L’été, saison étrange au cœur des montagnes du nord. Saison éphémère également, si courte, à peine un mois ou deux, durant lesquels les hommes de Glacern s’agitaient beaucoup, la cité se transformant en fourmilière de vie et de précipitation, chacun cherchant à en faire le maximum pendant qu’ils le pouvaient, en prévision des périodes d’intense gel de l’hivers rude qu’ils expérimentaient pendant une majorité de l’année. Une grande partie des chasseurs étaient déjà en route vers le sud afin de prendre la relève de ceux rentrés durant les premiers dégels et à présent, seul une petite poignée des élus de l’année restaient encore, semblant s’attarder pour une raison ou pour une autre. Le reste de la population avait troqué ses armes contre les outils de la chasse, de la pêche, de la construction et des récoltes diverses… car après tout, au nord, il n’y avait pas de classe distincte de guerriers et de civils, mais un ensemble homogène et polyvalent qui fonctionnait avec la fluidité des ans. Cette année, les réserves seraient pleines à craquer et c’était une bonne chose car ils avaient eu des temps difficiles. Les forges fumaient, feus ronflants profondément alors que les artisans reforgeaient des armes dignes des tueurs de vampires de la cité de Glace. Au loin, le bruit des pics se renvoyait en écho, provenant de la face sud de l’immense muraille entourant la ville dont on rénovait un morceau avec le savoir-faire transmit de génération en génération. On s’interpelait, se hélait en pleine rue et les places étaient garnies de monde, tous fort occupés à leurs multiples tâches. De lourds chariots contenant les matières premières destinées aux différents pôles de constructions faisaient une navette incessante, nuit et jour, entre l’extérieur du val et la citadelle. Glacern débordait soudain de vie, là où les frimas de l’hiver la désertait en apparence, obligeant les habitants à s’enfermer à double tour le plus clair du temps pour échapper aux tempêtes de neige et aux coups de gels qui pouvaient tuer un homme rapidement.

Aujourd’hui, il neigeait simplement, une lourde et profonde tombée mais qui ne gênait personne. La neige n’était, en été, par l’ombre d’un ralentissement ou d’une menace quelconque. En hiver, certes, elle était très encombrante surtout lorsque l’on aérait les intérieurs, mais pas en ces instants. Certains Nordiques se présentaient même torse nu, allant et venant sous les flocons comme si ils ne les sentaient pas le moins du monde. La majorité restait couverte cependant mais ne s’embarrassait pas de lourdes peaux ou de vêtements fourrés. Tout comme lui, ils allaient, en chemises et pantalons, bottes de cuir, vaquant à leurs affaires sans remarquer que le monde autour d’eux se couvrait d’un lourd manteau blanc et froid. Le froid était une habitude qu’ils prenaient tous depuis la naissance et qui les suivait durant toute leur vie… Pour eux, il ne faisait pas si froid, à peine frais, il faisait bon et c’était exactement l’atmosphère dans laquelle il fallait travailler, dans cet univers entre deux saisons. Plein de détermination et d’enthousiasme, rien n’aurait pu les empêcher de poursuivre leurs vies aussi tranquillement qu’un nordique était capable de le faire. Parfois, l’un d’eux s’ébrouait pour ôter la neige qui s’était accumulé sur ses épaules et ses cheveux et repartait à l’assaut de ses tâches avec une flamme renouvelée. Oui, la vie bouillonnait soudain avec une force sans précédent et pourtant dans cette agitation, il ne trouvait, et ce avec amusement, absolument aucune indication que ses confrères aient en mémoire le jour un peu spécial qui les attendaient. Aucun nordique au sein de la cité ne semblait avoir souvenance qu’une délégation impériale devait les rejoindre au cours de la journée. Une visite singulière et surprenante il fallait bien le dire, surtout lorsque l’on pensait que cela faisait deux générations qu’aucun souverain n’avait osé franchir le désert pour venir séjourner auprès d’eux.

Non sans raisons, bien évidement. Glacern était loin des sièges de pouvoirs du sud, reculée, son accès était extrêmement difficile et le climat local était sans pitié pour les constitutions délicates. Rien qui pouvait attirer les nobles des terres chaudes donc, d’autant que le caractère singulier des hommes du nord ne les prédisposait pas à recevoir courtoisement n’importe quel étranger, fut-il Empereur. La communauté était extrêmement soudée mais les étrangers n’étaient pas les bienvenus. Et pourtant il avait gracieusement accepté de recevoir cette jeune tête couronnée. Trop jeune disaient certains, lui y comprit. Trop jeune mais avec suffisamment de cran pour monter jusqu’à eux… c’était à respecter, aussi le recevraient-ils comme il se devait. Les nobles qui les accompagnait seraient très certainement surpris voir désappointés, mais cela ne leur ferait pas de mal de vivre une saine existence pour quelques jours. Ce n’étaient nullement la pensée l’enfant ou de ces fats qui l’indisposait et qui fronçait ses sourcils, tandis qu’il se tenait, bras croisés, sur la terrasse extérieur du bastion sud, observant l’étendue de la vallée de Tombeneige d’un œil critique. Non ce qui l’indisposait légèrement c’était la pensée que ces inconséquents aient emmenés une gamine avec eux. Une fille, encore jeune et qui aurait certainement du mal à vivre au milieu d’eux… Il n’avait pas pu exiger qu’elle reste au sud évidemment et n’avait pas tenté de le faire, mais il n’en pensait pas moins. De son perchoir, il regarda le cortège royal s’engageant dans la vallée, avançant lentement vers la cité, passant les portes gargantuesques ouvertes pour eux et, lentement, conduire en direction du palais des loups du nord, le bastion intérieur. Le convoi était moins imposant qu’il n’avait craint, ce qui n’était pas plus mal… mais avec de pareils véhicules ? Il pariait que le voyage avait dû être des plus inconfortables…

Valter les accueillait dans l’enceinte du bastion, et c’était avec une pointe d’ironie qu’il s’imaginait les nobliaux admirant l’austère beauté mariale de la forteresse Svenn en lieu et place de leurs pitoyables imaginations. Lui ne se montrerait pas encore. Occupé, que l’on dirait. En affaire importante. Oui plus importante que de faire des courbettes au souverain humain. Il surveillait… Valter les accommoderait, donnerait les chambres, joueraient les guides et les hôtes de marque aussi bien qu’il le pouvait. Il était meilleur à ce jeu-là. Lui attendait… Là ! Enfin ! Alors que la soirée débutait, tôt, venteuse et neigeuse. Enfin ! Elle était de retour, le feu d’alarme le prouvait. Elle était rentrée, avait réussi. Il se détendait alors enfin et décida de rentrer. A cheval, il regagna le bastion afin d’y prendre du repos et de rencontrer ses hôtes.

Le palais des glaces était un lieu austère et fonctionnel avant tout, qui se départissait des châteaux de nobles du sud comme un loup des moutons. De pierres façonnées et gravées avec un savoir-faire antique, il ressemblait davantage à une forteresse miniature qu’à un palais, et était pensé de façon à être aisément défendable en cas de chute du reste de la cité, dernier rempart avant la fin. Ici, il n’y avait guère de fioritures ou de débauche de luxe, les rares touches de décorations cependant étaient d’un goût étrange, des statues ou des représentations gravées dans la roche entre autre. Cependant, si la décoration n’était pas tellement au goût des Nordiques, le palais conservait très bien la chaleur, et possédait des cheminées immenses où grondaient des feux lors des longues soirées d’hivers, ainsi qu’une vue imprenable sur le paysage extérieur. Pour l’instant les cheminées ne contenaient que des feux réduis, une courtoisie envers les étrangers dont les natifs se seraient relativement bien passé. Les pièces étaient meublées selon leur usages, les objets souvent de bois étaient des merveilles de travail sans pourtant suinter d’un luxe quelconque : là encore aucune grandiloquence, on ne sentait le luxe que dans le choix du bois de travail et le travail fait sur celui-ci, rien de plus. Et le hall de réception ne dérogeait pas à la règle, avec ses puissantes tables en U, faisant face à la cheminée. Les tables regorgeaient de victuailles préparées en des recettes typiques du nord. S’ils n’étaient pas adeptes de l’opulence dans le luxe, ils garnissaient cependant plus que largement les tables : des pains en nombre, notamment des pains d’orges, des soupirs d’orties et de viande, des ragouts de lièvres, de petits oiseaux aux noisettes et aux amandes, pains de viandes et épices, pains de miel, cochon rôti au feu de bois, confi, miellé, civet de sanglier à la bière, Cerf grillé au jus d’airelles et compote d’oignon et épices, cylindre de bœufs aux pommes, des saumons, truites, anguilles et autres poissons, ainsi que de nombreux fromages et boissons, de l’hydromel noir au lait en passant par la bière et l’eau de vie… Il y avait largement de quoi nourrir tout le monde, même les plus gros mangeurs de l’assemblée en la personne des patriarches des maisons de Glacern.

A la table centrale, table d’honneur, siégeait, bien entendu, l’Empereur ainsi que le seigneur de l’hiver et ses vassaux, les quatre maîtres des maisons régnantes : Reed, Anstar, Cerwyn, Elusis. Tous de fiers nordiques, faisant hontes à tous les guerriers sudistes présent par leurs carrures et la force qu’ils dégageaient, les cicatrices qu’ils arboraient. Venaient également son frère, Valter Svenn et sa sœur Alrune, une femme de poigne, aussi grande que lui, aux cheveux d’un noir d’ébène attachés en des dizaines de longues tresses qui retombait sur l’armure dont elle ne se séparait jamais. Elle ne semblait guère apprécier la venue de ces étrangers et n’avait guère montré de courtoisie à leur égard, en dehors de la petite princesse, charmée de découvrir une jeune fille dans cet univers masculin qu’elle détestait. Les autres tables étaient réservées aux invités et aux nobles nordiques ainsi qu’aux principaux tueurs de vampires et artisans de la cité dont l’importance était aussi grande que celle des couronnés. Les discussions allaient bon train, dans une atmosphère conviviale et détendue quoi que quelque peu sobre sans aucun doute. La majorité des nordiques parlaient dans leur langue à eux, plaisantant et débattant de choses et d’autres, alors qu’à la table principale, la courtoisie était bien davantage de mise, les seigneurs parlant aussi bien le Glacernois que la langue commune qu’on leur apprenait dès la naissance, possédant simplement un accent plus ou moins léger en fonction de la fluidité avec laquelle il maniait ledit langage. Havard lui-même se faisait aisément comprendre bien qu’il ne daigna pas parlé autant que ses compères, se murant dans un silence relatif. Il n’était pas très causant de nature et faisait déjà un gros effort pour entretenir son invité principal sans avoir l’air d’avoir une rage de dents. A l’image de ses pairs, il s’était vêtu sobrement, presque austère en comparaison des sudistes, d’une chemise légère et brodée aux manches et au col de fils pâles, d’un pantalon de cuir et de botte de même matière. Ses longs cheveux étaient retenu en queue de cheval simple, dégageant son visage.

