Au sommet d'une muraille [PV Dawan & Möebius]

¤ Balançons-nous dans le vide ¤

An V d’Obsidienne, 5 janvier

Trois années s'étaient écoulées. Et pourtant il suffisait de se retourner en arrière pour se revoir se rendre dans le royaume vampirique pour chercher à atteindre les profondeurs de la terre. Pour chercher à atteindre la cage dans laquelle se trouvait enfermer Vraorg le blanc. Elrond n'était pas allé au bout de cette aventure. Le sort en avait voulu autrement. Mais il s'estimait plutôt chanceux de ne pas avoir continué. Oh bien sûr, il aurait apprécié être un marcheur, mais pas à ce prix-là. Il savait que les marcheurs avaient assisté en première ligne à la libération de Vraorg. Ils étaient tombés le premier sous son joug. Autant dire qu'il était content d'être tombé avant, sinon il se serait plié sous sa domination, contre son gré bien sûr. Il aurait entrainé Möebius avec lui. Ou alors celui-ci aurait connu le même sort de Silarae ou Ashy. Séparer de leur dragonnier. Les pauvres. Il espérait que l'on pourrait au plus vite les retrouver. Elrond ne pouvait imaginer la douleur que celles-ci ressentaient. Toutefois, il se demandait s'il ne valait pas mieux cela qu'être soumis à ce dragon blanc, si l'on pouvait encore le qualifier de dragon. C'était une question délicate, mais elle était toute tranchée pour l'Amarië. En dehors des désagréments que pouvait entrainer l'éloignement. Il préfèrerait largement savoir son lié sous la protection des esprits s'il était tombé sous la domination de Vraorg. Ou même l'inverse. Au moins l'un aurait eu la possibilité de délivrer l'autre.

Trois années s'étaient donc écoulées. Quand bien même il y avait eu beaucoup d'évènements, d'incidents ... de tragédies. Tout avait semblé passer si vite. Ils n'avaient pas eu le temps de s'ennuyer ou même de se reposer. Aujourd'hui aussi d'ailleurs. Il y avait fort à faire et la guerre était loin d'être terminée. Très loin même. Et ceux mêmes avec l'intervention des esprits. Armanda était défigurée. Premier, elle s'était fait amputer de moitié. Les terres ravagées par Néant avaient été ensevelies par les flots. Elrond savait que plus jamais lui et son lié ne pourraient rentrer chez eux. Plus jamais il ne reverrait la forêt... sa clairière. C'était triste. Cependant, de toute manière il n'y serait que très peu retourner. Après tout, il faisait partie de la caste des dragonniers maintenant. Et son nouveau chez soi se situait sur l'île du flocon. Quand bien même il fallait aller la reconquérir maintenant. En espérant qu'elle ne soit pas détruite d'ici là. Deuxièmement, les montagnes au nord. Autrefois geler, de la fumée noire s'en échappait maintenant. Elles n'étaient plus que des volcans. C'était étrange. Aucune Armandéen ne connaissait cela d'ailleurs. Des montagnes de feu. C'était le résultat d'une bataille entre Vraorg et les Sept. Malheureusement celui-ci semblait avoir réussi à repousser la fratrie. Ce monstre était puissant. D'après ce qu'il avait compris, il s'était emparé des pouvoirs de Väsà. Et l'esprit du Néant avait un pouvoir équivalant à celui de ses sept frères réunis. Il était compréhensible que le combat ne se déroule pas rapidement.

Et puis ce combat ne ressemblait plus à une guerre d'usure qui risquerait de ravager Armanda plus qu'autre chose, les esprits semblaient avoir revu leur stratégie. Venant en aide aux bipèdes fassent à l'empire que venait de se créer le blanc. Quelle arrogance. Se crée un empire et demandé la vénération de ses sujets. Il était comme Väsà... ou c'était plutôt Väsà qui avait été comme lui... souiller par lui. Quoi qu'il en soit. Les mortels qu’ils étaient, allaient devoir faire front communs avec les esprits. Cette idée ne démangeait pas plus que cela le dragonnier sylvestre, bien au contraire d'ailleurs. Tant que ceux-ci leur donnaient les moyens de s'opposer à leur adversaire. Si c'était pour servir de chair à canon. Autant partir le plus loin possible d'ici. Mais ce n'était pas le cas. Elrond regarda le pendentif qu'il avait reçu des esprits. D'après ceux-ci, le joyau en son sein permettait de bloquer l'intrusion de Vraorg dans leur esprit afin qu'il ne puisse lire en eux et le rendre impossible à localiser par l'esprit. Cela ne limitait que les pouvoirs du dragon blanc. S'il désirait y accéder, il trouverait sans doute un moyen d'y arriver. Mais cela offrait une relative sécurité. Ou au moins un moyen de ne pas se faire balayer aux premiers instants.

Möebius en avait également reçu un. Il était désormais insensible à la voix d’autorité de celui-ci qui lui permettait de prendre le contrôle des dragons. C’était ignoble. Comme une telle magie avait-elle pu être tolérée ? Pourquoi les esprits n’avaient pas remédié à ce problème avant qu’il ne prenne de telle proportion ? Elrond s’interrogeait. Il apprécierait avoir les réponses. Mais comme il ne les avait pas. Il allait devoir faire sans pour le moment.

Durant ces dernières années, la malédiction qu'avait reçue le sylvain de la part de l'esprit du Néant s'était faite plutôt discrète. Elle perdait en intensité depuis un moment, mais elle était toujours là. Faisant surface de temps à autre. Devenant plus traitresse. Si les maux de tête étaient moins virulents, ses cauchemars en revanche avaient gagné en intensité. Forte heureusement, Elrond avait réussi à trouver une parade pour cela. Il ne l'utilisait pas tout le temps, mais dès qu'il en avait l'occasion il n'hésitait pas. Il s'agissait d'un sort tout simple pour être plongé dans un sommeil dépourvu de rêve. Dépourvue de cauchemar. L'apprenti Baptistrel Dawan Sywel avait accepté ce rôle. Être le marchand de sable d'Elrond, le gardien du sommeil calme. Il devrait un jour trouver comment le remercier. Un cadeau peut-être ? À la hauteur du service qu'il lui rendait ? Et s'il lui proposait au tour dans les airs sur le dos de Möebius ? Mh... il faudrait convaincre Möebius avant, ce ne serait pas facile. À voir. Si les maux de tête et les mauvais rêves étaient sous contrôle. Il était une chose qui en revanche échappait à tout contrôle. Ses hallucinations. Elle se faisait plus profonde, plus puissante et poussait l'elfe dans des situations toujours plus dangereuses allant même jusqu'à menacer sa vie et celle de son lié. La dernière fois par la faute de celle-ci il avait détruit un arbre qui s'était écrasé sur lui et son lié.

Möebius de son côté avait réussi à vaincre son amnésie. La malédiction qui frappait les autres vainqueurs du Néant s’était également estompée. Alors pourquoi demeurait-elle chez lui ? Les voies des esprits sont impénétrables. Möebius avait été le seul blesser lors de cette bataille, peut-être était-ce dû à cela ?

Elrond se balançait doucement sur une chaise observant un point fixe devant lui. Cela faisait longtemps qu’il était ainsi. Peut-être une heure ou deux, plongé dans une certaine léthargie. Le désert n’était pas un environnement pour lui. Lui qui ne supportait pas la chaleur, voilà que le protectorat devait se situer en plein désert. À la vérité, l’Amarië se croyait en intérieur, à l’abri des rayons du soleil. Après tout ce qu’il voyait, entendait et sentait l’aidait à penser cela. Mais ce n’était pas le cas. Le blond ne se balançait pas sur une chaise, mais proche du vide au sommet d’une des murailles de sable créer par les esprits. S’il était plongé dans une certaine léthargie, c’était à cause du soleil qui lui tapait dur dessus à force d’être resté immobilisé en plein cagnard. Le blond se balançait davantage, après tout il ne pensait pas faire une chute vertigineuse de plusieurs mètres, mais simplement tomber de sa chaise.

Le soir n'allait pas tarder à tomber. Enfin, pour certaines âmes, il devait l'être déjà. Dawan sortait d'une réunion pour le moins assommante, en combien de Fabius. Depuis trois ans environ il trainait dans les pattes de cet humain, qu'il le veuille ou non. Deux mois à peine après que Merithyn le lui ait demandé, à vrai dire. "Aider Fabius", avait-il dit. Il n'avait pas précisé comment ni pour quoi. Et Dawan, la bouche en coeur, était venu devant Fabius, lui imposer sa présence. Ceci dit, l'humain n'avait pas refusé, et il insistait pour l'emmener avec lui dans certaines réunions et réceptions. L'Enwr avait cru comprendre qu'il aimait bien la musique. Et qu'il ne le détestait pas non plus. Le fait que ce soit Merithyn qui eut donné cette tâche l'intégrait dans son apprentissage, bien qu'il ne touche pas aux disciplines habituelles. Il avait eu un contact tout particulier et, à vrai dire, parfois amer, avec les parties les plus dures de la vie de baptistrel. Il avait également mieux découvert le monde des Hommes, ses parts d'ombres autant que ses parts de lumières.
Malgré l'annonce qu'on lui avait faite et qui retirait à Merithyn sa place au sein des douze, il persistait dans son devoir. Il sentait que l'avis de l'ancien Cawr était assez pertinent pour qu'il y reste attaché. Et puis, il fallait l'admettre: après les longs mois d'errance dans le désert, seul avec Fabius et Silaraë, il s'était attaché à ces deux-là. Aussi ses journées étaient-elles désormais divisées entre les instants auprès de Fabius, ceux auprès des membres de l'Ordre, ceux auprès de Silaraë… Il avait relativement peu de temps pour lui. À cela s'ajoutaient les prières quotidiennes à Feu et Mort, les repas -bien que les siens soient assez succins-, et autres obligations de mortel.

Il estimait que ce n'était pas un mal. Cela l'empêchait de trop broyer du noir. Avec la disparition définitive de sa forêt, la théocratie qui paraissait ne pas faiblir, et son mode de vie totalement inadapté au petit elfe qu'il était, il y avait de quoi. D'autant plus que certains de ses amis n'étaient pas au protectorat. Certains dragons, aussi, et cette seule pensée le rendait généralement aphone pendant de longs instants. Voir du monde, rendre service, l'obligeait à garder le cap et ne pas se laisser abattre. Il aurait pu aisément se laisser engloutir par sa peine…
Dawan sortait de Fort-Espérance, enroulé dans ces habits bien spéciaux qu'il portait depuis qu'ils s'étaient installés ici. Maigre barrière de tissu pour le protéger de la morsure d'un soleil écrasant. Dire qu'il s'était plaint de la canicule, lors de la fin du monde… S'il avait su ce qui l'entendait alors ! En même temps, s'il avait su pour les perles à tentacules, la vampirisation de Merithyn, la domination du monde par Vraorg… Peut-être se serait-il lancé à corps perdu dans des recherches sur une façon de retourner dans le passé. Ou peut-être qu'il aurait purement et simplement réfléchi à la possibilité de retourner vers sa forêt et se noyer dans le Néant. Non… Cela aurait servi Vraorg. Il aurait sans doute agi de même. Mais l'espoir qui l'aurait animé aurait été différent.
Il se raccrochait à des songes fous, des chimères qui jamais ne se réaliseraient. Il le savait, mais il ne parvenait à s'en défaire. Il rêvait de sa forêt, de paix, et d'harmonie. Un long soupir lui échappa, alors qu'il s'avançait entre les bâtiments qui formaient le coeur du protectorat. Les réunions aussi ennuyeuses revenaient, au final, à des instants de solitude. Et il avait broyé du noir. Juste avant d'aller enfouir sa conscience dans le sommeil, ce n'était pas forcément l'idée du siècle. Peut-être que cette fois-ci, les Maitres avaient quelque tâche à lui donner…

Peu de bruit. Les bipèdes ne restaient que peu à l'extérieur, de jour comme de nuit. Cette situation devenait pesante. S'il n'avait pas eu un long voyage dans les plaines quelques mois plus tôt, Dawan aurait sans doute fini par craquer. L'écho de ses propres pas l'aidait à se diriger, sans qu'il eut besoin de regarder autour de lui. Un réflexe bienveillant le poussa néanmoins à lever le nez. Quelque chose ne tournait pas rond, il en était persuadé. Quelque chose… Ici, au sein du protectorat. Un désagréable pressentiment. Courant, le temps lui étant compté, Dawan se dirigea vers un perchoir, comme guidé par son totem. Du haut des murailles, ou même à mi-hauteur, il verrait mieux. Son regard passa sur ce qu'il essayait d'adopter comme un nouveau Domaine, mais qui ne lui inspirait qu'un doux et sous-jacent malaise. Il espérait, d'ailleurs, que le pressentiment qu'il avait ne ressemblait pas à ces instants perdus qu'il subissait parfois. Il lui arrivait de se sentir perdu, alors qu'il connaissait en temps normal les lieux sur le bout des doigts. C'était assez désagréable à subir. Comme si cet endroit refusait de n'être plus étranger pour lui.
Son regard notifia enfin une silhouette. Elfique, aurait-on dit. Elle se balançait dangereusement en haut des murailles… Quelle folie était-ce que cela? Son peuple n'avait pas besoin de perdre un des siens ! Il se précipita vers ladite silhouette et, bien vite, reconnu Elrond. Il semblait distant. Il l'appela, n'eut pas de réponse, se rapprocha encore. Sa main vint sur son épaule, pour le réveiller.

