un pas, sans même regarder ou elle mettait les pieds. L'éclat de sa voix dans un tel silence manqua d'ailleurs d elui faire perdre l'équilibre, comme si le retour brutal d'un bruit quelconque venait de perturber ce lieu plus que de raison. Néanmoins elle se reprit assez brutalement, le dénommé Edwyn avait utilisé de la magie pour les transporter ainsi, et voici l'effet que ça avait eut sur lui... Son apparence était. Différente, bien différente de ce qu'il était avant un peu comme si la magie l'avait consumée lui donnant cet air étranger à ce monde et que la magie l'avait complètement digéré, tel un animal dangereux et carnivore.

"Vous...vous sentez bien ?"

Les mots étaient sortis avec l'hésitation la plus complète, s'inquiétait-elle réellement pour lui ? Certainement, elle avait certainement plus de considération pour la vie d’autrui que pour la sienne, mais ce n'était certainement pas une excuse : la magie avait, à ses yeux, encore fait des ravages et des monstruosités...
Le sifflement se faisait de plus en plus présent, entêtant et comme... Apaisant ? La calmant presque à vue d’œil comparé à sa première réaction.

Aussi ne remarqua-t-elle pas immédiatement le paysage autour d'elle, après tout qu'y aurait-il à voir qui ne puisse pas émerveiller son regard ? Ce sol brumeux qui semblait avoir à peine consistance, qui était à peine palpable. Ou alors cette végétation gigantesque et luxuriante ressemblant à aucune forêt qu'elle n'avait jamais vu, faisant passer celle des elfes pour un vulgaire bosquet de buisson aux couleurs ternes et déprimantes quand l'on voyait l'arc en ciel de couleur dont s'était doté cette nature étrange. Même les roches arboraient des formes étranges, comme des sculptures d'un artiste dérangé et farfelu.

"Il faut..."

Il fallait trouver quelque chose oui, mais quelle plante pouvait guérir ça ? Elle n'avait jamais vu pareille chose et pourtant des blessés elle en avait quand même vu, que ce soit par la magie ou par une arme quelconque, sur le champs de bataille. Mais jamais une chose pareille ne s'était produite devant ses yeux. Quand elle détourna le regard pour chercher un moyen de faire quelque chose, elle se figea de nouveau. Elle venait de regarder ce qui l'entourait et c'était certainement aussi fou que l'apparence du vieil homme qui l'avait emmenée ici. Aussi peut-être était-ce une réaction normale de sa peau à ce milieu après avoir utilisé de la magie ? Peut-être que la magie ressortait de manière plus visible dans ce monde ce qui faisait qu'elle n'était pas affectée car complètement dépourvue de cette dernière. Mais avec des "si" et des "peut-être" on refait refait le monde.
A mesure que son regard détaillait l'environnement autour d'elle, le fameux sifflement se faisait de plus en plus fort et entêtant la calmant au final comme si rien d'autre n'avait réellement d'importance. Lui faisant comme oublier son inquiétude des quelques instants précédents.

Spoiler:

• Maude n'a pas réussi ou n'a pas voulu suivre les instructions du Voyageur, elle a laissé son Esprit vagabonder et une ou plusieurs chimères ont réussi à s'y accrocher. Verith n'a rien pu faire, Edwyn n'a donc d'autre choix que de déloger violemment ces hôtes indésirables. Elle perd connaissance et subit des dégâts mentaux.
  
  
• Traduction en jeu : Maude passe son tour jusqu'à nouvel ordre. Elle souffrira de désorientation à son réveil et perd un niveau d'intelligence (passe de très bon à bon). Récupérer ce niveau lui coûtera 3 XP (et non 5). En cas de nouveau retard de réponse, il y aura sortie définitive de l'intrigue avec interdiction de se réinscrire pendant une période donnée.

Leur présence n’était pas une surprise, s’en était même d’une fatalité si affligeante qu’il aurait pu en soupirer d’une profonde lassitude. Il n’apprendrait donc jamais, même après l’égrenage du temps qu’il avait passé et vécu, il était toujours si bouffi d’arrogance qu’il se pensait en droit de se trouver là, de poser les yeux sur le palais ou d’espérer le moindre pardon. Il n’aurait jamais cru qu’il lui serait donné de voir ce lieu un jour ? Que d’outrecuidance, que de candeur, pensait-il avec une sourde amertume. Aveugles aurait-été ses yeux si sa volonté avait sanctionné son intrusion, et pourtant ne l’avait-il pas attendu, sachant que le Tarenth commettrait la folie de voyager jusqu’ici pour la gemme ? Oh certes, il avait attendu, depuis longtemps, que l’indigne créature s’aventure ici, il avait attendu ce qu’il savait être inévitable, inexorable, inévitable, fatidique… fatidique oui, comme l’était l’outrancière candeur avec laquelle il pénétrait son repaire, son sanctuaire, leur sanctuaire. Il n’avait absolument rien à faire ici. Non seulement il n’était pas le bienvenue, mais qu’on se le dise, sa présence, véritable offense à ses yeux, n’était pas pardonnable, pas plus que ses exactions passées. Ne lui avait-il pas promis un châtiment exemplaire s’il revenait sur Armanda ? Et pourtant, malgré cela, il était revenu, pire encore, il se tenait là à présent. Il s’y était attendu oui et pourtant… pourtant n’avait-il pas laissé la porte ouverte pour qu’on lui prouve qu’il avait tort ? D’une certaine manière, il n’avait pas soufflé cette ultime lueur, mais il était persuadé d’avoir parfaitement raison et le Tarenth lui prouvait en cet instant même qu’il avait raison. Terriblement raison. Une fois de plus, on le décevait. Mais cette fois, c’était la goutte faisant déborder le vase.