Même ainsi cependant, il avait beaucoup trop chaud. La présence de ses invités l’empêchait d’éteindre les feux mais il se sentait relativement peu confortable alors que le temps à l’extérieur était si clément. Cependant, il semblait le seul véritablement dérangé par cela. Le reste de l’assemblée, du moins nordique, vaquait à son occupation comme à son habitude. Hommes et femmes se mélangeaient, riaient et discutaient, laissant la bière couler à flot. Ils se frappaient parfois l’épaule ou le bras, dans un éclat de rire. La plupart étaient blonds, certains roux et portaient les cheveux longs, qu’ils soient hommes ou femmes. En armures ou en chemise, ils ne se maintenaient pas raide comme des piquets, et d’ailleurs ils avaient du mal à se maintenir tout court, ayant la bougeotte. Ils ne craignaient rien mais plus que cela, ils étaient fiers d’eux-mêmes et se fichaient des regards des sudistes. Parfois, lorsque l’un d’eux captait le regard de la princesse, ils lui adressaient un signe ou un clin d’œil, pas gênés pour un sous d’être ainsi observés. Si les sudistes avaient tendance à se mettre naturellement à l’écart de la vie du hall festif, c’était bien leur problème, et certainement pas celui des Nordiques. En revanche, ceux qui tentaient une approche étaient reçu relativement courtoisement, bien qu’une distance exista toujours. Et c’était également ainsi qu’ Havard se tourna vers la jeune princesse lorsque celle-ci lui adressa la parole, l’observant de son regard clair avec une politesse fraiche mais dénuée d’antipathie. Ce n’était qu’une enfant, il n’allait tout de même pas la mordre ! « C’est un plaisir de voir la famille royale s’intéresser à Glacern, et une agréable surprise que ce voyage  » Les intonations rauques du nord se faisaient moins entendre dans son parlé après les années passées au sud, et il infléchissait relativement bien la langue commune.

Flatteries que ses mots, mais venant d’une si jeune fille il se refusait à croire qu’il ne s’agissait que d’un moyen de l’amadouer. Elle semblait sincère. C’était au moins ça. « Et bien en ce cas j’ose espérer que vous profiterez pleinement de votre séjour. Vous n’aurez certainement pas l’occasion de revenir ici, mais tant que vous séjournez parmi nous, vous nous trouverez tout disposés à vous servir de guide.  » Il eut un signe vers Gregorsit « Si votre frère est d’accord, bien entendu. Et si vous nous indiquez ce que vous désirez voir évidement. Je peux vous fournir guide et protection partout dans ces montagnes  »

Si il était peu convaincu des paroles de cette jeune princesse il eut cependant le bon goût de ne rien en montrer. Après tout, il n’ignorait pas quel surnom était attribué à la cité des glaces dans les rares cercles au fait de son existence. L’oubliée, qu’on l’appelait. Et effectivement Oubliée elle était, quand bien même sa puissance militaire était la plus efficace du continent, un corps d’élite formé de la meilleur des façons et farouche, n’attendant que de défendre le royaume ; bien qu’elle abrita certaines des familles les plus nobles et les plus pures de l’Empire, bien que les Svenn eux-mêmes aient une part de sang bleu dans les veines et un titre équivalent à celui des Ducs. La ville était loin de tout et dédaignait cordialement et de longue date les conseils et la cour, la politique et tout ce qui s’ensuivait. Disposant d’une grande liberté, elle n’avait que faire du reste du monde et s’en portait très bien. Cela dit, cette situation n’étayait guère l’affirmation de cette enfant au sujet de l’intérêt porté à la ville qui s’avèrerait certainement extrêmement secondaire quand l’on savait que cela faisait plusieurs générations qu’aucun échange à hauteur de leurs rangs n’avait été fait. Pas de mariage, pas de pupilles, pas de présents, rien nada… Hors Havard comptait bien à terme changer cela. Si il n’appréciait pas vraiment la perspective d’un lien avec le sud et qu’il tenait en pauvre estime ses habitants, il était tout de même de bon ton de sortir la ville de sa bulle et de se tailler de nouveau une place dans le monde extérieur. Et sous ses dehors bourrus et francs, il se savait aussi bon politicien que n’importe lesquels de ces imbéciles sudiers, il disposait même d’un atout de choix : tous le sous-estimait.

Préservant donc poliment ses pensées, il observa cette jeune personne qui, effectivement, avait l’air singulièrement curieuse. Il échangea un regard avec Alrun, qu’il savait aux écoutes depuis que la petite lui avait adressé la parole, avant de reporter son attention sur son interlocutrice des plus volubiles. Et bien c’est qu’elle en avait des choses à dires. De n’importe qui d’autre, sans doute aurait-il été moins patient, mais ce n’était qu’une enfant et le sujet lui seyait suffisamment pour qu’il contienne son caractère difficile et glacé. C’était, d’une certaine façon, fort amusant de la voir babiller… car elle n’avait absolument pas conscience de certaines vérités inhérentes à ce haut lieu. Comme le fait qu’ils étaient extrêmement xénophobes à l’égard des étrangers, même humains et qu’elle avait bien de la chance d’avoir été si aisément acceptée parmi eux. Sans doute du fait de son jeune âge, puisque les loups nordiques avaient une nette tendance à adorer les gosses qu’ils soient d’eux ou non. La tolérance était un met rare en ces lieux, par bien des aspects. Il existait une totale égalité des sexes et ce depuis toujours à Glacern, mais d’autres affrontement n’avaient de cesse de se prolonger, comme la réticence qu’ils avaient à voir des mages en leurs demeures. Désormais, on en tolérait une minorité dans les cercles utilitaires de la cité, mais pas encore au cœur du palais des glaces. En vérité, ils ne seraient certainement jamais tolérés là. Mais ce n’était qu’un exemple parmi d’autres.

Plus d’une fois, il arqua le sourcil, mais ne fit de commentaire que lorsqu’elle se tue enfin, après une gorgée d’un hydromel couleur de sang et au cassis si fort qu’il en dégoûtait des palais plus délicats que le sien. C’était cependant excellent pour la santé et il ne cessait de s’en adjuger un flacon à chaque repas. Reposant alors sa coupe taillée, il répondit, tranquille malgré l’épreuve que subissait ses nerfs face à une telle boite à paroles. Là encore, sa jeunesse était pour beaucoup dans la détente du seigneur du nord. A tel point d’ailleurs que sa sœur en souriant sous cape. « Je ne suis pas des plus prolixes effectivement. Passer son temps en chasser des vampires ne rend pas loquace. Mais j’apprécie votre passion pour Glacern. Elle est hautement partagée et vous ouvrira bien des portes » Un fin sourire cueillit ses lèvres « Je ne cacherais pas d’ailleurs que la majeur partie de mes pairs souhaiterait voir un peu plus de nos manières chez vous autres, sudistes. Cela dit ils ne sont pas non plus les premiers à briser la glace, en règle générale. Vous semblez leurs plaire énormément » Il pencha légèrement la tête, son regard se détournant vers l’une des tables en contrebas ou deux hommes s’interpelaient de vive voix « Glacern mélange tous les rangs. Ici les nobles s’échinent autant que les petites gens. Et si ma maison règne sans partage c’est avant tout parce que chacun d’entre nous se mêle à eux, qu’il s’agisse de banquets ou de batailles. En temps normal ces tables sont en carrés, et nous ne sommes pas placés plus haut que les autres, nous mangeons et buvons de la même façon, et nous rions tous ensembles. Ils n’en oublient pas pour autant qui je suis, ni moi ni mon frère, et encore moins ma chère sœur »

L’interpelée soutint l’affirmation en lui décochant un coup dans l’épaule par-dessus Esmelda qui lui tira un nouveau sourire. « Notre cité est régie par un ordre extrêmement militaire. Ici chaque jeune est enrôlé à l’âge de cinq ans qu’il s’agisse d’une fille ou d’un garçon. Quelle que soit sa naissance, il obtient une éducation exemplaire et se voit offrir sa chance. Chacun de nous exerce un métier en plus de son service militaire, y compris les nobles. Mon frère est un excellent chasseur. Ma sœur dirige les veilleurs de la vallée. Moi-même ai appris la forge très tôt. Les armes sont obligatoires et pour une bonne raison. Chacun à tour de rôle nous quittons la cité pendant un an, afin d’effectuer les purges aux vampires dans les marais de l’est et les terres limitrophes de l’Empire. Mais je ne m’étendrais guère là-dessus, il y a moins sinistre et vous arrivez en bonne période. Ici l’été ne dure pas longtemps mais il est riche en activité : remplissage des réserves, réparations, artisanats… Cette année nous rénovons même une partie de nos murailles afin de les maintenir forte » Il désigna les plats « D’où cette abondance. En hiver il est presque impossible de quitter nos demeures, en dehors des rares groupes de garde qui maintiennent une surveillance. Et nos tables sont bien plus pauvres. La nourriture et la chaleur ont ici bien plus de valeur que les bijoux et les tissus précieux. De même que les actions et le sang versés primes sur les titres ronflants » Son regard de gel se posa lourdement sur le conseiller siégeant près de Gregorist. Il ne cachait pas son dédain mais avait bien autre chose à faire que de s’appesantir sur lui. Il retourna à la princesse. « Saviez-vous que nous possédions nos propres loi ? »

On lui avait effectivement dit que les banquets Glorien avaient de quoi vous déprimer. Le peu de ses nobles qui voyageaient aussi loin au sud revenaient souvent épouvantés et catastrophés, refusant d’y retourner avant plusieurs années tant ils restaient désabusés et marqués par la sottise de la noblesse du sud. Et il les croyait sur parole à vrai dire… Lui n’ayant aucune envie de descendre voir, il était bien obligé après tout. Le sud ne lui allait vraiment pas, si il quittait Glacern c’était uniquement pour la chasse aux vampires et rien d’autre, cela suffisait déjà amplement. D’autant qu’il n’aimait pas l’idée de laisser son frère seul à la tête de la cité, et Alrun n’était pas toujours disponible pour se charger de la besogne. C’était son frère certes, mais comme seigneur protecteur, c’était un incapable de premier ordre. Peu s’en fallait parfois qu’il ne le pense atteint par la contagion sudiste en vérité, bien qu’il se garda de telles extrémités, n’ayant rien à gagner à l’humilier de telle sorte. Mais certes, Gloria gagnerait à ressembler à leurs hauts-lieux, ils ne l’affirmaient jamais assez… « Et bien peut-être contribuerez-vous à changer quelque peu les mentalités » Ne faisait guère cas de sa soudaine hésitation, il la laissa continuer ses diatribes, curieux il devait bien l’admettre d’en savoir un peu plus. Se penchant donc sensiblement vers elle, semblant de l’extérieur l’envelopper de sa carrure, il tendit l’oreille avec l’ombre du plus infime des sourires.

