Home, Sweet Home (Isyndar)

Sujet: Home, Sweet Home (Isyndar) Dim 20 Avr 2014 - 21:35

De sombres nuages parsemaient une nuit sans étoiles, d’où émergeait de temps à autre une faible lumière blanche, dernier signe de vie d’une lune agonisante. Dans les hauteurs du monde, le vent était puissant, une force amplifiée par le froid mordant qu’il véhiculait, telle une présence vorace et fantomatique. Impétueux et violent, il s’écrasait contre les montagnes, pour finalement les contourner. Ce jeu entre la pierre et l’air, entre l’immuable et le changeant, provoquait un chant sans nul autre pareil. Une mélopée douce et froide, sifflante, presque hostile.

Le vampire grimpait. Telle l’araignée sur le mur, il progressait contre le flanc d’une des griffes escarpés. Encore et toujours : inlassablement. Sa musculature puissante et ses reflexes surhumains l’aidaient dans son ascension. La peur était sous contrôle. Elle aurait dû lui ronger les entrailles, motivée par l’immensité du vide qui s’étendait sous lui, par sa totale insignifiance devant le géant qu’il escaladait, mais elle demeurait maitrisée. Une vie de lutte l’avait façonné de telle manière qu’il se retrouvait rarement sous son empire.

Sa vision nocturne lui permettait de voir aussi clairement qu’un homme en plein jour. Il atteignit donc son objectif sans accident. Sa main se posant sur une petite plateforme naturelle. Il s’y hissa sans mal, se releva, et prit une seconde pour épousseter ses vêtements. Puis il se dirigea vers la cavité qui lui faisait face. Une assez grande ouverture sombre dans le flanc de la montagne, de laquelle on pouvait voir une lueur rougeâtre. Se retournant, il prit quelques secondes pour observer le gargantuesque panorama qui s’offrait à lui, puis il se remit en route.

Ni le vampire, ni sa dragonne ne craignaient vraiment le froid. Ni l’un ni l’autre n’avaient besoin d’aide pour voir dans le noir. Cependant, faire un feu était toujours agréable, et faisait d’une grotte humide et peu accueillante, un endroit tout à fait approprié pour vivre. Cela, plus le fait que la lumière qu’il dégageait était comme un phare pour qui savait la retrouver. On pouvait vite se perdre dans cette partie du monde…

Roëric Alokor se plaisait ici. C’était un endroit sûr, caché à la vue de tous. Duquel il avait l’impression d’être le roi du monde. Non pas qu’un tel poste l’ait un jour intéressé, mais il fallait reconnaître que c’était une sensation beaucoup plus plaisante que d’être terré dans un souterrain, lui-même planqué sous des marécages. L’endroit était spacieux, il avait installé un rabat de cuir couvrant la large entrée, protégeant ainsi le lieu de la neige et du vent.

Seule ombre au tableau : l’alimentation. Elle était rare dans ces hauteurs, et lui comme elle devaient régulièrement aller chasser. Un mal pour un bien puisque nomade par nature, le Maitre-Lame n’appréciait guère d’être trop longtemps au même endroit. D’ailleurs il revenait tout juste d’une descente, Isyndar avait repéré quelques jours plus tôt une petite bande d’humains. Comme il était plus probable que ce fusse des bandits plutôt qu’une famille en vacance dans l’un des pires endroits du continent, Roëric leur avait rendu une petite visite. Et maintenant il était de retour.

"Alors, comment s’est passé ta nuit ?"

Les deux êtres échangeaient surtout des pensées, et cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas vraiment parlé. Depuis qu’ils avaient revu Kylian en fait. Celui-ci lui avait expliqué qu’il y avait une rébellion en cours, et d’autres âneries comme s’allier avec des humains qui les voulaient morts et Lorenz Wintel qui les voulait encore plus mort. Rien de très réjouissant, mais comme son maître avait de nouveau disparu, soi-disant pour de bonnes raisons, le guerrier se considérait en vacance.

"Les hommes au bas de la montagne était bien des bandits de grand chemin. J’ai donc pu me nourrir. Tu as chassé ? Je te trouve… étrange en ce moment. Notre lien me renvoi des sensations que je ne saurai décrire."

Il espérait qu’elle n’était pas malade. Car c’en avait tout l’air. Mais le vampire n’était absolument pas spécialiste en dragonne. Quoiqu’il en soit, ils étaient en sécurité ici. Quand bien même les alayiens s’approprieraient-ils Armanda demain matin qu’ils ne les retrouveraient jamais. Et les rares humains ayant les capacités physiques pour les rejoindre seraient peu nombreux et bien trop affaiblis pour être une quelconque menace.

Un endroit vraiment parfait.

Fuir, encore fuir. Bouger toujours bouger. Cet aspect de leur vie qu'Isyndar appréciait autrefois commencer à l'épuiser et à l'agacer. Voler, toujours être en mouvement, la dragonne de l'ombre ne suivait pas. Depuis quelques temps, Isyndar devenait bien moins patiente, agacée par tout, la moindre contrariété devenait une montagne, alors qu'autrefois elle était une montagne de patience et de compréhension. Mais là non. Le séjour auprès de la horde se finit bien vite. Isyndar ne supportant plus de changer constamment fuir les alayens de plus en plus présents sur le territoire et de plus en plus violents. Isyndar aussi. La dragonne n'avait pas hésité un jour à décimer une partie d'un bastion de son souffle chaud, ceux-ci s'en prenant à des villageois totalement perdus. La patience avait passé outre.

