Des cris résonnent dans la nuit. Ils viennent d’une chaumière isolée, au beau milieu de l’hiver qui fait frémir la nature frigorifiée au dehors. Mais ce dont nous parlons n’est pas au-dehors. Ce dont nous parlons n’est autre que cette enfant qui vient de naitre, et dont les cris ont remplacé ceux de la mère qui s’est endormie. Ce dont nous parlons, c’est cette enfant, qui n’aurait jamais du voir le jour. Mais commençons par le commencement si vous voulez bien. Oui, avant même la naissance de celle qu’on allait surnommer « Ortie ».

Il existe des personnes assez mal intentionnées, dans ce monde comme dans tout autre, partout. Nul ne l’ignore. Et la mère de cette pauvre enfant avait eu le malheur de rencontrer, disons, une personne mal intentionnée. Vous savez, ce genre de personnes qui attendent dans une petite ruelle sombre qu’une âme innocente passe par là. Ce qui est arrivé à cette pauvre femme.

Je vous laisse deviner ce qu’il s’est passé ensuite. Oh, elle souhaita longtemps que son enfant mourut en couches, lorsqu’elle se rendis compte qu’elle le portait. Hélas, Ortie n’est pas morte. Et contre toute attente, alors que sa véritable mère la rejetait, c’est celui qui aurait dû être son père qui s’occupa le mieux d’elle. Oh, ce fut difficile. Mais vivre est difficile, n’est-ce pas ? Sa mère ne s’occupait donc pas d’elle, ne lui adressant la parole que lorsque c’était indispensable. (Elle était pas sympa, hein ?)

Pour autant elle n’était pas cruelle. Non. Elle tentait seulement de vivre comme si cette dernière fille n’existait pas.

Et Ortie, ne connaissant que cela, pensait que c’était une situation normale, et s’épanouissait quand même, comme n’importe quelle petite fille de son âge. Son père adoptif –bien qu’elle fut persuadée que c’était son vrai père- savait que son épouse ne l’avait pas trahi, mais il savait aussi que cette fille n’était pas la sienne. Et puis, il était si gentil !

Et puis un jour, alors qu’elle allait cueillir des fruits dans les bois, elle vit une ombre surgir de…d’une ombre, en fait. Mais c’est bien tout ce qu’elle vit ! Car l’instant d’après, transpercée d’une souffrance indicible, elle était évanouie.

Elle se réveilla sur son lit, dans la chaumière ou elle habitait depuis toujours. Son père était assis près du lit, et posa la main sur le front de la malade quand elle se réveilla. La peau d’Ortie était brûlante de fièvre.

Elle apprit qu’elle avait vomi plusieurs fois. Elle sentait la douleur, dans son corps, partout, en plus fort à la base de son cou. Elle sombra doucement dans le sommeil. Elle se réveilla longtemps plus tard. Sa température était redevenue normale. Tous le monde était soulagé, même sa mère, bien qu’elle n’en laissa rien paraître. Elle commença à reprendre ses habitudes normales, car tout le monde pensa à une simple fièvre. Sauf son père, qui avait bien vu la morsure, mais n’avait rien montré à personne, et restait indécis quand à la décision à prendre. Il ne savait pas vraiment comment s’opérait la transformation, et supposa que sa fille adoptive était redevenue normale, que son corps avait réussi à se débarrasser du venin vampirique. Il n’en était rien, comme il le constata ensuite en rendant l’âme.

La température d’Ortie avait chuté en quelques heures.

Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait. Elle avait soif, juste soif, et c’est cela qui guidait tous ses gestes. Aucun n’en sortit vivant. Mais quelle importance ? Elle ne savait même plus qui c’était. Elle se souvenait juste d’un chanson. Sinon, c’était noir. Et puis, elle reprit brusquement conscience. Elle se souvint de ce qui s’était passé. De qui étaient ceux qu’elle avait tué.

Elle s’effondra alors en sanglot, et des larmes douloureuses coulèrent sur ses joues. Elle pleura, pleura…et puis, au bout d’un moment, elle recommença à oublier. Pourquoi pleurait-elle ? Qui étaient ces gens ? Elle tenta désespérément de se raccrocher aux filaments brumeux de souvenirs qu’il lui restait, mais ne parvint à garder en mémoire qu’une seule chose : la chanson de sa mère. Elle ne savait même plus ce qu’elle signifiait, mais elle savait que c’était important. Elle savait aussi qu’elle s’appelait Elynassindra, ou Elyn. Mais que tout le monde l’appelait Ortie. Ou était-ce le contraire? Elle ne savais plus...

Elle s’arrêta de pleurer, et se mit à fredonner doucement sa chanson, pour ne pas l’oublier, ne jamais l’oublier.

Et puis, elle se sentit…observée. Elle regarda autour d’elle, et puis une silhouette se détacha de l’obscurité de la lisière des bois et marcha vers elle. Etrangement, elle n’avait pas peur.

*

Elle apprit par la suite que cet homme était un vampire, qu’elle était elle-même une vampire.

Il était une sorte de…noble, parmi les vampires, et elle, elle était sa petite protégée. Enfin, c'est ainsi qu'elle le voyait, ayant vécu parmi les humains. Mais elle ignorait que chez les vampires, c'est juste la "loi du plus fort". Il était fort, ils étaient en haut. C'était aussi simple que ça. Mais elle se posait toujours des questions. Pourquoi avait-il décidé de ne pas la vider complètement de son sang, pourquoi l’avait-il transformée ? Elle n’en sut jamais rien, mais trouvait cruel de l’avoir laissée en vie.

Elle vécut ainsi une trentaine d’année. Elle apprit des tas de choses, la magie, l’histoire, écrire, tout ça…il tenta de lui apprendre aussi l’usage des armes, mais si elle se montrait plutôt douée pour la magie, une arme à la main, c’était un vrai danger public. Elle persévéra dans le maniement de l’épée pour atteindre un niveau correct (et encore), mais il était clair qu’elle ne serait jamais une bonne bretteuse. Evidemment, son statut de vampire avait amélioré ses capacités physiques, mais son atout le plus marqué était sa rapidité.

Les armes lui faisant défaut, on lui apprit à se battre à mains nues. Elle se révéla douée, au grand soulagement de son « protecteur ». Enfin quelque chose ou elle manifestait un certain talent ! Parce que ses autres talents, elle n’en parlait jamais : elle était plutôt douée pour la musique et la poésie, et si quelqu’un pénétrait un jour dans sa chambre, il est certains qu’il déclarerait qu’elle a la « main verte », mais il y a peu de chance que ces quelques talents soient jamais découverts. De toute façon, quel intérêt ?
*

Un jour, il fallut remonter à la surface. Elle se demanda pourquoi, et finit par apprendre que les vampires partaient en guerre, menés mar un certain Lorenz, qui voulait éradiquer les elfes et réduire les humains en esclavage. Apres tout, pourquoi pas? Personne ne proposant de meilleur solution pour sortir de ces souterrains puants, elle décida qu'il avait raison, et puis voila. Bref. Elle vivait maintenant dans une caverne, qui n'était pas si désagréable, une fois "aménagée".
Un jour funeste arriva. Hebi avait été tué par un groupe d'elfes et d'hommes. A partir de la, Ortie n'hésite plus a soutenir la cause de Lorenz. Elle continua donc a vivre dans la caverne, avec tout ce qui appartenait à son "protecteur". Que faire maintenant?