Les rues étaient déjà occupées, la population afférée aux milles et unes tâches qui constituaient sa vie de tous les jours. La rue principale, même de loin, semblait bondée, et on entendait les éclats de voix des cavaliers et des conducteurs de charrettes autant que des commerçants. Il observa tout cela, puis soupira doucement, et entreprit de rejoindre les commerces accolés à la muraille intérieure qui menait vers le quartier riche. Il avait une adresse en tête et il était certain d'y trouver ce qu'il désirait. C'était l'un de ces commerces qui avaient survécu à tous les événements de ces dernières années et qu'il connaissait depuis le temps où il allait avec Aramis. Ses pas le conduisirent tout d'abord sur l'axe principal, qu'il remonta tranquillement sans craindre une seconde de voir sa compagne de marche se faire la malle. Pour ça, il aurait fallu qu'il le lui permette. Inconscient des regards abasourdis qu'il s'attirait tout le long du trajet, il se contenta d'observer les échoppes paisiblement. Et pourtant, du chaos, il en provoquait assurément, laissant les humains bouche bée et laissant derrière lui plus d'un accident de carriole, dont les conducteurs s'étaient télescopés à ne plus observer leur route.., trop occupé par la curieuse petite chose qui trottinait. Il était vrai que sans sa cape de brume, il attirait un peu trop l'attention, avec sa peau dorée qui dégageait un halo physique de lueur tout aussi dorée, ses cheveux scintillants au soleil comme une rivière fondue et, à mesure que la marche le détendait, son sourire d'aube d'été.

A la moitié du trajet, il consentit enfin à ouvrir de nouveau la bouche, sur une voix qu'il ne destinait qu'à elle, de sorte que personne alentours ne sembla avoir conscience qu'il parlait. Les rares qui l'observait arboraient alors un air un peu perplexe, car il bougeait les lèvres sans qu'aucun son n'en sorte pour eux, et sans que cela semble le perturber. "Bien, dit moi donc Amanda, que sais-tu réellement de ta famille ? Des Svenns ?" Il lui jeta un regard amusé, puis reprit "Non faisons les choses différemment. Je t'en dresse un petit portrait puis tu me diras si ça correspond" Il chassa quelques mèches rebelles de sur son cou, puis entama son petit monologue sans paraître particulièrement gêné de la traîner comme ça avec lui. "Les Svenn sont une des plus vieilles familles de l'Empire. Le premier de cette lignée était amoureux de la promise du premier Kohan, et abandonna ses prétentions sur elle par sens du devoir. Il construisit Glacern pour protéger l'humanité contre les vampires, parce qu'il refusait de croire que son peuple était plus faible qu'eux. Il pensait que leur force était simplement différente. Il n'avait pas tort en un sens puisque ces hommes sont d'une toute autre trempe que ceux du sud. Quand on met un nordique et un sudiste côte à côte, on ne peut que noter la différence"

Il tourna sur une place, aux trois quart de la grande voie "Les Svenn sont les gardiens du nord. Ils sont emprunts, et transmettent, beaucoup de valeurs morales : le sens de la famille, la dignité, le devoir, le sens du sacrifice, l'abnégation, le travail d'équipe, la probité morale, l'endurance face à l'adversité…." Il tâcha d'expliquer un peu les coutumes nordiques permettant de forger tout cela puis enchaîna "La richesse chez eux ne vient pas de l'or ni de la naissance, les fils et filles du bas peuple sont éduqués avec ceux et celles de la noblesse. Ils tiennent le mérite en très haute estime, c'est quelque chose de terriblement important là-bas. On ne vous donne rien si vous ne le méritez pas, pas même la vie. Mais c'est naturel quand tu vois leur milieu de vie. Il ne fait de cadeaux à personnes, et les vampires de même. Ce qui est également très intéressant, c'est de savoir que les hommes et les femmes sont placés sur un pied d'égalité totale" Il lui lança un coup d'œil amusé "Les femmes là-bas peuvent être généraux, chefs de guerres, forgeronnes, ou même simplement héritier une lignée prestigieuse"