Depuis quelques jours, le nord leur servait de refuge. Le froid, le relief, rien de tel pour repousser des alayens bien occupés à autre chose.
Après avoir revu le Maître de son lié et la mère dragonne, les avoir encore vu partir, Roëric et elle décidèrent de se faire plus discret. La fatigue de Isyndar jouant, même si le dragonnier n'en disait rien. D'ailleurs, ils ne se disaient plus grand chose. Tout deux n'étaient pas de grands bavards, mais l'attitude agacée de la dragonne de l'ombre devait en être une principale raison.

Juchée dans une caverne, allongée, le retour de son dragonnier était un soulagement. Celui-ci était partit chasser et chaque éloignement était une inquiétude de plus. Si jamais il tombait sur des alayens, les soldats de l'empire, Wintel et son armée ou autre. Mais là, il revenait saint et sauf.

« - Que le Dracos pardonne à ses hommes de peu de foi. Au moins, tu auras sauvé des vies utiles. Dont la tienne. »

Même si elle n'appréciait pas une telle justification pour que son lié vive, elle s'y faisait de plus en plus. Et la guerre arrangeait les choses.

« -J'ai trouvé deux chamois assez vivaces. Mais rien de plus et je meurs encore de faim. Même si je sais que cette endroit est sure, confortable pour un vampire et une dragonne, je me demande si on peut nous retrouver. Il nous faut être discret. Et il n'y a rien de moins discret qu'un dragon survolant une montagne rocheuse. Les alayens ne sont peut être pas très vifs, mais ils ont des yeux. »

Redressant la tête, elle plongea ses yeux dans ceux de son lié en lui glissant son ressenti.

« -Je ne suis pas étrange, pas plus que toi. Ça m'agace juste de devoir encore se cacher, d'attendre ce vampire rebelle, et de voir cette vermine alayenne briser la magie de cette terre qui m'a vu naître. »

Enfin, elle lui mentait et se mentait. Il y a quelques semaines maintenant qu'elle cachait ce qui a ses yeux devenait inévitable. En son sein grandissait la vie, la magie future pour Armanda. Et la future mère avait une peur viscéral pour ce petit être. Déjà, par son mode de vie, comment protéger un œuf en attendant que ce dernier, trouve tout comme elle, l'âme à qui se lier pour former un tout indissociable.
Et la guerre qui grondait, avec ces chasseurs de magie, n'aidait en rien. Grognon, agressive, elle n'arrivait plus à gérer cet amas de sentiments qui se brassait en elle.
Isyndar ne se sentait pas l'âme d'une mère aimante. Mais elle ne se résoudrait pas non plus à abandonner dans un coin sombre cet œuf qui nichait en elle.

« -Roëric, quand il sera établit que nous ne cherchons plus ton maître, j'aimerai retrouver Shaynar, le premier né. Il est des choses que je dois voir avec lui. Et vite. Car il est une chose dont je suis certaine maintenant. Il va nous falloir protéger et vite, bien, une nouvelle génération de dragon. Et nous ne pouvons le faire que tous les deux. »

Le voir pour lui dire que cet été, il serait le père de l'espoir renaissant de la magie en ces lieux. Premier né depuis des siècles, il laisserait sa place au premier né des dragons renaissant.

Roëric hocha brièvement la tête aux propos de sa liée. Voilà bien des décennies qu’il ne cherchait plus à justifier sa propre nature, si tant est qu’il n’ait jamais cherché à la faire. Néanmoins il comprenait bien que c’était là un mode de vie difficile à accepter pour une dragonne. Cela étant dit, il ne pouvait rien y changer, elle non plus, et la vie continuait. On finissait par s’adapter à tout, même au pire : à la mort et à la guerre. Du reste, les dragons n’étaient pas vraiment ce qu’on aurait pu appeler des « végétariens ».

"Tu serais surprise du nombre de gens qui ne prennent même pas la peine de lever les yeux pour regarder le ciel. Ceci dit, tu as raison, mais même s’ils nous trouvent, il faudra qu’ils viennent nous chercher. Nous les verrons venir de très loin et nous partirons en volant. Si tant est, bien sûr, qu’ils aient une chance de réussir l’ascension."

Il sentait que quelque chose n’allait pas dans les pensées d’Isyndar. D’accord il n’était pas le meilleur dragonnier du continent, mais il n’était pas non plus stupide. Quelque chose se passait avec la dragonne et elle ne voulait pas qu’il le sache. Sinon, pourquoi changer ainsi de sujet ? Cette attitude bougonne ne lui disait rien qui vaille. Certes, il avait aussi ses sautes d’humeur, et parfois même un besoin de solitude, mais cela lui passait. Contrairement à elle.

"Si tu le dis."