"- Elrond, ne restez pas là !"

Bon, il n'avait jamais su donner d'ordres, et son ton était le même que celui que prenaient les humains pour féliciter un animal, au final. Mais l'intention y était ! Avec sa douceur habituelle, il "prit" le bras d'Elrond, et essaya de le faire se mouvoir vers les escaliers les plus proches. Il ignorait depuis combien de temps le dragonnier était là, mais c'était sans doute trop longtemps. Il fallait le mettre à l'ombre.
Le monde n'avait pas besoin de perdre un elfe, encore moins un dragonnier.

¤ Un coup de soleil ¤

Elrond se balançait doucement dans le vide au sommet d'une muraille et en plein soleil. Alors qu'il pensait être tranquillement assis sur une chaise à l'ombre et plus ou moins au frais. Fixant un point devant lui, quelque peu absent. Il crut entendre une voix, mais il n'était pas sûr. Ses sens perturbés, il avait l'impression d'entendre un léger brouhaha autour de lui, créer par les autres occupants de la pièce où il se trouvait et qui n'étaient que fantômes créés par le délire du blond. Mais il avait cette sensation qu'on l'appelait sans qu'il n'en soit vraiment sûr. Cela se traduisait par une sensation de fourmillement dans les doigts.

« Elrond, ne restez pas là ! »

Le dragonnier sursauta presque alors que Dawan apparut dans son hallucination. Il manqua d’ailleurs de tomber en arrière, mais fut rattrapé par le bras du petit elfe qui sembla le tirer. Le blond fronça quelque peu des sourcils.

« Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Je n’ai pas le droit de souffler un instant à l’ombre ? Hier encore j’étais dans les plaines contestées, ne viens pas me dire que je ne fais rien. »

Mais le Sywel sembla insister, tirant davantage sur son bras pour le faire lever. Lâchant un gros soupire, le sylvain se leva finalement et suivit docilement l'Enwr qui le trainait, grommelant un peu. Que pouvait bien lui vouloir le petit blondinet. C'était peut-être la guerre, mais ne pouvait-on pas poser ses fesses cinq minutes entre deux opérations ? Il ne fallait certes pas relâcher sa vigilance, mais les esprits avaient levé une barrière pour protéger le désert. De plus si jamais on venait les attaquer, dans la seconde même tout le monde serait prévenu. Or ce n'était pas le cas, Elrond avait donc bien le droit de respirer un peu. Que pouvait bien lui reprocher ce petit être ?

L’elfe était bizarrement concentré sur l’elfe, sans doute sans réellement le vouloir. Il ne faisait plus attention à ses mouvements, il ne faisait plus attention à ce qui l’entourait, semblant être totalement détaché de celui-ci. En effet l’environnement présenté par son hallucination ne bougeait pas alors que lui si. Il descendait des marches, mais aucunes marches ne se présentaient à lui. Cependant il ne remarquait pas cela, étant totalement déconnecté de la réalité. Les images et sensations présentées par son hallucination ne se remirent en mouvement que lorsque les deux elfes furent tous deux prêts à rentrer dans un abri vers lequel voulait Dawan les dirigeait. Alors que le Sywel voulait faire rentrer Elrond à l’intérieur, c’est l’inverse que vu le dragonnier. Il se voyait sortir dans abris à l’ombre, tirer par Dawan, pour aller dehors. Le soleil semblait par ailleurs bien éblouissant si bien que l’Amarië vint se mettre une main devant les yeux. Attrapant à son tour le bras du plus petit, Elrond s’immobilisa net, retenant Dawan qui voulait l’amener à l’extérieur alors qu’en réalité il souhaitait le mettre à l’abri. Plissant des yeux un peu aveuglés par cette fausse luminosité que pensaient percevoir ses yeux.

« Rah, mais pourquoi tu veux m’amener dehors Dawan ? Il fait trop chaud dehors et puis la lumière est trop éblouissante. Il faut éviter d’aller dehors en pleine journée, c’est peut-être une ville, mais elle reste placer au beau milieu du désert. »

L’Amarië serra un peu plus fermement sa prise sur le bras de Dawan et se mit à le tirer à son tour pour faire marcher arrière cette fois et l’entrainer pour rester dehors.

« On sera bien mieux à rester au frais à l’intérieur. Et puis, qu’est ce qu’il y a de si important pour que tu veuilles me trainer comme ça dehors ? »

Dracos tout puissant ! Dawan avait eu la peur de sa vie ! Avec un glapissement de terreur, il avait rattrapé Elrond, quand ce dernier menaçait de totalement basculer, chutant durant des secondes infinies jusqu'à ce que la hauteur lui brise les os. Oh non non non, il ne voulait pas entendre ça ! Pas ce craquement sinistre, et cette mort insupportable ! Il ne voulait pas entendre le hurlement de douleur de Möebius, à l'instant où Mort récupèrerait l'âme d'Elrond entre ses bras !
Aussi crut-il un instant rêver en constatant qu'il était parvenu à empêcher cela. Son coeur battait la chamade, il serrait le bras d'Elrond avec force. Le dragonnier ne paraissait pas être tombé dans l'inconscience, comme Dawan l'avait imaginé, à cause du soleil. Il ne comprit pas les inflexions mécontentes de sa voix. Si, si, bien sûr, il avait le droit de souffler à l'ombre… Il en avait même le devoir ! Il ignorait qui avait pu demander au dragonnier de rester en plein soleil, quel âme infâme avait imaginé que cela lui forgerait le caractère, mais c'était sans doute une sotte personne. Nul ne résistait au désert. Pas même un dragonnier. Il voulut le lui dire. Sa gorge serrée par la crainte ne le lui permit pas, il se contenta de tirer sur le bras d'Elrond, pour l'entrainer avec lui. Ah bah il pouvait comprendre qu'il ne soit pas de bonne humeur ! Mais tout allait aller mieux, et si qui que ce soit lui faisait le reproche de s'être mis à l'abri, il 'aurait qu'à accuser l'Enwr Sywel. Il était prêt à assumer ce qu'il faisait… Comme d'habitude.

Il gardait le bras d'Elrond contre lui, essayant de hâter la marche sans le mettre en danger. Il avait l'impression de guider un patient, comme quand ceux-ci se découvraient tout juste guéris et reprenaient peu à peu l'usage de leur corps. La descente des marches lui parut périlleuse. Oulah… Il ne devait pas être en forme, le dragonnier. Dawan se surprit à chanter, pour calmer son propre souffle et ses émotions en pagaille, mais aussi pour maintenir Elrond avec lui et, si la magie le lui permettait, relativement indemne. Ils arrivèrent bientôt au pied du premier abri venu, lequel projetait déjà une petite ombre, bienvenue. Dawan s'y précipita, mais rencontra bientôt la résistance du dragonnier. Hu ? Mais qu'est-ce qui lui prenait ? N'avait-il pas à l'instant dit qu'il voulait aller à l'intérieur ? Le petit Dawan commençait à douter. Il penchait légèrement la tête sur le côté, plissant les yeux pour dévisager Elrond malgré la lumière environnante.

Pourquoi il voulait l'emmener dehors ? Mais… Mais ils étaient dehors ! Enfin… C'était ce que Dawan croyait. Pour le coup, il eut un instant d'hésitation, resta à balancer son poids d'un pied sur l'autre, libéra son emprise du bras du dragonnier. Une note unique s'échappa de ses lèvres, comme témoin de ses hésitations, et de sa tendance à vouloir accepter tout ce qui sortait de la bouche du dragonnier comme si c'était là une sorte de vérité donnée par les Esprits eux-mêmes. N'avait-il pas été Enwr, lui aussi ? Donc amoureux de la vérité ? Peut-être avait-il raison, et peut-être que c'était lui, Dawan, qui comprenait tout de travers depuis le début. Elrond l'entraina en sens inverse, Dawan n'y opposa aucune résistance. Mais bien vite, il sentit à nouveau le soleil cogner contre ses habits. Non ! Elrond se fourvoyait, ce n'était pas ce qu'il fallait faire !
Il se défit de la prise d'Elrond, avec un petit bruit qui devait être une sort de "non", en plus doux. Non, il ne voulait pas le suivre. Parce qu'il sentait que cette fois-ci, c'était lui qui avait raison. Il essaya à nouveau de s'emparer d'Elrond, et l'attirer dans son sens. Mais le dragonnier était plus fort que lui, ses efforts étaient vains. Alors il finit par abandonner cette méthode. Son regard chercha celui d'Elrond, alors qu'il claquait de la langue, comme on le fait pour attirer certains animaux. En l'occurrence, lui, il le faisait pour réfléchir. Finalement, il contourna Elrond et, d'un bond, fut sur ses épaules. Là, cramponné comme un petit singe, il mit ses mains sur les yeux du dragonnier. Peut-être qu'ainsi il se fierait à ses autres sens et comprendrait qu'il fallait se mettre à l'abri ? Ou peut-être lui ferait-il confiance et se laisserait-il guider, comme une monture par son cavalier ?

¤ L’attaque de la chouette ¤

L'aveuglante lumière illusoire, elle lui blessait les yeux alors tout était pourtant faux. L'extérieur et l'intérieur inversé. Le chaud et le froid permuté. L'ombre et la lumière confondue. Elrond tenait fermement le bras du petit apprenti chanteur qui, quelques secondes plutôt, tentait de le mettre à l'abri. Mais là encore les choses furent inversées. Le dragonnier sylvestre tirait sur le membre de l'elfe pour le mettre en danger sous les cruels rayons ardents de l'astre solaire. Celui-ci ne sembla pas opposer de résistance au début, se laissant faire. Du moins au début. Bientôt, lorsque les rayons du soleil caressèrent la peau de celui-ci, Dawan commença à lui résister. Sywel se défit de sa prise sur lui en lâchant une sorte de « non » faiblard. L'Amarië qui délirait, perdu dans son hallucination ne compris pas. Pourquoi Dawan se défiait ainsi de lui alors qu'il voulait que celui-ci rester sous la protection de l'ombre et d'une relative fraicheur au lieu d'une chaleur accablante et dangereuse. Pourquoi ce petit elfe voulait l'amener dehors alors qu'ils étaient si bien à l'intérieur. Que se passait-il ? Le blond commença à douter et une douleur naissante apparut dans son crâne.

Cette douleur, le dragonnier n’eut toutefois pas le temps d’y penser bien longtemps. Ou même de s’y concentrer pour tâcher de devenir d’où celle-ci pouvait bien venir. Le petit elfe commença à lui tourner autour. Sa forme sembla devenir changeante, brumeuse. Quoi, ses yeux déconnaient ou le petit elfe usait de magie pour rendre son corps ainsi. Quelque chose semblait clocher. Bientôt, aux yeux d’Elrond, Dawan se transforma en rapace. En une chouette blanche qui prit son envol. L’Amarië se sentit soudainement plus lourd, comme s’il portait quelque chose. Mais encore une fois il n’y fit pas attention. Non, il était bien trop concentré sur cet étrange phénomène. Sywel venait de se transformer en chouette ? Que se passait-il ? Il n’avait pas connaissance que cela soit possible ou même que le petit elfe puisse en être capable. Cela dit, il n’était pas au fait de toutes les prouesses qu’il était en mesure d’accomplir, mais tout de même, c’était trop invraisemblable sur le coup. L’illusion de la chouette sembla voltiger un instant avant de lui fonder dessus et attaquer ses yeux avec ses serres. Cela correspondait en réalité à l’apposition des mains de Dawan sur ses yeux dans la réalité, mais Elrond ne le voyait pas ainsi. Le dragonnier porta un bras à ses yeux pour les couvrir tout en battant de l’autre devant lui, semblant essayer de chasser quelque chose.