Ils arrivaient presque "Si j'ai bonne mémoire, le seigneur Svenn lui-même a causé un beau chambardement au sud voilà quelques années en décrétant que sa fille prendrait le rôle de Seigneur après sa mort, en délaissant son fils pourtant aîné en plus de ça. Quant à sa sœur, elle est à la tête d'un ordre prestigieux, celui des veilleurs sombres, la garde qui surveille les vampires" Il s'arrêta devant l'entrée du commerce qu'il avait visé, portant le doux nom de 'la Venette bleue' et il conclut "Alors tu vois je pense que tu y gagnerais, à te rapprocher d'eux. Leur vie t'intéresserait je pense" Et il poussa enfin la porte pour entrer.

@Veren Sarjaa

Elle le suivait, non pas qu'elle ait le choix, mais qu'importe ses protestations et ses tentatives de prendre l'autre direction, son corps avait pris de lui même l'initiative de le suivre comme un vulgaire pantin que l'on dirige à l'aide de fils invisibles. La trainant sans vraiment grande inquiétude pour les regards extérieurs qui se porteraient ainsi sur eux alors qu'ils rejoignaient l'avenue principale déjà bondée d'humains se remettant à leurs tâches habituelles qui tournaient essentiellement à récupérer de la nourriture et d'autres biens pour améliorer leur confort de tous les jours.
D'ailleurs, on ne pouvait pas dire que ce maudit elfe était discret, attirant l'attention plus que de raison, la faisant littéralement passer pour une ombre le suivant - ce qui en passant n'était pas fait pour lui déplaire, tant qu'on le regardait, on ne prêterait pas attention à elle - mais causant également toutes sortes de catastrophes sur le chemin tout en agissant comme si rien n'était.

Il finit par prendre la parole, commençant par lui demander ce qu'elle pouvait bien savoir de "sa famille" qui était un bien grand mot pour décrire les relations qu'elle avait eux avec ces gens, c'est à dire inexistantes depuis a peu près d'un demi siècle, et dont les premières n'avaient strictement rien de "familiales". Mais il ne prit pas la peine de lui laisser le temps de répondre et de cracher son venin, visiblement ce dernier s'amusant de cette situation peu appréciable pour la vampire.

Il passa un temps interminable à... lui vendre "son produit" ! Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire la manière dont il parlait des Svenn, peignant une image presque héroïque de ces derniers comme s'ils étaient les héros de ce temps et des précédents. Cependant, malgré le fait qu'elle ne semblait pas vraiment l'écouter, elle ne put s'empêcher de relever une certaine contradiction, car après tout quand l'on a envie de jouer sur la mauvaise foi, tous les arguments sont bons et celui-ci était difficilement imparable !
Les Svenn et les Vampires ne faisaient pas bon ménage, les premiers haïssant les seconds plus que tout, en rajoutant le sens de la famille et du devoir cela allait rajouter un peu plus d'épices dans cette tambouille déjà difficilement comestible. Alors que tentait-il de faire ? La faire souffrir inconsciemment en lui rappelant un vieux rêve complètement fou de trouver un foyer ? Alors qu'il le savait impossible ? Non cet elfe aussi puissant soit-il était sur son petit nuage !

"Ce que j'y gagnerai ne sera qu'une mort lente et douloureuse pour avoir tué un des leurs, et être ce que je suis." lui avait-elle répondu sèchement

Peu importait donc au final la place des femmes, ces belles paroles d'égalité entre les personnes peu importe leurs origines sociales. Peu importait le mérite et ce qu'elle avait pu faire pour la rébellion et Korentin Kohan. Tout cela serait vite oublié au profit de bien d'autres choses qu'elle avait faite avant et surtout qu'elle ne regrettait absolument pas. Rien que compter le fait d'avoir égorgé un Svenn était certainement déjà suffisant pour l'emmener à ce triste sort, pire encore il suffisait certainement de leur préciser son identité d'humaine pour finir utilisée comme exemple à ne pas suivre.