Ainsi elle ne tenait pas en place. Elle était donc parfaitement accordé à sa cité semblait-il, où les individus ne supportaient guère de rester planter comme des piquets et en devenaient rapidement complètement fou. Même pendant les longues journées hivernales où il était impossible de sortir à l’extérieur ils s’arrangeaient pour bouger et s’occuper, souvent en s’entraînant ou en s’occupant de l’éducation des jeunes, des milles tâches d’intérieurs nécessaires à la vie en communauté. Comme la cuisine. Nombreux étaient les soldats sachant cuisiner ce qui était toujours plus appréciable que de n’avoir qu’un bout de viande à moitié carbonisé dans l’estomac. Lui-même ne s’en tirait pas trop mal, bien qu’il ne fut pas particulièrement doué pour la plupart des plats les plus communs. Mais c’était toujours mieux que sa sœur qui définitivement se refusait à cuisiner correctement tout en en étant parfaitement capable. « Bien sûr si vous le désirez. Je dois de toute façon remplir ma part du travail comme nous tous. Si vous désirez examiner nos forges de près et en apprendre davantage sur nos techniques vous êtes la bienvenue. Nous avons des techniques de renforcement des armes qui ne se trouvent nulle part ailleurs mais notre artisanat ne se limite pas du tout à cela… » Leurs créations se devaient d’être résistantes après tout, pour survivre au climat et à l’utilisation souvent longue et drastique.

En la voyant ouvrir de grands yeux à la mention des chasses aux vampires, il eut un bref rire rauque, semblable à un grondement de loup. « Elles sont souvent meilleur que nous autres, croyez moi. Une louve de Glacern peut se montrer aussi féroce qu’un dragon, j’en témoigne volontiers » Nouveau coup à l’épaule de la part de sa sœur justement, qui pourtant arborait un sourire fier. Il ajouta, redevenu sérieux après cette accolade parfaitement normale. « Puisque nous en sommes aux confidences, sachez que je compte faire hériter ma fille » Lourd silence à la table de tête, alors qu’il reprenait sa coupe pour boire, imperturbable. On lui jetait des regards torves ou courroucés, ou simplement incrédules, tous de la part des sudistes… qui semblaient estimer qu’il avait perdu la tête. Lui les ignora, impérial, alors qu’il poursuivait. « Elle est encore jeune mais nous feras parfaitement honneur j’en suis certains » Plus que son fils d’ailleurs mais c’était une autre histoire. Katrinn était une jeune fille pleine d’avenir et de promesses et il s’émerveillait en silence de la voir fleurir en une femme au port de reine et bien digne de l’être. Lui n’aimait pas les couronnes mais elle irait cependant parfaitement à sa fille…. La marier à Gregorist cependant ? Certes il aurait eut enfin quelqu’un pour lui secouer les puces. Mais savoir sa précieuse fleur des neiges partie pour Gloria ne lui était pas doux. Sauf si elle le désirait évidemment ce qui n’était pas encore le cas.

« Je vous y encourage même» Et c’était parfaitement vrai. Ça non plus ne ferait pas de mal. Il reprit donc avec calme. « C’est un privilège accordé aux nôtres, notamment en raison de la distance d’avec le centre névralgique de l’Empire. Nos lois n’ont guère changées depuis la création de Glacern en vérité, l’on ne s’est adjugés que de quelques modifications et précisions avec le temps passant. Comme vous devez le savoir, il est strictement interdit d’user de magie à l’intérieur du palais et elle n’est tolérée qu’au cercle extérieur près des murailles. A l’origine cependant Glacern n’était pas soumise à cette interdiction. A l’image de celle-ci cependant nos lois sont faites pour appuyer avant toute autre chose notre mode de vie. L’exemple le plus flagrant en dehors de cette loi sur la magie est sans doute notre justice. Ici l’or ne vaut pas grand-chose, si un fou désirait en voler sans doute mes pairs le laisserait-il faire sans même sourciller. Mais le vol de victuailles dans une ville aux ressources limitées et partagées équitablement sous rationnement est un crime extrêmement grave, aussi grave qu’un meurtre car s’est peu ou prou son équivalent. Les vols de ce type provoquent l’exile de la personne hors de nos murs. Il appartient alors à la garde noire que commande ma sœur. Les gardiens de la passe. Ils ont interdiction de revenir à l’intérieur de la ville avant d’avoir terminé leur service obligatoire. Quant aux meurtres… » Il resta un instant pensif « Et bien cela fait longtemps que nous n’en avons pas eut. Il me semble avoir décapité quelqu’un pour un tel crime l’année de mon accession au titre de seigneur protecteur mais c’est tout… » Il continua de lui parler de leurs lois, le port obligatoire des armes, le service militaire, le partage des biens, les nombreux services de la cité… et évident la fameuse interdiction de tuer un loup, emblème de la maison souveraine des lieux.

Oh il la croyait, il suffisait d’observer ces imbéciles de conseillers impériaux et ces nobles trop gras pour comprendre que le sud n’était pas des plus ouverts. Le nord non plus, à sa propre manière, ne l’était pas évidement mais il avait au moins les yeux un peu plus en face des trous. Ils n’appréciaient pas les autres races, en particulier les elfes et les dragons et ce de par l’histoire qu’ils partageaient avec eux et par la façon dont ils les jugeaient. Ces êtres de magie pure, ils n’avaient absolument aucune confiance en eux et n’en aurait certainement jamais dans l’avenir. On ne pouvait tout simplement pas faire confiance à des êtres empoisonnés par une magie qui leur montait à la tête au point de les faire se croire invincibles et intouchables. La magie était l’invitation au manquement le plus profond par ce qu’elle admettait… mais les mages n’étaient pas les seuls qui n’étaient pas les bienvenus. Les étrangers en général n’étaient pas bien vus dans cette ville repliée du monde extérieur et son air martial… Les Elanéens étaient relativement acceptés, car ils possédaient quelques racines communes et un mode de vie semblable par plusieurs angles. Tout comme eux, ils n’étaient pas portés sur la magie, et les relations diplomatiques que le duché avait conservées depuis longtemps avec eux aidaient également beaucoup. C’était le seul ayant pris cette peine d’ailleurs. Les mariages n’étaient pas rares, qu’ils soient issus de la noblesse ou du peuple. La propre fille du duc avait failli être mariée à l’un des leurs voilà une vingtaine d’années. Autant de choses qui comptaient énormément pour eux et qui faisait pencher la balance. Mais malgré le manque relatif d’ouverture des leurs, ils n’avaient pas la bêtise de prétendre qu’une femme fut au-dessous d’un homme. En cela ils avaient de l’avance.

« Et un plaisir pour moi de vous les présenter. Vos questions ne sont en rien un problème. Il est toujours bon de se cultiver n’est-il pas ? »

Même les hommes du Nord aimaient à se cultiver à leurs manières et le faisait avec plaisir, bien qu’ils doivent évidemment se consacrer essentiellement à leurs devoirs et à leurs places respectives dans le grand cercle de la ville. Ils ne crachaient jamais sur une curiosité sainement dosée et sur l’attrait que la connaissance pouvait avoir si elle avait un but louable. Et puis il n’avait nul honte à admettre une fois de plus qu’il était très satisfait de la voir s’intéresser à Glacern et à son peuple, cela changeait agréablement de ces nobliaux qui les voyaient comme des barbares incapables de finesse alors même qu’ils en avaient souvent bien davantage que toute cette volaille. Il suffisait de voir leurs têtes lorsqu’il parlait de mettre sa fille sur le trône de l’hiver. Et pourtant ils seraient bien contraints de l’accepter en tant que telle car tout Glacern la reconnaissait déjà comme l’héritière légitime comme il se devait. Elle aurait le soutien de tous en ces lieux et la voix unanime de la noblesse nordique. Elle siégerait donc et aurait sa voix dans les conseils du souverain si elle décidait de prendre part aux affaires du sud…. Et ces hommes n’y pourraient strictement rien. Et lui, sur ses vieux jours, prendrait un plaisir malsain à les voir se faire rosser par son petit brin d’acier de fille. Elle parvenait déjà à diriger les gardes de la ville à la baguette, les sudistes n’avaient guère de chances. Néanmoins il faudrait attendre encore quelques années et la passation de pouvoir avant de jouir de ce genre d’évènements là car il comptait bien diriger sa cité jusqu’à ne plus avoir de forces.

« J’en suis fort aise. Il est bon qu’elle ait des soutiens et je suis persuadé que cela sera réciproque »

Après tout, il était persuadé que Katrinn proposerait de mettre cette jeune femme sur le trône de l’Empire que Gregorist soit là ou pas. Encore quelque chose dont il s’amuserait d’ailleurs. Oui les mœurs ne changeaient pas aisément mais donner un bon coup de pied dans la fourmilière se serait avéré une bonne idée, de temps en temps cela devenait nécessaire pour éviter les dérives de stupidité de certains. Oui sans doute était-elle effectivement née dans le mauvais royaume… Dommage, elle aurait parfaitement eut sa place en ces hauts lieux lui semblait-il. L’honnêteté n’était pas l’apanage des sudistes malheureusement et les Nordistes avaient tendances à l’employer à mauvais escient, lui le premier d’ailleurs puisqu’il manquait souvent de délicatesse lorsqu’il devait traiter avec le reste du royaume. Le vieux Darius en riait peut-être mais il n’était pas idiot, beaucoup grinçaient des dents dès qu’il s’agissait d’évoquer ses coups d’éclats. Oh ils étaient rudes effectivement, quel sombre crétin aurait l’idée de commettre un meurtre lorsque toute la ville se ferait un plaisir sans fin de le découper en rondelle pour avoir versé le sang des leurs ? Mais certes, cela tenait également à l’éducation et à la façon d’être des siens. Lorsque l’on canalisait la violence en soit vers des buts utiles et louables il n’y avait plus réellement à craindre de voir les hommes se retourner les uns les autres et ce même si certaines affaires le laissait à penser. On accusait parfois Anthelm d’avoir tué son père et d’avoir fait croire à un accident mais le seigneur du nord ne pensait pas le général capable de lever la main sur son géniteur. Il était encore plus engoncé dans son carcan de glace que lui-même après tout !

