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Il était plaisant d'être de nouveau entre les murs d'Estëllin. Cette rencontre devint bien moins formelle, aux yeux d'Orfraie, dès l'instant où ses gardes se retirèrent. En ces murs, elle savait n'avoir rien à craindre. Le peuple Elfique appréciait leur princesse, qui était également leur générale des rôdeurs et donc, par extension, la personne en charge de leur sécurité, d'abord en dehors des murs de la cité puis, au besoin, dedans.

Lorsque le grand argentier complimenta la cité, Orfraie ne put retenir un sourire. Doux et sincère, ainsi était-il. L'Elfette était fière d'Estëllin. Cette cité était effectivement battu pour durer un millénaire et même davantage. Pour cet ouvrage, son peuple s'était surpassé. Faire naître une telle cité à flanc de montagne en si peu de temps était tout simplement extraordinaire. Sans leur puissante magie, sans nul doute cela aurait été impossible. En construisant Estëllin, les elfes avait fait preuve d'un savoir-faire hors norme, tout en faisant honneur à leur réputation passée et en prouvant que celle-ci n'était pas usurpée, toujours d'actualité.

Sans grande surprise, Otiz acquiesça à la seconde proposition de la princesse, à savoir visiter le marché de la cité. Cela n'étonnait guère Orfraie. Celle-ci était particulièrement satisfaite de pouvoir montrer ce marché au Seigneur de Fortuna, lui qui aimait tant le commerce. Peut-être trouverait-il quelque chose qui vaille – à ses yeux – le coup à sortir quelques pièces d'or… Les objets de fabrication Elfique étaient réputés pour leur qualité bien supérieure à ce que les Royaumes Humains pouvaient produire.

« Parfait. Suivez-moi, c'est par ici. » Fit Orfraie, l'invitant à la suivre d'un geste. Se rendre jusqu'au marché était très facile – et rapide – mais cela leur laissait le temps de parler un peu avant que Otiz découvre le savoir-faire Elfique d'une autre façon. Celui-ci fut d'ailleurs plus rapide et demanda à l'Elfette si elle avait déjà visité les autres capitales du monde. Il se proposa d'ailleurs comme guide pour Gloria, ce qui fit doucement sourire la princesse. « Je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter les autres capitales. Sans nul doute cela sera rendu possible dans les mois à venir, que ce soit dans mes fonctions de princesse ou de générale. » Expliqua la guerrière. Il était toutefois plus probable qu'elle se rende là-bas en tant que diplomate, mais il n'était pas exclu qu'elle se déplace avec quelques rôdeurs et membres de l'armée Elfique pour mener à bien une mission. Si ses souvenirs étaient bons, le commerce écarlate devait débuter dans quelques semaines. Peut-être serait-elle de la partie ?

Ils arrivaient enfin sur la grande place. Circulaire, elle était bordée d’échoppes en tous genres tenues par des elfes tout aussi différents les uns des autres. Il y avait absolument de tout : des fruits et légumes en passant par les bijoux, les livres ou les armes. L'endroit ne manquait pas d'animation, ce qui plaisait particulièrement à Orfraie. Afin de couvrir le bruit de la place, elle s'approcha davantage de l'humain, à la limite de son espace personnelle. Sans nul doute pouvait-il sentir son parfum fruité..« Je ne saurai que vous conseiller de faire toutes les échoppes. Je ne doute pas que vous trouviez quelque chose afin de ravir vos envies. Vous pourriez ramener ainsi un souvenir d'Estëllin. » Ajouta Orfraie en croisant ses mains dans son dos, se tenant parfaitement droite. Après quelques instants, toutefois, elle invita Crissolorio à prendre les devants, elle le suivrait.

Le marché d'Estëllin était une chose à ne pas manquer lorsqu'on était de passage dans la cité Elfique. C'était l'occasion de trouver de nombreux articles d'une rare beauté ou d'une efficacité que seuls les Elfes et leur savoir faire pouvait garantir. Toutefois, il était également possible d'y acheter de la nourriture : fruits et légumes, bien entendu, mais également quelques spécimens de poissons. En effet, si les Elfes ne mangeaient pas de viandes – cela était nocif pour leur organisme – ils étaient en revanche friands de poisson. Bien entendu, certain membre du beau peuple ne mangeaient pas non plus de poisson, se qui contribuait à faire croire que les Elfes se nourrissait exclusivement de fruits et de légumes.