Non, ces rêves de gamine n'étaient plus d'actualité et tout la mettait du mauvais côté de la barrière. Elle restait un vampire, et elle était fière de ce qu'elle était et même en jouant un énième rôle, les choses ne changeraient absolument pas ! Alors en étant elle-même... Elle lui souhaitait bon courage pour lui prouver le contraire !

Il eut un sourire tandis que le battant s’ouvrait, et lui répondit du tac au tac « Oh non, ta mort sera extrêmement rapide, ils te détacheraient probablement la tête des épaules d’un seul coup. Du moins si tu as la bêtise de te comporter avec eux comme avec le reste du monde. » C’était dit sans aucune agressivité, mais fermement. Il lui tourna le dos, fit quelques pas dans la boutique, attira l’attention d’un homme et lui passa sa commande. L’humain repartit hors de vue, dans l’atelier, avec un air un peu perdu, et rêveur, qui le fit doucement sourire. Après avoir examiné l’intérieur de la boutique, il s’installa sur les marches de bois menant au second étage, comme s’il était chez lui, ce qui était un peu vrai, d’une certaine façon, puisqu’il connaissait très bien les tenanciers. Il avait vu l’homme grandir, venant de temps en temps, lui passant toujours la même commande. Rien n’avait changé pour cette petite boutique et c’était très heureux. Il n’aurait pas voulu qu’elle change, encore moins autant que lui. Car il avait bien changé, depuis le temps.

A nouveau, il regarda la vampiresse « Personne n’a à te prouver quoi que ce soit. Qui penses-tu être pour que l’on doive te prouver quoi que ce soit ? Que tu acceptes le monde ou non, celui-ci tourne pourtant autours de toi. Il ne t’attend pas et il n’a pas besoin de toi. Tu es la seule qui perd à rester les bras ballant, enfermée dans ses propres mensonges d’adolescente. Tu te dis être certaines choses, tu en es d’autres et tu te fourvoie en t’illusionnant sur toutes. Même ta soit disant fierté n’est qu’illusion, car ce dont tu es fière n’est que du vent » Il secoua légèrement la tête, ses boucles blondes jouant dans la lumière de la journée « Tu pourras nier autant que tu veux, je ne m’attends pas que tu hoches la tête la bouche en cœur, tu n’en es pas capable. Comme beaucoup d’ailleurs. Moi aussi parfois, je ne sais pas admettre mes défauts » Il posa sa joue dans la paume d’une de ses mains « Tu penses totalement de travers tu sais… je n’ai rien à te ‘vendre’ je te dis ce qui est, ce que tu refuses de voir. Le reste ? ça t’appartient entièrement. Mais ainsi, tu ne pourras pas te lamenter de n’avoir pas su »

Pas un instant, son sourire ne vacilla « Tu sais ce que tu aurais à gagner à t’intéresser à ta famille. Je te fais confiance pour faire marcher ta cervelle ensuite, après tout si on t’a fait espionne c’est bien parce que tu sais aussi l’utilisée, et pas juste tes appâts féminins. Peut-être suis-je trop optimiste, à toi de me le dire » L’humain revint pour lui demander une précision, il la donna, le regarda disparaître à nouveau, et revint à la vampiresse « Tu es libre. J’ai dit ce que j’avais à te dire, à partir de ceci, c’est à toi de faire l’effort de cesser de te regarder le nombril bêtement, ou bien de te regarder le nombril intelligemment au moins. Ou de ne rien faire. Après tout c’est aussi une solution. Pas la meilleure selon moi, mais après tout si tu veux vivre le reste de ton éternité dans le mensonge c’est ton affaire… » Et il se détourna d’elle pour s’intéresser aux nouveautés de la boutique. Si elle partait, il ne la retiendrait pas. Il ne pouvait faire le travail à sa place, uniquement montrer la bonne direction.