« Ah Dawan arrête ça, qu’est-ce qui te prend. Aller barre-toi sale bête ! »

Le blond gronda un peu tandis qu’il s’avança, assez rapidement, ne se rendant pas compte des distances parcourues. Déjà qu’il ne s’en rendait pas compte avant, mais maintenant avec des mains cachant ses yeux c’était encore moins le cas. Il avança, chassant un animal volant qui l’attaquait invisible, ou même imaginaire. Il avança, avança et même couru, très peu embarrasser par le poids du Sywel qui squattait sur ses épaules. Il courra tant et si bien qu’il fonça droit vers un mur d’une des bâtisses et la percuta de plein fouet. Tombant par la suite en arrière, stopper net dans sa course, avec l’individu qu’il avait sur le dos. Le dragonnier s’écrasa sur le dos, sonné par cette soudaine collision. Il ne savait pas si Dawan avait eu le temps de s’éjecter. Elrond resta un petit moment allonger au sol avant de revenir à lui. La recalibration cognitive provoquée par le choc du mur et de sa tête avait toutefois eu un effet positif. Cela lui avait permis de sortir de son hallucination.

La créature sylvestre rouvrit doucement les yeux, tandis qu’une douleur familière l’envahissait. Un mal de crâne. Assez sévère toutefois. Le soleil avait tapé durement sur sa tête le temps qu’il était resté dehors, mais le mur n’avait rien arrangé non plus. Lentement, il porta une main à son front tout en grommelant au contact alors qu’il sentit un liquide couvrir ses doigts. Aïe, il s’était blessé en plus. Ce qui venait de se passer revint bientôt en mémoire à l’elfe. Il lui semblait être attaqué par un volatile quand il s’était pris un mur qu’il n’avait pas vu. Cela lui rappelait vaguement la fois où sa malédiction avait fait disparaitre un arbre de son champ de vision lorsqu’il était dans la forêt elfique et qu’il se l’était pris en pleine poire. L’Amarië lâcha un juron elfique assez grossier avant d’essayer de se redresser, mais en vain. Semblant voir des étoiles, il arrêta aussi tôt. Il bougea toutefois la tête sur la droite puis sur la gauche pour tenter de voir s’il trouvait Dawan, ou même la chouette, mais rien de tel dans les environs.

« Quoi, Dawan et la chouette c’étaient des hallucinations, génial… »

Dawan sentit la main du dragonnier se poser sur la sienne, eut l'idée qu'ils allaient s'engager dans une lutte qui opposerait la force d'Elrond à son agilité, son équilibre, et sa volonté. Mais ce serait vain ! Il allait résister, et tenir, jusqu'à ce que l'ex-Enwr se rende dans un lieu qui lui serait plus bénéfique ! C'était là son devoir de cavalenwr. Pour lui, c'était désormais clair comme de l'eau de roche: Elrond était resté bien trop longtemps au soleil, et divaguait ! Sauf que des vagues, il n'y en avait pas beaucoup ici. Au sein de l'oasis... En tout cas, de l'ombre, il fallait aller vers l'ombre ! Mais qu'essayait donc de faire Elrond en agitant son bras comme pour chasser les insectes ? Il ne fallait pas les chasser, les insectes, ils étaient ici chez eux, comme eux ! Dawan, lui, face aux insectes, adoptait une attitude bien particulière: se cacher le bas du visage, pour n'en point absorber. Il n'était pas omnivore, et son régime végétalien le faisait bouder jusqu'aux insectes qui permettaient à certains de maintenir leur structure au sein du protectorat. Mais peut-être que les grands mouvements n'avaient pour fin que la protection face à la lumière ?

Il n'y fit plus guerre attention. De même, il se saisit au vol des mots, mais ne s'offusqua ni ne se blessa de ce qui aurait pu être des injures. Il en avait vues d'autres. Et elles n'avaient guère d'importance, n'exprimait que le mécontentement d'Elrond. Il pouvait l'être, ceci dit ! Ce n'était jamais agréable d'être manipulé, fusse par soi-même. Mh ? Ah, oui, peut-être que se faire sauter sur le dos sans avoir été prévenu n'était pas forcément agréable. Il aurait dû comprendre que c'était pour son bien !
Dawan se cramponnait de plus belle à sa monture elfique, alors qu'il abandonnait l'étincelle d'incompréhension qui l'avait traversé, lorsqu'un brusque mouvement l'amena à ne plus se concentrer que sur son maintient en selle. Elrond bougeait dans tous les sens ! Il allait tomber, Dracos...! Il n'avait pas passé son diplôme de cavalier de dragonnier, ne savait pas du tout comment réagir en pareilles circonstances ! Seuls les réflexes appris auprès de Shi'Ry lui permirent de ne pas mordre la poussière, et de ne pas faire mordre la poussière à Elrond par un poids mal placé, durant un moment de cette course sans queue ni tête, motivée par un soleil qui mordait avec la férocité d'un loup vampire leurs peaux. Bientôt, ils se dirigèrent vers un mur. Ah, de l'ombre, un peu, enfin ! Il allait pouvoir libérer Elrond !

Il eut le temps de le penser. De prévoir de le libérer. Se dire qu'il fallait bondir. L'instant suivant, et alors qu'un sens aussi elfique qu'animal aurait dû permettre à Elrond de sentir la présence du mur et le ralentir voire l'arrêter sur le coup, le dragonnier rencontra la pierre de plein fouet. Ouch ! Heureusement qu'ils étaient sur une parcelle d'ombre, sans quoi la chaleur de la pierre aurait menacé de le brûler ! L'équilibre fut perdu, Dawan parvint tout juste à se détacher des épaules de son congénère, pour atterrir lourdement sur ses pieds, puis sur son arrière-train.Ou l'inverse, difficile à dire. En tout cas, la douleur qui le traversa provenant de ces endroits le surprit un peu, mais passa relativement vite. Il était tout déboussolé. Son corps avait changé trop vite d'emplacement dans l'espace. Comme Elrond, il regarda autour de lui, cherchant à se repérer. Il lui semblait avoir tout oublié. Il était dehors, près de ce bâtiment-là. Il avait vu Elrond, il avait voulu l'aider, ils étaient tombés. La voix du dragonnier vint alors qu'il n'était pas encore totalement apaisé, encore agité des mêmes émotions que celles qui précédaient la chute. Craignant qu'il soit de fort méchante humeur, il commença déjà à chercher comment l'apaiser. il se rapprocha de lui. Mais il était encore dans son dos lorsqu'Elrond parla de lui et de la chouette. Oh, non non, ce n'étaient point des illusions, il ne fallait s'en fâcher ! d'un bond, et sans imaginer qu'il puisse surprendre Elrond, Dawan fut en face de lui. Sur le même ton avec lequel il aurait pu lui dire "soyez sans craintes", il expliqua:

"- Totem..."

C'était tout ce que son esprit parvenait à obtenir comme paroles pour rendre ce qu'il pensait. De toutes façons, il n'aurait pas pu être plus éloquent: il vit la blessure, et afficha une mine horrifiée. Il se baissa à toute allure. Sa voix entonna un chant qu'Elrond devait bien connaître, qui était celui du sort de soin. Ainsi c'en serait vite fait de ce bobo-là. Son regard était dardé vers celui de son patient, mais sans véritablement le regarder, plus parce qu'il fallait bien avoir son regard quelque part. Sa voix se teintait d'intentions bienveillantes, de douceur. Quelque part, le soigner l'apaisait. C'était quelque chose qu'il savait faire, qui lui donnait l'impression que le moment à venir allait être meilleur. Ses mains vinrent, lentement, sans heurt, se poser sur le crâne de son ami. Il savait qu'il appréciait les massages, mais préférait lui donner l'occasion d'arrêter son geste. Du bout des doigts il commençait à décrire des cercles, sans appuyer, vérifiant dans le même temps qu'il apaisait la douleur si une blessure mineure avait suivie celle qui avait teinté le front d'Elrond de rouge. Il utiliserait l'inspicio, bien sûr. Mais après. Ils avaient des priorités.

¤ Paranoïa ¤

Barre-toi sale bête, mais la bête en question ne semblait décider à laisser le dragonnier en paix, continuer de l’attaquer avec ces serres acérer obligeant le blond à venir protéger son visage avec son bras, puis à se mette à courir pour lui échapper. Courir tant et si bien qu’il ne vit pas le mur qui se dressait face à lui. Courir tant et si bien qu’il finit par se le prendre en pleine poire sans même s’en rendre compte. Stopper net dans sa course, le dragonnier sylvestre tomba en arrière perdant connaissance l’espace de quelques instants. La malédiction de Väsà se retira lentement son emprise sur l’esprit du bond, le monde hallucinatoire dans lequel il était plongé disparaissait tout autour de lui pour laisser sa place à la réalité. Un coup sur la tête fonctionnait toujours pour revenir à la réalité. Mais à force de se prendre de coup, l’Amarië finirait tout cabosser. Et son cerveau serait endommagé. Il n’avait aucune envie d’être appelé plus tard le dragonnier fou ou attarder. Allonger au sol, le blond sentit contre sa peau le sable chaud du désert. Oui il était dans le désert, l’endroit même où c’était fondé le protectorat des esprits.

Elrond eut l’impression de voir le monde tourner autour de lui alors que son esprit s’ancrait dans la réalité dont il avait arraché sans vergogne. Mais c’était sans plus dû à la blessure qu’il avait sur la tête et qu’il n’avait pas encore remarquée. Mais cela ne tarderait plus. Le monde cessa de tourner autour de lui et la douleur se fit sentir. Au début il s’agissait de simple petit picotement. Puis ce fut une sensation de brûlure, celle issue de son sang qui s’échappait de sa blessure pour se rependre lentement sur son front. Et enfin la douleur se fit plus virulente quoiqu'un puisse mitiger, comme anesthésier. Le soleil qui avait cogné pendant de longues heures sur son crâne avait finalement eu une petite utilité. Même si ce n’était pas très enviable. Doucement, mais surement Elrond prenait conscience de ce qui s’était passé. Une hallucination, encore et toujours une hallucination, ça ne pouvait être que ça, c’était toujours ça d’ailleurs. Quand cette maudite chose finirait par le lâcher ? Jamais sans doute, c'était bien sa veine.

Se relever était encore impossible pour le jeune elfe, au risque d'avoir de nouveau vertige et de retomber à nouveau. Ce n'était donc pas la peine une simple perte de temps. Il devait patienter encore un peu le temps de recouvrer ses moyens et de s'occuper de la blessure qu'il avait au crâne. Encore un peu et il pourrait. Il ne pouvait pas prendre le risque d'utiliser la magie maintenant alors que son esprit ne s'était pas encore remis de cette désagréable expérience, c'était plus dangereux qu'autre chose. Portant une main à son front pour essayer de voir l'étendue des dégâts, il se surprit à voir qu'il avait la tête plus dure qu'il ne pensait. Un peu de sang tacha ses doigts tandis qu'il grogna légèrement, serrant les dents, accentuant la douleur en touchant ainsi sa blessure. Dégageant sa main, jugeant que continuer d'inspecter sa blessure en étant aussi pathos n'était pas très conseillé, il regarda à droite puis à gauche pour voir s'il trouvait Dawan ou la chouette. Savoir s'il avait tout inventé depuis le début, ou si l'un ou l'autre avait pris part à son hallucination. S'il ne vit rien au début, l'Enwr finit par surgir de nul par en faisant sursauter le blond qui le vit en double pendant quelques instants. Finalement Dawan était réel et avait participé à son hallucination. Mais il n'en était pas totalement sûr.

Plissant un peu les yeux, son esprit se remettant soudainement à chanceler à cause de sa blessure au front, pour se concentrer il observa le petit elfe approcher ses mains de sa blessure et laisser la magie le parcourir, venant entreprendre de le soigner. L’elfe sentit une sensation de douceur envahir son crâne, la douleur disparaissant et la blessure de résorbant. La douleur se calma lentement tandis que les mains du barde en formation vinrent jouer sur le front de l’Amarië lui dispensant un petit massage relativement agréable. Les yeux azurés du dragonnier glissèrent sur le visage de Dawan tandis qu’il grommela légèrement. Quelque chose clochait. Quelque chose lui disait que son hallucination n’était pas finie. Hallucinations et cauchemars étaient son lot, mais pas seulement, mal de crâne aussi. Oh certes, il venait de se prendre un mur ainsi que le soleil pendant de longues heures sur le coin de la tête, mais il savait exactement comment la douleur dans sa boîte osseuse apparaissait. Telle une pointe qui s’enfonçait, forant, cherchant à se creuser un chemin. Or il ne l’avait pas ressenti. Rien ne lui annonçait que tout cela était fini ! La paranoïa de son lynx se réveilla alors qu’il fronça les sourcils en regardant Dawan.