« Je vous souhaite bien du courage pour me faire change d’avis jeune fille mais je n’ai jamais été le dernier à reconnaître mes tords. Si vous y parvenez, vous aurez sans doute rendu un bon service au sud »

Et le reste de la soirée eut lieu en cette même gaité et cette détente que les nordiques affectionnaient hors de leurs devoirs. Et lorsqu’il fut temps d’appliquer le couvre-feu, tous se levèrent à temps, aidant à débarrasser les lieux en se mêlant aux serviteurs, surprenant et outrageant certainement une fois de plus les nobles sudistes sans vraiment y prendre gare. Ils n’en avaient même rien à faire pour la plupart. Et lorsque la salle fut propre, le maître des lieux proposa à la princesse de faire un petit détour avant de rejoindre les salles que l’on lui avait données. Puisqu’elle semblait curieuse et hardie et qu’il avait le grand plaisir d’être le seul de toute la ville à pouvoir braver le couvre-feu sans s’exposer à des remontrances, il lui proposa de l’accompagner un bref moment hors des murs de la ville par un passage dérobé après l’avoir fait se couvrir convenablement. Avec la nuit tombée tôt à l’extérieur et la température descendue de nombreux degrés et de ce fait encore moins supportable elle risquait effectivement de tomber malade, alors que lui-même restait en simple chemise, ne semblant pas manquer de tolérance à l’atmosphère glaciale à l’extérieur. La menant au travers du palais et par une porte dérobée dans la montagne, passant par un tunnel de roches, il la conduisit dans un enclot dissimulé, à ciel ouvert, entre les pics de la montagne, un petit cercle rocheux où se dressait le havre… Un lieu presque mythique, où les Svenn avaient autrefois posés la première pierre de la ville et avaient également découvert le cœur de glace, le secret du nord. Là se tenait un bâtiment unique, entièrement fait de gel

« Je vous en prie, visitez, mais faites attention à ne pas vous découvrir ou glisser »

Il ne tenait pas à ce qu’elle se fasse mal, ça aurait été gênant. Le bâtiment tenait comme par magie… car de magie il était fait d’une certaine façon, gravés des runes de ses ancêtres, il s’élevait, à la fois austère et immuable, à l’image de Glacern, mais également d’une exquise beauté, gravée de milles scènes de glace, d’entrelacs et de larges textes impossible à traduire pour la majorité. Mais le bâtiment n’était pas la seule chose glacée en ces lieux. Les fleurs l’étaient également, l’eau… Et au centre du cercle rocheux et du bâtiment se dressait l’autel du Nord…

« C’est ici que vos ancêtres recevaient l’allégeance des miens lorsqu’ils désiraient nous visiter lors des couronnements. Une tradition perdue »

Splendide cela l’était effectivement. Car dans l’obscurité de la nuit nordique le bâtiment semblait s’illuminer d’une lueur intemporelle, se diffusant depuis la glace même qui la constituait en un halo blanc-bleuâtre scintillant qui nimbait le cercle rocheux et les individus présents, projetant ombres et joyaux de glace sur la princesse et le seigneur de l’hiver, teintant la peau pâle d’illusions fantasmagorique. Le silence, en ces lieux, était étourdissant, assourdissant, d’une profondeur que seules pouvaient imiter les montagnes et la sauvage beauté de leurs flancs à pics. Leurs voix même, lorsqu’elles s’élevaient, semblaient promptement aspirées par le silence alentours, empêchant de troubler la quiétude de ce havre construit voilà des siècles. Et sous la voûte centrale du bâtiment, en forme de dôme, l’on pouvait clairement voir un ciel ornés de plus d’étoiles que les gens du sud n’en avaient sans doute jamais vu, brillant là comme des diamants glacés et lointains au travers d’une glace si claire qu’elle en était presque invisible et pourtant jetait un fin drapé diaphane sur la scène céleste. Oui splendide, et d’un paisible … Un paisible qu’il avait toujours grandement apprécié, surtout après son retour au pouvoir, lui rappelant diffusément les steppes de l’est et les voyages en compagnie de Roëric. Il y avait également une atmosphère particulière en ces lieux, un sentiment d’éternité et d’austère contemplation, d’une patience qu’il ne possédait nullement. Non il n’était nullement semblable aux rois de l’hiver qui avaient construit et fortifiés la ville… Il n’avait pas la magie et certainement pas l’immense puissance qu’elle soit militaire ou magique, la sagesse, qu’avaient les anciens. Non il n’était pas le fondateur de sa ligné mais s’en sortait avec les honneurs à tout le moins et c’était bien davantage qu’il n’aurait pu en demander.

« Non ils ne s’en donnaient pas la peine. Pendant plusieurs décennies après la perte de la magie par le départ des dragons cette ville s’est vue totalement oubliée ou presque, d’où son surnom. Mais même en excluant cela, rares sont les empereurs daignant faire le voyage » Il parlait d’une voix égale, basse, qui se répercutait à peine sur la glace du bâtiment, laissant une fine buée blanche apparaître chaque fois que son souffle franchissait ses lèvres. « Certains, plus éclairés que d’autres ont compris la nécessité de séjourner en ces hauts lieux mais ils ne sont pas si nombreux que cela. L’on nous prend souvent pour des servants devant obéissance et loyauté, sans se rappeler que nous avons-nous aussi du sang bleu dans les veines et que notre respect ne peut que se gagner qu’en largesses d’actes tangibles » Il posa une main sur l’autel hivernal au centre de la pièce « Cela dit je ne peux nier que les libertés que nous offre l’isolation sont bienvenues… Je suis simplement navré qu’une telle merveille ne profite pas davantage. Mais peut-être vous-même en aurez l’usage ? » Ce n’était qu’une hypothèse lointaine, et cependant si cette jeune princesse continuait de gagner le cœur de son peuple, ils seraient bien capable de crier à corps et à cris pour qu’elle se marie et soit potentiellement couronnée en ces lieux. Connaissant son peuple, ils étaient bien capable de cesser de reconnaître Gregorist au profit de sa sœur si elle se montrait à leurs yeux plus digne que lui. Les nordiques étaient des individus têtus après tout et il ne pouvait guère les blâmer de mépriser les sudistes en voyant les conseillers impériaux. Et cependant il n’avait pas amené la jeune fille ici pour comploter contre le souverain, il avait bien autre chose à faire de son précieux temps.

Les compliments lui tirèrent un cligne d’œil et l’ombre vague d’un sourire alors qu’il examinait la silhouette délicate de la jeune Kohan dans cet univers qui n’avait plus vu de son sang pendant longtemps. Elle semblait hors de propos, ce petit bout d’enfant, en ce lieu, et pourtant y avait sa place et l’appréciait bien davantage sans doute que ceux qui auraient dû y venir. Il hocha paisiblement la tête, faisant jouer sa chevelure le long de ses épaules, comme une traînée d’encre piquetée de blanc. « Et je vous remercie d’y accorder votre attention et de faire revivre ces lieux de votre mémoire et de votre présence. Aussi austère que soit Glacern, tout comme ce lieu, elle a été construite et pensée pour être habitée et vécue, par l’esprit comme par le corps » Oui, quoi qu’il méprisait effectivement le sud, il ne désirait pas voir son peuple s’éteindre et sa ville devenir une cité fantôme, dépourvue de tout éclat. Il voulait le meilleur pour son peuple, il voulait que les siens aient une véritable place en ce monde et une place qu’il pourrait nourrir de leurs labeurs, de leur constance… En vérité oui, son plus grand rêve aurait été de faire du nord un véritable royaume à part. Mais cela aurait voulu dire prendre la couronne pour lui-même et il n’en voulait pas à moins d’y être contraint. Etre roi ne lui était pas une douce perspective, bien loin de là et ce même si les siens le considérait déjà ainsi. « Oui j’ai été intronisé ici et mon père avant moi. Tous nos ancêtres l’ont été, car malgré notre statut de ‘Ducs’ nous sommes souverains des glaces à juste titre. La seule couronne que je désire d’ailleurs porter. La cérémonie était sobre, le faste n’est guère mon apanage. J’ai reçu mon titre des mains de ma tante, la dernière de mes aînées apte à me transmettre ce titre. Mon père et ma mère sont mort durant mon absence, lorsque je parcourais le monde. »

Il se souvenait de ce jour-là parfaitement bien. Ne l’oublierais certainement jamais. Un moment solennel et qui pourtant avait scellé un destin d’une extrême dureté pour lui qui aspirait à la solitude des grands espaces. Il se souvenait du poids de la charge qui lui était, presque physiquement, tombé dessus lorsqu’il avait prononcé son serment. « Ce lieu sert également de sanctuaire. Un lieu pour les mariages ou les cérémonies de veille aux morts. Pour certaines leçons également, notamment aux sujets des enchantements spéciaux dont bénéficies les nôtres pour remplacer la magie » Il n’en rajouta pas plus, alors qu’elle se tournait vers lui pour le rejoindre et un souffle bref semblable à un rire en la voyant tomber. D’un geste aisé et fluide, il se laissa glisser sur le sol de glace et s’approcha d’elle pour l’aider à se relever. La guidant vers l’extérieur du bâtiment, il la fit s’asseoir sur l’un des trônes extérieur fait de glace. « Je pourrais vous montrer, demain, la façon dont ce bâtiment a été construit et taillé, en plus de la visite aux forges »

N’en déplaise à la princesse, Havard nourrissait bien des doutes et des perplexités au sujet de cet Empereur-enfant. Il était extrêmement jeune et n’avait guère de poigne, et quoi que l’on en dise, et quelle que soit l’éducation reçue, reprendre jeune les rênes d’un royaume ou d’un duché était une plaie et d’une difficulté extrême. Il manquait de maturité mais au-delà de ce fait, il manquait surtout de beaucoup d’autres caractéristiques qui ne venaient qu’avec cet âge qu’il n’avait pas… Il pouvait s’en sortir passablement tout en restant honorable mais cela ne suffirait que jusqu’à un certain point au-delà duquel il risquait sa peau. Car oui, le seigneur du nord avait entendu parler de la virulence des lames rouges à son égard. Une virulence alimentée par sa mollesse et son inefficacité. Sans doute le jugeait-il avec sévérité, mais c’était ainsi que l’on inculquait les devoirs des dirigeants aux futurs patriarches et matriarches des maisons de Glacern. Enfin… tant qu’il ne se transformait pas en souverain fantoche, c’était déjà beaucoup et il s’estimait soulagé. Il ne se voyait vraiment pas débarquer à Gloria pour trancher des têtes et le secouer un bon coup. Non vraiment, quitter sa bien-aimée cité ne lui disait absolument rien… plutôt monter à l’échafaud. Il l’aimait trop pour la quitter si ce n’était pas une urgence de premier ordre qui pressait le royaume entier. En dehors de cela, il estimait à juste titre qu’on pouvait et qu’on se passait parfaitement bien de lui.