Un à un, il les observa, son regard intemporel s’ancrant, lourd, sur chacune des silhouettes intruses en ces lieux, prunelles marmoréennes pleines de sagacités, de certitude et de cette lueur désabusée, doucement ironique, bordant le sardonique, qui caractérisait immanquablement un être dont on avait foulé l’amour au pied, n’oubliant rien des outrages passés. Un être qui contemplait la déchéance du présent qu’il avait offert… tout cela à cause de la folie d’un peuple, de sa stupidité. Un mot comme un autre, il y en avait tellement pour les décrire. Les langages mortels recelaient toujours davantage de termes pour dénigrer que pour encenser. Qu’importe, au final, comment il le nommait, il n’oubliait rien de ce qu’ils avaient fait, de ce qu’il avait fait… Tarenth qu’il était, maudit et détesté. Centre de son attention en cet instant, lourde attention, pleine d’une hostilité glaciale et emprunte de ce qui bordait le mépris. Un mépris pas tout à fait consommé et pourtant… Figé, comme une étoile accusatrice, silencieux, il le détailla un long moment, comme un éon au sein d’un battement de cœur, le perçant et le mettant à nue. Puis il se détourna en lui refusant la certitude qu’il espérait obtenir. Il souhaitait s’entendre dire qu’il avait changé et craignait d’ouïr le contraire… l’attente, comme une vindicte, serait sans doute d’autant plus douloureuse qu’il recevrait sa réponse en fin de compte et très certainement son châtiment au même instant. Ce qu’il promettait, il le faisait. Détournant donc son attention, il la posa une bref instant seulement sur la forme de l’humaine, avant de centrer ses pensées sur le dragon rouge, vague ombre d’un temps ancien où d’autres géants avaient obscurcit le ciel du monde physique et où…. Rien, lui aussi était une déception profonde.

« La perspective d'un avenir où ce ne serait pas moi qui mettrais à genoux le monde ne m'enchante guère, je ne saurais le permettre » énonça-t-il calmement, las et désabusé, pour tout salut au dragon. « Je m’ôterais la vie avant même que tu puisses mettre ta menace à exécution Tarenth » poursuivit-il sur ce ton presque monocorde mais dénotant d’un glacial qui ne fondait que pour le céder à une douce ironie. « Verith de la destruction, Verith de l’ire… » Il pinça les lèvres et produisit un petit caillou qu’il lança au dragon, laissant la forme rocheuse claquer au sol en révélant, par son bris, le silence tombal et délétère que l’esprit avait jusque-là fait peser, interdisant la moindre parole supplémentaire. Puis il produisit une seconde roche, et avec une délicatesse qui ressemblait à celle d’une lame affutée taillant lentement la peau, quand bien même il n’était ni cruel ni mauvais, il la déposa sur le sol, juste sous les yeux du Tarenth agenouillé, bien en évidence. Une roche sans aucun doute familière, de même forme, de même grosseur, jusqu’à la moindre aspérité, semblable en tout point, conservée, depuis tout ce temps. « Voilà qui devrait t’être utile, Repenti » Chaque mot se détachait, d’une élocution lente, polaire, marquant l’âme et l’être de toute l’ironie que pouvait représenter ce titre… « Voilà qui devrait t’être utile, Repenti… » Répétât-il « … dont je vois que les accointances tendent aux mêmes fins, aux mêmes voies… » Nouveau silence, comme un couperet entre chaque phrase. Il toucha à nouveau le caillou « Voilà votre don, voilà votre réalisation. Vois, ta roche meurtrière, ta pierre fondatrice pour l’avenir. Vois ce que tu as offert… » Et il se redressa, dominant à nouveau son suppliant sur lequel il dardait un regard plein de sombres reproches.

« Et tu espères, toi entre tous, obtenir quelque parole libératrice pour ton âme, alors même que tu t’introduis ici pour troubler ce palais, alors même que je t’ai promis une punition si tu revenais jamais en Armanda, tu fais bien pire encore… » Un nouveau silence implacable avant qu’il n’achève dans un reproche à peine voilé. « Toi, le chef de l’œil du dragon, toi honni entre tous, tu viens me réclamer la gemme, en apportant avec toi ire et destruction comme jadis… » Et alors, ils purent parler…

Il aurait pu écrire cette scène avant même qu’elle ne se déroule tant elle faisait écho à ses prédictions. Tout cela n’était que ce qu’il avait prédit, ce qu’il avait depuis longtemps vu et comprit de ces créatures. Rien, ici, ne le déstabilisait. Rien ne le surprenait. C’était loin d’être de la colère… N’en déplaise à ce trop jeune dragon, la colère n’apparaissait pas, en pareille situation. L’ire nécessitait un déplaisir pris par surprise, un sentiment de crainte ou un manque d’assurance. On était en colère face à quelque chose qui contrariait et que l’on n’avait pas voulu voir là… Il y avait bien des nuances de ce pivot, et pourtant la réponse première était la même. On ressentait de la colère dans beaucoup de situations, mais hélas pas dans ce que l’on avait déjà prévu de longue date. Non, il ne ressentait pas de la colère à proprement parlé. En revanche, la désillusion, le désenchantement et une profonde lassitude ainsi qu’une vague de cynisme l’accompagnait. Tout cela, toutes leurs réactions, leurs pensées, n’étaient que des preuves supplémentaires, des actes d’une gigantesque farce qui le faisait rire jaune. Il reprochait l’attitude des créatures du plan physique, bien au-delà du Tarenth bien qu’il soit le centre de ses reproches. Ils étaient étriqués d’esprit, aveugles et sourds, bouffis de violence et d’orgueil et sans le moindre respect… Indignes créatures qui souillaient le don qu’il avait fait et ceux de ses frères. Il n’attendait rien de ces êtres, il avait perdu sa foi en eux. Jamais ils n’avaient montrés quoi que ce soit qui l’incita à penser différemment. Le moindre de leur souffle était biaisé. Comment alors se mettre en colère de cela ? Depuis si longtemps qu’ils se délitaient, rien ne pouvait plus le faire ne serait-ce que frémir. Il savait exactement à quoi s’en tenir avec eux.