Manière de signifier qu’il se doutait qu’elle ne lui disait pas tout. Mais qu’il n’avait pas non plus envie de lui tirer les vers du nez. Si elle tenait tant que ça à ses secrets, elle pouvait les garder. C’était là quelque chose que le vampire pouvait comprendre. Cette nécessité de garder envers et contre tout une partie de soi-même à soi et soi seul. Il allait poursuivre, changer de sujet et passer à autre chose, mais visiblement la dragonne de l’ombre n’en avait pas fini.

Le Maitre-Lame la laissa terminer, ruminant sur les implications que suggéraient de telles paroles. Il resta pensif une minute ou deux. Une nouvelle génération de dragon ? Qu’est-ce que c’était que cette histoire encore ? Des œufs allaient tomber du ciel comme par magie ? Non, c’était absurde, quoique pas tant que ça avec le Dracos. Avec celui-là, il fallait s’attendre à tout. Mais il n’y croyait pas, alors cela voulait dire qu’une dragonne était enceinte… Et Isyndar et son humeur de dogue… la mention de Shaynar…

"Nous ne cherchons plus Kylian. Il mène sa propre quête. Ce sera à lui de nous retrouver quand il en aura besoin. Avec Skade à ses côtés, je ne m’inquiète pas pour sa sécurité."

Une manière comme une autre de gagner du temps avant de répondre au vif du sujet. La pensée du vampire était troublée. Il était impassible en apparence, mais une certaine tension, une certaine inquiétude avait gagné son cœur et transparaissait à travers le lien. Assis près du feu, il contemplait celui-ci, comme hypnotisé par les flammes. Après un bref silence, il reprit finalement le fil de sa pensée.

"J’en conclus donc que tu es enceinte de ce Shaynar, n’est-ce pas ?"

Il avait parlé à voix haute, sans même s'en rendre compte. Et d'une voix qui s’était faite plus froide qu’il ne l’avait voulu, mais il se sentait vexé de ne pas avoir été mis au courant. Et le lien tissé avec ce nouveau venu le rendait un peu jaloux. Sans compter qu’il s’en voulait de n’avoir rien vu venir. Décidément, il ne valait pas tripette comme dragonnier.

"Eh bien, si tel est le cas, j’imagine qu’il nous fait prévenir le père en effet. Que comptes-tu faire de cet enfant ?"

Isyndar perdit son regard devant l’immensité de roches, de pics enneigés et de nuages grisonnant. Oui, que celui-ci pouvait être beau et changeant. Paisible et en colère. Dommage que ces bipèdes ne s'en soucient guère plus. De ça et de la beauté du monde qui les entoure. Un jour s'ils ne prenaient pas garde, ils allaient le perde. Les alayens semblaient prompt à vaincre la nature en plus de la magie.

« -Pourtant le ciel est si beau. Mais personne ne viendra. Tout se passe dans les villes. Le nerfs de la guerre. Les batailles sont finies. Même si d'autres se lèveront, bientôt. Que feras-tu si une éclate ? Te joindras-tu à Kylian ? Tu sais que je te suivrai quoiqu'il en soit. Une chance que la mère dragonne veille sur lui. Le Dracos a dû la mettre sur sa route et il valait mieux. Ce vampire va à l'encontre de beaucoup d'ennui avec l'insouciance d'une jeune humain. Cela est touchant mais frôle l'inconscience. Nous allons pouvoir nous pencher sur toi, sur nous et notre futur. Le mien.»

Une précision que Isyndar se sentait obliger de confirmer. Et cela malgré les changement de sa vie. Il avait fait de même quand il s'était lié avec Mélusine. Et elle pouvait comprendre ce qu'il ressentait et le cheminement qui s'effectuait dans son esprit. Et là même pas besoin de partager leurs pensées. Cela allait de soit. Mais elle avait envie de savoir ce que lui aussi avait envie de faire, ces désirs, ses rêves, et ensuite quand tout ceci serait finie. Car Isyndar avait l'espoir fou que cela se calme sous peu. Que les bipèdes retrouvent leur esprits.

« -Quand tout ceci sera fini, cette guerre et ces discordes, que ferons-nous ? Où irons-nous ? Je veux continuer à connaître ce territoire, à apprendre sur les coutumes des bipèdes et la magie qui nous lie tous, mais aussi voir tous les miens. Et revoler avec Shaynar. »

Bref, goûter à des choses simples, à un quotidien sans remous, profitant du temps qui passe. Mais pour le moment, ce qui semblait tracasser son lié était son état nouveau. Normal. Elle avait été étrange, un peu grognon, plus volubile voir gronchon ces dernier temps. Et l'explication tombait enfin. La dragonne avait mis du temps à le comprendre, à l'accepter et à se décider à en parler son lié. Elle avait peur de sa réaction. Non, pas qu'il la rejette ou autre. Mais de le peiner. De faire entrer dans leur vie un troisième être. L'écaillée avait mis du temps à accepter son lien avec son humaine, il devait en être de même pour lui.

« -En effet, je le suis. Je le sais maintenant. Mon cœur et mon corps me le soufflent et ce sentiment étrange qui grondait en moi depuis quelques temps à aujourd'hui un nom. »

Quand à quoi en faire ? Elle se voyait mal voyager, sans cesse bouger pour protéger son petit et son lié par la violence dont faisait partie leur terre. Et puis, tout comme elle son destin était forgé et destiné à un autre qu'elle. Il devait se lier et protéger son dragonnier. Quel qu’il soit.