« Es-tu réel ?! »

Elrond roula sur le côté pour s’éloigner du Baptistrel en cours d’apprentissage et se releva difficilement, chancelant un peu, n’arrivant pas à aller plus loin que se mettre à genoux. Portant une main à sa blessure que Dawan avait soignée, il utilisa le sort d'inspicio. Il ne pouvait être certain d’avoir été soigné de sa blessure, si jamais il avait été blessé bien entendu. Non, il avait été blessé, c’était certain. Visuelles et sonores, ses hallucinations s’étaient toujours tenues à cela, elles n’étaient jamais allées plus loin. C’était suffisant pour mettre la vie du dragonnier en danger douer comme il était.

« Reste là, ne bouge pas. »

Le blond leva une main en la direction de Dawan, paume vers lui et les doigts à moitié replier, faisant sortir du sol des racines pour immobiliser les chevilles de celui-ci. S’il était encore sous le joug d’une hallucination, il allait le savoir rapidement.

« Ce n’est pas encore fini. Je vais m’assurer que tu n’es pas une hallucination. Tu changes de tactique malédiction ? Deux hallucinations à la suite c’est de l’inédit. »

[HRPG: désoler j'ai oublié de poster ^^']

"- Là… Là… Ohooh ~"

Il avait murmuré comme on murmurait à un petit animal pour le calmer, laissant parfois quelques notes lui échapper tout doucement, tout calmement. Là, tout allait bien se passer. Il fallait se calmer, et se laisser faire, et tout irait bien. S'il s'agitait, il allait causer du souci. Il ne fallait pas qu'il retourne à la lumière, et il ne fallait pas que son sang batte trop fort, cela compliquait le sort. Oh, même compliqué, Dawan savait largement le soigner, ce n'était pas le souci. C'était pour lui… Il aurait mal moins longtemps. Il sentait sous ses doigts Elrond s'agiter, pourtant. Il continua de répéter ses "oh-oh, là, ça va aller", espérant que cela finirait par faire son effet. Un son, comme un grognement, lui indiqua que son petit protégé n'était pas bien coopératif. Pourtant, avec la magie, il ne devait pas souffrir de ses soins… Ce n'était pas comme certaines lotions et certains cataplasme qui donnaient l'impression de faire pétiller les chairs. Il ne comprenait pas ce qui n'allait pas… Mais ses mains déjà s'écartaient, prêtes à appliquer l'inspicio pour vérifier que rien ne lui avait échappé. Cet instant fut celui ou, comme libéré, Elrond se défit de son emprise, s'écartant comme s'il était dangereux. Attendez… Lui, mini-elfe, petite tête blonde aux grands yeux gris dégoulinants d'innocence et de bienveillance, dangereux ? Lui qui couinait comme une demoiselle effarouchée si on remettait une arme entre ses mains, avant de s'en défaire comme si elle avait été faite de lave en fusion ? Décidément, tous les armandéens n'avaient pas la même notion de la dangerosité !

Sa question avait figé le petit Dawan, l'amenant à pencher doucement la tête sur le côté. S'il était… Réel ? Même les Cawrs rechignaient à utiliser ce mot tant son appréhension était complexe. C'était là une sorte de fourre-tout dans lequel les bipèdes mettaient la définition qui les arrangeait. Dawan, lui, admettait que tout était réel. Absolument tout. Même les histoires et leur contenu. Tant que quelque chose était songé, il était réel, au moins sous forme d'idée. Tant qu'il y avait une tête pour concevoir la chose… Mais qui aurait-il été pour affirmer que sa façon de voir les choses était la bonne ? D'autant plus qu'Elrond semblait surtout s'interroger quant à sa consistance au sein du monde physique. D'autres personnes pouvaient-elles le voir, le sentir, tant par le toucher que par l'ouïe, que par la magie ? C'était là la définition qu'il croyait entendre dans la détermination de la voix d'Elrond.
L'ordre fusa, Dawan haussa un sourcil, de plus en plus perplexe. Elrond essayait-il de s'opposer à lui ? Il était courageux. C'était bien difficile de s'opposer à quelqu'un qui allait dans votre sens. Dawan observa la situation: Elrond était encore à l'ombre du bâtiment, mais tout juste à la limite… Peut-être valait-il mieux, tout de même, le ramener là où il ne risquait vraiment rien ! Il avait tout juste fait un pas en avant, il sentit une étreinte sur sa cheville. Dracos ! Mais qu'imaginait Elrond ?

Son gris regard se tourna vers son camarade elfe, ses iris noyés dans l'incompréhension et… La peur ? On aurait dit, oui. Le petit elfe craignait tout à coup la colère d'Elrond. Il n'allait pas lui faire du mal, tout de même ? Il allait réaliser que le petit être qui lui faisait face était son allié, n'est-ce pas ? Oh, Dracos… Il espérait que ce soit vraiment le cas. À s'entendre demander s'il était réel, et s'il n'était pas une hallucination, il commençait lui-même à en douter. Le lien se fit très vite dans sa tête entre malédiction et hallucination, il l'admit comme s'il l'avait toujours su. Non, attendez, il ne pouvait pas être une hallucination ! Il avait vécu, avant cela… Etait-ce seulement une preuve ? N'était-ce pas un jeu de son esprit pour lui faire croire qu'il était semblable à tous ? Rien ne prouvait que les hallucinations, puisqu'elles existaient au moins dans la conscience d'un être, n'étaient pas conscientes elles-mêmes… Non ?
L'elfinet s'immobilisa. Ses mains vinrent sur son coeur, alors qu'il prenait une longue inspiration, sans pour autant se calmer. Appelant à lui la magie, il en usa, se concentrant sur elle et oubliant un instant ses questions, pour libérer une de ses chevilles. Voilà… Il avait fermé les yeux, il les rouvrit. Cette fois-ci, c'était de la peine que l'on pouvait voir dépeinte sur son visage, et sa voix avait quelque chose de pâle:

"- Je m'inquiète pour vous. J'aimerais que vous alliez bien…"

Au fond, sa réalité était-elle importante ? S'il était une hallucination, il était une hallucination bienveillante. En cela l'opposition d'Elrond le gênait particulièrement. Mais s'il avait été consciemment capable de se focaliser sur ces émotions-là, une partie de lui restait anxieuse. S'il était vraiment une hallucination… Il ne voulait pas mourir ! Il voulait qu'Elrond continue à l'halluciner ! Il ne pouvait rien y faire… Cette angoisse secrète commençait à enserrer sa gorge.
Se croyant libéré, Dawan voulut à nouveau aller vers Elrond, ramener ce dernier encore un peu plus en sécurité, vérifier que tout allait bien maintenant. Manque de chance, il n'avait absolument pas fait attention quant au fait que ses deux chevilles étaient prises dans les racines. Un couinement de douleur accueillit la rencontre entre son genou et le sol.

[Défensif] Délivrance
Un sort qui permet de se libérer lorsqu'on est immobilisé même complètement. Il ne permet par contre pas du tout d'attaquer. C'est l'un des seuls sorts qui se passe de geste clé et il est très apprécié des humains, vampires et même elfes. Toutefois il ne marche pas à tous les coups.

Geste clé : Pas de geste clé, il s'agit d'utiliser la force de son esprit pour annuler l'immobilisation de l'adversaire.

¤ Une bonne fois pour toute ¤

« Ce n’est pas encore fini. Je vais m’assurer que tu n’es pas une hallucination. Tu changes de tactique malédiction ? Deux hallucinations à la suite c’est de l’inédit. »

D'un point de vue extérieur, le dragonnier elfique devait totalement être en train de dérailler. Parlant à voix haute à une personne ou une chose qui n'était pas présente et que lui pourtant savait juste à côté de lui, quelque part, sans pourtant qu'il sache où. Oui, Elrond devait avoir l'air d'un fou bon à être interné. Ce qui était triste et dommage. Il était dragonnier. Un dragonnier fou n'apporterait rien de bon. Néanmoins l'Amarië savait qu'il n'était pas fou. Certes un fou pense que ce sont les autres qui sont dérangés puisqu'ils ne sont pas comme lui. Mais l'elfe savait qu'il n'était pas fou en dépit de son comportement et savait que les autres n'étaient pas fous non plus. Une situation complexe que celle dans laquelle il se trouvait. Quoi qu'il en soit, le blond pensait être encore sous le joug de son hallucination. Plus exactement il pensait être dans une deuxième. Après tout, sa malédiction avait déjà évolué certaines fois pour mettre son hôte dans des situations plus dangereuses. Alors que celle-ci fasse preuve de fourberie en engendrant une seconde hallucination était fort possible. Et l'halluci-Dawan ne faisait rien pour lui faire penser le contraire.

Cette situation lui rappelait étrangement une ancienne scène. C'était peu de temps après que les envoyés des esprits n'aient combattu Väsà et libéré Dracos. Sa malédiction l'avait une fois de plus frappé, le faisait déambuler dans une fausse forêt, alors qu'en réalité il se trouvait dans le domaine de la rhapsodie. Une fois encore il était sorti de celle-ci avec un choc, mais n'y avait pas cru lorsque face à lui se tenait Shaynar, l'ancien lier de son ancien maitre à chanter Merithyn Shadowsong. Sauf que contrairement à Dawan, le dragon noir avait eu des moyens à le ramener à la réalité… ou plutôt lui assurer qu'il était bien de retour dans la réalité. Les tympans de l'être sylvestre se mirent à siffler sous ce souvenir douloureux. Peu commode l'écailleux aux yeux de rubis lui avait rugi dessus, ébranlant tout son être. Les yeux azuréens du dragonnier se posèrent sur le petit elfe face à lui. Il voyait mal Dawan rugir… peut-être hululer puisque son totem était celui de la chouette. Et encore, ce serait un hululement de chouetton.

Quelques secondes plus tôt, l’Amarië avait fait surgir du sol sablonneux des racines pour venir enserrer les chevilles de celui qu’il pensait être une hallucination. Tout en l’exhortant à ne pas avancer. Se tenant dans une main, le blond plissa des yeux l’observant.

« Je m'inquiète pour vous. J'aimerais que vous alliez bien… »

Ouai, typique de ce que dirait une hallucination pour tromper la vigilance de celui qui hallucinait afin de le conduire dans un bourbier… mais typique aussi de ce que pourrait dire le Sywel. Mince, cela ne l'aidait pas. Tout en parlant, le petit elfe vint se libérer l'une de ses chevilles à l'aide de la magie. Tient voilà qui était étrange, pensa le délirant. Depuis quand une de ses hallucinations prenait-elle la peine de se libérer ? Pourquoi n'avait-elle pas simplement fait passer son pied à travers. Elle était intangible après tout. Elrond en fronça davantage les sourcils. Plus particulièrement lorsque l'halluci-Dawan tenta de s'approcher, mais fut stoppé par la seconde racine qui enserrait toujours sa seconde cheville. Étrange, étrange. Sa malédiction n'aurait pas été suffisamment idiote au point de ne pas se libérer ses deux membres emprisonner. À moins que cela ne soit un piège pour le tromper ?!

Comment pouvait-il s'assurer d'être de retour ou encore perdu dans le brouillard ? Il pouvait peut-être essayer d'appeler Möebius. Elrond tenta de faire cela, mais son crâne résonna. Ah, il avait toujours mal, cela ne l'aidait pas à se concentrer pour appeler le bleuté. Il ne savait pas si celui-ci l'avait entendu, ou même s'il avait réussi à l'appeler. Bon, sa première option venait de s'envoler. Comment parvenir à déterminer si le Dawan face à lui était un faux ou un vrai ? Le regard d'Elrond glissa légèrement vers le mur. Quoi ? Non, il ne pouvait aller se cogner la tête contre. Il devait y avoir une meilleure méthode que se fracasser la boîte crânienne. Le toucher, le toucher… Le toucher était l'un des seuls sens, avec le goût, que la malédiction n'avait encore jamais altéré. Seulement la vue, l'ouïe et l'odorat. Une nouvelle option se présenta donc à lui, tester ses deux sens sur la créature face à lui.

Prudemment, l’elfe s’approcha, l’air méfiant sur le visage, tandis qu’il avait une posture défensive.

« Ne bouge pas ! Je vais rapidement savoir si tu es réel ou pas. Il n’y a que deux choses que les hallucinations de la malédiction de Néant n’ont encore jamais altérées. »

Bientôt l'elfe arriva à portée de l'halluci-Dawan. Doucement il posa un doigt sur son front le tapotant, puis sur sa joue la tirant un peu. Le blond plissa des yeux, il n'était visiblement pas satisfait. Il prit un air pensif l'espace d'un instant. Qu'est ce qu'il lui restait. Le goût ? Comment le tester ? Il pouvait mordre Dawan, le faire saigner un peu. Si le goût désagréable du sang envahissait sa bouche il saurait qu'il était dans la réalité ou non. Oui, mais s'il était dans réalité, que penserait Dawan s'il le mordait ? Non il devait y avoir une meilleure option que de jouer les vampires. Elrond porta une main à son menton le massant légèrement.