Et plus que tout, il leur reprochait leur venue, cette folie dirigée quoi que le dragon puisse penser, par Edwyn. Il lui était déjà suffisamment douloureux de savoir qu’il avait parfaitement raison, qu’il ne pouvait que voir ancrer plus encore ses certitudes, alors de les voir porter pareille tristesse jusqu’à lui, sous ses yeux dans le plan astral… Que voulaient-ils de plus ? Il savait parfaitement à quel point ils étaient indignes, à quel point ils étaient souillés, fourvoyés… Cela n’avait pas suffi à Edwyn, d’avoir provoqué tout cela, il avait encore fallu qu’il vienne le poignarder jusqu’ici, une ultime défiance, un ultime sacrilège… Là, sous ses yeux, plus encore qu’auparavant, se déroulait le simple aveu de cette affligeante vérité. Il observa Edwyn, ne le quittant pas des yeux, semblant aussi peu atteint par toutes leurs paroles qu’un mur de roche par l’embrun léger. Pourtant, voir cet être parler d’injustice finit, comme l’embrun, par atteindre la roche, lentement… Le palais s’emplit de musique, mais d’une musique aux accents cyniques, sardoniques quoi que magnifiques, un son intemporel, le rire d’un esprit voyant là un acte de sa scène à la taille d’un monde… Un rire froid, qui ne dénotait guère d’autres sentiments, un rire qui n’en était, finalement, pas un. « Toi, entre tous, tu parles d’injustice » Son regard fixe ne cillait ni ne bougeait de sa cible. « Entend, Verith de l’ire, un être qui, comme toi, parle sans savoir, se bornant à ses fausses perceptions. Clamant une chose, en pensant une autre » Il y eut un instant de silence avant que ne vienne la suite. « Edwyn apporte l’orgueil, tout comme toi, il apporte la rébellion, il apporte la colère… et il le sait. Voilà pourquoi tu es là, voilà pourquoi il t’a menti » Il savait qu’Edwyn ne lui avait rien dit de cela, pour de bonnes raisons à ses yeux, mais qui ne valaient rien aux siens.

« La fin est inévitable et les mortels ne sont pas dignes de ma gemme, tu me le prouve, toi, et ton acolyte, un peu plus à chaque instant » Sa voix était redevenue calme, froide, distante. Il montra de nouveau la roche. « Voici ce qu’est Armanda, ce que tu en as fait. Voici ce que tu tentes de sauver… Tout est contenu… là… là, à quelque distance de toi. Voilà tout ce que tu as fait de nos présents… tout ce que tu as donné à ce monde et à ces peuples. Non, je ne donnerais pas ma gemme pour ceci. Et je ne souffrirais pas de mots tel qu’injustice de la bouche d’une créature qui n’offre même pas le bénéfice de la vérité à un être qu’il entraîne vers un châtiment certain » Enfin, il détourna le regard pour le poser sur le dragon rouge. Non, ce petit rejeton écailleux ne savait pas tout. Il avait l’arrogance de se croire certain, de se croire en possession d’une connaissance suffisante pour émettre un avis… Ce n’était pas étonnant non, rien ne l’était, c’était passablement, pathétiquement attendu. Et pourtant. « Tu as demandé si le Tarenth connaissait les origines du lien entre dragon et dragonnier. Et il t’a répondu non. Il t’a menti » Se baissant, il reprit la roche dans sa main admirable et la présenta au Tarenth. « Je ne te laisserais pas oublier tes fautes non. Ce n’est pas ainsi que l’on change, Edwyn de l’œil du dragon. Oublier c’est fuir ta culpabilité. Mettons cela en ordre à présent. Cette pierre, cet avenir stérile et déjà décidé, est plus réel que tes beaux sentiments, Repenti. Toi qui est encore si prompte à te rebeller, vas-tu me prouver que tu peux être autre chose qu’une pitoyable créature engluée dans son passé ? Parle, énonce donc à ton partenaire ce que tu as omis de lui dire, de quel ombre il se fait l’écho…. »

Il lui rejeta la pierre, en pleine poitrine cette fois. Le coup n’était pas porté avec force, mais il était bien présent, et marquait comme un couperet ses paroles pourtant paisiblement dépourvues d’espoir. Se détournant posément, il vint s’intéresser à l’humaine qui remuait, exactement au moment où il l’avait vu le faire.

Vers quoi avait-elle bien pu diriger ces pensées ? Quelque chose d'agréable... Mais dernièrement y avait-il eut quelque chose de réellement agréable ? Alors fallait-il qu'elle ne se tourne vers ce qui occupait son esprit, vers quelque chose qui pourrait la rendre heureuse et rien ne serait un plus beau présent que de pouvoir revoir son frère de cœur vivant. Oui, e moment ou elle pourrait de nouveau sentir son odeur, le sentir tout près d'elle, comme avant à passer de longs moments à regarder le ciel ou d'autres choses complètement futiles aux yeux du commun des mortels. Mais y avait-il besoin de plus ? Se satisfaire des choses simples était déjà un grand pas en avant quand l'on comparait au commun des mortels qui voulait toujours plus. Les galères étaient toujours plus simples à deux, les murs moins hauts à surmonter. Mais voilà... Cette pensée fut ternie par les flammes, les flammes de la destruction apportées par la magie de ce monde qui l'avait certainement tué, les flammes appartenant à ce dragon ci-présent... Mais ce n'était certainement pas avec des pensées de discordes que les choses iraient en avançant. Loin de là et malheureusement son esprit eut beaucoup de mal à se fixer sur autre chose que son cœur ne finisse par rejeter avec force et vigueur, papillonnant d'un endroit à l'autre de son esprit, se laissant envouter par ce sifflement apaisant qui effaçait les douleurs du cœur et de l'esprit. Se laisser aller quelques instants, juste fermer les yeux quelques minutes. C'est généralement au moment ou on a le plus besoin d'attention que le sommeil vient vous prendre en rendant les paupières le plus lourde possible. Quelques secondes, ça ne fait pas de mal, se dit-on. Et c'est quand ce genre de pensée finit par arriver que l'on a déjà le pied dans la tombe. Chaque volonté finit par céder une fois les forces du corps et de l'esprit arrivés à leurs limites respectives.