« -Je protégerai cet œuf, jusqu'à ce qu'il trouve comme moi la personne qui fera de lui cet être complet sans qui nous ne pouvons vivre. Ensuite, je garderai un œuf bienveillant sur lui, mais son avenir sera tracé par son choix de lié, et non plus par mon rôle de mère. »

Même si son esprit s'inquiéterait toujours pour lui. Mais elle savait aussi que sa vie était avec Roëric. Leur lien, leur couple prévalaient sur tout le reste.

« -Oui, Shaynar à le droit de savoir et de connaître l'existence de ce nouvel espoir pour notre terre. Même si je crains que cet œuf soit pour nos ennemis un nouveau gage de la puissance de la magie et qu'ils ne cherchent qu'à le détruire, comme nous tous. Lui trouver un lié sera gage de protection. »

Elle était donc bien enceinte. Voilà au moins une question qui trouvait sa réponse… Quant à ce que le vampire en pensait… il fallait faire avec. Son esprit méthodique acceptait la réalité qui se présentait à lui et modifiait ses prédictions en en prenant compte. Que faire d'autre ? S'adapter ou mourir, c'était là le sens de la vie.

La guerre était loin d'être finie, d'autres batailles éclateraient, dans un tourbillon de fer et de sang. C'était inévitable, et tant que la situation serait aussi instable, cela continuerait, encore et encore, jusqu'à qu'il n'y ait plus qu'un seul vainqueur, et que celui-ci impose le nouvel ordre armandéen. Autant dire que ce n'était pas pour tout de suite, il y avait encore trop de force en présence, trop d'avenirs possibles. Et les probabilités pour qu'il s'agisse de Kylian étaient ridicules avant l'arrivée de Skade et même maintenant, elles restaient minces.

"Si je dois me battre ce sera aux côtés de Kylian. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Il est partit de son côté, et nous devons nous occuper de ton œuf à venir. Le monde étant ce qu'il est, nous aurons tout le temps pour nous battre et ce ne seront pas les ennemis qui manqueront."

Voilà au moins une certitude. Les alayiens, les vampires de Lorenz, l'Empire du nouveau Roi Borgne, et peut-être même les elfes… qui sait ?

"Cela ne finira jamais. "*

C'est qu'il avait envie de répondre, mais il garda cette sinistre pensée par-devers lui, dans ce coin de son esprit qui n'appartenait encore qu'à lui seul. Inutile d'aborder ce sujet, Isyndar ne pensait pas vraiment que tout ça se terminerait, mais elle avait envie d'y croire. Qui était-il pour souffler cet espoir ? On en avait tous bien besoin.

"Ce que nous voudrons ma liée. Nous ferons ce que nous aurons envie de faire."

Un pieux mensonge. Les responsabilités qui accompagnaient leur condition ne disparaitraient pas du jour au lendemain, quand bien même Armanda serait-elle en paix. Sans compter le projet d'Achroma, qu'il faudrait tôt ou tard mettre en œuvre, histoire de leur assurer un minimum d'indépendance. Non pas que le Maître-Lame ait jamais décidé d'obéir à un autre que son maître.

En attendant, nous le protégerons.

Il insista sur le "nous", lui faisant ainsi savoir qu'il était hors de question qu'elle le mette à l'écart de cette histoire. Cela étant dit, il était heureux de voir que leur lien passait avant tout le reste. C'était rassurant d'avoir quelque chose de solide en ces temps troublés.

"Je ne sais pas si un lié le protégera efficacement, et il sera vulnérable tant qu'il sera petit. De plus, penses-tu vraiment que Shaynar laissera sa protection à quelqu'un d'autre ?"

Il n'était pas expert, mais de ce qu'il savait du Premier né, il avait du mal à l'imaginer.

"Autre problème : un œuf peut mettre des années avant de trouver la bonne personne et en attendant nous serons les seuls à pouvoir le défendre. Le secret le protégerait, mais il l'empêcherait aussi de rencontrer son futur lié…"

Bien sûr que cela ne finirait jamais. Même si la cause alayenne et leur invasion étaient enfin étouffées dans l’œuf , sans mauvais jeu de mot, il restait les elfes et humains et leur haine des vampire, et les vampires et leur soif du sang... bref il y avait encore de quoi tenir des années de guerre. Mais la dragonne espérait en ces bipèdes, qu'un jour enfin ils ouvrent les yeux. Il le fallait sinon elle sombrerait.

« -Tu es trop pessimiste Roëric. Cela finira bien un jour. Et le jour où cela devra être, nous serons ensemble près de ton ami. »

Ainsi que de sa nouvelle amie, et tous ceux doux rêveurs comme elle ou pauvres désespérés. Mais si ils réussissaient tous, si par miracle des esprits demain Armanda se réveillait dans la paix total, Isyndar avait de grandes envies.