Il taisait donc ses considérations singulières, puisque cela ne regardait que lui après tout et qu’il ne l’avait pas conduite ici pour un affrontement politique mais bien pour qu’elle puisse découvrir Glacern en sa totalité, aidée en cela par la vision que lui-même en avait et qu’il conservait comme un trésor inestimable. Il ne pouvait jamais se lasser de voir l’émerveillement que provoquaient les beautés de sa ville… des beautés qui ne se dévoilaient pas à tout le monde. Les conseillers impériaux ne sauraient rien de ce lieu et de bien d’autres encore d’ailleurs. Ils ne verraient que la partie émergée de l’iceberg et raterait le véritable message, la véritable teneur de ce que la forteresse et ses habitants avaient à transmettre. « Sachez que nos portes vous serons toujours ouvertes » Et si elles ne l’étaient pas, sans aucun doute, son peuple les ouvrirait lui-même de force pour cette princesse qu’ils semblaient avoir pris en affection. Il avait toujours tenté de prendre en compte les désirs et les élans des siens, dont il était proche, vivant avec eux au quotidien. Il pensait s’en sortir bien, forcément avantagé en cela, capable de s’adapter et de les servir au mieux en permanence. Mais il ne voulait toutefois pas non plus écarter et oublier quel pouvait être le mécontentement lorsqu’il ne pouvait agréer à leurs envies. Ses refus étaient toujours motivés bien entendu et compréhensibles…

Pourtant, fermer ses portes à une princesse impériale qu’ils aimaient déjà ? Oh ça non il ne tenait pas à le faire. C’était une icône plus forte encore que son siège de pouvoir. Et puis, quel Svenn digne de son titre et de son nom oserait pareille traîtrise ? Aucun qui avait vécu longtemps. Un comportement tel que celui-ci apporterait une sanction immédiate et définitive. Heureusement, ce n’était pas à l’ordre du jour et ce pour le plus grand bonheur de tous. Leurs désirs concordaient bien, il était vrai, car lui aussi avait avant toute chose le confort et la prospérité des siens à cœur. De tous, des hommes, bien qu’il méprise les sudistes, il était avant tout au service ce sa race et de son royaume. C’était là son rôle de haut protecteur que de veiller à ce qu’ils ne manquent de rien, qu’ils aient droit à la sécurité, à l’éducation, à la grandeur également… car ils la méritaient véritablement. Il se battait pour cela, avec toute sa hargne. Car il était hargneux, tout au fond, il le savait très bien et ne le démentait nullement. Sans doute parce que l’Empire était loin d’être en sécurité, loin d’être en paix… menacé par bien des maux, internes comme externes. Il eut à nouveau l’ombre d’un sourire.
« C’est dans l’ordre des choses. Nous avons tendance à prendre la mort du bon côté. Mon seul regret est sans doute de n’avoir pu leur faire partager mon empathie pour le travail accomplis au service des nôtres »

Ce n’était nullement un manque de cœur que cette affirmation-là mais lorsque l’on passait son temps à côtoyer la mort, et après ce qu’il avait vécu dans sa jeunesse, il ne pouvait plus s’émouvoir du trépas de ses parents aussi aisément. Ils étaient partis et n’avaient plus de soucis ni de poids sur les épaules, pouvait-on seulement le regretter ? Non pas vraiment. Lui n’aurait pas osé en tout cas. Laissant cela de côté, il retint cependant sa curiosité pour les enchantements de Glacern et attrapa la perche en question, reprenant la conversation. « Oui c’est grâce à ces enchantements spéciaux que ce bâtiment tien. Les enchantements sont gravés à l’intérieur de la glace, fondu lorsque l’autel a été élevé au centre afin de former un réseau solide. Je n’en sais pas davantage moi-même, la magie est en majorité interdite à Glacern, nos connaisses la concernant sont sommaires. Les enchantements de nos ancêtres sont les seuls dont nous avons encore des traces et la méthode pour les préserver et les garder fort. Ce sont ces enchantements qui renforcent notre forteresse et l’interdit aux vampires. La muraille extérieur en est bardée »

Elle avait l’intelligence vive. Elle n’avait pas tort effectivement, si des protections similaires à celles de Glacern existaient dans l’ensemble du royaume humain le nombre de victimes tombant sous les coups des vampires serait bien moins conséquent. Oui certes, c’étaient de puissantes protections qui entouraient la ville, inexpugnable d’ailleurs, ses ancêtres s’en étaient assurés. Ils n’avaient pas supportés l’idée même qu’un vampire puisse poser un orteil dans leur précieuse ville forteresse… Glacern était un havre, un sanctuaire, le dernier bastion de l’humanité contre la nuit finale et il était primordiale que les créatures qui rôdaient au dehors ne puisse atteindre les habitants de ces hauts murs au travers des années qui passaient, et ce même lorsqu’eux-mêmes ne seraient plus là. Elle devait endurer pour toujours, jusqu’à avoir servie son but. Enfermée dans son écrin de glace, oubliée au fin fond de cette vallée profonde où nul ne pouvait pénétrer sans subir d’énormes pertes, elle trônait, ancienne et puissante, formant des fils et des filles qui par la suite partaient à la chasse aux vampires, avec la possibilité de laisser leurs familles à l’arrière sans crainte.
Ce qui n’était pas un mince luxe. Combattre l’esprit tranquille, en sachant que les siens perduraient quoi qu’il arrive… c’était là le luxe véritable de leur peuple, protégé des vampires. Si il était possible de reproduire à plus grande échelle ces processus… oui cela garantirait le même luxe pour le reste de l’Empire. Son peuple l’accepterait-il cependant voilà une autre question. Certes, si cela pouvait aider le peuple… mais d’un autre coté il savait pertinemment que les siens étaient farouches et fermés, parfois même xénophobes et très réfractaires à voir leurs techniques et leur culture utilisée par d’autres. Quand bien même ces autres étaient des êtres humains d’ailleurs. Il y avait de grosses chances pour qu’ils prennent mal que l’on tente d’user de leurs enchantements… mais Havard savait également que l’amour qu’ils portaient à l’humanité finirait par venir à bout de leur ressentiment. Après tout… c’était là leur but premier que de protéger leur race.

« Mes hommes sont effectivement plus sensibles à la présence des vampires, plus capables, entraînés à les débusquer et les combattre, mais pour protéger toute une ville, même notre vigilance n’est pas suffisante »

Cela il le reconnaissait aisément. Ils n’étaient après tout que des hommes aussi puissants puissent-ils être. Il y avait des limites à toutes choses y compris ce qu’ils pouvaient accomplir. Et ce malgré les prouesses déjà engrangées au cours des siècles. Hélas cependant il risquait de la décevoir car effectivement il doutait que quiconque possède encore les connaissances nécessaires à la production pleine et entière de telles protections. Les restaurer de temps en temps était une chose mais les recréer ? Non ce n’était pas la même chose. Une création complète prendrait autant de temps que de magie… si tant est que la magie puisse être appelée correctement car les enchantements nordiques n’étaient pas semblables aux autres. C’était un art singulier, unique et très secret…
Avec un soupire, il détourna un instant le regard de la jeune princesse pour observer les environs, arborant un air pensif et quelque peu lointain alors qu’il détaillait les entrelacs d’un mur de gel. Pondérant sincèrement la question qui lui était posée, il finit pourtant par répondre, ne la faisant guère attendre.

« J’aimerais pouvoir affirmer que certains possèdent ces connaissances hélas ce n’est guère le cas. La magie a périclité ici depuis longtemps, et nos enchantements sont tout ce qu’il en reste. Peut-être existe-il des bribes d’informations dans certains de nos ouvrages ou chroniques, mais guère plus. Les derniers mages de l’hiver ont vécus il y a environ mille ans » Il eut un demi-sourire «Cependant vous avez tout accès à nos bibliothèques ainsi qu’à la compagnie de nos anciens. Je ne puis vous en vouloir, nous avons chacun nos goûts personnels. Cela dit il vous faudra probablement un traducteur et apprendre des rudiments de notre langage afin de comprendre certains textes. Nous n’avons guère destinés nos archives à d’autres que nous même depuis quelques centaines d’années. Je ne doute pas cependant que cela vous passionnera tout autant, l’on m’a dit que notre parlé était un défi pour n’importe quel sudiste, je serais curieux de vous voir tenter »

Leurs cousins Elaneens l’utilisait de temps en temps également mais c’était là les seuls qui parvenaient à le faire. Oui ce serait amusant et instructif qu’elle le fasse. Mais c’était laissé à sa propre volonté. Il jeta un long regard sur les lieux puis approcha de l’une des sorties, il sortit dans le jardin extérieur et y cueillit une rose des glaces qu’il vint lui présenter.