Elle sombra. Elle sombra à cause de ces quelques secondes qu'elle avait bien voulu s'accorder, à cause de ces minuscules secondes qui pouvaient lui sauver la vie mais également l'apaiser pour autant de temps. Oubliant les douleurs lancinante à son épaule, les plaies encore ouvertes de son cœur, la fatigue accumulée ces dernières semaines, la morsure du froid, la faim lui tiraillant le ventre ou simplement oublier la peur. La crainte d'être torturée, la crainte d'être dévorée, et par dessus tout : celle d'être seule. Les conséquences ? Elle n'en avait que faire et elle ne s'aperçut pas de ce qui venait de se produire alors que le Tarenth lui malmenait l'esprit pour l'en protéger, la plongeant dans un sommeil profond et apaisant loin de tous les soucis qui pouvaient l'occuper et la dévorer à petit feu de l'intérieur. Un repos nécessaire à son corps épuisé de fuir en permanence et de regarder sans cesse par dessus son épaule ou le ciel de peur qu'une créature monstrueuse ne l'attrape. Un repos qui malgré les conséquences était plus que le bienvenu.

Une douleur puis une sensation chaude et visqueuse la tira de ce vide comateux qui l'avait enveloppé de sa douce étreinte. La première chose fut le magnifique mal de crâne, comme si l'armée Alayienne toute entière venait de faire un défilé dans sa tête pour essayer de la réveiller. La pire gueule de bois qu'un humain pouvait imaginer, sans pour autant avoir bu une seule goutte d'alcool. Cette douleur surpassait certainement toutes les autres et la tirèrent de son état d'inconscience. Elle tenta d'ouvrir les yeux, mais la luminosité ambiante fut la plus agressive et ne manqua pas de lui faire refermer aussitôt alors qu'elle s'en protégea à l'aide de sa main. Ce mouvement fut accompagné par une autre douleur, plus ancienne mais pourtant récente de quelques jours et qui était mariée à la sensation chaude et visqueuse... Et lorsqu'elle porta sa main vers son épaule gauche la confirmation ne mit pas beaucoup de temps à se faire attendre... La blessure faite par la dague de ce vampire quelques jours plus tôt avait finit par se rouvrir, lui soutirant une sorte de grognement de mécontentement alors que des vertiges s'y mettaient de plus belle pour la renvoyer au tapis.

Se lever ? Ce n'était certainement pas une mince affaire et elle mit quelques temps avant de cesser de prêter son attention à sa douleur pour regarder autour d'elle. Bon sang, mais ou était-elle ?! La vision du dragon la remit immédiatement dans le droit chemin, ce n'était pas vraiment le genre de créature qu'elle affectionnait pour le moment... Elle avait accepté cette aventure suicidaire avec une sorte d'humain bizarre et cette horrible bestiole dans le soi-disant monde des esprits ou quelque chose comme ça... Mais le sol duveteux avait laissé sa place à une sorte de palais immense. Son regard se porta autour d'elle pour se poser sur un troisième individu qui semblait dominer de loin les deux autres... Un autochtone ? Un esprit ? Qu'est-ce que ça pouvait bien être cette fois ? Il y avait une certaine tension, mais ce n'était certainement pas celle liée à un combat... Et surtout visiblement elle était de trop, tout du moins se fut sa première idée qui l'incitait à disparaitre loin de là jusqu'à ce que l'objectif revienne enfin à elle : l'idée de sauver ce monde...

A défaut de mots, ce fut simplement son regard qui se posa tour à tour sur le "nouvel" arrivant et sur le Tarenth, signifiant clairement "Qu'est-ce qu'il se passe ?!"

Il se prit à observer un instant cette jeune Alayienne, se désintéressant complètement du reste pendant quelques instants. Les pensées de Verith étaient aussi fades que tristement étriquées. Qu’il se contredise lui-même l’amusait assez, comme il l’avait prévu, le reste… ah le reste. Arrogance, certitude, illusion, manque de respect, violence. Non il n’était guère intéressant, il était tout ce qu’une créature mortelle pouvait être de pire, de pathétiquement prévisible dans l’absolue certitude de détenir le fin mot de tout. Etait-ce une scène jouée, où il pensait asseoir la moindre raison mais chassant les ombres de ses propres pensées. S’imposer en conscience ne lui serait cependant pas donné. Vie avait beau tout savoir de lui, jusqu’à la moindre de ses pensées, avant même qu’elle n’apparaisse, il n’appréciait pas pour autant qu’une si jeune créature pu prendre ses aises à se penser le droit de considérer ce que lui, Esprit, pouvait être, dire ou faire. Il était des décennies trop tôt pour cela et au vu de l’escale de l’écailleux, il ne serait jamais temps. Qu’importait, après tout, la fin arriverait bientôt, la fin du plan physique et de ses habitants… Verith était moins encore qu’un enfant rebelle comme l’était Edwyn, malgré tout ce qu’il lui reprochait. Et le voir se fourvoyer le lassait profondément. La danse du plancton dans les fonds marin de son frère océan était plus vivifiante que ces puérilités intérieures. Si se persuader qu’il était détenteur du moindre lambeau de justesse dans cet échange lui plaisait, Vie le lui abandonnait sans sourciller. Il n’était pas là pour lui plaire. Pas plus qu’il n’était là pour plaire à Edwyn. Mais le Tarenth, lui, l’intéressait particulièrement.