« -Que dis-tu de faire un tour d'Armanda, visiter chaque lieux, connaître chaque peuple et en apprendre sur chaque histoire d'une ville, ou village. Je veux tout connaître de cette terre pour mieux me connaître et apprendre des miens qui autrefois foulaient ce sol. Je sais que ça m'aidera à comprendre cette connaissance que j'ai en moi et qui me vient au compte goutte et parfois sans comprendre. »

C'était assez perturbant de savoir posséder une connaissance infinie, mais qu'un quelque chose étrange bloquait l'accès à certaines données. Le flots de sensations et d'images que lui avaient insufflé la mère dragonne restaient présentes dans sa mémoire sans arriver à en saisir tout le sens. Un tourbillon l’assaillait sans cesse dans les moments où elle s'en doutait le moins.

Plongeant son regard dans celui de son lié, elle s'amusa de l'inquiétude de son dragonnier sur le rôle qu'aurait celui de son œuf.

« -Tu parles en connaissance de cause. »

Roëric avait été d'une maladresse touchante, souvent inconsciente avec elle. Mais cela avait construit leur histoire, leur force aussi. Isyndar avait souffert de se trouver loin du contact mental de son lié. Mais cela avait aussi forgé sa force mentale et sa force.

« -Lui ne perdra peut être pas son lié sur un champ de bataille. Roëric, je me doute que de voir arriver dans sa vie un dragon est une responsabilité immense et inattendue. Mais nous savons ce que nous faisons en choisissant notre lié. J'ai toujours eu confiance en toi, et je sais qu'il en sera de même pour cet être qui choisira un dragonnier digne de lui. »

Et puis à défaut de veiller sur son œuf, il y avait un plan B.

« -Mais nous pourrons aider et protéger son dragonnier. Le temps que tous deux soient assez fort à deux. Pour Shaynar, je ne sais pas. Je me dit que son caractère fait qu'il est protecteur envers les siens, mais il est aussi comme nous, comme moi, un esprit libre aimant voguer où ses ailes le démange. Même si son presque lié semble être un homme plus posé et érudit. »

Oui, elle ne pouvait pas s'exprimer au nom du premier né. Certes, il semblait très protecteur envers ceux à qui il tenait, mais un œuf, ce n'était pas la même chose. C'était...terrifiant et tant de responsabilité. Trop à porter sur leurs écailles.

« -Mais, oui, un lié digne de ce nom ne se trouva pas comme cela. Peut être n'est-il même pas né. Mais le transporter avec nous n'est-il pas risqué non plus. Un œuf de dragon va attiser les convoitises. Le cacher aussi serait un tort son possible lié ne le trouverait peut être pas. Te sens-tu près à devenir un protecteur d’œufs ? »

dit-elle avec une certaine forme d'ironie, mais avec un fond de sincérité. Il ne cessait de dire nous, mais il devait prendre conscience que ce ne serait pas une chose facile.

Le vampire hocha simplement la tête devant les pensées de sa liée. Il n'était même pas surpris qu'elle eut perçu l'une de siennes alors qu'il essayait de la cacher. Leur lien avait grandit, s'était renforcé. Ni lui, ni elle ne croyait en une fin heureuse, à l'arrêt des conflits et à une paix éternelle après maints sacrifices. Mais elle avait besoin de le dire, de s'y accrocher. C'était une illusion précieuse, et il n'était pas assez cruel pour la lui enlever. Après tout, peut être en avait-il besoin lui aussi…

Il s'amusa du rêve de la dragonne. Non par mépris, mais sa simplicité et l'innocence qu'il recelait avait quelque chose de profondément touchant. Explorer, découvrir, apprendre. Libres et indépendants. Le guerrier n'avait rien contre pareil tableau, bien au contraire. Du reste, c'était ce qu'il avait fait durant toute une partie de sa vie. Sauf qu'il se nourrissait d'humains et qu'il n'était bien accueillit nulle part. Ceci expliquant cela.

"C'est une bonne idée. Il y a pleins d'endroits que je n'ai pas encore visités, et d'autres que j'aimerai revoir. C'est l'idée de Silarae de faire des dragons et de leurs dragonniers une caste libre et indépendant du jeu des trônes. Cependant, je doute de remettre un jour en cause mon allégeance envers Kylian. Même si celui-ci parvient au pouvoir. Il aura toujours des ennemis et il est bien trop naïf pour en voir la moitié."

Néanmoins son maître ne lui imposait pas grand-chose, et il n'avait rien à envier à quiconque niveau liberté. Il passait plus souvent son temps à voyager seul (enfin, maintenant en compagnie d'Isyndar) qu'à combattre pour lui.

Roëric fut embarrassé quelques secondes devant la remarque de sa liée, avant de prendre le parti d'en rire. A l'époque, cela n'avait rien eu d'amusant et cette séparation les avait tous les deux forgés dans la douleur. Mais elle les avait aussi aidé à mûrir, surtout la dragonne qui en était ressortie beaucoup plus forte. Toute l'histoire de la lionne jetant ses lionceaux pour les renforcer. Ou était-ce une tigresse ? Il ne savait plus.