« Mhhhh…. Oh ! »

Les deux mains de l’elfe virent saisir le visage du petit elfe au niveau des joues.

« Si tu es réel, je m’excuserais pour ce que je vais faire. Si ce n’est pas le cas…. Bah si ce n’est pas le cas ce sera sans importance. »

Sans attendre davantage, l’Amarië approcha son visage de celui de Sywel, venant poser ses lèvres sur les siennes pour l’embrasser. C’était définitivement une meilleure idée que de le mordre. Néanmoins quelque chose qui n’était pas une hallucination était en approche …

Sous le soleil de plomb, une chose étrange et grande créée une ombre au sol, cela ressempble à un oiseau ? Non c'est beaucoup trop imposant, ou alors il aurait été nourrit à la magie ? Peut-être mais cette hypothèse est peu voir quasiment improbable. Et puis un cou aussi long ne se pouvait pas. Non mais c'est ... Le petit animal qui se cachait entre les dunes de sables s'empressa de courrir à sa cachette pour ne pas être le repas du dragon azur.

De là où il se trouvait, rien n'avait échappé au bleuté. Möebius releva son regard vers l'horizon accordant une clémence à la créature qu'il aurait bien pu dévorer. Son estomac ne criait pas famine mais il n'était pas repu pour autant. C'était l'inconvénient de continuer de grandir même s'il s'agissait d'une évolution infime, infime aux yeux des bipèdes mais son estomac ne lui manquait pas de lui rappeler que si c'était encore le cas.

En temps normal il aurait rugit pour faire fuir les animaux se cachant dans les divers bosquets mais ici, il n'y avait que très peu d'animaux la journée par cette chaleur et puis surtout ... pas de fourrés ou de buissons comme il pouvait y en avoir dans le royaume elfique, ou même à Aigue Royale et ses alentours. Cette pensée l'agaçait lui faisant retroussé les babines et accélérer le rythme de ses battements d'ailes. Il n'avait plus nul part ou se rendre, la seule présence de son dragonnier dans les environs justifiait la sienne. Cette barrière non loin, la situation en ce reste de continent. Tout cela l'énervait et lui donnait le sentiment d'étouffer, une chaîne invisible qui l'aurait prit à la gorge. Sa tension était aussi infime qu'un grand de sable sur ses écailles bleutées, mais le seul fait de la savoir près de lui ... Oui cela lui suffisait à vouloir passer la barrière pour tout détruire, mettre un terme à ce stupide conflit ! Pourquoi donc les bipèdes ne pouvaient-ils pas se contenter de vivre leur vie en toute simplicité ? Sans guerre ? Mais se serait trop leur demander !

Ses battements d'ailes gagnèrent en puissance puis s'arrêtèrent net laissant le dragon flotter l'espace d'une seconde puis il tomba comme une masse en direction du sol les yeux fermés. Il n'y avait qu'en cet instant ou il était apaisé, rien ne pouvait l'atteindre, rien ne le vexait ou l'embêtait il était libre réellement ... Puis la réalité revenait à lui aussi vite qu'il se rapprochait du sol. Grondant il déploya une nouvelle fois ses ailes pour s'éviter une chute aux lourdes conséquences, sa mort n'amènerait que le chagrin, car après tout il était une des arme de premier choix du protectorat, il n'avait même plus ce droit légitime de disposer de sa propre vie. Comme quoi les temps étaient réellement devenus difficiles.

Sauf qu'une seule et unique personne lui donnait envie d'affronter la vie pour lui en offrir une meilleure : son lié. Heureusement il était la et sain et sauf. Tout les deux avaient eu une grande chance de parvenir à s'enfuir du royaume vampirique sans problème. Ses pensées dérivèrent vers son amie Ashy ... Il devait cesser de se plaindre, il était peut-être un peu restreins de ses mouvements mais il était avec la meilleure compagnie qu'il puisse souhaiter pas elle. Une autre dragonne avait elle aussi subit le pire cauchemar de tout dragon lié. Sans son dragonnier ... Secouant la tête en renâclant, Möebius tenta d'imaginer sa vie au protectorat sans son elfe. Non cette présence lui manquerait au point qu'il se jetterait sans réfléchir contre les murs de la tour de Vraorg pour aller le récupérer quitte à en mourir ...

En songeant à lui, que faisait-il ? Le bleuté atterrit tranquillement et se concentra sur cette présence, cette aura d'Elrond qu'il avait sans cesse depuis le moment ou ils s'étaient rencontrés. Cette image du dragonnier se transforma alors en une sorte de fil lui indiquant la direction. D'un bond il redécolla pour lui rendre visite. Après quelques instants de vol sous le soleil de plomb, la muraille lui apparut. Mais pourtant il ne semblait pas ici ... Il continua son chemin guidé par cette intuition. Bientôt c'est une bâtisse qui se dessina dans son champs de vision. Oui quelque chose lui intimait qu'il était là. Le dragon parvînt à atterrir à l'intérieur de la ville sans rien détruire. Il replia soigneusement les ailes pour préserver les bâtiments, puis il avança doucement. Son lien avec Elrond lui indiqua qu'il était tout prêt. Alors qu'il s'apprêtait à bondir pour saluer son lié, le bleuté se stoppa net face au spectacle ...

Les yeux grands ouverts le dragon regarda son cavalier faire une drôle de chose avec un petit être, un elfe lui aussi ? Oui ses oreilles le lui indiquait. Mais pourquoi donc faisaient-ils cela ? La vision de leurs visages collés et mélanger leur salive souleva le coeur du reptile loin d'être habitué à une telle chose. Mais soudain c'est une jalousie maladive qui s'empara de lui. Comment osait-il lui faire ça !? Lui qui faisait du chemin exprès pour venir le voir et il le trouvait la caché dans un coin comme un voleur le ferait ! Ah il pouvait se cacher, ce spectacle était une horreur ! Fulminant, le dragon secoua violemment la tête. S'il avait su il ne serait même pas venu ! Dévoilant ses crocs le dragon bondit en avant et ne se priva pas de les couper dans leur petit moment intime des plus ragoûtants !

Möebius saisit son traître de lié à la taille grâce à sa tunique pour le tirer en arrière, il le laissa retomber à terre comme une pierre, il se moquait bien de lui faire mal, il était dans une telle rage que plus rien n'avait d'importance. Cela se voyait, dans ses yeux se dessinaient une étincelle malveillante, sa pupille se rétracta en une seconde lui accordant une regard glacial comme il savait si bien le faire. Une fois Elrond éloigné de ce sale petit elfe voleur de dragonnier, le bleuté se tourna vers son lié les crocs dévoilés. Il lui rugit dessus comme jamais auparavant ! Non il ne pouvait rien lui faire à cause de leur lien, même ainsi il n'oserait jamais. Mais l'autre en revanche.

Le dragon s'amusa à faire claquer ses griffes sur le sol en jouant de ses doigts, il fit un pas vers lui ... Il grogna en se léchant les babines ... deux pas il était tout proche. Son gosier s'illumina et de la fumée s'échappa de ses narines. Oh que oui il allait le payer cher d'avoir oser vouloir lui voler sa raison de vivre.

Dawan n'avait jamais été de nature hâtive. Il aurait sans doute fait un mauvais humain, à agir comme s'il avait mille ans à vivre. Aussi il libérait tout juste sa seconde cheville quand Elrond s'approchait de lui. Il avait l'impression que tout autour de lui et en lui hurlait qu'il était réel, et qu'il ne pouvait s'éteindre aussi facilement. Ce n'était qu'une impression, il y avait une voix différente des autres. Cette voix disait que s'il était une hallucination, alors il voulait continuer à exister. Mais cette hypothèse avait beaucoup perdu en crédit auprès de son penseur lorsque le genou de ce dernier était venu embrasser la roche qui le supportait. Comme si la douleur était une des preuves de l'existence. Libéré, Dawan s'apprêtait à se lever à nouveau. Au lieu de cela, il eut Elrond à sa hauteur. Pas besoin d'un tel geste, donc. Le coeur du plus jeune des elfes battait trop fort pour une telle situation… Et pour cause ! S'il avait bien compris l'annonce d'Elrond, il avait une façon infaillible de tester sa réalité. Pour la voix la plus faible, c'était donc son existence qui se jouait, désormais, dans ces secondes marquées par le son sourd de ce qui donnait le rythme en son torse.
L'Enwr se laissa toucher sans mot dire, sans même paraitre surpris. Le toucher ? Lui, il aurait fait confiance à la magie avant le toucher. Tromper les sens était plus aisé que tromper la magie. Mais Elrond se connaissait bien mieux que lui, il connaissait mieux la malédiction du Néant qu'il subissait. Le doigt du dragonnier laissa sur son front l'impression d'une présence, comme si ses cheveux s'étaient posés là où il l'avait tapoté. Bon… Il était palpable. Avait-il passé le test, alors ? Il existait encore après ces tests. Lui, il en tout cas, commençait sérieusement à croire qu'il était réel. La voix en lui restait, pourtant, comme un écho aux doutes d'Elrond.

La suite se passa très, très vite. Trop vite pour le petit elfe. Il avait tout juste eu le temps de se dire qu'il pardonnait bien aisément, et qu'il pardonnerait sans doute le dragonnier. L'instant d'après leurs lèvres se rencontraient. Et Dawan… fut tout juste un peu surpris. Il ne s'était pas attendu à cela de la part du dragonnier, surtout pas dans un endroit où on pouvait les surprendre. Passé ce bref instant de surprise, il admit totalement l'idée, sans plus réfléchir, et enfin rassuré. Les doutes de l'Amarië devaient s'être envolés eux aussi. S'il considéra ce baiser comme son premier, qu'Elrond lui volait sans consentement ? Pas vraiment. D'une part, parce qu'il avait consenti à le laisser faire sur lui les tests liés à sa condition de potentielle hallucination, tant pour en être sûr lui-même que pour rassurer son aîné (cela avait l'air important, pour lui). D'autre part parce qu'il sentait bien tout le côté utilitaire de l'acte. Ce n'était qu'utilitaire, n'est-ce pas ?

Il avait entendu Möebius venir. Mais en tant que Lié d'Elrond, il l'avait cru bienveillant envers ce dernier. Il ne l'aurait jamais cru possiblement menaçant. Surtout Möebius, dont on lui avait dit qu'il était tout de douceur ! Ce fut pourtant lui qui, violemment, les sépara. Pourquoi Elrond n'avait donc pas agi, sentant l'autre moitié de son âme prête à un tel geste ? Les questions partaient dans tout les sens dans l'esprit de Dawan, questionnant autant le comportement du dragon que de l'elfe. Le rugissement lui glaça le sang, tendit ses muscles et fit courir un frisson le long de sa nuque. Ce n'était pas un jeu. C'était un véritable danger, désormais. Elrond était sain et sauf, mais pas lui.
"Pas moi", ce fut exactement ce que pensa le bébé chanteur en voyant l'immense saurien se retourner vers lui. Le son de ses griffes accéléra le rythme déjà fou de son coeur. S'enfuir était futile. Si Möebius en avait après lui, il était perdu quoi qu'il advienne. "Pas moi". Il risquait de mourir. Les lois du protectorat valaient-elles quelque chose face à la colère d'un dragon ? Mais il n'avait pas de raison d'être en colère ! Il avait juste voulu protéger son Lié, et… Et il avait même laissé Elrond faire les premiers gestes pour potentiellement le tuer ! Est-ce qu'il n'était pas une hallucination adorable, tout de même ? Ne méritait-il pas que l'on continue de l'halluciner ? "Pas moi"… La lumière qui s'échappait de la gueule de Möebius, offrant des reflets rougeâtres aux écailles de ses lèvres ôtèrent néanmoins toutes ces histoires d'hallucinations du crâne de Dawan. Tout en lui ne fut plus que protestation, envers cette fin qui approchait à grands pas, irrémédiable, face à laquelle il ne pouvait rien faire, envers cette impuissance, envers l'injustice de son sort. Finalement, il se recroquevilla sur lui-même, ses bras autour de ses genoux et ses doigts accrochés à ses cheveux, les yeux clos très forts. D'une voix tremblante, il ne cessait de murmurer: "Pas moi, pas moi, pas moi, pas moi…"