La place était animée. Il y avait là des Elfes – évidemment – mais également des Hommes. Peut être que des représentants de la race Immortelle se cachaient quelque part dans l'ombre, également. L'arrivée de la Princesse avait été remarquée. Avec la couleur particulièrement rare de sa chevelure, il était difficile de la rater. La présence de Crissolorio et de sa garde à ses côtés aidait évidement à la repérer. Orfraie distribuait donc des sourires à ses concitoyens tout en guidant son invité. Celui-ci répliqua avec un peu d'esprit lorsqu'elle lui ne pas douter un seul instant qu'il trouverait quelque chose à son goût. Ses mots firent sourire Tirith, qui répliqua avec douceur. « Loin de moi une telle pensée. » Elle lui sourit, puis son regard vagabonda sur les échoppes tandis que Crissolorio observait également le marché.

Lorsqu'ils s’arrêtèrent devant un commerçant, la princesse se permit d'observer l'homme à la dérobé. Ce dernier semblait contemplatif, ses yeux sautant d'un article à un autre. Il s'agissait d'une échoppe de livre et vue son expression, l'homme devait en être féru. Les livres étaient un bon investissement, mais le transport de ce genre de marchandise était délicat. En plus du poids, il s'agissait de biens fragiles. Un peu de pluie et cela en était terminé.

Otiz sortit finalement de sa contemplation de l'échoppe et se tourna vers la princesse. Celle-ci avait ramené ses deux mains devant elle et les avait jointe. Elle observait l'homme, un air serein sur le visage. Avait-elle quelque chose en particulier à lui montrer ? La princesse était férue de lecture et d’œuvre d'arts, mais également d'armes. Toutefois, elle doutait que Crissolorio soit homme à apprécier les armes…

« Il y a bien une chose que je souhaite vous montrer. » Répondit-elle mystérieusement avant de l'inviter à la suivre. Le duo fendit la foule jusqu'à un coin de la place. Un Elfe s'y trouvait, entouré par quelques personnes. Il peignait à large trais le modèle qui lui faisait face, une femme en l’occurrence. Il commençait à peine son tableau, mais le termina en quelques minutes. L’œuvre était saisissante de réalisme tant elle était bien exécutait. D'un geste, Tirith attira l'attention d'Otiz sur des tableaux que l’artiste avaient entreposé un peu plus loin. Certains représentaient des portraits d'Elfe et d'Homme, mais d'autres étaient des paysages. Les montagnes enneigés, des levés de soleil, des elfes en armes, une armée en marche, un dragon … Toutes les ouvres étaient d'un réalismes à couper le souffle. « Daeron est un peintre de talent, ses œuvres son magnifiques. »

Orfraie était dépeinte, pour qui ne la connaissait pas un minimum, comme une militaire. Une guerrière pour qui l'art n'avait pas d'importance. Toutefois, cela était faux. Tirith avait été Baptistrelle, l'art avait été et était encore une partie importante de son être. Elle dessinait peu et n'étais pas vraiment douée pour cela, en revanche elle jouait de quelques instruments et se débrouillait plutôt bien. En observant Daeron, elle songeait à lui acheter un tableau. Pas dans l'immédiat car il serait encombrant de se déplacer avec, mais plus tard, lorsque le grand argentier serait partit se reposer, par exemple.

Ce dernier prit d'ailleurs la parole, faisant naître un sourire sur les lèvres d'Orfraie. Il était vrai que ce marché était source de tentation. Elle même avait vue plusieurs articles qui lui seraient utile, dans la vie de tous les jours ou pour mener à bien son devoir. Intérieurement, la princesse se promit de revenir plus tard ou un autre chose, après tout elle aussi avait de l'or à dépenser. En attendant, son hôte requérait son attention. Tirith tourna donc son regard vers Crissolorio. Ce dernier connaissait son passé de Baptistrelle, rien d'étonnant en soit. Quelqu'un fouillant le bon livre pouvait tomber sur cette information facilement. « Effectivement, en tant que Baptistrelle j'ai appris à jouer de nombreux instruments. » Commença la princesse avec douceur, se remémorant un instant les longues leçons en compagnie de ses mentors. « Puis j'ai appris tout ce qui sied à une princesse lors de mon entrée à la cours. » Ajouta Orfraie avec un sourire, sans entrer dans les détails. Crissolorio devait se douter de ce qu'il s'agissait, sinon il pouvait toujours lui poser la question s'il souhaitait en savoir plus.

D'un geste, Orfraie l'invita à la suivre. Il y avait encore deux étages à visiter, mais elle lui promit qu'ils pourraient revenir sur le marché plus tard s'il le souhaitait. Tout en marchant vers le second étage d'Estëllin, Orfraie entreprit de répondre au grand argentier. Par ailleurs, elle prenait garde de ne pas marcher trop vite. L'homme n'était plus tout jeune… « Vous n'avez pas à me remercier. Il est normal pour moi de vous accueillir comme il se doit. J’attends simplement que vous me retourniez la politesse si je devais venir à Fortuna un jour. » Ajouta Orfraie avec un sourire amicale.