"Hum, nous verrons. Non pas que je ne fasse pas confiance à votre lien magique et je suis très heureux d'être lié à toi… Mais bon, si son lié à lui pouvait être un peu plus expérimenté en la matière je ne m'en plaindrais pas. Cela nous évitera quelques nuits d'anxiété.

Oui je suis d'accord."

A vrai dire, le Maître-Lame n'imaginait pas les choses autrement. Il ne pourrait quitter ce nouveau dragonnier avant d'être sûr qu'il puisse se protéger lui-même : lui et son dragon.

"Son presque-lié ? Je me suis souvent demandé ce que signifiait cette histoire…"

Il grommela devant l'euphémisme d'Isyndar.

"Cela pourrait prendre des années, des décennies voir des siècles tu veux dire."

En fait, ils n'en savaient. Ni lui, ni eux, les dragons, malgré tout leur savoir et leur soi-disant sagesse ancestrale.

Ne poses pas de question idiote. C'est notre devoir donc il faut l'accomplir. Ce n'est pas quelque chose qui se discute.

Il avait rétorqué d'un ton sec et à voix haute, signe de son agacement. En tant que guerrier élevé selon les anciennes coutumes, façonné autour de la notion d'honneur, une telle remarque était pour lui presque l'équivalent d'une insulte.

Sa douce comparse aux écailles blanches avait bien raison de mentionner ce genre à part. Ils l'étaient. Ces dragonniers d'Armanda. Les premiers depuis des années, les élus choisis par des dragons dont on ne discutait pas les choix. Ils n'étaient nullement liés ou rattachés à un roi ou n'importe quelle puissance. Ils étaient la puissance.

« -Et Silarae a bien raison. Vous autres dragonniers êtes bien au dessus de cela, d'un roi ou de quiconque, au dessus des vôtres. Vous êtes bien à part à nos côtés. Allégeance et amitié sont deux choses différentes et veiller sur lui ne veut pas dire que tu lui dois allégeance. Il est comme toi lié à une dragonne et comme toi épris de liberté. Crois-tu qu'il cherche à gouverner ? Ou éveiller les consciences vampirique ? Et toi ? Dans son combat, que cherches-tu ? Juste à le suivre et à le remercier éternellement de t'avoir sauver ? Ou de veiller sur lui comme un ami ? »

Isyndar ne comprenait pas cette allégeance. Il avait bien donné son dû depuis ce temps, et Kylian ne semblait pas le lui en demander plus que nécessaire et à le voir comme un ami plus qu'un garde à sa solde. N'était-il pas le temps qu'il se voit comme le dragonnier qu'il est. Au dessus de tous les autres, tout comme ses congénères liés aux écaillés.

« -Cela me touche que tu prennes tant soin du choix et de l'importance des connaissances pour son futur lié. C’est vrai que vous avez été un peu plus pris au dépourvu et vos expériences seront une mine d'or pour les futurs générations. L'importance de la caste draconnique réside peut être là au final. »

De permettre aux nouveaux dragonniers de connaître en connaissance de cause leur nouveaux rôles. De ne pas subir les tristesses de la mort de deux dragons et trois dragonniers de la première génération. Une nouvelle donne pour eux, et son œuf.
Isyndar cligna des yeux en cherchant à expliquer avec des mots de bipèdes ce qui unissait un dragon à quelqu'un dragonnier ou par la suite un autre compagnon de route.

« -Un dragon ne se lie qu'une fois. Ce lien que nous avons tous les deux. Celui où je te reconnais comme étant mon dragonnier. Il ne s'explique pas, il est là. Je sais que c'est toi qui doit être à mes côtés, je sais que c'est ton esprit qui doit accueillir le mien, que c'est ensemble que nous devons avancer. Je le sens et sais au plus profond de ma mémoire, de ma chair. Mais il arrive parfois que ce lien se déchire par la mort de l'un des deux. C'est une violence sans nom. Comme si on t'arrache une partie de toi. Beaucoup en meurt en devenant presque fou. Mais Shaynar a eut une force de volonté bien plus forte que ce que je peux ressentir dans cette tragédie. Et il a décidé d'avancer et de vivre en se liant une nouvelle fois à un autre être que son dragonnier. Le lien est fort mais différent. Pas aussi harmonieux et instinctif. Mais il est présent. »

A l’intonation de la voix de son lié, Isyndar redressa sa tête et ouvrit ses grandes ailes avant de les replier contre ses flancs. Il semblait agacer ou vexer, mais elle se devait de lui demander. Cela allait impliquer de nombreuses choses par la suite. Et il fallait que se soit dit et sûr.

« -Je la pose, car je suis novice en cette nouvelle fonction que j'occupe. Et je crains de ce qu'elle peut être et nous faire devenir. Un œuf de dragon peut devenir convoiter et traquer et par conséquent nous aussi. Beaucoup s'estime digne de recevoir le regard et l'attention d'un dragon. La réalité est autre. Dans mon ventre, il sait déjà qui sera celui qui le fera vibrer. Même si son lié est lui aussi dans le ventre de sa propre mère. »

Le vampire grommela dans sa barbe devant les affirmations de sa liée. Il ne se sentait pas au-dessus de qui que ce soit et pire encore, il n'était pas sûr d'en avoir envie. Il lui avait toujours suffit d'être Roëric Alokor, guerrier et vagabond, n'offrant ses services qu'à qui les méritait, suivant une ligne de conduite que tout le monde avait oublié, vieux bibelot d'une autre temps, coincé dans une époque qui ne le comprenait pas, qui ne voulait même pas de lui.