Se comporter avec eux comme avec le reste du monde ? Que voulait-il dire par là ? Elle montrait aux gens ce qu'ils avaient envie de voir ! Il n'y avait rien de mal à ça après tout non ? Au moins les conflits étaient évités et tous avaient ce qu'ils voulaient... Enfin presque ! Cela permettait à la créature de se faufiler un peu partout sans attirer l'attention et surtout obtenir ce qu'elle voulait ELLE. Sans pour autant leur nuire directement, enfin dans ce cas précis elle n'avait rien à retirer à s'en approcher pour ce genre de motif, pour le moment. Et même en faisant autrement, savait-elle seulement le faire ? Rien que sa nature suffirait à les décider de lui séparer la tête du reste de son corps et de laisser son cadavre pourrir quelque part.
Alors que l'elfe passait sa commande et se débarrassait ainsi de l'humain qui repartit l'air perdu dans son arrière boutique, la vampire en fit le tour, naviguant entre les étals les regardant comme si elle y portait un certain intérêt comme le ferait n'importe quelle humaine normalement constituée face à de la nourriture. Une sorte de réflexe pour "s'occuper les mains" même si l'illusion ne risquait pas de prendre avec l'individu en face d'elle.

Individu d'ailleurs qui parlait en énigmes, tournant autour du pot comme souvent la vampire aimait à faire pour embrouiller ses proies et les emmener exactement ou est-ce qu'elle le désirait. Le problème était par contre que l'inverse n'était pas valable. Non, elle n'aimait pas être la victime de ce genre de petits jeu. Pourtant elle était patiente, mais il était difficile de l'être pour tout, on ne pouvait pas accepter n'importe quoi n'est-ce pas ? Que cherchait-il à lui faire comprendre au final ? Il lui disait qu'elle était autre chose, s'il le savait mieux qu'elle alors pourquoi ne plus lui dire ? Elle avait de toute manière joué trop de rôles pour savoir lequel elle était réellement. Ca elle n'avait pas besoin de lui pour le deviner, il suffisait juste qu'elle regarde le chemin parcouru pour que cela lui saute presque au visage.

"Alors qu'est-ce que je suis ?" On sentait à peine qu'elle perdait patience dans les mots, gardant pour elle le venin qu'elle pourrait avoir envie de cracher à cause de cette situation. "On n'a pas fait de moi une espionne, mais un pion que l'on peut sacrifier. C'est ca que je dois être ? Un pion ?"

Un pion sacrifiable auquel on n'accorde justement aucune importance et qui ne manquerait justement à personne sur l'échiquier qu'était cette terre, c'était pour celà qu'elle avait été faite ainsi, et peut-être son potentiel à faire les choses dans les "règles de l'art" en étant prête à tout. Et c'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait changé de maitre pour un autre qui l'était devenu malgré lui et qui ne la considérait justement pas comme un pion que l'on laisse mourir sans y accorder le moindre regard. Ce qu'elle pouvait attendre des autres ? Elle ne le savait pas elle même, donc s'attendre à ce qu'ils fassent des preuves... Les mots de l'elfe lui taraudaient l’esprit mais ne la menaient nulle part, de toute manière à ce rythme, elle n'irait nulle part, elle en serait encore plus perdue pendant longtemps, lui montrer le chemin était une chose, la mettre dessus était une autre...

"Je n'ai rien à leur offrir qui vaille la peine qu'ils me laissent les approcher en restant vivante." Elle soupira "Ce ne sont des vieux rêves de l'humaine que j'étais. Et je ne peux pas nier ma nature, c'est ainsi !"