Alors que l’ampleur de son ordre venait frapper son suppliant, lui continuait d’observer l’humaine de son regard luminescent et sans pareil. Comme pour les deux autres, il la soumit à un examen minutieux et approfondis, la perçant jusqu’à l’âme. « Salut à toi, Maude Ebraïk» finit-il par dire, avant de se détourner. Elle n’était pas mourante, aussi pouvait-elle attendre un peu. Sans quitter l’endroit où il se tenait, il se tourna de nouveau, lentement, vers Edwyn, le laissant parler. Il irait jusqu’au bout et tous deux savaient déjà ce que cela provoquerait. Malgré tout, quelque chose était venue attirer l’attention de l’esprit qu’il était. Une possibilité qu’il avait balayée avant leur arrivée, considérant qu’elle n’avait lieu d’être. Néanmoins il restait profondément froid, immuable même devant cela. Il irait jusqu’au bout avant que lui ne décide d’intervenir. Si la dernière scène en compagnie du Tarenth avait échappé à son contrôle… ce n’était pas le cas de celle-ci et c’était de la plus juste mesure. Vint la réaction du dragon, ses paroles, celle qu’il désirait voir proférée à l’encontre d’Edwyn. Les pensées étaient semblables aux précédentes, au sens où il les attendait toutes. Un instant, il pencha la tête. Il n’avait pas plus raison en cette colère, mais ce qu’il proférait, spirituellement, était le point final d’un chapitre tout entier. Alors, Vie ferma les yeux, pendant un bref battement d’un cœur mortel. Puis il les rouvrit, alors que le rouge s’apprêtait à attaquer le Tarenth, et s’adressa de nouveau à Maude, mimant les mots prononcés plus tôt. « N’ai pas peur » affirma-t-il simplement. Tout allait pour le mieux. Malgré les pensées délétères et sottes, malgré la rébellion… tout allait parfaitement, au moins un moment.

Alors que Verith s’approchait, ou plutôt se lançait comme une masse gourde mais énorme, vers Edwyn, Vie se plaça devant lui et, sans un regard pour le Tarenth, souffla le dragon comme une minuscule bougie. Malgré toute la haine, la colère, l’ire et la volonté de tuer, malgré les paroles qu’il avait prononcées, et qui donnait raison à l’esprit, celui-ci le stoppa net. Vulgaire feuille face à la montagne, l’écailleux fut écraser au sol par un pouvoir et une volonté qui lui étaient infiniment supérieurs. Invisible compression sans la moindre merci, elle broya le corps du dragon contre le sol du palais, formant une densité dans l’air qui n’avait pas d’équivalent. L’ordre qu’il avait donné à leur arrivée de faire silence n’avait été qu’une pichenette, cette fois, c’était bien différent… Il ne bougerait plus le moindre muscle, la moindre griffe écaille, le moindre œil, tant que Vie ne le lui permettrait pas. L’ire et les pensées furent chassées de l’atmosphère qui redevint froide et paisible, comme l’esprit. Puis la compression monumentale se dissipa pour ne laisser que l’impossibilité de bouger. « Tu sais à présent, et ta vindicte à l’égard de cet être est compréhensible. Mais je ne tolère pas que l’on apporte cette violence et ce chaos ici, pas plus que je ne tolère tes affronts passés. Tu as la vérité, immonde à tes yeux, sans le moindre doute. Et tu m’as donné une première réponse. Entend moi maintenant, Verith » Il s’arrêta un bref instant « Verith de l’ire, tu es à présent Verith le maudis, Verith marqué par Vie. Tu es bouffi d’arrogance, de colère, cherchant inlassablement à imposer plutôt qu’à voir, réellement, autour de toi, tu t’aveugle toi-même en cédant à l’égo. Pour cela, je te retire la vue » Et il ne vit plus.

« La survie et la prospérité de ta race étaient tes buts, cela est louable. Mais la domination aveugle ainsi que le manque de regard que tu as infligé à tes congénères, cela n’était pas acceptable. Les dragons n’ont nul besoin d’ire ou de cruauté pour asseoir leur domination, si domination il y a. Et si j’ai poussé Edwyn à te dévoiler la vérité que tu cherchais sur le lien entre dragons et dragonniers, je lui accorde encore une mince estime. Plus que cela cependant, ce sont tes jugements que condamne. Tu seras désormais stérile, en corps et en acte. Quoi que tu fasses, tu ne pourras prendre part au futur renouveau qu’apporteront les dragons liés en Armanda, si renouveau il doit y avoir. Jamais tu ne marcheras sur ce chemin-là, tu en emprunteras un autre » Il s’interrompit un instant avant d’énoncer posément « Désormais, toi qui est sourd et aveugle, je te gratifie d’empathie. Tu percevras les émotions des dragons et des bipèdes, mais tu ne pourras ni les contrôler, ni les bloquer loin de toi. Tu les percevras, tu les vivras et tu te feras rempart contre la souffrance, tu les soulageras d’elle en supportant leurs douleurs à leur place. Désormais, tu feras actes de constructions, car la destruction t’est interdite en toutes ses formes » Sa voix se fit un instant moins froide, plus douce « Tu survivras Verith, et ne vivra réellement qu’au travers de ces actes de construction. Tu feras œuvre de Vie, jusqu’à la fin des fins, ou jusqu’à ce que tu reviennes me voir avec la réponse pour que je lève cette malédiction. Tu ne pourras être soulagé d’aucune autre manière »