Et voilà qu'il était censé être plus qu'un roi, à part de tous les autres, y compris des autres immortels. Pourquoi ? Parce qu'il l'avait mérité ? Parce qu'il en était digne? Parce qu'il l'avait voulu ou qu'il s'était battu pour cela ? Non. Pas du tout. Simplement parce qu'une dragonne, pour une raison qui lui échappait complètement, avait décidé d'éclore pour lui. Un processus de sélection qui le laissait perpexple. Mais il n'en dit rien, il ne voulait pas qu'Isyndar pense qu'il n'avait pas confiance en elle.

C'était plutôt en lui qu'il n'avait pas confiance. Ironique pour un type qui se considérait -le plus modestement possible- comme le meilleur escrimeur du continent.

"Il cherche ce qu'il ne peut avoir. Devenir humain, épouser la femme qu'il aime au vu et au su de tous. Avoir des enfants, les élever et les regarder grandir. Vieillir aux côtés de sa femme et mourir avant elle. Voilà ce qu'il veut, qu'il en ait conscience ou pas. Tout le reste est très secondaire. Malheureusement pour lui, pour moi et pour toutes les créatures conscientes, il y a tout un monde entre vouloir, pouvoir et devoir.

L'important n'est pas tant le but Isyndar, que le chemin. J'ai déjà atteint mon objectif, suivre et me mettre au service de quelqu'un qui le mérite. Je pourrai me mettre à mon compte, c'est vrai, mais pour quoi faire ? Je ne cherche ni le pouvoir, ni le changement, et faire couler le sang dans le seul but de survivre... les decennies passent et cela devient aussi vain que de lutter contre sa nature."

Il posa une main sur le museau de la dragonne, puis il le caressa distraitement, son esprit voletant de pensée en pensée.

"Oui, enseigner aux futurs générations, qui le feront à leur tour et ainsi de suite. La connaissance s'accumulant au fil des âges, jusqu'à que nous devenions si puissants que nous en serons innarêtables... Mais pour quoi faire ? Simplement pour savoir, pour explorer, pour vivre ? Crois-tu que des êtres à la vie aussi longue que la nôtre pourront se satisfaire de cela ? Les siècles passent dans un éternel recommencement et l'ennui nous guette tous bien vite. Rares sont ceux qui comme toi et moi se satisferont du chemin. La plupart ont besoin d'un but.

Mais il est plus rare encore que le but recherché soit commun à tous. Chacun trouve le sien. Inévitablement, fatalement, ils entrent en contradiction. Alors c'est le conflit, alors c'est la guerre..."

Roëric laissa un temps ses sombres reflexions de côté pour se concentrer sur la réponse de sa dragonne. C'était fascinant que d'apprendre le processus par elle, même s'il sentait bien qu'elle essayait vainement de lui retranscrire des sensations, un instinct, qui ne trouvait aucune traduction dans le langage commun.

"Je vois."

Il n'y avait rien d'autre à dire. Il n'avait pas à juger le choix de Shaynar, ni même à le discuter. Du reste, il avait voulu une explication, il l'avait eu.

"Nous sommes déjà traqués par monts et par vaux. Nous l'avons toujours été. Et j'ai été la proie d'un grand nombre d'ennemis depuis bien avant ton éclosion. Cela ne change rien pour moi."

« -Mais il a des rêves. Comme toi ou moi ? Certes illusoires mais il en a. En cet instant combien en a encore en ce monde ? Et les rares qui en ont se battent pour cela. Comme nous. Je sais bien que se raccrocher à ses rêves peut amener à la folie ou à atteindre un but qui ne se réalisera jamais au détriment de la vie qui coule auprès de soit, mais qu'est-on sans rêve ? »

Oh oui les rêves ne pouvaient pas être tous atteint mais devait-on les abandonner pour autant. Et si jamais. Bien sûr redevenir humain dans le cas de Kylian était illusoire, mais pourquoi pas celui de vivre avec la femme qu'il aime. Comme elle d'apporter son aide à la nouvelle génération de dragonnier à peine née et de chercher à trouver la paix qu'ils méritent tous.

« -Mais parfois la vie fait qu'on veut que cela se réalise. Regarde nous. Je voulais trouver mon lié et j'y suis parvenue par l'aide du Dracos. Mais j'aurai pu ne pas te trouver. J'ai fait un sacré chemin et toi aussi. Tu aurais pu mourir avant et moi rester à vie dans mon œuf. Mais la vie nous offre parfois des opportunités. Des moyens détournés d'y parvenir. »

Revenant aux futurs liés, à la nouvelle génération, Isyndar lui souffla sa vision, son rêve à elle, comment elle espérait voir évoluer l'avenir. Des images douces, sereines et idéalisées. Mais qui pouvaient être vraies si chacun mettait du sien.