Elle pouvait se faire facilement passer pour une humaine, pour s'approcher, mais était-ce réellement ce qu'elle souhaitait pour établir ce genre de relation qu'elle aurait voulu ? De toute manière ce genre là pouvait-il encore exister aux vues de la différence d'age et de la mort de tout ceux pouvant tenir ce rôle ? Être intégrée dans une famille signifiait quelque chose, dans ce sens là était impossible. Déjà, elle même, était-elle capable de s'y intégrer ? Parfois un rêve doit le rester pour éviter qu'il ne se brise en petit morceaux en emportant avec lui les espoirs qui le maintenaient. Ce genre de peur peut parfois être un véritable frein, inconscient bloquant définitivement une personne dans l'accomplissement de ce dernier.

C’était pire que ce qu’il avait pensé de prime abord. Mais il se refusait à faire davantage. Si on la prenait indéfiniment par la main elle ne réussirait jamais rien et se complairait dans la médiocrité. D’un autre côté, elle semblait tellement incapable de faire raison qu’il doutait qu’elle réussisse malgré son optimisme. Vu sa façon de penser, il était également étonnant qu’elle ait pu être de la moindre utilité lorsqu’elle était une espionne. Mais n’étant pas un expert dans ce domaine, il faisait confiance à ce qui faisait de ces façons leurs œuvres. Isendal Ithil devait bien avoir eu une raison de s’en servir comme d’une espionne… Mais tout de même, ne pas voir la simplicité tant on était engoncé dans des façons chaotiques et des considérations perturbées, c’était aussi compréhensible qu’inquiétant. Oui c’était pire que ce qu’il avait tout d’abord pensé. Mais ce n’était pas pour autant à lui de lui servir de tuteur. Il pouvait prodiguer des conseils, il pouvait accompagner, mais pas marcher tout du long avec elle et certainement pas la tirer de force. Et il n’en avait d’ailleurs pas envie, ce qui allait de pair. Les récents événements lui avaient ôté de son abnégation et de son acceptation. Si elle voulait jouer à tout et son contraire qu’elle le fasse, mais lui en avait terminé. « Ça c’est ce que ton envie de t’embrouiller en ayant raison te faire dire »

Tout le monde était un pion dans le jeu du destin, ça il l’avait appris. Mais ça, c’était une toute autre question. On l’avait formé à espionner, quoi qu’elle puisse dire. Elle n’était pas venue au monde en sachant comment faire… et d’ailleurs il semblait que la formation n’avait pas été achevée, à son avis de néophyte. « On justifie tellement de bêtises avec de tels mots…’c’est ainsi’ » Il secoua un peu la tête. Elle se cherchait des excuses une fois encore, ou tentait, et ? tentait de se donner raison par des commentaires lapidaires. Mais comme il l’avait dit il en avait en essence finit. Tout dépendait d’elle. Elle était libre oui, dans plus d’un sens du terme et pas seulement de sa magie… mais elle n’était de toute évidence pas libre de ses propres biais. Pour s’occuper les mains, il entreprit de se tresser une longue mèche de cheveux. « Tu as toutes les clefs en main, à présent, et ne t’en déplaise, tu es la seule à pouvoir en faire quelque chose par la suite. Tu es la seule à pouvoir travailler là-dessus et y penser. Et agir également. Si tu ne le veux pas, pas besoin de me fatiguer avec de faux arguments, contentes-toi de ne rien dire et de partir, tu en as le droit. En parlant, c’est toi-même que tu essayes de convaincre, pas moi »

Un sourire lui fleurit aux lèvres « Plutôt que de te convaincre de rester sur tes positions, pourquoi ne pas chercher à faire travailler ton esprit ? A toi de savoir quelles sont tes priorités, et comment agir pour parvenir à les satisfaire. Quant à ta nature, laisse-moi te dire que tu es loin de l’accepter, ou même de réellement enrichir ce mot à tes propres yeux. Il ne s’agit pas d’avoir raison, là, maintenant, pour des broutilles, pour te complaire, Amanda. Pour toi il s’agit de bien davantage et si véritablement ta présence a encore une raison d’être devant moi je te donnerais cet ultime conseil : Donne toi le temps d’examiner tout cela en mettant de côté tout ce qui te fait me répondre si rapidement. Parce que ce n’est pas à moi, de te mettre sur le chemin. Tu es la seule à pouvoir choisir de l’emprunter »