Puis, laissant ses paroles prendre effet, se réaliser tant en faits qu’en concepts pour le dragon, il se tourna vers Edwyn en l’observant fixement. « Tu as tort et à de nombreux sujets » Il s’approcha, jusqu’à ne se tenir qu’à quelques centimètres. « Non tu n’as pas changé, Edwyn. Chercher à oublier n’était pas la solution et ne le sera jamais. C’est maintenant, que tu peux changer. Toi, tu viens de trouver ta réponse » Il le cloua de son regard, dur comme le diamant. « Ce n’est pas à toi de décider si tu as réparé tes erreurs et les souffrances que tu as causé. Elles sont impossibles à réparer. Vous, les Tarenth étiez destinés à guider les races plus jeunes. Vous étiez nos favoris, les aînés… Vous deviez les concilier, leur ouvrir les yeux. C’était votre destinée que de créer l’ordre et l’harmonie. Trouver une solution pour les vampires, adoucir la hauteur des elfes, canaliser les hommes. C’était votre grande tâche, un monument de d’accomplissement pour l’avenir. Il n’y aurait pas eu de guerres, de ravages, de sang… Vous avez gâchez cet avenir et tu le sais. Comment pourrais-tu seulement réparer cela ? Toi et les autres êtes responsables de tous les malheurs du continent. A présent la fin est inévitable pour eux. Ils sont indignes de ma gemme, oui, incapables d’effectuer ce que demanderait leur survie. Ils ne peuvent effectuer ces sacrifices. Je l’ai prouvé. Tous comme vous. Vous avez vu votre avenir, vous avez vu votre disparition, une fois les jeunes peuples installés… et vous avez tout gâchez en vous fiant à votre arrogance et votre peur » A nouveau il s’interrompit, ayant fait en sorte que les deux mortels entendent parfaitement ses propos. Puis il reprit. « Vous avez brisé tous les espoirs que je plaçais en vous. Vous m’avez déçu et bien plus encore. Vous m’avez blessé au-delà de tout. Imagines-tu seulement les tortures que toi et les tiens vous m’avez infligé en détruisant ce futur ? Je voudrais croire en eux… mais je ne peux pas »

La roche réapparu une fois de plus dans sa main et il la montra, à plat, entre eux. « Jamais je ne pourrais te pardonner, ou me remettre de ce qu’est devenu la vie que j’ai offert. Jamais Edwyn. Et tu as apporté avec toi des preuves flagrantes qui me conforte dans mes décisions. La fin est inévitable. Néanmoins… » Il l’obligea à prendre la pierre. « Tu as tort. Tu as trouvé ta réponse aussi te donnerais-je la chance que tu penses ne pas recevoir. Donne-moi une seule raison, un seul lambeau d’espoir pour ces êtres. Essaye de me convaincre » Il détourna la tête, semblant se perdre dans la contemplation de quelque chose bien loin d’eux, puis souffla bas. « Et fait vite… tu n’as plus beaucoup de temps »

Le "presqu'humain" qu'était Edwyn finit par répondre à son interrogation muette... Ne pas avoir peur alors que la situation ne semblait pas être des plus accueillante ? A son regard il n'était pas difficile de comprendre qu'il disait cela afin d'essayer de la rassurer, un peu comme un père qui dit à son enfant que tout ira bien et qu'ils s'en sortiront face à une tornade. Non, tout n'irait pas bien et il y avait certainement assez de raisons pour avoir peur à cet endroit, ou plutôt face à la troisième créature qui ne devait certainement pas être un ami. Elle essaya tant bien que mal de se relever, mais le manque d'équilibre fut fatal à cette fameuse tentative qui se soldat simplement par un échec, le contrecoup des évènements précédents quels qu'ils soient avait mis à mal son sens de l'équilibre la forçant à rester assise le temps que les vertiges ne finissent par disparaitre.
Le troisième être finit par la saluer, après l'avoir regardé comme s'il lisait à travers elle, comme si son regard était capable de la traverser de part en part aussi efficacement que pouvait le faire une lance, et malgré l'absence d'hostilité en sa direction, elle ne put retenir le frisson qui lui parcouru l'échine. Son regard se planta dans celui de cet être, pour seulement une fraction de seconde alors qu'il se détournait ensuite d'elle pour écouter les révélations d'Edwyn au dragon...

Il était l'origine du lien qui unissait les dragons et les dragonniers. Le premier être à en devenir un... Oui, et alors ? Cette révélation, bien qu'historique et pouvant permettre une meilleure compréhension du monde n'avait pas grand chose d'exceptionnelle hormis prouver que ce dernier avait un grand pouvoir magique au point de forcer un dragon à lui obéir, mais ce n'était pas vraiment une nouveauté... Autrement dit, la cinquième roue du carrosse qu'elle était ne comprenait pas vraiment tous les tenants et les aboutissants de la situation, tout du moins pas tant que son esprit embrumé ne remettrait pas les idées dans le bon ordre, et la réaction belliqueuse du dragon la mit sans aucun doute sur la bonne voie ! Cette colère qui emmènerait certainement ces deux êtres d'une puissance inimaginable pour elle à se battre dans ce qui serait une sorte de duel à mort qui avait été emmené par le troisième individu... Était-ce vraiment ce que ce dernier cherchait ? A les forcer à s'entretuer pour une raison qu'elle ne comprenait pas encore ? Non, il ne fallait pas en arriver là, ils étaient la pour une gemme et certainement que l'inconnu qui connaissait son nom ne voulait pas qu'ils y arrivent.

L'être qui s'était présenté sous le nom d'Edwyn avait fait des erreurs, assez d'erreurs pour qu'il vienne ici et maintenant essayer de les réparer quitte à ce qu'il le paye de sa vie et l'une des révélations était certainement une des erreurs contre laquelle le dragon rouge essayait de combattre, ce qui expliquait sa réaction brutale qui les emmènerait à s'entretuer. "N'ai pas peur" résonna de nouveau dans l'immense pièce alors que le troisième être s'interposa entre la fureur du rouge et le pauvre Edwyn qui en était la cible. Piégée dans ces combats de titans elle ne pouvait pas vraiment faire grand chose mis à part regarder et prier pour que la colère de l'un d'eux ne se retourne pas vers elle. Mais elle n'était certainement pas là pour ça non ?

Elle n'avait pas eut le temps d'agir ou de prononcer quoi que ce soit que le dragon était déjà dominé par le troisième individu, cloué au sol par une puissance qui semblait cette fois celle des deux autres réunis. Pourquoi avait-il empêché l'attaque alors qu'il l'avait provoqué ? Le dragon rouge était un dragon de haine, de destruction et de fureur et s'il s'était attendu à cette réaction de violence pourquoi avait-il forcé Edwyn à faire cette révélation ?