« -Leur apprendre à ne pas avoir la volonté de passer au dessus de notre force. Imagine un dragonnier fou avec un dragon impétueux désireux tous deux de montrer leur force. Oui, là la paix est menacée et l'équilibre rompu, à leur permettre de trouver un but. C'est pour cela que nous avons un droit d'enseignement et devoir même. Pour ne pas perdre le contrôle. Ou bien, il faut accepter la fin des dragons. Une nouvelle fois. »

Ce qui serait le cas si une alliance entre les dragons ne se faisaient pas. Mais cela paraissait compromis. Sa rencontre avec le dragon d'or humain et le dragon de feu sauvage ne lui avait guère permis de penser cela possible. Mais Silarae et Shaynar, eux, semblaient pour. Cela venait étrangement des dragons liés à des créatures rejetées par leur nature. Que fallait-il en penser ?

« -Ou des buts. Nous pouvons en avoir plusieurs. Un seul but dans la vie est monotone. Et notre sagesse chassera la guerre. »

Isyndar pose son museau contre la main de son lié. Sa peau écaillée chaude contre la froide du vampire. Dans ses moments, la dragonne de l'ombre savait qu'elle avait fait le bon choix en choisissant ce vampire. Il ne voyait pas le potentiel qu'il avait. Ni même la sagesse dont il pouvait faire preuve. Peut être avait vécu trop longtemps. Mais elle était là pour lui montrer qu'il en valait la peine et même plus.

« -Alors cela nous promet de belles aventures. Mais pour le moment, nous devons retrouver Shaynar. Il a le droit de savoir et de connaître une nouvelle donne pour nous les dragons. »

Qu'est-on sans rêve ? Bonne question. Un adulte qui a perdu ses illusions. Probablement. Par bien des aspects, Isyndar, malgré toute sa sagesse draconique, n'était encore qu'une enfant. Les décennies, puis les siècles défilaient, chacun apportant son lot de souffrances et d'atrocités. Une vie si longue qu'elle avait tendance à vous rendre plus amer qu'épanoui. Surtout que les vampires analysaient le monde d'une étrange façon. Avec pragmatisme et froideur, le voyant tel qu'il est et non tel qu'on voudrait qu'il soit. Une bonne et une mauvaise chose. Cela les gardait en vie, mais le Dracos savait que cela n'apportait pas le bonheur.

Ce n'était jamais le cas avec la vérité. Avec la réalité.

"Nous sommes ce que nous sommes ma belle, ni plus ni moins. Je n'aime pas les rêves. Ce ne sont que des fantasmes qu'on se ressasse de temps à autre, tout en sachant parfaitement que cela n'arrivera jamais. Je préfère me fixer des objectifs bien réels, et les atteindre coûte que coûte. Ca manque un brin de romantisme, je te l'accorde, mais ça me semble plus efficace."

Il sourit, comme amusé par sa propre réponse.

"Oui, c'est vrai. Parfois la vie offre bien des surprises, bien des opportunités. Et heureusement d'ailleurs, le contraire serait atrocement ennuyeux. Néanmoins je n'aurai jamais imaginé devenir dragonnier. Rien n'est fixé dans le marbre, malgré toutes les certitudes que nous offre l'expérience. Celles-ci peuvent être remises en cause. Voir même voler en éclat. Oui, c'est ce qui rend tout cela si intéressant."

Fermant les yeux, il vit défiler les images que lui offrait sa liée. Celle d'un possible futur. Sûrement celui dont elle rêvait. Il était agréable, il fallait l'admettre : paisible, reposant. Comme une bonne sieste après une ascension difficile. Mais c'était un rêve. Idéal, partant du principe que tout le monde allait travailler main dans la main pour y parvenir. Lorenz Wintel aurait éclaté de rire. Ou craché de dégoût.

"Fou ? Je ne sais pas. Mais des ambitieux il y en aura toujours, de même que des dragons trop fier pour leur propre bien. Le rouge chez les elfes par exemple, qui avait l'air persuadé d'être l'Esprit de la Mort en personne : décidant qui vit et qui meurt. Pas sûr que celui-là s'intéresse à notre projet, sauf si on lui jure tous allégeance évidemment."

Roëric avait prononcé ces derniers mots d'un ton ironique, montrant ainsi qu'il préférait devenir ermite et ne plus quitter les montagnes.

"Mais je me suis toujours vu enseigner plus tard. J'ai déjà eu des élèves bien sûr, mais je parle de quelque chose d'autre. Comme ouvrir une académie et enseigner l'escrime et la philosophie. Des dragonniers auront sûrement besoin de ça."

Il sourit de nouveau devant la remarque très pertinente de la dragonne et répondit par une question rhétorique.

"Quel intérêt pourrait avoir l'immortalité autrement ?"

Le vampire alla chercher sa couverture qu'il utilisa pour étouffer le feu. Ses yeux n'ayant aucun mal à voir dans le noir, il regroupa et rangea rapidement ses affaires. Nomade par nature, il avait l'habitude de ce genre de chose. Il pouvait sans mal prendre la décision puis partir en l'espace de quelques minutes.

Quand il eut tout sur lui, il aménagea correctement la selle d'Isyndar puis grimpa sur son dos.

"Alors allons-y, allons trouver le Premier né."

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