¤ Un dragon bien possessif ¤

« Si tu es réel, je m’excuserais pour ce que je vais faire. Si ce n’est pas le cas…. Bah si ce n’est pas le cas ce sera sans importance. »

Il est vrai qu’arracher un baiser à une personne, peu importe cette personne soit-elle méritait des excuses, aussi Elrond en ferait en bonne et due forme. Si jamais Dawan était bien réel et si lui-même était sorti de son hallucination. Mais pour le moment rien ne lui certifiait que tout autour de lui était bel et bien là. Oh si, il y avait des éléments, seulement Elrond ne leur faisait pas confiance pour le moment. Il préférait passer pour un idiot en étant trop prudent, que de passer pour un idiot en se blessant une nouvelle fois. Et si jamais le Dawan devant lui n’était pas réel et bien … et bien rien du tout, il ne serait au final pas plus avancer. Si, il saurait qu’il était toujours piégé dans une hallucination. Quoiqu’il en soit le moment de vérité était arrivé. Cela devrait suffire à l’Amarië pour dissiper ses doutes. Tranquillement comme si c’était presque normal, il approcha ses lèvres du jeune elfe pour l’embrasser. Le gout des lèvres de l’Enwr ainsi que la douce sensation du toucher certifia au dragonnier sylvestre qu’il était bien dans la réalité. Sur le coup il se sentit gêné d’avoir fait cela, mais également idiot pour avoir agi aussi bizarrement. Bah, ce n’est pas la première fois qu’il passerait pour un crétin. S’il avait dû en mourir, il serait mort une bonne centaine de fois au moins. Mais tandis qu’il s’apprêtait à rompre le contact. Une créature massive se posta à côté d’eux. Elrond ressentit alors la présence de son lié tout à côté de lui. L’esprit de celui-ci était mêlé de colère et de dégout. Avant qu’il n’eut le temps de réagir, le blondinet fut soulevé dans les airs. Écarquillant les yeux sous la surprise inattendue. Le bleuté le relâcha juste après puisque le sylvain tomba comme une crêpe au sol, lâchant un petit grondement de douleur. La journée avait été aussi chargée qu’un champ de bataille, il aurait des bleus et des courbatures demain.

L’Amarië se retourna pour jeter un regard d’incompréhension sur Möebius, mais également de contentement. Oui il était content de le voir, il n’était pas dans une illusion donc il était content. Mais c’est à un mur de glace colérique, malveillant et jaloux que le sylvain fit face. Il s’apprêta à ouvrir la bouche pour en placer une quand Möebius lui rugit dessus comme jamais, faisant vibrer tout son corps. S’il avait été sous le joug de sa malédiction, là il ne l’était plus. Ses tympans se mirent à siffler sous l’écho du bleuté. Super demain il aurait des bleus et il serait sourd. Elrond porta ses mains à ses oreilles pour les frotter douloureusement, faisant la grimace. Puis son lié se tourna vers Dawan. Rien que de par la posture et les mouvements de celui-ci on pouvait aisément imaginer ce qu’il lui réservait. Son Möebius d’habitude si gentil s’était soudainement transformé en une créature semblable au dragon rouge dont il avait entendu parler. L’Amarië n’avait aucune envie de voir Dawan être transformé en rôtie, aussi il ne comptait pas laisser faire Möebius. Douloureusement, le dragonnier leva une main en direction de Dawan. Un géant de pierre apparut et vint le recouvrir, il pousserait le museau de Möebius si celui-ci était proche.

« Pas moi, pas moi, pas moi, pas moi… »

« Möebius ne fait pas ça ! As-tu l’intention de t’en prendre à une personne qui vient de sauver ton lié ? »

La gueule ardente, les crocs scintillants et les yeux emplies de colère et de jalousie, le bleuté était également en pleine incompréhension. Pourquoi cela !? Oui ! Pourquoi ces deux la s'étaient-ils embrassés ? Cela n'avait absolument aucun sens surtout pour le dragon. Lui-même ne comprenait pas pourquoi il avait agit ainsi ? A se jeter sur un elfe qui plus est. Ce peuple auquel il était rattaché de par son lié mais aussi par l'affection naissante au fil des années. Mais étrangement, la jalousie avait un immense pouvoir sur lui. Le dragon à l'origine si affectueux et calme, semblait être complètement en prise à tel point que tout ceci ne comptait plus à ses yeux. Pas même les suppliques du petit elfe face à lui. C'est comme si un mur les séparait : et toutes les émotions, les sentiments qui comptaient énormément aux yeux de l'écailleux n'allaient plus jusqu'à lui. Möebius ? Devenu insensible ? Non pas complètement ! Autrement il ne serait pas dans cet état la. Autrement dit il y avait encore un espoir pour que tout ceci s'arrête avant que l'irréparable ne soit fait ...

Alors que le bleuté n'avait plus réellement conscience de ce qu'il faisait, il était sur le point de déverser sur le petit elfe qui le suppliait toujours, un torrent de flammes empruntent de jalousie et de colère. Il sentit que son lié réagissait, son action lui fit reprendre peu à peu conscience de l'endroit ou il se trouvait, de la situation. Mais malgré tout le sort ne s'arrêta pas, son lié devait vraiment être perturbé pour utiliser un sort contre lui. La dernière fois que cela avait été le cas, le bleuté s'était retrouvé sous un arbre du royaume elfique et avait eu de sérieuses blessures par la suite. Quoi qu'il ai pu en être, le dragonnier fit sortir de terre un géant de pierre qui vînt protéger le petit elfe. Au début furieux que quelqu'un ose l'interrompre dans son attaque. Le bleuté s'apprêtait à rugir encore une fois, puis les paroles d'Elrond lui vînt ...

« Möebius ne fait pas ça ! As-tu l’intention de t’en prendre à une personne qui vient de sauver ton lié ? »

Il l'avait sauvé ..? Mais de quoi ? Qui ? Ou ? Quand ? Comment ? Quand avait-il eu besoin d'aide ? Quand avait-il était en danger et qu'il n'avait pas été la pour le secourir ? Pourquoi le lien ne lui avait pas permis de s'en rendre compte ? Une dizaine de questions vinrent à l'esprit du dragon, qui cette fois fut envahit non pas par la colère ni la jalousie mais l'inquiètude et le regret. Ce petit être qu'il avait failli dévorer avait aidé Elrond à s'en sortir ?

Doucement les flammes dans son gosier s'estompèrent pour finalement devenir de la fumée qui s'échappa de ses naseaux. Il reprit une posture calme et se recula en fixant l'apparition de pierre. A présent il espérait ne pas avoir causé de trop d'émotions au petit elfe. Le connaissait-il ? Si c'était le cas il allait devoir se racheter une image auprès de lui, mais même si il en était autrement, il s'agissait d'un elfe ... Timidement le bleuté tourna la tête vers son cavalier, qu'allait-il faire à présent ? Bien sûr il ne craignait plus depuis longtemps les sanctions, que d'ailleurs il n'en avait jamais eu, de par sa taille et sa force il ne pouvait rien lui faire, mais il craignait les mots qu'il allait prononcé.

Il ne prit pas le temps d'analyser son visage pour comprendre ses émotions, cela allait de soi qu'il allait lui demander des explications, mais eux aussi lui en devaient ! Tout le monde avait une part de responsabilités, cela Möebius ne l'oublierait pas, car si ces deux elfes n'avaient pas effectué une drôle de choses avec leurs langues, le dragon n'aurait jamais réagit avec autant de violence. Toujours dans le calme à présent, il se tourna vers le géant de pierre, il posa le coin de la tête sur le côté de la créature et la poussa pour dégager le petit elfe, maintenant il devait présenter ses excuses auprès de lui, son lié attendrait, car contrairement à Elrond, le petit sylvain avait sûrement dû paniquer dans tout cette agitation, alors que son lié ne risquait que quelques bleus et rien de plus.

"- Pas moi, pas moi, pas moi…"

La litanie n'avait pas cessé, l'Enwr recroquevillé continuait à s'essayer à invoquer la justice intrinsèque à ce monde, recroquevillé, voix et coeur en proie à l'état de panique, esprit et coeur voués au sentiment d'une discordance dans ce qui lui arrivait. La chaleur lui avait paru se poser sur sa peau, comptant ses secondes comme Mort comptait celles des mortels. La fin était proche, mais…
Mais c'était trop discordant pour être vrai. C'était là une pensée en Dawan tentait d'hurler cela par-dessus les autres, par-dessus celles qui se pliaient devant les perceptions venues de l'extérieur. Sitôt que l'apprenti sentit le contact de la roche autour de lui, le son modifié par l'écho contre le géant qui l'entourait, il se tut. La partie de lui qui était restée persuadée que ses jours n'étaient pas en danger exulta, se pavanant devant le reste de l'intérieur de sa tête: elle avait eu raison, comme d'habitude ! Il faudrait l'écouter, à l'avenir ! Le bon chemin suivait les émotions, si petites soient-elles, et il fallait être prêt à les écouter au détriment de ce que l'on appelait communément vraisemblance et probabilités. Cs dernières n'avaient jamais été bonnes conseillères. Oui, il faudrait, oui….

Il ne chercha pas à bouger. Il ne l'aurait pas pu, avec le géant autour de lui. Bloqué ainsi, avec mille pensées soulagées, une toujours un peu inquiète, et une qui dansait la gigue, il put entendre Elrond parler, un peu distant. La certitude se fit en lui que le dragonnier venait de le sauver. Ce qu'il savait du dragon bleu suffisait à le savoir. C'était un dragon des plus doux de caractère, des plus gentils, des plus fortement liés à la moitié bipède de son âme. Définitivement, il aurait dû se reposer sur ce qu'il savait et ressentait, cela lui aurait évité cette panique inutile dont son souffle peinait à se remettre, cognant encore trop vite contre la pierre qui l'entourait. Mais pourquoi, en ces cas, Möebius s'en était-il pris à eux de cette façon ? Néant avait-elle apposée sur lui une malédiction du même acabit que celle d'Elrond ?

La pierre autour de lui s'écarta, avant de disparaitre. Möebius paraissait plus calme. Timidement, Dawan rouvrit les yeux vers le maitre des cieux protégés. Elrond avait dû parvenir à le raisonner. Il devina même qu'au vu des mots du dragonnier, l'azuré devait s'inquiéter de savoir à quel danger son congénère sylvain avait pu s'exposer. C'aurait été dans l'ordre des choses, bien que l'Enwr ne puisse en être sûr. Etaient-ils actuellement en train de communiquer, le couple de Liés ? De s'échanger un récit détaillé ? Ce n'était pas impossible. Timidement, Dawan tendit sa main vers le bout du nez de Möebius. Une façon de signifier qu'il n'avait plus peur de lui, et lui faisait à nouveau confiance, tout comme une façon de faire part d'un voeu de paix, comme si ce dernier n'était pas affiché sur la moindre mèche d'or qui se dressait sur son crâne. Möebius saurait bien assez tôt. Lui, il avait des paroles autrement plus personnelles à prononcer, qu'Elrond ne saurait dire à sa place. Cela ressemblait à:

"- Je suis désolé, Möebius, d'avoir pu croire que vous vouliez me porter atteinte."

Malgré sa voix d'enfant, il avait pris un ton tout à fait adulte, quoi qu'un peu lent, presque représentatif de ses cent quarante ans. Lentement, il s'était levé, sa main toujours tendue vers le bout du nez de l'enfant de saphir.

"- Je ne comprends néanmoins pas votre geste. Ai-je manqué de respect à votre Lié de quelque façon que ce soit, à vos yeux…?"

¤ Désoler ce … fin tu sais de quoi je parle ¤

Choquer … non plutôt surprit, oui c'était le mot. La surprise était ce qui parcourait les veines du jeune elfe. Elrond était surpris par la réaction de son lier qui se jetait soudainement sur ce pauvre Dawan. Il était surpris par les sentiments de celui-ci : la jalousie et la malveillance, surtout la malveillance. Certes il savait que son lié était jaloux par moments, mais elle n'était que faible et amusante. Sauf que là, elle était exacerbée et mauvaise. Donnant naissance à la malveillance qui s'empara du bleuté. De mauvais sentiments qui tranchaient totalement avec le caractère de doux bleuté. Bien sûr tout le monde peut se montrer mauvais à un moment dans sa vie, mais c'était toujours surprenant de le voir pour la première. Surtout chez un individu ayant le même caractère que Möebius. Cela l'était encore plus chez un dragon. L'Amarië sentit la magie s'activer au sein de son dragon et plus particulièrement dans sa gueule. Quelque chose qu'il connaissait bien pour l'avoir vu plus d'une fois. Il s'apprêtait à créer des flammes. À en cracher pour être exact. Et où ça ? Ou plutôt sur qui ? Sur ce pauvre petit elfe qu'était Dawan qui lui était venu en aide depuis quelques instants déjà, lui permettant de sortir de ses hallucinations et d'éviter que les dégâts qu'elle avait déjà causés ne deviennent plus graves encore. Dans l'empressement le blond utilisa sa magie contre son lié. Sa magie ? Contre son dragon ? Non, ce n'était pas exact. Il n'attaquait pas Möebius, il ne le ferait jamais. Il se mettait plutôt en travers de la volonté de celui-ci à l'aide d'un sort défensif. Oui, il défendit Dawan à l'aide d'un géant de pierre qui surgit du sable pour l'entourer de ses bras. Cela permettrait au moins de le protéger de la première salve de flammes de son dragon. Le sylvain pensait alors avoir assez de temps pour le convaincre d'arrêter.