C'est avec une horreur à peine dissimulée qu'elle assista aux évènements, voir cette créature se faire petit à petit priver d'un de ses sens, de sa volonté et de sa raison de vivre - bien qu'elle ne soit pas vraiment louable aux yeux de certains - pour autre chose de plus... Paisible ? Arrêter de détruire pour créer et servir... Vie ?! Serait-il possible qu'ils soient en face de l'esprit créateur des Armandéens ? Cela faisait vraiment trop d'informations d'un seul coup pour elle aussi n'essaya-t-elle même pas de s'interposer entre "Vie" et le dragon pour alléger son triste sort malgré la haine et la colère qu'elle pouvait éprouver à l'égard de cette créature monstrueuse qui méritait tout sauf de la compassion. Et pourtant, après s'être faite... Détruire ainsi, la compassion était le seul sentiment qui pouvait, à ce moment là, s'exprimer envers cette créature qui avait été leur billet d'aller, et qui serait certainement celui du retour...

Au train ou allaient les choses elle pouvait s'estimer heureuse de ne pas être le centre de l'attention...

Il était satisfait du sort du dragon, quoi que cette flammèche de vie puisse désormais éructer et jurer, quoi qu’il puisse désirer, il ne pourrait aller contre les décisions d’un Esprit supérieur. La mort ne marcherait plus à son côté. Une belle ironie décernée à Aile de mort. Il était Vie et malgré toute l’amertume et la désillusion, malgré la fin prochaine, il ne se résoudrait jamais à un acte stérile. Maudire le dragon simplement pour le voir souffrir n’était pas son but. Il faisait, là également, acte de création. Ce que portait le rouge lui serait utile dans le futur et plus qu’il ne l’imaginait. Il n’avait pas même le moindre doute là-dessus. Mais la fin l’en empêcherait certainement et c’était dommage. Des cendres d’un être stérile pouvait naître bien plus, si tant est qu’avenir il y est. Mais cela n’était pas à la portée de Verith de le décider. C’était à Edwyn qu’il s’adressait. Cette créature qui n’avait cessé de défier ses créateurs et de provoquer le malheur sur son passage… Il lui avait offert une chance. Il avait pris sur lui, puisé avec mauvaise grâce sans doute dans ce qu’il pouvait encore nourrir d’amour trahis pour les mortels, afin de le laisser parler et défendre son idée. Il avait sa chance. Il pouvait lui apporter un lambeau d’espoir, après tout le désespoir et la trahison qu’il avait engendré. Il pouvait lui apporter une preuve et une seule… Et pourtant là encore, il avait lui-même guidé le choix, ayant prévu ses paroles et l’utilisation de l’humaine. Oh il avait toujours autant l’envie d’étrangler le Tarenth une fois pour toutes et de l’admonester pour les millénaires à venir quand bien même le monde toucherait à sa fin… mais soit, il ne pouvait nier ce qu’il avait vu, ce chemin qu’il avait mis de côté car trop peu probable et qui pourtant avait été le sien. Pouvait-il recommencer cela ? Il semblait bien que oui. Cette fois Edwyn Ruddy avait décidé d’être contrariant dans le bon sens et Vie était prêt à le lui accorder.

Il resta toutefois silencieux, attendant qu’il lui présente sa preuve et tourna finalement le regard sur l’humaine. Une alayienne, vénérant Néant quoi que sa foi s’effrita depuis des mois avec le tatouage à présent disparu. Une alayienne qui était partie pour sauver sa vie. Ses enfants… quels enfants cracheraient ainsi sur le cadeau donné et sur celui qui leur avait donné. Qui cracherait sur Vie ? Et sur Mort ? Et sur tous les autres. Son frère, son bien aimé frère… il était ironique de voir que les mortels prétendaient détester Mort, le craindre, lui le plus doux de toute la fratrie alors qu’ils le souillaient lui en disant l’aimer. C’est parce qu’il était leur créateur qu’il avait été blessé et précisément pour cette raison qu’il n’avait plus foi en eux. Il resta un moment silencieux, puis détourna les yeux vers le plan mortel une fois de plus, un long moment, semblable à une éternité dans un sablier. Puis il revint au Tarenth et à l’humaine. « Tu n’as pas à me convaincre effectivement. Et tu sais pourquoi ? » Un instant il s’interrompit, l’équivalent de la reprise du souffle d’un mortel « Parce que tu l’as déjà fait » Il mima le geste d’ouvrir sa main et de la regarder, sachant que le Tarenth l’imiterait comme demandé. La roche qu’il lui avait donné et qui l’avait dégoûté, qu’il aurait voulu jeter, avait été remplacée par la gemme qui n’ornait plus sa personne. Le but de leur irruption intempestive au cœur de son domaine. Il aurait pu ne pas l’accepter mais aurait alors refusé la gemme du même coup. Cependant, alors qu’il allait reprendre la parole, ouvrant déjà la bouche, il la referma et, pendant un instant, sembla froncer sensiblement les sourcils blancs qui surmontaient ses yeux intemporels. Quelque chose dans le plan astral trembla sensiblement. « Il a Dévoreuse » lâcha-t-il simplement, les mots sonnant comme un jugement fatidique.

D’un instant à l’autre cela débuterait désormais. « Tu n’arriveras pas à temps. Mais je le savais. Tu as la gemme désormais, nous verrons bien si vous me décevez une fois encore… ou si vous parvenez à me rendre enfin fier » Une vibration profonde sembla de nouveau parcourir le plan astral. Vie s’avança à nouveau. Posant son regard sur Maude, il lui confia quelques paroles, bien choisies. « Va là où git la couronne enterrée » Et, se tournant vers Edwyn, il planta son regard dans le sien avec dureté. « N’oublie pas ce que tu m’as montré ici et ce que tu as vécu. Je ne veux plus voir ce qui t’a lié à lui… Tu es toi, aussi outrageant que cela soit. Mais cette obscurité-là n’a pas à reparaître. Je te regarderais. Et puisque tu as tant risqué pour Armanda, si cet avenir doit avoir lieu comme tu le promets, transmet tes connaissances » Ils partagèrent un instant un long regarde, l’Esprit ne lui permettant pas de se détourner. Même si un chemin avait si peu de chance d’être emprunté, il existait. Ils savaient tous deux, ça suffisait. Autours, et au dehors, les choses s’accéléraient et les chimères se faisaient impatientes et entreprenantes… Le déséquilibre approchait à grand pas. « Allez maintenant » Il leur fallait repartir tant qu’ils le pouvaient, lui les observait toujours et les aiderait, pour cette fois… Et au moment où ils le firent, une note aiguë transperça la tranquillité de son palais.