Ils arrivaient au deuxième étage. Il s'agissait des quartiers d'habitations, le nombre d'Elfe était donc un peu plus important ici. Plus loin, une gigantesque place était totalement vide. La princesse la désigna alors qu'ils passaient entre les maisons, marchant sur une route parfaitement pavée. « La plupart des habitations se trouvent ici. Regardez au loin, vous pouvez voir l'esplanade des dragons. C'est là qu'ils atterrissent lorsqu'ils viennent ici, avec ou sans leur dragonnier. » Le duo se dirigeait justement vers l'esplanade, ensuite ils iraient au troisième étage d'où la vue était époustouflante. « Avez vous déjà vu un dragon de près, Messire Otiz ?  » Questionna soudainement Orfraie en se tournant une nouvelle fois vers son invité.

L'avenir qu'ils empruntaient était large et lumineuse, bordée par des habitations. Les voisins parlaient entre eux et se taisaient à l'approche du duo formait par Orfraie et Crissolorio. Ils s'inclinaient respectueusement vers leur princesse, qui leur rendait la politesse bien que de façon beaucoup plus simple. La Rôdeuse n'était pas particulièrement à l'aise devant cet étalage de son statut. Elle ne demandait jamais à ce qu'on s'incline devant elle, ou quoi que ce soit de ce genre. A vrai dire, généralement, elle ne portait aucun signe qui permettait de l'identifier comme une princesse ou même une noble… Mais aujourd'hui n'était pas un jour normal et Orfraie devait jouer son rôle.

Le regard bleu royal se posa sur l'humain. Ce dernier n'avait pas tord, dans quelques siècles il serait nécessaire d'agrandir cette place pour permettre aux Dragons actuels d'être en mesure de se poser. « Vous avez raison, un Dragon ne cesse jamais de grandir. Nous avons encore quelques années devant nous avant de devoir repenser cette place. » Commenta Orfraie d'un air entendu.

Ils arrivaient enfin sur l'esplanade. L'Elfe s'approcha de son rebord. Une vue prodigieuse s'offrait à elle, Estëllin et sa forêt à ses pieds, ainsi qu'Armanda au loin. Toutefois, mieux valait ne pas avoir le vertige, bien que l'effet était différent que de se trouver au bord du falaise sans aucune protection. Là, il y avait une rambarde de pierres… Bon, cela n'empêcherait sûrement pas une chute si une personne très mal intentionné décidait de pousser Orfraie. Celle-ci désigna l'horizon d'un geste, puis dit à l'attention du Grand Argentier.

« N'est-ce pas magnifique ? »

Crissolorio répondit ensuite à l'intérogation d'Orfraie. Il lui avoua avoir déjà rencontré plusieurs d'entre eux. Il nomma Ashy, la liée du Roi Aldarien, ainsi que Cynoë, le lié de la princesse Esmelda Kohan. L'homme rajouta par la suite que les Dragons avaient une conversation et une ouverture d'esprit intéressante. Cela n'étonnait pas Orfraie. Ces êtres légendaires étaient particulièrement intelligents et avaient probablement accès à une vision du monde très différentes de celle des bipèdes.

Sans surprise, le politicien lui retourna la question. Avait-elle déjà rencontré des Dragons ? Oui, mais pas récemment. Les Dragons actuels, elle les avait vu de loin au fils des ans. Ceux qu'elle avait véritablement rencontrés… Eux étaient malheureusement mort depuis des siècles. Orfraie se tourna complètement vers l'humain, s'appuyant légèrement sur le muret de pierre se trouvant juste derrière elle, la seule barrière contre le vide. Légèrement penchée sur le côté, elle s’appuyait légèrement sur sa main droite, offrant son visage à la brise légère qui soufflait sur la cité. Il faisait frais, mais sa cape elfique la tenait bien au chaud.

« Je n'ai malheureusement pas pu converser avec nos Dragons actuels. Toutefois, j'ai eu la chance de rencontrer quelques Dragonniers lorsque j'étais enfant. C'était il y a six cent ans. » Commença Orfraie, une légère pointe de tristesse dans le regard. Cela avait été le temps de l'innocence, pour l'Elfe, qui avait alors observé les Dragons avec des yeux d'enfant émerveillé. « J'étais particulièrement jeune, je n'avais pas cinquante ans... Malheureusement je peine à me souvenir de nos conversations. Mais au travers de mes yeux d'enfant, ils étaient immenses et majestueux. Ils étaient aussi très sages. »

Le regard d'Orfraie se perdit. Elle se remémorait son passé et malgré la jeunesse de ses trais, elle sembla soudain faire son âge. Cela ne dura toutefois qu'un instant. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle reporta son attention sur Crissolorio.

« Que diriez vous de continuer la visite ? »