« Möebius ne fait pas ça ! As-tu l’intention de t’en prendre à une personne qui vient de sauver ton lié ? »

Ses paroles s'échappèrent de sa bouche quelques secondes après qu'il eut fait apparaitre son sort. Elles étaient sorties presque instinctivement sans qu'il n'eût le temps d'y réfléchir afin de clamer sérieusement les mauvais sentiments de son lié. Cependant, celles-ci semblèrent faire mouche puisque les flammes dans la gueule de Möebius s'amenuisèrent avant de finalement disparaitre. Le blond se laissa retomber au sol, soufflant un peu, ayant encore un peu mal au crâne. Au travers de son lien, il sentit que le bleuté redevenait lui-même. Le doux et gentil dragon, quoiqu'un peu confus et penaud. Quel grand bêta celui-là. Bientôt avec le bout de son museau il poussa le gardien de pierre sur le côté. Elrond relâchant la magie qui circulait dans celui-ci. Le golem tomba au sol et s'effrita petit à petit, retournant au sable. Lentement, il se mit sur le ventre et se leva, s'époussetant du sable et de la poussière qu'il avait sur les vêtements. Finalement il s'approcha de Möebius et de Dawan, venant poser sa main sur le flanc droit du museau de celui-ci, le gratifiant d'une petite caresse.

« La jalousie et l’idiotie. C’est bien sa Möebius ? »

Elrond s’approcha de l’apprenti Baptistrel et l’aida à se lever. Il le regarda dans les yeux un petit instant avant de détourner le regard et placer une main derrière son crâne, se grattant légèrement la chevelure, faisant une légère moue gênée.

« Au fait je suis désolé de t’avoir … enfin tu sais … dis-tu que tu n’étais pas réel et d’avoir ensuite … dû vérifier que je n’étais pas toujours sous le joug d’une hallucination. Je ne t’ai pas tout dit la dernière fois. Par la faute de Väsà je fais des cauchemars chaque nuit, mais … j’ai aussi des hallucinations de temps à autre lorsque mes maux de tête sont à leur paroxysme. »

Il se tourna ensuite vers Möebius, fronçant les sourcils.

« Car oui gros bêta ! Je ne sais pas ce que tu t’imaginais ! »

Le bleuté ne savait plus quoi penser ... De la situation mais surtout de lui-même. Se laisser à une telle jalousie et une telle colère. Non cela ne lui ressemblait pas, Verith aurait-il pris possession de lui ? Non, mais au moins si cela avait été le cas il aurait pu justifier une tel comportement déviant. Et la, ça n'était pas possible. Présenter ses excuses au petit elfe, ça le bleuté allait le faire, il n'y avait aucun soucis, à Elrond non plus d'ailleurs. Néanmoins qu'allait-il leur répondre quand ils lui demanderont ce qu'il lui a pris ? Encore une fois, même dans son esprit ce fut la non réponse qui prôna ... Il était dans de beaux draps comme disait les bipèdes.

Sans bouger, le bleuté laissa ses compagnons se mouvoir tranquillement. Sur son flanc droit il senti une main, devinant qu'il s'agissait de son lié, il demeura immobile pour ne pas effrayer davantage le petit sylvain qui l'accompagnait. Il arriva jusqu'à sa tête et pris la parole.

« La jalousie et l’idiotie. C’est bien sa Möebius ? »

Il s'apprêta à renâcler de mécontentement quand il s'abstint pile avant que le grognement ne s'échappe de sa gorge. Non il ne fallait pas, ce serait refaire peur à ce petit elfe ... Dawan ? Fouillant dans l'esprit de son lié il y trouva ce nom. Il semblait si fragile comparé à son cavalier, un regard innocent et imprégné de douceur. Alors qu'il le détaillait pendant qu'il s’époussetait, le dragon eu du mal à croire qu'il avait été sur le point de s'en prendre à en un elfe, race qu'il chérissait mais surtout à lui. Il n'avait absolument rien de menaçant. Il donnait plus envie au dragon de le câliner que de le mordre ... Qu'est-ce qui lui avait pris alors ? Sans trouver de réponse à cette question, le bleuté regarda son lié s'embarrassé et prit la parole.

« Au fait je suis désolé de t’avoir … enfin tu sais … dis-tu que tu n’étais pas réel et d’avoir ensuite … dû vérifier que je n’étais pas toujours sous le joug d’une hallucination. Je ne t’ai pas tout dit la dernière fois. Par la faute de Väsà je fais des cauchemars chaque nuit, mais … j’ai aussi des hallucinations de temps à autre lorsque mes maux de tête sont à leur paroxysme. »

Oui ... Ces hallucinations avaient failli lui coûté ses ailes et peut-être même la vie quand son lié lui avait fait tombé un arbre plus que centenaire sur lui, alors qu'il croyait avoir affaire à sa mère ... Du moins une personne a l'époque défunte et qui n'avait pas lieu de revenir à la vie. Néanmoins, le bleuté ignorait que ses illusions étaient encore aussi puissantes ... Il fallait trouver une solution autrement le bleuté ne pourrait plus s'éloigner du tout au risque qu'a son retour il retrouve son lié dans une marre de sang, le sien en l’occurrence.

« Car oui gros bêta ! Je ne sais pas ce que tu t’imaginais ! »

Offusqué par une telle question, le bleuté secoua la tête et grogna avec grand plaisir sur son cavalier.

« En quoi mélanger vos langues allait t'aider à revenir à la raison ! Ce comportement est tout simplement horrible à voir ! Il n'y a que les bipèdes pour avoir une telle idée. Et puis qu'est-ce que c'est d'abord ? Cette chose porte-t'elle un nom ? Je suppose que oui vu que tu semblais t'y connaître ! »

Estimant que Dawan devait savoir, ma "voix" du dragon résonna dans son esprit à lui aussi. Puis Möebius une fois calme pencha la tête vers lui et reprit la parole.

« Pardonne moi pour mon comportement déviant. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, cette surprotection que je ressens pour mon lié me fait parfois perdre la raison. Je deviens irritant et dangereux pour tous. Mais j'avoue moi-même ne pas me reconnaître. Car plus que tout j'apprécie les elfes, chacun d'entre eux. Si un jour tu acceptes mes excuses, je suis certain que nous pourrons nous entendre ... Je souhaite me faire pardonner. Je suis prêt à t'accorder quelques privilèges si cela est nécessaire. Mais une chose ... Pardonne également mon lié, l'un comme l'autre nous ne n'avons pas été correct envers toi. »

Alors qu'il était sur le point de se retourner vers Elrond, le bleuté oublia de faire mention d'une chose très importante, il regarda à nouveau le petit elfe et reprit la parole.

« Mon lié affirme que tu l'as sauvé, est-ce vrai ? Car je te dois de réelles excuses et surtout je ne sais comment te remercier, il a beau être insouciant, têtu et même agaçant parfois, nous partageons ce lien ... Et grâce à ton aide l'un comme l'autre nous sommes sauf, que puis-je faire pour te remercier ? Demande moi ce qu'il te plaira. Monter sur mon dos te plairait-il ? Ou préfères-tu autre chose ?»

Encore une fois le bleuté avait fait en sorte que ces interlocuteurs l'entendent exactement comme s'il parlait à haute voix. Il ne doutait pas que son lié allait réagir à sa proposition envers le petit Enwr, mais il s'en moquait, il ne souhaitait qu'une chose : remonter dans l'estime de l'elfe. Peu importe les remarques de Elrond, cela n'y changerait rien.

Elrond avait pris la parole, s'adressant à son dragon avec une familiarité que Dawan ne se serait pas permise auprès de l'un de ces êtres supérieurs. Auprès d'un bipède, sans aucun doute… Oh, il n'aurait jamais souligné l'idiotie de quelqu'un, mais il aurait pu taquiner sur le même ton. Mais les dragons, non non, il fallait leur accorder une grande révérence, quoi qu'il advienne, et être prêt à tout pour remercier les piliers de la magie ! Elrond pouvait se permettre de parler ainsi à quelqu'un qui était l'autre moitié de son âme, mais Dawan, lui…
Son regard glissa vers Elrond. L'autre moitié d'âme de Möebius… Un doute le prit soudain. Elrond et lui étaient, sans être proches/intimes, d'assez bons amis. Möebius ne l'était-il pas aussi ? À moins que… Devait-il adapter son niveau de langage et de convenances, de concentration, à Möebius, ou à Elrond ? Traiter Möebius avec un peu plus d'aisance, ou Elrond avec plus de distance ? Non. Ce questionnement n'avait pas de sens. Ils restaient deux individus, malgré le Lien. Deux individus différents, bien que complémentaires. Elrond avait choisi de lui-même de se rapprocher de lui, d'en faire son somnifère attitré. Il ne s'était pas offensé de son comportement jusqu'alors, et avait même été le premier à se montrer plus familier envers lui…

Que ces histoires étaient complexes ! Elles auraient pu devenir sensiblement plus aisées si Möebius et Elrond avaient mis les points sur les i concernant le respect dû à chacun d'eux. Mais Möebius parut ne pas vouloir lui répondre. Loin de s'en offusquer, Dawan accepta cela le plus naturellement du monde. Il avait des questionnements pour l'occuper, et un Elrond qui paraissait gêné, devant lui. Il ne comprenait pas vraiment. Il n'avait pas à être désolé, ce qu'il avait fait était ce qu'il avait eu à faire. L'Enwr eut néanmoins un signe de tête affirmatif, espérant l'apaiser. Aucun souci, aucun, à avoir. Alors que le dragonnier se retournait, il laissa sa main se poser sur son épaule, pour signifier davantage qu'il pouvait ne rien craindre le concernant. Si le baiser lui avait vraiment déplu, il se serait débattu, il n'y aurait eu aucune ambigüité. Si le baiser avait été véritablement malvenu, il l'aurait senti. Au lieu de cela, il n'avait senti que la nécessité pour Elrond, de se protéger à nouveau. Des dernières paroles d'Elrond, il déduisit néanmoins que son crâne le faisait souffrir. Il commença à murmure son chant de soin, ses mains venant au milieu des cheveux du dragonnier pour masser son crâne dans un même temps.

L'esprit du dragon contre le sien le poussa à fermer les yeux. L'étrange voix qu'était celle de Möebius… Unique, douce, mâle, et avec, en effet, un fond qui ressemblait à Elrond. Malgré cela, la colère, l'offense et le dégoût étaient bien perceptibles, même si draconiques. Il ne comprenait pas… C'était bien normal, c'étaient des histoires bipèdes. Elrond aurait tôt fait de lui expliquer, avec les sentiments associés. Dawan, lui, ne le pouvait. N'ayant jamais été lié, son esprit ne savait embrasser celui des dragons. Il laissait faire… En songeant qu'en effet, les Liés étaient tous deux des êtres bien à part, et qu'ils n'étaient peut-être pas même d'accord sur la définition du respect pour l'un comme pour l'autre. Si tel était le cas, au moins, il n'était pas le seul à être perdu dans de telles considérations.
Möebius se pencha vers lui, et Dawan sentit son regard se porter sur lui. Il gigota, pour être un peu moins caché par Elrond, sans détacher les mains du crâne de ce dernier. Il chantait toujours. C'était d'ailleurs ce qui lui permettait de ne plus trop s'écarter vers les pensées liées à la meilleure façon de s'adresser à ces deux-là. Il pencha doucement sa propre tête sur le côté, le nez rivé sur le bout du nez de Möebius -regarder dans les yeux étant signe de défi chez certaines espèces-, avec l'air de ne pas comprendre. Pourtant, si si, il comprenait fort bien. Il n'approuvait pas l'idée qu'un dragon lui doive quelques excuses que ce soit, mais il comprenait ce qui se disait. Il dut cesser son sort de soin, et ses mains s'immobilisèrent dans le même temps, le massage ayant suivi le rythme du sort.