Edwyn devait répondre à l'esprit qui semblait douter de l'utilité de sauver ses propres créations, comme si après qu'elles l'aient déçu il ne valait plus la peine de les laisser vivre... Cette pensée manqua de la révulser au plus haut point si ce dernier n'avait pas décidé de laisser une possibilité de dernière chance. Néant faisait pareil avec ceux qui ne croyaient plus en lui, ne le vénéraient pas ou se détournait de la voie qu'il avait décidé. Une sorte de désir égoïste ramenant au final les armandéens au même stade que l'Alayienne déchue sauf qu'à sa différence eux continuaient à croire en lui, tandis que Maude s'était détournée de Néant au même titre que ce dernier l'avait fait pour elle.

Edwyn - ou plutôt le Tarenth puisque c'était visiblement ce qu'il était, même si Maude avait un peu de mal à imaginer ce que ça pouvait être comme genre de créatures - finit par commencer son discours destiné à convaincre celui qui se présentait comme l'esprit de la vie des Armandéens. Aussi, même si elle préférait largement qu'il l'oublie pour éviter de s'attirer quelques foudres véritables dans le derrière, mais au final n'était-elle pas là pour aider à récupérer cette fameuse gemme pour "sauver le monde" ? Même si celà signifiait juste être exhibée, ce n'était pas vraiment un prix cher à payer - ne se rendant pas vraiment compte qu'elle l'avait déjà payé justement - le problème n'était pas vraiment là, mais plutôt cette sensation de picotement qu'elle ressentait quand il se saisit de sa main, un peu comme une sorte de fourmillement pourtant pas désagréable qui ne manqua pas de teinter sa peau d'une couleur étrange et inquiétante comme si cette magie qui gorgeait le corps du Tarenth était contagieuse. Ce n'était pas vraiment le moment de jouer la timide, ainsi elle attendit la fin de la tirade ou il la mit sur le devant de la scène sans autre forme de procès. Au moins pour une fois on ne tentait pas de la tuer !

Le monologue se termina enfin, et dès qu'elle pu retirer sa main de celle du Tarenth, la pauvre Alayienne ne se gêna pas pour le faire, la massant avec force comme pour tenter de faire disparaitre l'étrange sensation causée par la magie de ce dernier. L'esprit Armandéen finit par prendre sa décision, décision qu'il avait visiblement prise depuis un moment car il remit presque aussitôt la gemme dans les mains du Tarenth. Mais une étrange vibration vint couper le moment tant attendu et pour lequel ils avaient fait ce trop long voyage... Il avait Dévoreuse ? QUi avait dévoreuse ? Le sang de l'humaine ne fit qu'un tour, c'était donc cet artefact qui serait la cause de la fin du monde tant redoutée ?!

"Dévoreuse ?!"

Non ce n'était pas possible, elle avait mal entendu. Elle avait disparue ! Et même si l'armée Alayienne avait des hommes qui la cherchaient activement, aux dernières nouvelles ils ne l'avaient pas retrouvée, et malgré sa crainte de la magie, Maude espérait que jamais elle ne puisse tomber entre des mains destructrices quand on connaissait plus ou moins la puissance que pouvait avoir ce petit objet : celle de détruire toute magie sans exception et tous les êtres qui y étaient liés. Peut-être même qu'elle pouvait détruire un esprit en y repensant. Ce qui mettait ses deux compagnons d'infortunes qu'elle avait suivit bon gré - mal gré étaient des cibles de choix pour quelqu'un qui désirait utiliser cet artefact. Le Tarenth savait-il cela ? Était-ce pour cela qu'il s'était approché d'elle ? Parce qu'il savait qu'elle n'avait pas de magie en elle et qu'ainsi elle ne serait pas vidée de ses forces pour nourrir la dévoreuse avant d'avoir le temps de faire quoi que ce soit ?
Maintenant il y avait vraiment de quoi craindre le pire ! Et bien entendu il était temps de partir de cet endroit, et avec un peu de chance réussir à trouver cet artefact. Oui, il n'y avait pas vraiment de temps à perdre ! Mais avant qu'elle n'ait pu rajouter quoi que ce soit, l'esprit s'adressa à elle... Aller ou git la couronne enterrée... Mais quelle couronne ? Celle de l'empereur des hommes ? Ou alors était-ce une métaphore pour signifier autre chose ? Son regard se posa sur l'être de magie, remplit d'une incompréhension presque palpable. Mais elle n'eut pas le temps d'en demander plus que le glas d'un avertissement sonna dans la voix de l'esprit mais également directement dans le plan Astral par des vibrations qui n'avaient rien de rassurantes, comme s'il menaçait de se briser sous une force inconnue et violente en les emportant avec lui.

L'esprit leur ordonna de partir... Maintenant sans pour autant avoir répondu à toutes les questions muettes qui étaient transmises par son regard. Elle aurait eut tant à lui demander dans d'autres circonstances, tant à apprendre si elle n'avait pas été autant pressée par le temps ou si au moins elle avait pu comprendre comment ils étaient arrivés ici et qu'elle n'avait pas manqué un épisode. Reviendrait-elle ? Elle en doutait... Alors la seule chose qui pouvait lui rester à faire c'était de graver cette image dans sa mémoire, de la graver pour mieux se la remémorer et essayer d'en décrypter tous les mystères plus tard. De se souvenir de ces mots qui pour le moment n'avaient pas grand sens mais qui n'avaient pas été prononcés à la légère.