Elle n'écoutait pas, ou plutôt ne pouvait pas écouter. Pour quelqu'un dont il s'agissait de la manière d'être, ce en quoi elle avait été entrainé, c'était tout de même un comble de ne pas pouvoir le faire alors que les choses auraient pu lui être utiles d'une manière ou d'une autre. Une sorte de blocage ? Il n'aurait certainement pas été faux de le classifier ainsi, les choses ayant été rejetées pendant beaucoup trop de décennies pour revenir ainsi d'un seul coup de baguette magique, et rien que le fait qu'il l’appelle par son "véritable" prénom la mettait mal à l'aise, comme s'il s'agissait que quelque chose de contre-nature, de quelque chose qui risquait de la rendre malade voire même de la tuer. C'était comme si l'elfe l'utilisait dans ce but là, de la mettre mal à l'aise pour une raison qui lui était inconnue mais qui servait bien évidemment ses propres objectifs, ce qui semblait d'ailleurs bien l'amuser aux vues de la manière dont il en usait et abusait tout le long de cette "conversation". Elle n'était plus cette proie, cette victime, on lui avait appris a être autre chose, mais autre chose qui n'avait plus aucun sens aujourd'hui sans quelqu'un pour l'utiliser. Était-ce peut-être cela le problème ? En cherchant un chemin à suivre elle s'était aventurée instinctivement sur celui-ci en particulier et sans s'en rendre compte...

Quelles étaient ses priorités ? Ses envies ? Seuls les esprits pouvaient le dire. A l'heure actuelle c'était de faire la peau à Alford Gorder. Un motif de s'occuper comme un autre, comme des centaines d'autres comme pour mettre les interrogations de côté et se concentrer sur quelque chose de beaucoup plus simple. L'on dit toujours que les moments ou l'on cogite le plus sont ceux ou l'on n'a rien à faire, ou l'on attends que quelque chose finisse par enfin se passer. Et c'était son cas ! Certainement que les choses iraient beaucoup plus simplement en la mettant devant le fait accomplis en lui permettant d'agir à l'instinct au lieu de lui permettre de se faire tous les scénarios possibles et de se torturer toute seule, aussi efficacement que n'importe quel bourreau.

Le baptistrel avait peut-être posé des jalons, en fait il l'avait réellement fait. Sauf que consciemment était-elle seulement capable de les suivre ? Seulement capable de les appliquer sans risquer de se perdre ? Inconsciemment par contre c'était certainement autre chose comme une graine qui avait été plantée et qui n'attendrait certainement que de germer à la moindre occasion qui pouvait lui être favorable.

Et puis, il fallait l'avouer... Il y avait une certaine animosité plutôt vivace qui brulait à l'encontre du baptistrel pour ce qu'il venait de faire un peu plus tôt. Comment écouter volontairement des conseils de quelqu'un qui vient de chercher à vous pourrir la vie et vous envoyer vers une autre voie comme si ce dernier tentait de la manipuler ? Ou alors qui abusait de son rôle et de son pouvoir ? Comment se persuader qu'il était simplement là pour l'aider ?

Non, elle n'avait plus rien à faire ici, ca c'était certain et son interlocuteur n'avait qu'assez insisté à ce sujet. Sans un mot, ni même sans se retourner avec toute "l'ingratitude" et l'indifférence dont elle pouvait faire preuve, elle ne se fit pas prier pour passer la porte de l'établissement. Quant à quitter la ville ? Ce n'était certainement pas encore le cas, d'autres opportunités pouvaient se présenter et c'était certainement mieux que de se morfondre dans un endroit désert sans possibilité de se mettre quelque chose sous la dents.