« Même si nous sommes un peuple guerrier, nous ne dédaignons nullement la beauté de la nature » Il indiqua la rose « Vous connaissez le conte du loup et de la colombe ? On dit que la colombe se vit offrir, en cadeau d’adieu, l’une de ces roses, elles sont très spéciales, et ne pousse qu’ici »

Elle n’avait jamais rencontré de vampire et c’était une bonne chose car elle ne serait probablement plus là pour en parler autrement. Il avait certes eu la preuve que de très rares individus pouvaient être appréciables mais ça n’en faisait pas une majorité, loin de là, c’était même l’exception qui confirmait une trop navrante règle de son point de vue. Roëric était unique en son genre, et il l’appréciait malgré le fait qu’il s’agisse d’un vampire. L’apprécier étant sans doute un euphémisme, puisqu’il avait été une véritable figure paternelle à suivre dans sa jeunesse. Une chose qu’il n’avait révélé à personne et surtout pas à sa famille. Alrune serait capable de faire une syncope et de le renier, Valter lui ferait probablement la carpe… et Enthelm ? Mieux valait ne pas trop y penser il risquait fortement de le regretter et de lui sauter volontairement à la gorge la prochaine fois qu’il le verrait quoi qu’il arrive. Sans doute son général ne comprendrait-il même pas d’où venait cette soudaine hostilité, comme d’habitude. Ça n’avait pas d’importance. Tout ce qui importait c’était bien que les vampires étaient d’infâmes monstres qu’il fallait à tout prix éliminer jusqu’au dernier ou presque. Des sangsues immondes qui soulageraient le monde en disparaissant tant elles étaient contre nature et abjectes. Et en cela il était fier de son titre de tueur de vampires et de son statut d’homme de Glacern. « Les vampires sont effectivement des créatures mauvaises et sauvages qui n’aspirent qu’au sang en nous. J’ai eu tout loisir de les contempler et je n’en retire qu’une détermination plus grande encore à les éliminer. Si nous étions plus nombreux, capables de parcourir les terres et de porter le fer dans leurs grottes, ce serait alors un jour faste pour l’Empire. En dépit de notre sous-effectif cependant nous continuons à saigner dignement pour la protection des hommes. Mais oui vous avez raison. Savoir se défendre est l’une des seules options à la survie »

Lui-même adorait ce vieux conte, tout triste et étrange qu’il fut et il avait une place singulière autant dans son cœur que dans celui de ses gens. Il s’agissait après tout du conte de la fondation de Glacern, suivit bien sûr par beaucoup d’autres, mais en lui-même, il représentait l’essence même recherchée de tous temps par les siens. L’honneur et la droiture de ce premier loup dont la lignée était devenue la sienne par la suite : les Svenn de Glacern, les loups du nord. Froids et sombres, austères et dignes, plein d’honneur et de rigidité. Des hommes à la peau très pâle, aux cheveux noirs détonnant dans les crinières blondes des leurs, et aux yeux souvent clairs et gelés, empreint de la puissance du cœur de glace. Des lames gelées plantées dans les cœurs morts des vampires. Oui le conte du loup et de la colombe était très connu, et apprécié… C’était d’ailleurs le premier qu’on lui avait enseigné, lorsqu’il était très jeune et que l’on avait débuté son apprentissage et son éducation. Ce conte-là avait été l’introduction aux cours d’histoire du royaume et de la ville et il n’avait jamais regretté l’attention qu’il avait alors accordé, pleine et entière, à son précepteur de l’époque, un parmi tant d’autres mais qui était, étrangement, resté dans sa mémoire pour cela. Il avait valorisé en parfait équilibre le travail mental et physique même si tenir une lame dans ses mains avait sans doute était l’une des plus belles choses au monde pour lui à cette époque à présent révolue. Il ne s’agissait pas seulement d’un conte, cependant, il s’agissait d’un témoignage réel du passé et qui ne plaisait pas à tous, hors des murs de la ville, comme toute chose venant du nord d’ailleurs. « Je crains de devoir empêcher ce conte d’avoir lieu cependant » répondit-il avec une pointe d’amusement perceptible dans la voix, faisant fléchir son inflexion en lui donnant d’autant plus les tonalités de sa langue d’origine « L’on m’en voudrait certainement de vous perdre, de serait-ce que dans une bibliothèque, quand bien même j’apprécie qu’elles soient visitées »

Il cligna des yeux et caressa un instant l’ourlet de la rose. Elle avait un dessin parfait, d’une rare pureté même pour ces roses bleus de gel. Il eut un bref rire, en temps d’un souffle. « A faire à cette heure ? Non soyez rassurée. Je suis entièrement à votre disposition et mieux vaut d’ailleurs que je reste avec vous. Quand à un ordre plus général, j’ai pourvu à mes obligations avec rigueur et le ferait au besoin si l’on me sollicite, mais mon peuple est très indépendant et n’a guère besoin de moi pour le moment. Et vous servir de guide est un plaisir » Il lui abandonna la rose « Cependant, je doute qu’il soit sain de rester toute la nuit debout. Vous pourrez revenir ici demain si vous le désirez, et ce même sans moi, mais peut-être vaudrait-il mieux pour l’instant que nous rentrions »

Apporter leurs connaissances aux soldats sudistes ? Même si ils étaient du nord ou de l’est, ils étaient toujours des sudistes pour eux, quoi que cela ne soit probablement qu’une question de dispositions réelles. Après tout Elena était en très bon termes avec Glacern, et ce depuis longtemps, en raison principalement des similitudes entre les deux peuplades du royaume humain, mais également des dispositions prises par les seigneurs successifs afin de conserver un pied à terre auprès de leurs parents plus au sud… eux n’auraient aucun mal à bénéficier des techniques nordiques, quand ce n’était pas déjà le cas. Les gens de l’est en revanche ? Il devait avouer qu’il n’y avait pas songé et restait un brin sceptique même si il ne s’y fermait pas entièrement, quoi qu’il soit difficile d’adapter leurs arts de la guerre à un mode de vie différent… « Je ne ferme pas cette possibilité, effectivement. Les Elaneens bénéficient déjà de bribes de nos compétences, généraliser un apprentissage pourrait également s’effectuer, à condition évidemment d’en définir les tenants et aboutissants, car si mes pairs sont des chasseurs émérites ils ne sont pas aussi nombreux que nous le voudrions. En détacher un de la veille pourrait en apporter à long terme de nouveaux, mais les risques restent grands » C’était déjà beaucoup pour une seule soirée, le reste viendrait bien assez tôt. Il rajouta cependant, par acquis de conscience « Pourquoi ne pas poser la question aux guerriers que vous croiserez ? Ils auront certainement leurs propres avis sur la question » Tant qu’elle évitait de tenter son coup avec un garde-loup, tout irait bien… Les hommes d’armes de sa maison avaient une nette tendance à adopter le fanatisme des lames noires et se montraient souvent outrageusement autarciques et dédaigneux du reste de l’humanité sous prétexte qu’ils n’étaient pas de leur cité. Cela dit, il adoptait également ce point de vue sur de nombreux sujets. Ses gardes étaient à l’image de l’austère maison du loup, des hommes partageant son sang, se targuant des mêmes ancêtres, fidèles, loyaux, prêts à mourir pour lui si il le fallait… Même si leur vision était très fermée, il ne pouvait réellement les blâmer. Quoi que… elle faisait déjà des merveilles à peine arrivée, cette petite princesse, peut-être aurait-elle le même effet sur les loups de sa maison ? C’était à voir.

A la suite cependant, il offrit un véritable sourire «Il y a assez de place pour tous rêves ici Princesse, mais vous n’aurez qu’à m’appeler, moi ou un membre de ma maisonnée, au besoin. Allons à présent » Il la raccompagna obligeamment, sans toutefois la presser. Le passage laissait entrevoir la nuit profonde qui enveloppait les montagnes ainsi que la cité encore relativement active en son sein. Les nordiques ne dormaient pas encore, mais les sudistes, eux, après le long voyage et le dîner, devaient avoir rejoint le pays des songes de belle manière. Ce n’était pas un problème. Lorsqu’ils se seraient habitués au rythme de la vie dans le nord ils ne seraient plus aussi épuisés et pourraient profiter de leur séjour correctement, ou pas du tout. Le climat n’était pas fait pour les constitutions les plus faibles, certains seraient très certainement malade, d’autres rompus jusqu’à l’os… mais il s’en moquait un peu, c’était la vérité. Ceux capables de s’adapter étaient les seuls dignes d’intérêts à ses yeux. Mais même ainsi, il n’avait pas envie de causer un malaise à cette jeune fille, forcer la sélection naturelle n’était pas son but et encore moins envers une demoiselle qui se montrait pleine de surprises et de bons côtés. Et ce fut donc d’une bonne patte qu’il la raccompagna jusqu’à ses douillets appartements, du moins aussi douillets que possible pour Glacern… avec un feu relativement vif dans la cheminée, un lit profond de bois sculpté et des couvertures tissées et brodées, surmontées de fourrures chaudes pour protéger le corps en repos. Le nordique s’arrêta devant la porte, la laissant entrer à sa guise et lui souhaita une bonne nuit avant de retourner à ses propres obligations. Minuit avait beau être sonné, il ne serait pas couché avant au moins trois à quatre bonnes heures.

Le lendemain, après un copieux petit déjeuné seul dans la grande salle ou presque, il discuta avec certains de ses hommes en attendant la princesse, installé nonchalamment sur l’un des bancs de bois, un coude sur la table, en chemise et ses cheveux à demi tressés lui retombant sur le torse alors qu’ils échangeaient dans leur propre langue, riant parfois un peu. Lorsque la jeune fille se présenta, ils se relevèrent et s’inclinèrent face à elle, avec moins de dignité sans doute ou de servilité que n’en aurait eu un Glorien, mais les sourires que lui décochèrent les soldats étaient des plus francs. Le Seigneur des lieux, lui, était un brin plus austère, ce qui ne l’empêchait pas de rester paisible et détendu. « Vous devriez manger un peu, avant que nous n’allions faire un tour aux forges. Le jour est encore jeune » Il l’invita à s’installer, non pas à la table du haut mais bien parmi eux « Avez-vous bien dormi ? Notre rythme de vie est quelque peu différent du vôtre, j’ose espérer que nos allées et venues nocturnes ne vous ont pas importunés outre mesure »

Les hommes du nord étaient des gens simples, par certains côtés. Aussi ne faisaient-ils nullement attention aux femmes qui n’attiraient pas volontairement le regard sur elles, comme les dames de compagnies de la princesse. Celles-ci pouvaient bien faire ce qu’elles voulaient tant qu’elles ne les dérangeaient pas et ne se montraient pas ouvertement désagréables. Pour le coup, elles pouvaient même manger dans leurs chambres, cela ne leur faisait absolument rien. Les yeux des guerriers étaient fixés sur la princesse, qu’ils accueillir à leur table sans faire de manières. Certains étaient encore en train de petit-déjeuner, et sur ce point d’ailleurs, ils avaient tous une manière de faire singulière. Havard lui-même partageait présentement avec l’un de ses gardes personnels un fond de bière et une tranche de viande. Une vieille habitude de sa vie sauvage et de ses années à parcourir le monde. Autant d’ailleurs que de sa vie de guerrier. Il valait mieux se donner la force de porter une arme lorsqu’on traquait un vampire pendant plusieurs nuits d’affilées. Il ne se priva pas d’ailleurs de s’installer de nouveau confortablement et eu un léger mouvement des épaules en répondant d’une voix détachée. « Prenez votre temps. Manger correctement est plus qu’important ici surtout pour vous qui n’avez pas l’habitude du froid. L’intérieur du palais a été chauffé correctement mais l’extérieur risque d’être un peu moins agréable » Il avait d’ailleurs lourdement insisté là-dessus auprès de ceux des sudistes qui avaient désirés aller mettre le nez dehors, histoire qu’on ne l’accuse pas d’en faire des glaçons. Quoi qu’ils se seraient agis de glaçons bien peu esthétiques. Une chose qu’ils avaient sans doute tous pensés. Mais soit. Lui avait trop chaud cela dit et seule son habitude de ne jamais se découvrir le faisait tenir dans cette ambiance intérieur légèrement étouffante. Il n’aimait déjà pas montrer ses cicatrices aux autres soldats alors à des sudistes ? Et puis il savait d’instinct que cela finirait en esclandre si il se baladait torse nu dans le château avec ses invités.