"- Avant même que vous demandiez mon pardon, Azur de notre Désert, il n'y avait en moi aucune rancune à votre encontre." Expliqua-t-il, tout de douceur, comme une façon de caresser le dragon. Qui aurait-il été pour reprocher à Möebius de suivre ses émotions ? Ces dernières avaient fatalement une origine, qu'elle soit connue ou non, et une raison d'être. Lui, il partait du principe que Möebius avait voulu protéger son Lié. C'était normal. Qu'il ait su s'arrêter était une preuve de sa force et de son intelligence. Rien d'anormal, et absolument aucune raison d'en vouloir à qui que ce soit. Il avait eu peur, oui. Et ?
Il passa totalement outre l'idée d'avoir pu sauver ou non Elrond. Il avait agi pour, certes, mais il était trop tôt pour estimer si Elrond était sauvé ou non. Et puis… Il n'était pas intégralement sauvé. Néanmoins, la proposition fit luire le regard de Dawan, lui fit esquisser un petit sourire tout juste au coin des lèvres, un peu timide. Comme un enfant à qui on offre un jouet longuement refusé. Songeur, il ajouta: "ce ne sera pas pour moi une façon de me remercier, mais il est bien quelques choses que vous pouvez faire pour moi. J'aimerais savoir…" Son regard se perdit autour d'eux, un instant, et l'on aurait pu croire qu'il avait oublié qu'il était en train de parler, ses mains encore enfouies dans les cheveux d'Elrond. Quand il reprit la parole, il ne paraissait pas du tout tenir compte du temps de silence qu'il avait laissé s'écouler. "Comment voudriez-vous que je m'adresse et que j'agisse envers votre Lié et vous ?" Sa voix témoignait d'un véritable tracas. Finalement, il ramena ses papattes contre lui, s'écartant un peu, la mine inquiète. "Et j'aimerais bien, j'aimerais bien… Oh, mais seulement si ce n'est pas un ennui pour vous… J'aimerais bien, Möebius…" C'était le chant de soin, avec d'autres mots. "Un vol avec vous, s'il-vous-plait…" Son regard vira à nouveau vers Elrond. Il avait une idée en tête. Lui aussi voulait vérifier quelque chose, mais… Pas question de le faire si cela molestait Elrond. "Me laisserez-vous voir le monde, d'en haut ?"

¤ Vol ¤

S'il était gêné. Oui Elrond l'était, ce n'était pas son genre d'embrasser les gens comme ça, sans même leur demander leur avis et les connaitre davantage. Il espérait seulement que le jeune apprenti baptistrel ne lui en tiendrait pas rigueur. L'Amarië doutait que Dawan puisse le faire, mais sait-on jamais. Lui aussi pourrait avoir un sursaut déviant comme Möebius il y a quelques instants. Le blond n'avait en revanche aucune gêne à parler comme il venait de le faire à son lié, lui lançant des petites remarques désobligeantes et se montrant même grossier. Il vouait un profond respect pour les dragons, mais il ne pouvait pas non plus aller contre sa nature. Il se rappelait sa rencontre avec Shaynar, là non plus il n'avait pas assuré. Bah, il suffisait juste d'aller s'excuser après. Néanmoins, avec Möebius c'était différent. Ils étaient liés, Elrond ne pouvait donc être que lui-même avec lui, après tout il le fallait bien, sans cela se serait lui faire des cachotteries. Rapidement le blond tâcha de changer de sujet en venant feuler contre le bleuté. La réponse de celui-ci en revanche le fit éclater de rire intérieurement. C'est vrai que Möebius n'y connaissait rien au sujet des gestuelles que pouvaient avoir certains bipèdes envers d'autres. Ce qui le fit d'autant plus rire c'est lorsque le colosse de saphir vint sous-entendre qu'il s'y connaissait en matière de baiser, mais comme tout à chacun ! Pour toute réponse le blond se contenta de tirer la langue d'un air taquin et provocateur en direction du bleu.

À son soulagement, Dawan ne semblait pas lui en vouloir pour son geste. Heureusement, Dawan était son narcotique personnel, mais plus encore il était son ami, du moins il pensait, il espérait. Le blond fut légèrement surpris lorsque le plus petit vint lui saisir le crâne, glissant ses mains dans ses cheveux avant de murmurer un chant qu'il reconnut de soin, tout en le massant. Un léger frisson parcourut la nuque du dragonnier, suivit d'une petite pointe de douleur. Son crâne lui faisait mal, après tout il s'était pris un mur, quoi de plus normal. Cependant, si le jeune barde faisait correctement ses soins, tout cela ne serait qu'un mauvais souvenir. Il ferma légèrement les yeux avant de les rouvrir aussitôt, venant poser son regard sur Möebius. Le bleuté avait habitude de coller le bout de son museau dans la chevelure de son dragonnier, il espérait que le dragon n'en tiendrait pas rigueur à Dawan. Quant à Elrond, il ne devait pas donner l'impression de trop apprécier le massage, le colosse azuré pourrait lui en vouloir.

Durant la suite de l’échange, l’Amarië ne dit rien, se concentrant sur la douleur qui disparaissait lentement. Si Möebius souhaitait se faire pardonner en proposant un vol à Dawan c’était son droit, il n’allait pas lui refuser. Le bleuté pouvait prendre n’importe qui sur son dos, même s’il est vrai que le blond ne pourrait s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie.

« … il a beau être insouciant, têtu et même agaçant parfois … »

Elrond se contenta de gonfler ses joues tel un enfant à chaque défaut que son dragon exposait. Il avait peut-être raison, mais pas totalement. Et puis lui agaçant ? Non il était agréable et amusant ! Le défaut de mauvaise foi devait sans doute s'ajouter dans l'esprit de son lié à cette pensée.

« J'aimerais savoir… Comment voudriez-vous que je m'adresse et que j'agisse envers votre Lié et vous ? »

La question sembla surprendre l’Amarië et le mettre mal à l’aise. Comment s’adresser à lui … Il était peut-être devenu dragonnier, mais il restait un simple elfe pour autant. Le sylvain n’était pas du genre à aimer les courbettes, ce n’était pas son monde. Il préférait de loin la simplicité. Quelques instants plus tard, le regard de Dawan se tourna en sa direction. Il avait l’air de demander son autorisation pour un vol sur le dos de Möebius. Cette situation était amusante. Jetant un regard en direction du dragon bleu il haussa légèrement les épaules.

« Si mon lié est d’accord je ne vois pas de raison de m’y opposer. »

Elrond réagit à sa petite remarque, oui il était agaçant, insouciant voir même enfantin par moment ! Il n'y avait aucun moyen de l'arrêter dans sa bêtise et pis encore il était capable de ronchonner lorsque Möe essayait tant bien que mal de le protéger. Non vraiment cet individu la était irrécupérable, si les humains se faisaient des cheveux blancs quand ils avaient peur, Möebius allait finir tout blanc ! Plus une écaille légèrement teintée de bleu s'il continuait de la sorte. Mais d'un autre côté il ne voulait pas qu'il change. Autrement il ne serait plus ce dragonnier qu'il avait choisi autrefois, juste qu'il soit un peu plus raisonnable lorsque la situation devenait dangereuse ! Rien de plus !

Une fois sorti de ces réfléxions, le bleuté remarqua quelques choses en voyant les deux sylvains côte à côte. Visiblement ces deux elfes se connaissaient assez bien, l'un et l'autre se lançait des regards comme pour obtenir le concours de l'autre avec discrétion, mais pas assez pour un oeil de dragon. Le bleuté voyait bien qu'il n'était plus que de simple connaissance, avec ce baiser en même temps ... songea le bleuté. Oui il était jaloux, voir même extrêmement jaloux. Il se retînt néanmoins de le montrer une nouvelle fois, quelques instants plus tôt il avait failli prendre la vie du petit Dawan. En le regardant de plus près il était totalement inoffensif, le pauvre n'avait pas compris pourquoi il avait réagit ainsi. Peut-être parce que Möe avait peur d'un jour passer après un bipède aux yeux de son cavalier. Il avait toujours été seul, rien qu'à lui et depuis toujours. Maintenant que ses souvenirs lui revenaient, très peu de fois ils s'étaient retrouver avec quelqu'un d'autres. Ou alors ils avaient croisé la route d'un dragonnier et de son dragon. Pas de quoi se disputer pour Elrond. Mais cette fois-ci c'était différent. Le fait de n'être qu'un dragon, ne pas pouvoir soigner son lié comme il le pouvait ou tout simplement ne pas comprendre cette condition de bipède lui donnait le sentiment d'être légèrement à l'écart. Une désagréable sensation qui donnait envie au dragon de grogner.

Surtout en voyant à quel point ils étaient proches ! Voir Dawan masser son lié de la sorte l'agaçit au plus au point, il secoua la tête puis finit par détourner les yeux boudeur. Quand est-ce qu'ils vont arrêter de se triturer l'un l'autre ? Est-ce vraiment si important de toucher son interlocuteur lorsque l'on est un bipède ? Vraiment qu'est-ce que cela pouvait être compliqué ! En tant que dragon les contacts étaient plus que rares avec ses congénères, si l'on se faisait touché c'était que vraiment l'autre nous appréciait qu'il s'agissait bien plus que d'un ami, ou alors c'était qu'un combat approchait. Tout ceci était bien suffisant !

Néanmoins, le bleuté ne pu se retenir de regarder ailleurs encore longtemps, il observa l'enwr s'occuper encore une fois de son lié, il semblait le soulager d'une douleur à la tête en chantant. C'était très noble de sa part, aussi le bleuté voulu faire mieux que de bouder dans son coin. Il se concentra sur l'énergie que dégageait Dawan pour lui envoyer la sienne. Au moins il ne se sentait plus totalement spectateur ...

Une fois son dragonnier un peu mieux le petit elfe prit la parole, il ne lui en voulait pas, s'il en avait été capable le bleuté aurait pousser un soupire de soulagement. Hors il se contenta d'émettre un doux son en signe de satisfaction, ça n'était pas un grognement guttural agressif, non bien plus discret que cela, certains prendrait ce bruit pour un ronronnement, mais encore une fois non. Il était heureux de ne pas avoir blesser ou effrayé Dawan, heureusement d'ailleurs, il ne se l'aurait jamais pardonner

"ce ne sera pas pour moi une façon de me remercier, mais il est bien quelques choses que vous pouvez faire pour moi. J'aimerais savoir…"

Toute ouïe le dragon l'observa avec attention, il se demandait bien qu'est-ce qu'il allait pouvoir lui demander. Pourrait-il le faire ? Non il le lui devait ! Aborder un elfe de la sorte était inacceptable, il fallait vraiment qu'il se fasse pardonner, autant auprès du petit sylvain qu'auprès de lui-même.

"Comment voudriez-vous que je m'adresse et que j'agisse envers votre Lié et vous ?

Ouvrant grand les yeux, le dragon tomba un peu de haut, lui qui s'était attendu à quelque chose de sûrement difficile il n'avait que cela à faire ? Répondre à une question ? Non vraiment il ne pouvait se contenter de cela.

- Et bien ... Continuez d'agir comme un ami auprès de mon dragonnier, ne changez rien il semble être satisfait de votre lien. Quant à moi, appelez moi par mon nom, une fois quelqu'un m'a appelé le Saphir Bienveillant, à vous de voir jeune elfe, mais j'aime ce surnom Azur, c'est très beau et cela me rappelle de très bons souvenirs.

Termina-t-il en douceur. Voir que Dawan se préoccupait autant de son dragonnier lui faisait finalement plaisir. Ce qu'il ne pouvait faire en tant que dragon il pouvait ainsi le déléguer à Dawan.

"Et j'aimerais bien, j'aimerais bien… Oh, mais seulement si ce n'est pas un ennui pour vous… J'aimerais bien, Möebius…"

Amusé par une telle réaction, le bleuté se recula doucement pour présenter son flanc ainsi que la selle au petit elfe. Möe se doutait bien que cela ne plairait pas à Elrond, du moins il le cacherait, il était le seul à avoir ce privilège en temps normal, mais vu ce qu'il avait fait il ne pouvait faire autrement.

- Je t'en prie Dawan, grimpe, cela ne me dérange pas, c'est moi qui te le propose et Elrond ne semble pas contre. Et puis de toute façon je suis le seul à prendre la décision finale, la seule chose qu'il puisse faire ça serait de prendre la selle en boudant.

Ajouta-t-il en regardant Elrond d'un oeil malicieux. Mais autrement ils pouvaient monter à deux sur la selle, caressant l'esprit de son lié pour apaisé sa jalousie naissante il lui proposa l'idée en lui repartageant les images ou il avait porté cette vampiresse jusqu'au combat à Aldaria.

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