« Voilà Altesse, servez-vous à votre aise » affirma le soldat interpelé par Esmelda alors qu’il soulevait l’énorme plat pour le lui passer. « Oh et bien tant que tu y es donne-moi les pains de viande » Havard, l’interpelant librement en parlé nordique, déclenchant des commentaires amusés de la part des soldats alentours, lui tirant de nouveau un fin rictus. Un rictus qui gagna d’autres visages à la question que la jeune femme lui décocha. Il attrapa au vol un pain de viande rond, le type de nourriture qu’ils pouvaient souvent emporter et conserver une journée ou deux même si il devenait un peu rassis, afin d’avoir quelque chose de consistant dans les voyages de proximités. Mordant dedans, il en avala une bouchée avant de répondre. « Oui et non. Il se trouve que je suis peu patient et tolérant et que mes gens le savent. Nous faisions le pari de savoir combien de temps je tiendrais avant de menacer d’en jeter un par-dessus les murailles de la ville » Comme quoi, contrairement à la rumeur, il savait faire preuve d’auto-dérision lorsqu’il le fallait… parce qu’il n’en ferait rien. Enfin les menacer si, les balancer par-dessus la muraille en revanche non, au pire ? Il les enfermerait dans les cages suspendues. C’était un sort suffisamment peu enviable quoi que plus utilisé pour corriger les enfants récalcitrants de leurs jours. Les criminels n’étaient pas nombreux et la simple idée de finir entre les griffes de sa sœur dans la garde noire suffisait pour faire taire ce genre de velléités. « Certains désiraient sortir. Je leur ai signifié qu’ils mourraient très certainement de froid dans leurs oripeaux de coure, certains ne m’ont pas écoutés… Cela dit, je ne m’énerverais pas sur eux, je pense que leur propre bêtise leur suffira. Mes médecins se tiennent prêts à les recevoir » Tout, de son ton à son maintien, comme la réaction des autres, signifiait qu’il trouvait cela très drôle même si il se montrait relativement tiède dans ses réactions. Le voir sourire était déjà énorme.

« Mais si vous avez des anecdotes à partager, je vous en prie. Il faut nous en pardonnez, mais notre société est plutôt austère et les sudistes sont un de nos rares sujets de plaisanteries. » Havard se releva, signifiant qu’il revenait, et s’approcha d’une cuve chauffée près du feu. Il prit un verre et le remplit, fumant, avant de le rapporter et de le poser devant la princesse. « Avez-vous déjà goûté l’hydromel noir ? Hier soir nous n’en avons pas servi à nos invités, mais il serait certes dommage de ne pas tremper une fois ses lèvres dans un tel nectar. C’est notre meilleure boisson. Nous buvons toujours chaud en général, comme nous mangeons copieusement, y compris le matin, pour se donner la force de travailler la journée durant. C’est très important. Et copieux ne veut pas forcément dire fastueux comme semblent le croire certains de nos invités. En réalité nous nous rationnons souvent, mais ce que nous mangeons suit un équilibre certain. En général nous sommes au travail toute la nuit, pour la plupart et dormons au petit matin… d’où, également, les bruits nocturnes » Nouveau coup de dent dans son pain de viande, tandis qu’un des gardes intervenait « C’est que nous avons aussi tendance à chasser les vampires la nuit, ça conditionne »

Elle était de bonne compagnie, définitivement, et ses hommes semblaient aussi à l’aise que des poissons dans l’eau avec elle. La plupart se permettaient même un sourire ou deux. Rien que l’idée de devoir se battre contre des dames de compagnie leur était, à juste titre, complètement incongru et étrange. Ils savaient évidement de quoi il s’agissait, n’étant pas rustre et obtus à ce point, mais simplement, une fois de plus, le choc des cultures amenait une divergence entre sud et nord. Ici, il n’y avait pas de dames de compagnies et seules les très jeunes enfants ne s’habillaient pas seules… quelle guerrière aurait donc voulu qu’une bande de volailles poudrées vienne jacasser près d’elle ? Rien que d’imaginer sa sœur en pareille compagnie était assez pour le faire pouffer de rire. Non le concept ne s’adaptait pas vraiment à leur propre culture, quoi que le système des compagnies de soldates puisse se prêter au jeu de la comparaison. Durant leur apprentissage, les vierges guerrières s’amassaient souvent en bandes, contrairement aux hommes qui restaient relativement solitaires.

Cela dit les sujets de conversations ne devaient pas être les même… leurs femmes discutaient plus de la chasse à l’ours que de la couture. « Je vous crois sur parole » Lui-même n’aurait eu aucune honte à assommer les donzelles en question, mais certains de ses hommes voyaient les sudistes comme de pauvres petits oiseaux qui risquaient de mourir si ils parlaient un peu trop fort. Il eut à nouveau un rictus carnassier au sujet de leurs paris. « Je crains hélas que ce ne soit le chef de mes gardes » Il lui envoya une claque sur l’épaule alors que celui-ci glissait avec une délectation évidente. « Il a tenu trois minutes. Un record. Fut une époque c’était son introduction au discourt de bienvenu»

L’assemblée sembla partir d’un nouveau rire alors qu’Havard haussait les épaules, lui décochant un regard entendu. C’était un peu exagéré mais l’idée y était, ses conversations privées avec des nobles du sud commençaient effectivement le plus souvent comme cela. Il ne supportait guère leur arrogance coutumière, persuadés qu’ils étaient d’être supérieur simplement parce qu’ils étaient conseillers ou nobles de Gloria… des clous ! Il avait un titre égal à celui de Duc et sa famille était maîtresse de ses termes, indépendante de bien des lois de l’Empire ! Chez lui, il était le seul maître et pouvait se targuer d’une éducation royale selon leurs critères. De toute façon, lorsqu’ils auraient attrapés la mort, ils faudrait bien qu’ils reconnaissent avoir eut tort. Un brin de patience pour cela ne lui était donc pas de trop et il jubilerait à son aise par la suite.

« Et que cela ne conviendrait pas aux lois de l’hospitalité, aussi dogue puis-je être de mes menaces. L’extérieur ne peut être vaincu. Les enfants de l’été ploieront comme des fleurs devant l’hiver avant de le comprendre. Sans compter que les cadavres jetteraient un froid, effectivement, sur mes entretiens avec votre frère… Sans compter qu’il faudrait les brûler ici, ils ne tiendraient pas le voyage de retour. Autant de tracas que je tiens donc à éviter, ils m’en causent déjà bien assez » Il n’y revint pas cependant, attendant qu’elle goûte l’hydromel. La boisson était forte, mais à petite dose elle ne risquait pas de finir complètement ivre, quoi que justement, il ait du mal à doser, au vu de ses habitudes et de la résistance qu’il avait aux alcools depuis le temps. Croisant les bras, et appuyé contre la table, un pied botté sur le banc, sur le talon, il la regarda un instant puis cligna des yeux. Les réveiller ? Oh à l’intérieur de la citadelle, elle pourrait toujours essayer, et cependant il répondit, relativement taquin.

« Je ne doute pas que vous ferez merveille et nous dormirons tous sur nos deux oreilles » C’était plutôt pour le palais Glorien qu’il s’inquiétait, façon de parler, lorsqu’elle rentrerait en étant totalement décalée dans ses horaires et sa façon d’agir. Ah on leur jetterait la pierre en disant qu’ils transformaient la princesse en barbare rustre mais n’empêche qu’elle aurait gagné de très fidèles sujets, entièrement dévoués. Il s’installa de nouveau sur le banc, plus confortablement, en cela imité par les autres membres du groupe souhaitant écouter la princesse dans son récit, silencieux et ne l’interrompant point.

Le décor était relativement dur à planter, même si la majorité avait déjà vu Gloria au moins une fois… cet été continuel ne leur été pas une bonne chose et représentait un tout autre monde, qu’ils ne comprenaient guère. Quant à l’attaque des nobles ? C’était sans doute le moins évident à s’imaginer au vu de la différence de culture, voir totalement impossible, mais en bon auditoire, ils firent un effort pour se le représenter et Havard retint un renâclement sardonique en en voyant plus d’un grimacer. Et il le fit réellement en répondant. « Oh oui je vois parfaitement » L’homme en question avait eu l’audace de le menacer et c’était Valter (oui oui, Valter, son incapable de frère au cœur trop tendre, c’était dire à quel point le nobliau était insultant) avant subtilement et courtoisement glissé que, lois d’hospitalité ou non, menacer le Haut Protecteur était passible, comme la majorité des crimes, de décapitation. Lui-même n’avait rien dit, savourant le fait que pour une fois son frère se montrait à la hauteur. Lui lui aurait probablement simplement fait sauter la tête sans autre forme de procès. Le reste de l’histoire était pitoyable de petitesse de la part du principal incriminé.

« Certes… j’imagine bien » D’autres grognaient ouvertement, et sur le fond sonore de mauvaise humeur il précisa « Nous aimons beaucoup les rapaces également et avons peu de goût pour ce genre de… » Le dernier mot ne vint pas. Il n’avait pas le terme exact en langue commune qui désignait exactement ce qu’il voulait faire passer. « J’espère qu’il n’essaiera pas de s’en prendre aux nôtres, ou pire, à mes loups… » La même idée sembla être passée dans la tête de tous les autres. « Vous aimez donc la chasse à cour et les rapaces… encore quelque chose que je devrais vous proposer, si cela vous tenter. Voir nos oiseaux et effectuer une chasse nordique ? Pas de vampire, je vous le promet, mais nous sommes en période de ravitaillement et nous effectuons des chasses régulières, aussi si vous le désirez…. »

S’ils gardèrent le silence sur les fameuses menaces de leur seigneur, ils eurent tout de même de nombreux regards complices sous des dehors de sous-entendus. Qui véritablement, au sein de Glacern, ne s’était pas au moins une fois fait menacé de mort par le maître des lieux ? Presque personne si non personne, des enfants aux meilleurs soldats de l’armée du Nord, personne n’échappait à la mauvaise humeur du loup bleu. Pas même l’Empereur d’ailleurs. Heureusement, celui-ci n’était pas encore levé, et n’avait donc pas subit sa part de grognements pour la matinée. Un incident diplomatique d’évité donc. Quant à la petite princesse, elle semblait immunisée à toutes tentatives d’agression et d’hostilité… Mais elle était, en plus, une enfant, ce qui arrangeait également les choses. C’était encore une grosse différence, car ici, personne n’aurait même songé à trouver les menaces d’Havard Svenn déplacées… ils avaient simplement trop l’habitude de les subir et le quart était plus une façon de parler qu’autre chose. Ils savaient instinctivement quand la menace était réelle, les yeux clairs et la posture le hurlaient sincèrement, comme un éclat glacial dans la démarche de loup en quête d’une proie. Quoi qu’il avait vraiment été ulcéré par les conseillers impériaux et ne bougerait sans doute pas le petit doigt pour leur venir en aide si ils avaient un souci à l’extérieur. Il fallait vraiment être stupide pour sortir là-dehors sans un guide et sans être préparé et il n’était pas là pour ramasser les pots cassés et perdre son temps à cause de ces idiots. Le Nordique préférait autant continuer à côtoyer la jeune princesse et continuer de tisser ce qui s’avérait déjà être un lien intéressant. Aussi, la voir si enthousiaste de visiter la fauconnerie ne put que le satisfaire amplement et il hocha la tête, indiquant qu’il l’écoutait toujours avec autant d’attention..

« Le type de gibier n’est pas tout à fait le même, ni la façon dont nous le traquons évidement. Il vous faudra également monter l’un de nos chevaux, les vôtres ne se risqueront pas dans les sentiers que nous empruntons, souvent. Il s’agit d’ailleurs parfois de simples formations naturelles et non de sentiers construits. Nous n’utilisons également pas les même outils » Il eut un renâclement amusé au commentaire sur la perruque. « J’ose l’espérer d’une jeune femme de votre âge » Si elle portait la perruque, il ne voulait pas savoir ce que des femmes plus vieilles pouvaient bien porter d’autre. Finissant sa part de pain de viande, il descendit une coupe d’hydromel avant de répondre à nouveau, un peu moins au fait des façons agricoles même si il restait contraint de tout savoir de sa propre ville. Si le seigneur des lieux ne savait pas comment il mangeait, tout allait de travers tout de même surtout que, malgré sa taille, Glacern était une ville communautaire où tous se connaissaient plus ou moins contrairement à Gloria. Il n’avait pas souvent mit les pieds dans les champs c’était fort vrai, mais avait tout de même de quoi expliquer leurs procédés à la jeune femme.

« Nous utilisons des cavernes pour les cultures les plus importantes. Lorsque nous avons introduit certains aliments sudistes pour compléter notre équilibre alimentaire, il a fallu trouver un moyen de recréer un environnement adéquat et les cavernes étaient le meilleur choix. On chasse l’humidité qu’elles contiennent et installons des systèmes de chauffage spéciaux, ainsi que de quoi brasser l’air, de grands mécanismes à hélices inspirés des moulins. L’on trouve également dans les cavernes de nombreux champignons mangeables. Les autres cultures se font dans la vallée. Cela dit nous n’avons guère de fruits. Ce sont surtout des végétaux résistants au froid et au vent. Les airelles notamment nous sont très chères » Il ne pouvait une fois de plus que l’enjoindre à visiter « Et cette époque est en effet très bénéfique pour nous, car c’est la seule où nous pouvons refaire nos stocks de vivres et réparer ce qui doit l’être…. Hors de question de grimper sur la muraille extérieure en plein milieu d’une tempête de neige à moins de vouloir s’en aller apprendre à voler. Aucun n’a réussi cela dit jusque-là » Il pencha légèrement la tête

« En entrant en ville vous avez dû noter l’agitation je pense… elle est différente selon les lieux de la ville où vous vous rendez, nos lieux de rassemblement sont dédiés à certaines formes de travaux, mais toutes les échoppes de la ville y mettent du leur car il y a énormément à faire cette année… l’hiver a été plus rude que les précédents hélas. Nous avons eu quelques visites inattendues, qui nous ont obligés à sortir contrairement à nos habitudes. En général les vampires ne sont pas assez stupides pour se perdre par ici, dans les montagnes, mais quand ils le font c’est généralement en plein hiver histoire de nous éviter. A croire qu’ils pensent sincèrement qu’une tempête de neige nous empêcherait de monter la garde. Mais je m’égare. Si vous avez fini, nous pouvons peut-être monter à la fauconnerie avant de passer à la forge. Dans l’après-midi, une nouvelle chasse devrait avoir lieu, si cela vous agrée, alors nous irons tous deux. Je comptais emmener également votre frère mais je ne l’ai pas encore vu, le froid l’aura sans doute davantage fatigué… » Il n’approuvait pas de rester au lit ainsi, mais son frère à lui lui avait suggéré de ne pas s’en aller jeter l’Empereur hors de ses draps et il avait écouté, pour une fois.

Des vampires, effectivement. Créatures honnies… ils venaient rarement dans les montagnes du fait du désert mais également de la surveillance qu’ils exerçaient en ces lieux. Quoi que, sans doute, les habitants de la ville préfèreraient avoir à chasser du vampire en ces lieux plutôt que d’y subir la noblesse sudiste. Noblesse qui avait différents vices mais tous aussi condamnables à leurs yeux. Il avait d’ailleurs pensé, dans un premier temps, sécuriser la voie que devait emprunter le cortège impérial avec ses gardes, surtout en sachant que des survivants de ce petit comité aient pu décamper… mais il n’en avait pas eu autant l’occasion que la véritable volonté et n’avait heureusement pas eu à le regretter puisqu’ils n’avaient pas été attaqués. Cela aurait été fort dommage après tout quoi que bénéfique si un ou deux de ces conseillers avaient pu y passer. Cela dit, pour penser à des choses plus agréables, il était vrai qu’elle allait devoir nécessiter des outils de chasse appropriés. Ce n’était pas forcément difficile à trouver, c’était surtout que la réaction générale serait intéressante à voir car il faudrait probablement que les artisans de la ville fasse ces outils là sur mesure, la jeune princesse n’ayant pas forcément les mêmes capacités physique qu’une jeunesse Glacernoise entraînée dès la couveuse… Et puis ne serait-ce pas un beau cadeau à faire, des armes enchantées ou simples, mais dans la pure tradition du nord et qui lui servirait probablement longtemps ? Quand il revoyait sa première épée, il pouvait encore l’utiliser, même si de nombreuses années avaient passées. Il faudrait qu’il y pense sérieusement, mais en attendant c’était à la fauconnerie qu’il devait l’emmener, ce qu’il fit. Le lieu se trouvait dans une tour du palais, entièrement dédiée à la chasse… Là, on trouvait les montures Glacernoises spécialisées dans ce sport très courant chez eux, et les stalles étaient nombreuses, contenant chacune un puissant destrier à la robe sombre comme la nuit afin de se fondre dans les ténèbres lorsqu’ils chassaient les vampires… la race était spécialement traitée par les éleveurs de la ville et les chevaux en question étaient de véritables bijoux qui valaient parfois, après un entraînement intensif, presque aussi chère que la dot de certaines femmes… voir de certains bâtiments de la ville. De puissantes bêtes donc, intelligentes, résistantes et au dressage parfait, capable d’endurer les pires épreuves et parfaitement adaptés à la vie en montagne. Fougueux mais disciplinés, ils étaient pour l’instant au repos, avec leurs équipements soigneusement rangés et entretenus, de sorte à être parfaitement utilisables le moment venu. Des palefreniers s’occupaient de leurs besoins alors qu’ils longeaient à deux les écuries du bas de la tour en question. Les cheveux étaient immenses, à l’image des hommes du nord dont la taille dépassait celle du reste de l’Empire et à la musculature souvent impressionnante. De fait, ils étaient naturellement lourds et encore plus lorsqu’ils portaient armes et armures, les bêtes devaient donc être assez solides pour supporter de les avoir sur le dos des jours entiers sur des routes parfois extrêmement difficiles. Ces bêtes-là vivaient longtemps heureusement et souvent on en offrait une lorsqu’un jeune tuait son premier vampire et devenait ainsi un véritable ‘homme’ du nord. Lui-même en avait reçu une, lorsqu’il était revenu et avait pris sa place de seigneur. Un étalon sublime au caractère égalant le sien et qu’il emmenait souvent se dépenser dans les chasses ou les courses avec sa sœur et sa fille afin de lui faire faire un exercice plus que nécessaire… et ils n’étaient jamais mieux en communions qu’après une cavalcade furieuse, lorsqu’il sentait la sueur lui coulait dans le dos et voyait la vapeur de chaleur s’élevait des flancs fumant de son destrier… Il vint d’ailleurs lui offrir une tape amicale avant d’emmener la princesse vers les étages et l’immense air où s’ébattaient les magnifiques oiseaux de chasse et de guerre qu’ils utilisaient. Là encore la plupart des nobles de la ville, et des soldats reconnus, possédaient leurs oiseaux, mais ceux-là étaient en général choisit, élevés, et éduqués par la personne à qui il appartenait. Avec un sourire, il la laissa avancer dans la salle avant de préciser : « Si vous désirez l’un d’eux, il est à vous »

RP TERMINE(si non il ne le sera jamais :p)